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A-417-18

 2020 CAF 63

 

Le procureur général du Canada (appelant)

c.

Northern Inter-Tribal Health Authority Inc. et Peter Ballantyne Cree Nation Health Services Incorporated (intimées)

Répertorié : Canada (Procureur général) c. Northern Inter-Tribal Health Authority Inc.

Cour d’appel fédérale, juges Stratas, de Montigny et Laskin, J.C.A.—Saskatoon, 9 mars; Ottawa, 17 mars 2020.

Droit constitutionnel –– Partage des pouvoirs –– Appel d’une décision de la Cour fédérale, qui a accueilli la demande de contrôle judiciaire d’une décision du surintendant des institutions financières fédéral, qui a jugé que les régimes de retraite des intimées étaient régis par les lois provinciales et a décidé de ne plus les réglementer –– Les intimées ont contesté les décisions du surintendant au moyen d’une demande conjointe de contrôle judiciaire devant la Cour fédérale –– La Cour fédérale a annulé les décisions du surintendant, qui a fondé ces décisions sur l’arrêt de la Cour suprême du Canada qui fait autorité, NIL/TU,O Child and Family Services Society c. B.C. Government and Service Employees’ Union; elle a conclu que le surintendant avait commis une erreur et que les régimes de retraite relevaient de la compétence fédérale –– Les traités nos 6, 8 et 10 ont joué dans la décision de la Cour fédérale –– Le surintendant a appliqué l’art. 4(4) de la Loi de 1985 sur les normes de prestation de pension, une loi fédérale –– En appliquant cette disposition, le surintendant devait déterminer si les entreprises des intimées relevaient de la compétence fédérale –– Les parties n’ont pas contesté que la prestation des soins de santé relève de la compétence provinciale, mais les intimées ont souligné le fait que la Couronne a l’obligation, en vertu des traités, de veiller à ce que des soins de santé soient offerts aux peuples autochtones, ce qui modifiait la situation et faisait en sorte que l’entreprise des intimées est de ressort fédéral –– Il s’agissait de savoir si le surintendant a correctement interprété et appliqué la jurisprudence en matière constitutionnelle concernant la compétence fédérale et, plus particulièrement, si les traités en cause jouaient dans l’analyse constitutionnelle –– Le surintendant a eu raison de rejeter l’argument des intimées –– Le surintendant n’a pas conclu à un caractère autochtone substantiel dans les fonctions des intimées –– Le surintendant s’est attaché à la question de la « compétence » pour l’application de l’art. 4(4) de la Loi de 1985 sur les normes de prestation de pension, a circonscrit l’arrêt NIL/TU,O comme arrêt de principe, a appliqué cette jurisprudence et a conclu que les entreprises des intimées étaient, sur le plan fonctionnel, des entreprises de soins de santé –– Le surintendant a eu raison de conclure que les entreprises des intimées relevaient de la compétence provinciale –– La réglementation des entreprises de soins de santé relève des provinces — Les relations de travail des employés d’entreprises provinciales, y compris leurs régimes de retraite, sont présumées être assujetties à la réglementation provinciale –– Les entreprises des intimées relevaient donc de la compétence de la province –– Dans son analyse, la Cour fédérale s’est égarée –– Elle a porté son attention sur le libellé des traités et sur l’art. 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 –– Elle a ainsi négligé l’analyse que commande l’arrêt NIL/TU,O et il s’agissait d’une erreur de droit –– Les traités et les droits issus de ces traités ne modifiaient en rien la question à laquelle devait répondre le surintendant pour l’application de l’art. 4(4) de la Loi de 1985 sur les normes de prestation de pension : qui a « compétence » pour réglementer les entreprises des intimées? –– La réponse à cette question se trouve uniquement dans la distribution des pouvoirs exclusifs prévue aux art. 91 à 95 de la Loi constitutionnelle de 1867 –– La Cour fédérale n’aurait pas dû annuler les décisions du surintendant –– Appel accueilli.

Droit constitutionnel — Droits ancestraux ou issus de traités — Le surintendant des institutions financières a jugé que les régimes de retraite des intimées étaient régis par les lois provinciales et a décidé de ne plus les réglementer –– La Cour fédérale a annulé les décisions du surintendant –– Les traités nos 6, 8 et 10 ont joué dans la décision de la Cour fédérale –– Le surintendant a appliqué l’art. 4(4) de la Loi de 1985 sur les normes de prestation de pension, une loi fédérale –– En appliquant cette disposition, il devait déterminer si les entreprises des intimées relevaient de la compétence fédérale — Les parties n’ont pas contesté que la prestation des soins de santé relève de la compétence provinciale, mais les intimées ont souligné le fait que la Couronne a l’obligation, en vertu des traités, de veiller à ce que des soins de santé soient offerts aux peuples autochtones, ce qui modifiait la situation et faisait en sorte que l’entreprise des intimées est de ressort fédéral –– Il s’agissait de savoir si les traités en cause jouaient dans l’analyse constitutionnelle –– Le surintendant a eu raison de conclure que les entreprises des intimées relevaient de la compétence provinciale –– Dans son analyse, la Cour fédérale s’est égarée –– Elle a porté son attention sur le libellé des traités et sur l’art. 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 –– Les traités et les droits issus de ces traités ne modifiaient en rien la question à laquelle devait répondre le surintendant pour l’application de l’art. 4(4) de la Loi de 1985 sur les normes de prestation de pension : qui a « compétence » pour réglementer ces entreprises? –– La réponse à cette question se trouve uniquement dans la distribution des pouvoirs exclusifs prévue aux art. 91 à 95 de la Loi constitutionnelle de 1867.

Peuples autochtones — Le surintendant des institutions financières a jugé que les régimes de retraite des intimées étaient régis par les lois provinciales et a décidé de ne plus les réglementer –– La Cour fédérale a annulé les décisions du surintendant –– Les traités nos 6, 8 et 10 ont joué dans la décision de la Cour fédérale –– Le surintendant a appliqué l’art. 4(4) de la Loi de 1985 sur les normes de prestation de pension, une loi fédérale –– En appliquant cette disposition, il devait déterminer si les entreprises des intimées relevaient de la compétence fédérale — Les parties n’ont pas contesté que la prestation des soins de santé relève de la compétence provinciale, mais les intimées ont souligné le fait que la Couronne a l’obligation, en vertu des traités, de veiller à ce que des soins de santé soient offerts aux peuples autochtones, ce qui modifiait la situation et faisait en sorte que l’entreprise des intimées est de ressort fédéral –– Le surintendant n’a pas conclu à un caractère autochtone substantiel dans les fonctions des intimées et il a eu raison de conclure que les entreprises des intimées relevaient de la compétence provinciale –– Dans son analyse, la Cour fédérale s’est égarée –– Elle a porté son attention sur le libellé des traités et sur l’art. 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 –– Les traités et les droits issus de ces traités ne modifiaient en rien la question à laquelle devait répondre le surintendant pour l’application de l’art. 4(4) de la Loi de 1985 sur les normes de prestation de pension : qui a « compétence » pour réglementer ces entreprises? –– La réponse à cette question se trouve uniquement dans la distribution des pouvoirs exclusifs prévue aux art. 91 à 95 de la Loi constitutionnelle de 1867.

Pensions — Le surintendant des institutions financières, appliquant l’art. 4(4) de la Loi de 1985 sur les normes de prestation de pension, une loi fédérale, a jugé que les régimes de retraite des intimées étaient régis par les lois provinciales et a décidé de ne plus les réglementer –– En appliquant cette disposition, il devait déterminer si les entreprises des intimées relevaient de la compétence fédérale — Les parties n’ont pas contesté que la prestation des soins de santé relève de la compétence provinciale, mais les intimées ont souligné le fait que la Couronne a l’obligation, en vertu des traités, de veiller à ce que des soins de santé soient offerts aux peuples autochtones, ce qui modifiait la situation et faisait en sorte que l’entreprise des intimées est de ressort fédéral –– Le surintendant n’a pas conclu à un caractère autochtone substantiel dans les fonctions des intimées et il a eu raison de conclure que les entreprises des intimées relevaient de la compétence provinciale –– La question à laquelle devait répondre le surintendant pour l’application de l’art. 4(4) de la Loi de 1985 sur les normes de prestation de pension était la suivante : qui a « compétence » pour réglementer ces entreprises? –– La réponse à cette question se trouve uniquement dans la distribution des pouvoirs exclusifs prévue aux art. 91 à 95 de la Loi constitutionnelle de 1867.

Il s’agissait d’un appel d’une décision de la Cour fédérale, qui a accueilli la demande de contrôle judiciaire d’une décision du surintendant des institutions financières fédéral, qui a jugé que les régimes de retraite des intimées étaient régis par les lois provinciales et a décidé de ne plus les réglementer. Les intimées ont contesté les décisions du surintendant au moyen d’une demande conjointe de contrôle judiciaire devant la Cour fédérale. La Cour fédérale a annulé les décisions du surintendant, qui a fondé ces décisions sur l’arrêt de la Cour suprême du Canada qui fait autorité, NIL/TU,O Child and Family Services Society c. B.C. Government and Service Employees’ Union. La Cour fédérale a conclu que le surintendant avait commis une erreur et que les régimes de retraite relevaient de la compétence fédérale. Les traités nos 6, 8 et 10, qui contiennent tous des promesses faites par la Couronne concernant les soins de santé offerts aux peuples autochtones, ont joué dans la décision de la Cour fédérale.

  En l’espèce, le surintendant a appliqué le paragraphe 4(4) de la Loi de 1985 sur les normes de prestation de pension, une loi fédérale. La véritable question en litige en l’espèce était celle de savoir comment le surintendant a appliqué cette disposition. En appliquant cette disposition, le surintendant devait déterminer si les entreprises des intimées relevaient de la compétence fédérale. En l’espèce, la détermination comportait trois étapes distinctes. La première étape consistait à interpréter la jurisprudence en matière constitutionnelle concernant la compétence fédérale.

  Les parties n’ont pas contesté que la prestation des soins de santé relève de la compétence provinciale. Toutefois, les intimées ont souligné le fait que la Couronne a l’obligation, en vertu des traités, de veiller à ce que des soins de santé soient offerts aux peuples autochtones. Selon elles, ce fait modifiait la situation : l’entreprise des intimées est de ressort fédéral, parce qu’elle relève de la compétence fédérale concernant les peuples autochtones et les Premières Nations conformément au paragraphe 91(24) de la Loi constitutionnelle de 1867. L’appelant n’était pas d’accord, citant l’arrêt de la Cour suprême dans l’affaire NIL/TU,O.

  Il s’agissait principalement de savoir si le surintendant a correctement interprété et appliqué la jurisprudence en matière constitutionnelle concernant la compétence fédérale et, plus particulièrement, si les traités en cause jouaient dans l’analyse constitutionnelle.

Arrêt : l’appel doit être accueilli.

  L’argument des intimées était essentiellement celui avancé par les parties qui ont été déboutées dans l’arrêt NIL/TU,O. La Cour suprême a rejeté cet argument et, en l’espèce, le surintendant a eu raison de le rejeter également. Le surintendant a circonscrit à juste titre l’arrêt NIL/TU,O comme arrêt de principe. En l’espèce, les intimées ont affirmé que leurs fonctions comportent un caractère autochtone distinct et important qui jouait dans l’analyse menée au premier volet. Il s’agissait de l’argument même rejeté dans l’arrêt NIL/TU,O. Même si l’interprétation de la loi faite par les intimées était correcte, leur argument ne pouvait être retenu pour une autre raison : le surintendant n’a pas conclu à un caractère autochtone substantiel dans les fonctions des intimées, et il en a été déféré à cette conclusion factuelle. En l’espèce, le surintendant s’est attaché à la question de la « compétence » pour l’application du paragraphe 4(4) de la Loi de 1985 sur les normes de prestation de pension, une loi fédérale, a circonscrit l’arrêt NIL/TU,O comme arrêt de principe, a appliqué cette jurisprudence et a conclu que les entreprises des intimées étaient, sur le plan fonctionnel, des entreprises de soins de santé. Le surintendant a fondé cette conclusion sur des faits qui n’étaient pas contestés et l’a expliquée aux intimées dans deux lettres de décision. À partir de là, l’analyse du surintendant était purement juridique et a mené à la conclusion que les entreprises des intimées relevaient de la compétence provinciale. Le surintendant avait raison. La réglementation des entreprises de soins de santé relève des provinces. De plus, les relations de travail des employés d’entreprises provinciales, y compris leurs régimes de retraite, sont présumées être assujetties à la réglementation provinciale. Au vu des faits non contestés, les entreprises des intimées relèvent de la compétence de la province.

  Dans son analyse, la Cour fédérale s’est égarée. Au lieu de s’attacher à déterminer l’ordre de gouvernement ayant compétence pour réglementer les entreprises des intimées et au lieu d’appliquer strictement l’arrêt de principe NIL/TU,O, la Cour fédérale a porté son attention sur le libellé des traités, sur l’importance et le caractère solennel des traités et sur l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, qui reconnaît et confirme les droits issus de traités. La Cour fédérale a ainsi négligé l’analyse que commande l’arrêt NIL/TU,O et il s’agissait d’une erreur de droit. Les traités et les droits issus de ces traités ne modifiaient en rien la question à laquelle devait répondre le surintendant pour l’application du paragraphe 4(4) de la Loi de 1985 sur les normes de prestation de pension : qui a « compétence » pour réglementer ces entreprises? La réponse à cette question se trouve uniquement dans la distribution des pouvoirs exclusifs prévue aux articles 91 à 95 de la Loi constitutionnelle de 1867, selon l’interprétation faite par la Cour suprême dans l’arrêt NIL/TU,O.

  Les traités obligent l’administration fédérale à veiller à ce que des soins de santé soient offerts aux communautés autochtones concernées. Il n’est pas contesté, pour les besoins de l’espèce, que le gouvernement fédéral peut s’acquitter de cette responsabilité en offrant un financement. Toutefois, l’obligation de fournir un financement à une entreprise est étrangère à la fonction de cette dernière, qui est l’objet principal du premier volet du critère énoncé dans l’arrêt NIL/TU,O. En l’espèce, la fonction des entreprises concernait la prestation de soins de santé, une compétence provinciale, tout comme le sont les régimes de retraite des intimées. Comme le premier volet du critère énoncé dans l’arrêt NIL/TU,O permettait de trancher la question en l’espèce, il n’était pas nécessaire d’examiner le second volet de ce critère. Il s’en est suivi que le surintendant a conclu à bon droit que les régimes de retraite des intimées relevaient de la compétence provinciale. La Cour fédérale n’aurait pas dû annuler les décisions du surintendant.

LOIS ET RÈGLEMENTS CITÉS

Loi constitutionnelle de 1867, 30 & 31 Vict., ch. 3 (R.-U.) (mod. par la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.), annexe de la Loi constitutionnelle de 1982, no 1) [L.R.C. (1985), appendice II, no 5], art. 91–95.

Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44], art. 35.

Loi de 1985 sur les normes de prestation de pension, L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 32, art. 4(4).

Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, règles 72, 303.

The Pension Benefits Act, 1992, S.S. 1992, ch. P-6.001.

TRAITÉS ET AUTRES INSTRUMENTS CITÉS

Traité no 6 (1876).

Traité no 8 (1899).

Traité no 10 (1906).

JURISPRUDENCE CITÉE

DÉCISION SUIVIE :

NIL/TU,O Child and Family Services Society c. B.C. Government and Service Employees’ Union, 2010 CSC 45, [2010] 2 R.C.S. 696.

DÉCISIONS APPLIQUÉES :

Commission des services policiers de Nishnawbe-Aski c. Alliance de la fonction publique du Canada, 2015 CAF 211, [2016] 2 R.C.F. 351; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, 2019 CSC 65.

DÉCISION EXAMINÉE :

Northern Telecom c. Travailleurs en communication, [1980] 1 R.C.S. 115, 1979 CanLII 3.

DÉCISIONS CITÉES :

Delios c. Canada (Procureur général), 2015 CAF 117; Canada (Procureur général) c. Boogaard, 2015 CAF 15; Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Singh, 2016 CAF 300, [2017] 3 R.C.F. 263; Agraira c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 36, [2013] 2 R.C.S. 559; Syndicat des agents de sécurité Garda, Section CPI-CSN c. Corporation de sécurité Garda Canada, 2011 CAF 302; Telecon Inc. c. Fraternité internationale des ouvriers en électricité (section locale 213), 2019 CAF 244; Conseil de la Nation Innu Matimekush-Lac John c. Association des employés du nord québécois (CSQ), 2017 CAF 212; Construction Montcalm Inc. c. Com. Sal. Min., [1979] 1 R.C.S. 754, 1978 CanLII 18; Association des universités et collèges du Canada c. Canadian Copyright Licensing Agency (Access Copyright), 2012 CAF 22; Bernard c. Canada (Agence du revenu), 2015 CAF 263; Butterfield c. Canada (Procureur général), 2005 CF 396; Canada (Procureur général) c. PHS Community Services Society, 2011 CSC 44, [2011] 3 R.C.S. 134; Eldridge c. Colombie-Britannique (Procureur général), [1997] 3 R.C.S. 624, 1997 CanLII 327; Chaoulli c. Québec (Procureur général), 2005 CSC 35, [2005] 1 R.C.S. 791; Tessier Ltée c. Québec (Commission de la santé et de la sécurité du travail), 2012 CSC 23, [2012] 2 R.C.S. 3; Consolidated Fastfrate Inc. c. Western Canada Council of Teamsters, 2009 CSC 53, [2009] 3 R.C.S. 407; Renvoi relatif au Régime d’assistance publique du Canada (C.-B.), [1991] 2 R.C.S. 525; R. c. Sparrow, [1990] 1 R.C.S. 1075, 1990 CanLII 104; Nation Tsilhqot’in c. Colombie-Britannique, 2014 CSC 44, [2014] 2 R.C.S. 257; Siksika Health Services v. Health Sciences Association of Alberta, 2019 ABCA 494, 99 Alta. L.R. (6th) 73; Paul c. Colombie-Britannique (Forest Appeals Commission), 2003 CSC 55, [2003] 2 R.C.S. 585; Adler c. Ontario, [1996] 3 R.C.S. 609, 1996 CanLII 148; Gosselin (Tuteur de) c. Québec (Procureur général), 2005 CSC 15, [2005] 1 R.C.S. 238.

  APPEL d’une décision de la Cour fédérale (2018 CF 1180, [2019] 2 R.C.F. 174), qui a accueilli la demande de contrôle judiciaire d’une décision du surintendant des institutions financières fédéral, qui a jugé que les régimes de retraite des intimées étaient régis par les lois provinciales et a décidé de ne plus les réglementer. Appel accueilli.

ONT COMPARU :

Marlon Miller et Cailen Brust pour l’appelant.

Carl M. Nahachewsky pour les intimées.

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

La sous-procureure générale du Canada pour l’appelant.

Nahachewsky Law Office, Prince Albert, Saskatchewan, pour les intimées.

 

            Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par

[1]        Le juge Stratas, J.C.A. : Le surintendant des institutions financières fédéral a jugé que les régimes de retraite des intimées étaient régis par les lois provinciales. Par conséquent, il a décidé de ne plus réglementer ces régimes. Le surintendant a fondé ces décisions sur l’arrêt de la Cour suprême du Canada qui fait autorité, NIL/TU,O Child and Family Services Society c. B.C. Government and Service Employees’ Union, 2010 CSC 45, [2010] 2 R.C.S. 696 (NIL/TU,O).

[2]        Les intimées ont contesté les décisions du surintendant au moyen d’une demande conjointe de contrôle judiciaire devant la Cour fédérale.

[3]        Le juge Mandamin de la Cour fédérale a conclu que le surintendant avait commis une erreur. Selon la Cour fédérale, les régimes de retraite relevaient de la compétence fédérale. Les traités nos 6, 8 et 10, qui contiennent tous des promesses faites par la Couronne concernant les soins de santé offerts aux peuples autochtones, ont joué dans la décision de la Cour fédérale. Par conséquent, la Cour fédérale a accueilli la demande de contrôle judiciaire et annulé les décisions du surintendant (2018 CF 1180, [2019] 2 R.C.F. 174). Le procureur général interjette appel de cette décision.

[4]        J’accueillerais l’appel. L’analyse doit reposer sur la fonction des entreprises ou affaires : NIL/TU,O, aux paragraphes 3 et 13 à 18. En l’espèce, la fonction des entreprises des intimées est de fournir des soins de santé, une matière régie par les lois provinciales. Par conséquent, les droits et les obligations des entreprises relatives aux pensions relèvent également de la compétence provinciale : NIL/TU,O, au paragraphe 11. Si les traités obligent la Couronne à fournir des soins de santé, ils n’ont aucune incidence sur la fonction des entreprises de soins de santé elles-mêmes, qui demeurent assujetties à la compétence provinciale.

Le cadre légal

[5]        Avant l’arrêt NIL/TU,O et avant les décisions du surintendant, la Loi de 1985 sur les normes de prestation de pension, L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 32, réglementait les régimes de retraite des intimées. La Pension Benefits Act, 1992, S.S. 1992, ch. P-6.001 (Loi de 1992 sur les prestations de retraite), une loi provinciale, ne s’appliquait pas.

[6]        La Loi de 1985 sur les normes de prestation de pension, une loi fédérale, s’applique aux régimes de retraite des salariés occupant un « emploi inclus ». Un « emploi inclus » s’entend de tout « emploi [...] lié ou rattaché à la mise en service d’un ouvrage, d’une entreprise ou d’une activité de compétence fédérale » : Loi de 1985 sur les normes de prestation de pension, paragraphe 4(4). La « compétence fédérale » est déterminée par les articles 91 à 95 de la Loi constitutionnelle de 1867 (partie VI, « Distribution des pouvoirs législatifs ») et tout arrêt de principe portant sur l’interprétation de ces articles. Si l’entreprise pour laquelle les salariés travaillent relève de la compétence fédérale, la Loi de 1985 sur les normes de prestation de pension s’applique.

La nature de la décision du surintendant

[7]        Pour trancher une demande de contrôle judiciaire dans une affaire complexe, la cour de révision devrait qualifier avec précision la véritable nature de la décision administrative faisant l’objet du contrôle : Delios c. Canada (Procureur général), 2015 CAF 117, aux paragraphes 18 et 26 à 28; Canada (Procureur général) c. Boogaard, 2015 CAF 150, au paragraphe 36; Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Singh, 2016 CAF 300, [2017] 3 R.C.F. 263, au paragraphe 8.

[8]        En l’espèce, le surintendant a appliqué le paragraphe 4(4) de la Loi de 1985 sur les normes de prestation de pension, une loi fédérale. Cependant, le surintendant n’avait pas à interpréter cette disposition; elle est parfaitement claire. Personne n’a avancé que le surintendant l’avait mal interprétée. La véritable question en litige devant la Cour fédérale, et devant notre Cour, est celle de savoir comment le surintendant a appliqué cette disposition.

[9]        En appliquant cette disposition, le surintendant devait déterminer si les entreprises des intimées relevaient de la compétence fédérale. En l’espèce, la détermination comportait trois étapes distinctes : 1) l’interprétation de la jurisprudence en matière constitutionnelle concernant la compétence fédérale, 2) des conclusions de fait concernant la nature des entreprises des intimées, 3) l’application de la jurisprudence en matière constitutionnelle aux conclusions de fait.

[10]      Les intimées ne contestent pas les conclusions de fait du surintendant. La véritable question qu’elles soulèvent est celle de savoir si le surintendant a correctement interprété et appliqué la jurisprudence en matière constitutionnelle concernant la compétence fédérale. Cette question plus générale renferme une autre question plus particulière : les traités jouent-ils dans l’analyse constitutionnelle?

La norme de contrôle

[11]      Nous devons déterminer si la Cour fédérale a adopté la bonne norme de contrôle; autrement dit, nous devons effectuer notre propre analyse et déterminer si la Cour fédérale a choisi la norme de contrôle appropriée et l’a appliquée correctement : Agraira c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 36, [2013] 2 R.C.S. 559, aux paragraphes 45 à 47.

[12]      Notre Cour a régulièrement été saisie du contrôle, selon la norme de la décision correcte, de décisions administratives intéressant la question de savoir si les relations de travail et les affaires qui y sont étroitement liées relèvent de la compétence fédérale ou de la compétence provinciale au titre de la Loi constitutionnelle de 1867: Syndicat des agents de sécurité Garda, Section CPI-CSN c. Corporation de sécurité Garda Canada, 2011 CAF 302, au paragraphe 29; Commission des services policiers de Nishnawbe-Aski c. Alliance de la fonction publique du Canada, 2015 CAF 211, [2016] 2 R.C.F. 351, au paragraphe 6; Telecon Inc. c. Fraternité internationale des ouvriers en électricité (section locale 213), 2019 CAF 244, au paragraphe 16. Cette jurisprudence antérieure indique que la norme de contrôle applicable aux questions en litige soulevées en l’espèce (indiquées au paragraphe 10) est celle de la décision correcte.

[13]      Or, nous devons dorénavant commencer par l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, 2019 CSC 65, et non par notre jurisprudence antérieure : voir Vavilov, aux paragraphes 129 à 132. L’arrêt Vavilov nous enseigne que les « questions constitutionnelles » ou les « questions de droit constitutionnel » sont susceptibles de révision selon la norme de la décision correcte : Vavilov, aux paragraphes 53 et 55. Les questions à trancher en l’espèce appartiennent à la catégorie des « questions constitutionnelles ». Ainsi, la norme de contrôle applicable est celle de la décision correcte.

Les thèses des parties

[14]      Dans le présent appel, le procureur général admet que la Couronne fédérale est obligée par les traités de fournir des soins de santé aux peuples autochtones concernés.

[15]      Dans le présent appel, les parties reconnaissent également que la Couronne fédérale s’acquitte de sa responsabilité en finançant les intimées, conformément à certains accords.

[16]      En l’espèce, il n’est pas contesté que la prestation des soins de santé relève de la compétence provinciale. Toutefois, les intimées soulignent le fait que la Couronne a l’obligation, en vertu des traités, de veiller à ce que des soins de santé soient offerts aux peuples autochtones. Selon elles, ce fait modifie la situation : l’entreprise des intimées est de ressort fédéral, parce qu’elle relève de la compétence fédérale concernant les peuples autochtones et les Premières Nations : Loi constitutionnelle de 1867, paragraphe 91(24). Le procureur général n’est pas d’accord, citant l’arrêt de la Cour suprême dans l’affaire NIL/TU,O.

Discussion

[17]      L’argument des intimées est essentiellement celui avancé par les parties qui ont été déboutées par la Cour suprême dans l’arrêt NIL/TU,O. La Cour suprême a rejeté cet argument. En l’espèce, le surintendant avait raison de le rejeter également.

[18]      Le surintendant a circonscrit à juste titre l’arrêt NIL/TU,O comme arrêt de principe. Notre Cour a appliqué l’arrêt NIL/TU,O dans trois affaires : Telecon, Nishnawbe-Aski et Conseil de la Nation Innu Matimekush-Lac John c. Association des employés du nord québécois (CSQ), 2017 CAF 212. Comme nous l’expliquons ci-après, le raisonnement dans ces affaires montre que les régimes de retraite des intimées relèvent de la compétence provinciale. Les intimées n’ont pas affirmé que ces jugements étaient manifestement erronés et ne devraient pas être appliqués. Elles ne contestent pas non plus le raisonnement qui y est énoncé.

[19]      Dans l’affaire NIL/TU,O, la Cour suprême était appelée à décider si les relations de travail dans une agence d’aide à l’enfance offrant des services aux enfants et aux familles de sept Premières Nations relevaient de la compétence fédérale ou de la compétence provinciale. La Cour suprême a conclu qu’elles relevaient de la province.

[20]      Elle en est arrivée à cette conclusion en appliquant un critère juridique à deux volets :

[...] pour déterminer si le pouvoir de réglementer les relations de travail d’une entité relèvera du gouvernement fédéral, ce qui aurait pour effet d’écarter la présomption de compétence provinciale, [...] le tribunal [doit] applique[r] tout d’abord le critère fonctionnel, c’est-à-dire qu’il examine la nature de l’entité, son exploitation et ses activités habituelles pour voir s’il s’agit d’une entreprise fédérale. Si c’est le cas, ses relations de travail seront assujetties à la réglementation fédérale. C’est seulement lorsque cet examen n’est pas concluant qu’il doit ensuite examiner si la réglementation, par le gouvernement provincial, des relations de travail de l’entité porterait atteinte au chef de compétence fédérale en cause.

(NIL/TU,O, au paragraphe 18; voir également Northern Telecom c. Travailleurs en communication, [1980] 1 R.C.S. 115, 1979 CanLII 3.)

[21]      Selon le premier volet du critère énoncé dans l’arrêt NIL/TU,O, l’examen fonctionnel de « la nature de l’exploitation » nous commande d’examiner « les activités normales ou habituelles de l’affaire » en tant qu’« entreprise active » et « sans tenir compte de facteurs exceptionnels ou occasionnels »  : Northern Telecom, à la page 132, cité dans l’arrêt NIL/TU,O, au paragraphe 14; voir également l’arrêt Construction Montcalm Inc. c. Com. Sal. Min., [1979] 1 R.C.S. 754, à la page 769, 1978 CanLII 18.

[22]      Dans l’arrêt NIL/TU,O, la Cour suprême n’est pas allée au-delà du premier volet du critère juridique. Elle a conclu que la fonction de l’agence était de fournir des services d’aide aux enfants et aux familles, une activité relevant de la compétence provinciale. La Cour suprême a reconnu que l’agence offrait certes ses services d’aide aux communautés autochtones, adaptant ses programmes à cette clientèle. Elle a conclu que cela ne comptait pas. La Cour suprême n’a pas eu besoin d’examiner le second volet du critère énoncé dans l’arrêt NIL/TU,O.

[23]      En l’espèce, les intimées affirment que leurs fonctions comportent un caractère autochtone distinct et important qui joue dans l’analyse menée au premier volet. Il s’agit de l’argument même rejeté dans l’arrêt NIL/TU,O. Dans cette affaire, NIL/TU,O prétendait, selon le dossier déposé auprès de la Cour, que « le caractère typiquement autochtone de la prestation de ses services modifie la nature de son entreprise et de ses activités de sorte qu’elle est une entreprise, un service ou une affaire de compétence fédérale » pour ce qui est des relations de travail : NIL/TU,O, au paragraphe 37. La Cour suprême, reconnaissant que le dossier établit « l’identité culturelle des clients et des employés de NIL/TU,O » et « son mandat qui consiste à fournir à ses clients autochtones des services adaptés à leur culture », mais affirme que ni l’une ni l’autre « ne réfute la présomption selon laquelle les relations de travail sont réglementées par le gouvernement provincial » : NIL/TU,O, au paragraphe 39.

[24]      L’arrêt Nishnawbe-Aski de notre Cour, à l’instar de l’arrêt NIL/TU,O, étaye solidement la thèse selon laquelle une entreprise, habituellement régie par les lois provinciales, ne devient pas une matière fédérale simplement parce que ses services sont culturellement adaptés pour répondre aux besoins d’une population autochtone locale. L’entreprise en cause dans l’arrêt Nishnawbe-Aski, une commission des services policiers, comptait de très nombreux Autochtones, recevait certaines de ses directives de la communauté autochtone locale et jouait un rôle très important au sein de cette dernière, mais elle demeurait essentiellement une entreprise de services policiers réglementée par la province.

[25]      Même si l’interprétation de la loi faite par les intimées était correcte, leur argument ne pourrait être retenu pour une autre raison : le surintendant n’a pas conclu à un caractère autochtone substantiel dans les fonctions des intimées. Il nous faut en déférer à cette conclusion factuelle. Peut-être parce qu’il a reconnu le caractère lacunaire du dossier de preuve, l’avocat des intimées a tenté de nous présenter de nouveaux éléments de preuve durant sa plaidoirie. Or, il est entendu que ce n’est normalement pas autorisé : voir, p. ex., Association des universités et collèges du Canada c. Canadian Copyright Licensing Agency (Access Copyright), 2012 CAF 22, et Bernard c. Canada (Agence du revenu), 2015 CAF 263 (nouveaux éléments de preuve présentés à la cour de révision); voir également Butterfield c. Canada (Procureur général), 2005 CF 396 (témoignage d’un avocat).

[26]      En l’espèce, le surintendant s’est attaché à la question de la « compétence » pour l’application du paragraphe 4(4) de la Loi de 1985 sur les normes de prestation de pension, une loi fédérale, a circonscrit l’arrêtNIL/TU,O comme arrêt de principe, a appliqué cette jurisprudence et a conclu que les entreprises des intimées étaient, sur le plan fonctionnel, des entreprises de soins de santé. Le surintendant a fondé cette conclusion sur des faits qui ne sont pas contestés et l’a expliquée aux intimées dans deux lettres de décision : voir le dossier d’appel, aux pages 470 et 2221. À partir de là, l’analyse du surintendant était purement juridique et a mené à la conclusion que les entreprises des intimées relevaient de la compétence provinciale.

[27]      Le surintendant avait raison. La réglementation des entreprises de soins de santé relève des provinces : Canada (Procureur général) c. PHS Community Services Society, 2011 CSC 44, [2011] 3 R.C.S. 134, aux paragraphes 66 à 68; Eldridge c. Colombie-Britannique (Procureur général), [1997] 3 R.C.S. 624, 1997 CanLII 327, au paragraphe 24; Chaoulli c. Québec (Procureur général), 2005 CSC 35, [2005] 1 R.C.S. 791, aux paragraphes 18 et 23. De plus, les relations de travail des employés d’entreprises provinciales, y compris leurs régimes de retraite, sont présumées être assujetties à la réglementation provinciale : Tessier Ltée c. Québec (Commission de la santé et de la sécurité du travail), 2012 CSC 23, [2012] 2 R.C.S. 3, au paragraphe 11; Consolidated Fastfrate Inc. c. Western Canada Council of Teamsters, 2009 CSC 53, [2009] 3 R.C.S. 407, aux paragraphes 27 à 30; NIL/TU,O, au paragraphe 11. Au vu des faits non contestés, j’estime que les entreprises des intimées relèvent de la compétence de la province.

[28]      Dans son analyse, la Cour fédérale s’est égarée. Au lieu de s’attacher à déterminer l’ordre de gouvernement ayant compétence pour réglementer les entreprises des intimées et au lieu d’appliquer strictement l’arrêt de principe NIL/TU,O, la Cour fédérale a porté son attention sur le libellé des traités, sur l’importance et le caractère solennel des traités et sur l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, qui reconnaît et confirme les droits issus de traités. La Cour fédérale a ainsi négligé l’analyse que commande l’arrêt NIL/TU,O — un examen fonctionnel de la nature, des activités habituelles et de l’exploitation des entreprises des intimées en tant qu’entreprises actives, qui fait fi de facteurs exceptionnels ou occasionnels. Il s’agit d’une erreur de droit.

[29]      La teneur des traités et l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 ne sont pas controversés en l’espèce. Toutes les parties reconnaissent, pour les besoins du présent appel, que le gouvernement fédéral peut s’acquitter de l’obligation qui lui incombe en vertu des traités en finançant des soins de santé destinés aux communautés autochtones. Toutefois, le financement offert par le gouvernement fédéral en soi ne fait pas d’une entreprise par ailleurs provinciale une entreprise fédérale : Renvoi relatif au Régime d’assistance publique du Canada (C.-B.), [1991] 2 R.C.S. 525, à la page 567, 1991 CanLII 74; Chaoulli, au paragraphe 16. Les traités n’ont simplement pas la pertinence ou l’importance juridique que la Cour fédérale leur a donnée en l’espèce.

[30]      Les traités et les droits issus de ces traités ne modifient en rien la question à laquelle devait répondre le surintendant pour l’application du paragraphe 4(4) de la Loi de 1985 sur les normes de prestation de pension : qui a « compétence » pour réglementer ces entreprises? La réponse à cette question se trouve uniquement dans la distribution des pouvoirs exclusifs prévue aux articles 91 à 95 de la Loi constitutionnelle de 1867, selon l’interprétation faite par la Cour suprême dans l’arrêt NIL/TU,O.

[31]      Indubitablement, l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 reconnaît et confirme les droits issus de traités et, par conséquent, constitue un élément important de la Constitution du Canada, la loi suprême du Canada. Les droits issus de traités sont donc importants. Il ne fait également aucun doute que l’article 35 peut restreindre les pouvoirs législatifs du parlement fédéral et des législatures provinciales : R. c. Sparrow, [1990] 1 R.C.S. 1075, 1990 CanLII 104. Mais, comme le conclut à l’unanimité la Cour suprême, l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 ne modifie ou ne supplante en aucune manière la distribution des pouvoirs législatifs exclusifs du parlement fédéral et des législatures provinciales prévue aux articles 91 à 95 de la Loi constitutionnelle de 1867 : Nation Tsilhqot’in c. Colombie-Britannique, 2014 CSC 44, [2014] 2 R.C.S. 257, aux paragraphes 135 à 142; voir également l’arrêt Siksika Health Services v. Health Sciences Association of Alberta, 2019 ABCA 494, 99 Alta. L.R. (6th) 73, au paragraphe 30. Ce n’est là qu’une des facettes d’un principe de base fondamental de notre Constitution : une partie de la Constitution ne saurait en modifier ou en supplanter une autre : Paul c. Colombie-Britannique (Forest Appeals Commission), 2003 CSC 55, [2003] 2 R.C.S. 585, au paragraphe 24; Adler c. Ontario, [1996] 3 R.C.S. 609, 1996 CanLII 148; Gosselin (Tuteur de) c. Québec (Procureur général), 2005 CSC 15, [2005] 1 R.C.S. 238, au paragraphe 14, et de nombreux autres jugements. Lorsque notre tâche consiste à décider qui a compétence sur une matière, nous devons examiner les articles 91 à 95 de la Loi constitutionnelle de 1867 et tout arrêt de principe ayant éclairé la question — en l’espèce, l’arrêt NIL/TU,O de la Cour suprême.

[32]      Plus précisément, les traités obligent l’administration fédérale à veiller à ce que des soins de santé soient offerts aux communautés autochtones concernées. Il n’est pas contesté, pour les besoins de l’espèce, que le gouvernement fédéral peut s’acquitter de cette responsabilité en offrant un financement. Toutefois, l’obligation de fournir un financement à une entreprise est étrangère à la fonction de cette dernière, qui est l’objet principal du premier volet du critère énoncé dans l’arrêt NIL/TU,O. En l’espèce, la fonction des entreprises concerne la prestation de soins de santé, une compétence provinciale, tout comme le sont les régimes de retraite des intimées.

[33]      Comme le premier volet du critère énoncé dans l’arrêt NIL/TU,O permet de trancher la question dont nous sommes saisis, point n’est besoin d’examiner le second volet de ce critère.

[34]      Il s’ensuit que le surintendant a conclu à bon droit que les régimes de retraite des intimées relevaient de la compétence provinciale. La Cour fédérale n’aurait pas dû annuler les décisions du surintendant.

[35]      Qui plus est, les motifs du surintendant représentent un modèle d’expression claire, brève et concise, et sont amplement justifiés.

Post-scriptum

[36]      Les appelants initiaux dans le présent appel étaient le procureur général et le ministre des Finances, car ils étaient les défendeurs n’ayant pas eu gain de cause devant la Cour fédérale dans la demande de contrôle judiciaire.

[37]      Dans une directive préalable à l’audience, la Cour a mis en doute cette situation de fait. À l’audience, les parties ont convenu de l’irrégularité de la situation. Elles ont raison. Aux termes de la règle 303 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, le procureur général est le seul défendeur en Cour fédérale. Ainsi, le procureur général est le seul appelant dans le présent appel devant notre Cour.

[38]      Même si, de la mise en cause erronée du ministre des Finances en l’espèce n’a découlé aucun problème, ce n’est pas toujours le cas. Une partie, une fois désignée, pourrait commencer à intervenir alors qu’en fait, elle n’est pas autorisée à le faire. Chaque fois qu’une partie est désignée à tort, les parties devraient déposer une objection ou le greffe devrait agir au début de l’instance, conformément à la règle 72.

Le règlement proposé

[39]      Je modifierais l’intitulé pour en retirer le ministre des Finances à titre d’appelant. L’intitulé des présents motifs et celui du jugement devraient tenir compte de la modification.

[40]      J’accueillerais l’appel, j’annulerais le jugement rendu le 28 novembre 2018 par la Cour fédérale dans le dossier no T-1315-17 et je rejetterais la demande de contrôle judiciaire des intimées. Les parties ont convenu d’assumer leurs propres dépens. Par conséquent, je ne rendrais aucune ordonnance quant aux dépens.

 

            Le juge de Montigny, J.C.A. : Je suis d’accord.

            Le juge Laskin, J.C.A. : Je suis d’accord.

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