A-335-18
2020 CAF 47
Barejo Holdings ULC (appelante)
c.
Sa Majesté la Reine (intimée)
Répertorié : Barejo Holdings ULC c. Canada
Cour d’appel fédérale, juge en chef Noël, juges Rennie et Rivoalen, J.C.A.—Ottawa, 13 novembre 2019 et 18 février 2020.
Impôt sur le revenu –– Calcul du revenu –– « Créance » –– Appel d’une ordonnance rendue par la Cour canadienne de l’impôt par laquelle la Cour de l’impôt a tranché une question préliminaire qui lui avait été présentée par voie de requête conjointe de l’appelante et de la Couronne –– Il s’agissait de savoir si deux contrats (portant la mention « billets ») constituaient des créances pour l’application de l’art. 94.1(1)a) de la Loi de l’impôt sur le revenu au cours de l’année d’imposition 2010 de l’appelante, même si la somme exigible était inconnue et le demeurerait jusqu’à la date d’échéance des billets –– Le juge de la Cour de l’impôt a tranché la question par l’affirmative, concluant que, pour qu’il y ait créance pour l’application de cette disposition, le montant du paiement devait être déterminable au moment où il était exigible –– Il avait tranché une première question en 2015 dans la même affaire –– L’appelante détenait des parts de Saint-Lawrence Trade (SLT), un fonds de placement à capital variable étranger –– SLT était une société étrangère affiliée contrôlée de l’appelante –– SLT a acquis les billets auprès d’entités bancaires non résidentes pour 498 millions de dollars américains chacun, soit la valeur nette des actifs de référence à cette date –– Étant donné que la valeur des actifs de référence fluctuait, la somme exigible pour acquitter les billets demeurerait inconnue –– De nouvelles cotisations ont été établies à l’égard de l’appelante conformément au régime relatif au revenu étranger accumulé tiré de biens (REATB) ainsi qu’aux règles relatives aux biens d’un fonds de placement non-résident (BFPNR) –– Les parties ont ensuite demandé à la Cour de l’impôt de trancher la question plus générale de savoir si les deux billets en cause détenus par SLT constituaient une créance aux fins de la Loi, à laquelle la Cour de l’impôt a répondu par l’affirmative –– En appel, l’appelante a fait valoir qu’en concluant que les billets constituaient des créances pour l’application de l’art. 94.1(1) de la Loi, le juge de la Cour de l’impôt a fait fi du sens établi en droit du terme « créance », suivant lequel une créance n’existe que dès lors que la somme due est connue ou déterminable –– La Couronne a soutenu que le terme « créance » possède plus d’un sens et a fait valoir que les billets constituaient des créances –– Il s’agissait de savoir s’il était loisible au juge de la Cour de l’impôt de statuer que les billets pouvaient être qualifiés de créance pour l’application de l’art. 94.1(1)a) de la Loi –– Pour répondre à cette question, il fallait analyser le sens à attribuer au terme « créance » pour l’application de l’art. 94.1(1)a) de la Loi et se demander si les billets étaient visés par ce terme –– Les sommes servant à acquitter les billets étaient inconnues en 2010 –– Le terme « créance » ne possède pas un seul sens ; il peut revêtir plus d’une définition –– La créance d’une entité non-résidente peut tirer sa valeur de placements de portefeuille qui fluctuent avec le temps –– L’art. 94.1(1) empêche le contribuable de différer un revenu par le truchement de placements à l’étranger dans des ressorts à faible taux d’imposition ainsi que d’accumuler des profits et de les réinvestir à l’étranger –– La conclusion de la Cour de l’impôt, à savoir qu’il n’existe pas une seule définition exhaustive du terme « créance », était étayée d’une abondante jurisprudence –– Dans la présente affaire, le législateur a été on ne peut plus clair quand il a exprimé son intention de faire entrer dans le champ d’application du terme « créance » qui figure à l’art. 94.1(1)a) le droit d’exiger une somme fluctuant au gré de la valeur des placements de portefeuille –– L’objet fondamental du régime de REATB et des règles relatives aux BFPNR consiste à assurer la neutralité en matière d’exportation de capitaux –– Compte tenu de la preuve, l’application de l’art. 94.1(1) aux billets contribuait, en l’espèce, à la neutralité en matière d’exportation de capitaux –– Vu le texte, le contexte et l’objet de l’art. 94.1(1)a) de la Loi, il y a créance pour l’application de cette disposition dès lors que trois conditions précises sont remplies –– Étant donné que les trois conditions étaient remplies dans la présente affaire, cela suffisait pour trancher l’appel –– La Cour de l’impôt a énoncé une quatrième caractéristique à laquelle est subordonnée l’existence d’une créance, soit un taux d’intérêt –– Toutefois, ni le droit civil ni la common law n’exigent, pour qu’il y ait dette ou créance, que le paiement ou remboursement soit assorti d’intérêts –– Il s’en suivait que la quatrième caractéristique énoncée par la Cour de l’impôt n’était pas une caractéristique fondamentale –– Appel rejeté.
Il s’agissait d’un appel interjeté par l’appelante d’une ordonnance rendue par la Cour canadienne de l’impôt par laquelle le juge de la Cour de l’impôt a tranché une question préliminaire qui lui avait été présentée par voie de requête conjointe de l’appelante et de la Couronne. Il s’agissait de savoir si deux contrats, portant la mention « billets », constituaient des créances pour l’application de l’alinéa 94.1(1)a) de la Loi de l’impôt sur le revenu au cours de l’année d’imposition 2010 de l’appelante, même si la somme exigible était inconnue et le demeurerait jusqu’à la date d’échéance des billets, ultérieurement. Le juge de la Cour de l’impôt a tranché la question par l’affirmative, concluant que, pour qu’il y ait créance pour l’application de cette disposition, il suffit que le montant du paiement soit déterminable au moment où il est exigible. Il s’agissait de la seconde question dont la Cour était saisie dans l’instance. Le juge de la Cour de l’impôt avait tranché une première question en 2015 dans la même instance après que le ministre du Revenu national eut établi une nouvelle cotisation à l’égard de l’appelante en vue d’inclure dans le calcul de son revenu des sommes concernant ses parts de Saint-Lawrence Trade (SLT), un fonds de placement à capital variable étranger. Les nouvelles cotisations ont été établies conformément au régime relatif au revenu étranger accumulé tiré de biens (REATB) ainsi qu’aux règles relatives aux biens d’un fonds de placement non-résident (BFPNR). Comme SLT était une société étrangère affiliée contrôlée de l’appelante, elle devait acquitter l’impôt sur son REATB, s’il en était. En outre, les parties avaient demandé à la Cour de l’impôt de trancher la question plus générale de savoir si les deux billets en cause constituaient une créance aux fins de la Loi, à laquelle la Cour de l’impôt a répondu par l’affirmative.
À l’époque des faits, l’appelante était une société privée sous contrôle canadien détenant des parts de SLT. À la suite de plusieurs transactions mettant en présence de multiples sociétés, SLT a acquis les billets auprès d’entités bancaires non-résidentes. Elle les a achetés en novembre 2001 pour 498 millions de dollars américains chacun, soit la valeur nette des actifs de référence à cette date. Ce qu’il faut retenir des billets, c’est qu’après leur achat, leur valeur découlait de celle des actifs de référence, laquelle fluctuait. Il en a résulté que la somme exigible pour acquitter les billets était inconnue et le resterait jusqu’à l’échéance ou la date de résiliation anticipée.
En appel, l’appelante a fait valoir qu’en concluant que les billets constituaient des créances pour l’application du paragraphe 94.1(1) de la Loi, le juge de la Cour de l’impôt a fait fi du sens, bien établi en droit, du terme « créance », suivant lequel une créance n’existe que dès lors que la somme due au créancier par le débiteur est connue ou déterminable. La Couronne a soutenu que le terme « créance » possède plus d’un sens et a fait valoir que les billets constituaient des créances, et ce même si la somme exigible ne serait connue qu’à la date d’échéance, ultérieurement.
Dans la décision faisant l’objet de l’appel, le juge de la Cour de l’impôt a répondu à la seconde question en incorporant les motifs qu’il a énoncés dans sa décision de 2015 à sa seconde décision et en confirmant que la réponse générale qu’il avait donnée à la première question constituait sa « réponse complète » à la seconde question. Dans la première affaire, il n’y a eu aucune observation sur le texte, le contexte et l’objet de l’article 94.1 de la Loi. Il en a résulté une décision qui a établi le sens du terme « créance » aux fins du paragraphe 94.1(1) sans le bénéfice d’une analyse textuelle, contextuelle et téléologique de cette disposition.
Il s’agissait de savoir s’il était loisible au juge de la Cour de l’impôt de statuer que les billets pouvaient être qualifiés de créance pour l’application de l’alinéa 94.1(1)a) au cours de l’année d’imposition 2010 de l’appelante même si le paiement nécessaire pour acquitter les billets était inconnu à ce moment et le demeurerait jusqu’à ce que la créance soit exigible, ultérieurement.
Arrêt : l’appel doit être rejeté.
Pour répondre à cette question, il fallait analyser le sens à attribuer au terme « créance » pour l’application de l’alinéa 94.1(1)a) de la Loi et se demander si les billets étaient visés par ce terme. La conclusion du juge de la Cour de l’impôt selon laquelle les billets comportent les caractéristiques fondamentales d’une créance pour l’application de cette disposition faisait appel à une analyse en deux volets. Le fait incontestable est que les sommes exactes servant à acquitter les billets étaient inconnues en 2010 et le demeureraient jusqu’à la date d’échéance de ces instruments, en raison de la nature fluctuante des actifs de référence. Le terme « créance » ne possède pas un seul sens. Il peut revêtir plus d’une définition, et celle qui illustre le mieux l’intention du législateur ne ressortit qu’à la lumière d’une analyse textuelle, contextuelle et téléologique du paragraphe 94.1(1) de la Loi. Le terme « créance » tel qu’il figure au paragraphe 94.1(1) a été examiné. Une simple lecture a permis de constater que la créance d’une entité non-résidente peut tirer sa valeur de placements de portefeuille qui fluctuent avec le temps. Le paragraphe 94.1(1) de la Loi était censé empêcher le contribuable de différer un revenu par le truchement de placements à l’étranger dans des ressorts à faible taux d’imposition ainsi que d’accumuler des profits et de les réinvestir à l’étranger. Les failles de l’argument de l’appelante ressortaient à la lumière du texte du paragraphe 94.1(1); cette disposition prévoit expressément qu’un instrument dont la valeur découle de celle de placements de portefeuille qui fluctuent peut constituer une créance. Il s’en suivait que la nature spéculative des billets ainsi que l’incertitude qui en découle quant à la somme ultimement exigible ne sauraient représenter des obstacles. En outre, le sens du terme « créance » en droit civil et en common law a été examiné. Il est ressorti de cet examen que le juge de la Cour de l’impôt a rejeté à bon droit la thèse de l’appelante selon laquelle le terme « créance » a une seule définition établie au Canada. La conclusion du juge de la Cour de l’impôt, à savoir qu’il n’existe pas une seule définition exhaustive de ce terme, était étayée d’une abondante jurisprudence. Par conséquent, la question qui se posait était celle de savoir laquelle des deux interprétations mises en opposition représentait le mieux l’intention du législateur, à en juger par le texte de l’alinéa 94.1(1)a). S’agissait-il de l’interprétation selon laquelle l’élément de passif devient une dette que lorsque sa valeur est certaine ou peut être rendue certaine ou suffit-il que la somme due, ou exigible, soit déterminable au moment du paiement? Le législateur aurait parlé pour ne rien dire en prévoyant l’existence d’une créance dont la valeur découle de celle de placements de portefeuille, qui elle-même fluctue. Compte tenu de la règle d’interprétation à l’encontre de la redondance et de l’article 12 de la Loi d’interprétation, l’interprétation avancée par l’appelante devait être écartée sur ce seul fondement.
Le contexte et l’objet de la disposition en cause ont été examinés. Dans la présente affaire, le législateur a été on ne peut plus clair quand il a exprimé son intention de faire entrer dans le champ d’application du terme « créance » qui figure à l’alinéa 94.1(1)a) le droit d’exiger une somme fluctuant au gré de la valeur des placements de portefeuille. En effet, le législateur s’est exprimé en termes si explicites qu’il faudrait faire fi du libellé qu’il a choisi pour donner effet à la prétention de l’appelante. L’objet fondamental du régime de REATB et des règles relatives aux BFPNR consiste à assurer la neutralité en matière d’exportation de capitaux, c’est-à-dire imposer similairement l’accroissement de la valeur du capital, qu’il résulte de placements au Canada ou à l’étranger. Compte tenu de la preuve, l’application du paragraphe 94.1(1) aux billets contribuait, en l’espèce, à la neutralité en matière d’exportation de capitaux.
En conclusion, la prétention de l’appelante selon laquelle il n’y a pas créance aux fins de l’alinéa 94.1(1)a) tant que la somme exigible n’est pas connue a été rejetée, car cette interprétation rendrait le terme « créance » redondant, ferait fi du contexte et minerait l’objet du paragraphe 94.1(1). En revanche, la thèse de la Couronne était conforme au texte, au contexte et à l’objet du paragraphe 94.1(1).Vu le texte, le contexte et l’objet de l’alinéa 94.1(1)a), il y a créance pour l’application de cette disposition dès lors qu’une somme donnée est avancée ou un crédit est accordé par une partie à une autre partie; cette dernière doit payer ou rembourser la créance sur demande ou à une date donnée en contrepartie de l’avance; le montant de la créance est fixé ou déterminable ou pourra être rendu certain lorsque le paiement sera dû. C’était le cas en l’espèce : une avance de 498 millions de dollars américains a été accordée à chacune des banques émettrices, les banques émettrices avaient l’obligation résultante de payer la somme correspondant à la valeur des actifs de référence à la date d’échéance ou à la date de résiliation anticipée et le montant de la créance pouvait être rendu certain à la date d’échéance. C’était suffisant pour trancher l’appel, sous réserve de certaines remarques.
Plus particulièrement, le juge de la Cour de l’impôt a énoncé une quatrième caractéristique à laquelle est subordonnée l’existence d’une créance, soit un taux d’intérêt implicite, prescrit ou calculable. Le juge de la Cour de l’impôt a eu raison de dire que la mention d’intérêts dans les billets peut suggérer l’existence d’une créance, mais ni le droit civil ni la common law n’exigent, pour qu’il y ait dette ou créance, que le paiement ou remboursement soit assorti d’intérêts et rien dans le paragraphe 94.1(1) ne suggère que la créance doive porter intérêt pour être visée par cette disposition. Il s’en suivait que la quatrième caractéristique énoncée par le juge de la Cour de l’impôt n’était pas une caractéristique fondamentale.
En conséquence, il a été répondu à la seconde question par l’affirmative.
LOIS ET RÈGLEMENTS CITÉS
Code civil du Québec, RLRQ, ch. CCQ-1991, art. 1371, 1373, 1374, 1508.
Loi d’arrangement entre cultivateurs et créanciers, 1934, S.C. 1934, ch. 53.
Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985) (5e suppl.), ch. 1, art. 15(2.16), 18(5), 80.01(4), 80.01(5.1), 80.1(5), 89(4) à (6), 89(8) à (10), 91(1), 94.1, 95(1), 96, 107.4(4), 128.1(2), 248(1) « rente ».
Loi d’interprétation, L.R.C. (1985), ch. I-21, art. 12.
Loi sur la faillite et l’insolvabilité, L.R.C. (1985), ch. B-3.
Loi sur les impôts, RLRQ, ch. I-3, art. 1136(1)e).
Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale), DORS/90-688a, art. 58.
JURISPRUDENCE CITÉE
DÉCISION APPLIQUÉE :
Thomson c. Canada (Sous-ministre de l’Agriculture), [1992] 1 R.C.S. 385, 1992 CanLII 121.
DÉCISIONS EXAMINÉES :
Barejo Holdings ULC c. La Reine, 2015 CCI 274, conf. par 2016 CAF 304, autorisation de pourvoi à la C.S.C. refusée, [2017] 1 R.C.S. vi.; Will-Kare Paving & Contracting Ltd. c. Canada, 2000 CSC 36, [2000] 1 R.C.S. 915; Backman c. Canada, 2001 CSC 10, [2001] 1 R.C.S. 367; Ste. Rose & District Cattle Feeders Co-op v. Geisel, 2010 MBCA 52, 319 D.L.R. (4th) 694; Gerbro Holdings Company c. La Reine, 2016 CCI 173, conf. par 2018 CAF 197; Heffer v. Kokatt, 1918 CanLII 154, 42 D.L.R. 322 (C.A. Sask.); Walton c. La Reine,1998 CanLII 556 (C.C.I.); Spire Freezers Ltd. c. Canada, 2001 CSC 11, [2001] 1 R.C.S. 391; J.D. McArthur Co. Ltd. v. Alberta & G.W. Ry. Co., [1924] 2 D.L.R. 118, (1924), 20 Alta. L.R. 174 (Div. app.); Re : SemCanada Crude Company (Celtic Exploration Ltd. #2), 2012 ABQB 489 (CanLII), 546 A.R. 203; Senza inc. c. Québec (Sous-ministre du Revenu), 2007 QCCA 1335, [2007] R.J.Q. 2408.
DÉCISIONS CITÉES :
Diewold v. Diewold, [1941] R.C.S. 35; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, 2019 CSC 65; Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235; R. c. Zeolkowski, [1989] 1 R.C.S. 1378; Hypothèques Trustco Canada c. Canada, 2005 CSC 54, [2005] 2 R.C.S. 601; Canada c. Cheema, 2018 CAF 45, [2018] 4 R.C.F. 328 Opitz c. Wrzesnewskyj, 2012 CSC 55, [2012] 3 R.C.S. 76; Winters c. Legal Services Society, [1999] 3 R.C.S. 160.
DOCTRINE CITÉE
Didier Lluelles et Benoît Moore. Droit des obligations, 3e éd. Montréal : Éditions Thémis, 2018.
Dunlop, C.R.B. Creditor-Debtor Law in Canada, 2e éd. Toronto : Carswell, 1995.
Garner, Bryan A. Black’s Law Dictionary, 8e éd. Saint-Paul : Thomson West, 2004.
Li, Jinyan, Arthur Cockfield et J. Scott Wilkie. International Taxation in Canada : Principles and Practices, 4e éd. Markham, Ont. : LexisNexis, 2018.
Sullivan, Ruth. Sullivan on the Construction of Statutes, 5e éd. Markham, Ont. : LexisNexis, 2008.
Sullivan, Ruth. Sullivan on the Construction of Statutes, 6e éd. Markham, Ont. : LexisNexis, 2014.
APPEL d’une ordonnance rendue par la Cour canadienne de l’impôt (2018 CCI 200) par laquelle le juge de la Cour de l’impôt a tranché une question préliminaire qui lui avait été présentée par voie de requête conjointe de l’appelante et de la Couronne dans une affaire portant sur le sens à attribuer au terme « créance » pour l’application de l’alinéa 94.1(1)a) de la Loi de l’impôt sur le revenu. Appel rejeté.
ONT COMPARU :
Guy Du Pont, Anne-Sophie Villeneuve et Brandon Wiener pour l’appelante.
Simon Petit, Philippe Dupuis et Julien Wohlhuter pour l’intimée.
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
Davies Ward Phillips & Vineberg LLP, Montréal, pour l’appelante.
La sous-procureure générale du Canada pour l’intimée.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
[1] Le juge en chef Noël : La Cour est saisie de l’appel interjeté par Barejo Holdings ULC (l’appelante) de l’ordonnance rendue par la Cour canadienne de l’impôt (2018 CCI 200) par laquelle le juge Boyle (le juge de la Cour de l’impôt) a tranché une question préliminaire qui lui avait été présentée par voie de requête conjointe de l’appelante et de la Couronne en vertu de l’article 58 des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale), DORS/90-688a.
[2] La question est celle de savoir si deux contrats, portant la mention « billets », constituent des créances pour l’application de l’alinéa 94.1(1)a) de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985) (5e suppl.), ch. 1 (la Loi) au cours de l’année d’imposition 2010 de l’appelante, même si la somme exigible était inconnue et le demeurerait jusqu’à la date d’échéance des billets. Le juge de la Cour de l’impôt a tranché la question par l’affirmative, concluant que, pour qu’il y ait créance pour l’application de cette disposition, il suffit que le montant du paiement soit déterminable au moment où il est exigible.
[3] Selon l’appelante, le juge de la Cour de l’impôt a fait fi du sens, bien établi en droit, du terme « créance », suivant lequel une créance n’existe que dès lors que la somme due au créancier par le débiteur est connue ou déterminable.
[4] La Couronne soutient que le terme « créance » possède plus d’un sens et estime que les billets constituaient des créances, et ce même si la somme exigible ne serait connue qu’à la date d’échéance.
[5] Pour les motifs qui suivent, je conviens avec la Couronne que le terme « créance » possède divers sens et qu’une analyse du texte, du contexte et de l’objet de l’alinéa 94.1(1)a) de la Loi étaye la conclusion selon laquelle les billets constituaient des créances pour l’application de cette disposition au cours de l’année d’imposition en question, et ce même si la somme ultimement exigible était inconnue à ce moment. Je propose donc de rejeter l’appel.
[6] Les dispositions de la Loi qui sont pertinentes sont reproduites à l’annexe des présents motifs.
FAITS
[7] Les faits ayant donné naissance au litige sont décrits dans l’énoncé conjoint des faits. Les renseignements suivants importent pour les besoins du présent appel.
• À l’époque des faits, l’appelante était une société privée sous contrôle canadien;
• L’appelante détenait des parts de Saint-Lawrence Trade (SLT), un fonds de placement à capital variable constitué en société sous le régime des lois des îles Vierges britanniques;
• À l’époque des faits, SLT était une entité non résidente du Canada et une société étrangère affiliée contrôlée (SEAC) de l’appelante;
• SLT a remplacé GAM Diversity Inc. (GD);
• À l’instar de SLT, GD était une société de placement à capital variable;
• Les actifs de GD étaient gérés par Global Asset Management (GAM), gestionnaire professionnelle de fonds spéculatifs.
[8] GD a été réorganisée en prévision des modifications prévues au régime légal canadien le 30 novembre 2001. Les mesures suivantes ont alors été prises :
• Les actionnaires non canadiens ont échangé leurs parts de GD pour des parts d’une nouvelle société, à savoir GAM Global Diversity Inc. (Global);
• Les actifs de GD attribuables théoriquement aux parts ordinaires des actionnaires non canadiens ont été transférés à Global;
• GD a été renommée SLT;
• SLT a vendu les droits de propriété indivis sur ses actifs restants à parts égales à Scotiabank (Ireland) Limited (SIL), une filiale non résidente de la Banque de Nouvelle-Écosse (BNE), et à TD Global Finance (TDGF), une filiale non résidente de Toronto Dominion Bank (TD);
• SLT a utilisé le produit de la vente pour acheter un billet de la Bank of Nova Scotia International Limited (BNSI), une filiale non résidente de BNE, ainsi qu’un billet de la Toronto Dominion International Inc. (TDII), une filiale non résidente de TD.
[9] Le billet de BNSI et le billet de TDII (collectivement, les billets) ont été achetés par SLT le 30 novembre 2001 pour 498 millions de dollars américains chacun, soit la valeur nette des actifs de référence à cette date (billet de BNSI et billet de TDII, dossier d’appel, vol. 3, pages 511 et 553, respectivement). Leurs principales caractéristiques sont les suivantes :
• Ils sont régis par le droit anglais;
• Les actifs de référence se composent d’un groupe de fonds spéculatifs gérés par des spécialistes qui utilisent diverses techniques et stratégies en matière de placement;
• La valeur nette des actifs de référence est égale au résultat de la valeur réelle des actifs de référence à laquelle on a soustrait certains éléments de passif précisés imputables aux actifs de référence;
• Les actifs de référence, quel qu’en soit le propriétaire réel, doivent être gérés par GAM conformément aux termes d’une entente de gestion des actifs de référence (EGAR);
• La composition des actifs de référence fluctue constamment, au gré des cessions et acquisitions de placements dans des fonds spéculatifs par GAM. La valeur nette des actifs de référence fluctue constamment également en fonction de la composition et du rendement des placements individuels dans des fonds spéculatifs;
• GAM calcule la valeur nette des actifs de référence chaque lundi, à l’exception des jours fériés, pour l’ensemble des fonds et pour chaque placement;
• La « date d’échéance » de chaque billet correspond à la « date d’échéance déclarée » du 30 novembre 2016 ou, s’il y a lieu, à la « date de résiliation anticipée »;
• La « date de résiliation anticipée » est la date à laquelle expire un délai imparti, une période de préavis ou une période de prolongation en rapport avec un « événement mettant fin à l’entente de façon anticipée » (notamment, SLT peut résilier le billet si la cote de crédit des sociétés mères canadiennes des banques émettrices tombe en deçà d’un certain seuil, si des modifications substantielles défavorables sont apportées au régime fiscal d’un pays et qui sont susceptibles de toucher SLT ou la majorité de ses actionnaires et pour tout motif quel qu’il soit, sous réserve d’un préavis de 367 jours aux banques émettrices);
• Le paiement à l’échéance des billets ou à la date de résiliation anticipée correspond à la valeur des actifs de référence à cette date ou, dans certains cas, à la valeur du produit de la vente à la suite d’une cession ordonnée;
• Les obligations des émettrices des billets sont garanties respectivement par BNE et TD;
• Sur demande, SIL fournit aux actionnaires de SLT une option de vente à un prix égal au prix d’achat de l’ensemble ou d’une partie de leurs actions.
[10] Ce qu’il faut retenir des billets, c’est qu’après leur achat, leur valeur découlait de celle des actifs de référence laquelle fluctuait. Il en résulte que la somme exigible pour acquitter les billets était inconnue et le resterait jusqu’à l’échéance ou la date de résiliation anticipée.
HISTORIQUE JUDICIAIRE
[11] Il s’agit de la seconde question dont la Cour est saisie dans l’instance. Pour comprendre la genèse de celle-ci et les motifs du juge de la Cour de l’impôt qui étayent la décision l’ayant tranchée, il faut prendre connaissance des instances instruites à ce jour.
[12] Le juge de la Cour de l’impôt a tranché une première question en 2015 (Barejo Holdings ULC c. La Reine, 2015 CCI 274 (Barejo 2015)) après que le ministre du Revenu national (le ministre) a établi une nouvelle cotisation à l’égard des années d’imposition 2004 à 2010 de l’appelante en vue d’inclure dans le calcul de son revenu d’autres sources, dont deux concernent ses parts de SLT.
[13] Les nouvelles cotisations ont été établies conformément au régime relatif au revenu étranger accumulé tiré de biens (REATB) ainsi qu’aux règles relatives aux biens d’un fonds de placement non-résident (BFPNR). Le régime du REATB attribue au contribuable canadien sa part proportionnelle du revenu d’une SEAC. Comme SLT était une SEAC de l’appelante, elle devait acquitter l’impôt sur son REATB, s’il en était. Les règles relatives aux BFPNR sont semblables, en ce sens qu’elles attribuent un revenu au contribuable canadien qui détient des biens visés par ces règles par le truchement d’une entité non-résidente qui n’est pas une SEAC. Initialement, le ministre a invoqué les paragraphes 91(1) et 95(1). Il faisait tout particulièrement valoir l’élément A de la formule prévue au paragraphe 95(1) relative au revenu tiré d’intérêts ainsi que l’élément C, qui modifie le paragraphe 94.1(1) pour en permettre l’application dans les cas où les biens d’un fonds de placement non-résident sont détenus par l’intermédiaire d’une SEAC plutôt que par le contribuable lui-même. Dans le cas des revenus de BFPNR visés, le ministre a seulement invoqué le paragraphe 94.1(1).
[14] Au moment où la première question a été plaidée devant le juge de la Cour de l’impôt, seule l’année d’imposition 2010 était en litige, et le ministre n’invoquait plus l’élément A de la formule prévue au paragraphe 95(1). Comme il est expliqué davantage aux paragraphes 76 et 77 des présents motifs, il ne restait plus qu’à décider s’il fallait inclure une somme donnée au revenu de SLT conformément à l’article 94.1, tel qu’il est modifié par l’élément C de la formule énoncée au paragraphe 95(1). Autrement dit, si SLT détient un intérêt dans un BFPNR et qu’il est satisfait aux autres critères énoncés au paragraphe 94.1(1), l’appelante se verra attribuer sa part proportionnelle du revenu de SLT sous le régime relatif au REATB au cours de l’année d’imposition 2010. Or, ce n’est le cas que si les deux billets détenus par SLT constituent une « créance » (« debt » dans la version anglaise) pour l’application de l’alinéa 94.1(1)a).
[15] Même si c’était la seule question à trancher (Barejo 2015, paragraphe 4), les parties ont néanmoins demandé au juge de la Cour de l’impôt de trancher une question plus générale [au paragraphe 40] :
[traduction] Les deux [billets] détenus par SLT, entité non-résidente, constituent-ils une créance aux fins de la Loi de l’impôt sur le revenu? [Note en bas de page omise.]
[16] Le juge de la Cour de l’impôt a émis plusieurs réserves sur la nature générale d’une telle question. Avant de se prononcer, il a fait beaucoup de commentaires sur la portée de la réponse qu’il était disposé à donner (Barejo 2015, paragraphes 5 à 9 et 13) :
La Cour se limitera à trancher si les billets en question constituent une créance aux fins de la Loi. Il s’impose d’exposer clairement certaines réserves et restrictions avant de poursuivre.
La principale réserve ou restriction relative à la capacité de la Cour de répondre à la question telle que posée dans le renvoi est la suivante : il faut établir si les billets constituent une créance aux fins de la Loi.
Premièrement, pour répondre à une question si générale, il faudrait supposer ou être convaincu que le terme « debt » [« créance »] et d’autres mots semblables, comme « indebtedness » [« dette »], « debtor » [« débiteur »] et « debt obligation » [« créance »], ont le même sens dans chacune des nombreuses dispositions de la Loi où ils sont utilisés sans être définis. Ce n’est pas nécessairement le cas. Il est bien sûr possible qu’il existe des différences dans le sens que le terme prend, selon le libellé et le contexte général d’une disposition ou d’un régime de la Loi. La Cour ne propose pas ici d’exclure cette possibilité.
Deuxièmement, il est à noter, à titre de principe général, que les dispositions de la Loi s’appliquent à des opérations, des contrats et des relations qui relèvent le plus souvent de lois provinciales. La qualification des liens commerciaux, contractuels, administratifs, professionnels ou familiaux aux fins de l’application de la Loi fédérale doit donc, de façon générale, être établie conformément aux lois provinciales applicables à ces relations ou opérations, ou du moins après examen de ces lois.
Le fait que le Canada est un pays bijuridique de common law et de droit civil et que, dans la présente affaire, l’appelante a certains liens directs ou indirects avec la province de Québec, confère un poids accru à cette réserve.
[…]
En bref, dans la présente affaire, la Cour répond de son mieux à la question précise qui lui a été déférée. Le sens général conféré ici au terme « debt » [« créance »] ne s’appliquera pas nécessairement dans toutes les affaires. En effet, à l’audition d’une autre affaire, la Cour pourrait donner à ce terme un sens différent ou nuancé, en fonction du libellé et du contexte d’une disposition précise ou d’un régime de la Loi, en fonction de lois provinciales précises ou d’autres lois applicables qui seraient pertinentes pour l’interprétation d’un contrat ou la qualification d’une relation ou, enfin, en fonction de la pertinence potentielle du but, de l’objectif ou de l’intention pour l’application de la disposition ou l’interprétation ou la qualification du contrat ou de la relation, entre autres choses.
[17] Ayant exprimé de telles réserves, le juge de la Cour de l’impôt conclut que (Barejo 2015, paragraphe 129) :
[…] les caractéristiques fondamentales d’une créance, de façon générale aux fins de la Loi, sont les suivantes :
i) une somme est avancée ou un crédit est accordé par une partie à une autre partie;
ii) une somme doit être payée ou remboursée par cette autre partie sur demande ou à un point ultérieur dans le temps établi dans l’entente, à titre d’exécution de l’obligation de cette autre partie relativement à l’avance;
iii) la somme décrite au point ii) est fixée ou déterminable ou [pourra être rendue certaine] lorsque le paiement sera dû;
iv) il existe un taux d’intérêt implicite, prescrit ou calculable (qui peut être équivalent à zéro). [Note en bas de page omise.]
Selon la troisième caractéristique, il faut à tout le moins que la somme exigible soit déterminable lorsque le paiement est dû. Comme les billets se conformaient aux autres caractéristiques, le juge de la Cour de l’impôt a conclu que les billets constituaient une créance pour l’application de la Loi (Barejo 2015, paragraphe 133).
[18] Il a de nouveau précisé que ses motifs ne sauraient mener à la conclusion que les billets constituaient une créance pour l’application d’une disposition précise de la Loi (Barejo 2015) [au paragraphe 132] :
Comme nous l’avons mentionné au début, il est possible que le sens du terme « créance » dans une disposition donnée de la Loi désigne textuellement et contextuellement d’autres aspects du terme aux fins de cette disposition. Cependant, la question en litige ne porte pas sur des articles précis : la question est posée aux fins de la Loi dans son ensemble. [Note en bas de page omise.]
[19] L’appelante a interjeté appel de la décision du juge de la Cour de l’impôt, suivant laquelle les billets constituaient une créance pour l’application de la Loi dans son ensemble. Saisie de l’appel, notre Cour a refusé de décider si la réponse du juge de la Cour de l’impôt était la bonne, cette question n’ayant aucune incidence sur les appels sous-jacents. La seule question qui demeurait devant la Cour de l’impôt était de savoir si les billets constituaient une créance pour l’application de l’alinéa 94.1(1)a), et le juge de cette cour a précisé que ce n’était pas la question qu’il tranchait. En outre, aucun paramètre légal ne permettait de décider si la réponse générale qu’il avait donnée était la bonne, car aucune conséquence légale ne découlait de la conclusion selon laquelle les billets constituaient une créance aux fins de la Loi dans son ensemble. Ainsi, la Cour a conclu qu’un examen de l’analyse poussée à laquelle le juge de la Cour de l’impôt avait procédé serait futile (Barejo Holdings ULC c. Canada, 2016 CAF 304, paragraphes 12 à 15).
[20] L’appelante n’ayant pas obtenu l’autorisation d’interjeter appel à la Cour suprême (37425 (22 juin 2017) [[2017] 1 R.C.S. vi]), les parties [au paragraphe 6] ont demandé au juge de la Cour de l’impôt de répondre à la question à laquelle une réponse devait être apportée :
[traduction] Pour faire suite à [Barejo 2015], les deux [billets] détenus par SLT, une entité non-résidente, constituent-ils une créance pour l’application de l’alinéa 94.1(1)a) de la Loi de l’impôt sur le revenu?
[21] Le juge de la Cour de l’impôt a accepté de répondre à la seconde question, jugeant qu’il lui était loisible de décider que le terme « créance », pour l’application de l’alinéa 94.1(1)a), avait le sens qu’il lui avait attribué dans la décision Barejo 2015. Il a également fait remarquer que sa réponse partait du principe que tant la common law que le droit civil s’appliquaient lorsqu’il s’agissait de définir le terme « créance » (ordonnance de la Cour de l’impôt du 21 juin 2018 autorisant la seconde question, dossier d’appel, vol. 1, page 166). Cette remarque apporte une précision utile à l’égard de l’application du droit canadien, vu la conclusion précédente du juge de la Cour de l’impôt au paragraphe 12 de la décision Barejo 2015, selon laquelle, bien que les billets soient régis par le droit anglais, le droit canadien est présumé s’appliquer en l’absence de preuve sur l’état du droit anglais.
DÉCISION FAISANT L’OBJET DE L’APPEL
[22] Le juge de la Cour de l’impôt a répondu à la seconde question en incorporant les motifs qu’il a énoncés dans la décision Barejo 2015 à sa seconde décision (Barejo Holdings ULC c. La Reine, 2018 CCI 200 (Barejo 2018) [précitée]) et en confirmant que la réponse générale qu’il avait donnée à la première question constituait sa [traduction] « réponse complète » à la seconde question (Barejo 2018, paragraphes 13 à 14 et 25).
[23] S’il a exprimé quelques commentaires sur l’article 94.1 et son objet (Barejo 2018, paragraphes 17 à 18), il leur a accordé peu d’importance, faisant remarquer l’absence d’observations sur le texte, le contexte et l’objet de cette disposition. Il a ajouté, sans procéder à l’analyse requise, que l’utilité de cette analyse ne lui semblait pas manifeste (Barejo 2018, paragraphe 20). Il n’a pas dit ce qui l’avait mené à un tel avis, mise à part l’explication offerte dans un passage précédent (Barejo 2018, paragraphe 9) :
[traduction] Les parties souhaitent que je réponde à [la seconde question] de la même manière et pour les mêmes motifs que la première question et que je précise dans ma réponse et dans mes motifs que c’est pour l’application de l’alinéa 94.1(1)a), car elles pourront alors soumettre mes motifs à l’examen de la Cour d’appel fédérale. Je suis disposé à exaucer leur souhait.
[24] Il en résulte une décision qui prétend établir le sens du terme « créance » aux fins de l’alinéa 94.1(1)a) sans le bénéfice d’une analyse textuelle, contextuelle et téléologique de cette disposition.
DIRECTIVE DE LA COUR
[25] Devant la Cour, aucune des parties n’a cru bon de traiter de cette lacune en s’attardant au texte, au contexte et à l’objet de l’alinéa 94.1(1)a). Par conséquent, la Cour a émis la directive suivante peu de temps avant l’audience :
DIRECTIVE
[traduction] La question à trancher en l’espèce concerne le sens du terme « créance » qui figure à l’alinéa 94.1(1)a) de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, c. 1 (5e supp.). Pour citer l’arrêt (Hypothèques Trustco Canada c. Canada, 2005 CSC 54 au paragraphe 47 :
[p]our relever et dissiper toute ambiguïté latente du sens des dispositions de la Loi de l’impôt sur le revenu, les tribunaux doivent adopter une méthode d’interprétation législative textuelle, contextuelle et téléologique unifiée.
Comme il faut procéder à un tel exercice, nous invitons les parties à présenter des observations sur le texte, le contexte et l’objet de l’alinéa 94.1(1)a) […]
[26] Les observations initiales des parties énoncées dans leur mémoire des faits et du droit respectif ainsi que les observations subséquentes relatives au texte, au contexte et à l’objet de la disposition qu’elles ont présentées par suite de la directive sont résumées ci-après.
THÈSE DE L’APPELANTE
[27] Le principal argument de l’appelante concerne la troisième caractéristique fondamentale énoncée dans la décision Barejo 2015. Selon elle, le juge de la Cour de l’impôt a conclu à tort que les billets constituaient une créance pour l’application de l’alinéa 94.1(1)a), même si les sommes exigibles sont inconnues et le demeureront jusqu’au moment où le paiement doit être fait, l’année suivante. À l’appui de cette prétention, l’appelante affirme en premier lieu qu’en l’absence d’une définition dans le texte de loi, le terme « créance » doit recevoir sa définition juridique; en deuxième lieu qu’en droit commercial, la définition d’une créance exige que la somme exigible soit certaine ou puisse être rendue certaine; en troisième lieu que, puisqu’il est impossible de déterminer la somme exigible pour acquitter les billets avant la date d’échéance, ces derniers ne constituent pas une créance.
[28] L’appelante invoque à l’appui de sa première prétention les arrêts de la Cour suprême du Canada Will-Kare Paving & Contracting Ltd. c. Canada, 2000 CSC 36, [2000] 1 R.C.S. 915 (Will-Kare), paragraphe 31 et Backman c. Canada, 2001 CSC 10, [2001] 1 R.C.S. 367 (Backman), paragraphe 17. Ces deux arrêts enseignent que, pour circonscrire le sens d’un terme juridique non défini dans la Loi, il importe de s’inspirer de la définition de ce terme en droit commercial (mémoire de l’appelante, paragraphe 32).
[29] L’appelante, suivant cette démarche, invoque l’arrêt Diewold v. Diewold, [1941] R.C.S. 35 ( Diewold), à la page 39 ainsi que l’ouvrage du professeur Dunlop, Creditor-Debtor Law in Canada, 2e éd., Toronto : Carswell, 1995 (Dunlop), à la page 16, et affirme que la seule définition acceptée du terme « dette », soit le corollaire du terme « créance », en droit commercial est la suivante : [traduction] « une obligation de payer une somme certaine ou pourra être rendue certaine » (mémoire de l’appelante, paragraphes 2 et 33 à 38). L’appelante soutient également, à la lumière des termes qui figurent dans un courant jurisprudentiel s’étant soldé par l’arrêt de la Cour d’appel du Manitoba dans l’affaire Ste. Rose & District Cattle Feeders Co-op v. Geisel, 2010 MBCA 52, 319 D.L.R. (4th) 694 (Ste. Rose), qu’il faut établir une distinction entre une dette et un élément de passif (en anglais, entre « debt » et « liability »). Le premier a un sens plus étroit suivant lequel la somme due doit pouvoir être déterminable avant la date d’échéance. Selon l’appelante, les billets ont donné lieu à un élément de passif, et non à une dette, en 2010 (mémoire de l’appelante, paragraphes 47 à 50).
[30] L’appelante fait valoir que, compte tenu de la conclusion du juge de la Cour de l’impôt selon laquelle la somme exigible pour acquitter les billets n’était ni connue ni ne pouvait être rendue certaine au cours de l’année d’imposition en question, le juge devait statuer que les billets ne constituaient pas une créance entre les mains de SLT.
[31] Enfin, l’appelante soutient que la conclusion générale à laquelle est arrivé le juge de la Cour de l’impôt constitue une réponse exhaustive à la seconde question; point n’est donc besoin de définir autrement le terme « créance » pour l’application de l’alinéa 94.1(1)a). À cet égard, elle [traduction] « souscrit avec reconnaissance » à la conclusion du juge de la Cour de l’impôt suivant laquelle examiner le texte, le contexte et l’objet de la disposition ne changerait aucunement l’issue (mémoire de l’appelante, paragraphe 39 citant Barejo 2018, paragraphe 20).
[32] Avant de conclure ses prétentions, l’appelante répète au paragraphe 62 de son mémoire l’argument qui était à l’avant-scène devant le juge de la Cour de l’impôt. Elle y assimile à nouveau les billets à une gageure, car [traduction] « [l]’essence ou la substance de cet arrangement n’est pas celle d’une relation créancier-débiteur, mais à un exercice spéculatif dépourvu d’un plafond sur le plan des profits possibles de même que d’un plancher sur le plan des pertes possibles ». Selon l’appelante, cette gageure est telle que, s’il est impossible de déterminer la somme exigible, il est également possible que la détentrice du billet ait eu entre les mains un papier ne valant plus rien à la date d’échéance si les actifs de référence avaient perdu toute leur valeur.
- Arguments relatifs au texte, au contexte et à l’objet
[33] L’appelante rappelle que le terme « créance », puisqu’il n’est pas défini, doit être interprété selon son sens juridique ordinaire. En revanche, le terme « entité non-résidente » est défini pour l’application de l’alinéa 94.1(1)a) [traduction] « pour viser des entités en tous genres » (observations de l’appelante sur le texte, le contexte et l’objet, paragraphe 8). Si le législateur avait voulu étendre le sens du terme « créance » de la manière proposée par le juge de la Cour de l’impôt, il aurait procédé à l’avenant.
[34] En ce qui a trait au contexte de l’article 94.1, l’appelante signale que le législateur juxtapose les termes « autre obligation » et « dette » dans plusieurs dispositions, ce qui laisse entendre que toute obligation de payer des fonds ne constitue pas une dette. Une catégorie de placements de portefeuille énumérée à l’alinéa 94.1(1)b), celle des créances et des rentes, donnerait également lieu à une certaine redondance, car une rente viagère serait visée par la définition d’une créance proposée par le juge de la Cour de l’impôt. Enfin, l’appelante invoque une remarque incidente tirée de la décision Gerbro Holdings Company c. La Reine, 2016 CCI 173 (Gerbro), conf. par 2018 CAF 197, au paragraphe 124, selon laquelle les « instruments dérivés donnant lieu à un règlement en espèces » « ne correspondent peut-être pas exactement » aux catégories de placements de portefeuille énumérées à l’alinéa 94.1(1)b). L’appelante excipe de cette remarque pour affirmer que les billets, en raison de leur nature, ne constituent pas une créance pour l’application de l’alinéa 94.1(1)a).
[35] En conclusion, l’appelante affirme que, comme l’objet de l’article 94.1 consiste à assurer la neutralité en matière d’exportation de capitaux, une décision portant que les billets constituent une créance pour l’application de l’alinéa 94.1(1)a) contrecarrerait un tel objet, car si les billets avaient été émis par une banque à charte canadienne et détenus directement par un contribuable canadien, il n’en résulterait aucune inclusion dans le revenu.
THÈSE DE LA COURONNE
[36] La Couronne, pour sa part, invoque un différent courant jurisprudentiel qui intéresse également le sens juridique du terme « créance ». Elle affirme que la définition proposée par l’appelante est trop étroite. Elle fait sienne la conclusion du juge de la Cour de l’impôt selon laquelle ce terme signifie le droit d’exiger le paiement d’une somme donnée qui ne sera connue qu’au moment où elle devient exigible et fait valoir que le législateur entendait attribuer à ce terme un tel sens lorsqu’il a adopté l’alinéa 94.1(1)a) (mémoire de la Couronne, paragraphes 30 à 42).
[37] La Couronne ajoute que la thèse de l’appelante à l’égard de la seconde question est fondée sur des [traduction] « sables mouvants ». L’appelante a soutenu, quant à la première question, que les billets constituaient des instruments dérivés de la nature d’une gageure au produit imprévisible. Elle invoque maintenant la distinction entre, d’une part, une « dette » et, d’autre part, une « obligation » et prétend qu’au cours de l’année en question, les billets constituaient une obligation qui n’était pas encore devenue une dette. Suivant la Couronne, la distinction qu’établit maintenant l’appelante entre une « dette » et une « obligation » ressortit plutôt aux réclamations éventuelles sous le régime de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité, L.R.C. (1985), ch. B-3 et ne trouve pas application en l’espèce (mémoire de la Couronne, paragraphes 47 et 48).
- Arguments relatifs au texte, au contexte et à l’objet
[38] Selon la Couronne, le législateur, en édictant l’article 94.1 sans définir le terme « créance », entendait viser les créances en tous genres. S’il avait eu l’intention d’en restreindre le sens, il aurait qualifié le terme, par exemple « créance exigible ou liquidée ». Cette thèse est dans le droit fil d’une jurisprudence qui rejette la notion suivant laquelle [traduction] « un instrument financier ne saurait constituer une créance avant sa date d’échéance » (observations de la Couronne relatives au texte, au contexte et à l’objet, paragraphe 6). Par exemple, la Cour d’appel de la Saskatchewan dans l’arrêt Heffer v. Kokatt, 1918 CanLII 154, 42 D.L.R. 322 (Heffer), conclut qu’une action en recouvrement d’une somme calculée en fonction de la valeur marchande du foin à la date d’échéance constitue une action en recouvrement de créance, même si la somme exigible n’est pas déterminable avant cette date, puisque les modalités de l’entente prévoient le moyen de déterminer le prix à payer (observations de la Couronne relatives au texte, au contexte et à l’objet, paragraphe 9 citant l’arrêt Heffer, paragraphe 21).
[39] Quant au contexte, la Couronne soutient que les autres catégories de biens énumérées à l’alinéa 94.1(1)a) sont visées même si leur valeur fluctue. La nature fluctuante des placements de portefeuille énumérés à l’alinéa 94.1(1)b) étaye la conclusion selon laquelle le législateur a tenu compte du fait que la valeur des biens mentionnés à l’alinéa 94.1(1)a) varie jusqu’à leur date d’échéance. Enfin, bien que le sens du terme « créance » soit large, le législateur a restreint l’application de l’article 94.1 en prévoyant d’autres seuils, notamment en exigeant que les BFPNR tirent leur valeur des placements de portefeuille qui les composent et que leur acquisition soit motivée par des considérations fiscales.
[40] En ce qui concerne l’objet de l’article 94.1, la Couronne insiste pour dire qu’il s’agit d’une mesure anti-évitement. Dans la décision Walton c. La Reine, 1998 CanLII 556 (C.C.I.), la Cour de l’impôt est arrivée à la conclusion que l’objet de la disposition consiste à empêcher que le recours à des fonds de placement non-résident permette de reporter indéfiniment l’impôt sur des revenus passifs. Dans l’affaire Gerbro, la Cour de l’impôt souligne l’objet global consistant à assurer la neutralité en matière d’exportation de capitaux. Le sens étroit que l’appelante attribue au terme « créance » ne permet pas d’atteindre ces objets.
[41] La Couronne ajoute que la thèse novatrice avancée par l’appelante, selon laquelle les billets constituent des « instruments dérivés donnant lieu à un règlement en espèces » comme ceux dont il est question dans l’affaire Gerbro [au paragraphe 124], n’est pas fondée sur les faits. Elle renvoie à l’exposé conjoint des faits, qui est muet à cet égard.
[42] Enfin, la Couronne n’est pas d’accord avec l’appelante pour dire que le report d’impôt obtenu par les actionnaires de SLT aurait également été obtenu si les parties aux billets avaient été un contribuable canadien et une banque à charte canadienne sans autre intermédiaire. Elle signale que la banque à charte canadienne doit acquitter l’impôt sur les opérations de gestion des actifs au Canada, contrairement au gestionnaire d’actifs étrangers.
ANALYSE
[43] La question circonscrite que soulève le présent appel est celle de savoir s’il était loisible au juge de la Cour de l’impôt de statuer que les billets pouvaient être qualifiés de créance pour l’application de l’alinéa 94.1(1)a) au cours de l’année d’imposition 2010 de l’appelante même si le paiement nécessaire pour acquitter les billets était inconnu à ce moment et le demeurerait jusqu’à ce que la créance soit exigible, ultérieurement.
[44] Pour répondre à cette question, il faut analyser le sens à attribuer au terme « créance » pour l’application de l’alinéa 94.1(1)a) et se demander si les billets sont visés par ce terme. La conclusion du juge de la Cour de l’impôt selon laquelle les billets comportent les caractéristiques fondamentales d’une créance pour l’application de cette disposition fait appel à une analyse en deux volets qui soulève une question mixte de fait et de droit ne justifiant notre intervention qu’en cas d’erreur manifeste et dominante. Quant à savoir si le juge a bien déterminé ces caractéristiques fondamentales, il s’agit d’une question de droit isolable assujettie à la norme de la décision correcte (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, 2019 CSC 65, paragraphe 37; Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235, paragraphes 33 à 35).
[45] La caractéristique des billets sur laquelle porte le débat est facile à comprendre. Au cours de l’année d’imposition en question, le paiement nécessaire pour acquitter un jour les billets était inconnu et ne pouvait être rendu certain en raison de la fluctuation de la valeur des actifs de référence. Cela dit, la valeur des actifs de référence était calculée une fois par semaine, de sorte que la valeur des billets était connue en tout temps.
[46] À l’audience, les avocats de l’appelante ont fait remarquer qu’outre le montant du paiement nécessaire pour acquitter les billets, était également incertaine avant la date d’échéance l’obligation même de payer des banques émettrices. Si je saisis bien son argument, l’appelante soutient qu’un effondrement des marchés aurait pu faire perdre toute valeur aux actifs de référence, de sorte que les banques émettrices ne seraient pas tenues de payer quoi que ce soit pour acquitter les billets à la date d’échéance ou à la date de résiliation anticipée.
[47] L’appelante a principalement fondé sa plaidoirie devant le juge de la Cour de l’impôt dans l’affaire Barejo 2015 sur la nature des billets, assimilés à une gageure, susceptible de se solder par l’extinction de l’obligation de payer à la date d’échéance (énoncé concis des faits et du droit de l’appelante, dossier d’appel, vol. 1, page 189, paragraphes 45 et 46, notes de plaidoirie de l’appelante devant la Cour de l’impôt, dossier d’appel, vol. 2, page 225, paragraphes 21, 31 et 38). Le juge estime néanmoins « [qu’à] l’échéance, une obligation de paiement » se rattache aux billets et que la deuxième caractéristique essentielle d’un billet, une somme exigible à un moment donné dans l’avenir, est également présente (Barejo 2015, paragraphe 133 ii)). Cette conclusion, subordonnée à l’application par le juge de la Cour de l’impôt du critère juridique aux faits (Barejo 2015, paragraphe 44), a été tirée un an avant la date d’échéance en l’absence de toute preuve démontrant que les actifs de référence avaient perdu ou allaient perdre toute leur valeur. Il est évident que la possibilité d’un tel scénario n’avait pas été démontrée au juge de la Cour de l’impôt.
[48] En effet, aucune ne pouvait l’être. L’affaire dont nous sommes saisis concerne des fonds valant des millions de dollars dont chacun est né de l’injection de 498 millions de dollars américains et qui sont gérés par des professionnels dotés des méthodes et des moyens pour prévoir les chutes des marchés et se prémunir contre pareil risque. À cet égard, il me suffit de prendre connaissance d’office de la récession mondiale survenue en 2007–2008 et signaler que, malgré la situation financière, les actifs de référence ont pris de la valeur, passant de 1 546 000 000 $ le 31 décembre 2005 à 1 655 000 000 $ et 1 718 000 000 $ les 31 décembre 2008 et 2009 respectivement (états financiers de SLT pour les exercices se terminant en décembre 2005 et 2009, dossier d’appel, vol. 4, page 790 et vol. 5, page 809).
[49] À l’audience, les avocats de l’appelante ont également mentionné la faillite de Lehman Brothers en 2008 et la possibilité que les banques émettrices aient connu pareille fin. Si nous reconnaissons que rien n’est impossible, nous estimons toutefois que ce risque ne suffit pas à mettre en doute la capacité financière des banques émettrices quand il s’agit d’acquitter leurs obligations découlant des billets. Il faudrait pour ce faire produire des éléments de preuve sur la fragilité financière, tout particulièrement parce que les billets étaient garantis par les sociétés mères canadiennes des banques émettrices. Si ceci devait s’avérer insuffisant, signalons en outre que SLT était protégée d’un effondrement par la clause de résiliation anticipée, qui lui permettait de résilier les billets si la cote de crédit des sociétés mères canadiennes se situait en deçà d’une certaine valeur.
[50] Les faits de l’espèce n’ont jamais permis de douter de l’existence d’une obligation de paiement ni de la capacité financière des banques émettrices d’honorer cette obligation.
[51] Il en résulte le fait incontestable que les sommes exactes servant à acquitter les billets étaient inconnues en 2010 et le demeureraient jusqu’à la date d’échéance de ces instruments, en raison de la nature fluctuante des actifs de référence. Les parties, débattant la question de savoir si ce fait exclut ou non l’existence d’une créance, soulignent depuis le début l’absence de définition du terme « créance » dans la Loi. Les deux camps s’entendent pour dire que, dans ce cas, il faut opter pour le sens du terme en droit commercial, mais divergent d’opinion sur ce qu’il signifie et invoquent tous deux une jurisprudence différente.
[52] Les parties présument également que ce terme possède un sens constant dans l’ensemble de la Loi, peu importe la disposition dans laquelle il figure (mémoire de l’appelante, paragraphe 39; mémoire de la Couronne, paragraphe 31). La présomption d’uniformité d’expression étaye une telle démarche (Ruth Sullivan, Sullivan on the Construction of Statutes, 6e éd., Markham, Ont. : LexisNexis, 2014 (Sullivan), pages 363 à 367 à propos de l’arrêt R. c. Zeolkowski, [1989] 1 R.C.S. 1378, page 1387, 1989 CanLII 72).
[53] Toutefois, cette présomption n’est pas absolue. Comme l’explique la Cour suprême dans l’arrêt Thomson c. Canada (Sous-ministre de l’Agriculture), [1992] 1 R.C.S. 385, à la page 400, 1992 CanLII 121, « à moins que le contexte ne s’y oppose clairement, un mot doit recevoir la même interprétation et avoir le même sens tout au long d’un texte législatif ». La possibilité qu’un terme possède un sens différent selon le contexte est particulièrement réelle dans le cas de la Loi, reconnue pour ses particularités et sa nature technique (Will-Kare, paragraphe 33). La présente instance souligne la nécessité d’examiner la disposition en question au regard de la Loi.
[54] La démarche des parties, axée sur la généralisation, semble également découler d’une interprétation erronée de la jurisprudence issue de la Cour suprême. Dans l’arrêt Backman, et l’arrêt concurrent Spire Freezers Ltd. c. Canada, 2001 CSC 11, [2001] 1 R.C.S. 391 (Spire Freezers), cette cour était appelée à décider si une société de personnes non-résidente pouvait déduire ses pertes sous le régime de l’article 96 de la Loi. Elle énonce ainsi la question en litige au premier paragraphe : « Les deux pourvois soulèvent la question fondamentale de savoir si une société de personnes valable a été établie aux fins d’application des lois fiscales ». Or, au paragraphe 17, elle apporte la précision suivante (voir également Backman, au paragraphe 17) :
[…] comme il a été jugé dans l’arrêt Backman, le contribuable canadien qui désire déduire les pertes d’une société de personnes en vertu de l’art. 96 de la Loi doit satisfaire aux conditions essentielles de validité d’une société de personnes en droit canadien. En d’autres mots, pour l’application de l’art. 96 de la Loi, les éléments essentiels d’une société de personnes doivent être présents, même dans le cas d’une société de personnes étrangère : […] [Renvois omis.]
Dans cet arrêt, la Cour suprême précise que le sens qu’elle attribue au terme « société de personnes » vaut pour l’application de l’article 96; elle ne signale nulle part dans ses motifs qu’un mot peut recevoir une interprétation générale sans rapport avec le texte, le contexte et l’objet de la disposition dans laquelle il figure. En fait, cette analyse est obligatoire (Hypothèques Trustco Canada c. Canada, 2005 CSC 54, [2005] 2 R.C.S. 601 (Trustco Canada)).
[55] Contrairement au terme « société de personnes » qui est bien défini en droit provincial (comme le terme « action » qui figure à l’alinéa 94.1(1)a)), le terme « créance » ne possède pas un seul sens. Il peut revêtir plus d’une définition, et celle qui illustre le mieux l’intention du législateur ne ressortit qu’à la lumière d’une analyse textuelle, contextuelle et téléologique de la disposition (Trustco Canada, paragraphe 10; Canada c. Cheema, 2018 CAF 45, [2018] 4 R.C.F. 328, paragraphes 73 à 84). L’appelante est reconnaissante à juste titre au juge de la Cour de l’impôt qui n’a pas jugé utile de procéder à cette analyse, car cette démarche soutient ses efforts visant à tenir la disposition à l’écart des débats. Toutefois, lorsqu’on s’éloigne d’une discussion générale au sujet de la Loi dans son ensemble pour se concentrer sur la disposition comme telle, comme il se doit, la thèse de l’appelante devient insoutenable. Nous y arrivons.
- Texte
[56] Il faut interpréter un mot dans son contexte immédiat, soit les mots qui l’entourent (Sullivan, pages 30 à 33). Au paragraphe 94.1(1), le terme « créance » est entouré des termes : « “fonds de placement non-résident” … est une action … une participation dans une telle entité, ou une créance … [dont la] valeur peut raisonnablement être considérée comme découlant principalement, directement ou indirectement, de placements de portefeuille […] en actions […] en créances […] en participations dans [des] fonds ou organismes […] en marchandises […] en biens immeubles […] en avoirs miniers […] en monnaie [étrangère] […] en options d’achat ou de dispositions de l’une des valeurs qui précèdent, […] en toute combinaison de ce qui précède ».
[57] Comme nous pouvons le voir, une simple lecture permet de constater que la créance d’une entité non-résidente peut tirer sa valeur de placements de portefeuille qui fluctuent avec le temps. Il s’ensuit que, si on exclut un instrument de la portée du terme « créance », pour la simple raison que la somme ultimement exigible ne sera connue qu’à la date d’échéance de l’instrument, le législateur aurait parlé pour ne rien dire en prévoyant « une créance [dont la] valeur peut raisonnement être considérée comme découlant [...] de placements de portefeuille ». À cet égard, l’appelante n’a signalé aucune situation où le terme « créance » à l’alinéa 94.1(1)a) trouverait application si, comme elle le prétend, le droit d’exiger un paiement dont le montant fluctue et qui ne sera connu qu’à la date d’échéance ne constitue pas une créance.
[58] Il est également utile d’examiner les mots entourant le terme « créance », c’est-à-dire « une action d[’une] » ou « une participation » dans une entité non-résidente, qui renvoient tous deux aux biens dont la valeur dépend de celle des mêmes placements de portefeuille. Suivant la règle d’interprétation fondée sur les mots associés, deux termes ayant une fonction grammaticale semblable et logique analogue invitent le lecteur à chercher une caractéristique commune entre ces termes (Ruth Sullivan, Sullivan on the Construction of Statutes, 5e éd., Markham, Ont. : LexisNexis, 2008, page 227, cité par la Cour suprême dans l’arrêt Opitz c. Wrzesnewskyj, 2012 CSC 55, [2012] 3 R.C.S. 76, paragraphe 41). Cette caractéristique commune est la nature fluctuante de la créance, de l’action ou de la participation, car la valeur de ces dernières dépend principalement de celle de placements de portefeuille, qui fluctue.
[59] Comme nous le verrons plus loin sous les rubriques relatives à l’analyse contextuelle et téléologique, le paragraphe 94.1(1) était censé empêcher le contribuable de différer un revenu par le truchement de placements à l’étranger dans des ressorts à faible taux d’imposition ainsi que d’accumuler des profits et de les réinvestir à l’étranger. Sont ainsi visés les biens d’un fonds de placement non-résident, dont la valeur fluctue au gré de celle des actifs qui le compose en vue d’imputer un revenu au contribuable canadien pendant la période où il détient les biens, pour que l’objet de la disposition soit atteint. En interprétant le terme « créance » de sorte qu’il ne vise pas un instrument dont la valeur est subordonnée à celle d’actifs dont la valeur fluctue alors que les actions et les participations sont visées parce que leur valeur dépend d’actifs qui fluctuent, on contrecarre cet objet et on arrive à un résultat absurde.
[60] La thèse de l’appelante à propos de la question soulevée en 2015 était essentiellement la suivante : les billets constituent des instruments dérivés assimilés à une gageure en raison de la fluctuation de la valeur des actifs de référence (Barejo 2018, paragraphe 19, note de bas de page 2). Selon l’appelante, il s’agit non pas de rapports créancier-débiteur, mais d’un exercice spéculatif dont l’issue est incertaine jusqu’à la date d’échéance ou la résiliation anticipée (énoncé concis des faits et du droit de l’appelante, dossier d’appel, vol. 1, page 189, paragraphes 45 et 46; notes de plaidoirie de l’appelante devant la Cour de l’impôt, dossier d’appel, vol. 2, page 225, paragraphes 31 à 34 et 38; voir également la transcription de l’audience devant la Cour de l’impôt en 2015, dossier d’appel, vol. 2, pages 258 à 260).
[61] Les failles de l’argument de l’appelant ressortent à la lumière du texte du paragraphe 94.1(1); cette disposition prévoit expressément qu’un instrument dont la valeur découle de celle de placements de portefeuille qui fluctuent peut constituer une créance. Il s’ensuit que la nature spéculative des billets ainsi que l’incertitude qui en découle quant à la somme ultimement exigible ne sauraient représenter des obstacles. C’est peut-être pourquoi l’appelante a changé son fusil d’épaule devant nous et fonde maintenant sa thèse sur la distinction entre une dette et un élément de passif. Tout particulièrement, elle prétend que les billets constituent des éléments de passif qui ne deviendront des dettes qu’à la date d’échéance ou de résiliation anticipée (mémoire des faits et du droit de l’appelante, paragraphes 46 à 50). Suivant un tel raisonnement, les billets constitueraient bel et bien des dettes pour le débiteur mais seulement à la date d’échéance ou de résiliation anticipée, au moment où les sommes dues, ou exigibles, seraient connues.
[62] Le juge de la Cour de l’impôt n’a pas examiné pareille distinction entre une dette et un élément de passif, car l’appelante ne l’avait mentionnée qu’au passage, pour dire que [traduction] « tous les éléments de passif ne sont pas des dettes ». Cette affirmation visait à répondre à l’argument voulant que les billets fussent des dettes, car ils sont inscrits sous la catégorie des passifs (en anglais, « liabilities ») dans les états financiers des banques émettrices (notes de plaidoirie de l’appelante devant la Cour de l’impôt, dossier d’appel, vol. 2, page 225, paragraphe 25). Ainsi, les motifs du juge de la Cour de l’impôt ne sont guère utiles à cet égard. Cependant, il conclut généralement qu’il « n’existe pas de définition légale universelle, exhaustive et précise du terme “créance” au Canada » (Barejo 2015, paragraphe 65). Je souscris à cette conclusion, et, en fait, la nouvelle jurisprudence avancée par l’appelante devant nous à l’appui de sa thèse sur la distinction entre une dette et un élément de passif le confirme.
[63] Cette jurisprudence remonte à l’arrêt J.D. McArthur Co. Ltd. v. Alberta & G.W. Ry. Co., [1924] 2 D.L.R. 118 (Div. app.), une affaire concernant un recours en recouvrement de créance en droit commercial. Le juge Clarke de la Cour d’appel de l’Alberta, dans des motifs concordants quant au dispositif, conclut en ces termes à la page 140 :
[traduction] Le terme « élément de passif » possède un sens plus large que le terme « dette » et a été interprété comme « l’assujettissement, réel ou potentiel, à une obligation ou renvoie plus spécialement à des obligations en devenir, futures, impossibles à établir ou imparfaites, plutôt qu’à des dettes », qui sont fondamentalement déterminables et certaines, en général.
[64] La Cour d’appel du Manitoba a récemment approuvé ce passage au paragraphe 77 de ses motifs dans l’affaire Ste. Rose, qui concerne une faillite. En outre, l’appelante renvoie à la décision Re : SemCanada Crude Company (Celtic Exploration Ltd. #2), 2012 ABQB 489 (CanLII), 546 A.R. 203, une autre affaire intéressant une faillite, dans laquelle la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta conclut que le terme [traduction] « élément de passif » est plus large que le terme [traduction] « dette », ce dernier représentant un certain type d’obligations dont la valeur est liquidée ou déterminée (paragraphe 33). Faisant valoir la distinction qu’établissent ces décisions, l’appelante affirme que les billets ne constituent pas des créances avant leur date d’échéance.
[65] L’interprétation avancée dans ces décisions est le produit du contexte des instances mêmes et représente l’un des nombreux sens attribués à la notion au fil des ans. L’analyse exhaustive du terme « dette », et son corollaire « créance », à laquelle a procédé la Cour d’appel du Québec dans l’arrêt Senza inc. c. Québec (Sous-ministre du Revenu) (Senza), aux paragraphes 83 à 94 illustre bien cette fourchette. Cette affaire soulevait la question de savoir si les sommes payables à une institution financière en exécution de contrats de cession-bail constituaient des dettes pour l’application de l’alinéa 1136(1)e) de la Loi sur les impôts, RLRQ, ch. I-3, même si les paiements n’étaient pas exigibles. Ayant adopté une interprétation générale, inspirée du contexte et de l’objet de la loi en question, la Cour d’appel du Québec a confirmé que les sommes à payer constituaient des dettes même si elles n’étaient pas encore exigibles.
[66] Signalons que le Code civil du Québec [RLRQ, ch. CCQ-1991 ] (CcQ) ne distingue pas la dette de l’élément de passif. Il prévoit l’existence d’une obligation à terme suspensif qui n’est pas exigible avant la date d’échéance (article 1508 CcQ) et prévoit que la prestation à laquelle le débiteur est tenu envers le créancier peut porter sur tout bien, même à venir, pourvu que le bien soit déterminé quant à son espèce et déterminable quant à sa quotité (articles 1371, 1373 et 1374 CcQ). En ce qui concerne le sens du mot « déterminable », des auteurs expliquent que « le Code n’impose, à première vue, que la possibilité de fixer la quotité, par l’application d’une norme prévue au contrat qui serait suffisamment précise et objective » (Didier Lluelles et Benoît Moore, Droit des obligations, 3e éd. (Montréal : Éditions Thémis, 2018), § 1049.13).
[67] Il s’ensuit qu’en droit civil, une créance peut exister même si la valeur future de la prestation est incertaine avant l’échéance, tant qu’elle est précisément et objectivement déterminable à la lumière du contrat. Ce qui importe, c’est que les parties aient enrayé toute ambiguïté quant à la somme exigible à la date d’échéance. C’est le cas en l’espèce, et le rôle du CcQ dans la présente analyse de la question est particulièrement important, car presque tous les actionnaires de SLT sont des résidents du Québec (demande d’exonération fiscale, dossier d’appel, vol. 5, page 956).
[68] En common law, le sens du terme « créance » est flottant (Dunlop, pages 11 à 16). La jurisprudence qu’avance l’appelante se distingue d’un autre courant, celui-là représenté par l’arrêt de la Cour d’appel de la Saskatchewan dans l’affaire Heffer, où cette cour conclut, au paragraphe 21, qu’une action en recouvrement de créance peut découler d’un contrat [traduction] « dont les modalités prévoient le moyen de calculer la somme exigible ». Cet arrêt illustre la grande fourchette de sens possibles en common law. Le dictionnaire de droit Black’s Law Dictionary relève la plupart de ces sens (Bryan A. Garner, Black’s Law Dictionary, 8e éd. (Saint-Paul : Thomson West, 2004), pages 432 et 433).
[69] En droit commercial et en droit de l’insolvabilité, une créance éventuelle a une valeur qui n’est pas encore fixée, mais peut le devenir plus tard si certains faits se produisent; une créance exigible est liquidée; une créance liquidée est une créance dont le montant est déterminé par entente des parties ou par l’application d’une règle juridique; une créance liquide est exigible sans délai ni condition; une créance non liquidée est celle dont le montant n’est pas fixé et au sujet duquel il peut y avoir un litige. Certes, il s’agit dans tous les cas d’une créance, mais dans chaque cas, la notion est qualifiée selon le contexte juridique applicable et les intérêts en jeu. En guise d’exemple, signalons que les expressions « créance exigible » et « créance liquidée » constitueraient des pléonasmes à la lumière de la définition issue de l’arrêt Diewold avancée par l’appelante. Il en serait ainsi puisqu’il ressort de cette définition, qu’une créance, ou son corollaire « dette », est à la fois exigible et liquidée. Comme le souligne la Cour d’appel du Québec, cette définition étroite découle de l’interprétation de la Loi d’arrangement entre cultivateurs et créanciers, 1934, S.C. 1934, ch. 53, qui n’est pas nécessairement pertinente pour l’interprétation d’une disposition fiscale (Senza, paragraphe 115).
[70] Il ressort de l’examen qui précède que le juge de la Cour de l’impôt a rejeté à bon droit la thèse de l’appelante selon laquelle le terme « créance » (et son corollaire « dette ») a une seule définition établie au Canada. Les tribunaux ont employé une terminologie variée et ont donné à ce terme et à ses dérivés des interprétations différentes selon le domaine du droit et le contexte. La conclusion du juge de la Cour de l’impôt, à savoir qu’il n’existe pas une seule définition exhaustive de ce terme, est étayée d’une abondante jurisprudence.
[71] Par conséquent, la question qui se pose est la suivante : laquelle des deux interprétations mises en opposition représente le mieux l’intention du législateur, à en juger par le texte de l’alinéa 94.1(1)a)? S’agit-il de l’interprétation selon laquelle l’élément de passif devient une dette pour le débiteur, et une créance pour le créancier, que lorsque sa valeur est certaine ou puisse être rendue certaine ou suffit-il pour qu’il y ait dette pour le débiteur, ou créance pour le créancier, que la somme due, ou exigible, soit déterminable au moment du paiement?
[72] A priori, la définition proposée par l’appelante ne crée pas de redondance complète au sein du paragraphe 94.1(1), car cette interprétation reconnaît l’existence d’une créance lorsque cette dernière devient exigible. Or, le paragraphe 94.1(1) ne s’appliquerait pas si l’exercice fiscal de SLT se terminait le 30 novembre, date qui coïncide avec la réorganisation initiale ayant eu lieu le 30 novembre 2001. Il en est ainsi en raison du fait qu’une créance doit exister « à la fin d’un mois donné de l’année » pour que la disposition donne lieu à une inclusion au revenu, et ce ne serait pas le cas en l’espèce, les billets devant être acquittés au moyen d’un paiement effectué le 30 novembre 2016, conformément à l’article 5.1 des billets (billet de BNSI et billet de TDII, dossier d’appel, vol. 3, pages 533 et 575, respectivement). Par conséquent, SLT ne détendrait pas plus une créance durant l’année où survient l’échéance que durant les années antérieures.
[73] Au contraire, si l’exercice fiscal de SLT coïncide avec son exercice financier (se terminant le 31 décembre), SLT détiendrait une créance durant un seul mois, soit celui prenant fin le 30 novembre 2016. Les billets constitueraient donc une créance pour un mois sur les 180 mois durant lesquels les billets étaient en vigueur.
[74] Dans les deux cas, le législateur aurait parlé pour ne rien dire en prévoyant l’existence d’une créance dont la valeur découle de celle de placements de portefeuille, qui elle-même fluctue. Compte tenu de la règle d’interprétation à l’encontre de la redondance (Winters c. Legal Services Society, [1999] 3 R.C.S. 160, paragraphe 48) et de l’article 12 de la Loi d’interprétation, L.R.C. (1985), ch. I-21, l’interprétation avancée par l’appelante devrait être écartée sur ce seul fondement.
- Contexte
[75] Le régime relatif au REATB et les règles relatives aux BFPNR sont prévus à la sous-section I [de la Loi] « Actionnaires de sociétés ne résidant pas au Canada ». Outre certains aspects qui ne jouent pas en l’espèce (Gerbro, paragraphes 113 à 117), ils sont complémentaires. La présente affaire illustre bien leur interaction.
[76] Au cours de l’année d’imposition en question, deux sommes distinctes ont été ajoutées au revenu de l’appelante, qui correspondent à ses intérêts dans SLT. Comme le prévoit le paragraphe 91(1), la première correspond au pourcentage de participation de l’appelante dans le REATB de SLT pour 2009, comme il est défini au paragraphe 95(1). L’élément C de la formule qui figure à cette disposition correspond à la somme qui serait incluse dans le calcul du revenu si SLT était une entité résidant au Canada à laquelle le paragraphe 94.1(1) s’appliquait. La question est donc de savoir si SLT détient des parts dans des BFPNR qui constituent une créance d’une entité non-résidente, soit les billets.
[77] La seconde somme incluse dans le revenu de l’appelante pour l’année en question découle de l’application directe du paragraphe 94.1(1) à l’égard de la portion de l’année d’imposition 2010 suivant le 31 janvier, date à laquelle SLT ne constituait plus une SEAC de l’appelante. L’inclusion de ces revenus découle, non pas des billets, mais du fait que l’appelante détenait des BFPNR, à savoir les actions de SLT. Si l’application directe du paragraphe 94.1(1) n’est pas visée par la question à laquelle nous devons apporter une réponse, elle sert toutefois à illustrer l’interaction entre les règles relatives aux BFPNR et le régime de REATB. En effet, tous les autres critères étant présents, le revenu imputé en application du paragraphe 94.1(1) au contribuable qui détient les BFPNR directement et celui imputé en application du paragraphe 95(1) au contribuable qui détient les mêmes biens par le truchement d’une SEAC sont calculés pareillement, le paragraphe 94.1(1) étant appliqué directement dans le premier cas et par le jeu de l’élément C du paragraphe 95(1) dans le second. Pour ce faire, le paragraphe 95(1) modifie le libellé du paragraphe 94.1(1) de telle sorte que puisse être visée par cette disposition un intérêt dans un BFPNR détenus par la SEAC d’un contribuable. Dans cette optique, l’article 94.1 joue le rôle d’une mesure anti-évitement, car il vise les placements faits par le truchement d’une entité non-résidente qui n’est pas une SEAC et qui, pour cette raison, échapperaient à l’application du régime de REATB. Il ressort clairement des règles relatives aux BFPNR, en adéquation avec le régime de REATB, que l’intention est d’imputer un revenu tout au long de la période de détention.
[78] La meilleure explication des circonstances précises ayant mené à la création des règles relatives aux BFPNR provient de l’ouvrage de Jinyan Li, Arthur Cockfield et J. Scott Wilkie, International Taxation in Canada : Principles and Practices (4e éd. (Toronto : LexisNexis, 2018), page 365) :
[traduction] [C]es règles établissent un régime servant à déterminer si un instrument étranger doit être assimilé à un placement et, dans l’affirmative, comment calculer l’obligation fiscale canadienne du contribuable à l’égard du revenu qu’il tire de ce placement dans les cas où le placement et la part du contribuable dans ce dernier échapperaient autrement au système d’imposition avant que le revenu étranger soit distribué à l’investisseur ou que l’investisseur vende ces biens. [Non souligné dans l’original.]
[79] Au sujet du contexte de l’article 94.1, l’appelante signale que la Loi juxtapose au terme « dette » d’autres expressions, comme « autres obligations » de paiement (paragraphes 15(2.16), 18(5), 80.01(4), 80.01(5.1), 80.1(5), 89(4) à (6), 89(8) à (10), 107.4(4), 128.1(2), etc.). Selon l’appelante, cette technique de rédaction législative vise des éléments de passif plus généraux que les dettes seules.
[80] Or, le législateur exprime son intention de diverses manières, la plus fréquente et efficace étant par l’emploi de termes ordinaires et exprès. Dans la présente affaire, comme nous l’avons vu, le législateur a été on ne peut plus clair quand il a exprimé son intention de faire entrer dans le champ d’application du terme « créance » qui figure à l’alinéa 94.1(1)a) le droit d’exiger une somme fluctuant au gré de la valeur des placements de portefeuille. En effet, le législateur s’est exprimé en termes si explicites qu’il faudrait faire fi du libellé qu’il a choisi pour donner effet à la prétention de l’appelante.
[81] L’appelante fait valoir l’énoncé de la Cour de l’impôt dans sa décision Gerbro selon lequel les instruments dérivés donnant lieu à un règlement en espèces, comme les contrats d’échange et les contrats de couverture des fluctuations, « ne correspondent peut-être pas exactement » aux catégories de placements de portefeuille énumérées aux sous-alinéas 94.1(1)b)(i) à (ix) (Gerbro, paragraphe 124). Selon elle, les billets constituent ainsi des instruments dérivés donnant lieu à un règlement en espèces et, s’ils ne correspondent pas aux catégories énumérées à l’alinéa 94.1(1)b), on ne peut guère les assimiler à une créance pour l’application de l’alinéa 94.1(1)a) (observations de l’appelante sur le texte, le contexte et l’objet, paragraphe 12).
[82] Certes, les billets sont littéralement des instruments dérivés donnant lieu à un règlement en espèces, en ce sens que leur valeur découle de celle des actifs sous-jacents et qu’ils feront ultimement l’objet d’un règlement en espèces, mais il ne s’agit pas du genre d’« instruments dérivés donnant lieu à un règlement en espèces » auxquels renvoyait la Cour de l’impôt dans la décision Gerbro [au paragraphe 124]. Il s’agissait dans ce cas de contrats à terme conclus par deux parties ayant pris des positions contradictoires quant au prix de marché de l’actif sous-jacent à la date de clôture. Dans le cadre d’un tel contrat, non seulement le montant du paiement est inconnu jusqu’à la date de clôture, mais également des deux parties laquelle sera débitrice et créancière.
[83] La suggestion selon laquelle les billets constituent des instruments dérivés donnant lieu à un règlement en espèces, à l’instar de ceux dont il était question dans l’affaire Gerbro, n’est pas étayée par la preuve et contredit en fait l’énoncé conjoint des faits, qui désigne les deux banques émettrices comme seules parties à qui incombent le paiement acquittant les billets.
[84] Dans ses commentaires sur le contexte de l’alinéa 94.1(1)a), l’appelante signale en dernier lieu le fait que les placements de portefeuille énumérés à l’alinéa 94.1(1)b) incluent les rentes. Selon l’appelante, cette mention serait redondante si le terme « créance » qui figure à l’alinéa 94.1(1)b) renvoie à un instrument qui permet au détenteur d’exiger une somme qui demeure inconnue jusqu’à la date d’échéance.
[85] Or, l’appelante fait ainsi fi de la définition du terme « rente » prévue au paragraphe 248(1), qui vise notamment les sommes payables à intervalles réguliers en vertu d’un contrat, d’un testament ou d’une fiducie. Compte tenu des deux premières caractéristiques d’une créance définies par le juge de la Cour de l’impôt, selon lesquelles une somme donnée est avancée ou un crédit est accordé au débiteur par le créancier qui s’attend à ce qu’elle soit payée ou remboursée, une rente qui découle d’un legs ou d’un don par voie de fiducie ne serait pas visée par le sens attribué au terme « créance », d’où la nécessité d’une mention expresse des rentes au sous-alinéa 94.1(1)b)(ii).
- Objet
[86] L’objet fondamental du régime de REATB et des règles relatives aux BFPNR consiste à assurer la neutralité en matière d’exportation de capitaux, c’est-à-dire imposer similairement l’accroissement de la valeur du capital, qu’il résulte de placements au Canada ou à l’étranger (Gerbro, paragraphe 111). Sans ce cadre, les placements faits par les contribuables canadiens par le truchement d’entités étrangères ne seraient imposables qu’à la distribution du revenu, car ces entités non-résidentes génèrent des revenus hors du Canada. Par conséquent, ces contribuables canadiens bénéficieraient d’un report d’impôt qui ne s’applique pas aux placements faits par le truchement d’entités résidant au Canada. En imputant au contribuable un revenu annuel issu de ces placements à l’étranger, la Loi promeut l’égalité des chances. La définition avancée par l’appelante aurait pour effet de maintenir le report.
[87] Plus précisément, l’article 94.1 a pour objet d’empêcher le contribuable d’utiliser des fonds à intérêt cumulatif pour obtenir un report. Répétons que le but consiste à parer à l’évitement du régime de REATB par l’intermédiaire d’entités non-résidentes qui ne sont pas des SEAC.
[88] Selon l’appelante, le sens attribué au terme « créance » par la Couronne minerait l’objectif de neutralité en matière d’exportation de capitaux qui sous-tend le régime de REATB et les règles relatives aux BFPNR, car aucune inclusion au revenu n’aurait lieu avant la date d’échéance si les billets étaient émis par des banques à charte canadiennes et étaient détenus par un contribuable au Canada sans autre intermédiaire (observations de l’appelante sur le texte, le contexte et l’objet, paragraphe 15).
[89] Cet argument n’est pas fondé. Bien que les avocats de l’appelante aient remis en question ce fait, il est indubitable que les opérations d’acquisition et de disposition d’investissements reflétant celles effectuées par le gestionnaire d’actifs en l’espèce, si elles avaient été exécutées par une banque à charte canadienne, auraient donné lieu à des conséquences fiscales en application de la Loi, ce qui se serait répercuté sur le rendement des actifs de référence ainsi que sur la somme due pour acquitter les billets (énoncé conjoint des faits, paragraphe 28, dossier d’appel, vol. 2, page 316). Compte tenu de la preuve, l’application du paragraphe 94.1(1) aux billets contribue, en l’espèce, à la neutralité en matière d’exportation de capitaux.
- Conclusion
[90] En conclusion, la prétention de l’appelante selon laquelle il n’y a pas créance aux fins de l’alinéa 94.1(1)a) tant que la somme exigible n’est pas connue doit être rejetée; cette interprétation rend le terme « créance » redondant, fait fi du contexte et mine l’objet de la disposition. En revanche, la thèse de la Couronne est conforme au texte, au contexte et à l’objet du paragraphe 94.1(1).
[91] Vu le texte, le contexte et l’objet de l’alinéa 94.1(1)a), il y a créance pour l’application de cette disposition dès lors que les trois conditions suivantes sont réunies : 1) une somme donnée est avancée ou un crédit est accordé par une partie à une autre partie; 2) cette dernière doit payer ou rembourser la créance sur demande ou à une date donnée en contrepartie de l’avance; 3) le montant de la créance est fixé ou déterminable ou pourra être rendu certain lorsque le paiement sera dû. C’est le cas en l’espèce : une avance de 498 millions de dollars américains a été accordée à chacune des banques émettrices, les banques émettrices avaient l’obligation résultante de payer la somme correspondant à la valeur des actifs de référence à la date d’échéance ou à la date de résiliation anticipée et le montant de la créance pouvait être rendu certain à la date d’échéance. C’est suffisant pour trancher l’appel, sous réserve de deux remarques.
[92] Le juge de la Cour de l’impôt a énoncé une quatrième caractéristique à laquelle est subordonnée l’existence d’une créance, soit un taux d’intérêt implicite, prescrit ou calculable (qui peut être équivalent à zéro) (Barejo 2015, paragraphe 129 iv)). Je conviens avec le juge de la Cour de l’impôt que la mention d’intérêts dans les billets, et ce même si le taux à cet égard est de zéro, peut suggérer l’existence d’une créance, les prêts étant souvent décrits comme étant « “sans intérêts” » ou « “ne portant pas intérêt” » (Barejo 2015, paragraphes 131 et 133 v)). Toutefois, ni le droit civil ni la common law n’exigent, pour qu’il y ait dette ou créance, que le paiement ou remboursement soit assorti d’intérêts et rien dans le paragraphe 94.1(1) ne suggère que la créance doive porter intérêt pour être visée par cette disposition. En outre, la quatrième caractéristique énoncée par le juge de la Cour de l’impôt n’est pas une caractéristique fondamentale.
[93] En outre, le juge de la Cour de l’impôt était ambivalent au sujet de la nécessité, pour qu’il y ait créance, que chacune des caractéristiques soit présente. Pour le citer, « [i]l n’est peut-être pas nécessaire, dans certains cas, que l’ensemble de ces critères de base soient parfaitement remplis » (Barejo 2015, paragraphe 130). Il est probable que cette remarque résulte de la nature générale de la question qui lui avait été soumise initialement. Or, lorsqu’il s’agit de décider s’il y a créance pour l’application de l’alinéa 94.1(1), seules les trois premières caractéristiques énumérées par le juge de la Cour de l’impôt sont pertinentes et toutes les trois doivent être présentes.
DISPOSITIF
[94] En raison des motifs qui précèdent, je propose qu’une réponse affirmative soit donnée à la seconde question et que l’appel soit rejeté avec dépens.
Le juge Rennie, J.C.A. : Je suis d’accord.
La juge Rivoalen, J.C.A. : Je suis d’accord.
ANNEXE
Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985) (5e suppl.), ch. 1
PARTIE I
Impôt sur le revenu
[…]
SECTION B
Calcul du revenu
[…]
SOUS-SECTION I
Actionnaires de sociétés ne résidant pas au Canada
Sommes à inclure au titre d’une action dans une société étrangère affiliée
91 (1) Dans le calcul du revenu pour une année d’imposition d’un contribuable résidant au Canada, il doit être inclus, relativement à chaque action qui lui appartient dans le capital-actions d’une société étrangère affiliée contrôlée du contribuable, à titre de revenu tiré de l’action, le pourcentage du revenu étranger accumulé, tiré de biens, de toute société étrangère affiliée contrôlée du contribuable, pour chaque année d’imposition de la société affiliée qui se termine au cours de l’année d’imposition du contribuable, égal au pourcentage de participation de cette action, afférent à la société affiliée et déterminé à la fin de chaque telle année d’imposition de cette dernière.
[…]
Bien d’un fonds de placement non-résident
94.1 (1) Lorsque, au cours d’une année d’imposition, un contribuable, autre qu’une société de placement appartenant à des non-résidents, détient un bien ou a un droit sur un bien (appelé « bien d’un fonds de placement non-résident » au présent article) qui répond aux conditions suivantes :
a) il est une action du capital-actions d’une entité non-résidente (autre qu’une société étrangère affiliée contrôlée du contribuable ou une entité non-résidente visée par règlement) ou une participation dans une tell[e] entité, ou une créance sur elle, ou un droit sur une telle action, participation ou créance ou un droit ou une option d’achat d’une telle action, participation ou créance;
b) sa valeur peut raisonnablement être considérée comme découlant principalement, directement ou indirectement, de placements de portefeuille de cette même entité ou de toute autre entité non-résidente :
(i) en actions du capital-actions d’une ou de plusieurs sociétés,
(ii) en créances ou en rentes,
(iii) en participations dans un ou plusieurs fonds ou organismes ou dans une ou plusieurs sociétés, fiducies, sociétés de personnes ou entités,
(iv) en marchandises,
(v) en biens immeubles,
(vi) en avoirs miniers canadiens ou étrangers,
(vii) en monnaie autre que la monnaie canadienne,
(viii) en droits ou options d’achat ou de disposition de l’une des valeurs qui précèdent,
(ix) en toute combinaison de ce qui précède,
et que l’on peut raisonnablement conclure, compte tenu des circonstances, y compris :
c) la nature, l’organisation et les activités de toute entité non-résidente, ainsi que les formalités et les conditions régissant la participation du contribuable dans toute entité non-résidente ou les liens qu’il a avec une telle entité;
d) la mesure dans laquelle les revenus, bénéfices et gains qu’il est raisonnable de considérer comme ayant été gagnés ou accumulés, directement ou indirectement, au profit de toute entité non-résidente sont assujettis à un impôt sur le revenu ou sur les bénéfices qui est considérablement moins élevé que l’impôt sur le revenu dont ces revenus, bénéfices et gains seraient frappés s’ils étaient gagnés directement par le contribuable;
e) la mesure dans laquelle les revenus, bénéfices et gains de toute entité non-résidente pour un exercice donné sont distribués au cours de ce même exercice ou de celui qui le suit,
que l’une des raisons principales pour le contribuable d’acquérir, de détenir ou de posséder un droit sur un tel bien était de tirer un bénéfice de placements de portefeuille dans des biens visés à l’un des sous-alinéas b) (i) à (ix) de façon que les impôts sur les revenus, bénéfices et gains provenant de ces biens pour une année donnée soient considérablement moins élevés que l’impôt dont ces revenus, bénéfices et gains auraient été frappés en vertu de la présente partie s’ils avaient été gagnés directement par le contribuable, celui-ci doit inclure dans le calcul de son revenu pour l’année l’excédent éventuel du total visé à l’alinéa f) sur le montant visé à l’alinéa g) :
f) le total des montants dont chacun est le produit de la multiplication du montant visé au sous-alinéa (i) par le quotient visé au sous-alinéa (ii) :
(i) le coût désigné, pour le contribuable, du bien d’un fonds de placement non-résident à la fin d’un mois donné de l’année,
(ii) le quotient de la division par 12 du taux d’intérêt prescrit pour la période comprenant ce mois;
g) le revenu du contribuable pour l’année (autre qu’un gain en capital) tiré d’un bien d’un fonds de placement non-résident et déterminé compte non tenu du présent paragraphe.
[…]
Définitions applicables à la présente sous-section
95 (1) Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente sous-section.
[…]
revenu étranger accumulé, tiré de biens S’agissant du revenu étranger accumulé, tiré de biens, d’une société étrangère affiliée d’un contribuable, pour une année d’imposition de la société affiliée, le montant calculé selon la formule suivante :
(A + A.1 + A.2 + B + C) – (D + E + F + F.1 + G + H)
où :
[…]
C lorsque la société affiliée est une société étrangère affiliée contrôlée du contribuable, le montant qui serait inclus dans le calcul du revenu de la société affiliée pour l’année si :
a) le paragraphe 94.1(1) s’appliquait au calcul d’un tel revenu;
b) les passages « gagnés directement par le contribuable » au paragraphe 94.1(1) étaient remplacés par « gagnés par la personne résidant au Canada pour qui le contribuable est une société étrangère affiliée »;
c) le passage « (autre qu’une société étrangère affiliée contrôlée du contribuable ou une entité non-résidente visée par règlement) » à l’alinéa 94.1(1)a) était remplacé par « (autre qu’une entité non-résidente visée par règlement ou une société étrangère affiliée contrôlée d’une personne résidant au Canada et dont le contribuable est une société étrangère affiliée contrôlée) »;
d) le passage « (autre qu’un gain en capital) » à l’alinéa 94.1(1)g) était remplacé par « (autre qu’un revenu qui ne serait pas inclus dans le revenu étranger accumulé, tiré de biens du contribuable pour l’année si la valeur de l’élément C de la formule figurant à la définition de revenu étranger accumulé, tiré de biens au paragraphe 95(1) était nulle et autre qu’un gain en capital) »