Jugements

Informations sur la décision

Contenu de la décision

T-445-20

2021 CF 311

Recours collectif envisagé

Stephanie Difederico et Jameson Edmund Casey (demandeurs)

c.

Amazon.com, Inc., Amazon.com.ca, Inc., Amazon.com Services LLC, Amazon Services International, Inc. et Amazon Services Contracts, Inc. (défenderesses)

Répertorié : Difederico c. Amazon.com Inc.

Cour fédérale, juge en chef Crampton—Par vidéoconférence (entre Ottawa et Toronto), 5 mars 2021; Toronto, 9 avril 2021 (ordonnance et motifs confidentiels) et 15 avril 2021 (ordonnance et motifs publics).

Note de l’arrêtiste : Les parties caviardées par la Cour sont indiquées par [***].

Pratique — Recours collectifs — Accords de financement de litige — Requête dans laquelle les demandeurs ont demandé l’approbation d’un accord de financement de litige (AFL) ainsi qu’une ordonnance visant à protéger la confidentialité de certaines modalités de ce document — Les demandeurs dans le présent recours collectif ont réclamé des dommages‑intérêts de 12 milliards de dollars au nom de trois groupes de consommateurs (les membres du recours collectif) — Ils ont allégué des infractions aux interdictions en matière criminelle relatives aux accords de fixation des prix qui sont énoncées aux art. 45 et 46 de la Loi sur la concurrence — Conformément à l’AFL, le montant auquel le bailleur de fonds, Therium Litigation Finance Atlas AP IC (Therium), aurait droit est assez important, le montant étant plafonné à 100 000 000 $US (les frais de financement); ce montant s’ajouterait au remboursement des fonds engagés — Les demandeurs ont allégué que les défenderesses ont conclu deux accords anticoncurrentiels distincts (les accords prétendument anticoncurrentiels) pour fixer des prix de commerce électronique de détail; que les accords prétendument anticoncurrentiels permettent aux défenderesses de mettre leurs activités en ligne à l’abri de la concurrence des prix — L’AFL prévoit que Therium financera les débours, toute adjudication de dépens en faveur de la partie adverse et la caution pour les dépens, au besoin — Il s’agissait de savoir si l’AFL devait être approuvé, et s’il fallait préserver la confidentialité de toutes les modalités et de tous les chiffres qui ont été caviardés de la version caviardée de l’AFL — La Cour avait compétence pour examiner la requête, même si l’on pourrait dire qu’un AFL porte sur des questions en matière de droit des contrats, lequel relève habituellement de la compétence des tribunaux provinciaux — Le critère d’approbation d’un AFL peut être assimilé au critère suivant : la question de savoir s’il est dans l’intérêt de la justice d’approuver l’AFL — Pour déterminer si ce critère est respecté, il convient de tenir compte des facteurs suivants : il s’agit de savoir si les exigences de base en matière de procédure et de preuve pour l’examen de l’AFL par la Cour ont été satisfaites; si le financement par des tiers est nécessaire pour faciliter un accès véritable à la justice; si l’AFL est une champartie; si l’AFL est juste et raisonnable pour les membres actuels et éventuels du groupe; si le financement par des tiers est nécessaire pour faciliter un accès véritable à la justice; si l’AFL nuit à la relation avocat‑client, à l’obligation de l’avocat envers les membres du recours collectif ou à la conduite de l’instance; si l’AFL protège les privilèges juridiques pertinents et la confidentialité des renseignements des parties; et si l’AFL protège les intérêts légitimes des défenderesses — Une réponse négative à l’une ou l’autre de ces questions pourrait être fatale pour un AFL — Il était dans l’intérêt de la justice d’approuver l’AFL — Entre autres choses, l’AFL était nécessaire pour faciliter l’accès à la justice pour les membres du recours collectif, il était juste et raisonnable pour les membres du recours collectif actuels et futurs, il contribuerait de façon importante à la dissuasion des actes répréhensibles, et il protégerait les intérêts des défenderesses — En outre, il a été fait droit à la demande des demandeurs de préserver la confidentialité de diverses modalités de l’AFL, mais pas à la demande visant à préserver la confidentialité des plafonds appliqués aux frais — Requête accueillie.

Concurrence — Les demandeurs ont demandé l’approbation d’un accord de financement de litige (AFL), plus particulièrement en ce qui concerne un recours collectif dans lequel ils ont réclamé des dommages‑intérêts de 12 milliards de dollars au nom de trois groupes de consommateurs (les membres du recours collectif) — Les demandeurs dans le recours collectif ont allégué des infractions aux interdictions en matière criminelle relatives aux accords de fixation des prix qui sont énoncées aux art. 45 et 46 de la Loi sur la concurrence; ils ont allégué que les défenderesses ont conclu deux accords anticoncurrentiels distincts (les accords prétendument anticoncurrentiels) pour fixer des prix de commerce électronique de détail; que les accords prétendument anticoncurrentiels permettent aux défenderesses de mettre leurs activités en ligne à l’abri de la concurrence des prix; ils ont affirmé que trois groupes de consommateurs ont subi des préjudices en raison des accords prétendument anticoncurrentiels — L’AFL prévoit que Therium Litigation Finance Atlas AP IC (Therium) financera les débours, toute adjudication de dépens en faveur de la partie adverse et la caution pour les dépens, au besoin — Il était dans l’intérêt de la justice d’approuver l’AFL — Entre autres choses, l’AFL était nécessaire pour faciliter l’accès à la justice pour les membres du recours collectif, il était juste et raisonnable pour les membres du recours collectif actuels et futurs, il contribuerait de façon importante à la dissuasion des actes répréhensibles, et il protégerait les intérêts des défenderesses — Dans la mesure où les demandeurs ont gain de cause, soit en obtenant un jugement ou une adjudication favorable, soit en parvenant à un règlement qui reflète une réclamation valable, d’autres entreprises seront probablement dissuadées de se livrer à une conduite semblable aux accords prétendument anticoncurrentiels.

Il s’agissait d’une requête dans laquelle les demandeurs ont demandé l’approbation de l’accord de financement de litige (AFL) ainsi qu’une ordonnance visant à protéger la confidentialité de certaines modalités de ce document. Les défenderesses n’ont fait aucune observation au sujet de la requête. Les demandeurs dans le présent recours collectif ont réclamé des dommages‑intérêts de 12 milliards de dollars au nom de trois groupes de consommateurs (les membres du recours collectif). À l’appui de leur réclamation, ils ont allégué des infractions aux interdictions en matière criminelle relatives aux accords de fixation des prix qui sont énoncées aux articles 45 et 46 de la Loi sur la concurrence. Ils ont affirmé qu’il s’agissait du plus important recours collectif jamais intenté au Canada pour des infractions à cette loi. Pour financer leur action, les demandeurs ont conclu un AFL qui prévoit un montant de financement qui, selon eux, était sans précédent dans les litiges au Canada. Entre autres choses, les demandeurs ont considéré qu’un tel financement était nécessaire pour leur permettre de retenir les services d’un expert qui pourrait comprendre les questions en litige dans la présente instance et qui serait en mesure de traiter les [traduction] « grandes quantités de données qui devraient être produites et analysées dans la présente affaire ». Conformément à l’AFL, le montant auquel le bailleur de fonds, Therium Litigation Finance Atlas AP IC (Therium), aurait droit est assez important, soit cinq fois les fonds engagés ou 10 pour 100 du produit de la réclamation, selon le montant le plus élevé, sous réserve d’un plafond de 100 000 000 $US (les frais de financement). Ce montant s’ajouterait au remboursement des fonds engagés.

Les demandeurs ont allégué que les défenderesses ont conclu deux accords anticoncurrentiels distincts (les accords prétendument anticoncurrentiels) pour fixer des prix de commerce électronique de détail. Ces « accords » comprenaient deux stipulations des accords des défenderesses avec des tiers qui vendent sur sa plateforme en ligne (les vendeurs tiers). La première stipulation exigeait que les vendeurs tiers s’abstiennent de vendre des produits aux consommateurs sur tout autre site de commerce électronique à un prix inférieur à celui qu’ils exigent sur la plateforme des défenderesses. La deuxième stipulation prétendument anticoncurrentielle était une clause dite de « juste prix », qui impose des pénalités coûteuses aux vendeurs tiers qui vendent des produits aux consommateurs sur tout autre site Web de commerce électronique à un prix inférieur au prix demandé sur la plateforme des défenderesses. Entre autres choses, les demandeurs ont allégué que les accords prétendument anticoncurrentiels permettent aux défenderesses de mettre leurs activités en ligne à l’abri de la concurrence des prix. Plus précisément, ils ont affirmé qu’en limitant la concurrence en matière de prix par rapport aux produits vendus par des vendeurs tiers sur d’autres sites de commerce électronique, les défenderesses peuvent s’assurer que les prix des produits vendus par des vendeurs tiers sur leur plateforme et sur les sites Web de commerce électronique des concurrents ne tombent jamais en deçà d’un certain niveau. La présente instance était l’une des trois causes dont la Cour avait connaissance et qui ont été intentées au Canada contre les défenderesses relativement aux accords prétendument anticoncurrentiels. Les deux autres ont été déposées devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario (la CSJO) et la Cour supérieure du Québec respectivement. Les demandeurs ont affirmé que trois groupes de consommateurs ont subi des préjudices en raison des accords prétendument anticoncurrentiels. La représentante demanderesse Stephanie Difederico a cherché à représenter un groupe de consommateurs appelé le [traduction] « groupe Commerce électronique d’Amazon ».

L’AFL a été signé à la fin de décembre 2020 par Therium, les représentants demandeurs dans la présente instance, leurs avocats, et leurs représentants juridiques respectifs. En termes généraux, l’AFL prévoit que Therium financera les débours, toute adjudication de dépens en faveur de la partie adverse et la caution pour les dépens, au besoin. En échange de son engagement de financement et en cas de recouvrement de tout produit, Therium recevra plus particulièrement le remboursement de tous les paiements anticipés pour les débours, les dépens en faveur de la partie adverse et la caution pour les dépens, et le paiement des frais de financement, sous réserve d’un plafond de 100 000 000 $US, ce qui équivaut à environ 1 pour cent du total des dommages‑intérêts réclamés dans le cadre de la présente instance.

Il s’agissait de savoir si l’AFL devait être approuvé, et s’il fallait préserver la confidentialité de toutes les modalités et de tous les chiffres qui ont été caviardés de la version caviardée de l’AFL.

Jugement : la requête doit être accueillie.

La Cour avait compétence pour examiner la requête, même si l’on pourrait dire qu’un AFL porte sur des questions en matière de droit des contrats, lequel relève habituellement de la compétence des tribunaux provinciaux. Dans la décision Jensen c. Samsung, la Cour n’a pas formulé de critère global applicable à l’appréciation des AFL. Toutefois, elle a fait observer qu’un AFL dans le contexte d’un recours collectif nécessite une approbation [traduction] « non seulement pour s’assurer qu’il n’y a pas champartie et donc qu’il n’est pas contraire à l’intérêt public, mais également pour protéger les membres du groupe contre les accords déraisonnables, ainsi que les tribunaux contre les abus propres aux recours collectifs ». La Cour supérieur de justice de l’Ontario a établi un critère général selon lequel un AFL [traduction] « ne doit pas être une champartie ou un accord illégal et doit être un accord juste et raisonnable qui facilite l’accès à la justice tout en protégeant les intérêts des défendeurs ». Ce critère peut être assimilé à un critère plus simple et plus direct, soit la question de savoir s’il est dans l’intérêt de la justice d’approuver l’AFL. Pour déterminer si ce critère est respecté, il convient de tenir compte des facteurs suivants : il s’agit de savoir si les exigences de base en matière de procédure et de preuve pour l’examen de l’AFL par la Cour ont été satisfaites; si le financement par des tiers est nécessaire pour faciliter un accès véritable à la justice; si l’AFL est une champartie; si l’AFL est juste et raisonnable pour les membres actuels et éventuels du groupe; si l’AFL nuit à la relation avocat‑client, à l’obligation de l’avocat envers les membres du recours collectif ou à la conduite de l’instance; si l’AFL protège les privilèges juridiques pertinents et la confidentialité des renseignements des parties; et si l’AFL protège les intérêts légitimes des défenderesses. Une réponse négative à l’une ou l’autre de ces questions pourrait être fatale pour un AFL.

Les exigences de base en matière de procédure et de preuve qui doivent être respectées avant que la Cour n’examine un AFL sont les suivantes : (i) l’obtention par les demandeurs de conseils juridiques indépendants avant de conclure l’AFL; (ii) la divulgation rapide de l’AFL et de toute entente de mandat juridique pertinente à la Cour; (iii) une demande rapide d’approbation de l’AFL; (iv) la présentation d’un avis raisonnable aux autres parties visées par la requête demandant l’approbation de l’AFL; (v) la remise d’une copie de l’AFL aux autres parties, sous réserve de caviardages appropriés; (vi) la présentation à la Cour d’éléments de preuve sur les circonstances générales se rapportant à l’AFL. Chacune de ces exigences a été respectée dans la présente affaire, et c’était aussi la position des amis de la cour. De plus, les défenderesses ont eu l’occasion de présenter des observations au sujet de l’AFL et ont refusé de le faire. Par conséquent, ce facteur a milité en faveur de l’approbation de l’AFL.

Les arguments des demandeurs voulant plus particulièrement que les défenderesses disposent de ressources considérables qui ne pouvaient vraisemblablement pas être égalées par des représentants demandeurs individuels, et que, sans accès à un financement public, les représentants demandeurs proposés doivent compter sur des bailleurs de fonds privés, ont été retenus. Compte tenu des observations présentées, le financement par un tiers était nécessaire pour faciliter l’accès véritable des demandeurs à la Cour afin qu’ils puissent demander réparation pour le préjudice anticoncurrentiel qu’ils ont prétendu avoir subi en raison des accords prétendument anticoncurrentiels. Cela a milité en faveur de l’approbation de l’AFL.

La champartie est une forme de soutien abusif. Plus exactement, elle est une forme flagrante de soutien abusif à laquelle s’ajoute l’élément de la réception d’une partie des profits du litige par le défenseur abusif. L’examen de la question de savoir si un AFL envisage un recouvrement déraisonnable, injuste ou disproportionné pour le bailleur de fonds est au cœur du prochain facteur. Par conséquent, cette étape de l’analyse a été limitée à deux considérations. La première a consisté à déterminer s’il y avait une preuve d’un motif inapproprié réel, par opposition à un motif qui peut être jugé inapproprié en fonction du montant du rendement envisagé par l’AFL. Une telle preuve n’a pas été offerte dans la présente affaire. La deuxième considération a consisté à savoir si les frais établis dans l’AFL ont dépassé la limite supérieure de ce qui pourrait être considéré comme raisonnable, juste ou proportionnel. Encore une fois, il n’y avait aucune preuve que c’était le cas, et il n’y avait aucune raison de s’inquiéter à cet égard. Ce facteur a donc milité en faveur de l’approbation de l’AFL.

La détermination de ce qui est juste et raisonnable est très contextuelle. Les observations des demandeurs au sujet du caractère raisonnable de l’AFL pour les membres du recours collectif, compte tenu des risques qu’ils ont cernés, du rendement non plafonné de 10 pour 100 généralement reçu au titre de la Loi sur les recours collectifs dans les instances en Ontario, et des AFL qui ont été approuvés dans d’autres décisions, ont été retenues. Par conséquent, les considérations et les précédents soulevés par les demandeurs ont milité en faveur d’une conclusion selon laquelle l’AFL, y compris les frais de financement, était juste et raisonnable pour les membres actuels et futurs du recours collectif. Les motifs soulevés par les demandeurs ont été repris par les amis de la cour. Cette conclusion était fondée sur le risque élevé pour Therium, le niveau élevé d’incertitude pour Therium en ce qui concerne le moment et l’étendue de tout recouvrement, les rendements pour les bailleurs de fonds de litiges (ou les bailleurs de fonds et les avocats du recours collectif combinés) qui ont été approuvés par les tribunaux au Canada, et le prélèvement non plafonné de 10 pour 100 auquel avait droit le Fonds d’aide aux recours collectif dans les instances qu’il finance en Ontario. Par conséquent, ce facteur a milité en faveur de l’approbation de l’AFL.

L’AFL aidera grandement les demandeurs à faire avancer leur réclamation contre les défenderesses. Dans la mesure où ils ont gain de cause, soit en obtenant un jugement ou une adjudication favorable, soit en parvenant à un règlement qui reflète une réclamation valable, d’autres entreprises seront probablement dissuadées de se livrer à une conduite semblable aux accords prétendument anticoncurrentiels. Dans ce scénario, l’AFL contribuerait de façon significative à prévenir les actes répréhensibles. Par conséquent, ce facteur a milité en faveur de l’approbation de l’AFL.

Un AFL ne doit pas [traduction] « nuire à la relation avocat‑client, aux obligations de loyauté et de confidentialité de l’avocat ou au jugement professionnel de l’avocat et à la conduite du litige au nom du représentant demandeur ou des membres du recours collectif. La prétention des demandeurs selon laquelle l’AFL dans la présente instance garantit qu’il n’y aura pas d’ingérence de ce genre a été retenue. De plus, Therium ne pouvait suspendre ou résilier l’AFL qu’avec l’approbation préalable de la Cour. Par conséquent, le facteur qui consiste à savoir si l’AFL contribuerait de façon significative à prévenir les actes répréhensibles a milité en faveur de l’approbation de l’AFL.

Un AFL doit garantir que le tiers bailleur de fonds sera lié par la règle de l’engagement réputé et sera tenu de ne pas divulguer de renseignements confidentiels ou privilégiés. L’AFL a suffisamment tenu compte de ces considérations. L’AFL protégeait donc les privilèges juridiques pertinents et la confidentialité des renseignements des parties, et ce facteur a milité en faveur de l’approbation de l’AFL.

En outre, l’AFL protégeait  les intérêts légitimes des défenderesses, ce qui a milité en faveur de son approbation. Compte tenu du fait que les défenderesses ont choisi de ne pas présenter d’observations à la Cour relativement à la présente requête, l’AFL semblait  protéger tout intérêt légitime que les défenderesses pourraient avoir relativement au financement de la présente instance. Cela était particulièrement vrai à la lumière du fait que Therium a accepté d’être lié par un engagement de confidentialité réputé.

Il était possible de procéder à l’approbation de l’AFL à cette étape, sans savoir si la Cour supérieure du Québec en ferait de même pour la partie de l’AFL qui concernait le financement de l’instance au Québec. L’incertitude quant au moment et à la façon dont l’AFL pourrait être traitée par la Cour supérieure du Québec n’était pas une raison pour s’abstenir d’approuver l’AFL à ce moment‑ci. En outre, il était évident qu’en coordonnant les deux instances en parallèle et en ne retenant qu’une seule équipe d’experts économiques, les coûts nécessaires pour les faire avancer pouvaient être réduits, ce qui entraînerait des avantages pour les membres du recours collectif dans les deux instances.

En conclusion, il était dans l’intérêt de la justice d’approuver l’AFL. Entre autres choses, l’AFL était nécessaire pour faciliter l’accès à la justice pour les membres du recours collectif, il était juste et raisonnable pour les membres du recours collectif actuels et futurs, il contribuerait de façon importante à la dissuasion des actes répréhensibles, et il protégerait les intérêts des défenderesses. En outre, il a été fait droit à la demande des demandeurs de préserver la confidentialité de diverses modalités de l’AFL.

En ce qui concerne la question de la confidentialité, les demandeurs ont affirmé à l’appui de leur demande que Therium ne voulait pas que ses concurrents voient comment elle établit le prix des causes et comment elle se protège contre le risque de perte. De plus, ils ont maintenu que la divulgation de renseignements de nature délicate dans l’AFL, y compris les plafonds qui y sont établis, ne servirait pas un objectif d’accès à la justice. La demande des demandeurs de préserver la confidentialité des modalités caviardées concernant (i) le montant maximal de financement que Therium fournirait aux termes de l’AFL, y compris le montant maximal à fournir en tranches, (ii) certaines circonstances dans lesquelles elle pourrait demander la suspension ou la résiliation de l’AFL, et (iii) le plan de projet inclus dans une annexe de l’AFL, a été accueillie. Toutefois, la demande des demandeurs visant à préserver la confidentialité des plafonds appliqués aux frais a été rejetée.

Enfin, des remarques ont été formulées au sujet d’un aspect problématique de la requête, à savoir que la Cour s’est vu présenter une proposition « à prendre ou à laisser ». Il n’était pas prudent de s’attendre à ce que la Cour approuve un AFL proposé sans exiger certaines modifications. C’était d’autant plus vrai lorsque l’AFL envisage la possibilité que les membres du recours collectif ne reçoivent rien, ou une part relativement faible du produit de la réclamation, dans des scénarios qui pourraient raisonnablement soulever des questions légitimes parmi les membres du recours collectif et le grand public. Dans la mesure où de tels scénarios pourraient avoir le potentiel de miner la confiance du public envers la Cour et l’administration de la justice, ils pourraient bien devoir être réexaminés et faire l’objet de mesures.

LOIS ET RÈGLEMENTS CITÉS

Loi de 1992 sur les recours collectifs, L.O. 1992, ch. 6, art. 31, 33.1(9).

Loi sur la concurrence, L.R.C. (1985), ch. C-34, art. 36, 45, 46.

Loi sur le Barreau, L.R.O. 1990, ch. L.8, art. 59.3.

Loi sur le fonds d’aide aux actions collectives, RLRQ, ch. F-3.2.0.1.1, art. 37.1.

Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, règles 53(2), 334.21(1), 334.39, 334.4.

JURISPRUDENCE CITÉE

DÉCISIONS APPLIQUÉES :

Houle v. St. Jude Medical Inc., 2017 ONSC 5129 (CanLII), 9 C.P.C. (8th) 321, conf. par  2018 ONSC 6352 (CanLII), 429 D.L.R. (4th) 739 (C. div.); Jensen c. Samsung, T-809-18, le juge Gascon, ordonnance en date du 7 février 2019 (C.F.); JB & M Walker Ltd / 1523428 Ontario Inc. v. TDL Group, 2019 ONSC 999 (CanLII), 48 C.P.C. (8th) 199; Drynan v. Bausch Health Companies Inc., 2020 ONSC 4379 (CanLII); Flying E Ranche Ltd. v. Canada (Attorney General), 2020 ONSC 8076 (CanLII); David v. Loblaw, 2018 ONSC 6469 (CanLII), 43 C.P.C. (8th) 418; McIntyre Estate v. Ontario (Attorney General) (2002), 61 O.R. (3d) 257, 218 D.L.R. (4th) 193 (C.A.).

DÉCISIONS EXAMINÉES :

Dugal v. Manulife Financial Corporation, 2011 ONSC 1785 (CanLII), 105 O.R. (3d) 364.

DÉCISIONS CITÉES :

Frame c. Riddle, 2018 CAF 204; Ottawa c. McLean, 2019 CAF 309; Houle v. St. Jude Medical Inc., 2018 ONSC 6352 (CanLII), 429 D.L.R. (4th) 739 (C. div.); R. c. Cunningham, 2010 CSC 10, [2010] 1 R.C.S. 331; Lee c. Canada (Service correctionnel), 2017 CAF 228; Sport Maska Inc. c. Bauer Hockey Ltd., 2019 CAF 204; Stanway v. Wyeth Canada Inc., 2013 BCSC 1585, 56 B.C.L.R. (5th) 192; Seedling Life Science Ventures LLC c. Pfizer Canada Inc., 2017 CF 826; Apotex Inc. c. Allergan, Inc., 2016 CAF 155; Marriott v. General Motors of Canada Company, 2018 ONSC 2535 (CanLII); Price Comparison Website : use of most favoured nation clauses, Competition and Markets Authority Cases (dossier no 50505, 19 novembre 2020) (R.-U.); Cannon v. Funds for Canada Foundation, 2013 ONSC 7686 (CanLII); Campbell c. Canada (Procureur général), 2012 CAF 45, [2013] 4 R.C.F. 234; Bayens v. Kinross Gold Corporation, 2013 ONSC 4974 (CanLII), 117 O.R. (3d) 150.

REQUÊTE dans laquelle les demandeurs ont demandé l’approbation de l’accord de financement de litige ainsi qu’une ordonnance visant à protéger la confidentialité de certaines modalités de ce document. Requête accueillie.

ONT COMPARU :

James Orr et Annie Tayyab pour la demanderesse.

Jay Strosberg et David R. Wingfield pour le demandeur.

Tom Curry et Jonathan Chen en tant qu’amis de la cour.

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Orr Taylor LLP, Toronto, pour la demanderesse.

Strosberg Sasso Sutts LLP, Toronto, pour le demandeur.

Tom Curry et Jonathan Chen en tant qu’amis de la cour.

Ce qui suit est la version française des motifs publics de l’ordonnance et de l’ordonnance rendus par

Le juge en chef Crampton :

I.     Introduction

[1]        Les demandeurs dans le présent recours collectif réclament des dommages-intérêts de 12 milliards de dollars au nom de trois groupes de consommateurs (les membres du recours collectif). À l’appui de leur réclamation, ils ont allégué des infractions aux interdictions en matière criminelle relatives aux accords de fixation des prix qui sont énoncées aux articles 45 et 46 de la Loi sur la concurrence, L.R.C. (1985), ch. C-34. Ils affirment qu’il s’agit du plus important recours collectif jamais intenté au Canada pour des infractions à cette loi.

[2]        Pour financer leur action, les demandeurs ont conclu un accord de financement de litige (AFL) qui prévoit un montant de financement qui, selon eux, est sans précédent dans les litiges au Canada. Entre autres choses, les demandeurs considèrent qu’un tel financement est nécessaire pour leur permettre de retenir les services d’un expert qui peut comprendre les questions en litige dans la présente instance et qui sera en mesure de traiter les [traduction] « grandes quantités de données qui devraient être produites et analysées dans la présente affaire ».

[3]        Dans la présente requête, les demandeurs demandent l’approbation par la Cour de l’AFL ainsi qu’une ordonnance visant à protéger la confidentialité de certaines modalités de ce document. Les défenderesses n’ont fait aucune observation au sujet de la requête.

[4]        Conformément à l’AFL, le montant auquel le bailleur de fonds, Therium Litigation Finance Atlas AP IC (Therium), aurait droit est assez important, soit cinq fois les fonds engagés (le multiplicateur) ou 10 pour 100 du produit de la réclamation, selon le montant le plus élevé, sous réserve d’un plafond de 100 000 000 $US (les frais de financement). Ce montant s’ajouterait au remboursement des fonds engagés.

[5]        Pour les motifs qui suivent, j’ai conclu qu’il serait dans l’intérêt supérieur de la justice d’approuver l’AFL. Entre autres choses, l’AFL est nécessaire pour faciliter l’accès à la justice pour les membres du recours collectif, il est juste et raisonnable pour les membres du recours collectif actuels et futurs, il contribuera de façon importante à la dissuasion des actes répréhensibles, et il protégera les intérêts des défenderesses.

[6]        De plus, je ferai droit à la demande des demandeurs afin de protéger la confidentialité de diverses modalités de l’AFL, sauf les modalités mentionnées au paragraphe 4 cidessus.

II.    Le contexte

[7]        Dans leur déclaration modifiée, les demandeurs allèguent que les défenderesses (collectivement, Amazon) ont conclu deux accords anticoncurrentiels distincts (les accords prétendument anticoncurrentiels) pour fixer des prix de commerce électronique de détail. Ces « accords » comprennent deux stipulations des accords d’Amazon avec des tiers qui vendent sur sa plateforme en ligne (les vendeurs tiers).

[8]        La première stipulation exige que les vendeurs tiers s’abstiennent de vendre des produits aux consommateurs sur tout autre site de commerce électronique à un prix inférieur à celui qu’ils exigent sur la plateforme d’Amazon. C’est ce qu’on appelle la stipulation « NPF », parce qu’elle ressemble à la clause de la nation la plus favorisée.

[9]        La deuxième stipulation prétendument anticoncurrentielle est une clause dite de « juste prix », qui impose des pénalités coûteuses aux vendeurs tiers qui vendent des produits aux consommateurs sur tout autre site Web de commerce électronique à un prix inférieur au prix demandé sur la plateforme d’Amazon.

[10]      Entre autres choses, les demandeurs allèguent que les accords prétendument anticoncurrentiels permettent à Amazon de mettre ses activités en ligne à l’abri de la concurrence des prix. Plus précisément, ils affirment qu’en limitant la concurrence en matière de prix par rapport aux produits vendus par des vendeurs tiers sur d’autres sites de commerce électronique, Amazon peut s’assurer que les prix des produits vendus par des vendeurs tiers sur sa plateforme et sur les sites Web de commerce électronique des concurrents ne tombent jamais en deçà d’un certain niveau. Les demandeurs maintiennent que ceci permet à Amazon de fixer des frais anticoncurrentiels et de créer un prix plancher en deçà duquel les produits en question ne peuvent pas être mis en vente sur tout site Web de commerce électronique. Les demandeurs affirment que cela a gonflé les prix des produits vendus sur la plateforme d’Amazon ainsi que sur d’autres sites de commerce électronique utilisés par des vendeurs tiers. Ils estiment que cette incidence inflationniste sur les prix payés par les consommateurs canadiens s’élève [traduction] « jusqu’à 12 milliards de dollars ».

[11]      La présente instance est l’une des trois causes dont la Cour a connaissance et qui ont été intentées au Canada contre Amazon relativement aux accords prétendument anticoncurrentiels. Les deux autres ont été déposées devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario (la CSJO) (Sweet v. Amazon.com, Inc, dossier no CV-20-00640850-00CP (l’instance en Ontario)) et la Cour supérieure du Québec (Wells c. Amazon.com, Inc, dossier no 500-06-001055-207 (l’instance au Québec)), respectivement.

[12]      Les avocats des demandeurs ont convenu avec leurs homologues dans l’instance au Québec de poursuivre leurs actions respectives en tant que consortium national (le consortium national).

[13]      Plus tôt cette année, les demandeurs ont tenté de persuader les trois tribunaux d’entendre une requête conjointe en suspension de l’instance en Ontario et de l’instance au Québec en faveur de la présente instance. Étant donné que les demandeurs dans l’instance en Ontario se sont opposés à cette requête, celle-ci a été rejetée. Bref, à la suite d’une courte téléconférence entre les juges saisis des trois instances, soit le juge Edward Morgan en Ontario, le juge Sylvain Lussier au Québec et le soussigné, les demandeurs du consortium national ont été informés qu’une audience conjointe ne devait être envisagée que si toutes les parties aux trois instances y consentaient. Ils ont également été informés qu’en l’absence d’un tel consentement, toute requête dans l’une ou l’autre des trois actions devait être présentée dans la juridiction concernée, pour qu’elle soit examinée dans le cours normal des affaires.

III.   Les parties, Therium et l’ami de la cour

A.    Les représentants demandeurs et les groupes qu’ils représentent

[14]      Les demandeurs affirment que trois groupes de consommateurs ont subi des préjudices en raison des accords prétendument anticoncurrentiels. La représentante demanderesse Stephanie Difederico cherche à représenter un groupe de consommateurs appelé le [traduction] « groupe Commerce électronique d’Amazon », qui est défini ainsi :

[traduction] Toutes les personnes ou entités au Canada qui, du 1er juin 2010 à aujourd’hui (la période visée par le recours collectif), ont acheté des produits sur Amazon.ca ou Amazon.com. Le groupe « Commerce électronique d’Amazon » exclut les défenderesses ainsi que leurs sociétés mères, leurs filiales et leurs sociétés affiliées.

[15]      Le représentant demandeur Jameson Edmond Casey cherche à représenter deux autres groupes de consommateurs, à savoir le [traduction] « groupe Autre commerce électronique » et le [traduction] « groupe général ».

[16]      Le [traduction] « groupe Autre commerce électronique » est défini ainsi :

[traduction] Toutes les personnes ou entités au Canada qui, du 1er juin 2010 à aujourd’hui (la période visée par le recours collectif), ont acheté des produits Amazon sur tout site Web autre qu’Amazon.ca ou Amazon.com. Le groupe « Autre commerce électronique d’Amazon » exclut les défenderesses ainsi que leurs sociétés mères, leurs filiales et leurs sociétés affiliées.

[17]      Le [traduction] « groupe général » est défini ainsi :

[traduction] Toutes les personnes ou entités au Canada qui, du 1er juin 2010 à aujourd’hui (la période visée par le recours collectif), ont acheté des produits de tout site Web autre qu’Amazon.ca ou Amazon.com qui ne sont pas des produits Amazon. Le groupe général exclut les défenderesses ainsi que leurs sociétés mères, leurs filiales et leurs sociétés affiliées.

B.    Amazon

[18]      Les demandeurs allèguent qu’Amazon est le plus grand détaillant en ligne au monde, représentant près de 50 pour 100 des achats de détail en ligne au Canada. Environ 40 à 66 pour 100 des ventes sur ses sites Web sont des produits pour lesquels Amazon est le vendeur inscrit. Le reste des ventes sont réalisées par des vendeurs tiers, qui paient certains frais à Amazon pour pouvoir commercialiser et vendre leurs produits sur sa plateforme. Les demandeurs affirment qu’Amazon et les vendeurs tiers sont des concurrents, parce qu’Amazon vend, en tant que vendeur inscrit, des produits que des vendeurs tiers vendent également, soit sur la plateforme d’Amazon, soit sur leurs propres sites de commerce électronique, soit sur d’autres sites de commerce électronique, y compris d’autres plateformes de commerce électronique de détail.

[19]      Les demandeurs ajoutent qu’Amazon et les vendeurs tiers sont également des concurrents potentiels pour d’autres produits, par rapport auxquels ils ne sont pas actuellement en concurrence. Ces produits comprennent des produits qui sont inclus dans les mêmes catégories de produits (par exemple, « Maison et cuisine »), auxquelles Amazon et des tiers participent déjà.

C.   Therium

[20]      Therium est un fournisseur de financement de litiges, une société bien connue et bien financée qui est établie au Royaume-Uni.

D.   L’ami de la cour

[21]      Compte tenu de la nature de certaines questions soulevées par l’AFL, la Cour a nommé Me Tom Curry à titre d’ami de la cour. Me Curry est associé au sein du cabinet Lenczner Slaght Royce Smith Griffin LLP, à Toronto. Entre autres, l’ordonnance le nommant comme ami de la cour prévoit ceci :

[traduction] L’ami de la cour doit fournir des observations écrites et orales qui, à son avis, sont objectives, appropriées et utiles à la Cour pour déterminer si l’entente de financement du litige est juste et raisonnable pour le groupe; ne constitue pas une compensation excessive pour le bailleur de fonds; et protège les intérêts des défenderesses. Ces observations doivent comprendre, sans toutefois s’y limiter, des observations sur la question de savoir si les montants de financement et les frais de financement proposés dans l’entente de financement du litige sont justes et raisonnables.

[22]      Me Curry était accompagné à l’audience de la présente requête par son associé, Jonathan Chen (ensemble, les amis de la cour).

IV.   L’AFL

[23]      L’AFL a été signé à la fin de décembre 2020 par Therium, les représentants demandeurs dans la présente instance, leurs avocats, Audrey Wells (la représentante demanderesse dans l’instance au Québec) et ses avocats. Avant de conclure l’AFL, les représentants demandeurs ont sollicité et obtenu des conseils juridiques indépendants de Me Jonathan Foreman, qui se spécialise dans les recours collectifs et les litiges délictuels de masse.

[24]      En termes généraux, l’AFL prévoit que Therium financera ce qui suit :

i.   Les débours, par tranches allant jusqu’à [***] $US;

ii.  Toute adjudication de dépens en faveur de la partie adverse, par tranches allant jusqu’à [***] $US;

iii.  La caution pour les dépens, au besoin.

[25]      En échange de son engagement de financement et en cas de recouvrement de tout produit, Therium recevra : (i) le remboursement de tous les paiements anticipés pour les débours, les dépens en faveur de la partie adverse et la caution pour les dépens, (ii) le paiement des frais de financement, sous réserve d’un plafond de 100 000 000 $US, ce qui équivaut à environ 1 pour cent du total des dommages-intérêts réclamés dans le cadre de la présente instance (après conversion en monnaie canadienne), et (iii) le paiement de frais distincts pour toute tranche du montant pour l’adjudication de dépens en faveur de la partie adverse que Therium a avancé, jusqu’à concurrence d’une limite précise.

[26]      Conformément à l’article 13.1 de la version de l’AFL déposée avant l’audition de la présente requête, tout produit d’un jugement, d’une ordonnance d’adjudication, d’un règlement ou d’un compromis dans le cadre de la présente instance (le produit de la réclamation) devait être distribué dans l’ordre de priorité suivant :

i.   Rembourser à Therium une partie ou la totalité des fonds avancés (voir le paragraphe 24 ci-dessus);

ii.  Rembourser aux avocats tous les débours qu’ils ont financés dans le cadre de l’instance;

iii.  Payer les honoraires conditionnels des avocats, jusqu’à concurrence de 25 pour cent de la réclamation – cela correspond aux honoraires conditionnels de 25 pour cent que les représentants demandeurs ont accepté au paragraphe 6 de leurs ententes respectives d’honoraires conditionnels avec les avocats du recours collectif;

iv. Payer à Therium les frais de financement et tous les frais auxquels elle peut avoir droit pour avoir avancé des fonds relativement à toute adjudication de dépens en faveur de la partie adverse qui pourrait avoir été accordée;

v.  Distribuer le produit résiduel aux membres du recours collectif.

[27]      Comme il en sera question ci-dessous, l’article 13.1 de l’AFL a été modifié après que j’ai soulevé une préoccupation au cours de l’audience au sujet de la possibilité que les membres du recours collectif ne participent pas à un règlement, à un jugement ou à une adjudication dans certains scénarios.

V.    Les questions en litige

[28]      La présente requête soulève deux principales questions que la Cour doit trancher : (i) si l’AFL doit être approuvé, et (ii) s’il faut préserver la confidentialité de toutes les modalités et de tous les chiffres qui ont été caviardés de la version caviardée de l’AFL.

VI.   Appréciation

A.    Les observations initiales

[29]      Dans les recours collectifs, la Cour a un rôle de supervision qui l’oblige à tenir compte de l’intérêt supérieur de l’ensemble des membres du recours collectif : Frame c. Riddle, 2018 CAF 204, au paragraphe 24; Ottawa c. McLean, 2019 CAF 309, au paragraphe 13. Cela comprend l’intérêt supérieur des membres éventuels du recours collectif, dont les intérêts peuvent ne pas correspondre entièrement à ceux des représentants demandeurs, des avocats du recours collectif ou des tiers qui sont prêts à financer la totalité ou une partie de l’instance : voir, p. ex., Houle v. St. Jude Medical Inc., 2018 ONSC 6352 (CanLII), 429 D.L.R. (4th) 739 (C. div.) (Houle 2), aux paragraphes 22, 41. Par conséquent, comme pour les honoraires d’avocat à payer à partir des sommes recouvrées dans un recours collectif (voir la règle 334.4 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 (les Règles)), les AFL conclus relativement à des instances devant la Cour doivent être approuvés par la Cour. C’est le cas même lorsqu’ils ont été signés par les représentants demandeurs après avoir reçu l’avis d’un avocat indépendant. Je remarque que d’autres tribunaux en sont arrivés à une conclusion semblable : voir, p. ex., Houle v. St. Jude Medical Inc., 2017 ONSC 5129 (CanLII), 9 C.P.C. (8th) 321 (Houle 1), aux paragraphes 6370, conf. par Houle 2, précitée, aux paragraphes 6870.

[30]      À mon avis, une telle approbation préalable et les pouvoirs de la Cour à cet égard sont nécessaires pour plusieurs raisons. Il s’agit notamment de veiller à ce que la Cour soit en mesure (i) de jouer son rôle de supervision dans les recours collectifs qui relèvent de sa compétence, (ii) de gérer et de contrôler de telles instances, et (iii) de protéger l’administration de la justice contre les abus : R. c. Cunningham, 2010 CSC 10, [2010] 1 R.C.S. 331, aux paragraphes 1920; Lee c. Canada (Service correctionnel), 2017 CAF 228, au paragraphe 12; Sport Maska Inc. c. Bauer Hockey Ltd., 2019 CAF 204, au paragraphe 36; Houle 2, précitée, aux paragraphes 6, 38; Dugal v. Manulife Financial Corporation, 2011 ONSC 1785 (CanLII), 105 O.R. (3d) 364 (Dugal), au paragraphe 16; Stanway v. Wyeth Canada Inc., 2013 BCSC 1585, 56 B.C.L.R. (5th) 192 (Stanway), au paragraphe 37; Seedling Life Science Ventures LLC c. Pfizer Canada Inc., 2017 CF 826, au paragraphe 15; paragraphe 53(2) des Règles.

[31]      Il est entendu que la Cour a compétence pour examiner la présente requête, même si l’on pourrait dire qu’un AFL porte sur des questions en matière de droit des contrats, lequel relève habituellement de la compétence des tribunaux provinciaux : Apotex Inc. c. Allergan, Inc., 2016 CAF 155, au paragraphe 13; Jensen c. Samsung (dossier de la Cour T-809-18, le juge Gascon, 7 février 2019 (C.F.)) (Jensen).

[32]      Les AFL sont un phénomène relativement récent au Canada : Houle 2, précitée, au paragraphe 3. Bien qu’ils soient de plus en plus courants au sein de la CSJO, je ne suis au courant que d’une autre affaire dans laquelle un AFL a été examiné dans le contexte d’un recours collectif devant notre Cour, à savoir, l’affaire Jensen, précitée. Dans cette affaire, la Cour a jugé la requête par écrit et a rendu une brève ordonnance approuvant l’accord, suivant une série d’attendus préalables. Entre autres choses, ces attendus décrivent les conclusions affirmatives de la Cour à l’égard de plusieurs facteurs d’appréciation qui ont été pris en compte dans ce contexte par d’autres tribunaux et qui seront abordés ci-dessous : voir, par exemple, Houle 1, précitée, aux paragraphes 6370; Marriott v. General Motors of Canada Company, 2018 ONSC 2535 (CanLII) (Marriott), au paragraphe 9(i)(v). Certains de ces facteurs ont été inclus dans les récentes modifications apportées à la loi ontarienne intitulée Loi de 1992 sur les recours collectifs, L.O. 1992, ch. 6, paragraphe 33.1(9) (la LRC de l’Ontario).

B.    Le critère d’approbation d’un AFL

1)    Le critère général

[33]      Dans la décision Jensen, la Cour n’a pas formulé de critère global applicable à l’appréciation des AFL. Toutefois, elle a fait observer qu’un AFL dans le contexte d’un recours collectif nécessite une approbation [traduction] « non seulement pour s’assurer qu’il n’y a pas champartie et donc qu’il n’est pas contraire à l’intérêt public, mais également pour protéger les membres du groupe contre les accords déraisonnables, ainsi que les tribunaux contre les abus propres aux recours collectifs » : Jensen, précitée, à la page 6.

[34]      Dans une large mesure, cela établit le critère général qui a été énoncé par la CSJO, selon lequel un AFL [traduction] « ne doit pas être une champartie ou un accord illégal et doit être un accord juste et raisonnable qui facilite l’accès à la justice tout en protégeant les intérêts des défendeurs » : Houle 1, précitée, au paragraphe 71; JB & M Walker Ltd / 1523428 Ontario Inc.  v. TDL Group, 2019 ONSC 999 (CanLII), 48 C.P.C. (8th) 199 (TDL), au paragraphe 5 ; Drynan v. Bausch Health Companies Inc., 2020 ONSC 4379 (CanLII) (Drynan), au paragraphe 18; Flying E Ranche Ltd. v. Canada (Attorney General), 2020 ONSC 8076 (CanLII) (Flying E), au paragraphe 27. Bien que le passage de la décision Jensen cité immédiatement ci-dessus ne fasse pas référence aux intérêts des défendeurs, il s’agit d’un facteur mentionné dans un attendu préalable de l’ordonnance de la Cour.

[35]      À mon avis, les considérations énoncées dans la décision Jensen et dans le critère général adopté en Ontario peuvent être assimilées à un critère plus simple et plus direct pour déterminer s’il est dans l’intérêt de la justice d’approuver l’AFL.

[36]      Pour déterminer si ce critère est respecté, il convient de tenir compte des facteurs suivants :

i.   Les exigences de base en matière de procédure et de preuve pour l’examen de l’AFL par la Cour ont-elles été satisfaites?

ii.  Le financement par des tiers est-il nécessaire pour faciliter un accès véritable à la justice?

iii.  L’AFL est-il une champartie?

iv. L’AFL est-il juste et raisonnable pour les membres actuels et éventuels du groupe?

v.  L’AFL contribuera-t-il de façon significative à la prévention des actes répréhensibles?

vi. L’AFL nuit-il à la relation avocat-client, à l’obligation de l’avocat envers les membres du recours collectif ou à la conduite de l’instance?

vii. L’AFL protège-t-il les privilèges juridiques pertinents et la confidentialité des renseignements des parties?

viii. L’AFL protège-t-il les intérêts légitimes des défenderesses?

Jensen, précitée; Houle 1, précitée, aux paragraphes 7388; Flying E, précitée, aux paragraphes 2834; TDL, précitée, au paragraphe 6; Drynan, précitée, au paragraphe 17; Dugal, précitée, au paragraphe 33; Stanway, précitée, au paragraphe 15; David v. Loblaw, 2018 ONSC 6469 (CanLII), 43 C.P.C. (8th) 418 (Loblaw), au paragraphe 12.

[37]      Une réponse négative à l’une ou l’autre des questions susmentionnées peut être fatale pour un AFL. J’aborderai chacune d’elles ci-dessous. Je traiterai ensuite d’une question qui se pose au sujet des faits particuliers de la présente affaire relativement à l’instance au Québec.

2)    Les exigences de base en matière de procédure et de preuve pour l’examen de l’AFL par la Cour ont-elles été satisfaites?

[38]      Les exigences de base en matière de procédure et de preuve qui doivent être respectées avant que la Cour n’examine un AFL sont les suivantes : (i) l’obtention par les demandeurs de conseils juridiques indépendants avant de conclure l’AFL; (ii) la divulgation rapide de l’AFL et de toute entente de mandat juridique pertinente à la Cour; (iii) une demande rapide d’approbation de l’AFL; (iv) la présentation d’un avis raisonnable aux autres parties visées par la requête demandant l’approbation de l’AFL; (v) la remise d’une copie de l’AFL aux autres parties, sous réserve de caviardages appropriés; (vi) la présentation à la Cour d’éléments de preuve sur les circonstances générales se rapportant à l’AFL : Houle 1, précitée, au paragraphe 74.

[39]      Je suis convaincu que chacune de ces exigences a été respectée. J’ajouterai simplement pour mémoire que c’était aussi la position des amis de la cour. De plus, Amazon a eu l’occasion de présenter des observations au sujet de l’AFL et a refusé de le faire.

[40]      Par conséquent, ce facteur milite en faveur de l’approbation de l’AFL.

3)    Le financement par des tiers est-il nécessaire pour faciliter un accès véritable à la justice?

[41]      Les demandeurs soutiennent que plusieurs facteurs font en sorte qu’il est particulièrement difficile d’intenter des poursuites efficaces sans financement. À cet égard, ils font remarquer qu’Amazon, l’une des plus grandes entreprises au monde, dispose de ressources considérables qui ne peuvent vraisemblablement pas être égalées par des représentants demandeurs individuels. En outre, ils affirment qu’on peut s’attendre à ce qu’Amazon se défende vigoureusement à l’encontre de la présente action, parce que les accords prétendument anticoncurrentiels ont joué un rôle déterminant dans son accumulation de richesse. Les demandeurs maintiennent qu’une participation extraordinaire de la part d’experts sera requise, compte tenu de la complexité et de l’ampleur des données qui devront inévitablement être obtenues et analysées pour évaluer les effets anticoncurrentiels et les préjudices. Sans le financement nécessaire pour retenir les services d’un expert comme M. Farrell, qui sera appuyé par une équipe de la société d’experts-conseils en économie Bates White LLP, les demandeurs affirment que la présente instance ne constituerait pas une menace crédible, et que leur capacité d’obtenir un recouvrement adéquat pour les groupes proposés serait compromise.

[42]      Les représentants demandeurs ont tous deux déclaré dans des affidavits sous serment qu’ils n’auraient pas été disposés à assumer leurs rôles respectifs dans la présente instance s’ils avaient été tenus de payer les dépenses nécessaires pour la faire avancer. Ils ont expliqué qu’ils n’avaient pas les moyens de le faire. Ils ont également été informés par leur avocat indépendant, Me Foreman, que la présente action ne pourrait pas être poursuivie sans le soutien financier de Therium.

[43]      Les amis de la cour sont d’accord et ajoutent ceci : [traduction] « Amazon dispose de ressources importantes qui ne peuvent être égalées de façon plausible par les représentants demandeurs ». Les amis de la cour font remarquer que [traduction] « sans accès à un financement public, les représentants demandeurs proposés doivent compter sur des bailleurs de fonds privés ». Il semble qu’il ne serait pas possible d’obtenir un financement du Fonds d’aide aux recours collectifs (le FARC) de l’Ontario, parce que celui-ci ne finance que les instances introduites en vertu de la LRC de l’Ontario : Loi sur le Barreau, L.R.O. 1990, ch. L.8, article 59.3. Il semble qu’un financement ne pourrait pas être obtenu au Québec, parce que plus de 50 pour 100 des membres du recours collectif ne sont pas des résidents du Québec : Loi sur le fonds d’aide aux actions collectives, RLRQ, ch. F-3.2.0.1.1, article 37.1. La Cour n’est au courant d’aucun financement public qui est offert pour les recours collectifs intentés devant elle.

[44]      Compte tenu du besoin de financement privé, les amis de la cour maintiennent que le facteur de nécessité est au cœur de la présente requête. De l’avis des amis de la cour, Amazon est un type de Goliath qui n’épargnera aucune ressource pour protéger ce qui est au cœur de son modèle d’affaires. Dans ce contexte, l’AFL [traduction] « uniformiserait les règles du jeu » et donnerait aux demandeurs la possibilité de faire valoir leur réclamation. Cela s’explique essentiellement par le fait qu’il faudra beaucoup d’aide d’experts pour établir les effets anticoncurrentiels des accords prétendument anticoncurrentiels, notamment par l’extraction et l’analyse de données importantes et la [traduction] « modélisation mondiale excluant ces accords ».

[45]      J’accepte les observations qui précèdent. En fait, je suis aussi enclin à être d’accord avec les amis de la cour pour dire que, si le financement par un tiers n’est pas nécessaire dans une instance donnée, il ne devrait pas être approuvé.

[46]      Les demandeurs maintiennent en outre que l’AFL représente le meilleur accord qu’ils sont susceptibles d’obtenir, parce qu’ils ont passé trois mois à le négocier [traduction] « chaudement » et qu’il est peu probable qu’ils puissent trouver un autre bailleur de fonds. À cet égard, ils ont expliqué qu’un autre bailleur de fonds potentiel a refusé de fournir du financement après avoir passé beaucoup de temps à discuter avec les demandeurs, et que d’autres bailleurs de fonds pour les litiges reconnus à l’échelle internationale ont refusé leur approche. Compte tenu de cette expérience, les amis de la cour conviennent qu’il est peu probable que les demandeurs soient en mesure de trouver un autre bailleur de fonds susceptible d’assumer le risque associé à l’instance selon de meilleures conditions que celles incluses dans l’AFL.

[47]      Compte tenu de tout ce qui précède, je suis convaincu que le financement par un tiers est nécessaire pour faciliter l’accès véritable des demandeurs à la Cour afin qu’ils puissent demander réparation pour le préjudice anticoncurrentiel qu’ils prétendent avoir subi en raison des accords prétendument anticoncurrentiels. Cela milite en faveur de l’approbation de l’AFL.

4)    L’AFL est-il une champartie?

[48]      La champartie est une forme de soutien abusif. Au paragraphe 26 de la décision McIntyre Estate v. Ontario (Attorney General) (2002), 61 O.R. (3d) 257, 218 D.L.R. (4th) 193 (C.A.) (McIntyre), ces concepts ont été définis ainsi :

[traduction] Bien que le type de conduite qui puisse constituer de la champartie et du soutien abusif ait évolué au fil du temps, l’orientation essentielle des deux concepts est demeurée la même pendant au moins deux siècles. Le soutien abusif est dirigé contre ceux qui, pour un motif inapproprié, souvent décrit comme une ingérence injustifiée ou non officielle, sont mêlés à des différends (litiges) d’autres parties dans lesquels le défenseur abusif n’a aucun intérêt et dans lesquels l’aide qu’il apporte à l’une ou l’autre des parties est sans justification ni excuse. La champartie est une forme flagrante de soutien abusif à laquelle s’ajoute l’élément de la réception d’une partie des profits du litige par le défenseur abusif.

[49]      Au paragraphe 32 de son jugement dans l’affaire McIntyre, la Cour d’appel de l’Ontario a ajouté que [traduction] « [l]e but fondamental du droit relatif à la champartie et au soutien abusif a toujours été de protéger l’administration de la justice contre les abus », ce qui inclut la [traduction] « protection des plaideurs vulnérables contre les abus » : McIntyre, précité, au paragraphe 47.

[50]      La Cour d’appel [de l’Ontario] a ajouté que, bien que les ententes sur les honoraires conditionnels entre les avocats et leurs clients aient déjà été considérées comme étant une forme de champartie en soi, une telle approche n’est plus nécessaire ni souhaitable. Par conséquent, [traduction] « ni le caractère conditionnel d’une convention d’honoraires, ni le fait que les honoraires de l’avocat peuvent être payés à partir du recouvrement dans une action, sans plus, ne devraient constituer un motif inapproprié ou une ingérence non officielle pour l’application du droit relatif à la champartie » : McIntyre, précité, au paragraphe 72. Les tribunaux devraient plutôt se concentrer sur la question de savoir si une entente sur les honoraires conditionnels [traduction] « rémunère un avocat de façon tellement excessive qu’elle est déraisonnable ou injuste pour le client […], c’est-à-dire qu’elle abuse du client » : McIntyre, précité, au paragraphe 76. Autrement dit, les tribunaux doivent veiller à ce que les ententes sur les honoraires conditionnels ne prévoient pas un recouvrement disproportionné : Houle 1, précitée, au paragraphe 84. Ces ententes sont réputées avoir un but inapproprié : McIntyre, précité, au paragraphe 76.

[51]      Dans le cadre de cette appréciation, les tribunaux doivent garder à l’esprit le fait que les avocats devraient être récompensés pour avoir assumé les risques et les coûts associés au litige : McIntyre, précité, au paragraphe 76.

[52]      À mon avis, les tribunaux devraient adopter une approche semblable lorsqu’il s’agit de déterminer si un AFL prévoyant le paiement de frais conditionnels au bailleur de fonds est une champartie.

[53]      L’examen de la question de savoir si un AFL envisage un recouvrement déraisonnable, injuste ou disproportionné pour le bailleur de fonds est au cœur du prochain facteur abordé ci-dessous.

[54]      Par conséquent, je limiterai la présente étape de l’analyse à deux considérations. La première consiste à déterminer s’il y a une preuve d’un motif inapproprié réel, par opposition à un motif qui peut être jugé inapproprié en fonction du montant du rendement envisagé par l’AFL. Une telle preuve n’a pas été offerte dans la présente affaire. En effet, les amis de la cour ont maintenu qu’il n’y avait aucune raison de croire que Therium agissait de façon opportuniste ou de mauvaise foi.

[55]      La deuxième considération qu’il convient d’apprécier à cette étape-ci de l’analyse consiste à savoir si les frais établis dans l’AFL dépassent la limite supérieure de ce qui pourrait être considéré comme raisonnable, juste ou proportionnel. Encore une fois, il n’y a aucune preuve que c’est le cas, et je n’ai aucune raison de m’inquiéter à cet égard. Au contraire, en réponse à des questions sur ce point, les amis de la cour ont donné à la Cour l’assurance que [traduction] « la question de la disproportion ne se pos[ait] pas dans la présente affaire » : transcription, à la page 41. Autrement dit, [traduction] « il n’y a aucune raison de croire qu’il s’agit […] d’un accord de financement d’un litige équivalant à un prêt usuraire » : transcription, à la page 43. Cela s’explique, entre autres, par le fait que l’AFL prévoit ce qui semble être l’une des plus importantes avances de fonds jamais consenties dans une affaire canadienne et comporte l’un des plus grands risques pour un bailleur de fonds[1]. De plus, les frais de financement envisagés par l’AFL se situent dans la fourchette de ceux qui ont été approuvés par les tribunaux canadiens pour la grande majorité des scénarios possibles entre une victoire totale (adjudication de 12 milliards de dollars) et un échec complet (rendement nul). En outre, les frais de financement sont assujettis à un plafond de 10 pour 100 ainsi qu’à un autre plafond de 100 000 000 $US, ce qui fera en sorte que le rendement de Therium sera inférieur au prélèvement de 10 pour 100 généralement imposé par le FARC, pour plus de 90 pour 100 des scénarios possibles susmentionnés. Je traiterai de cette question plus loin. Pour les besoins actuels, il suffit de noter que ces plafonds font en sorte que l’AFL n’est pas une champartie : Houle 1, précitée, au paragraphe 83; Flying E, précitée, au paragraphe 34.

[56]      Compte tenu de ce qui précède, ce facteur milite en faveur de l’approbation de l’AFL.

5)    L’AFL est-il juste et raisonnable pour les membres actuels et éventuels du groupe?

[57]      La détermination de ce qui est juste et raisonnable est très contextuelle : Houle 1, précitée, au paragraphe 81.

[58]      Les demandeurs présentent deux arguments principaux à l’appui de leur observation selon laquelle l’AFL est juste et raisonnable pour les membres du recours collectif et ne compensera pas Therium de façon excessive. Premièrement, ils affirment que le niveau des frais de financement reflète le risque très élevé accepté par Therium et la longue période pendant laquelle elle pourrait devoir attendre avant de se faire rembourser les fonds qu’elle avance et de recevoir tout rendement sur son investissement. Deuxièmement, ils affirment que les frais de financement seront raisonnables, eu égard aux autres AFL qui ont été approuvés par les tribunaux, ainsi que du remboursement reçu par le FARC lorsqu’il finance des instances judiciaires.

[59]      En ce qui concerne le niveau de risque élevé pour Therium, les demandeurs réitèrent que le niveau de financement devant être avancé aux termes de l’AFL est [traduction] « sans précédent ». De plus, conformément au paragraphe 17.4 de l’AFL, Therium devra obtenir l’approbation de la Cour avant de pouvoir suspendre ou résilier l’AFL. En outre, la complexité de l’analyse économique qui sous-tend la présente instance se reflète dans une décision récente du Royaume-Uni, qui compte plus de 400 pages et 300 pages supplémentaires en annexes : Price comparison website: use of most favoured nation clauses, Competition and Markets Authority cases  (dossier no 50505, 19 novembre 2020). Par conséquent, le risque de défaillance est élevé et peut survenir à de multiples étapes, y compris l’étape de l’autorisation, le procès et l’appel, pour des raisons liées à la théorie juridique ainsi qu’à la méthodologie des dommages-intérêts. Dans chacun de ces scénarios, Therium pourrait ne recevoir aucun rendement sur son investissement, ou même un remboursement du financement qu’elle versera. Bref, à ce stadeci, le niveau de rendement que Therium recevra est très incertain, et Therium devra attendre une période indéfinie avant de recevoir des frais ou même un remboursement des fonds qu’elle a avancés.

[60]      Les demandeurs soulignent que cette incertitude est accrue du fait qu’aucun tribunal n’a rendu de décision selon laquelle les accords prétendument anticoncurrentiels sont effectivement anticoncurrentiels. En effet, le Bureau de la concurrence n’a pas pris position sur cette question. Par conséquent, contrairement à de nombreuses poursuites privées intentées au titre de l’article 36 de la Loi sur la concurrence, les demandeurs ne pourront pas se prévaloir des conclusions d’un tribunal, des résultats d’une enquête du Bureau de la concurrence ou des aveux du défendeur, p. ex., comme dans l’affaire Loblaw, précitée. De façon plus générale, il y a très peu d’affaires dans lesquelles des tribunaux canadiens ont déjà rendu des décisions de première instance du même type que celles qui devront être rendues en l’espèce.

[61]      En ce qui concerne le caractère raisonnable de l’AFL par rapport à d’autres accords de financement de litiges, les demandeurs commencent par souligner que les modalités de l’AFL sont plus favorables aux membres du recours collectif que les modalités applicables lorsqu’une instance est financée par le FARC. Cela s’explique par le fait que les frais de financement de Therium sont assujettis à des limites qui les empêcheront de dépasser la redevance de 10 pour 100 généralement obtenue par le FARC, dans plus de 90 pour 100 des scénarios possibles entre une victoire complète (recouvrement de 12 milliards de dollars) et un échec complet (recouvrement nul)[2]. Il en est ainsi malgré le fait que l’AFL prévoit un montant de financement qui dépasse de loin ce qui pourrait être obtenu auprès du FARC.

[62]      Les limites en question sont un plafond de 100 000 000 $US et un deuxième plafond qui limiterait le recouvrement de Therium à un maximum de 10 pour 100 du produit de toute réclamation. Selon le taux de change quotidien moyen de la Banque du Canada (1,2574) pour le mois de mars 2021, le plafond de 100 000 000 $US s’appliquerait à tout règlement ou toute indemnité de plus de 1 257 400 000 $CAN environ[3]. Ce dernier montant représente environ 10,5 pour 100 du montant total réclamé dans la présente instance. Par conséquent, le plafond de 100 000 000 $US s’appliquerait à 89,5 pour 100 des résultats possibles dans le cadre de la présente instance, entre le succès complet (recouvrement de 12 milliards de dollars canadiens) et l’échec complet (recouvrement nul). De plus, à mesure que le montant potentiel du règlement ou de l’indemnité augmente au-delà de 1 257 400 000 $CAN et s’approche de 12 milliards de dollars canadiens, le montant de 100 000 000 $US diminuerait par rapport au recouvrement total pour passer de 10 pour 100 à environ 1 pour 100.

[63]      En plus de ce qui précède, les demandeurs affirment que l’AFL prévoit un niveau de recouvrement inférieur ou similaire à celui qui a été approuvé dans des affaires récentes. À cet égard, ils font remarquer que, dans la décision Jensen, précitée, la Cour a approuvé un niveau de recouvrement non plafonné qui pouvait atteindre jusqu’à 15 pour 100 de tout produit recouvré par le groupe. Ils soulignent en outre que, dans la décision Loblaw, précitée, la CSJO a approuvé un accord de financement [traduction] « comparable » à celui de l’AFL dans la présente instance, parce qu’il permettait au bailleur de fonds d’obtenir 10 pour cent de tout produit recouvré, sous réserve d’un plafond qui variait selon le moment de tout règlement ou jugement : Loblaw, précitée, aux paragraphes 910. Selon les demandeurs, l’AFL dans la décision Loblaw envisageait un multiplicateur plus important que dans la présente instance (six fois le montant avancé, comparativement à cinq fois dans la présente instance), et le rendement pour le bailleur de fonds était légèrement supérieur au rendement pour Therium aux termes de l’AFL, lorsqu’il est exprimé en pourcentage du montant du financement avancé. (Cela peut s’expliquer en partie par le fait que, selon les demandeurs, le total des dommages-intérêts réclamés dans l’affaire Loblaw est d’environ 2 milliards de dollars de moins que les 12 milliards de dollars réclamés dans la présente instance[4].)

[64]      J’accepte les observations des demandeurs au sujet du caractère raisonnable de l’AFL pour les membres du recours collectif, compte tenu des risques qu’ils ont cernés, du rendement non plafonné de 10 pour 100 généralement reçu au titre de la LRC dans les instances en Ontario, et des AFL qui ont été approuvés dans les décisions Jensen et Loblaw. Autrement dit, je conclus que les considérations et les précédents soulevés par les demandeurs militent en faveur d’une conclusion selon laquelle l’AFL, y compris les frais de financement, est juste et raisonnable pour les membres actuels et futurs du recours collectif.

[65]      Je tiens à préciser que les amis de la cour partagent ce point de vue. À cet égard, les amis de la cour font remarquer que, bien que l’AFL offre les rendements potentiels les plus importants, ou au moins l’un des plus importants, à un bailleur de fonds qui a comparu devant les tribunaux au Canada, cela n’est pas déraisonnable, compte tenu du fait que Therium fait face au [traduction] « plus grand risque » qu’un bailleur de fonds ait déjà pris : transcription, à la page 47. En ce qui concerne les précédents jurisprudentiels, les amis de la cour ajoutent que les montants combinés revenant à Therium et aux avocats des demandeurs correspondraient à ce qui a été décrit comme la [traduction] « fourchette de validité présumée » (jusqu’à 30 pour 100 à 35 pour 100 du produit de la réclamation) selon que le plafond de 100 000 000 $US ou le plafond de 10 pour 100 prévu dans l’AFL s’applique — ce qui se produirait dans plus de 90 pour 100 des résultats possibles en l’espèce[5] : TDL, précitée, au paragraphe 25; Drynan, précitée, aux paragraphes 91, 98, 111; Houle 1, précitée, au paragraphe 33. Voir aussi Cannon v. Funds for Canada Foundation, 2013 ONSC 7686 (CanLII), aux paragraphes 711.

[66]      Je tiens également à souligner que les représentants demandeurs ont tous deux déclaré, dans leurs affidavits sous serment, qu’ils croyaient que l’AFL était juste et raisonnable pour eux-mêmes et pour le groupe de personnes qu’ils se proposaient de représenter. Bien que cela soit pertinent, ce n’est [traduction] « en aucun cas déterminant » : Dugal, précitée, au paragraphe 17.

[67]      Nonobstant ce qui précède, au cours de l’audition de la présente requête, j’ai exprimé des préoccupations au sujet du montant des frais de financement dans les scénarios où le recouvrement se situerait à l’extrémité inférieure du spectre entre un recouvrement complet et un recouvrement nul. J’ai noté une préoccupation particulière au sujet du scénario dans lequel le recouvrement serait inférieur à environ 150 millions de dollars, ce qui équivaudrait à 1,25 pour 100 du total des dommages-intérêts réclamés par les demandeurs.

[68]      Dans ce scénario, les frais de financement pourraient atteindre environ [***], après conversion en devise canadienne[6]. Cela s’explique par le fait que l’AFL accorderait à Therium des frais de financement équivalant au plus élevé des deux montants suivants : cinq fois le montant financé et 10 pour 100 du produit de la réclamation (sous réserve du plafond de 100 000 000 $US susmentionné). Lorsque cette somme de [***] millions est combinée au remboursement du montant total du financement prévu dans l’accord (environ [***], après conversion des devises), plus les honoraires conditionnels de 25 pour 100 établis dans les ententes de mandat avec honoraires conditionnels que les représentants demandeurs et leurs avocats ont signées (environ 37,5 millions de dollars), le montant total recouvré par Therium et les avocats des demandeurs serait de [***] millions sur le recouvrement total de 150 millions de dollars. Cela représenterait [***] du produit de la réclamation, ce qui ne laisse qu’un montant négligeable pour les membres du recours collectif, en supposant qu’il n’y ait pas de débours financés par les avocats, en plus de ceux financés par Therium.

[69]      En réponse à mes préoccupations, les avocats des demandeurs ont maintenu qu’un règlement ou une indemnité de l’ordre de 150 millions de dollars était [traduction] « très improbable ». Quoi qu’il en soit, ils ont affirmé qu’un tel règlement ou une telle adjudication refléterait une opinion selon laquelle leur réclamation n’est pas solide. Dans un tel scénario, les membres du recours collectif ne seraient pas dans une situation pire que si l’AFL n’était pas approuvé, parce qu’ils n’auraient pas droit à une indemnisation importante. L’objectif de tout règlement serait plutôt d’obtenir le remboursement des coûts engagés pour intenter la procédure et d’éviter d’autres débours.

[70]      L’appréciation par les demandeurs des perspectives de règlement ou d’adjudication de dommages-intérêts de l’ordre de 150 millions de dollars est largement appuyée par les amis de la cour, qui ont observé qu’il n’y avait aucune raison de croire qu’un résultat de l’ordre de 150 millions de dollars était susceptible de se produire. Selon eux, un tel résultat n’est pas raisonnablement probable : transcription, aux pages 5658. En réponse à d’autres échanges sur cette question, ils ont fait observer que la réclamation des demandeurs n’avait pas [traduction] « l’apparence d’une cause qui ferait l’objet d’un règlement pour une somme négligeable » : transcription, aux pages 6364. Si un tel résultat devait se présenter, les amis de la cour ont appuyé la position des demandeurs selon laquelle les membres du recours collectif n’auraient perdu aucune chose à laquelle ils avaient droit, parce que le bien-fondé de l’affaire aurait évolué d’une manière qui leur est défavorable. Les amis de la cour ont ajouté que, en raison de sa supervision de tout règlement, la Cour serait en mesure d’accepter ou de rejeter le règlement. À ce momentlà, la Cour aurait la possibilité de rajuster la rémunération versée aux avocats des demandeurs afin de mettre plus de fonds à la disposition des membres du recours collectif.

[71]      Les amis de la cour ont également souligné que [traduction] « les membres du recours collectif sont habituellement les derniers à percevoir des sommes » dans les cas de recours collectifs : transcription, à la page 69. Par conséquent, s’il y a un règlement à l’extrémité inférieure du spectre, par rapport au montant qui a été réclamé, il se peut qu’ils ne reçoivent qu’une petite partie du règlement, voire rien du tout.

[72]      Malgré les appréciations des demandeurs et des amis de la cour selon lesquelles les membres du recours collectif ont très peu de chances d’obtenir un très faible montant, j’ai encouragé les demandeurs à discuter de mes préoccupations avec Therium et à essayer de les atténuer. La semaine suivante, les demandeurs m’ont écrit pour m’informer que les parties à l’AFL avaient accepté une modification proposée à l’AFL (la modification).

[73]      La modification contient un changement important au paragraphe 13.1 de l’AFL. En bref, les membres du recours collectif auraient droit à 15 millions de dollars américains sur le produit de la réclamation, immédiatement après le remboursement des fonds avancés par Therium et les débours financés par les avocats du recours collectif. Compte tenu du taux de change de 1,2574, la somme de 15 millions de dollars américains équivaudrait à environ 19 millions de dollars canadiens. Il est entendu que ce droit aurait priorité sur les honoraires conditionnels des avocats du groupe et les frais de financement de Therium. Après que les amis de la cour ont écrit pour exprimer leur point de vue selon lequel la modification atténuait toute préoccupation selon laquelle Therium recevrait une indemnisation excessive dans le scénario [traduction] « d’un règlement/de dommages-intérêts d’un faible montant » que j’ai relevé pendant l’audience de la présente requête, j’ai communiqué ce même point de vue aux demandeurs, et la modification a été signée.

[74]      En résumé, pour les divers motifs soulevés par les demandeurs et repris par les amis de la cour, je conclus que l’AFL, dans sa version modifiée, est juste et raisonnable pour les membres du recours collectif actuels et futurs en tant que groupe. Je suis arrivé à cette conclusion en me fondant sur (i) le risque élevé pour Therium, (ii) le niveau élevé d’incertitude pour Therium en ce qui concerne le moment et l’étendue de tout recouvrement (y compris les montants qu’elle avance aux termes de l’AFL), (iii) les rendements pour les bailleurs de fonds de litiges (ou les bailleurs de fonds et les avocats du recours collectif combinés) qui ont été approuvés par les tribunaux au Canada, et (iv) le prélèvement non plafonné de 10 pour 100 auquel a droit le FARC dans les instances qu’il finance en Ontario.

[75]      De plus, le plafond de 100 000 000 $US fera en sorte que les frais de financement ne dépasseront pas 10 pour 100 du produit de la réclamation pour tout règlement supérieur à environ 1,27 milliard de dollars canadiens, ce qui représente 89,5 pour 100 des scénarios possibles entre le succès complet (12 milliards de dollars canadiens) et l’échec complet. Le deuxième plafond de 10 pour 100, qui sera déclenché si la somme correspondant à 10 pour 100 du produit de la réclamation est supérieure au plafond du multiplicateur, fera en sorte que les frais de financement ne dépasseront pas le seuil de 10 pour 100 dans une fourchette supplémentaire des résultats possibles. Enfin, la modification fera en sorte que les membres du recours collectif participeront à tout règlement ou à toute indemnité qui pourrait être accordée dans le cas des autres issues possibles et soi-disant improbables, en supposant que le montant accordé dépasse le montant des fonds avancés par Therium et les débours payés par les avocats du recours collectif.

[76]      J’ajouterai simplement en passant que tout membre du recours collectif mécontent de l’AFL aura le droit de se retirer de l’instance dans le délai et de la manière précisés dans toute ordonnance autorisant l’instance comme recours collectif : paragraphe 334.21(1) des Règles.

[77]      Compte tenu de tout ce qui précède, ce facteur milite en faveur de l’approbation de l’AFL.

6)         L’AFL contribuera-t-il de façon significative à la prévention des actes répréhensibles?

[78]      Les demandeurs maintiennent que, s’ils obtiennent gain de cause dans la présente instance, dans laquelle ils demandent des dommages-intérêts de 12 milliards de dollars, d’autres entreprises seront dissuadées de se livrer à des comportements semblables aux accords prétendument anticoncurrentiels à l’avenir. Les amis de la cour sont d’accord.

[79]      Je conviens que l’AFL aidera grandement les demandeurs à faire avancer leur réclamation contre Amazon. Dans la mesure où ils ont gain de cause, soit en obtenant un jugement ou une adjudication favorable, soit en parvenant à un règlement qui reflète une réclamation valable, d’autres entreprises seront probablement dissuadées de se livrer à une conduite semblable aux accords prétendument anticoncurrentiels. Dans ce scénario, l’AFL contribuerait de façon significative à prévenir les actes répréhensibles.

[80]      Par conséquent, ce facteur milite en faveur de l’approbation de l’AFL.

7)    L’AFL nuit-il à la relation avocat-client, à l’obligation de l’avocat envers les membres du recours collectif ou à la conduite de l’instance?

[81]      Un AFL ne doit pas [traduction] « nuire à la relation avocat-client, aux obligations de loyauté et de confidentialité de l’avocat ou au jugement professionnel de l’avocat et à la conduite du litige au nom du représentant demandeur ou des membres du recours collectif » : Houle 1, précitée, au paragraphe 88.

[82]      Les demandeurs maintiennent que l’AFL dans la présente instance garantit qu’il n’y aura pas d’ingérence de ce genre. Je partage cet avis.

[83]      Le paragraphe 10.1 de l’AFL confirme que les avocats du recours collectif [traduction] « doivent en tout temps se conformer à leur obligation professionnelle d’agir de façon indépendante ainsi que dans l’intérêt supérieur des représentants demandeurs et des membres de l’ensemble du groupe, et conformément à leurs autres obligations professionnelles ».

[84]      De plus, le paragraphe 10.2 de l’AFL stipule que [traduction] « les représentants demandeurs auront le droit exclusif de diriger le déroulement de la réclamation et des procédures, y compris le droit exclusif de régler les procédures ». Ce paragraphe ajoute que rien dans l’AFL [traduction] « n’autorise Therium à s’ingérer dans le déroulement de la réclamation ou de la procédure ».

[85]      Bien que le paragraphe 11.1 impose certaines obligations aux avocats du recours collectif à l’égard de Therium, ces obligations sont explicitement assujetties aux paragraphes 10.1, 10.2 et 16 (dont il est question ciaprès) de l’AFL.

[86]      De plus, le paragraphe 10.6 de l’AFL confirme que [traduction] « rien dans le présent accord ne permet à Therium de passer outre aux conseils donnés par les avocats aux représentants demandeurs ».

[87]      Enfin, comme il a été mentionné précédemment, Therium ne peut suspendre ou résilier l’AFL qu’avec l’approbation préalable de la Cour : AFL, aux paragraphes 17.4 et 17.5.3.

[88]      Compte tenu de ce qui précède, ce facteur milite en faveur de l’approbation de l’AFL.

8)    L’AFL protège-t-il les privilèges juridiques pertinents et la confidentialité des renseignements des parties?

[89]      Un AFL doit garantir que le tiers bailleur de fonds sera lié par la règle de l’engagement réputé et sera tenu de ne pas divulguer de renseignements confidentiels ou privilégiés : Houle 1, précitée, au paragraphe 65.

[90]      Encore une fois, les demandeurs soutiennent que l’AFL tient suffisamment compte de ces considérations. Je suis d’accord.

[91]      Aux termes du paragraphe 15.2, Therium a convenu que tout renseignement ou document privilégié qui lui était communiqué à tout moment était ou serait divulgué en tenant compte du fait que Therium avait, ou aurait, un intérêt commun dans la poursuite et le succès de la présente instance. Cette même stipulation ajoute que Therium [traduction] « prendra en tout temps toutes les mesures raisonnables pour maintenir ce privilège ».

[92]      En outre, selon le paragraphe 16.1, les parties à l’AFL ont reconnu que [traduction] : « Therium sera[it] assujettie à un engagement implicite de confidentialité imposé aux parties à l’instance à l’égard de tout document ou renseignement au sujet de la réclamation, de l’instance et des parties à l’instance que Therium [pourrait] recevoir en raison de ses droits au titre du présent accord ». Le paragraphe 16.2 stipule d’ailleurs, sans préjudice aux paragraphes 15 et 16.1, que les parties à l’AFL [traduction] « conviennent de préserver la confidentialité et, s’il y a lieu, de maintenir tout privilège relatif à tous les documents et renseignements » qu’elles échangent, sous réserve de certaines exceptions raisonnables et ordinaires.

[93]      Compte tenu de ce qui précède, ce facteur milite en faveur de l’approbation de l’AFL.

9)    L’AFL protège-t-il les intérêts légitimes des défenderesses?

[94]      Les demandeurs soutiennent qu’Amazon n’a aucun intérêt de bonne foi dans l’AFL. Cette position est fondée sur le fait que les recours collectifs devant la Cour sont menés sans adjudication de dépens, à moins qu’il y ait des circonstances très limitées : article 334.39 des Règles; Campbell c. Canada (Procureur général), 2012 CAF 45, [2013] 4 R.C.F. 234, au paragraphe 45; LRC de l’Ontario, article 31. Quoi qu’il en soit, les demandeurs font remarquer que l’AFL exige que Therium indemnise les représentants demandeurs à l’égard de toute ordonnance d’adjudication de dépens défavorable qui pourrait être rendue contre eux, jusqu’à un maximum stipulé : AFL, aux paragraphes 8.1 à 8.3. Au-delà de cette limite, Therium a accepté de financer une assurance-frais juridiques suffisante pour couvrir tout risque supplémentaire que les représentants demandeurs ou les avocats du recours collectif pourraient repérer. Therium a également le droit d’obtenir une telle assurance contre tout risque similaire qu’elle pourrait repérer.

[95]      De plus, à la demande des représentants demandeurs ou des avocats du recours collectif, et au profit de chaque défenderesse, Therium est tenu de signer un engagement de se conformer à toute adjudication de dépens défavorable, jusqu’à concurrence de la limite susmentionnée : AFL, au paragraphe 8.5; AFL, annexe 2, au paragraphe 2.1.1. Cet engagement oblige également Therium à reconnaître la compétence du tribunal à l’égard de toute ordonnance de dépens défavorable que la Cour peut rendre, jusqu’à concurrence de cette limite : AFL, annexe 2, au paragraphe 2.1.2.

[96]      Compte tenu de ce qui précède et du fait qu’Amazon a choisi de ne pas présenter d’observations à la Cour relativement à la présente requête, je considère que l’AFL semble protéger tout intérêt légitime qu’Amazon pourrait avoir relativement au financement de la présente instance : TDL, précitée, au paragraphe 20. Cela est particulièrement vrai à la lumière du fait que Therium a accepté d’être lié par un engagement de confidentialité réputé, comme il en a été question ci-dessus.

[97]      Par conséquent, ce facteur milite en faveur de l’approbation de l’AFL.

C.   La question du Québec

[98]      L’AFL comprend le financement de la présente instance et de l’instance au Québec. Dans cette optique, les amis de la cour ont soulevé deux questions. La première question est de savoir si la Cour peut approuver un AFL qui touche les intérêts des membres du recours collectif et la conduite d’un recours collectif dans une juridiction différente. La deuxième question est celle de savoir si une approbation distincte de l’AFL doit être fournie par la Cour supérieure du Québec. Les amis de la cour ont soutenu qu’aucune de ces questions ne devrait jouer un rôle dans l’approbation de l’AFL par la Cour. Elles ont été signalées seulement parce qu’elles pourraient être soulevées plus tard au cours de la présente instance.

[99]      Les demandeurs répliquent que la présente instance est un recours collectif national. Cela est confirmé par les définitions des trois groupes proposés, qui sont reproduites aux paragraphes 14 à 17 ci-dessus. Par conséquent, je conviens avec les demandeurs et les amis de la cour que la Cour peut procéder à l’approbation de l’AFL à cette étape, sans savoir si la Cour supérieure du Québec en fera de même pour la partie de l’AFL qui concerne le financement de l’instance au Québec.

[100]   Il reste à savoir s’il serait prudent que la Cour approuve l’AFL sans savoir s’il sera aussi approuvé par la Cour supérieure du Québec. Si la Cour supérieure n’approuve pas l’AFL, les membres du recours collectif qui ne participent pas à l’instance au Québec pourraient bien être exposés à un risque réel d’avoir à subventionner la présente instance.

[101]   Malheureusement, la Cour supérieure du Québec ne se penchera peut-être pas sur cette question avant longtemps. Selon les avocats des demandeurs, la pratique au Québec consiste à reporter l’approbation des AFL jusqu’à l’étape du règlement ou du jugement final de la procédure. Toutefois, ils maintiennent que la possibilité que la Cour supérieure du Québec n’approuve pas le paiement de la proportion des dépenses qui sera nécessaire pour faire avancer l’instance au Québec n’est pas [traduction] « une réalité pratique » : transcription, à la page 32. Les amis de la cour ont convenu que ce [traduction] « n’[était] pas une préoccupation réaliste » : transcription, à la page 67. Les avocats des demandeurs ont ajouté qu’ils n’étaient pas au courant de précédents dans lesquels un tribunal du Québec avait refusé d’approuver une contribution aux coûts engagés pour intenter des procédures distinctes dans cette province et dans un ou plusieurs autres territoires de compétence au Canada.

[102]   Sur le plan pratique, tant les avocats des demandeurs que les amis de la cour ont fait remarquer que la Cour conserverait la capacité de refuser d’approuver tout règlement si elle avait l’impression que les membres du recours collectif dans la présente instance n’étaient pas traités équitablement.

[103]   Un autre facteur pratique qui est pertinent pour les besoins de la présente instance concerne l’intention des demandeurs de tenter de suspendre l’instance au Québec en faveur de l’action intentée devant la Cour. S’ils ne réussissent pas à le faire, les avocats des demandeurs ont déclaré qu’ils avaient l’intention de retirer de la demande présentée à la Cour toute réclamation pour les préjudices subis par les personnes visées par l’instance au Québec.

[104]   Compte tenu de tout ce qui précède, je ne considère pas que l’incertitude quant au moment et à la façon dont l’AFL peut être traitée par la Cour supérieure du Québec soit une raison pour s’abstenir d’approuver l’AFL à ce moment-ci.

[105]   Je m’arrête un instant pour noter que je comprends la position des avocats du recours collectif selon laquelle il est prudent de coordonner le financement de la présente instance et celui de l’instance au Québec, afin d’éviter [traduction] « le dédoublement des efforts, des coûts et, surtout, des preuves économiques ou factuelles différentes qui pourraient nuire à l’action dans chaque juridiction ». Il est évident qu’en coordonnant les deux instances en parallèle et en ne retenant qu’une seule équipe d’experts économiques, les coûts nécessaires pour les faire avancer peuvent être réduits, ce qui entraîne des avantages pour les membres du recours collectif dans les deux instances.

D.   Conclusion concernant l’approbation de l’AFL

[106]   Compte tenu des conclusions que j’ai tirées relativement à chacun des facteurs susmentionnés, j’approuverai l’AFL.

[107]   Il est à noter que j’ai envisagé la possibilité de fournir une approbation préliminaire, sous réserve d’un réexamen de l’AFL au moment de tout règlement qui pourrait être conclu ou de tout jugement définitif sur le bien-fondé de la présente instance. Toutefois, après avoir examiné les observations faites par les avocats du recours collectif et les amis de la cour sur ce point, j’ai décidé de ne pas le faire. En bref, les avocats du recours collectif ont soutenu que [traduction] « le capital aime la certitude » et que [traduction] « personne ne va avancer d’argent » pour financer un litige en l’absence d’un certain degré de certitude concernant le rendement de son investissement. Les amis de la cour ont observé que ce ne serait probablement pas une option pratique pour la présente instance. Je suis enclin à être d’accord, d’autant plus que le plafond de 100 000 000 $US donne une certitude à la Cour quant au recouvrement maximal auquel Therium aura droit. Les autres plafonds (cinq fois le montant avancé ou 10 pour 100 du produit de la réclamation, selon le plus élevé de ces montants) donnent une plus grande certitude à la Cour quant au recouvrement éventuel de Therium et au fait qu’il sera de l’ordre des sommes qui ont été approuvées dans d’autres causes.

[108]   Je note en passant que, selon les avocats du recours collectif, les seuls précédents dans lesquels l’approbation du financement du litige a été reportée à la fin de la procédure concernaient des AFL qui comprenaient également le financement des frais juridiques, qui sont habituellement approuvés à la fin du recours collectif : Houle 1, précitée, aux paragraphes 28, 87, conf. par Houle 2, précitée, aux paragraphes 7, 44; Flying E, précitée, aux paragraphes 24, 35; Drynan, précitée, aux paragraphes 14, 15, 8189; TDL, précitée, aux paragraphes 4, 25, 26. Les amis de la cour n’ont pas laissé entendre le contraire.

VII.  La question de la confidentialité

[109]   Dans leur avis de requête et leur demande de réparation, les demandeurs ont sollicité une ordonnance leur permettant de [traduction] « signifier et déposer le dossier de requête en caviardant les modalités relatives au montant maximal de financement du litige que Therium fournira en vertu de [l’AFL], et déposer auprès de la Cour une copie non caviardée de [l’AFL] sous scellé ». Les demandeurs souhaitent maintenant conserver les caviardages dans la version de l’AFL qui est accessible au public.

[110]   À l’appui de cette demande, les demandeurs affirment que Therium ne veut pas que ses concurrents voient comment elle établit le prix des causes et comment elle se protège contre le risque de perte. De plus, ils maintiennent que la divulgation de renseignements de nature délicate dans l’AFL, y compris les plafonds qui y sont établis, ne servirait pas un objectif d’accès à la justice.

[111]   J’accepte volontiers le fait que les renseignements relatifs au montant maximal de financement fourni dans le cadre de l’AFL sont de nature délicate sur le plan de la concurrence. Cela comprend les montants maximaux des tranches dans lesquelles le financement sera avancé. En plus d’être de nature délicate sur le plan de la concurrence, ces renseignements sont de nature délicate en ce sens que leur divulgation à Amazon pourrait avoir une incidence sur la façon dont Amazon se conduit dans le cadre de la présente instance. Je reconnais également que les autres conditions très limitées de l’AFL qui ont été caviardées sont délicates sur le plan commercial et ne devraient pas être divulguées aux défenderesses.

[112]   Toutefois, je rejette la position des demandeurs selon laquelle les renseignements concernant les plafonds appliqués aux frais dans l’AFL devraient demeurer confidentiels. Il est entendu que ces plafonds permettront à Therium de recevoir un montant correspondant au multiplicateur (cinq fois les fonds engagés) ou 10 pour 100 du produit de la réclamation, selon le plus élevé de ces montants, sous réserve d’un plafond de 100 000 000 $US. À mon avis, les membres du recours collectif ont tout intérêt à connaître ces plafonds. Dans la mesure où les membres des médias ou le grand public s’intéressent à la présente requête, il serait difficile pour eux de bien comprendre les questions qui ont été soulevées sans connaître ces plafonds.

[113]   De plus, j’accepte l’avis des amis de la cour selon lequel je devrais être guidé par l’approche qui a été adoptée dans d’autres affaires dans lesquelles les renseignements concernant les plafonds et les « multiplicateurs » n’ont pas été gardés confidentiels : voir, p. ex., Jensen, précitée, à la pièce A, au paragraphe 5.1; Kinross [Bayens v. Kinross Gold Corporation, 2013 ONSC 4974 (CanLII), 117 O.R. (3d) 150], au paragraphe 15; Loblaw, précitée, aux paragraphes 910; Drynan, précitée, aux paragraphes 14, 109; Flying E, précitée, au paragraphe 25; Houle 2, précitée, au paragraphe 17; TDL, précitée, au paragraphe 24; Schenk, précitée, au paragraphe 15; Stanway, précitée, au paragraphe 8.

[114]   Par conséquent, je fais droit à la demande des demandeurs de préserver la confidentialité des modalités caviardées concernant (i) le montant maximal de financement que Therium fournira aux termes de l’AFL, y compris le montant maximal à fournir en tranches, (ii) certaines circonstances dans lesquelles elle peut demander la suspension ou la résiliation de l’AFL, et (iii) le plan de projet inclus à l’annexe 1 de l’AFL. Toutefois, je ne ferai pas droit à la demande des demandeurs visant à préserver la confidentialité des plafonds susmentionnés.

VIII. Conclusion

[115]   Pour les motifs exposés ci-dessus, j’approuverai l’AFL et je ferai droit à la demande des demandeurs afin de préserver la confidentialité des stipulations qu’ils ont demandé à caviarder de l’AFL, sauf pour les montants des plafonds susmentionnés.

[116]   En terminant, j’estime qu’il convient d’aborder un aspect problématique de la présente requête. En bref, la Cour s’est vu essentiellement présenter une proposition « à prendre ou à laisser ». Selon les avocats du recours collectif, toute tentative de la Cour de modifier les conditions de l’AFL proposé soulèverait une possibilité très réelle que Therium se retire de la présente instance, privant ainsi les membres du recours collectif de leur seule chance réaliste de faire avancer leur cause. Les avocats ont laissé entendre que la probabilité de trouver un autre bailleur de fonds était faible et que leurs chances de persuader Therium de réexaminer l’AFL, après avoir passé environ trois mois à le négocier, étaient faibles. Les avocats du recours collectif ont en outre laissé entendre qu’une renégociation de l’AFL pourrait prendre des mois, que les demandeurs [traduction] « subir[aient] un préjudice si le financement n’[était] pas approuvé et rendu disponible immédiatement », et que les modalités de l’AFL étaient les [traduction] « meilleures » qui pourraient être obtenues de Therium.

[117]   Il est inconvenant de placer la Cour dans cette position. La Cour n’est pas là pour « apposer un tampon ». Elle exerce une surveillance des recours collectifs pour une raison précise. Malgré l’obligation de loyauté et les responsabilités des avocats du recours collectif envers leurs clients, on ne peut pas supposer qu’ils feront toujours passer les intérêts des membres du recours collectif en premier lorsque de tels accords ou arrangements seront négociés. C’est l’une des raisons importantes pour lesquelles il est nécessaire que la Cour approuve les AFL et les ententes sur les honoraires conditionnels.

[118]   Compte tenu de ce qui précède, il n’est pas prudent de s’attendre à ce que la Cour approuve un AFL proposé sans exiger certaines modifications. C’est d’autant plus vrai lorsque l’AFL envisage la possibilité que les membres du recours collectif ne reçoivent rien, ou une part relativement faible du produit de la réclamation, dans des scénarios qui pourraient raisonnablement soulever des questions légitimes parmi les membres du recours collectif et le grand public. Dans la mesure où de tels scénarios pourraient avoir le potentiel de miner la confiance du public envers la Cour et l’administration de la justice, ils pourraient bien devoir être réexaminés et faire l’objet de mesures.

[119]   La meilleure façon de procéder serait que les avocats du recours collectif et les bailleurs de fonds du litige soient prêts à faire face à la possibilité qu’il faille apporter des modifications à un AFL proposé pour obtenir l’approbation de la Cour. Autrement dit, les parties à un AFL proposé devraient avoir un « plan B », au cas où la Cour exprimerait des préoccupations au sujet d’un ou de plusieurs aspects de l’AFL. Elles devraient également prévoir le fait que la Cour pourrait bien vouloir vérifier les assertions faites par les avocats du recours collectif en leur demandant de discuter de modifications possibles avec le bailleur de fonds du litige. Il convient de souligner que c’est particulièrement le cas lorsque l’AFL proposé envisage la possibilité décrite au paragraphe précédent. Je m’arrête ici pour noter que les amis de la cour ont convenu qu’il s’agissait d’une façon tout à fait raisonnable pour la Cour de procéder dans de telles circonstances. En effet, après avoir demandé que les avocats du recours collectif discutent des préoccupations que j’ai soulevées au sujet de la version initiale de l’AFL qui avait été déposée auprès de la Cour, les avocats du recours collectif ont écrit une lettre la semaine suivante pour indiquer que les parties à l’AFL avaient accepté une modification proposée, ce qui a suffisamment répondu à mes préoccupations. (Voir l’analyse, aux paragraphes 68 à 77.)

[120]   Une façon encore meilleure de procéder serait de structurer les AFL proposés de façon à mieux calibrer et équilibrer le rendement pour le bailleur de fonds du litige, les avocats du recours collectif et les membres du recours collectif, selon le continuum des résultats possibles. Je reconnais et j’accepte le fait qu’il peut être tout à fait approprié de s’assurer que le bailleur de fonds d’un litige et l’avocat d’un recours collectif se font rembourser leurs dépenses et qu’ils reçoivent au moins un rendement raisonnable sur leur investissement, en priorité à toute distribution faite aux membres du recours collectif. Toutefois, la raison pour laquelle les frais de financement et les frais juridiques devraient être invariables, au-delà du moment où leurs dépenses sont remboursées, n’est pas immédiatement manifeste. Une approche plus juste, qui serait mieux alignée sur les intérêts de la justice, consisterait à structurer un AFL proposé de manière à prévoir une échelle mobile de rendements, de sorte que les membres du recours collectif puissent commencer à obtenir une part du produit de la réclamation après le remboursement des dépenses du bailleur de fonds du litige et des avocats du recours collectif. 

ORDONNANCE dans le dossier T-445-20

LA COUR ORDONNE :

1.         L’accord de financement de litige (l’AFL) du 29 décembre 2020 entre Therium Litigation Finance Atlas AP IC, Stephanie Difederico, Jameson Casey, Audrey Wells, Strosberg Sasso Sutts LLP, Orr Taylor LLP et IMK S.E.N.C.R.L./LLP, modifié le 15 mars 2021, est approuvé.

2.         La demande des demandeurs pour que certains caviardages soient ajoutés à la version de l’AFL qui sera mise à la disposition du public est acceptée, sauf pour les caviardages dans la colonne intitulée [traduction] « Frais de financement » de l’annexe de l’AFL. Il est entendu que la description des plafonds s’appliquant aux frais (cinq fois les fonds engagés pour les diverses tranches de financement ou 10 pour 100 du produit de la réclamation, selon le plus élevé de ces montants, sous réserve d’un plafond de 100 000 000 $US) ne sera pas caviardée.



[1] Les avocats des demandeurs affirment que l’AFL [traduction] « contient l’engagement de financement le plus important dans les litiges canadiens connus des avocats ».

[2] Voir la note en bas de page 5 ci‑dessous.

[3] En utilisant le taux de change ci-dessus, la somme de 100 000 000 $US équivaut à 125 740 000 $CAN. Cela représente 10 pour 100 de 1 257 400 000 $CAN. Au-delà de ce montant, le plafond de 100 000 000 $US l’emporterait sur le plafond de 10 pour 100.

[4] Il semble que les avocats des demandeurs participent également à l’instance dans les affaires Loblaw et Jensen.

[5] Le plafond de 10 pour 100 entrera en vigueur au plus tard au moment où une proportion de 10 pour 100 du produit de la réclamation dépassera cinq fois le financement engagé ([***]). En appliquant le taux de change de 1,2574 mentionné ci‑dessus, ce dernier chiffre équivaut à environ [***]. Il s’ensuit qu’une proportion de 10 pour 100 du produit de la réclamation dépasserait ce montant si la valeur totale du produit de la réclamation dépassait [***]. Ce dernier chiffre représente environ [***] du montant total demandé dans le cadre de la présente instance (12 milliards de dollars canadiens).

[6] Cela représenterait cinq fois le montant total du financement envisagé par l’AFL, converti selon un taux de 1,2574 (le taux de change quotidien moyen de la Banque du Canada pour le mois de mars 2021).

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.