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IMM-3411-18

2019 CF 594

Le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile (demandeur)

c.

Mohammad Taghi Najafi (défendeur)

Répertorié : Canada (Sécurité publique et Protection civile) c. Najafi

Cour fédérale, juge en chef adjointe Gagné—Vancouver, 4 février; Ottawa, 7 mai 2019.

Citoyenneté et Immigration — Exclusion et renvoi — Processus d’enquête en matière d’immigration — Contrôle judiciaire d’une décision de la Section d’appel de l’immigration (la SAI) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié confirmant la décision de la Section de l’immigration (la SI) qui a ordonné la suspension de l’instance d’interdiction de territoire du défendeur en raison du fait que le laps de temps déraisonnable qui s’est écoulé avant le renvoi à la SI du rapport d’interdiction de territoire prévu à l’art. 44 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés constituait un abus de procédure — Le défendeur, un citoyen iranien, est marié avec une citoyenne canadienne et père de deux enfants nés au Canada — Il est arrivé au Canada en 1992 et a obtenu le statut de personne protégée — Pendant ses études en Inde, il militait pour un groupe musulman qui s’opposait au gouvernement islamique iranien et qui figurait, de mai 2005 à décembre 2012, dans la liste des organisations terroristes du gouvernement canadien — Le défendeur a présenté une demande de résidence permanente en 1994, mais à ce jour, aucune décision n’a été prise en raison de préoccupations quant à une possible interdiction de territoire au Canada pour des raisons de sécurité — En avril 2003, le rapport dont il est question à l’art. 44 de la LIPR a été rédigé et il mentionnait que le défendeur était interdit de territoire en application de l’art. 34(1)f) de la LIPR — En 2016, le rapport et la demande d’enquête ont été envoyés à la SI — Lorsqu’elle a accordé une suspension définitive de l’instance en 2017, la SI a conclu plus particulièrement qu’elle était compétente pour trancher les requêtes en matière d’abus de procédure; elle a conclu que la suspension d’une instance constitue une mesure extraordinaire réservée aux cas les plus manifestes, mais qu’il était question d’un tel cas en l’espèce — La SAI a confirmé les conclusions de la SI — Il s’agissait de savoir si la SI avait compétence pour suspendre l’instance; si la SAI a eu raison de confirmer la décision de la SI de suspendre l’instance — Aucune disposition de la LIPR ne retire à la SI le pouvoir qu’elle détient normalement à titre de tribunal administratif de contrôler sa propre procédure et de veiller à ce que ses procédures respectent les règles d’équité procédurale — Par conséquent, il semble que la SI soit habilitée à tirer une conclusion d’abus de procédure et à suspendre une instance relative à l’interdiction de territoire — Toutefois, dans deux affaires, la Cour fédérale a conclu que la SI a compétence limitée, voir aucune, pour suspendre une instance relative à l’interdiction de territoire — En l’espèce, 24 ans se sont écoulés avant que la procédure relative à l’interdiction de territoire devant la SI ait lieu, dont 13 ans entre la rédaction du rapport au titre de l’art. 44 et son envoi à la SI — La conclusion selon laquelle la SI avait compétence pour suspendre l’instance dans ces circonstances n’était pas incompatible avec les décisions rendues par la Cour fédérale, qui ont été examinées; cette suspension pouvait être considérée comme l’exercice d’un pouvoir très limité de la SI sur la question, car un délai considérable de 13 ans s’est écoulé entre la date de rédaction du rapport au titre de l’art. 44 et la date à laquelle il a été transmis à la SI — Pour en arriver à la conclusion que le délai justifierait une suspension de l’instance, la SI et la SAI ont tenu compte de facteurs pertinents — Elles ont eu raison de conclure que le délai de 13 ans en cause était à ce point excessif et déraisonnable qu’il constituait un abus de procédure — Une question a été certifiée concernant la compétence de la SI et de la SAI — Demande rejetée.

Il s’agissait d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision de la Section d’appel de l’immigration (la SAI) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié confirmant la décision de la Section de l’immigration (la SI) qui a ordonné la suspension de l’instance d’interdiction de territoire du défendeur en raison du fait que le laps de temps déraisonnable qui s’est écoulé avant le renvoi à la SI du rapport d’interdiction de territoire prévu à l’article 44 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés constituait un abus de procédure.

Le défendeur, un citoyen iranien, est marié avec une citoyenne canadienne et père de deux enfants nés au Canada. Il est arrivé au Canada en 1992 et a obtenu le statut de personne protégée en 1993. Dans sa demande d’asile, le défendeur a précisé que, pendant ses études en Inde, il militait pour un groupe étudiant musulman, une organisation politique de façade des Moudjahidines du peuple qui s’opposait au gouvernement islamique iranien et qui figurait, de mai 2005 à décembre 2012, dans la liste des organisations terroristes du gouvernement canadien. Le défendeur a présenté une demande de résidence permanente en juin 1994, mais à ce jour, aucune décision n’a été prise au sujet de sa demande de résidence permanente en raison de préoccupations quant à une possible interdiction de territoire au Canada pour des raisons de sécurité. Le 18 mai 2002, le défendeur a demandé à la Cour une ordonnance de mandamus pour obliger Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) à traiter sa demande de résidence permanente, mais sa demande a été rejetée. En avril 2003, le rapport dont il est question à l’article 44 a été rédigé et il mentionnait que le défendeur était interdit de territoire en application de l’alinéa 34(1)f) de la LIPR. Le défendeur a par la suite présenté une demande de dispense ministérielle. En septembre 2003, l’agent d’audience chargé du dossier du défendeur a envoyé un exemplaire de la trousse de dispense ministérielle à la Section de l’examen sécuritaire de CIC, avec une recommandation favorable quant à la demande de dispense ministérielle. En novembre 2007, un agent d’application de la loi de l’Agence des services frontaliers du Canada (l’ASFC) a révélé la trousse de dispense ministérielle au défendeur. En juin 2016, l’ASFC a envoyé à la SI le rapport dont il est question à l’article 44 et la demande d’enquête. Toutefois, en janvier 2017, la SI a accordé une suspension définitive de l’instance.

La SI a conclu qu’elle était compétente pour trancher les requêtes en matière d’abus de procédure et pour accorder le redressement approprié. Elle a conclu plus particulièrement que le délai avait compromis la capacité du défendeur de réfuter la preuve présentée contre lui et qu’après plus de 20 ans, il ne se souvenait plus des détails de ce qui s’est passé en Inde et ne communiquait plus avec ses amis et compagnons qui pourraient maintenant être difficiles à trouver. Les renseignements sur le militantisme politique du défendeur étaient à la disposition du demandeur depuis sa demande d’asile et ses interrogatoires menés par le SCRS entre 1992 et 1995. Le demandeur n’a offert aucune justification quant à la très longue période de temps qui s’est écoulée dans le cadre de la procédure d’interdiction de territoire. La SI a conclu que la suspension d’une instance constitue une mesure extraordinaire réservée aux cas les plus manifestes, mais qu’il était question d’un tel cas en l’espèce. La SAI a conclu que la SI avait compétence pour suspendre l’instance et que le demandeur avait commis un abus de procédure en attendant 13 ans avant de déférer l’affaire pour enquête. La capacité du défendeur de présenter une défense pleine et entière relativement aux allégations portées contre lui a été compromise à un point tel que la suspension de l’instance était le seul redressement qu’il convenait d’accorder.

Il s’agissait de savoir si la SI avait compétence pour suspendre l’instance et si la SAI a eu raison de confirmer la décision de la SI de suspendre l’instance.

Jugement : la demande doit être rejetée.

La SI dispose d’une vaste compétence pour entendre et trancher toutes les questions de droit, de fait et de compétence. Aucune disposition de la LIPR ne retire à la SI « le pouvoir qu’elle détient normalement à titre de tribunal administratif de contrôler sa propre procédure et de veiller à ce que ses procédures respectent les règles d’équité procédurale ». Par conséquent, il semble que la SI soit habilitée à tirer une conclusion d’abus de procédure et à suspendre une instance relative à l’interdiction de territoire. Toutefois, dans deux affaires, la Cour fédérale a conclu que la SI a compétence limitée, voir aucune, pour suspendre une instance relative à l’interdiction de territoire. En l’espèce, 24 ans se sont écoulés avant que la procédure relative à l’interdiction de territoire devant la SI ait lieu, dont 13 ans entre la rédaction du rapport au titre de l’article 44 et son envoi à la SI. Compte tenu de ce délai considérable, la SI n’était pas en mesure de tenir une enquête et de rendre une décision avant 2016. La conclusion selon laquelle la SI avait compétence pour suspendre l’instance dans ces circonstances n’était pas incompatible avec les décisions rendues par la Cour fédérale, qui ont été examinées; cette suspension pouvait être considérée comme l’exercice de l’un des pouvoirs très limités de la SI sur la question, car un délai considérable de 13 ans s’est écoulé entre la date de rédaction du rapport au titre de l’article 44 et la date à laquelle il a été transmis à la SI.

En l’espèce, la SAI a confirmé la décision de la SI selon laquelle le délai justifierait une suspension de l’instance. Pour en arriver à cette conclusion, la SI et la SAI ont tenu compte de facteurs pertinents, comme le fait que le défendeur avait présenté une demande de dispense ministérielle qui est demeurée en instance pendant plus de 15 ans sans explication raisonnable. En outre, compte tenu plus particulièrement de la difficulté pour le défendeur de se souvenir des événements qui se sont produits entre 1979 et 1992, il était raisonnable de conclure que sa capacité de réfuter la preuve qui pesait contre lui a été compromise par le délai.

La question de la compétence était au cœur de la présente demande de contrôle judiciaire et, en conséquence, une question a été certifiée concernant la compétence de la SI et de la SAI pour suspendre de façon définitive une instance pour abus de procédure occasionné par un retard.

En conclusion, la SI et la SAI ont eu raison de conclure que le délai de 13 ans qui s’est écoulé entre la rédaction et le renvoi du rapport d’interdiction de territoire prévu à l’article 44 était à ce point excessif et déraisonnable qu’il constituait un abus de procédure.

LOIS ET RÈGLEMENTS CITÉS

Loi sur l’immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, art. 40.1.

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, art. 34(1)(f), 44, 45, 82.3, 115(2), 162, 165.

Loi sur les enquêtes, L.R.C. (1985), ch. I-11.

JURISPRUDENCE CITÉE

DÉCISIONS EXAMINÉES :

Prassad c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1989] 1 R.C.S. 560; Canada (Commission des droits de la personne) c. Société canadienne des postes, 2004 CF 81, [2004] 2 R.C.F. 581, conf. par 2004 CAF 363; Torre c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 591; Blencoe c. Colombie-Britannique (Human Rights Commission), 2000 CSC 44, [2000] 2 R.C.S. 307; Ismaili c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2017 CF 427.

DÉCISIONS CITÉES :

Wajaras c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 200; B006 c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 1033, [2015] 1 R.C.F. 241, Canada (Sécurité publique et Protection civile) c. Sonnenschein, 2007 CanLII 47729 (C.I.S.R.); Canada (Sécurité publique et Protection civile) c. X, 2008 CanLII 72162 (C.I.S.R.); Behn c. Moulton Contracting Ltd., 2013 CSC 26, [2013] 2 R.C.S. 227; R. c. Babos, 2014 CSC 16, [2014] 1 R.C.S. 309; Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Parekh, 2010 CF 692, [2012] 1 R.C.F. 169, Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c. Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, [2011] 3 R.C.S. 708; Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190; Alberta (Information and Privacy Commissioner) c. Alberta Teachers’ Association, 2011 CSC 61, [2011] 3 R.C.S. 654.

DEMANDE de contrôle judiciaire d’une décision de la Section d’appel de l’immigration (2018 CanLII 102179) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié confirmant la décision de la Section de l’immigration qui a ordonné la suspension de l’instance d’interdiction de territoire du défendeur en raison du fait que le laps de temps déraisonnable qui s’est écoulé avant le renvoi à la SI du rapport d’interdiction de territoire prévu à l’article 44 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés constituait un abus de procédure. Demande rejetée.

ONT COMPARU :

Helen Park pour le demandeur.

Laura Best et Gabriel Chand pour le défendeur.

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

La sous-procureure générale du Canada pour le demandeur.

Embarkation Law Corporation et Chand & Company Law Corporation, Vancouver, pour le défendeur.

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement et du jugement rendus par

La juge en chef adjointe Gagné :

I.          Nature de l’affaire

[1]        Le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile (ministre) demande le contrôle judiciaire d’une décision de la Section d’appel de l’immigration (la SAI) [Najafi c. Canada (Sécurité publique et Protection civile, 2018 CanLII 102179] confirmant la décision de la Section de l’immigration (la SI) qui ordonne la suspension de l’instance d’interdiction de territoire de Mohammad Taghi Najafi en raison du fait que le laps de temps déraisonnable qui s’est écoulé avant le renvoi à la SI du rapport d’interdiction de territoire prévu à l’article 44 constitue un abus de procédure.

[2]        Il s’agit en l’espèce de décider si la SI a compétence pour suspendre définitivement une enquête menée au titre des articles 44 et 45 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR). La Cour doit déterminer si ses décisions antérieures et celles de la Cour d’appel fédérale ont déjà traité ce sujet de façon concluante, et si pour la présente affaire la SI jouit de son pouvoir discrétionnaire limité de suspendre des instances portées devant elle pour abus de procédure.

II.         Faits

[3]        M. Najafi est un citoyen iranien de 58 ans. Il est marié à une citoyenne canadienne et père de deux enfants nés au Canada. Il est arrivé au Canada en 1992 et a obtenu le statut de personne protégée en 1993.

[4]        Dans sa demande d’asile, M. Najafi a précisé que, pendant ses études en Inde, il militait pour la Muslim Iranian Student Society (la MISS), organisation politique de façade des Moudjahidines du peuple (Mojahedin-e Khalq) qui s’opposait au gouvernement islamique iranien et qui figurait, de mai 2005 à décembre 2012, dans la liste des organisations terroristes du gouvernement canadien.

[5]        M. Najafi a présenté une demande de résidence permanente le 16 juin 1994. Sa demande a été remise à la Gendarmerie royale du Canada pour des vérifications judiciaires, et au Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) pour un contrôle de sécurité préliminaire. À ce jour, aucune décision n’a été prise au sujet de la demande de résidence permanente de M. Najafi, en raison de préoccupations quant à une possible interdiction de territoire au Canada pour des raisons de sécurité.

[6]        En février 1997, le SCRS a envoyé une lettre à Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) dans laquelle il fait référence à deux entrevues qui ont eu lieu en novembre 1994 et en août 1995, et au cours desquelles M. Najafi a décrit ses activités à la MISS, notamment la distribution de [traduction] « documents anti-Khomeini, la collecte de dons auprès d’entreprises, l’impression de documents, la participation à des manifestations et la pression politique exercée auprès d’organismes gouvernementaux pour expliquer les politiques de Khomeini et dénoncer les atrocités commises en Iran sous son égide ». Il a également interrompu ses études pendant deux ans pour travailler pour la MISS. Pressé de questions à ce sujet, M. Najafi a divulgué les noms de certains de ses contacts et fait part de certaines des activités auxquelles il s’est livré avec des membres de l’organisation des Moudjahidines du peuple et avec des personnes liées aux services de renseignement iraniens. Toutefois, la lettre indique que le SCRS n’avait pas l’intention de prendre des mesures en vertu de l’article 40.1 de l’ancienne Loi sur l’immigration, L.R.C. (1985), c I-2.

[7]        Le 18 mai 2002, M. Najafi a demandé à la Cour une ordonnance de mandamus pour obliger CIC à traiter sa demande de résidence permanente. Sa demande a été rejetée [traduction] « sous réserve du droit d’engager plus tard de nouvelles procédures ».

[8]        En avril 2003, le rapport dont il est question à l’article 44 a été rédigé et il mentionnait que M. Najafi était interdit de territoire en application de l’alinéa 34(1)f) de la LIPR. Peu après, l’agent d’audience Murray a écrit à l’avocat de M. Najafi pour l’informer de ce rapport et lui demander si M. Najafi avait l’intention de demander une dispense ministérielle. Dans le cas contraire, une demande d’enquête serait présentée à la SI.

[9]        L’avocat a fait part à l’agent d’audience Murray de l’intention de M. Najafi de demander une dispense ministérielle et a finalement présenté des observations écrites à cet égard.

[10]      En septembre 2003, l’agent d’audience Murray a envoyé un exemplaire de la trousse de dispense ministérielle à la Section de l’examen sécuritaire de CIC, avec une recommandation favorable quant à la demande de dispense ministérielle.

[11]      Toutefois, en novembre 2007, un agent d’application de la loi de l’Agence des services frontaliers du Canada (l’ASFC) a révélé à M. Najafi que la trousse de dispense ministérielle contenait une recommandation défavorable quant à la demande de dispense ministérielle.

[12]      En juin 2016, l’ASFC a envoyé à la SI le rapport dont il est question à l’article 44 et la demande d’enquête.

[13]      Toutefois, le 18 janvier 2017, la SI a accordé une suspension définitive de l’instance, concluant que le retard indu accusé par le ministre constituait un abus de procédure.

III.        Décision contestée

A.        SI

[14]      La SI a conclu qu’elle était compétente pour trancher les requêtes en matière d’abus de procédure et pour accorder le redressement approprié. Les tribunaux administratifs sont « maîtres chez eux » (Prassad c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1989] 1 R.C.S. 560, aux pages 568 et 569) et doivent être en mesure de protéger leur propre procédure contre les abus (Canada (Commission des droits de la personne) c. Société canadienne des postes, 2004 CF 81, [2004] 2 R.C.F. 581, aux paragraphes 14 et 15, conf. par 2004 CAF 363).

[15]      Les tribunaux administratifs sont habilités à faire respecter les principes de justice naturelle et l’obligation d’équité. La SI a notamment compétence exclusive en matière de questions de droit, de fait et de compétence dans les instances dont elle est saisie (paragraphe 162(1) de la LIPR). Pour ces instances, elle peut tenir compte de l’équité et de la justice naturelle (paragraphe 162(2) de la LIPR). L’article 165 de la LIPR accorde aux membres de la SI les pouvoirs d’un commissaire nommé aux termes de la partie I de la Loi sur les enquêtes, L.R.C. (1985), ch. I-11.

[16]      Auparavant, la compétence de la SI en matière d’examen des requêtes pour abus de procédure n’était pas controversée (voir : Wajaras c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 200; B006 c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 1033, [2015] 1 R.C.F. 241; Canada (Sécurité publique et Protection civile) c. Sonnenschein, 2007 CanLII 47729 (C.I.S.R.); Canada (Sécurité publique et Protection civile) c. X, 2008 CanLII 72162 (C.I.S.R.)).

[17]      Cependant, dans l’affaire Torre c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 591, la Cour fédérale a conclu que la SI n’avait pas de compétence pour suspendre une instance pour abus de procédure, alors que la SI l’avait déjà fait. La Cour suprême a fait observer que l’administration de la justice et la notion d’équité se trouvent au cœur de la doctrine de l’abus de procédure (Behn c. Moulton Contracting Ltd., 2013 CSC 26, [2013] 2 R.C.S. 227, aux paragraphes 40 et 41). Le décideur doit juger si l’instance causerait un préjudice supplémentaire à l’intégrité du système de justice (R. c. Babos, 2014 CSC 16, [2014] 1 R.C.S. 309, au paragraphe 38) ou compromettrait la capacité d’une partie de répondre à la plainte portée contre elle (Blencoe c. Colombie-Britannique (Human Rights Commission), 2000 CSC 44, [2000] 2 R.C.S. 307, au paragraphe 102).

[18]      En l’espèce, le délai a compromis la capacité de M. Najafi de réfuter la preuve présentée contre lui. Après plus de 20 ans, il ne se souvient plus des détails de ce qui s’est passé en Inde et ne communique plus avec ses amis et compagnons qui pourraient maintenant être difficiles à trouver.

[19]      Les renseignements sur le militantisme politique de M. Najafi sont à la disposition du ministre depuis sa demande d’asile et ses interrogatoires menés par le SCRS entre 1992 et 1995. Le ministre n’a offert aucune justification quant à la très longue période de temps qui s’est écoulée dans le cadre de la procédure d’interdiction de territoire. Rien n’empêchait le ministre d’entreprendre la procédure d’interdiction de territoire pendant que les demandes de résidence permanente et la dispense ministérielle de M. Najafi étaient en cours de traitement.

[20]      Le redressement accordé par la SI doit protéger l’équité et la justice naturelle dans le cadre de ses procédures. La suspension d’une instance constitue une mesure extraordinaire réservée aux cas les plus manifestes. Or, il est question d’un tel cas en l’espèce. Aucun autre redressement ne pourrait réparer le préjudice causé à M. Najafi.

[21]      Le préjudice qui serait causé à l’intérêt du public dans l’équité du processus administratif excéderait celui qui serait causé par la non-application de la loi. M. Najafi a passé de nombreuses années au Canada sans commettre aucun crime et sans poser de problèmes pour la sécurité. Il est également une personne protégée et ne pourrait donc pas être frappé d’une mesure de renvoi à moins que le ministre émette un avis de danger à son égard. La tenue d’une audience inéquitable bafouerait les principes essentiels d’équité et de justice naturelle.

[22]      Pour ces motifs, la SI conclut que la procédure devrait être suspendue de façon définitive.

B.        SAI

[23]      La Section d’appel de l’immigration (la SAI) a confirmé la décision de la SI. Elle a conclu que la SI avait compétence pour suspendre l’instance et que le ministre avait commis un abus de procédure en attendant 13 ans avant de déférer l’affaire pour enquête. La capacité de M. Najafi de présenter une défense pleine et entière relativement aux allégations portées contre lui a été compromise à un point tel que la suspension de l’instance est le seul redressement qu’il convient d’accorder.

[24]      La SAI a conclu que la SI avait compétence pour suspendre l’instance malgré les doutes exprimés par la Cour fédérale dans l’affaire Torre. En l’espèce, la SAI a conclu que le délai était à ce point déraisonnable et excessif que la SI a été obligée d’exercer sa compétence pour examiner la raison du délai et l’incidence qu’il aurait sur l’équité de l’audience et sur M. Najafi.

[25]      Les directives données dans l’affaire Torre ont également été suivies dans l’affaire Ismaili c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2017 CF 427. Dans les deux cas, la Cour a conclu que, bien que les délais administratifs aient été longs, ils ne constituaient pas un abus de procédure ou un préjudice important pour la personne concernée.

[26]      L’analyse du délai administratif comporte des aspects factuels et contextuels (Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Parekh, 2010 CF 692, [2012] 1 R.C.F. 169, au paragraphe 27, citant l’arrêt Blencoe, au paragraphe 122). La SI est la mieux placée pour évaluer si le délai écoulé avant la tenue d’une enquête est déraisonnable, puisqu’elle est l’organisme auquel tous les dossiers qui doivent faire l’objet d’une enquête sont déférés et qu’elle est en mesure de procéder à une évaluation préliminaire des dossiers.

[27]      Contrairement à la décision dans l’affaire Torre, la SAI a conclu que la SI a compétence pour suspendre une instance compte tenu du cadre législatif exigeant la tenue rapide d’une enquête. Le ministre n’a pas agi rapidement, ce qui a pour conséquence que M. Najafi doit tenter de se souvenir de ce qu’il a fait de 1979 à 1992 et de répondre aux questions sur ses activités au cours de cette période. Il ne serait pas équitable pour lui d’aller de l’avant dans de telles circonstances, car sa capacité de réfuter la preuve du ministre est compromise.

[28]      Le seule redressement qu’il convient d’accorder est la suspension de l’instance. Le délai de 13 ans qui s’est écoulé avant que l’affaire soit déférée pour enquête est [traduction] « tout à fait excessif, flagrant et inexcusable ». Le ministre invoque sa politique antérieure voulant que des procédures d’application de la loi puissent être suspendues, mais cela n’explique ni n’excuse le délai.

[29]      Le délai a eu des répercussions importantes sur l’équité des procédures, puisque les souvenirs de M. Najafi se sont estompés et il ne sera peut-être pas capable d’appeler à témoigner des personnes qui pourraient parler de sa participation à la MISS entre 1979 et 1992.

[30]      Bien que M. Najafi ait subi du stress émotionnel à cause de sa situation d’incertitude, il n’y a pas suffisamment d’éléments de preuve démontrant que la procédure devrait être suspendue sur le seul fondement des conséquences psychologiques néfastes.

IV.       Questions en litige

[31]      La présente demande de contrôle judiciaire soulève les questions suivantes :

A.        La SI avait-elle compétence pour suspendre l’instance?

B.        La SAI a-t-elle eu raison de confirmer la décision de la SI de suspendre l’instance?

[32]      Les parties conviennent que la norme du caractère raisonnable s’applique aux deux questions (voir les arrêts Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c. Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, [2011] 3 R.C.S. 708, au paragraphe 14; Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, au paragraphe 47; Alberta (Information and Privacy Commissioner) c. Alberta Teachers’ Association, 2011 CSC 61, [2011] 3 R.C.S. 654, aux paragraphes 46 et 48). J’ai donc appliqué la norme du caractère raisonnable même si c’est la norme de la décision correcte qui a été appliquée dans l’affaire Torre, au paragraphe 17, et dans l’affaire Ismaili, au paragraphe 7. Quoi qu’il en soit, il ne s’agit pas d’une question importante, car, à mon avis, le résultat de cette instance serait le même, peu importe que l’une ou l’autre norme de contrôle soit appliquée.

V.        Analyse

A.        La SI avait-elle compétence pour suspendre l’instance?

[33]      Les articles 162 et 165 de la LIPR confèrent à la SI de vastes pouvoirs pour trancher les affaires dont elle est saisie :

Compétence exclusive

162 (1) Chacune des sections a compétence exclusive pour connaître des questions de droit et de fait — y compris en matière de compétence — dans le cadre des affaires dont elle est saisie.

Fonctionnement

(2) Chacune des sections fonctionne, dans la mesure où les circonstances et les considérations d’équité et de justice naturelle le permettent, sans formalisme et avec célérité.

[…]

Pouvoir d’enquête

165 La Section de la protection des réfugiés, la Section d’appel des réfugiés et la Section de l’immigration et chacun de leurs commissaires sont investis des pouvoirs d’un commissaire nommé aux termes de la partie I de la Loi sur les enquêtes et peuvent prendre les mesures que ceux-ci jugent utiles à la procédure.

[34]      De plus, la SI, au même titre que tout autre tribunal administratif, peut tenir compte des principes de justice naturelle et de l’obligation d’agir équitablement dans toutes les procédures administratives (Blencoe, au paragraphe 102).

[35]      Dans ses observations, le ministre concède qu’aucune disposition de la LIPR ne retire à la SI [traduction] « le pouvoir qu’elle détient normalement à titre de tribunal administratif de contrôler sa propre procédure et de veiller à ce que ses procédures respectent les règles d’équité procédurale ».

[36]      Par conséquent, il semble que la SI soit habilitée à tirer une conclusion d’abus de procédure et à suspendre une instance relative à l’interdiction de territoire.

[37]      Toutefois, dans deux affaires, la Cour fédérale a conclu que la SI a compétence limitée, voir aucune, pour suspendre une instance relative à l’interdiction de territoire. Au paragraphe 22 de la décision Torre, la juge Danièle Tremblay-Lamer a conclu qu’« à l’étape de l’enquête d’un rapport déféré conformément au paragraphe 44(2) de la LIPR […] la SI n’a pas de pouvoir discrétionnaire. Elle doit procéder à une enquête avec célérité. Si la personne est interdite de territoire, elle doit prendre une mesure de renvoi ». À cet égard, je fais remarquer que l’article 45 de la LIPR, qui énumère les décisions possibles à la conclusion d’une enquête, ne fait pas mention de la suspension d’instance dans les issues possibles. Cela dit, la juge Tremblay-Lamer a laissé la porte ouverte à l’examen du « délai survenu entre la décision prise par le ministre de préparer un rapport en vertu de l’article 44 de la LIPR et la décision de la SI suivant son enquête » (Torre, au paragraphe 32).

[38]      Dans la décision Ismaili, aux paragraphes 12 et 30, le juge Alan Diner souscrit à l’analyse de la juge Tremblay-Lamer, lorsqu’il parle du « pouvoir très limité de la SI de trancher les allégations d’abus de procédure » et considère que « [la] Cour doit, pour déterminer si un abus de procédure justifie l’arrêt d’une procédure relative à l’interdiction de territoire de la SI, commencer à calculer à partir du moment où un agent d’immigration décide de rédiger un rapport au titre du paragraphe 44 (1) de la LIPR ».

[39]      En l’espèce, 24 ans se sont écoulés avant que la procédure relative à l’interdiction de territoire devant la SI ait lieu, dont 13 ans entre la rédaction du rapport au titre de l’article 44 et son envoi à la SI. Compte tenu de ce délai considérable, la SI n’était pas en mesure de tenir une enquête et de rendre une décision avant 2016. M. Najafi soutient que la SI et la SAI ont conclu à juste titre que ce délai était à ce point déraisonnable et excessif que la SI a dû exercer son pouvoir de suspendre l’instance relative à l’interdiction de territoire.

[40]      Je suis d’avis que la conclusion selon laquelle la SI avait compétence pour suspendre l’instance dans ces circonstances n’est pas incompatible avec les décisions rendues dans les affaires Torre et Ismaili. En effet, cette suspension peut être considérée comme l’exercice de l’un des pouvoirs très limités de la SI sur la question, car un délai considérable de 13 ans s’est écoulé entre la date de rédaction du rapport au titre de l’article 44 et la date à laquelle il a été transmis à la SI.

B.        La SAI a-t-elle eu raison de confirmer la décision de la SI de suspendre l’instance?

[41]      D’après les directives de la Cour suprême dans l’arrêt Blencoe, aux paragraphes 101 à 104, il est fait droit à une demande de redressement lorsqu’un délai administratif nuit à l’équité de l’audience, « notamment parce que [les] souvenirs se sont estompés, parce que des témoins essentiels sont décédés ou ne sont pas disponibles ou parce que des éléments de preuve ont été perdus ».

[42]      Dans certaines circonstances, la Cour peut aussi conclure qu’un délai constitue un abus de procédure, même si l’équité de l’audience n’a pas été compromise (Blencoe, précité au paragraphe 115).

[43]      Pour conclure qu’il y a eu abus de procédure :

[…] la cour doit être convaincue que [traduction] « le préjudice qui serait causé à l’intérêt du public dans l’équité du processus administratif, si les procédures suivaient leur cours, excéderait celui qui serait causé à l’intérêt du public dans l’application de la loi, s’il était mis fin à ces procédures » (Brown et Evans, op. cit., à la p. 9-68). Le juge L’Heureux-Dubé affirme dans Power, précité, à la p. 616, que, d’après la jurisprudence, il y a « abus de procédure » lorsque la situation est à ce point viciée qu’elle constitue l’un des cas les plus manifestes. À mon sens, cela s’appliquerait autant à l’abus de procédure en matière administrative. Pour reprendre les termes employés par le juge L’Heureux-Dubé, il y a abus de procédure lorsque les procédures sont « injustes au point qu’elles sont contraires à l’intérêt de la justice » (p. 616). « Les cas de cette nature seront toutefois extrêmement rares » (Power, précité, à la p. 616). Dans le contexte administratif, il peut y avoir abus de procédure lorsque la conduite est tout aussi oppressive.

(Blencoe, précité, au paragraphe 120.)

La question de savoir si un délai est devenu excessif dépend de la nature de l’affaire et de sa complexité, des faits et des questions en litige, de l’objet et de la nature des procédures, de la question de savoir si la personne visée par les procédures a contribué ou renoncé au délai, et d’autres circonstances de l’affaire. Comme nous l’avons vu, la question de savoir si un délai est excessif et s’il est susceptible de heurter le sens de l’équité de la collectivité dépend non pas uniquement de la longueur de ce délai, mais de facteurs contextuels, dont la nature des différents droits en jeu dans les procédures.

(Blencoe, précité, au paragraphe 122.)

[44]      En l’espèce, la SAI a confirmé la décision de la SI selon laquelle le délai justifierait une suspension de l’instance. La SAI a conclu [au paragraphe 33] que « le délai de 13 ans s’étant écoulé avant que ne soit déféré le rapport d’interdiction de territoire à la SI a eu une incidence néfaste profonde sur l’intimé, que le délai est inexpliqué, inéquitable et démesuré, et que la capacité de l’intimé de réfuter les allégations formulées contre lui a été considérablement compromise ».

[45]      Pour en arriver à cette conclusion, la SI et la SAI ont tenu compte de facteurs pertinents, comme le fait que M. Najafi avait présenté une demande de dispense ministérielle qui est demeurée en instance pendant plus de 15 ans sans explication raisonnable, et le fait que M. Najafi, à titre de personne protégée, ne peut pas être renvoyé du pays à moins que le ministre émette un avis de danger, conformément au paragraphe 115(2) de la LIPR, éventualité qui semble purement hypothétique en l’espèce, vu les nombreuses années que M. Najafi a passées au Canada sans commettre aucun crime et sans poser de problèmes pour la sécurité. En outre, compte tenu de la difficulté pour M. Najafi de se souvenir des événements qui se sont produits entre 1979 et 1992 et de retrouver d’anciens amis et collègues qui vivaient en Inde à ce moment-là, il était raisonnable de conclure que la capacité de M. Najafi de réfuter la preuve qui pesait contre lui a été compromise par le délai.

[46]      Pour éviter toute confusion, la SAI ne devait pas faire et n’a pas fait à cette étape d’analyse quant aux motifs d’ordre humanitaire. Elle ne devait tenir compte que de l’incidence du délai sur les divers droits en litige dans la procédure.

[47]      À l’audience, l’avocat du ministre a proposé la question suivante aux fins de certification :

[traduction]

À la lumière de la décision de la Cour fédérale dans l’affaire Torre c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 591 (appel confirmé, 2016 CAF 48), la Section de l’immigration et la Section d’appel de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié ont-elles compétence pour suspendre l’instance de façon définitive après avoir examiné des allégations d’abus de procédure occasionné par un retard qui aurait eu lieu durant le traitement par l’ASFC du rapport dont il est question au paragraphe 44 (1) ou du renvoi prévu au paragraphe 44 (2)?

[48]      L’avocat de M. Najafi a proposé une question légèrement différente :

[traduction]

À la lumière de l’arrêt Blencoe c. Colombie-Britannique (Human Rights Commission), 2000 CSC 44, la Section de l’immigration et la Section d’appel de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié ont-elles compétence pour suspendre l’instance de façon définitive pour abus de procédure occasionné par un retard qui aurait eu lieu après la signature du rapport dont il est question au paragraphe 44 (1) ou du renvoi prévu au paragraphe 44 (2)?

[49]      La question de la compétence étant au cœur de la présente demande de contrôle judiciaire, je suis d’avis qu’elle satisfait au critère en matière de certification d’une question par la Cour énoncé à l’article 82.3 de la LIPR. En effet, il s’agit d’une question de portée générale et qu’elle est déterminante pour la présente affaire.

[50]      Je propose la question suivante :

La Section de l’immigration et la Section d’appel de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié ont-elles compétence pour suspendre de façon définitive une instance pour abus de procédure occasionné par un retard qui aurait eu lieu après la signature du rapport dont il est question au paragraphe 44 (1) ou du renvoi prévu au paragraphe 44 (2)?

VI.       Conclusion

[51]      La SI dispose d’une vaste compétence pour entendre et trancher toutes les questions de droit, de fait et de compétence. Lorsque les circonstances le justifient, elle peut exercer sa compétence de suspendre une enquête. En l’espèce, la SI et la SAI ont eu raison de conclure que le délai de 13 ans qui s’est écoulé entre la rédaction et le renvoi du rapport d’interdiction de territoire prévu à l’article 44 était à ce point excessif et déraisonnable qu’il constituait un abus de procédure. Je suis d’avis que cette conclusion était raisonnable.

[52]      Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée et la question susmentionnée est certifiée.

JUGEMENT dans le dossier IMM-3411-18

LA COUR STATUE que :

1.         La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.         La question suivante est certifiée :

La Section de l’immigration et la Section d’appel de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié ont-elles compétence pour suspendre de façon définitive une instance pour abus de procédure occasionné par un retard qui aurait eu lieu après la signature du rapport dont il est question au paragraphe 44 (1) ou du renvoi prévu au paragraphe 44 (2)?

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