T-1080-20
2021 CF 488
Recours collectif envisagé
Kobe Mohr (représentant demandeur)
c.
Ligue nationale de hockey, American Hockey League Inc, ECHL Inc., Ligue canadienne de hockey, Ligue de hockey junior majeur du Québec Inc., Ligue de hockey de l’Ontario, Western Hockey League, Hockey Canada (défendeurs)
Répertorié : Mohr c. Ligue nationale de hockey
Cour fédérale, juge en chef Crampton—Ottawa, 27 mai 2021.
Concurrence — Recours collectif envisagé — Requête en radiation présentée par certains défendeurs et requête en modification présentée par le représentant demandeur (représentant demandeur ou demandeur) — Dans sa requête en modification, présentée en vertu de la règle 75 des Règles des Cours fédérales, le représentant demandeur a demandé l’autorisation de modifier une déclaration déposée au nom de tous les joueurs de hockey de niveau junior majeur qui ont signé un contrat standard de joueur (CSJ), qui était au cœur d’un ou de plusieurs des complots que les défendeurs auraient conclus ensemble (les membres du groupe) — Dans la déclaration, le demandeur a allégué que les défendeurs ont commis un seul complot, en contravention de l’art. 48(1) de la Loi sur la concurrence (la Loi) — Plus particulièrement, il a affirmé que les défendeurs ont comploté pour limiter déraisonnablement les possibilités des membres du groupe de négocier et de jouer avec certaines équipes de hockey — Les ligues canadiennes défenderesses, leur organisation cadre (la Ligue canadienne de hockey (LCH)) et Hockey Canada ont présenté une requête en radiation de la déclaration du demandeur dans laquelle elles ont maintenu qu’il était évident et manifeste que l’art. 48 de la Loi ne leur était pas applicable, puisque cette disposition vise uniquement les ententes et arrangements conclus entre des « équipes » et des « clubs » d’une même ligue, y compris leurs administrateurs, dirigeants ou employés — Elles ont ajouté que la déclaration ne pouvait pas être corrigée en la modifiant de manière à demander des dommages-intérêts relativement à des préjudices découlant d’un accord visé par les dispositions générales sur les complots de l’art. 45 de la Loi — Le représentant demandeur est un joueur de hockey qui a porté les couleurs d’une équipe de la Western Hockey League de 2015 à 2020 — La LCH est une entité qui organise les trois ligues de hockey « junior majeur » du Canada — Les défendeurs, la LCH, la LHJMQ, la LHO, la WHL et Hockey Canada (collectivement, les défendeurs intimés de la requête en modification et les défendeurs requérants de la requête en radiation) ont déposé leur requête en radiation avant le dépôt par le demandeur de sa requête en modification — Il s’agissait de savoir dans la requête en modification si le représentant demandeur a satisfaisait au critère pour obtenir une autorisation de modifier la déclaration; il s’agissait de savoir dans la requête en radiation s’il était évident et manifeste que la déclaration du représentant demandeur ne révélait aucune cause d’action valable ou constituait autrement un abus de procédure — Le fait qu’il n’y avait pas de précisions et de faits importants, comme l’exigent les règles 174 et 181 des Règles des Cours fédérales, a laissé la déclaration modifiée sans fondement suffisant pour soutenir les allégations modifiées qui y ont été formulées — Par conséquent, il était évident et manifeste que la déclaration modifiée ne révélait aucune cause d’action valable — En ce qui concerne la cause d’action valable au titre de l’art. 45 de la Loi, cette disposition ne vise pas les types d’accords allégués dans la déclaration modifiée — L’art. 45(1) de la Loi ne s’applique qu’aux « concurrents » qui concluent un complot, un accord ou un arrangement portant sur « la fourniture » ou « la production ou la fourniture » d’un produit à l’égard duquel ils sont en concurrence — Ces éléments de l’art. 45(1) constituaient un obstacle insurmontable pour le demandeur — À l’exception de certains clubs, aucun des autres défendeurs actuels ou proposés n’aurait été partie à un complot, un accord ou un arrangement avec un concurrent à l’égard d’un produit — Il était évident et manifeste que la LNH, la LCH et Hockey Canada ne sont pas des « concurrents » d’une autre partie à l’un ou l’autre des accords prétendument conclus à l’égard d’un produit — Les trois infractions proscrites à l’art. 45(1) ne s’appliquent qu’à la « fourniture » ou à la « production ou la fourniture » du produit à l’égard duquel les comploteurs présumés sont des concurrents — Le libellé de ces dispositions prévoit expressément qu’elles ne s’appliquent pas à l’achat ou à toute autre acquisition d’un produit — De toute évidence, les accords allégués dans la déclaration modifiée n’étaient pas de ce type — Compte tenu du sens ordinaire des termes employés à l’art. 45(1), de l’historique législatif de cette disposition et du régime législatif, il était évident et manifeste que le demandeur n’a invoqué aucune cause d’action valable contre les défendeurs actuels et proposés au titre de l’art. 45, relativement à la production et à la fourniture des services en cause dans la présente affaire — Il était évident et manifeste que la déclaration modifiée proposée ne révélait aucune cause d’action valable au titre de l’art. 48 — Il n’a pas été allégué et il n’était pas non plus évident que l’un ou l’autre des accords allégués conclus au sein d’une même ligue se rapportaient exclusivement à des sujets visés à l’art. 48(1), comme le prévoit l’art. 48(3) — Les diverses modifications proposées concernant les complots présumés liés aux salaires et à l’image des joueurs constituaient un abus de procédure parce que ces questions faisaient l’objet de litiges devant d’autres tribunaux — Les allégations modifiées ne fournissaient pas aux défendeurs intimés suffisamment de renseignements pour établir la preuve à réfuter — Les modifications proposées n’étaient pas dans l’intérêt de la justice, ne profiteraient pas aux parties de l’espèce et n’aideraient pas la Cour dans sa recherche de la vérité — En ce qui concerne la requête en radiation des défendeurs requérants, il était évident et manifeste que la déclaration ne révélait aucune cause d’action valable au titre des art. 36 ou 48 de la Loi ou de l’art. 1e) de la Déclaration canadienne des droits — En outre, les lacunes actuelles de la déclaration ne pourraient pas être éliminées en accordant au demandeur l’autorisation de modifier sa plaidoirie, comme il a demandé — Requête en modification rejetée; requête en radiation accueillie.
Il s’agissait de deux requêtes présentées par écrit dans le cadre d’un recours collectif envisagé : une requête en radiation présentée par certains des défendeurs et une requête en modification présentée par le représentant demandeur (représentant demandeur ou demandeur). Dans sa requête en modification, présentée en vertu de la règle 75 des Règles des Cours fédérales, le représentant demandeur a demandé l’autorisation de modifier une déclaration déposée au nom de tous les joueurs de hockey de niveau junior majeur qui ont signé un contrat standard de joueur (CSJ), qui était au cœur d’un ou de plusieurs des complots que les défendeurs auraient conclus ensemble (les membres du groupe). Dans la déclaration, le demandeur a allégué que les défendeurs ont commis un seul complot, en contravention du paragraphe 48(1) de la Loi sur la concurrence (la Loi). Plus particulièrement, il a affirmé que les défendeurs ont comploté pour limiter déraisonnablement les possibilités des membres du groupe de négocier et de jouer avec des équipes de la Ligue nationale de hockey (la LNH), de l’American Hockey League Inc. (la AHL) et de ECHL Inc. (aussi appelée l’East Coast Hockey League) (l’ECHL). Il a ajouté que les défendeurs ont comploté pour imposer des conditions déraisonnables aux membres du groupe. Les ligues canadiennes défenderesses, leur organisation-cadre (la Ligue canadienne de hockey (LCH)) et Hockey Canada ont présenté une requête en radiation de la déclaration du demandeur dans laquelle elles ont maintenu qu’il était évident et manifeste que l’article 48 de la Loi ne leur était pas applicable, puisque cette disposition vise uniquement les ententes et arrangements conclus entre des « équipes » et des « clubs » d’une même ligue, y compris leurs administrateurs, dirigeants ou employés. Elles ont ajouté que la déclaration ne pouvait pas être corrigée en la modifiant de manière à demander des dommages-intérêts relativement à des préjudices découlant d’un accord visé par les dispositions générales sur les complots de l’article 45 de la Loi.
Dans la déclaration modifiée, le représentant demandeur a proposé d’ajouter 148 nouveaux défendeurs, à savoir les différentes équipes des trois ligues canadiennes défenderesses et des trois ligues américaines défenderesses. Il a mentionné également de nombreux accords illégaux qui auraient été conclus au sein de l’industrie du hockey, plutôt qu’un seul complot allégué. Le représentant demandeur est un joueur de hockey qui a porté les couleurs d’une équipe de la Western Hockey League (WHL) de 2015 à 2020. La LCH est une entité qui organise les trois ligues de hockey « junior majeur » du Canada, à savoir la Ligue de hockey junior majeur du Québec (la LHJMQ), la Ligue de hockey de l’Ontario (la LHO) et la WHL. Les défendeurs, la LCH, la LHJMQ, la LHO, la WHL et Hockey Canada (collectivement, les défendeurs intimés de la requête en modification et les défendeurs requérants de la requête en radiation) ont déposé leur requête en radiation avant le dépôt par le demandeur de sa requête en modification.
Il s’agissait de savoir dans la requête en modification si le représentant demandeur a satisfait au critère pour obtenir une autorisation de modifier la déclaration. Il s’agissait de savoir dans la requête en radiation s’il était évident et manifeste que la déclaration du représentant demandeur ne révélait aucune cause d’action valable ou constituait autrement un abus de procédure.
Arrêt : la requête en modification doit être rejetée et la requête en radiation doit être accueillie.
Au moment de décider s’il fallait accueillir la requête en modification du représentant demandeur, la Cour a tenu compte de ce qui suit : 1. la question de savoir s’il était évident et manifeste, dans l’hypothèse où les faits allégués seraient avérés, que la déclaration modifiée ne révélait aucune cause d’action valable; 2. la question de savoir si les modifications proposées aidaient la Cour à trancher les véritables questions litigieuses entre les parties; 3. la question de savoir si les modifications proposées servaient l’intérêt de la justice; et 4. la question de savoir si les modifications proposées causaient une injustice à l’autre partie que des dépens ne pouvaient réparer. Le fait qu’il n’y avait pas de précisions et de faits importants, comme l’exigent les règles 174 et 181 des Règles des Cours fédérales, a laissé la déclaration modifiée sans fondement suffisant pour soutenir les allégations modifiées qui y ont été formulées. Par conséquent, il était évident et manifeste que la déclaration modifiée ne révélait aucune cause d’action valable. Nonobstant cette conclusion, d’autres observations présentées par les défendeurs intimés à l’appui de leur position selon laquelle il ne fallait pas accorder au représentant demandeur l’autorisation de présenter la déclaration modifiée ont été abordées.
Les défendeurs intimés ont affirmé à juste titre que le demandeur n’a invoqué aucune cause d’action valable au titre de l’article 45 de la Loi. L’article 45 ne vise pas les types d’accords allégués dans la déclaration modifiée. Il est ressorti clairement, à la lecture du libellé du paragraphe 45(1), que cette disposition ne s’applique qu’aux « concurrents » qui concluent un complot, un accord ou un arrangement portant sur « la fourniture » ou « la production ou la fourniture » d’un produit à l’égard duquel ils sont en concurrence. Ces éléments du paragraphe 45(1) constituaient un obstacle insurmontable pour le demandeur. À l’exception des clubs de l’AHL et de l’ECHL et peut-être des clubs de la LNH, aucun des autres défendeurs actuels ou proposés n’aurait été partie à un complot, un accord ou un arrangement avec un « concurrent à l’égard d’un produit ». Il était évident et manifeste que la LNH, la LCH et Hockey Canada ne sont pas des « concurrents » d’une autre partie à l’un ou l’autre des accords prétendument conclus « à l’égard d’un produit ». De plus, comme les parties s’entendaient pour dire que la LNH, l’AHL et l’ECHL sont les ligues de hockey professionnel de premier, de deuxième et de troisième niveaux en Amérique du Nord, ces ligues ne sont pas des « concurrentes » l’une de l’autre, du moins en ce qui concerne le produit en cause dans la présente instance. Le « produit » en cause dans la présente affaire concernait les services des membres du groupe, à savoir un groupe composé du demandeur et de toutes les personnes qui ont signé un CSJ avec un club de l’une des trois ligues de la LCH pendant la période pertinente. À première vue, les trois infractions proscrites au paragraphe 45(1) de la Loi ne s’appliquent qu’à la « fourniture » ou à la « production ou la fourniture » du produit à l’égard duquel les comploteurs présumés sont des concurrents. Le libellé de ces dispositions prévoit expressément qu’elles ne s’appliquent pas à l’achat ou à toute autre acquisition d’un produit. De toute évidence, les accords allégués dans la déclaration modifiée n’étaient pas de ce type. Étant donné que ce sont les joueurs — et non les clubs de l’AHL et de l’ECHL — qui [traduction] « offrent », puis [traduction] « fournissent » les services en cause dans la présente affaire, il ressortait clairement du sens ordinaire des termes du paragraphe 45(1) que, au sens de la Loi, les clubs de ces ligues n’étaient pas des concurrents dans la production ou la fourniture de tels services. À la lumière de l’historique législatif et de l’économie de la Loi, il était également évident que les accords auxquels les clubs de l’AHL et de l’ECHL étaient allégués être parties n’étaient pas des accords qui concernent la production ou la fourniture de tels services comme l’envisage le paragraphe 45(1). Cet historique législatif appuyait la position des défendeurs intimés selon laquelle l’article 45 ne s’applique pas aux types d’accords d’achat auxquels eux-mêmes ou les autres défendeurs étaient allégués être parties. En bref, dans le cadre des modifications apportées en 2010, il était évident que le législateur avait l’intention de limiter l’application de l’article 45 aux accords concernant des grands cartels, c’est-à-dire les accords qui sont indéniablement préjudiciables à la concurrence. Pris ensemble, le régime législatif envisagé à l’article 2, aux paragraphes 45(1) et 45(4) et à l’article 90.1 de la Loi appuyait la position des défendeurs intimés selon laquelle les types d’accords auxquels eux-mêmes et les autres défendeurs étaient allégués avoir été parties n’étaient pas visés au paragraphe 45(1). En résumé, compte tenu du sens ordinaire des termes employés au paragraphe 45(1), de l’historique législatif de cette disposition et du régime législatif, il était évident et manifeste que le demandeur n’a invoqué aucune cause d’action valable contre les défendeurs actuels et proposés au titre de l’article 45, relativement à la production et à la fourniture des services en cause dans la présente affaire.
Il était évident et manifeste que la déclaration modifiée proposée ne révélait aucune cause d’action valable au titre de l’article 48. En effet, il n’a pas été allégué et il n’était pas non plus évident que l’un ou l’autre des accords allégués conclus au sein d’une même ligue se rapportaient exclusivement à des sujets visés au paragraphe (1), comme le prévoit le paragraphe 48(3). L’interprétation des paragraphes 48(1) et (3) invoquée par le demandeur n’était pas étayée par le sens ordinaire des termes du paragraphe 48(3), l’économie de l’article 48 dans son ensemble ou l’historique législatif de cette disposition. Au contraire, ces termes et cette économie et l’historique législatif concordent tous davantage avec l’interprétation plus étroite préconisée par les défendeurs intimés. Dans la mesure où l’article 48, une disposition pénale, était ambigu, l’interprétation plus étroite des défendeurs intimés devait l’emporter.
La déclaration modifiée constituait un abus de procédure parce qu’elle visait à ajouter des allégations de complot liées au salaire des joueurs de hockey qui faisaient l’objet de trois recours collectifs devant les cours supérieures de l’Ontario, du Québec et de l’Alberta, respectivement. Mettre ces questions en litige dans la présente instance soulèverait le spectre d’une multiplicité d’instances sur ces questions. Par conséquent, les diverses modifications proposées concernant les complots présumés liés aux salaires et à l’image des joueurs constituaient un abus de procédure.
En conclusion, il était évident et manifeste que la déclaration modifiée proposée ne révélait aucune cause d’action valable. Cette conclusion constituait un fondement suffisant pour rejeter la demande du demandeur d’apporter les modifications énoncées dans la déclaration modifiée, mais d’autres facteurs à prendre en considération dans le cadre d’une requête ont été abordés.
Les allégations modifiées ne fournissaient pas aux défendeurs intimés suffisamment de renseignements pour établir la preuve à réfuter, contrairement à ce que le demandeur a fait valoir. À la suite des modifications proposées, la déclaration modifiée était environ deux fois plus longue que la déclaration initiale. Pourtant, plutôt que d’aider la Cour à cerner les véritables questions litigieuses entre les parties, elle introduirait de nouvelles complexités et plusieurs nouvelles questions. Au lieu de fournir plus de précisions et de clarté, elle donnerait lieu à de nombreuses nouvelles questions à trancher et ce, en partie en raison de l’absence de précisions et de faits suffisants sur les divers complots allégués et leurs liens avec les articles 45 et 48 de la Loi, ce qui a incité à ne pas faire droit à la demande du demandeur en vue d’apporter les modifications mentionnées dans ce document.
Les modifications proposées n’étaient pas dans l’intérêt de la justice et ne profiteraient pas aux parties de l’espèce et n’aideraient pas la Cour dans sa recherche de la vérité, contrairement à ce que le demandeur a soutenu. Ces considérations ont incité à ne pas faire droit à la demande du demandeur en vue d’apporter les modifications mentionnées dans la déclaration modifiée. De même, les modifications proposées par le demandeur introduiraient de nouvelles complexités et de nouveaux enjeux et poseraient un ensemble de nouvelles questions. Prises ensemble, ces complexités et questions prolongeraient probablement considérablement les procédures. Étant donné que les dépens adjugés par la Cour ne compensent habituellement pas entièrement les parties pour les frais engagés afin d’obtenir gain de cause dans le cadre d’une instance, les nouvelles complexités et questions et les nouveaux enjeux présentés dans la déclaration modifiée ont incité à ne pas faire droit à la demande du demandeur en vue d’apporter les modifications contenues dans la déclaration modifiée.
En ce qui concerne la requête en radiation des défendeurs requérants, elle ne pouvait être accueillie que s’il était évident et manifeste, dans l’hypothèse où les faits allégués seraient avérés, que la déclaration ne révélait aucune cause d’action valable. Il était évident et manifeste, même dans l’hypothèse où les faits allégués seraient avérés, que la déclaration ne révélait aucune cause d’action valable au titre des articles 36 ou 48 de la Loi ou de l’alinéa 1e) de la Déclaration canadienne des droits, comme la déclaration le mentionnait. En outre, les lacunes actuelles de la déclaration ne pourraient pas être éliminées en accordant au demandeur l’autorisation de modifier sa plaidoirie, comme il a demandé.
LOIS ET RÈGLEMENTS CITÉS
Déclaration canadienne des droits, S.C. 1960, ch. 44 [L.R.C. (1985), appendice III], art. 1e), 2.
Loi d’exécution du budget de 2009, L.C. 2009, ch. 2, art. 410, 429.
Loi relative aux enquêtes sur les coalitions, S.R.C. 1970, ch. C-23, art. 32.3.
Loi sur la concurrence, L.R.C. (1985), ch. C-34, art. 2(1) « fournir ou approvisionner », 6(1), 36, 45, 48, 78, 79, 90.1.
Projet de loi C-2, Loi modifiant la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions et la Loi sur les banques et abrogeant la Loi ayant pour objet la modification de la Loi modifiant la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions et le Code criminel, 1re sess., 30e lég., 1974, clause 15.
Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, règles 75, 174, 181, 200, 221.
JURISPRUDENCE CITÉE
DÉCISIONS APPLIQUÉES :
McCain Foods Limited c. J.R. Simplot Company, 2021 CAF 4; Teva Canada Limitée c. Gilead Sciences Inc., 2016 CAF 176; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, 2019 CSC 65, [2019] 4 R.C.S. 653.
DÉCISIONS EXAMINÉES :
Goulet c. National Hockey League et autres, [1980] R.P.Q. 122, AZ-80122012 (C. sup.); Reed v. Canadian Football League (1988), 62 Alta. L.R. (2d) 347, [1988] A.J. no 1236 (QL) (Q.B.); Authorson c. Canada (Procureur général), 2003 CSC 39, [2003] 2 R.C.S. 40.
DÉCISIONS CITÉES :
Verma c. Canada, 2006 CF 1353; Pelletier c. Canada, 2020 CF 1019; Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27; Bell ExpressVu Limited Partnership c. Rex, 2002 CSC 42, [2002] 2 R.C.S. 559; R. c. McLaughlin, [1980] 2 R.C.S. 331; R. c. McIntosh, [1995] 1 R.C.S. 686; Dow Chemical Canada ULC v. NOVA Chemicals Corporation, 2018 ABQB 482; Walter c. Quebec Major Junior Hockey League Inc., 2019 QCCS 2334; Perron-Malenfant c. Malenfant (Syndic de), [1999] 3 R.C.S. 375; Ontario c. Canadien Pacifique Ltée, [1995] 2 R.C.S. 1031; Berg v. Canadian Hockey League, 2020 ONSC 6389; Walter c. Ligue de hockey junior majeure du Québec inc., 2020 QCCS 3724; Berg v. Canadian Hockey League, 2017 ONSC 2608, inf. par 2019 ONSC 2106 (C. div.); Walter v. Western Hockey League, 2017 ABQB 382, 62 Alta. L.R. (6th) 85; Catalyst Capital Group Inc. v. VimpelCom Ltd., 2019 ONCA 354, 145 O.R. (3d) 759; Winter v. Sherman Estate, 2018 ONCA 703, 42 E.T.R. (4th) 181; Erschbamer v. Wallster, 2013 BCCA 76, 356 D.L.R. (4th) 634; Walter v. Western Hockey League, 2020 ABQB 631; Pelletier c. Canada (Procureur général), 2006 CAF 418.
DOCTRINE CITÉE
Bureau de la concurrence Canada. Déclaration du Bureau de la concurrence à propos de l’application de la Loi sur la concurrence relativement aux accords de non-débauchage, de fixation des salaires et autres accords entre acheteurs, Gatineau : Bureau de la concurrence, 27 novembre 2020, en ligne : <https://www.canada.ca/fr/bureau-concurrence/nouvelles/2020/11/declaration-du-bureau-de-la-concurrence-a-propos-de-lapplication-de-la-loi-sur-la-concurrence-relativement-aux-accords-de-non-debauchage-de-fixatio.html>.
Bureau de la concurrence Canada. Lignes directrices sur la collaboration entre concurrents, Ottawa : Sa Majesté la Reine du Chef du Canada, 6 mai 2021.
Canada. Chambre des communes. Rapport du Comité permanent de l’industrie, des sciences et de la technologie. Plan d’actualisation du régime de concurrence canadien (avril 2002) (président : Walt Lastewka).
Canada. Chambre des communes. Réponse du gouvernement au Rapport final du Comité permanent de l’industrie, des sciences et de la technologie, Plan d’actualisation du régime de concurrence canadien (1er octobre 2002).
Canada. Parlement. Sénat. Délibérations du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, Témoignages, 30e lég., 1re sess., fascicule no 61 (19 novembre 1975).
Consommation et Corporations, Propositions pour une nouvelle politique de concurrence pour le Canada, Ottawa : Consommation et Corporations, novembre 1973.
Driedger, Elmer A. Construction of Statutes, 2e éd. Toronto : Butterworths, 1983.
Gouvernement du Canada. Foncer pour gagner : Rapport final – juin 2008, Ottawa : Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, 2008.
REQUÊTE EN RADIATION présentée par certains des défendeurs et REQUÊTE EN MODIFICATION présentée par le représentant demandeur dans le cadre d’un recours collectif envisagé mettant en cause des ligues de hockey et la Loi sur la concurrence. Requête en radiation accueillie; requête en modification rejetée.
ONT COMPARU :
Felix-Antoine Michaud et Maxime Saint-Onge pour le représentant demandeur.
Eric C. Lefebvre, Francesca Taddeo et Erika Woolgar pour les défendeurs.
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
Trivium Avocats Inc, Brossard, pour le représentant demandeur.
Norton Rose Fulbright Canada, LLP / S.E.N.C.R.L., s.r.l., Montréal, pour les défendeurs.
Ce qui suit est la version française des motifs de l’ordonnance et de l’ordonnance rendus par
Le juge en chef Crampton :
I. Introduction
II. Les parties
IV. Les dispositions pertinentes des Règles des Cours fédérales
V. Analyse — Requête en modification
A. Les principes juridiques applicables
B. Évaluation
a) Le défaut de révéler une cause d’action valable
(i) L’insuffisance de précisions et de faits importants
(ii) Le défaut de révéler un motif d’action valable au titre de l’article 45 de la Loi
(iii) Le défaut de révéler une cause d’action valable au titre de l’article 48 de la Loi
(iv) Les autres allégations ne sont pas visées à l’article 36
b) La déclaration modifiée constitue-t-elle un abus de procédure?
(iii) L’instance au Québec
(iv) Analyse
c) La déclaration modifiée est-elle scandaleuse, frivole ou vexatoire?
3) Les modifications proposées serviraient-elles l’intérêt de la justice?
C. Conclusion
VI. Analyse — Requête en radiation
ORDONNANCE dans le dossier T-1080-20
I. Introduction [Retour à la table des matières]
[1] Les présents motifs se rapportent à deux requêtes présentées par écrit dans le cadre du recours collectif envisagé : (i) une requête en radiation présentée par certains des défendeurs, et (ii) une requête en modification présentée par le représentant demandeur, M. Kobe Mohr. Je vais d’abord me pencher sur la seconde requête.
[2] Dans sa requête, M. Mohr demande l’autorisation de modifier une déclaration déposée au nom de tous les joueurs de hockey de niveau junior majeur qui ont signé un contrat standard de joueur (CSJ), qui est au cœur d’un ou de plusieurs des complots que les défendeurs auraient conclus ensemble (les membres du groupe).
[3] Dans la déclaration, M. Mohr allègue que les défendeurs ont commis un seul complot, en contravention du paragraphe 48(1) de la Loi sur la concurrence, L.R.C. (1985), ch. C-34 (la Loi). Plus particulièrement, il affirme que les défendeurs ont comploté pour limiter déraisonnablement les possibilités des membres du groupe de négocier et de jouer avec des équipes de la Ligue nationale de hockey (la LNH), de l’American Hockey League Inc. (la AHL) et de ECHL Inc. (aussi appelée l’East Coast Hockey League) (l’ECHL). Il ajoute que les défendeurs ont comploté pour imposer des conditions déraisonnables aux membres du groupe, dont l’imposition de [traduction] « salaires nominaux » et [traduction] « la perte de droits de commercialiser leur image, de commandites et de possibilités de promouvoir des produits ». Par conséquent, il demande des dommages-intérêts au titre de l’alinéa 36(1)a) de la Loi pour les pertes subies en raison du complot allégué. Il estime que ces pertes s’élèvent à environ 825 millions de dollars.
[4] La présente requête a été soumise après que les ligues canadiennes défenderesses, leur organisation-cadre (la Ligue canadienne de hockey (la LCH)) et Hockey Canada ont fait part de leur intention de présenter une requête en radiation de la déclaration. Ces défendeurs ont expliqué que, dans leur requête en radiation, ils maintiendraient qu’il est évident et manifeste que l’article 48 de la Loi ne leur est pas applicable, puisque cette disposition vise uniquement les accords et arrangements conclus entre des « équipes » et des « clubs » d’une même ligue, y compris leurs administrateurs, dirigeants ou employés. Ils ont ajouté que la déclaration ne peut pas être corrigée en la modifiant de manière à demander des dommages-intérêts relativement à des préjudices découlant d’un accord visé par les dispositions générales sur les complots de l’article 45 de la Loi.
[5] Dans la déclaration modifiée, M. Mohr propose d’ajouter 148 nouveaux défendeurs, à savoir les différentes équipes des trois ligues canadiennes défenderesses et des trois ligues américaines défenderesses. Il mentionne également de nombreux accords illégaux qui auraient été conclus au sein de l’industrie du hockey, plutôt qu’un seul complot allégué. Dans son avis de requête, il mentionne des [traduction] « complots au sein d’une même ligue et d’autres faisant intervenir plus d’une ligue […] [des complots qui] […] peuvent être visés par l’un ou l’autre des articles 45 et 48 ».
[6] La déclaration modifiée fournit également des renseignements supplémentaires sur la rémunération des joueurs de niveau junior, les restrictions auxquelles ces joueurs sont assujettis, les avantages tirés par leurs clubs et leurs ligues, la hiérarchie des diverses ligues du milieu du hockey, le repêchage des équipes de niveau junior, le repêchage de la LNH, la situation prétendument plus favorable des joueurs européens de niveau junior et des joueurs de niveau junior de certaines parties du système de hockey des États-Unis ainsi que le produit et les marchés pertinents. De plus, elle traite brièvement de quelques-uns des accords contestés.
[7] Enfin, dans la déclaration modifiée, le demandeur sollicite de nouvelles mesures déclaratoires et injonctives, ainsi que des [traduction] « réparations justifiées par » certaines dispositions non pénales de la partie VIII [art. 75 à 107] de la Loi.
[8] Pour les motifs énoncés ci-dessous à la partie V de la présente décision, la requête en modification sera rejetée. Pour les motifs énoncés à la partie VI ci-dessous, la requête en radiation de la déclaration sera accueillie.
II. Les parties [Retour à la table des matières]
[9] Le représentant demandeur, Kobe Mohr, est un joueur de hockey qui a porté les couleurs d’une équipe de la Western Hockey League (WHL) de 2015 à 2020.
[10] La LCH est une entité qui organise les trois ligues de hockey « junior majeur » du Canada, à savoir la Ligue de hockey junior majeur du Québec (la LHJMQ), la Ligue de hockey de l’Ontario (la LHO) et la WHL. La LHJMQ est composée de 18 clubs au Québec et dans les provinces maritimes. La LHO compte 20 clubs en Ontario et aux États-Unis. Le WHL compte 22 clubs dans l’Ouest canadien et aux États-Unis.
[11] Hockey Canada est l’organisme national qui régit le hockey sur glace au Canada. Elle représente également le Canada au sein de la Fédération internationale de hockey sur glace.
[12] La LNH est la ligue de hockey professionnel de premier niveau en Amérique du Nord. Elle compte 32 équipes aux États-Unis et au Canada.
[13] L’AHL est la ligue de hockey professionnel de deuxième niveau en Amérique du Nord. Elle compte 31 équipes aux États-Unis et au Canada.
[14] L’ECHL est la ligue de hockey professionnel de troisième niveau en Amérique du Nord. Elle compte 26 équipes aux États-Unis et au Canada.
III. Les questions en litige [Retour à la table des matières]
[15] La requête en modification du demandeur soulève une seule question, à savoir si M. Mohr a satisfait au critère pour obtenir une autorisation de modifier la déclaration.
[16] La requête en radiation présentée par certains défendeurs soulève également une seule question, à savoir s’il est évident et manifeste que la déclaration ne révèle aucune cause d’action valable ou constitue autrement un abus de procédure.
IV. Les dispositions pertinentes des Règles des Cours fédérales [Retour à la table des matières]
[17] La requête en modification a été présentée en vertu de la règle 75 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 (les Règles). Le paragraphe 75(1) des Règles prévoit que la Cour peut, sur requête, autoriser une partie à modifier un document, aux conditions qui permettent de protéger les droits de toutes les parties.
[18] La règle 200 prévoit une exception à la règle 75 en ce qui concerne les modifications aux actes de procédure. Cependant, cette exception ne s’applique pas aux actes de procédure qui font l’objet d’une requête en radiation : Verma c. Canada, 2006 CF 1353, au paragraphe 14.
[19] Les défendeurs, la LCH, la LHJMQ, la LHO, la WHL et Hockey Canada (collectivement, les « défendeurs intimés » de la requête en modification et les « défendeurs requérants » de la requête en radiation) ont déposé leur requête en radiation le 14 décembre 2020, soit avant le dépôt par M. Mohr de la présente requête en modification. Par conséquent, l’exception prévue à la règle 200 ne s’applique pas, et une autorisation de modification est requise.
[20] Pour les motifs énoncés immédiatement ci-dessous, la règle 221 est pertinent au moment d’examiner une requête en modification d’un acte de procédure. Cet article est ainsi libellé :
Requête en radiation
221(1) À tout moment, la Cour peut, sur requête, ordonner la radiation de tout ou partie d’un acte de procédure, avec ou sans autorisation de le modifier, au motif, selon le cas :
a) qu’il ne révèle aucune cause d’action ou de défense valable;
b) qu’il n’est pas pertinent ou qu’il est redondant;
c) qu’il est scandaleux, frivole ou vexatoire;
d) qu’il risque de nuire à l’instruction équitable de l’action ou de la retarder;
e) qu’il diverge d’un acte de procédure antérieur;
f) qu’il constitue autrement un abus de procédure.
Elle peut aussi ordonner que l’action soit rejetée ou qu’un jugement soit enregistré en conséquence.
[21] Au moment d’examiner la règle 221, il est important de garder à l’esprit la règle 174, qui est ainsi libellé :
Exposé des faits
174 Tout acte de procédure contient un exposé concis des faits substantiels sur lesquels la partie se fonde; il ne comprend pas les moyens de preuve à l’appui de ces faits.
[22] Enfin, la règle 181 exige que chaque plaidoyer contienne des précisions sur toute allégation qu’il contient.
B. La requête en radiation [Retour à la table des matières]
[23] La règle 221 autorise la Cour, sur requête et pour de nombreux motifs, à ordonner la radiation d’un acte de procédure, en totalité ou en partie, avec ou sans autorisation de le modifier. Le fait que l’acte de procédure ne révèle aucune cause d’action valable ou constitue autrement un abus de procédure est l’un des motifs visés par la règle 221.
V. Analyse — Requête en modification [Retour à la table des matières]
A. Les principes juridiques applicables
[24] Les principes à appliquer dans le cadre d’une requête en modification d’un acte de procédure ont récemment été reformulés comme suit :
La règle générale est qu’une modification devrait être autorisée à tout stade de l’action aux fins de déterminer les véritables questions litigieuses entre les parties, pourvu, notamment, que cette autorisation ne cause pas d’injustice à l’autre partie que des dépens ne pourraient réparer, et qu’elle serve les intérêts de la justice : Canderel Ltée c. Canada, [1994] 1 C.F. 3, [1993] A.C.F. no 777 (C.A.); Enercorp au para. 19. Cependant, la protonotaire a noté que la modification proposée doit avoir une possibilité raisonnable de succès : Teva Canada Limitée c. Gilead Sciences Inc., 2016 CAF 176, [2016] A.C.F. no 605 aux para. 29 à 32 (Teva). Autrement dit, la modification proposée sera refusée s’il est évident et manifeste, dans l’hypothèse où les faits allégués seraient avérés, que la déclaration ne révèle aucune cause d’action valable : R. c. Imperial Tobacco Canada Ltée, 2011 CSC 42, [2011] 3 R.C.S. 45 au para. 17 (Imperial Tobacco).
Pour décider si une modification présente une possibilité raisonnable de succès, il faut examiner ses chances de succès dans le contexte du droit et du processus judiciaire et adopter un point de vue réaliste : Teva au para. 30; Imperial Tobacco au para. 25.
McCain Foods Limited c. J.R. Simplot Company, 2021 CAF 4 [aux paragraphes 20 et 21].
[25] Dans l’arrêt Teva, précité [Teva Canada Limitée c. Gilead Sciences Inc., 2016 CAF 176], l’exigence selon laquelle les modifications proposées ont une chance raisonnable de succès a été décrite comme « une condition préalable », dans la mesure où il faut l’établir avant d’aller plus loin et de se pencher sur d’autres questions (Teva, précité, au paragraphe 31). La Cour a ajouté qu’il « est illogique qu’un tribunal accorde une modification qui est vouée à l’échec » et que si les actes de procédure modifiés « n’ont pas de possibilité raisonnable de succès, les admettre ne ferait que compliquer et prolonger inutilement le litige » (Teva, précité, au paragraphe 28).
[26] Compte tenu de ce qui précède, au moment de décider s’il faut accorder une autorisation de modifier un acte de procédure, la Cour doit tenir compte de ce qui suit :
1. Est-il évident et manifeste, dans l’hypothèse où les faits allégués seraient avérés, que la déclaration modifiée ne révèle aucune cause d’action valable?
2. Les modifications proposées aideraient-elles la Cour à trancher les véritables questions litigieuses entre les parties?
3. Les modifications proposées serviraient-elles l’intérêt de la justice?
4. Les modifications proposées causeraient-elles une injustice à l’autre partie que des dépens ne pourraient réparer?
B. Évaluation [Retour à la table des matières]
[27] Les défendeurs intimés[1] soutiennent que la déclaration modifiée ne survivrait pas à une requête en radiation en vertu de la règle 221, et ce, pour trois raisons distinctes : (i) elle ne révèle aucune cause d’action valable; (ii) elle constitue un abus de procédure; et (iii) elle est scandaleuse, frivole et vexatoire. Pour les motifs exposés ci-dessous, je suis d’accord avec les deux premières observations. Par conséquent, j’estime qu’il n’est pas nécessaire d’aborder la troisième.
a) Le défaut de révéler une cause d’action valable [Retour à la table des matières]
(i) L’insuffisance de précisions et de faits importants
[28] Les défendeurs intimés affirment que la déclaration modifiée ne fournit pas suffisamment de précisions et de faits importants, comme l’exigent les règles 174 et 181 . Plus précisément, ils soutiennent que la déclaration allègue un seul complot en contravention de l’article 48 de la Loi, tandis que la déclaration modifiée invoque de multiples complots allégués, mais sans fournir suffisamment de précisions et de faits importants pour qu’un défendeur donné puisse comprendre la preuve à réfuter. Je suis du même avis.
[29] La déclaration modifiée fait référence à ce qui semble être six complots distincts ou groupes d’accords constituant chacun un complot :
1. Un accord entre la LNH et la LCH. Cet accord, dont il est question aux paragraphes 3.1, 47.1 et 47.2, est décrit comme ayant défini [traduction] « les modalités d’un partenariat dans leur intérêt commun, mais au détriment des joueurs canadiens de la LCH ». Cependant, aucune précision au sujet de ces modalités et de leur incidence sur les joueurs de hockey canadiens n’a été fournie. La déclaration modifiée mentionne simplement et vaguement [traduction] « diverses activités, y compris l’application de règles restrictives, qui, selon les présentes, constituent des restrictions illégales et déraisonnables au commerce ». De même, aucun fait important ni aucune explication ne sont fournis pour expliquer les raisons pour lesquelles il est affirmé que cet accord contrevient ou pourrait contrevenir aux articles 45 ou 48 de la Loi.
2. Un nombre non précisé d’accords entre la LNH, les clubs de la LNH et la LCH, qui sont mentionnés au paragraphe 47.3. Il est allégué que, en raison de ces accords, les clubs de la LNH ont accepté de ne pas signer de contrats avec des joueurs de moins de 18 ans qui jouent dans la LCH et de ne pas confier à leur entité affiliée de l’AHL ou de l’ECHL un joueur de moins de 20 ans qui a un contrat avec la LNH ou l’AHL si ce joueur a aussi un contrat dans la LCH. Cependant, encore une fois, aucun autre renseignement n’est fourni sur ces accords (y compris la question de savoir si deux clubs ou plus sont parties à l’un ou l’autre de ces accords) ou sur les raisons pour lesquelles il est affirmé que ces accords contreviennent ou pourraient contrevenir aux articles 45 ou 48 de la Loi.
3. Un nombre non précisé d’accords allégués entre les clubs de la LNH et leurs clubs affiliés de l’AHL ou de l’ECHL au titre desquels les parties aux accords auraient accepté de ne pas accorder de contrat à des joueurs nord-américains qui jouent ou ont joué pour un club de la LCH tant que ceux-ci sont admissibles à jouer dans la LCH. Mis à part cette simple affirmation, qui figure aux paragraphes 47.6 et 47.18, aucun autre renseignement n’a été fourni. En l’absence d’autres précisions ou faits importants, il est difficile de savoir en quoi ces accords allégués contreviennent aux articles 45 ou 48.
4. Un ou plusieurs accords entre la LCH, la WHL, la LHO et la LHJMQ, au titre desquels les ligues auraient accepté de normaliser les contrats conclus avec les joueurs de façon, entre autres, à [traduction] « imposer aux joueurs des plafonds de rémunération très bas et les priver de toute possibilité de mettre en valeur leur temps, leurs compétences ou leurs talents, et même leur image ou leur nom aux fins de publicités ou de commandites ». Ces accords sont mentionnés aux paragraphes 3.2, 13, 14 et 47.8. Comme dans le cas des accords allégués examinés ci-dessus, la déclaration modifiée ne décrit pas en quoi ce ou ces accords allégués intervenus entre la LCH et ses trois ligues membres dans le but d’imposer des CSJ sont visés aux articles 45 et 48 de la Loi. La déclaration modifiée reprend plutôt simplement le libellé des alinéas 48(1)a) et 48(1)b) en alléguant que les CSJ limitent les possibilités des joueurs de participer à un sport professionnel, leur imposent des conditions déraisonnables (y compris une rémunération déraisonnable et des restrictions à la capacité des joueurs de commercialiser leur propre image) et limitent leurs possibilités de négocier avec l’équipe de leur choix.
5. Un ou plusieurs accords entre les défendeurs intimés et avec [traduction] « la LNH et ses entités affiliées », qui, entre autres, empêchent les joueurs de hockey canadiens de jouer dans d’autres ligues ou avec d’autres clubs. Il est allégué que ces accords, qui sont mentionnés au paragraphe 47.8, [traduction] « limitent de façon déraisonnable les possibilités des membres du groupe de jouer au hockey professionnel » et [traduction] « d’offrir leurs services ailleurs, principalement dans l’AHL et l’ECHL, pour une meilleure rémunération » tant qu’ils peuvent jouer dans la LCH. Cependant, encore une fois, ces affirmations ne font que paraphraser le libellé des alinéas 48(1)a) et 48(1)b) de la Loi, sans fournir d’autres précisions ou faits importants. De plus, aucune explication n’est fournie quant à la raison pour laquelle ces restrictions sont considérées comme déraisonnables au sens de l’article 48 et à l’égard des questions énoncées au paragraphe 48(2) de la Loi.
6. Un accord entre la LCH, Hockey Canada et une ou plusieurs entités non nommées aux États-Unis qui prive les membres du groupe de l’avantage de la concurrence pour leurs services. Cet accord, mentionné au paragraphe 8.2, est décrit comme [traduction] « la modification de l’accord de transfert entre les États-Unis, la LCH et [Hockey Canada] afin que les membres du groupe ne puissent pas tenter d’obtenir des bourses en échange de leur participation au sein de la NCAA ». Aucun autre renseignement n’est fourni au sujet de cet accord allégué. En effet, il n’est pas allégué que les parties à l’accord en question sont des « concurrents » au sens de l’article 45 de la Loi ou que l’accord contrevient de quelque façon que ce soit à l’article 48.
[30] L’absence de précisions et de faits importants décrite ci-dessus laisse la déclaration modifiée sans fondement suffisant pour soutenir les allégations modifiées qui y ont été formulées. Par conséquent, il est évident et manifeste que la déclaration modifiée ne révèle aucune cause d’action valable : Pelletier c. Canada, 2020 CF 1019 [Pelletier CF], aux paragraphes 46–47.
[31] Nonobstant cette conclusion, je vais aborder certaines des autres observations présentées par les défendeurs intimés à l’appui de leur position selon laquelle il ne faut pas accorder à M. Mohr l’autorisation de présenter la déclaration modifiée.
(ii) Le défaut de révéler un motif d’action valable au titre de l’article 45 de la Loi [Retour à la table des matières]
[32] Les défendeurs intimés affirment que le demandeur n’a invoqué aucune cause d’action valable aux termes de l’article 45 de la Loi parce que cette disposition ne s’applique qu’à certains accords entre « concurrents » relatifs à la « production ou à la fourniture » d’un produit. Ils ajoutent que l’article 45 ne s’applique pas aux accords entre acheteurs portant sur l’achat d’un service.
[33] Je suis d’accord, mais je limite expressément mon accord touchant la dernière affirmation à la proposition selon laquelle l’article 45 ne vise pas les types d’accords allégués dans la déclaration modifiée. Entre autres, ces accords ne correspondent pas aux types de « grands cartels » aussi appelés « ententes injustifiables » visés à l’article 45. En effet, ils portent sur un éventail de questions sans lien avec les enjeux visés aux alinéas 45(1)a) à 45(1)c) (voir, par exemple, les paragraphes 66–67 ci-dessous).
[34] Le paragraphe 45(1) est rédigé en ces termes :
Complot, accord ou arrangement entre concurrents
45 (1) Commet une infraction quiconque, avec une personne qui est son concurrent à l’égard d’un produit, complote ou conclut un accord ou un arrangement :
a) soit pour fixer, maintenir, augmenter ou contrôler le prix de la fourniture du produit;
b) soit pour attribuer des ventes, des territoires, des clients ou des marchés pour la production ou la fourniture du produit;
c) soit pour fixer, maintenir, contrôler, empêcher, réduire ou éliminer la production ou la fourniture du produit.
[35] Il ressort clairement, à la lecture du libellé du paragraphe 45(1), que cette disposition ne s’applique qu’aux « concurrents » qui concluent un complot, un accord ou un arrangement portant sur « la fourniture » ou « la production ou la fourniture » d’un produit à l’égard duquel ils sont en concurrence. Ces éléments du paragraphe 45(1) constituent un obstacle insurmontable pour le demandeur.
Les défendeurs actuels et bon nombre des défendeurs proposés ne sont pas des « concurrent[s] à l’égard d’un produit ».
[36] À l’exception des clubs de l’AHL et de l’ECHL (dont il est question au paragraphe 32.1 de la déclaration modifiée) et peut-être des clubs de la LNH (mentionnés au paragraphe 31.2), aucun des autres défendeurs actuels ou proposés n’aurait été partie à un complot, un accord ou un arrangement avec un « concurrent à l’égard d’un produit ». Le seul passage de la déclaration modifiée qui peut donner à penser le contraire est le suivant, qui est difficile à comprendre : [traduction] « 31.2 Les ligues et les clubs défendeurs sont des concurrents de la LNH, pour les championnats, l’accès aux meilleurs joueurs disponibles et les parts de marché. »
[37] Il est évident et manifeste que la LNH, la LCH et Hockey Canada ne sont pas des « concurrents » d’une autre partie à l’un ou l’autre des accords prétendument conclus « à l’égard d’un produit ».
[38] De plus, comme les parties s’entendent pour dire que la LNH, l’AHL et l’ECHL sont les ligues de hockey professionnel de premier, de deuxième et de troisième niveaux en Amérique du Nord, ces ligues ne sont pas des « concurrentes » l’une de l’autre, du moins en ce qui concerne le produit en cause dans la présente instance. J’aborderai ce produit dans les deux paragraphes qui suivent. De même, les clubs de l’une de ces ligues ne sont pas des « concurrents » d’un club de l’une ou l’autre des deux autres ligues. Il en va de même pour le LHJMQ, la LHO et la WHL. Ces ligues ne sont pas des « concurrentes » l’une de l’autre, et les clubs de l’une ou l’autre de ces ligues ne sont pas des « concurrents » des clubs de l’une ou l’autre des deux autres ligues. Je traiterai plus loin de la concurrence entre les clubs au sein de chacune de ces trois ligues.
Les autres défendeurs proposés ne sont pas parties à un complot, à un accord ou à un arrangement allégué concernant la « production ou la fourniture » du produit pertinent.
[39] Le demandeur allègue que les clubs au sein de l’AHL et de l’ECHL sont des [traduction] « concurrents dans le secteur du divertissement du hockey ». Cependant, ces clubs ne sont pas des concurrents en ce qui a trait à la « production ou la fourniture » du seul produit pertinent à l’égard duquel l’existence d’un ou de plusieurs accords visés au paragraphe 45(1) a été alléguée.
[40] Le « produit » en cause dans la présente affaire concerne les services des membres du groupe, à savoir [traduction] « un groupe composé du demandeur et de toutes les personnes qui résident au Canada, qui étaient des résidents canadiens ou des citoyens canadiens et qui ont signé un [CSJ] avec un club de l’une des trois ligues de la LCH (la LHJMQ, la LHO et la WHL) » pendant la période pertinente (déclaration modifiée, au paragraphe 24).
[41] Il est bien établi en droit qu’il « faut lire les termes d’une loi “dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’[économie] de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur” » : Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, 2019 CSC 65, [2019] 4 R.C.S. 653, au paragraphe 117, citant Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27 (Rizzo), au paragraphe 21, et Bell ExpressVu Limited Partnership c. Rex, 2002 CSC 42, [2002] 2 R.C.S. 559, au paragraphe 26, citant tous deux E. Driedger, Construction of Statutes, 2e éd., Toronto : Butterworths, 1983, à la page 87.
[42] À première vue, les trois infractions proscrites au paragraphe 45(1) de la Loi ne s’appliquent qu’à la « fourniture » ou à la « production ou la fourniture » du produit à l’égard duquel les comploteurs présumés sont des concurrents, ce qui ressort clairement de l’article défini « du » précédant le mot « produit » aux alinéas 45(1)a) à 45(1)c).
[43] Le libellé de ces dispositions prévoit expressément qu’elles ne s’appliquent pas à l’achat ou à toute autre acquisition d’un produit, même si je n’exclus pas la possibilité que l’alinéa 45(1)c) puisse s’appliquer au boycottage d’un fournisseur ou à un autre accord de « grand cartel » entre des concurrents d’un marché en aval afin de fixer, de maintenir, de contrôler, d’empêcher, de réduire ou d’éliminer la production ou la fourniture du produit à l’égard duquel ils sont en concurrence. De toute évidence, les accords allégués dans la déclaration modifiée ne sont pas de ce type.
[44] Aux termes du paragraphe 2(1) de la Loi, « fournir » ou « approvisionner » signifie, « relativement à un service, vendre, louer ou autrement fournir un service ou offrir de le faire » (soulignement ajouté).
[45] Comme il est mentionné au paragraphe 2.7 de la déclaration modifiée, les joueurs de hockey [traduction] « offrent » leurs services aux équipes, qui en font ensuite l’acquisition.
[46] Étant donné que ce sont les joueurs — et non les clubs de l’AHL et de l’ECHL — qui [traduction] « offrent », puis [traduction] « fournissent » les services en cause dans la présente affaire, il ressort clairement du sens ordinaire des termes du paragraphe 45(1) que, au sens de la Loi, les clubs de ces ligues ne sont pas des concurrents dans la production ou la fourniture de tels services. À la lumière de l’historique législatif et de l’économie de la Loi dont il est question ci-dessous, il est également évident que les accords auxquels les clubs de l’AHL et de l’ECHL seraient parties ne sont pas des accords qui concernent la production ou la fourniture de tels services comme l’envisage le paragraphe 45(1).
[47] Dans la mesure où le libellé du paragraphe 45(1) pourrait, d’une manière ou d’une autre, faire l’objet d’une interprétation plus large qui engloberait les types d’accords allégués dans la déclaration modifiée, la nature pénale de cette disposition ferait en sorte que toute ambiguïté jouerait en faveur des défendeurs : R. c. McLaughlin, [1980] 2 R.C.S. 331, à la page 335; R. c. McIntosh, [1995] 1 R.C.S. 686, aux pages 702 et 705.
[48] Je vais maintenant me pencher sur la question des clubs de la LHJMQ, de la LHO et de la WHL. Comme il est mentionné à la fin du paragraphe 38 ci-dessus, de toute évidence, les clubs de chacune de ces ligues sont des concurrents, c’est-à-dire qu’ils sont des rivaux en vue de remporter des matchs de hockey et des championnats et peut-être même d’obtenir les services des joueurs. Cependant, il n’a pas été allégué qu’ils sont des « concurrents » dans la « production ou la fourniture » de services des membres du groupe. De fait, il est évident et manifeste qu’ils ne sont pas des concurrents à ce titre. Ils peuvent bien se livrer concurrence pour faire signer des CSJ ou d’autres contrats à de jeunes joueurs, mais, à cet égard, ils sont des concurrents dans l’acquisition des services liés au hockey de ces joueurs. Pour les mêmes raisons que celles analysées aux paragraphes 39 à 47 ci-dessus, ces clubs ne sont pas des concurrents dans la « production ou la fourniture » des services en cause dans la présente affaire.
[49] Une telle interprétation est étayée par l’historique législatif du paragraphe 45(1). Cet historique appuie également la position des défendeurs intimés selon laquelle les accords auxquels ils sont censés être parties ne sont pas des accords relatifs à la production ou la fourniture ou à la fourniture de services au sens du paragraphe 45(1).
[50] Avant l’entrée en vigueur du libellé actuel de la disposition visée en mars 2010, l’alinéa 45(1)c) s’appliquait à tout accord entre concurrents qui empêchait ou réduisait indûment la concurrence « dans la production, la fabrication, l’achat, le troc, la vente, l’entreposage, la location, le transport ou la fourniture d’un produit, ou dans le prix d’assurances sur les personnes ou les biens » (non souligné dans l’original). (Le texte intégral de la version du paragraphe 45(1) en vigueur avant mars 2010 est reproduit à l’annexe 1 des présents motifs.)
[51] Le fait que le mot « achat » a été supprimé du libellé du paragraphe 45(1) témoigne fortement de l’intention du législateur d’exclure de la portée de la disposition les accords et autres arrangements qui, pour l’essentiel, ont trait à l’achat ou à d’autres formes d’acquisition d’un produit. La modification a été apportée à la suite d’une longue période de consultation et d’évaluation.
[52] En 2002, le Comité permanent de l’industrie, des sciences et de la technologie de la Chambre des communes a publié un rapport contenant un certain nombre de recommandations concernant la modification de la Loi. La recommandation 12 de ce rapport est libellée ainsi :
12. Que le gouvernement du Canada modifie la Loi sur la concurrence pour traiter les accords entre concurrents selon une méthode à deux volets. Le premier volet conserverait la disposition concernant les complots (article 45) à l’égard des accords conclus expressément pour réduire la concurrence, que ce soit directement par une hausse des prix ou indirectement par des restrictions à la production ou le partage de marchés, comme la distribution des clients ou des territoires, ou encore le boycott collectif de fournisseurs ou de clients. Le second volet concernerait tous les autres types d’accords entre concurrents dans lesquels les entraves à la concurrence sont secondaires à l’objectif principal et général d’une entente. [En caractères gras dans l’original.]
Chambre des communes, Rapport du Comité permanent de l’industrie, des sciences et de la technologie. Plan d’actualisation du régime de concurrence canadien (déposé le 23 avril 2002, adopté le 9 avril 2002, à la page xvi).
[53] Plus tard en 2002, le gouvernement du Canada a souscrit de façon générale à la recommandation ci-dessus en déclarant ce qui suit :
Le gouvernement convient de la nécessité de modifier l’article 45, car la disposition ne pourrait être appliquée de façon efficace sans modification.
Le gouvernement est d’accord avec le principe d’une approche à deux volets dans le cas des complots. Les accords injustifiables, comme la fixation des prix, le partage des marchés et la limitation de la production, devraient être assimilées à un acte criminel sans qu’elles ne soient assujetties à un critère de l’atteinte à la concurrence ou de défense fondée sur les gains en efficience et d’autres types d’accords feraient l’objet d’un examen au civil.
Réponse du gouvernement au Rapport final du Comité permanent de l’industrie, des sciences et de la technologie, Plan d’actualisation du régime de concurrence canadien (1er octobre 2002), à la page 3.
[54] En 2008, un groupe d’étude constitué par le gouvernement fédéral a produit un rapport sur la politique nationale en matière de concurrence. Le rapport comprenait diverses recommandations visant à modifier la Loi. En ce qui concerne les dispositions pénales de la Loi, le groupe d’étude a souligné ce qui suit :
Le Groupe d’étude estime que le droit pénal, fort de son imposition d’amendes et d’emprisonnement, ne devrait servir que lorsqu’une conduite est manifestement au détriment de la concurrence et lorsque des normes claires peuvent être invoquées et comprises par le milieu des affaires.
[…]
Parallèlement, le droit pénal est un instrument trop tranchant pour qu’on l’applique à des accords entre des concurrents qui ne tombent pas dans la catégorie des grands cartels, par exemple des accords de restriction sur la publicité ou des alliances stratégiques, mais qui peuvent néanmoins nuire à la concurrence. Une démarche économique plus raffinée pour régler ce problème a été avancée par le Bureau de la concurrence et d’autres experts afin de s’occuper de cette catégorie d’accords entre des concurrents.
Gouvernement du Canada, Foncer pour gagner : rapport final juin 2008, aux pages 58 et 59 (Foncer pour gagner) (non souligné dans l’original).
[55] Au regard de ce qui précède, le tribunal a recommandé ce qui suit au gouvernement : « Les dispositions actuelles sur les complots devraient être abrogées et remplacées par (i) une infraction criminelle per se pour prendre des mesures contre des grands cartels et (ii) par une disposition au civil pour agir contre des types d’ententes entre concurrents qui ont des effets anticoncurrentiels » (Foncer pour gagner, recommandation 14d), à la page 127) (note de bas de page omise).
[56] L’année suivante, le projet de loi C-10, un projet de loi de mise en œuvre du budget qui comprenait des modifications à l’article 45 et à plusieurs autres dispositions de la Loi, a été présenté au Parlement. Le libellé des modifications proposées à l’article 45 et une nouvelle disposition civile à l’article 90.1 portant sur les accords entre concurrents qui ne constituent pas de grands cartels ont été adoptés sans modification et sont entrés en vigueur en mars 2010 [Loi d’exécution du budget de 2009, L.C. 2009, ch. 2, articles 410, 429].
[57] Cet historique législatif appuie la position des défendeurs intimés selon laquelle l’article 45 ne s’applique pas aux types d’accords d’achat auxquels eux-mêmes ou les autres défendeurs sont allégués être parties (voir également Dow Chemical Canada ULC v. NOVA Chemicals Corporation, 2018 ABQB 482, au paragraphes 1357). En bref, en plus de l’élimination du mot « achat » dans le cadre des modifications apportées en 2010, il est évident que le législateur avait l’intention de limiter l’application de l’article 45 aux accords concernant des grands cartels, c’est-à-dire les accords qui sont indéniablement préjudiciables à la concurrence. Ces accords sont également connus sous le nom de cartels [traduction] « flagrants ». D’autres accords conclus entre concurrents, y compris ceux qui comportent des dispositions accessoires susceptibles d’avoir une incidence défavorable sur la production ou la fourniture d’un produit, devaient faire l’objet d’un examen en vertu de la nouvelle disposition non pénale prévue à l’article 90.1 de la Loi, qui est reproduite à l’annexe 1 des présents motifs.
[58] Un autre aspect du régime législatif modifié qui appuie l’interprétation qui précède est la nouvelle disposition au paragraphe 45(4), qui est ainsi libellée :
45 […]
Défense
(4) Nul ne peut être déclaré coupable d’une infraction prévue au paragraphe (1) à l’égard d’un complot, d’un accord ou d’un arrangement qui aurait par ailleurs contrevenu à ce paragraphe si, à la fois :
a) il établit, selon la prépondérance des probabilités :
(i) que le complot, l’accord ou l’arrangement, selon le cas, est accessoire à un accord ou à un arrangement plus large ou distinct qui inclut les mêmes parties,
(ii) qu’il est directement lié à l’objectif de l’accord ou de l’arrangement plus large ou distinct et est raisonnable-ment nécessaire à la réalisation de cet objectif;
b) l’accord ou l’arrangement plus large ou distinct, considéré individuellement, ne contrevient pas au même paragraphe.
[59] En bref, pris ensemble, le régime législatif envisagé à l’article 2, aux paragraphes 45(1) et 45(4) et à l’article 90.1 appuie la position des défendeurs intimés selon laquelle les types d’accords auxquels eux-mêmes et les autres défendeurs auraient été parties ne sont pas visés au paragraphe 45(1).
[60] Je souligne que le Bureau de la concurrence partage cette interprétation de l’article 45 et de l’historique législatif décrit ci-dessus (voir la section 2.4.1 et l’exemple 9 des Lignes directrices sur la collaboration entre concurrents (6 mai 2021) du Bureau de la concurrence ainsi que la Déclaration du Bureau de la concurrence à propos de l’application de la Loi sur la concurrence relativement aux accords de non-débauchage, de fixation des salaires et autres accords entre acheteurs (27 novembre 2020) du Bureau de la concurrence, accessible en ligne : <https://www.canada.ca/fr/bureau-concurrence/nouvelles/2020/11/declaration-du-bureau-de-la-concurrence-a-propos-de-lapplication-de-la-loi-sur-la-concurrence-relativement-aux-accords-de-non-debauchage-de-fixatio.html>.
[61] Je reconnais que le paragraphe 48(3), dont il est question ci-dessous, prévoit que « c’est l’article 45 et non le présent article qui s’applique à tous les autres accords, arrangements et dispositions d’accords ou d’arrangements conclus entre [les] équipes, clubs et personnes » visés par cette disposition. Cependant, le libellé du paragraphe 48(3), qui est antérieur aux modifications apportées à l’article 45 analysées ci-dessus, doit être lu parallèlement à ces modifications. Selon les termes simples de ces modifications, le paragraphe 45(1) ne s’applique maintenant qu’à trois types d’accords étroitement définis, et ce, que l’accord soit conclu entre les équipes et les clubs en tant que membres de la même ligue ou autrement. Pour les motifs énoncés précédemment, les accords qui auraient été conclus entre les défendeurs actuels et proposés ne sont pas de ces types.
[62] En résumé, compte tenu du sens ordinaire des termes employés au paragraphe 45(1), de l’historique législatif de cette disposition et du régime législatif, il est évident et manifeste que le demandeur n’a invoqué aucune cause d’action valable au titre de l’article 45 de la Loi. En d’autres termes, il est évident et manifeste que le demandeur n’a invoqué aucune cause d’action valable contre les défendeurs actuels et proposés au titre de l’article 45, relativement à la production et à la fourniture des services en cause dans la présente affaire.
(iii) Le défaut de révéler une cause d’action valable au titre de l’article 48 de la Loi [Retour à la table des matières]
[63] Dans leur requête en radiation, les défendeurs intimés ont soutenu que la déclaration du demandeur ne révèle aucune cause d’action valable parce qu’elle ne fait état d’aucun accord ou arrangement [traduction] « au sein d’une même ligue » comme l’envisage le paragraphe 48(3). À l’appui de cette position, ils soutiennent que les premiers mots du paragraphe 48(3) (« Le présent article s’applique ») limitent la portée du paragraphe 48(1) à de tels accords conclus au sein d’une même ligue.
[64] L’article 48 est ainsi libellé :
Complot relatif au sport professionnel
48 (1) Commet un acte criminel et encourt, sur déclaration de culpabilité, une amende à la discrétion du tribunal et un emprisonnement maximal de cinq ans, ou l’une de ces peines, quiconque complote, se coalise ou conclut un accord ou arrangement avec une autre personne :
a) soit pour limiter déraisonnablement les possibilités qu’a une autre personne de participer, en tant que joueur ou concurrent, à un sport professionnel ou pour imposer des conditions déraisonnables à ces participants;
b) soit pour limiter déraisonnablement la possibilité qu’a une autre personne de négocier avec l’équipe ou le club de son choix dans une ligue de professionnels et, si l’accord est conclu, de jouer pour cette équipe ou ce club.
Éléments à considérer
(2) Pour déterminer si un accord ou un arrangement constitue l’une des infractions visées au paragraphe (1), le tribunal saisi doit :
a) d’une part, examiner si le sport qui aurait donné lieu à la violation est organisé sur une base internationale et, dans l’affirmative, si l’une ou plusieurs des restrictions ou conditions alléguées devraient de ce fait être acceptées au Canada;
b) d’autre part, tenir compte du fait qu’il est opportun de maintenir un équilibre raisonnable entre les équipes ou clubs appartenant à la même ligue.
Application
(3) Le présent article s’applique et l’article 45 ne s’applique pas aux accords et arrangements et aux dispositions des accords et arrangements conclus entre des équipes et clubs qui pratiquent le sport professionnel à titre de membres de la même ligue et entre les administrateurs, les dirigeants ou les employés de ces équipes et clubs, lorsque ces accords, arrangements et dispositions se rapportent exclusivement à des sujets visés au paragraphe (1) ou à l’octroi et l’exploitation de franchises dans la ligue; toutefois, c’est l’article 45 et non le présent article qui s’applique à tous les autres accords, arrangements et dispositions d’accords ou d’arrangements conclus entre ces équipes, clubs et personnes.
[65] En réponse à la requête en radiation, le demandeur propose d’ajouter, dans la présente requête en modification, 148 clubs précis à titre de défendeurs et d’alléguer plusieurs complots supplémentaires dans sa déclaration modifiée[2].
[66] Par exemple, au paragraphe 47.19, il est allégué que [traduction] « les clubs de la LNH, de l’AHL et de l’ECHL ont comploté entre eux pour établir des règles et des contrats d’adhésion dans le but de ne pas faire signer de contrat à des joueurs canadiens de la LCH âgés de 16 à 20 ans ou de ne pas leur permettre de jouer au hockey dans l’AHL ou l’ECHL ». De plus, il est allégué au paragraphe 47.24 que [traduction] « les règles établies par les clubs de la LCH, la LCH et leurs ligues respectives, contreviennent à l’alinéa 48(1)b) ». De même, au paragraphe 47.26, il est affirmé que [traduction] « [l]es clubs de la WHL, de la LHO et de la LHJMQ, sous l’égide de la LCH et de Hockey Canada, ont établi des conditions déraisonnables, principalement pour réduire ou éliminer toute possibilité raisonnable qu’un joueur de la LCH signe un contrat ailleurs ou même envisage la possibilité d’offrir ses compétences et ses talents ailleurs ». Dans la mesure où ces passages de la déclaration modifiée allèguent des accords entre des clubs « à titre de membres de la même ligue », ces accords sont des accords conclus au sein d’une même ligue qui peuvent être visés par l’article 48.
[67] Dans leur opposition à la requête en modification du demandeur, les défendeurs intimés n’abordent pas directement cet aspect de la déclaration modifiée. Ils soutiennent plutôt que [traduction] « [d]ans la mesure où le demandeur allègue une série de complots distincts et parallèles visés à l’article 48 entre des acteurs totalement différents sans “collusion” unificatrice (ce qui diffère de la théorie sous-jacente à l’allégation du demandeur), ces complots ne sont pas dûment intégrés dans une action unique et rendraient autrement une telle action tout à fait impossible à gérer ».
[68] Il n’est pas nécessaire d’aborder cette observation précise des défendeurs intimés, parce qu’il n’a pas été allégué et qu’il n’est pas non plus évident que l’un ou l’autre des accords allégués conclus au sein d’une même ligue « se rapporte exclusivement à des sujets visés au paragraphe (1) », comme le prévoit le paragraphe 48(3) (non souligné dans l’original). En effet, la déclaration modifiée décrit une série d’autres questions soulevées dans les accords allégués, notamment :
• L’accord allégué entre la LNH et la LCH prévoit apparemment plusieurs paiements substantiels de la LNH à la LCH et aux défendeurs en échange de [traduction] « diverses activités, y compris l’application des règles restrictives, qui, selon les présentes, constituent des restrictions illégales et déraisonnables au commerce » (non souligné dans l’original) (déclaration modifiée, au paragraphe 3.1).
• Ce même accord est également décrit comme affichant [traduction] « les modalités d’un partenariat » (déclaration modifiée, au paragraphe 47.2).
• Les CSJ que les joueurs de la LHJMQ, de la LHO et de la WHL doivent signer prévoient des avantages qui comprennent la fourniture d’équipement de hockey, le remboursement des frais de déplacement et [traduction] « d’autres dépenses », ainsi que des [traduction] « bourses d’études » si le joueur a l’intention de fréquenter un collège ou une université après sa carrière dans la ligue de hockey junior majeur (déclaration modifiée, au paragraphe 28.4).
• Les accords allégués entre la LNH, l’AHL, l’ECHL et la LCH comprennent des dispositions relatives à la prestation d’un soutien financier et d’une indemnisation financière de la LNH, de l’AHL et de l’ECHL aux clubs de la LCH pour le [traduction] « développement » des joueurs de hockey (déclaration modifiée, au paragraphe 47.5).
[69] En plus de ce qui précède, les recours collectifs intentés par M. Mohr et d’autres personnes devant d’autres tribunaux révèlent que les CSJ contestés couvrent un large éventail d’autres questions, notamment :
• [traduction] « Avantages spéciaux des joueurs » : Berg v. Canadian Hockey League, 2017 ONSC 2608 (Berg 1), au paragraphe 52.
• [traduction] « Nombreuses obligations des joueurs et conséquences en cas de non-respect de telles obligations » : Berg 1, précité, au paragraphe 53; Walter c. Quebec Major Hockey League Inc., 2019 QCCS 2334 (Walter – Québec I), au paragraphe 13.
• Diverses modalités se rapportant à l’échange de joueurs avec une autre équipe : Berg 1, précité, au paragraphe 54).
[70] Compte tenu de ce qui précède, il est évident et manifeste que la déclaration modifiée ne mentionne pas des accords qui « se rapportent exclusivement à des sujets visés au paragraphe (1) » et qui sont « conclus entre des équipes et clubs qui pratiquent le sport professionnel à titre de membres de la même ligue [ou] entre les administrateurs, les dirigeants ou les employés de ces équipes et clubs ». Autrement dit, il est évident et manifeste que la déclaration modifiée ne révèle aucune cause d’action valable au titre de l’article 48 de la Loi.
[71] Le demandeur soutient que le paragraphe 48(3) ne limite pas la portée du paragraphe 48(1) aux complots conclus au sein d’une même ligue, comme l’affirment les défendeurs intimés. Il fait plutôt valoir que le paragraphe 48(3) retire simplement ces types de complots de l’application de l’article 45, ajoutant que les éléments qui n’ont pas été supprimés de l’article 45, à savoir les complots qui ne se limitent pas aux équipes d’une seule ligue, demeurent visés au paragraphe 48(1). Il souligne qu’une telle interprétation ressort clairement de l’utilisation du terme « quiconque » et du reste du libellé du paragraphe 48(1), qui ne se limite pas aux accords conclus au sein d’une même ligue. Selon cette interprétation, quiconque accepte de faire le genre de choses décrites dans cette disposition est coupable d’une infraction criminelle, peu importe que l’accord soit d’un type visé au paragraphe 48(3) ou non. Le demandeur insiste sur le fait que, si le législateur avait voulu limiter l’application de l’article 48 aux clubs ou à leurs [traduction] « exploitants » qui relèvent d’une même ligue, il n’aurait pas utilisé le mot « quiconque » au paragraphe 48(1). Selon lui, l’interprétation de l’article 48 préconisée par les défendeurs donnerait lieu à une [traduction] « exemption inexplicable » de la Loi pour un large éventail de complots entre ligues de sport professionnel ou leurs exploitants.
[72] J’admets que le libellé du paragraphe 48(3) peut être interprété de la manière proposée par les défendeurs et de celle proposée par le demandeur. Cependant, pour les motifs qui suivent, je souscris à l’interprétation proposée par les défendeurs intimés.
[73] Pour commencer, l’interprétation préconisée par les défendeurs intimés cadre mieux avec l’économie générale de l’article 48, car l’alinéa 48(2)b) exige de tenir compte « du fait qu’il est opportun de maintenir un équilibre raisonnable entre les équipes ou clubs appartenant à la même ligue ». En d’autres termes, le champ d’application de l’alinéa 48(2)b) coexiste avec celui du paragraphe 48(1) selon l’interprétation proposée par les défendeurs intimés. En revanche, l’interprétation proposée par le demandeur donnerait lieu à une situation où le champ d’application de l’alinéa 48(2)b) serait beaucoup plus restreint que celui du paragraphe 48(1).
[74] De plus, l’interprétation proposée par le demandeur entraînerait une issue absurde et arbitraire. En bref, certains accords et arrangements relatifs au sport professionnel seraient assujettis aux sanctions beaucoup plus sévères prévues à l’article 45, tandis que d’autres, y compris ceux qui pourraient avoir des répercussions négatives plus graves sur la concurrence, s’exposeraient uniquement aux sanctions moins sévères prévues à l’article 48. Plus précisément, certains accords entre les équipes et les clubs — à savoir ceux qui ne se rapportent pas exclusivement à des sujets visés au paragraphe 48(3) — seraient visés à l’article 45. Cependant, conformément au principe de l’interprétation des lois generalia specialibus non derogant, selon lequel les dispositions particulières l’emportent sur les dispositions générales, les complots faisant intervenir plus d’une ligue et les autres types de complots concernant un sport professionnel qui, selon le demandeur, sont visés au paragraphe 48(1), ne seraient pas visés à l’article 45 : Perron-Malenfant c. Malenfant (Syndic de), [1999] 3 R.C.S. 375, au paragraphe 42. Selon moi, une telle situation serait absurde et arbitraire.
[75] Il faut privilégier une interprétation qui ne donne pas un tel résultat, qui cadre mieux avec le régime législatif et qui est plus conforme à l’historique législatif : Ontario c. Canadien Pacifique Ltée, [1995] 2 R.C.S. 1031, au paragraphe 65; Rizzo, précité, au paragraphe 21.
[76] L’historique législatif appuie l’interprétation plus étroite de l’article 48 proposée par les défendeurs intimés. Cette disposition est entrée en vigueur en 1976 à l’article 32.3 de la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions [S.R.C. 1970, ch. C-23], et elle était identique à sa version actuelle (projet de loi C-2, Loi modifiant la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions et la Loi sur les banques et abrogeant la Loi ayant pour objet la modification de la Loi modifiant la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions et le Code criminel, 1re sess., 30e lég., 1974, clause 15, qui est entrée en vigueur le 1er janvier 1976). Elle faisait partie d’une série de modifications adoptées dans le cadre du projet de loi C-2, lorsque la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions a été étendue aux services.
[77] Un document publié par le ministère de la Consommation et des Corporations décrit l’objet de l’article 48 comme suit :
Le projet de loi étend la portée de la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions au sport amateur et professionnel et met celui-ci sur le même pied que les autres services, sauf pour certains arrangements particuliers entre clubs qui sont membres de la même ligue. Ces arrangements sont soustraits à l’application de l’article 32 [maintenant l’article 45] relatif au complot, mais ils sont soumis à des interdictions spéciales qui tiennent compte des rapports propres entre clubs d’une ligue. [Non souligné dans l’original.]
Canada. Consommation et Corporations, Propositions pour une nouvelle politique de concurrence pour le Canada, Ottawa : Consommation et Corporations, novembre 1973, à la page 45.
[78] Malheureusement, l’analyse « article par article » fournie plus loin dans le document en question ne permet pas de mieux comprendre l’intention du législateur lors de l’adoption de ce qui est maintenant l’article 48.
[79] Cependant, les archives du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce confirment que l’article 48 vise les activités au sein d’une même ligue, ce qui ressort clairement des passages suivants :
[…] La disposition de l’article [45] interdit les accords ou les arrangements en vue de réduire la compétition, ou de restreindre ou porter préjudice au commerce. Les dispositions s’appliqueraient rigoureusement en vue d’interdire les arrangements qui sont communs dans les sports professionnels. Pour cette raison nous avons rédigé l’article [48] comme disposition d’exemption. Il reconnaît le caractère international des sports professionnels et la nécessité de maintenir un équilibre raisonnable entre les équipes. Par conséquent, cet article modère la rigueur avec laquelle les dispositions en matière de complot s’appliqueraient autrement dans ce domaine […]
[…] L’article [48] ne vise qu’à assurer que la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions n’empêche pas l’essor du sport professionnel au Canada. Sans cela, il y aurait un tollé de protestations, parce que cette Loi inclut des services au Canada et que les équipes de Montréal ou de Toronto ne pourraient plus réunir un groupe de joueurs, prendre des arrangements et adopter des règlements touchant le hockey, le football ou tout autre sport. Voilà pourquoi l’article [48] autorise des ententes ou des arrangements pouvant permettre aux ligues professionnelles d’exister, c’est tout. [Non souligné dans l’original.]
Délibérations du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, Témoignages, 30e lég., 1re sess., fascicule no 61, 19 novembre 1975, aux pages 18–19 (L’hon. André Ouellet, ministre de la Consommation et des Corporations).
[80] Je souligne au passage que, si le législateur avait eu l’intention d’étendre l’avantage de l’article 48 décrit ci-dessus aux accords faisant intervenir plus d’une ligue, il l’aurait fait, tout comme il l’a fait au paragraphe 6(1) de la Loi, qui est ainsi libellé : « La présente loi ne s’applique pas aux accords ou arrangements conclus entre équipes, clubs et ligues dans le domaine de la participation au sport amateur ». (Les défendeurs intimés ont déclaré qu’ils ne s’appuient pas sur cette disposition dans la présente requête, mais qu’ils ont l’intention de l’invoquer [traduction] « pour s’opposer à la certification » et, au besoin, à toute étape subséquente de la présente instance.)
[81] Malgré ce qui précède, le demandeur soutient que la jurisprudence limitée associée à l’article 48 appuie son interprétation de cette disposition. Je ne suis pas d’accord.
[82] Les deux décisions invoquées à cet égard sont les arrêts Goulet c. National Hockey League et autres, [1980] R.P.Q. 122, AZ-80122012 (C. sup.) (Goulet) et Reed v. Canadian Football League (1988), 62 Alta. L.R. (2d) 347, [1988] A.J. no 1236 (QL) (Q.B.) (Reed).
[83] La décision Goulet concernait une requête en injonction interlocutoire portant sur un repêchage de la LNH à venir. Au moment de rejeter la requête, le tribunal a simplement conclu qu’il n’avait pas été établi que les règles contestées avaient l’un ou l’autre des effets mentionnés au paragraphe 48(1). Au contraire, le tribunal était convaincu que « les clubs membres de la N.H.L., [n’avaient] qu’un seul but, à savoir : le maintien d’un équilibre raisonnable entre les équipes au moyen d’un processus commun aux ligues professionnelles sportives opérant en Amérique du Nord : le repêchage. » (Goulet, précité, aux pages 143–144). La décision en question n’appuie pas la position du demandeur selon laquelle l’article 48 s’applique aux complots faisant intervenir plus d’une ligue et aux autres complots qui ne sont pas visés au paragraphe 48(3). Le tribunal n’a pas abordé cette question précise.
[84] L’arrêt Reed portait également sur une requête en injonction, mais la réparation demandée visait à empêcher les défendeurs d’appliquer une modification au règlement administratif de la Ligue canadienne de football. La Cour a conclu qu’une question sérieuse avait été soulevée quant à savoir si l’article 48 avait été enfreint [traduction] « par la limitation, de façon déraisonnable, de la possibilité pour [le demandeur] de participer à titre de joueur ou de compétiteur dans un sport professionnel en lui imposant des modalités ou des conditions déraisonnables et en limitant sa possibilité de négocier en vue de jouer avec une équipe ou un club de son choix au sein de la LCF, une ligue de football professionnelle » (Reed, précité, au paragraphe 23). Le tribunal n’a rien ajouté qui pourrait appuyer l’interprétation de l’article 48 proposée par le demandeur. Il a simplement souligné que les questions soulevées par le demandeur ne [traduction] « semblaient ni frivoles ni vexatoires » (Reed, précité, au paragraphe 35).
[85] En résumé, je suis convaincu qu’il est évident et manifeste que la déclaration modifiée proposée ne révèle aucune cause d’action valable au titre de l’article 48. En effet, il n’a pas été allégué et il n’est pas non plus évident que l’un ou l’autre des accords allégués conclus au sein d’une même ligue « se rapportent exclusivement à des sujets visés au paragraphe (1) », comme le prévoit le paragraphe 48(3). Pour les motifs que j’ai exposés, j’estime que l’interprétation des paragraphes 48(1) et 48(3) proposée par le demandeur n’est pas appuyée par le sens ordinaire des termes du paragraphe 48(3), par l’économie de l’article 48 dans son ensemble ou par l’historique législatif de cette disposition. Au contraire, ces termes et cette économie et l’historique législatif concordent tous davantage avec l’interprétation plus étroite préconisée par les défendeurs intimés, qui soutiennent que la portée du paragraphe 48(1) se limite aux accords conclus au sein d’une même ligue, comme le décrit au paragraphe 48(3). Dans la mesure où l’article 48, une disposition pénale, est ambigu, l’interprétation plus étroite des défendeurs intimés doit l’emporter (voir le paragraphe 47 ci-dessus).
[86] J’ajoute en passant que je ne souscris pas à l’affirmation du demandeur selon laquelle l’interprétation de l’article 48 décrite immédiatement ci-dessus donnerait nécessairement lieu à une [traduction] « exemption inexplicable » de la Loi dont bénéficieraient un large éventail de complots entre les ligues de sport professionnel ou leurs « exploitants ». Dans la mesure où un accord contesté est conclu « entre des personnes dont au moins deux sont des concurrents » au sens de l’article 90.1, il pourrait être assujetti à cette disposition. Si aucun compétiteur n’était partie à l’accord, celui-ci ne serait pas différent de tout autre accord entre non-concurrents, dans la mesure où il ne serait assujetti ni à l’article 45 ni à l’article 90.1 de la Loi.
(iv) Les autres allégations ne sont pas visées à l’article 36 [Retour à la table des matières]
[87] Dans la présente instance, la déclaration vise l’obtention d’une réparation au titre de l’alinéa 36(1)a) de la Loi. Cette disposition est ainsi libellée :
Recouvrement de dommages-intérêts
36 (1) Toute personne qui a subi une perte ou des dommages par suite :
a) soit d’un comportement allant à l’encontre d’une disposition de la partie VI;
b) soit du défaut d’une personne d’obtempérer à une ordonnance rendue par le Tribunal ou un autre tribunal en vertu de la présente loi,
peut, devant tout tribunal compétent, réclamer et recouvrer de la personne qui a eu un tel comportement ou n’a pas obtempéré à l’ordonnance une somme égale au montant de la perte ou des dommages qu’elle est reconnue avoir subis, ainsi que toute somme supplémentaire que le tribunal peut fixer et qui n’excède pas le coût total, pour elle, de toute enquête relativement à l’affaire et des procédures engagées en vertu du présent article.
[88] Comme l’indique clairement son libellé, cette disposition permet le recouvrement d’une perte ou des dommages subis en raison : a) d’un comportement allant à l’encontre d’une disposition de la partie VI [art. 45 à 62] de la Loi (qui établit diverses infractions criminelles); ou b) du défaut d’une personne d’obtempérer à une ordonnance rendue par le Tribunal de la concurrence ou un autre tribunal en vertu de la Loi. Les coûts liés à l’enquête et aux procédures intentées au titre de l’alinéa 36(1)a) peuvent également être recouvrés. Il n’y a aucune mention de mesures injonctives ou de recours en vertu du principe de common law de la restriction illicite au commerce.
[89] Aucune allégation n’a été formulée dans la déclaration ou dans la déclaration modifiée relativement au défaut d’une personne de se conformer à une ordonnance du Tribunal de la concurrence ou d’un autre tribunal en vertu de la Loi. Par conséquent, tout recours éventuel dont dispose le demandeur se limite aux pertes ou aux dommages subis en raison du comportement visé à la partie VI de la Loi, ainsi qu’aux coûts engagés dans le cadre de l’enquête sur l’affaire et des procédures judiciaires. Le seul comportement de ce genre allégué par le demandeur concerne les articles 45 et 48 de la Loi, dont il a été question plus haut.
[90] Malgré ce qui précède, la déclaration modifiée [traduction] « demande des réparations justifiées par » les articles 78, 79 et 90.1 de la Loi. Le demandeur ne peut pas demander de telles réparations aux termes de l’alinéa 36(1)a). Je tiens à souligner que le demandeur a semblé reconnaître cet état de fait dans ses observations présentées en réplique, lorsqu’il a mentionné que [traduction] « les renvois aux articles 79 et 90.1 visent à souligner la gravité de ces infractions alléguées et de leurs conséquences[3] ».
[91] De même, les allégations concernant les restrictions [traduction] « illégales et déraisonnables » au commerce et les décisions qu’on demande à la Cour de rendre à cet égard dépassent la portée de l’article 36.
b) La déclaration modifiée constitue-t-elle un abus de procédure? [Retour à la table des matières]
[92] Les défendeurs intimés affirment que la déclaration modifiée constitue un abus de procédure parce qu’elle vise à ajouter des allégations de complot liées au salaire des joueurs de hockey qui font actuellement l’objet de trois recours collectifs devant les cours supérieures de l’Ontario, du Québec et de l’Alberta, respectivement. Je suis du même avis.
[93] Le demandeur est un membre du groupe dans le cadre de chacun de ces trois recours collectifs : Berg v. Canadian Hockey League, 2020 ONSC 6389 (Berg 2020), au paragraphe 31.
[94] Ces trois instances sont étroitement liées et y sont formulées des allégations communes relativement à un complot touchant les salaires et la rémunération des heures supplémentaires : Berg 2020, précité, aux paragraphes 1 et 17; Walter c. Ligue de hockey junior majeure du Québec inc., 2020 QCCS 3724 (Walter – Québec II), au paragraphe 4.
(i) L’instance en Ontario [Retour à la table des matières]
[95] La deuxième nouvelle déclaration commune modifiée (la DNDCM) dans la procédure ontarienne vise entre autres à obtenir un jugement déclarant que les clubs de la LHO, la LHO et la LCH [traduction] « ont comploté ensemble et les uns avec les autres en vue de contrevenir aux lois applicables en matière de normes d’emploi et de contraindre les participants à conclure des CSJ, sachant que ceux-ci constituaient un accord illégal en violation de la législation sur les normes d’emploi » (DNDCM, paragraphe 2i)).
[96] À l’appui de cette demande et d’une demande de dommages-intérêts connexe, les demandeurs formulent de nombreuses allégations, y compris l’allégation selon laquelle des représentants de clubs de la LHO, de la LHO et de la LCH : [traduction] « ont décidé conjointement de modifier les conditions des CSJ afin de classer les joueurs des trois ligues comme des participants à un programme de développement et de décrire la rémunération versée aux joueurs des trois ligues comme un remboursement de dépenses » (DNDCM, paragraphe 98). Il est également allégué que [traduction] « les actes posés dans le cadre du complot ont causé des préjudices et des pertes aux demandeurs et aux autres membres du groupe, dans la mesure où les joueurs ont vu leur droit à un juste salaire garanti par la loi violé et n’ont pas reçu le salaire minimum, les indemnités de congé, la paie des jours fériés ni la rémunération des heures supplémentaires qui leur étaient dus » (DNDCM, paragraphe 103).
[97] En plus des allégations concernant le salaire, des allégations ont été formulées au sujet des restrictions à la mobilité et de l’utilisation de l’image des joueurs à des fins lucratives (DNDCM, paragraphe 58).
[98] L’allégation de complot n’a pas été certifiée au procès, mais cet aspect de la décision en première instance a été infirmé, ce qui a permis à l’allégation de complot d’aller de l’avant (Berg v. Canadian Hockey League, 2017 ONSC 2608, au paragraphe 247; inf. par Berg v. Canadian Hockey League, 2019 ONSC 2106 (C. div.), aux paragraphes 53–54 et 62.
(ii) L’instance en Alberta [Retour à la table des matières]
[99] Comme dans le cas de la déclaration déposée en Ontario, la nouvelle déclaration modifiée (la NDM) déposée à la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta demande des dommages-intérêts pour des arrérages de salaire et des heures supplémentaires au titre des lois provinciales et aussi au titre du délit de complot civil. Elle sollicite également le prononcé d’un jugement déclaratoire connexe. Il est affirmé que les actes suivants ont notamment été commis dans le cadre du complot allégué entre chaque club au sein de la WHL, la WHL et la LCH : [traduction] « établir le salaire des joueurs de tous les clubs à un taux uniforme et fixe à l’ensemble du secteur qui est bien en deçà des exigences législatives en matière de salaire minimum et, après 2013, refuser de verser aux joueurs un quelconque salaire; [et] demander ou exiger que tous les joueurs signent un CSJ qui prévoit un salaire fixe bien en deçà des exigences législatives en matière de salaire minimum ou l’absence de toute rémunération » (NDM, paragraphe 107).
[100] Il est également allégué que, en raison du complot allégué, les membres du groupe [traduction] « n’ont pas reçu le salaire minimum, les indemnités de congé, la paie des jours fériés, ni la rémunération des heures supplémentaires auxquels ils avaient droit ». De plus, il est allégué que les défendeurs ont utilisé l’image des joueurs pour leur propre bénéfice (NDM, paragraphe 37g)).
[101] Comme dans le cas de la procédure en Ontario, l’allégation de complot a été certifiée comme une question commune et est toujours en litige : Walter v. Western Hockey League, 2017 ABQB 382, 62 Alta. L.R. (6th) 85, aux paragraphes 21, 46, 59(16), 93 et 99.
(iii) L’instance au Québec [Retour à la table des matières]
[102] De façon très similaire aux instances introduites en Ontario et en Alberta dont j’ai traité ci-dessus, il est allégué dans la demande déposée devant la Cour supérieure du Québec que les défendeurs — la LHJMQ et les clubs qui en font partie — ont comploté en vue de contrevenir aux lois provinciales sur le salaire minimum, les indemnités de congé et la rémunération des heures supplémentaires, notamment en obligeant les joueurs à signer un CSJ : Walter – Québec I, précité, aux paragraphes 9–10, 42–46, 49, 57, 58, 74 et 75.
[103] En outre, des allégations concernant la mobilité des joueurs et l’utilisation de leur image ont été formulées : Demande introductive d’instance, datée du 13 septembre 2019 et déposées devant la Cour supérieure du Québec dans le dossier no 500-06-000716-148, dans l’affaire Walter – Québec I, aux paragraphes 16e) et 30.
(iv) Analyse [Retour à la table des matières]
[104] Comme il a été mentionné précédemment, les défendeurs intimés soutiennent que la tentative d’ajouter des allégations liées au salaire des joueurs qui font déjà l’objet de litiges en Ontario, en Alberta et au Québec constitue un abus de procédure. Je suis du même avis.
[105] À l’appui de cette position, les défendeurs intimés affirment que la nature essentielle de la déclaration du demandeur dans la procédure devant la Cour est que la LCH, la LHO, la LHJMQ, la LNH, l’ECHL et Hockey Canada ont comploté en contravention de l’article 48 de la Loi pour limiter les possibilités des joueurs de hockey junior majeur canadiens de jouer dans la LNH, l’AHL et l’ECHL.
[106] Cette interprétation de la déclaration est appuyée par la formulation des [traduction] « principales questions de fait et de droit » au paragraphe 50 du document en question. Ce paragraphe ne mentionne pas de complot lié aux salaires et invoque plutôt les limites déraisonnables imposées aux possibilités des joueurs de négocier avec l’AHL, l’ECHL et la LNH et de s’y joindre, y compris en jouant pour l’équipe de leur choix. De même, un énoncé sommaire rédigé ainsi figure au paragraphe 47 de la déclaration :
[traduction]
Dans l’ensemble, les joueurs intimés qui jouent dans les ligues de niveau junior majeur ont beaucoup moins de choix et de liberté, voire pas du tout, comparativement aux joueurs européens, qui peuvent jouer dans l’AHL ou l’ECHL avant d’avoir 20 ans et toucher un salaire négocié par une association professionnelle.
[107] Je reconnais qu’il est allégué, au paragraphe 20 de la déclaration présentée dans le cadre de la présente instance, que les défendeurs ont accepté de verser un salaire nominal aux membres du groupe. Cependant, le document en question contient peu d’autres renseignements à ce sujet. Une interprétation juste de la déclaration concorde avec la description suivante de la procédure devant la Cour, faite par le demandeur devant les tribunaux de l’Ontario, de l’Alberta et du Québec :
[traduction] La [procédure devant la Cour fédérale] concerne les pratiques anticoncurrentielles et la collusion entre les ligues canadiennes de hockey junior majeur et la Ligue nationale de hockey (LNH), l’American Hockey League (AHL) et l’East Coast Hockey League (ECHL) en vertu de la Loi sur la concurrence, des pratiques qui visent à limiter l’accès à ces ligues professionnelles aux joueurs canadiens de niveau junior majeur qui jouent au Canada.
Observations présentées par des membres du groupe à la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta, à la Cour supérieure de l’Ontario et à la Cour supérieure du Québec (2 octobre 2020), au paragraphe 15 (non souligné dans l’original).
[108] Je conviens avec les défendeurs intimés que, tout compte fait, l’effet de bon nombre des modifications proposées serait d’élargir considérablement le champ d’action de l’instance pour y inclure des questions liées aux salaires qui font déjà l’objet des instances dont j’ai traité ci-dessus en Ontario, en Alberta et au Québec, ce qui ressort clairement des modifications proposées aux paragraphes 3.2, 13.1, 13.4, 14, 17, 20, 25.1.2, 25.1.3, 28.3, 28.4, 47.8, 47.17, 47.19 et 47.20 de la déclaration modifiée.
[109] De même, les modifications que le demandeur propose aux paragraphes 48.6, 50g) et 50k) concernent des allégations relatives à l’utilisation de l’image des joueurs qui ont également été formulées dans le cadre des instances en Ontario, en Alberta et au Québec.
[110] Selon moi, la tentative de mettre ces questions en litige devant la Cour constitue un abus de procédure. En outre, comme l’ont souligné les défendeurs intimés, une telle tentative soulèverait le spectre d’une multiplicité d’instances sur ces questions.
[111] Le demandeur établit une distinction entre les allégations relatives au salaire présentées en l’espèce et celles présentées devant les tribunaux dans le cadre des procédures analysées ci-dessus et déclare que les allégations dans ces dernières ont trait à des réclamations [traduction] « sur les salaires et les heures de travail » en vertu des lois provinciales concernant le salaire minimum. En revanche, le demandeur affirme que, devant la Cour, il demande des dommages-intérêts pour des pertes salariales beaucoup plus importantes que celles associées aux salaires minimums en vigueur dans les provinces en question.
[112] C’est peut-être le cas, mais, puisque, dans le cadre de chacune des procédures décrites ci-dessus, il a été allégué qu’il y avait eu complot en matière de salaires, il est abusif de tenter d’invoquer des questions liées aux salaires devant la Cour, alors que de telles questions auraient facilement pu être soulevées dans le cadre de ces autres instances : Catalyst Capital Group Inc. v. VimpelCom Ltd., 2019 ONCA 354, 145 O.R. (3d) 759, au paragraphe 67; Winter v. Sherman Estate, 2018 ONCA 703, 42 E.T.R. (4th) 181, au paragraphe 7; Erschbamer v. Wallster, 2013 BCCA 76, 356 D.L.R. (4th) 634, aux paragraphes 29–30. Il en va de même pour l’utilisation de l’image des joueurs. Par conséquent, les diverses modifications proposées concernant les complots présumés liés aux salaires et à l’utilisation de l’image des joueurs constituent un abus de procédure.
[113] En fait, je suis d’avis qu’il aurait été beaucoup plus approprié d’inclure les diverses allégations qui ont été formulées en l’espèce dans les procédures de l’Ontario, de l’Alberta et du Québec plutôt que d’intenter une action distincte devant la Cour. La Cour offre les avantages liés au fait de plaider devant une seule instance nationale et possède une expertise spécialisée en matière de droit de la concurrence, mais il est difficile de voir en quoi il est dans l’intérêt de la justice de formuler devant la Cour des allégations qui auraient facilement pu l’être dans le cadre d’instances déjà introduites ailleurs.
[114] Mes préoccupations concernant l’introduction de l’instance devant la Cour sont exacerbées par le moment auquel le demandeur a procédé au dépôt de sa déclaration, soit le 14 septembre 2020, c’est-à-dire la veille de l’audience conjointe relative à une requête en approbation d’un règlement dans le cadre des procédures devant les tribunaux de l’Ontario, de l’Alberta et du Québec. Moins d’une heure avant le début de l’audience en question le lendemain, le demandeur s’est opposé à la portée de la renonciation prévue dans le règlement, au motif qu’elle permettrait aux défendeurs de se soustraire à leur responsabilité dans trois autres instances, y compris celle qu’il venait de déposer devant la Cour : Berg 2020, précité, aux paragraphes 6–7 et 30–35; Walter v. Western Hockey League, 2020 ABQB 631, au paragraphe 9; Walter – Québec II, précité, aux paragraphes 27–28. Il a agi de la sorte malgré le fait que le délai pour s’opposer au règlement proposé était écoulé. En raison de l’objection du demandeur, le règlement proposé n’a pas été approuvé. Selon les défendeurs intimés, les procédures devant ces autres tribunaux se poursuivent.
[115] Étant donné que les défendeurs intimés n’ont pas allégué que le dépôt de la déclaration devant la Cour constituait un abus de procédure, je m’abstiendrai de formuler d’autres commentaires à cet égard.
[116] En résumé, je conviens avec les défendeurs intimés que les diverses modifications proposées touchant les complots présumés liés aux salaires constituent un abus de procédure. Il en va de même pour les allégations qui ont été formulées au sujet de l’utilisation de l’image des joueurs.
c) La déclaration modifiée est-elle scandaleuse, frivole ou vexatoire? [Retour à la table des matières]
[117] Les défendeurs intimés soutiennent que les modifications proposées sont scandaleuses, frivoles ou vexatoires parce qu’elles transformeraient le seul complot allégué au titre de l’article 48 de la Loi en [traduction] « une action à plusieurs niveaux qui dépasse de loin la portée des articles 48 ou 45 de la Loi ». À cet égard, ils soulignent que la déclaration modifiée contient des allégations de multiples complots distincts parmi les défendeurs actuels ainsi que 148 nouveaux défendeurs proposés. Ils soutiennent que cela mènerait à une procédure [traduction] « impossible à gérer », vu l’absence d’une seule cause d’action liant tous les défendeurs proposés. Ils ajoutent que le fait de procéder ainsi [traduction] « ferait des questions communes un obstacle insurmontable en cas de certification de l’action ».
[118] Je comprends les observations des défendeurs intimés à cet égard. Cependant, je préfère les aborder dans le cadre de mon évaluation ci-dessous quant à savoir si les modifications proposées aideraient la Cour à trancher les véritables questions litigieuses entre les parties.
d) Conclusion : Il est évident et manifeste que la déclaration modifiée ne révèle aucune cause d’action valable [Retour à la table des matières]
[119] Pour les motifs énoncés ci-dessus à la partie V.B.1)a) de la présente décision, il est évident et manifeste que la déclaration modifiée proposée ne révèle aucune cause d’action valable, et ce, pour de multiples raisons. En bref, trop peu de précisions et de faits importants concernant les divers accords présumés et leurs liens avec la Loi ont été fournis. En outre, aucune cause d’action valable n’a été révélée au titre des articles 45 ou 48 de la Loi. De plus, les autres allégations ne sont pas visées à l’article 36 de la Loi. Enfin, les modifications proposées qui concernent le salaire des joueurs de hockey et l’utilisation de leur image constituent un abus de procédure, puisque ces questions font déjà l’objet d’allégations formulées dans le cadre de poursuites devant les cours supérieures de l’Ontario, de l’Alberta et du Québec. Les allégations relatives au salaire formulées dans la présente instance dépassent la portée des allégations formulées dans le cadre des autres actions en question (à savoir le défaut de payer le salaire minimum et d’autres avantages sociaux conformément aux lois provinciales), mais les allégations formulées dans la présente affaire auraient facilement pu l’être dans le cadre de ces autres procédures.
[120] Ces conclusions constituent un fondement suffisant pour rejeter la demande du demandeur d’apporter les modifications énoncées dans la déclaration modifiée : Teva, précité, aux paragraphes 28 et 31. Néanmoins, par souci d’exhaustivité, j’aborderai brièvement les autres facteurs à prendre en considération dans le cadre d’une requête en modification.
2) Les modifications proposées aideraient-elles la Cour à trancher les véritables questions litigieuses entre les parties? [Retour à la table des matières]
[121] M. Mohr soutient que les modifications proposées fournissent [traduction] « beaucoup plus de précisions sur la nature des complots des défendeurs ». À cet égard, il soutient que sa déclaration modifiée élucide avec [traduction] « plus de précision et de clarté » ses allégations selon lesquelles les défendeurs sont parties à des complots visés aux articles 45 et 48 de la Loi. Il ajoute que ses modifications aideraient la Cour à mieux cerner les rôles et les obligations de chaque défendeur dans les complots allégués. Je ne suis pas d’accord.
[122] En plus d’ajouter 148 défendeurs, la déclaration modifiée allègue plusieurs complots supplémentaires, présente d’autres causes d’action et demande de nouvelles formes de redressement. En réponse à la requête en radiation des défendeurs intimés, le demandeur a décrit ces complots comme [traduction] « un labyrinthe d’arrangements préconçus » et a précisé ce qui suit :
[traduction]
13. […] [L]a déclaration, certainement dans sa version modifiée, conteste à la fois les complots conclus au sein d’une même ligue en vertu de l’article 48 et les complots faisant intervenir plus d’une ligue en vertu de l’article 45. Il s’agit de complots entre clubs sportifs, entre différentes ligues et entre des clubs et des ligues de différents niveaux et dans différentes régions du milieu du hockey professionnel au Canada. En outre, ils font intervenir des défendeurs qui ne sont ni des clubs ni des ligues.
14. La preuve peut montrer que ces complots sont survenus parallèlement au niveau d’une équipe au sein d’une ligue ou dans différentes ligues et qu’ils ont été conclus de concert par des ligues et Hockey Canada ou encore que les complots sont survenus au niveau des ligues et ont été imposés de façon descendante aux équipes. Il se peut que l’article 45 s’applique en partie ou en totalité, ou que l’article 48 s’applique en partie ou en totalité. La décision à cet égard ne devrait pas être rendue à l’étape préalable à la présentation de la preuve relativement à une requête en radiation.
[123] Je souscris à l’affirmation des défendeurs intimés selon laquelle les allégations modifiées ne leur fournissent pas suffisamment de renseignements pour établir la preuve à réfuter.
[124] À la suite des modifications proposées, la déclaration modifiée est environ deux fois plus longue que la déclaration initiale. Pourtant, plutôt que d’aider la Cour à cerner les véritables questions litigieuses entre les parties, la déclaration modifiée introduirait de nouvelles complexités et plusieurs nouvelles questions. Au lieu de fournir plus de précisions et de clarté, elle donnerait lieu à de nombreuses nouvelles questions à trancher, et ce, en partie en raison de l’absence de précisions et de faits suffisants sur les divers complots allégués et leurs liens avec les articles 45 et 48 de la Loi.
[125] En bref, les modifications proposées dans la déclaration modifiée n’aideraient pas la Cour à trancher les véritables questions litigieuses entre les parties, ce qui incite à ne pas faire droit à la demande du demandeur en vue d’apporter les modifications mentionnées dans la déclaration modifiée.
3) Les modifications proposées serviraient-elles l’intérêt de la justice? [Retour à la table des matières]
[126] M. Mohr soutient que les modifications proposées sont dans l’intérêt de la justice parce qu’elles profiteraient aux parties de l’espèce et aideraient la Cour dans sa recherche de la vérité.
[127] Je ne suis pas du même avis. Pour les motifs énoncés ci-dessus, les modifications proposées n’aideraient pas la Cour dans sa recherche de la vérité. Pour essentiellement les mêmes raisons, elles ne seraient pas dans l’intérêt de la justice. Pour les motifs supplémentaires exposés dans la section V.B.1)b)(iv) ci-dessus, les modifications touchant le salaire des joueurs et l’utilisation de leur image constitueraient un abus de procédure et ne seraient donc pas dans l’intérêt de la justice. Encore une fois, ces considérations incitent à ne pas faire droit à la demande du demandeur en vue d’apporter les modifications mentionnées dans la déclaration modifiée.
4) Les modifications proposées entraîneraient-elles une injustice à l’égard de l’autre partie que des dépens ne pourraient réparer? [Retour à la table des matières]
[128] M. Mohr soutient que les modifications proposées ne causeraient aucune injustice aux défendeurs. En effet, il soutient que, [traduction] « [p]lutôt que de causer un préjudice, l’étoffement de la déclaration modifiée et les nouveaux détails qu’elle contient permettent de bien mieux communiquer l’information à tous les défendeurs et facilitent l’examen par la Cour des contraintes touchant la rémunération raisonnable des services rendus par les membres du groupe que les défendeurs sont censés avoir imposées d’un commun accord ». Je ne souscris pas à cette prétention.
[129] Pour les motifs que j’ai exposés, [traduction] « l’étoffement […] et les […] détails » de la déclaration modifiée n’aideraient pas les défendeurs à connaître la preuve qu’ils doivent réfuter. Au contraire, il serait alors plus difficile pour eux de le faire. Comme je l’ai fait remarquer, les modifications proposées par le demandeur introduiraient de nouvelles complexités et de nouveaux enjeux et poseraient un ensemble de nouvelles questions. Prises ensemble, ces complexités et questions prolongeraient probablement considérablement les procédures.
[130] Étant donné que les dépens adjugés par la Cour ne compensent habituellement pas entièrement les parties pour les frais engagés afin d’obtenir gain de cause dans le cadre d’une instance, je juge que les nouvelles complexités et questions et les nouveaux enjeux présentés dans la déclaration modifiée incitent à ne pas faire droit à la demande du demandeur en vue d’apporter les modifications contenues dans la déclaration modifiée.
[131] J’ajouterai simplement, aux fins du dossier, que les avocats du groupe ont récemment présenté une requête en vue que leurs noms soient retirés en tant qu’avocats inscrits au dossier. La Cour a accueilli cette requête, [traduction] « à la condition qu’ils remplissent leurs obligations conformément à l’ordonnance fixant l’échéancier du 5 février 2021 ». Ces obligations comprenaient les délais de signification et de dépôt des observations relativement à la présente requête. Les défendeurs intimés soutiennent que le fait de permettre que la présente instance aille de l’avant sur le fondement de la déclaration modifiée [traduction] « sans personne au volant » leur causerait un préjudice que des dépens ne pourraient réparer. Compte tenu des diverses conclusions que j’ai tirées relativement aux autres questions en litige dans la présente requête, il n’est pas nécessaire d’aborder davantage cette question.
C. Conclusion [Retour à la table des matières]
[132] Pour les motifs exposés ci-dessus, la présente requête sera rejetée. En résumé, pour les motifs énoncés au paragraphe 119 ci-dessus, il est évident et manifeste que la déclaration modifiée proposée ne révèle aucune cause d’action valable, ce qui constitue un fondement suffisant pour rejeter la demande du demandeur d’apporter les modifications énoncées dans ce document.
[133] Par ailleurs, les autres facteurs à prendre en considération dans le cadre d’une requête en modification militent aussi contre l’exercice par la Cour de son pouvoir discrétionnaire de permettre au demandeur d’apporter les modifications demandées. En bref, comme il est expliqué aux paragraphes 123 à 125, les modifications proposées n’aideraient pas la Cour à trancher les véritables questions litigieuses entre les parties. De plus, comme il est expliqué au paragraphe 127, les modifications proposées ne serviraient pas l’intérêt de la justice. Enfin, pour les motifs énoncés aux paragraphes 129 à 130, les modifications proposées entraîneraient une injustice à l’égard des défendeurs que des dépens en leur faveur ne pourraient probablement pas entièrement réparer.
[134] Étant donné que les défendeurs intimés n’ont pas demandé de dépens dans le cadre de la présente requête, aucune ordonnance ne sera rendue à cet égard : Pelletier c. Canada (Procureur général), 2006 CAF 418 [Pelletier CAF], au paragraphe 9.
VI. Analyse — Requête en radiation [Retour à la table des matières]
[135] Dans leur requête distincte, les défendeurs requérants demandent une ordonnance visant à radier la déclaration du demandeur dans son intégralité en vertu de l’alinéa 221(1)a) des Règles, au motif qu’il est évident et manifeste qu’elle ne révèle aucune cause d’action valable. Pour les motifs exposés ci-dessous, je suis d’accord.
[136] Les parties conviennent que la requête en radiation ne peut être accueillie que s’il est évident et manifeste, dans l’hypothèse où les faits allégués seraient avérés, que la déclaration ne révèle aucune cause d’action valable (Pelletier CF, précité, au paragraphe 44).
[137] La déclaration a été présentée en vertu de l’article 36 de la Loi. Comme il a été mentionné précédemment, il y est allégué que les défendeurs sont parties à un seul complot, en contravention de l’article 48 de la Loi. Cette allégation est énoncée explicitement au paragraphe 13 et implicitement aux paragraphes 17, 19 et 50, qui paraphrasent le libellé de l’article 48 et parlent de [traduction] « hockey professionnel » ou de [traduction] « sport professionnel ». Le document ne mentionne nulle part l’article 45 ou toute autre disposition de la Loi.
[138] Pour les motifs résumés ci-dessus au paragraphe 85 de la présente décision et discutés plus en détail aux paragraphes 68 à 84, je suis convaincu qu’il est évident et manifeste que la déclaration ne révèle aucune cause d’action valable au titre de l’article 48 de la Loi. Cette évaluation a été faite dans le contexte de la déclaration modifiée proposée, mais la justification s’applique également à la déclaration.
[139] En bref, il n’a pas été allégué — et il n’est pas non plus évident — que le seul complot allégué dans la déclaration se rapporte « exclusivement à des sujets visés au paragraphe (1) », comme le prévoit le paragraphe 48(3). De plus, l’interprétation large des paragraphes 48(1) et 48(3) invoquée par le demandeur n’est pas étayée par le sens ordinaire des termes du paragraphe 48(3), l’économie de l’article 48 dans son ensemble ou l’historique législatif de cette disposition. Au contraire, ces termes et cette économie et l’historique législatif concordent tous davantage avec l’interprétation plus étroite préconisée par les défendeurs intimés, qui soutiennent que la portée du paragraphe 48(1) se limite aux accords conclus au sein d’une même ligue décrits au paragraphe 48(3). Dans la mesure où il y a une ambiguïté dans l’article 48 — une disposition pénale — l’interprétation plus étroite des défendeurs intimés doit l’emporter (voir le paragraphe 47 ci-dessus).
[140] Selon cette interprétation plus étroite, l’infraction proscrite par le paragraphe 48(1) se limite à certains accords et arrangements « conclus entre des équipes et clubs qui pratiquent le sport professionnel à titre de membres de la même ligue et entre les administrateurs, les dirigeants ou les employés de ces équipes et clubs ». Les accords et arrangements particuliers en question sont ceux qui se rapportent exclusivement à des sujets visés au paragraphe 48(1) ou à l’octroi et au fonctionnement de franchises dans une ligue. Comme aucun des défendeurs nommés dans la déclaration n’est une équipe ou un club, ni un administrateur, un dirigeant ou un employé d’une équipe ou d’un club, il est évident et manifeste que la déclaration ne révèle aucune cause d’action valable au titre de l’article 48 de la Loi.
[141] Pour les motifs énoncés aux sections V.B.1.a)(ii) et V.B.1.a)(iii) ci-dessus, cette faille décisive de la déclaration ne pouvait pas être potentiellement corrigée en accordant au demandeur l’autorisation de modifier son acte de procédure pour y inclure des équipes ou des clubs de la même ligue, les complots supplémentaires allégués ou une violation de l’article 45 de la Loi.
[142] La déclaration mentionne également une violation de l’alinéa 1e) de la Déclaration canadienne des droits, S.C. 1960, ch. 44 [L.R.C. (1985), appendice III]. Cette disposition reconnaît et déclare que la « liberté de réunion et d’association » est un droit de la personne et une liberté fondamentale.
[143] De façon plus générale, la Déclaration canadienne des droits « est une loi fédérale qui rend inopérante toute loi fédérale incompatible avec les garanties qu’elle prévoit » et « qui ne s’applique qu’aux lois fédérales » : Authorson c. Canada (Procureur général), 2003 CSC 39, [2003] 2 R.C.S. 40, aux paragraphes 10 et 31.
[144] L’allégation du demandeur à l’égard de l’alinéa 1e) est une simple affirmation consistant en une phrase et renfermant aucun fait ni précision à l’appui. De plus, le demandeur n’a pas établi l’existence de quelque lien que ce soit entre l’alinéa 1e) de la Déclaration canadienne des droits et l’article 36 de la Loi sur la concurrence, tout comme il n’a pas expliqué comment l’alinéa 1e) peut s’appliquer aux défendeurs en tant que parties privées. Il est difficile de comprendre la façon dont de tels liens avec l’article 36 et les défendeurs pourraient exister.
[145] De plus, il n’est pas allégué qu’une loi fédérale est appliquée de façon à « supprimer, restreindre ou enfreindre » les droits du demandeur prévus à l’alinéa 1e) « ni à en autoriser la suppression, la diminution ou la transgression », comme le prévoit l’article 2 de la Déclaration canadienne des droits.
[146] Compte tenu de ce qui précède, j’estime qu’il est évident et manifeste que la déclaration ne révèle aucune cause d’action valable à l’égard de l’alinéa 1e) de la Déclaration canadienne des droits.
[147] En résumé, pour les motifs exposés ci-dessus, il est évident et manifeste, même dans l’hypothèse où les faits allégués seraient avérés, que la déclaration ne révèle aucune cause d’action valable au titre des articles 36 ou 48 de la Loi ou de l’alinéa 1e) de la Déclaration canadienne des droits. Je suis également convaincu que les lacunes actuelles de la déclaration ne pourraient pas être éliminées en accordant au demandeur l’autorisation de modifier sa plaidoirie, par exemple pour y inclure des équipes ou des clubs de la même ligue, les complots supplémentaires allégués ou une violation de l’article 45 de la Loi.
[148] Étant donné que les défendeurs requérants ont entièrement gain de cause dans la présente requête, leur demande de dépens sera accueillie. Vu la nature des questions soulevées et de la complexité des observations que les défendeurs requérants devaient présenter, j’estime qu’il est approprié de fixer les dépens à un montant forfaitaire de 5 000 $.
ORDONNANCE dans le dossier T-1080-20 [Retour à la table des matières]
LA COUR ORDONNE que :
1. La requête en modification de la déclaration présentée par le demandeur dans le cadre de la présente instance est rejetée.
2. La requête en radiation de la déclaration présentée par les défendeurs requérants est accueillie.
3. Les dépens que le demandeur doit payer aux défendeurs requérants relativement à la requête en radiation sont établis au montant forfaitaire de 5 000 $.
4. Les défendeurs intimés dans le cadre de la requête en modification de la déclaration n’ayant pas demandé de dépens, aucuns ne seront accordés.
Annexe 1 [Retour à la table des matières]
Loi sur la concurrence, L.R.C. (1985), ch. C-34 (version en vigueur le 9 mars 2010)
Complot
45 (1) Commet un acte criminel et encourt un emprisonnement maximal de cinq ans et une amende maximale de dix millions de dollars, ou l’une de ces peines, quiconque complote, se coalise ou conclut un accord ou arrangement avec une autre personne :
a) soit pour limiter, indûment, les facilités de transport, de production, de fabrication, de fourniture, d’emmagasinage ou de négoce d’un produit quelconque;
b) soit pour empêcher, limiter ou réduire, indûment, la fabrication ou production d’un produit ou pour en élever déraisonnablement le prix;
c) soit pour empêcher ou réduire, indûment, la concurrence dans la production, la fabrication, l’achat, le troc, la vente, l’entreposage, la location, le transport ou la fourniture d’un produit, ou dans le prix d’assurances sur les personnes ou les biens;
d) soit, de toute autre façon, pour restreindre, indûment, la concurrence ou lui causer un préjudice indu.
Loi sur la concurrence, L.R.C. (1985), ch. C-34
Accords ou arrangements empêchant ou diminuant sensiblement la concurrence
Ordonnance
90.1 (1) Dans le cas où, à la suite d’une demande du commissaire, il conclut qu’un accord ou un arrangement — conclu ou proposé — entre des personnes dont au moins deux sont des concurrents empêche ou diminue sensiblement la concurrence dans un marché, ou aura vraisemblablement cet effet, le Tribunal peut rendre une ordonnance :
a) interdisant à toute personne — qu’elle soit ou non partie à l’accord ou à l’arrangement — d’accomplir tout acte au titre de l’accord ou de l’arrangement;
b) enjoignant à toute personne — qu’elle soit ou non partie à l’accord ou à l’arrangement — de prendre toute autre mesure, si le commissaire et elle y consentent.
[1] Certains défendeurs (la LNH, l’AHL et l’ECHL) n’ont présenté aucune observation à l’égard de la requête en question.
[2] La déclaration fait référence à un seul complot aux paragraphes 2, 13, 24 et 50(c). La déclaration modifiée allègue maintenant l’existence de nombreux complots différents.
[3] Quant à l’article 78, il énumère simplement les facteurs à prendre en considération pour évaluer la composante de « l’agissement anti-concurrentiel » en vue de l’application de l’article 79.