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A-356-19

2020 CAF 210

Groupe III International Ltd., Holiday Group Inc. et Wenger S.A. (appelantes)

c.

Travelway Group International Ltd. (intimée)

Répertorié : Group III International Ltd. c. Travelway Group International Ltd.

Cour d’appel fédérale, juges Pelletier, de Montigny et Rivoalen, J.C.A.—Par vidéoconférence, 2 novembre; Ottawa, 9 décembre 2020.

Marques de commerce — Radiation — Appel d’une décision de la Cour fédérale ordonnant la radiation des marques de commerce enregistrées de l’intimée et rejetant la demande de dommages-intérêts des appelantes — La Cour fédérale a conclu que les appelantes ne pouvaient pas obtenir de dommages-intérêts pour l’emploi des marques de commerce contrefaites avant leur radiation — Elle n’a pas conclu à l’invalidité ab initio des marques de commerce enregistrées de l’intimée — Les appelantes ont soutenu notamment qu’une conclusion d’invalidité aux termes de l’art. 18(1)a) ou d) de la Loi sur les marques de commerce était une invalidité ab initio — Il s’agissait de savoir si les appelantes avaient droit à une indemnisation pécuniaire et si l’invalidité aux termes de l’art. 18(1) était une invalidité ab initio — Les appelantes ont commis une erreur concernant l’interprétation de l’art. 18(1) et l’invalidité ab initio — La détermination de l’invalidité de la marque de commerce enregistrée est évaluée à différents moments — Dans les procédures de radiation, la responsabilité en dommages-intérêts n’est engagée qu’après que la Cour fédérale a radié la marque de commerce du registre — Le propriétaire de la marque de commerce déposée n’est pas responsable des dommages-intérêts accumulés avant la radiation — En l’espèce, l’intimée pouvait invoquer que ses enregistrements étaient protégés jusqu’au moment où ses marques de commerce ont été radiées du registre — Dans une décision antérieure mettant en présence les parties (décision de 2017), la Cour d’appel fédérale a tiré une conclusion distincte selon laquelle l’intimée était responsable de la commercialisation trompeuse, en contravention de l’art. 7b) de la Loi — Elle n’a pas fait la distinction entre les dommages-intérêts découlant de la contrefaçon et les dommages-intérêts découlant de la commercialisation trompeuse — La contrefaçon et la commercialisation trompeuse sont des causes d’action distinctes — La cause d’action en commercialisation trompeuse relevant de l’art. 7b) de la Loi protège les intérêts dans les marques de commerce non déposées — Les dépôts des marques de commerce constituent un moyen de défense complet à l’encontre de l’action en commercialisation trompeuse — Les parties du jugement rendu par la Cour en 2017 ayant conclu à la commercialisation trompeuse ne devaient pas faire autorité dans de futurs cas — Appel accueilli.

Il s’agissait d’un appel d’une décision de la Cour fédérale ordonnant la radiation des marques de commerce enregistrées de l’intimée et rejetant la demande de dommages-intérêts des appelantes. Il s’agissait ici du second appel des appelantes visant à obtenir réparation en application de la Loi sur les marques de commerce. En 2017, dans le premier appel, un jugement déclaratoire selon lequel l’intimée avait contrefait les marques de commerce enregistrées des appelantes a été rendu. En plus de ces réparations, deux questions relatives à la réparation ont été renvoyées devant la Cour fédérale aux fins de nouvelle adjudication. Il s’agissait de savoir s’il était approprié que la Cour fédérale ordonne la radiation des marques de commerce de l’intimée du registre conformément au paragraphe 57(1) de la Loi, et si des dommages-intérêts pouvaient être recouvrés au titre du paragraphe 53.2(1) de la Loi.

La Cour fédérale a rendu un jugement dans lequel elle a ordonné la radiation des marques de commerce enregistrées de l’intimée, mais a rejeté la demande de dommages-intérêts des appelantes. Elle a conclu que les appelantes ne pouvaient pas obtenir de dommages-intérêts pour l’emploi des marques de commerce contrefaites avant leur radiation. La Cour fédérale a conclu que, parce que l’intimée avait enregistré les marques de commerce déposées, elle avait droit aux avantages et aux droits conférés par l’article 19 de la Loi, jusqu’à ce que la Cour d’appel fédérale conclue à l’invalidité des marques de commerce déposées en 2017. La Cour fédérale a également conclu à l’absence de circonstances qui permettraient de déclarer les marques de commerce déposées de la défenderesse invalides ab initio.

Les appelantes ont soutenu que la Cour fédérale avait commis une erreur et qu’elle aurait dû conclure que les marques contrefaites ont toujours été invalides et qu’elles n’ont jamais été enregistrables, privant ainsi l’intimée du droit d’invoquer l’article 19 et leur donnant droit à une indemnisation à compter du moment où l’intimée a commencé à employer les marques de commerce contrefaites. Les appelantes ont soutenu notamment qu’une conclusion d’invalidité aux termes de l’alinéa 18(1)a) ou d) de la Loi était une invalidité ab initio. Autrement dit, elles ont affirmé que l’enregistrement était invalide à partir du moment même où les marques ont été enregistrées.

Il s’agissait principalement de savoir si les appelantes avaient droit à une indemnisation pécuniaire et si l’invalidité aux termes de l'alinéas 18(1)a) ou d) de la Loi est une invalidité ab initio.

Arrêt : l’appel doit être accueilli.

Les appelantes ont commis une erreur concernant l’interprétation du paragraphe 18(1) de la Loi et l’invalidité ab initio. Lorsqu’on examine les motifs d’invalidité énoncés au paragraphe 18(1) de la Loi, chacun des alinéas indique le moment auquel la détermination de l’invalidité de la marque de commerce doit être évaluée. Cette détermination est distincte de la détermination du moment auquel une partie peut devenir responsable des dommages-intérêts. Dans les procédures de radiation fondées sur le paragraphe 57(1) de la Loi, la responsabilité en dommages-intérêts n’est engagée qu’après que la Cour fédérale a radié la marque de commerce du registre. En l’absence d’une conclusion de fraude, de fausse déclaration intentionnelle ou de mauvaise foi dans sa demande d’enregistrement, le propriétaire de la marque de commerce déposée n’est pas responsable des dommages-intérêts accumulés avant la radiation de sa marque de commerce. En l’espèce, l’intimée pouvait invoquer que ses enregistrements étaient protégés jusqu’au moment où la Cour fédérale a radié ses marques de commerce du registre.

En 2017, la Cour d’appel fédérale a tiré une conclusion distincte selon laquelle l’intimée était responsable de la commercialisation trompeuse, en contravention de l’alinéa 7b) de la Loi. Elle n’a pas fait la distinction entre les dommages-intérêts découlant de la contrefaçon et les dommages-intérêts découlant de la commercialisation trompeuse. La contrefaçon (article 20 de la Loi) et la commercialisation trompeuse (alinéa 7b) de la Loi) sont des causes d’action distinctes. La cause d’action en commercialisation trompeuse relevant de l’alinéa 7b) de la Loi est une codification du délit de commercialisation trompeuse en common law. Elle permet à une partie propriétaire d’une marque de commerce non enregistrée d’intenter une action en réparation en vertu de la Loi. Dans l’arrêt Kirkbi AG c. Gestions Ritvik Inc., la Cour suprême a conclu que l’action en commercialisation trompeuse relevant de l’alinéa 7b) de la Loi protège les intérêts dans les marques de commerce non déposées. L’arrêt Kirkbi indique, sans trancher la question, que le propriétaire d’une marque de commerce déposée ne peut pas se prévaloir de l’alinéa 7b) de la Loi pour protéger sa marque de commerce. Il peut recourir aux procédures en contrefaçon ou aux procédures en radiation. Ce point a été établi encore plus clairement dans l’arrêt Molson Canada v. Oland Breweries Ltd./Les Brasseries Oland Ltée. En l’espèce, si la commercialisation trompeuse dont se sont plaintes les appelantes a eu lieu au moment où les dépôts de l’intimée étaient en vigueur, la jurisprudence, comme l’affaire Oland, indique que les dépôts des marques de commerce constituent un moyen de défense complet à l’encontre de l’action en commercialisation trompeuse. Pour ce motif, les parties du jugement rendu par la Cour en 2017 ayant conclu à la commercialisation trompeuse ne devraient pas faire autorité dans de futurs cas.

LOIS ET RÈGLEMENTS CITÉS

Loi sur les marques de commerce, L.R.C. (1985), ch. T-13, art. 7b), 18(1), 19, 20, 21, 32, 53.2(1), 57(1), 67.

Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, règle 153.

JURISPRUDENCE CITÉE

DÉCISION NON SUIVIE :

Wenger S.A. c. Travel Way International Inc., 2017 CAF 215 (en ce qui concerne la commercialisation trompeuse).

DÉCISION APPLIQUÉE :

Molson Canada v. Oland Breweries Ltd./Les Brasseries Oland Ltée (2002), 59 O.R. (3d) 607, 214 D.L.R. (4th) 473 (C.A.).

DÉCISIONS EXAMINÉES :

Wenger S.A. c. Travel Way International Inc., 2017 CAF 215; Veuve Clicquot Ponsardin c. Boutiques Cliquot Ltée, 2006 CSC 23, [2006] 1 R.C.S. 824; Remo Imports Ltd. c. Jaguar Cars Ltd., 2007 CAF 258, [2008] 2 R.C.F. 132; Kirkbi AG c. Gestions Ritvik Inc., 2005 CSC 65, [2005] 3 R.C.S. 302.

DÉCISIONS CITÉES :

Masterpiece Inc. c. Alavida Lifestyles Inc., 2011 CSC 27, [2011] 2 R.C.S. 387; Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235; Apotex Inc. c. Bristol-Myers Squibb Co., 2003 CAF 263; Concierge Connection Inc. c. Venngo Inc., 2015 CAF 215.

APPEL d’une décision de la Cour fédérale (2019 CF 1104, infirmant 2016 CF 347) ordonnant la radiation des marques de commerce enregistrées de l’intimée et rejetant la demande de dommages-intérêts des appelantes. Appel accueilli.

ONT COMPARU :

Brendan van Niejenhuis et Andrea Gonsalves pour les appelantes.

Bob H. Sotiriadis et Barry Gamache pour l’intimée.

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Stockwoods LLP, Toronto, pour les appelantes Groupe III International Ltd. et Holiday Group Inc.

Currier+Kao LLP, Toronto, pour l’appelante Wenger S.A.

ROBIC LLP, Montréal, pour l’intimée.

 

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par

LA JUGE RIVOALEN, J.C.A. :

I.     Introduction

[1]        Les appelantes interjettent appel d’une décision de la Cour fédérale (la juge St-Louis) rendue le 29 août 2019 (2019 CF 1104) ordonnant la radiation des marques de commerce enregistrées de l’intimée et rejetant la demande de dommages-intérêts des appelantes.

[2]        Il s’agit ici du second appel des appelantes visant à obtenir réparation en application de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. (1985), ch. T-13 (la Loi ).

[3]        En 2013, les appelantes ont présenté une demande à la Cour fédérale à l’encontre de l’intimée pour contrefaçon de ses marques de commerce enregistrées et pour commercialisation trompeuse. En 2016, la Cour fédérale a rejeté la demande (2016 CF 347). Les appelantes ont interjeté appel à l’égard de cette décision.

[4]        En 2017, notre Cour a accueilli l’appel et a accordé les mesures de réparation suivantes : (i) un jugement déclaratoire voulant que l’intimée avait contrefait les marques de commerce enregistrées des appelantes; (ii) une injonction permanente interdisant à l’intimée de contrefaire les marques; et (iii) une ordonnance exigeant que l’intimée détruise ou remette aux appelantes toutes les marchandises, tous les emballages, toutes les étiquettes ainsi que tout le matériel publicitaire portant les marques qui sont en sa possession ou sous son contrôle (2017 CAF 215). En plus de ces mesures de réparation, notre Cour a renvoyé devant la Cour fédérale, aux fins de nouvelle adjudication, deux questions relatives à la réparation. Il s’agissait de savoir s’il était approprié que la Cour fédérale ordonne la radiation des marques de commerce de l’intimée du registre conformément au paragraphe 57(1) de la Loi, et si des dommages-intérêts pouvaient être recouvrés au titre du paragraphe 53.2(1) de la Loi. Si des dommages-intérêts pouvaient être recouvrés, la Cour fédérale devait se prononcer sur le montant des dommages et sur la procédure appropriée pour les fixer.

[5]        En 2019, la Cour fédérale a entendu les deux questions relatives à la réparation et a rendu un jugement dans lequel elle a ordonné la radiation des marques de commerce enregistrées de l’intimée, mais a rejeté la demande de dommages-intérêts des appelantes. L’intimée n’a pas interjeté appel à l’égard du jugement ayant radié ses marques de commerce enregistrées. L’appel dont la Cour est saisie ne vise que les jugement et motifs de la Cour fédérale rejetant la demande d’indemnisation pécuniaire présentée par les appelantes (motifs de la Cour fédérale).

[6]        Se fondant sur l’article 19 de la Loi, la Cour fédérale a conclu que les appelantes ne pouvaient pas obtenir de dommages-intérêts pour l’emploi des marques de commerce contrefaites avant leur radiation. La Cour fédérale a conclu que, parce que l’intimée avait enregistré les marques de commerce déposées, elle avait droit aux avantages et aux droits conférés par l’article 19 de la Loi, jusqu’à ce que notre Cour conclue à l’invalidité des marques de commerce déposées en 2017.

[7]        Au paragraphe 37 de ses motifs, la Cour fédérale a confirmé que « jamais des dommages n’ont été accordés pour le passé dans une décision emportant la radiation d’une marque de commerce ». La Cour s’est fondée sur l’opinion incidente du juge Binnie, exprimée dans l’arrêt Veuve Clicquot Ponsardin c. Boutiques Cliquot Ltée, 2006 CSC 23, [2006] 1 RCS 824 (Veuve Clicquot), au paragraphe 16 pour appuyer cette thèse, de même que sur l’arrêt de notre Cour intitulé Remo Imports Ltd. c. Jaguar Cars limited, 2007 CAF 258, [2008] 2 R.C.F. 132 (Remo). Dans l’arrêt Remo, notre Cour n’a pas retenu l’observation selon laquelle l’enregistrement de l’appelante était nul ab initio, puisque l’appelante n’avait fait aucune fausse déclaration et n’avait pas agi de mauvaise foi au moment de l’enregistrement (Remo, au paragraphe 110).

[8]        La Cour fédérale a également conclu, au paragraphe 43 de ses motifs, à l’absence de circonstances qui permettraient de déclarer les marques de commerce déposées de la défenderesse invalides ab initio, comme si elles n’avaient jamais été dûment enregistrées ou n’avaient jamais existé. Dans une remarque incidente, la Cour fédérale a indiqué qu’au cas où elle aurait tort, elle accorderait aux appelantes la restitution des bénéfices, dont la quantification se ferait par ordonnance de renvoi, conformément à la règle 153 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 (les Règles).

[9]        Dans le présent appel, les appelantes soutiennent que la Cour fédérale a commis une erreur et qu’elle aurait dû conclure que les marques contrefaites ont toujours été invalides et qu’elles n’ont jamais été enregistrables, privant ainsi l’intimée du droit d’invoquer l’article 19 et leur donnant droit à une indemnisation à compter du moment où l’intimée a commencé à employer les marques de commerce contrefaites.

II.    Norme de contrôle

[10]      Le présent appel soulève une question de droit. La norme de contrôle qui s’applique est celle de la décision correcte (voir Masterpiece Inc. c. Alavida Lifestyles Inc., 2011 CSC 27, [2011] 2 R.C.S. 387, au paragraphe 102 et Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235).

III.   Cadre législatif

[11]      Bien qu’au Canada, il ne soit pas nécessaire que les marques de commerce soient enregistrées pour être protégées par la Loi, l’une des caractéristiques principales de la Loi est son régime d’enregistrement. Le législateur a choisi de protéger les marques de commerce au moyen d’un processus d’enregistrement rigoureux. Les fonctions essentielles du registraire des marques de commerce comprennent la réception des demandes d’enregistrement des marques de commerce et le traitement de ces demandes. Les demandes d’enregistrement de marques de commerce sont annoncées de la manière prescrite par règlement afin de permettre aux éventuelles parties intéressées d’être avisées de la demande en cours. En fait, une grande partie de la Loi porte sur la structure administrative de l’enregistrement, les exigences relatives à l’enregistrement et les recours en contrefaçon de marques de commerce déposées. En l’espèce, les marques de commerce de l’intimée ont été enregistrées en conformité avec le régime d’enregistrement prévu par la Loi.

[12]      Une fois enregistrée, une marque de commerce est réputée valide aux termes de l’article 19 de la Loi. Cet article confère au propriétaire de la marque de commerce déposée le droit exclusif à l’emploi de la marque. Il est rédigé comme suit :

Droits conférés par l’enregistrement

19 Sous réserve des articles 21, 32 et 67, l’enregistrement d’une marque de commerce à l’égard de produits ou services, sauf si son invalidité est démontrée, donne au propriétaire le droit exclusif à l’emploi de celle-ci, dans tout le Canada, en ce qui concerne ces produits ou services.

[13]      En l’espèce, après l’enregistrement des marques de commerce, notre Cour a conclu que les marques de commerce de l’intimée créaient de la confusion avec chacune des marques de commerce des appelantes. La Cour fédérale a alors examiné le paragraphe 18(1) de la Loi pour décider des motifs pour lesquels l’enregistrement des marques de commerce pouvait être invalidé. Le paragraphe est rédigé comme suit :

Quand l’enregistrement est invalide

18 (1) L’enregistrement d’une marque de commerce est invalide dans les cas suivants :

a) la marque de commerce n’était pas enregistrable à la date de l’enregistrement;

b) la marque de commerce n’est pas distinctive à l’époque où sont entamées les procédures contestant la validité de l’enregistrement;

c) la marque de commerce a été abandonnée;

d) sous réserve de l’article 17, l’auteur de la demande n’était pas la personne ayant droit d’obtenir l’enregistrement;

e) la demande d’enregistrement a été produite de mauvaise foi.

[14]      Le paragraphe 53.2(1) de la Loi établit les pouvoirs de la Cour saisie d’une action en contrefaçon d’une marque de commerce d’accorder une réparation. Il confère à la Cour un large pouvoir discrétionnaire lorsqu’elle rend des ordonnances qu’elle juge appropriées dans les circonstances, y compris le pouvoir d’accorder des réparations aux personnes intéressées qui sont parvenues à démontrer une contravention à la Loi. Le paragraphe 53.2(1) est rédigé comme suit :

Pouvoir du tribunal d’accorder une réparation

53.2 (1) Lorsqu’il est convaincu, sur demande de toute personne intéressée, qu’un acte a été accompli contrairement à la présente loi, le tribunal peut rendre les ordonnances qu’il juge indiquées, notamment pour réparation par voie d’injonction ou par recouvrement de dommages-intérêts ou de profits, pour l’imposition de dommages punitifs, ou encore pour la disposition par destruction ou autrement des produits, emballages, étiquettes et matériel publicitaire contrevenant à la présente loi et de tout équipement employé pour produire ceux-ci.

IV.   Les observations des appelantes

A.    Paragraphe 53.2(1) de la Loi

[15]      Les appelantes soulignent le fait que la Cour a conclu à une contrefaçon des marques de commerce et à une commercialisation trompeuse. Elles se fondent sur les principes énoncés dans l’arrêt Apotex Inc. c. Bristol-Myers Squibb Co., 2003 CAF 263, au paragraphe 14, et soutiennent que la Cour fédérale doit avoir des raisons impérieuses, justes et fondées sur des principes pour s’écarter des attentes légitimes qu’un demandeur peut avoir en matière d’indemnisation pour contrefaçon et commercialisation trompeuse.

[16]      Les appelantes soutiennent que le droit en matière de marques de commerce et de commercialisation trompeuse sert deux objectifs. Il préserve la confiance du public dans les voies de commercialisation et la source des biens : lorsque le consommateur achète un produit arborant une marque particulière, il doit être convaincu qu’il reçoit le produit qu’il veut avoir. Le droit en matière de marques de commerce protège également les intérêts commerciaux privés des propriétaires de marques de commerce : un propriétaire qui investit dans des ressources en vue de développer une marque et de faire connaître son produit doit être assuré que son investissement est protégé contre une appropriation illicite. Les appelantes soutiennent qu’en raison des objectifs d’intérêt public et privé susmentionnés, les mesures de réparation prévues au paragraphe 53.2(1) de la Loi sont de nature discrétionnaire. Cela permet à la Cour de s’assurer de ne pas accorder une réparation qui servirait les intérêts privés d’un demandeur, mais qui pourrait être contraire à l’intérêt public.

[17]      Les appelantes reconnaissent que le paragraphe 53.2(1) de la Loi confère à la Cour le pouvoir discrétionnaire d’accorder une réparation appropriée dans les circonstances de l’affaire dont elle est saisie et que, par conséquent, une contravention à la Loi n’entraîne pas automatiquement une indemnisation. Elles affirment cependant que le propriétaire d’une marque de commerce dont les intérêts commerciaux ont été lésés ou aux dépens de qui un avantage injustifié a été obtenu devrait habituellement avoir droit à une réparation pécuniaire.

B.    Article 19 de la Loi

[18]      En ce qui concerne l’article 19 de la Loi, la Cour fédérale a conclu, au paragraphe 43 de ses motifs, que les circonstances qui permettraient de déclarer les enregistrements nuls ab initio n’existent pas en l’espèce, et que par conséquent, selon l’article 19 de la Loi, l’intimée n’est pas tenue de verser d’indemnisation au titre de dommages qui ont pris naissance avant la radiation de la marque de commerce déposée.

[19]      Les appelantes soutiennent qu’en 2017, notre Cour a conclu que l’intimée était responsable de la contrefaçon et de la commercialisation trompeuse. La conclusion de commercialisation trompeuse, commise en contravention de l’alinéa 7b) de la Loi, suppose nécessairement que les marques de commerce de l’intimée étaient invalides. Les appelantes invoquent également le paragraphe 23 des motifs de la Cour fédérale qui confirme cette conclusion.

[20]      Les appelantes font donc valoir que les marques de commerce de l’intimée sont invalides et qu’elle n’avait pas droit aux avantages conférés par l’article 19 de la Loi. Elles soutiennent qu’il ressort clairement de l’examen du texte et du libellé explicite de l’article 19 de la Loi qu’un droit ne peut être conféré lorsque l’enregistrement est invalide. Elles insistent sur le fait que l’expression « sauf si son invalidité est démontrée » confère au propriétaire de la marque de commerce le droit exclusif à l’emploi de la marque au Canada sauf si la Cour conclut que la marque est invalide. Les expressions « jusqu’à ce son invalidité soit démontrée » ou « malgré son invalidité » ou encore « jusqu’à ce qu’elle soit radiée du registre » ne figurent pas dans la disposition et, par conséquent, les appelantes soutiennent qu’on ne peut interpréter cette disposition de façon à accorder des droits alors que l’enregistrement n’était pas conforme au départ.

[21]      Enfin, selon les appelantes, l’article 19 confère des droits d’enregistrement à l’égard d’une marque de commerce seulement si l’enregistrement est valide. Elles reconnaissent que, pour qu’un intimé ne subisse pas une injustice dans certaines circonstances factuelles, il est permis de se fonder sur un enregistrement invalide et d’invoquer l’article 19 pour guider la Cour dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire d’accorder une réparation appropriée. Elles soutiennent cependant qu’une interprétation rationnelle du libellé de l’article 19 ne peut étayer une interdiction absolue d’obtenir des dommages-intérêts pour l’emploi des marques de commerce contrefaites avant leur radiation.

C.   Invalidité et paragraphe 18(1) de la Loi

[22]      Les appelantes invoquent le paragraphe 18(1) de la Loi pour faire déclarer que les marques de commerce de l’intimée sont invalides. Elles ne se fondent pas sur les motifs d’invalidité en common law.

[23]      Devant la Cour fédérale, l’intimée a reconnu que ses marques de commerce étaient invalides aux termes des alinéas 18(1)b) et d). La Cour fédérale a refusé d’examiner la question de savoir si les enregistrements des marques de commerce de l’intimée étaient invalides selon l’alinéa 18(1)a).

[24]      Les appelantes demandent à la Cour d’effectuer une analyse téléologique du paragraphe 18(1) de la Loi. Elles mentionnent que les conclusions tirées par notre Cour sur la contrefaçon et la commercialisation trompeuse en 2017 établissent clairement que les enregistrements des marques de commerce de l’intimée étaient invalides aux termes de chacun des alinéas 18(1)a), b) et d).

[25]      Elles soutiennent qu’une conclusion d’invalidité aux termes de l’alinéa 18(1)a) ou d) est une invalidité ab initio. Autrement dit, elles affirment que l’enregistrement était invalide à partir du moment même où les marques ont été enregistrées. Parce que la [traduction] « règle de droit a vocation permanente », elles indiquent qu’une conclusion d’invalidité aux termes de l’alinéa 18(1)a) ou d) signifie que les enregistrements des marques de commerce de l’intimée n’ont jamais été valides.

[26]      Selon les appelantes, tous les motifs énoncés au paragraphe 18(1) n’entraînent pas une invalidité ab initio. Les différents motifs concernent des dates d’invalidité différentes, et chacun d’eux doit être appliqué dans son propre contexte. Un enregistrement qui est invalide selon l’alinéa 18(1)a) (non enregistrable) ou d) (l’auteur de la demande n’était pas la personne ayant droit d’obtenir l’enregistrement) est invalide à partir du moment où il est accordé. En revanche, les appelantes mentionnent que la date d’invalidité à retenir selon l’alinéa 18(1)b) (caractère distinct) est celle où l’instance a été introduite. De même, une marque de commerce validement enregistrée, mais abandonnée, est susceptible de devenir invalide à une date ultérieure aux termes de l’alinéa 18(1)c). Dans ces circonstances, les appelantes soutiennent qu’un intimé qui a employé sa marque de commerce n’aurait rien fait d’illégal jusqu’à un certain moment.

[27]      Selon les appelantes, l’analyse qui précède est étayée par les principes admis d’interprétation législative et tient compte du libellé, du contexte et de l’objet de la Loi.

D.   Remo et Veuve Clicquot

[28]      Enfin, les appelantes soutiennent que l’arrêt Remo est une affaire complexe ayant trait à une situation factuelle et juridique très inhabituelle. L’arrêt est considéré à juste titre comme un exercice du pouvoir discrétionnaire de réparation de la Cour en vue d’en arriver à un résultat juste dans les circonstances singulières de cette affaire, qui sont distinctes des faits de l’espèce. Dans l’arrêt Remo, la Cour a soulevé des doutes sérieux sur la conclusion tirée par le juge de première instance voulant que l’appelante soit responsable d’une commercialisation trompeuse. Cette ordonnance n’avait cependant pas été portée en appel. De plus, dans l’arrêt Remo, notre Cour a conclu que Remo ne connaissait pas l’existence de la défenderesse, et s’est demandé comment il était possible de dire que Remo « a[vait] fait de fausses déclarations délibérément ou par négligence, créant ainsi de la confusion dans l’esprit du public » (Remo, au paragraphe 92).

[29]      Les appelantes soutiennent que la remarque incidente du juge Binnie dans l’arrêt Veuve Clicquot souligne simplement la possibilité d’un argument sur lequel un défendeur pourrait s’appuyer lorsqu’un demandeur met en cause la validité des enregistrements du défendeur et cherche à les faire radier. Si le demandeur avait gain de cause et obtenait la radiation des inscriptions, le juge Binnie a fait remarquer que « les intimées pourraient assurément plaider qu’elles ne devraient pas être tenues de verser une indemnité pour la période pendant laquelle leurs propres inscriptions étaient en vigueur » (Veuve Clicquot, au paragraphe 16).

V.        Analyse

A.    Contrefaçon

[30]      En 2017, les appelantes ont eu gain de cause dans leur appel concernant leur action en contrefaçon au titre de l’alinéa 20(1)a) de la Loi. Par conséquent, notre Cour a accordé une déclaration de contrefaçon, a exercé son pouvoir discrétionnaire prévu au paragraphe 53.2(1) de la Loi, a accordé une injonction permanente et a ordonné la destruction du matériel de l’intimée contrevenant à la Loi.

[31]      Par la suite, la Cour fédérale a conclu que les marques de commerce déposées de l’intimée étaient invalides aux termes des alinéas 18(1)b) et d) de la Loi et a ordonné que les enregistrements soient radiés. Elle n’a pas ordonné le versement de dommages-intérêts.

B.    Article 19

[32]      Aux termes de l’article 19 de la Loi et sous réserve des articles 21, 32 et 67, l’enregistrement d’une marque de commerce, sauf si son invalidité est démontrée, confère au propriétaire le droit exclusif à l’emploi de celle-ci, dans tout le Canada, en ce qui concerne les produits ou services mentionnés dans l’enregistrement.

[33]      Le régime administratif établi par la Loi met en lumière la nature spécialisée et exhaustive du processus d’enregistrement des marques de commerce. Je suis d’avis que l’intégrité du régime administratif est essentielle et souligne l’importance de l’article 19 de la Loi. Une fois que le propriétaire obtient un certificat d’enregistrement, la protection accordée à la marque de commerce déposée suivant l’article 19 de la Loi est essentielle au bon fonctionnement du système des marques de commerce et du droit des marques dans son ensemble. Des raisons de principe expliquent cette protection. Elle sert à protéger le public ainsi que les propriétaires de marques de commerce au moyen d’un système canadien de marques de commerce transparent, stable et fiable.

[34]      D’autres lois régissant la propriété intellectuelle au Canada ne comportent pas de protection équivalente à celle prévue à l’article 19. À cet égard, le droit des marques est distinct du droit des brevets et du droit d’auteur. Je conclus donc que des raisons valables justifient que l’emploi d’une marque de commerce déposée n’entraîne pas de responsabilité en dommages-intérêts ou pour perte de profits pour la période précédant la radiation du registre de cette marque de commerce en raison de la protection conférée à cette marque par l’article 19 de la Loi.

C.   Paragraphe 18(1)

[35]      Je ne peux pas retenir les arguments invoqués par les appelantes concernant l’interprétation du paragraphe 18(1) de la Loi et l’invalidité ab initio.

[36]      Lorsqu’on examine les motifs d’invalidité énoncés au paragraphe 18(1) de la Loi, chacun des alinéas indique le moment auquel la détermination de l’invalidité de la marque de commerce doit être évaluée. Cette détermination du moment auquel l’invalidité d’une marque de commerce doit être évaluée est distincte de la détermination du moment auquel une partie peut devenir responsable des dommages-intérêts. Dans les procédures de radiation fondées sur le paragraphe 57(1) de la Loi, la responsabilité en dommages-intérêts n’est engagée qu’après que la Cour fédérale a radié la marque de commerce du registre. En l’absence d’une conclusion de fraude, de fausse déclaration intentionnelle ou de mauvaise foi dans sa demande d’enregistrement, le propriétaire de la marque de commerce déposée n’est pas responsable des dommages-intérêts accumulés avant la radiation de sa marque de commerce.

[37]      En cas d’une conclusion de fraude, de fausse déclaration intentionnelle ou de mauvaise foi dans la demande d’enregistrement, la Cour peut très bien conclure que la marque de commerce contestée n’a jamais été validement enregistrée. Notre Cour a conclu que, pour obtenir l’invalidation ab initio d’une marque de commerce déposée, il est nécessaire de démontrer que le propriétaire de la marque de commerce contestée a obtenu l’enregistrement de la marque parce qu’il a fait, au bureau des marques de commerce, de fausses déclarations ou des déclarations frauduleuses portant sur des faits essentiels (Concierge Connection Inc. c. Venngo Inc., 2015 CAF 215).

[38]      En l’espèce, ni notre Cour ni la Cour fédérale n’ont tiré de telles conclusions. L’intimée pouvait invoquer que ses enregistrements étaient protégés jusqu’au moment où la Cour fédérale a radié ses marques de commerce du registre.

[39]      En résumé, comme notre Cour l’a conclu dans l’arrêt Remo et tel qu’il ressortait implicitement de l’arrêt Veuve Clicquot, je suis d’avis qu’en l’absence de fraude, d’une fausse déclaration intentionnelle ou de mauvaise foi, aux termes de la déclaration de contrefaçon, l’intimée n’est pas tenue de verser des dommages-intérêts ou d’indemniser les appelantes pour la perte de profits pendant les périodes où les enregistrements étaient en vigueur.

D.   Commercialisation trompeuse

[40]      En 2017, notre Cour a tiré une conclusion distincte selon laquelle l’intimée était responsable de la commercialisation trompeuse, en contravention de l’alinéa 7b) de la Loi. Notre Cour n’a pas fait la distinction entre les dommages-intérêts découlant de la contrefaçon et les dommages-intérêts découlant de la commercialisation trompeuse.

[41]      La contrefaçon (article 20 de la Loi) et la commercialisation trompeuse (alinéa 7b) de la Loi) sont des causes d’action distinctes. Chacune d’elles peut donner lieu à une ordonnance de dommages-intérêts. Les réparations prévues pour chacune de ces causes d’action dépendent de la question de savoir si la marque contestée à l’origine de l’instance est enregistrée ou non. La contrefaçon n’ouvre généralement pas droit à des dommages-intérêts si la marque contestée est enregistrée, en raison de l’effet de l’article 19, à moins d’une preuve de fraude, de fausse déclaration intentionnelle ou de mauvaise foi dans l’obtention de l’enregistrement de la marque.

[42]      La cause d’action en contrefaçon de marques de commerce existe pour permettre à une partie propriétaire d’une marque de commerce déposée d’intenter une action contre le propriétaire d’une autre marque de commerce, que cette marque soit déposée ou non, en raison de la confusion créée par la marque de commerce contestée. La cause d’action en commercialisation trompeuse relevant de l’alinéa 7b) de la Loi est une codification du délit de commercialisation trompeuse en common law. Elle permet à une partie propriétaire d’une marque de commerce non enregistrée d’intenter une action en réparation en vertu de la Loi.

[43]      Dans l’arrêt Kirkbi AG c. Gestions Ritvik Inc., 2005 CSC 65, [2005] 3 R.C.S. 302 (Kirkbi), aux paragraphes 25 et 26, la Cour suprême a conclu que l’action en commercialisation trompeuse relevant de l’alinéa 7b) de la Loi protège les intérêts dans les marques de commerce non déposées :

[...] Premièrement, l’al. 7b) est une disposition réparatrice qui a pour objet de mettre à exécution les aspects fondamentaux de la Loi sur les marques de commerce touchant les marques de commerce non déposées :

[traduction] À maints égards, le délit de commercialisation trompeuse représente, pour les marques de commerce non déposées, un droit d’action équivalent à celui que la violation [art. 20 de la Loi] représente pour les marques déposées. Le régime global de la Loi sur les marques de commerce consiste à protéger, à identifier et à enregistrer les marques de commerce, déposées ou non déposées.

[…]

Deuxièmement, l’action pour commercialisation trompeuse protège les marques de commerce non déposées ainsi que l’achalandage qui s’y rattache […] [Non souligné dans l’original.]

[44]      Ainsi, dans l’arrêt Kirkbi, la Cour indique, sans trancher la question, que le propriétaire d’une marque de commerce déposée ne peut pas se prévaloir de l’alinéa 7b) de la Loi pour protéger sa marque de commerce. Il peut recourir aux procédures en contrefaçon ou aux procédures en radiation.

[45]      Ce point a été établi encore plus clairement dans l’arrêt Molson Canada v. Oland Breweries Ltd./Les Brasseries Oland Ltée (2002), 59 O.R. (3d) 607, 214 D.L.R. (4th) 473 (C.A.) (Oland) qui a été cité dans l’arrêt Remo pour appuyer la conclusion tirée sur cette question et où les deux parties avaient des marques de commerce déposées. La Cour d’appel de l’Ontario a écrit ce qui suit :

[traduction] [...] L’appelante avance une série d’arguments quant aux erreurs commises par le juge de première instance dans son analyse des faits et du droit, dont certaines erreurs peuvent avoir un certain fondement. Il n’est cependant pas nécessaire de les analyser, car je suis d’avis que l’intimée possède un atout majeur. L’intimée affirme que, sans égard au fondement des motifs d’appel de l’appelante, le juge de première instance a commis une erreur initiale et fondamentale en omettant de conclure que l’enregistrement de la marque de commerce de l’intimée répondait entièrement à l’action [en commercialisation trompeuse] de la demanderesse. Je suis du même avis.

[46]      La Cour d’appel de l’Ontario a conclu que le dépôt de la marque de commerce de l’intimée protégeait cette marque d’une action pour commercialisation trompeuse commise en contravention de l’alinéa 7b) en raison de l’effet de l’article 19 de la Loi. Dans l’arrêt Oland, la Cour a donc établi le principe selon lequel le dépôt par l’intimée constitue un moyen de défense complet à l’encontre d’une action en commercialisation trompeuse.

[47]      Par conséquent, en l’espèce, je dois conclure que, si la commercialisation trompeuse dont se plaignent les appelantes a eu lieu au moment où les dépôts de l’intimée étaient en vigueur, la jurisprudence indique que les dépôts des marques de commerce constituent un moyen de défense complet à l’encontre de l’action en commercialisation trompeuse. Pour ce motif, je suis d’avis que les parties du jugement rendu par notre Cour en 2017 ayant conclu à la commercialisation trompeuse ne devraient pas faire autorité dans de futurs cas. Toutefois, en ce qui concerne les parties aux présentes, l’intimée n’a pas interjeté appel de la conclusion de commercialisation trompeuse. Par conséquent, ces conclusions ont été entièrement établies et ne peuvent pas être débattues de nouveau. Une indemnisation doit être versée, selon la décision rendue par notre Cour en 2017, sur la commercialisation trompeuse.

[48]      Au paragraphe 52 de ses motifs, la Cour fédérale a conclu que « si les [appelantes] ont le droit de recouvrer les profits [...], le montant doit être fixé par renvoi, étant donné qu’il faudra des éléments de preuve supplémentaires pour l’évaluer ». Je suis du même avis. Ayant jugé que la conclusion de commercialisation trompeuse n’a pas été portée en appel et que le principe de la chose jugée s’applique entre ces parties sur ce point, j’accueillerais l’appel et j’accorderais aux appelantes la restitution des profits, dont la quantification se fera par renvoi suivant la règle 153 des Règles.

VI.   Conclusion

[49]      Pour ces motifs, j’accueillerais l’appel avec dépens et j’accorderais aux appelantes la restitution des profits, dont la quantification se fera par renvoi suivant la règle 153 des Règles.

LE JUGE PELLETIER, J.C.A. : Je suis d’accord.

LE JUGE DE MONTIGNY, J.C.A. : Je suis d’accord.

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