1 Ex. C R. EXCHEQUER COURT OF CANADA [19691 3 ENTRE : Québec 1967 SA MAJESTÉ LA REINE DEMANDERESSE; 21 mars ET Ottawa MARCHÉ DE QUÉBEC INC. 28 avril DÉFENDERESSE; (maintenant SODOR INC.) ) ET GASTON BEGIN DÉFENDEUR. Loi sur les douanes, S.R.C. 1952, c. 58, arts. 181(2)(3), 203(1)(2)(3)— Tarif des douanes, S R.C. 1952, c. 60—Oléomargarine américaine— Interdiction d'importation—Défense—Ignorance de la loi—«Excuse légitzmes—Question de droit—Règle 149 des Règles de la Cour de l'Échiquier du Canada. Les défendeurs qui sont des négociants et distributeurs de produits ali-mentaires, ont été poursuivis pour avoir acheté et vendu de l'oléo-margarine de fabrication américame, illégalement importée au Canada. Entre autres moyens de défense, les défendeurs ont invoqué leur ignorance de la loi quant à l'interdiction d'importation de margarine américaine, tel facteur d'exonération étant consenti par la loi aux mfracteurs présumés, soit «un e excuse légitime dont la preuve incombe à l'accusé». Sur une motion de la demanderesse et non contestée par les défendeurs, la Cour ordonna qu'il soit procédé à l'audition et disposition, avant l'instruction, des questions suivantes, savoir: (1) «L'information de la demanderesse démontre-t-elle une cause d'action contre les défendeurs?» (2) «En présumant vrais les faits allégués dans le plaidoyer des défendeurs, ces faits constituent-ils une défense à l'action de la demanderesse?» La Cour répondit affirmativement à ces deux questions. Jugé: La loi n'ayant pas défini l'excuse légitime, il incombe donc au tribunal d'interpréter l'intention du législateur. Ici, au stade de la procédure, la Cour ne peut concevoir qu'une double éventualité de cette excuse: l'ignorance «honnête» de la loi et la déception qui at-tribuerait les qualités de produit canadien à de l'oléomargarine amé-ricaine, la loi entendant accorder ce moyen d'exonération aux clients de bonne foi qui se procurent ces comestibles dans le cours ordinaire et régulier de leur approvisionnement commercial ou de leurs achats domestiques. Une «excuse légitime» est matière de sens commun, beaucoup plus que «l'excuse légale», celle-ci impliquant des limitations formelles et rigides 1 Les faits allégués dans la défense sont suffisamment plausibles et ne sont pas dépourvus des éléments essentiels d'une «excuse légitime»; par-tant, leur exactitute, si une preuve l'établit, constituerait «une défense à l'action de la demanderesse». 1 Black's Law Dictionary, 4th Edition, 1951. 91297-11
4 1 R.C. de l'É. COUR DE L'ÉCHIQUIER DU CANADA [1969] 1967 INSCRIPTION en droit au sens de l'article 149 des LA REINE Règles et Ordonnances générales de la Cour de l'Échiquier MARC v H ' É DE du Canada. QUÉBEC INC. et al Paul Coderre pour la demanderesse. Stanislas Germain, c. r. pour les défendeurs. DUMOULIN J.:—Avant d'aborder l'étude objective de cet incident, il importe d'en déterminer la classe: une inscription en droit au sens de l'article 149 des Règles et Ordon-nances générales de la Cour de l'Échiquier du Canada, règle citée dans sa rédaction anglaise, la traduction fran-çaise étant à se parachever : Rule 149. No demurrer, as a separate pleading, shall be allowed, but any party shall be entitled to raise by his pleading any point of law; and any point so raised shall be disposed of by the Court at or after the trial; provided that by consent of the parties, or by order of the Court, on the application of either party, .the same may be set down for hearing and disposed of at any time before the trial. A la différence de la procédure civile appliquée dans la province de Québec, depuis le ler septembre 1966, où l'inscription en droit a pour objet, advenant sa réception, d'évi-ter la production d'un plaidoyer au fond (voir les articles 159 et 165(4), nouveau Code), la règle 149 de notre Cour, on vient de le voir, fait découler d'une telle pièce de plai-doirie ou de pièces subséquentes l'irrecevabilité de la demande ou même de la défense. Conformément à cette pratique le sous-Procureur géné-ral du Canada, le 9 mars 1967, fit signifier un avis de motion sollicitant une ordonnance de procéder avant l'instruction «à l'audition de la question de droit soulevée au paragraphe A de la Réponse de la demanderesse, Sa Majesté la Reine». Cette question de droit soumet que: A. Sans préjudice â sa réponse ci-après particularisée, la de-manderesse dit, qu'en supposant même vrais les faits allégués au plaidoyer des défendeurs, abstraction faite de toute argumentation, ces faits ne peuvent donner ouverture aux conclusions dudit plaidoyer. Un résumé de ces allégations suivra bientôt, car je crois opportun, à ce stade, de ne pas interrompre l'ordre des pièces introductives du débat. Par entente préalable, apparemment, puisque le consen-tement des défendeurs, Gaston Bégin et Sodor Inc., porte
1 Ex. C.R. EXCHEQUER COURT OF CANADA [1969] 5 aussi la date du 9 mars, ces derniers ne s'opposent pas à la 1967 motion de la demanderesse, et LA REINE v. ... aux fins de cette audition en droit seulement, les défendeurs— MARCHÉ DE 1. Admettent tous les faits allégués dans l'information QIIÉBE oI NC. et al de la demanderesse, incluant la valeur de l'oléomargarine en question, mais ils nient: Dumoulin J. a) que c'est sans excuse légitime que les défendeurs ont eu en leur possession, gardé, caché, acheté et vendu l'oléo-margarine dont il est fait mention au paragraphe deuxième de l'Information. Par ce motif d'une excuse légitime, les défendeurs dénient toute responsabilité en droit pour leur dérogation en faits -aux prescriptions de la Loi sur les douanes, S.R.C. 1952, chapitres 58 et 60. Sur le vu de ces procédures, la Cour, le 13 mars 1967, émit une Ordonnance dont voici le dispositif : IL EST ORDONNÉ qu'il sera procédé à l'audition de et disposé avant l'instruction des questions suivantes à savoir: 1) «L'information de la demanderesse démontre-t-elle une cause d'action contre les- défendeurs?» (Cette question fut proposée d'office par la Cour.) 2) «En présumant vrais les faits allégués dans le plaidoyer des ' défendeurs, ces faits constituent-ils une défense à l'action de la demanderesse?» IL EST DE PLUS ORDONNÉ qu'advenant le maintien de l'action de la demanderesse sur cette audition en droit, cette Cour pourra tenir pour avérés tous les faits allégués dans l'information de la demande-resse, et rendre jugement en conséquence. Quant aux actes matériels qui ont occasionné cette pôur-suite, ils n'offrent guère de complexité; non plus, du reste, que toute autre plainte du même ordre, pour introduction au pays d'effets ou articles prohibés, contrebande ou com-plicité dans la perpétration de ces offenses. L'information allègue que: 20. Durant la période de temps s'étendant entre le ler janvier et le 1°° novembre 1962, de l'oléomargarine de fabrication américaine d'une valeur de $17,544.60 a été achetée aux États-Unis d'Amérique et illégalement transportée au Canada, et de ce fait illégalement importée au Canada; 3°. L'importation de l'oléomargarine au Canada est prohibée sui-vant la liste «C», numéro 1204 du Tarif des douanes, S.R C. (1952) chapitre 60; 40. Durant la même période de temps, soit du ler janvier du 1°° novembre 1962, les défendeurs Gaston Bégm, qui agissait alors comme mandataire et agent de la défenderesse, le Marché de Québec Inc, (depuis remplacé par Sodor Inc.) et cette dernière, ont, sans
6 1 R C. de l'É. COUR DE L'ÉCHIQUIER DU CANADA [1969] 1967 excuse légitime, eu en leur possession, gardé, caché, acheté et vendu l'oléomargarine dont il est fait mention au paragraphe deuxième, et LA REINE V. ce, contrairement aux dispositions de la Loi sur les Douanes; (S.R.C. MARCHÉ DE 1952, ch. 58, articles 181(2) et (3) et 203(1)(2)(3).) QUÉBEC INC. 50 En conséquence des actes susmentionnés quant à l'oléomar-et al garme illégalement importée au Canada, tel que susdit, les défendeurs, Dumoulin J. Gaston Bégm et le Marché de Québec Inc., (maintenant Sodor Inc.) sont devenus, cette oléomargarine n'ayant pas été découverte, pas-sibles et sont tenus de remettre à Sa Majesté la Reine, conformé-ment aux dispositions de la Loi sur les douanes la valeur de cette oléomargarine, soit la somme de $17,544 60. Dans leur exposé de défense, de pas moins de 78 paragra-phes, les deux défendeurs conviennent, sans réticence aucune, des faits matériels de la plainte intentée. Ils expli-quent, cependant, qu'en leur qualité de distributeurs de produits alimentaires à Québec, ils achètent «...régulière-ment des marchandises de fabrication étrangère en provenance tant des États-Unis que de Nouvelle-Zélande ou d'Australie. . .sans jamais songer à mettre en question la légalité ou la régularité de leur importation et (ont) natu-rellement présumé la bonne foi des fournisseurs et leur fidélité aux lois» (art. 38). Ils ajoutent à l'article suivant, (39), de façon un peu péremptoire, «qu'un négociant, non importateur, n'a pas à exiger d'aucun fournisseur de mar-chandise importée un document douanier ou autre faisant preuve de la légalité de l'importation et, dans la pratique, cela ne se fait pas». Les défendeurs achetèrent cette oléomargarine de provenance américaine d'un certain Fernand Ouellette, qu'ils ne connaissaient pas antérieurement, et qui «s'est présenté à eux comme un fournisseur de produits alimentaires» (art. 59), normalement et sans se cacher (art. 43). Aucun soupçon d'importation illégale n'effleura l'esprit des négociants incriminés, bien que l'origine américaine de cette oléomargarine ne leur fut pas inconnue (art. 45). «Les prix offerts (par le vendeur Ouellette) étaient nor-maux: légèrement supérieurs aux prix canadiens alors que les prix américains des marchandises sont en général moins élevés, ils impliquaient donc que des droits de douane avaient dû être ajoutés et réglés» est-il dit à l'article 46 de la défense. Enfin «aucun indice n'a pu induire (les défen-deurs) à soupçonner que le vendeur, Fernand Ouellette, pouvait être un contrebandier et, aucun acheteur au détail de l'oléomargarine américaine n'a posé la moindre ques-
1 Ex. C.R. EXCHEQUER COURT OF CANADA [1969] 7 tion, marqué la moindre surprise susceptibles d'éveiller un 1967 doute sur la légalité de la possession ou de la vente du LA R E produit américain» lisons-nous aux articles 42 et 47. V . MARCHÉ DE Les transactions précitées continuèrent jusqu'au début QIIÉBEC INC. et al de novembre 1962, alors que «la Gendarmerie Royale, au cours d'une entrevue avec le défendeur (Gaston Bégin) et Dumoulin J. ses associés, leur imputa le fait de détenir et de vendre de la margarine américaine» (art. 12). C'est ainsi «que le défendeur et ses associés (son père, Ernest Bégin, et son frère, Claude) apprirent l'existence d'une interdiction d'importation de cette marchandise, interdiction qu'ils igno-raient totalement» (art. 13. Toutes les italiques dans ces notes sont de moi.) Afin d'isoler, à ce point de mon travail, les admissions de faits des excuses de droit maintes fois alléguées dans ce plaidoyer très précis, je ne ferai que mentionner les motifs qui, selon les défendeurs, les induisirent à se reconnaître coupables des offenses relatées dans une dénonciation dépo-sée, le 21 juin 1963, à la Cour des Sessions de la Paix, à Québec, par le caporal Réal Cardinal de la Gendarmerie Royale. Les défendeurs, admettant spontanément les actes de possession et de vente de la margarine prohibée, Réal Cardinal, leur aurait alors déclaré qu'ils ne pourraient «échap-per à une condamnation de ce chef» ... «mais que le maximum de la peine à encourir était une amende de $800» (arts. 20-21) . Sur la foi de ces assertions, il est expliqué à l'article 25 de l'exploit de défense que: 250. L'affirmation du caporal Cardinal que l'affaire serait ainsi définitivement réglée et classée par le paiement d'un maximum de $800.00, jointe à la perspective que le défendeur se faisait des frais, pertes de temps et autres ennuis réels ou supposés, s'il faisait l'expé-rience d'une contestation judiciaire, le conduisit à se ranger aux incitations que lui faisait le caporal d'opter pour un plaidoyer de culpabilité. Le dénouement de cet aveu, toutefois, dépassa, pécuniai-rement, les prévisions optimistes que le constable Cardinal aurait fait miroiter au sens pratique des inculpés qui, le 26 juin 1963, furent condamnés à une amende de $800 et aux frais «ce dont ils s'acquittèrent sur-le-champ» (art. 28), et, en outre, à la confiscation de deux véhicules automobiles dont le recouvrement entraîna un second déboursé de $800 (art. 30), double pénalité à laquelle vinrent s'ajouter la
8 1 R.C. de l'É. COUR DE L'ÉCHIQUIER DU CANADA [1969] 1967 saisie et confiscation par la Sûreté provinciale de 17,000 LA REINE livres d'oléomargarine colorée de fabrication canadienne v. MARCHÉ DE (désignée sous la rubrique de «Spread»), à 22 sous la livre, QUÉBEC INC. soit une valeur de $3,540 (art. 31), et, de surcroît, le et aa paiement par les messieurs Bégin des amendes de $200 Dumoulin J. chacune encourues, à la même occasion et pour mêmes causes, par deux de leurs employés, Jean-Claude Fortier et Jacques Coutellier (art. 33). Compte tenu de la confiscation du produit domestique, rendue possible par les perqui-sitions initiales de la Gendarmerie Royale, cette malencon-treuse entreprise se solda par un passif global de $5,540. ' Il convient, enfin, je pense, de consigner le certificat d'honorabilité commerciale, que se décernent, aux articles 6 et 7, ces négociants importants, mention que la demande-resse a simplement ignorée, comme n'étant pas pertinenté au litige; je cite: 60. Le Marché de Québec Inc. (maintenant Sodor Inc.) est une entreprise d'achat, de préparation et de vente de produits alimentaires, fondée en 1925 par monsieur Ernest Bégin, auquel se sont associés ses deux fils, à savoir Claude Bégin en. 1949 et Gaston Bégin en 1952; 70. Au cours de ses quarante ans d'existence, ni l'entreprise, ni aucun des trois associés, n'ont eu devant les Tribunaux le moindre démêlé se rapportant à leurs actes commerciaux et se sont appliqués fidèlement à observer toutes les lois et règlements affectant leur commerce. Ce minutieux récit de l'affaire soumet d'autres particula-rités que l'on pourrait qualifier de connexes, étroitement reliées aux incidents tantôt mentionnés, et qui, suivant les défendeurs, dissiperaient les doutes sérieux que soulève-raient autrement certaines inscriptions aux livres et telles précautions insolites. Voici ce dont il s'agit, selon le texte même de la défense, dont je crois sage de ne pas m'écarter afin d'éviter l'inexac-titude toujours possible des résumés de faits, quelque soin que l'on ait de les relater fidèlement. A l'article 14 du plaidoyer il est dit que les défendeurs n'ignoraient pas «la prohibition de vente de margarine colorée, plus habituellement désignée sous le nom de «Spread» », interdiction décrétée par l'autorité provinciale, et la seule exclusion dont ils eussent connaissance. Mais, ils se hâtent d'ajouter, à l'article 16, que: La loi à cet égard était alors et est encore très mollement appli-quée contre les distributeurs, étant donnée la difficulté éprouvée par les autorités provinciales à empêcher la fabrication de margarine colorée, et surtout son importation des autres provinces, au point
1 Ex. C.R. EXCHEQUER COURT OF CANADA [1969] 9 que les inspecteurs du gouvernement provincial déclaraient ouverte- 1967 ment aux distributeurs de s'arranger tout simplement pour qu'ils ne LA R EINE la voient pas. y MARCHÉ DE Cette affirmation de l'ignorance de la loi prohibitive per- QUÉBEC INC. mettrait, a priori, d'expliquer les précautions rapportées et al aux articles 17, 53 et 54 (ci-après reproduits), rendues Dumoulin J. nécessaires, apparemment, sinon même suggérées, par la tolérance avouée des inspecteurs provinciaux. Et, tout d'a- bord, à l'article 17 nous lisons ceci: 17°. Eu égard â cet état de fait, les défendeurs ne gardaient pas la margarine colorée en leurs magasins mais l'entreposaient dans un endroit privé; Assez éloignés du précédent, les articles 53 et 54 s'efforcent corollairement de rendre un compte plausible de rubriques commerciales par ailleurs inexactes: 53°. Il est vrai que ledit produit 'apparaît désigné comme «lard a» mais voici l'explication de cette appellation; 54°. Vu la tolérance des autorités provinciales et pour permettre aux inspecteurs de fermer les yeux, il était de convenance que l'oléo-margarine colorée fut appelée «lard» et en fait les factures de l'olé-omargarine canadienne la désignaient comme «lard c» et les factures de l'oléomargarine américaine comme «lard a»; Si l'on excepte ces appellations fictives, la comptabilité des défendeurs consignait «tous et chacun des achats et toutes et chacune des ventes dudit produit américain au prix réel et d'ailleurs normal»; les factures et registres afférents furent remis volontiers au constable Cardinal (arts. 27-50). Ce récit des faits allégués, fastidieux peut-être, mais que j'ai cru utile à une meilleure compréhension du problème, me conduit au seuil de la question de droit. L'information conclut à l'imposition de sanctions répres-sives prévues aux articles 181(2) (3) et 203(1) (2) (3) de la Loi sur les douanes (S.R.C. 1952, ch. 58) pour toute infraction à l'article 12 du Tarif des douanes (S.R.C. 1952, ch. 60) qui décrète la confiscation des effets introduits au Canada contrairement aux interdictions de la cédule «C», dont l'item 1204 mentionne l'oléomargarine. Ce rappel me dispensera d'intercaler ces dispositions sta-tutaires où les pénalités s'accumulent avec une rigueur inhabituelle et presque déconcertante, pour ne retenir, aux fins de l'inscription en droit, que le facteur d'exonération consenti aux infracteurs présumés, soit, «une excuse légi-time dont la preuve incombe à l'accusé».
10 1 R C. de l'É. COUR DE L'ÉCHIQUIER DU CANADA [19691 1967 En l'occurrence, «l'excuse légitime» invoquée avec réité- LAR E ration par les défendeurs, et plus spécifiquement aux arti- V. MARCHÉ DE des 13 et 57, n'est autre que leur ignorance de la loi, Qui.BEc INC. comme il est redit au paragraphe 57: et al 57°. Il est également évident que le défendeur ignorait absolument Dumoulin J. l'interdiction d'importation de margarine des États-Unis; Demandons-nous, comme première considération, si semblable excuse est admissible en dérogation au principe transcendant que l'ignorance de la loi ne saurait être un moyen de défense. La réponse est qu'une loi particulière peut toujours modifier, dans des cas spéciaux, la loi générale. Habituellement, une mesure d'exception ne souffre aucune ambiguïté; elle énonce sans équivoque son objet, ses con. ditions ou circonstances d'applicabilité. Ces indications fai-sant défaut ici, il faudra alors procéder par déduction, puisque le statut ne définit point les modalités de l'excuse légitime, uniquement valable dans les cas d'importation illégale et refusée en toute autre conjoncture, celle, par exemple, de la contrebande à l'article 190. Selon la présomption de droit public, le législateur se propose, en légiférant, une fin réalisable; suivant l'expression populaire «il ne parle pas pour rien dire». Or, je ne puis concevoir, présentement, qu'une double éventualité d'excuse légitime: l'ignorance «honnête» de la loi, et la déception qui attribuerait la qualité de produit canadien à de l'oléomargarine américaine. Je ne saurais imaginer autre chose, sinon que la loi entend accorder ce moyen d'exoné-ration aux clients de bonne foi qui se procurent ces comestibles dans le cours ordinaire et régulier de leur approvi-sionnement commerciale ou de leurs achats domestiques. A n'en pas douter, les Bégin savaient que l'autorité pro-vinciale interdisait la vente de l'oléomargarine colorée, dite «Spread», interdiction apparente plutôt que réelle, mais ils limitent à cela leur notion des règlements prohibitifs. Dans la ligne, toujours, de l'inscription en droit, devrais-je tenir que, le règlement provincial leur étant connu, ils ne pouvaient ignorer la réglementation fédérale? Je n'oserais me ranger à cette conclusion. J'ajouterai qu'il ne semble pas exagéré de prétendre qu'une «excuse légitime» soit matière de sens commun, beaucoup plus que «l'excuse légale», celle-ci impliquant des limitations for-
1 Ex. C.R. EXCHEQUER COURT OF CANADA [1969] 11 melles et rigides. Cette opinion se réclame d'un excellent 1967 répertoire de terminologie légale, Black's Law Dictionary, L n REINE au vocable «Lawful», où nous lisons que: MARCHÉ DE ...Further, the word "lawful" more clearly implies an ethical content QUÉBEC INC et a l than does "legal". The latter goes no further than to denote com- phance with positive, technical or formal rules; while the former Dumoulin J. usually imports a moral substance of ethical permissibility. — Une fois encore, il ne s'agit point, pour le moment d'éluci-der les soumissions de faits des défendeurs à la lumière de la preuve que l'audition subséquente de la cause pourra rapporter; nous n'en sommes pas à cette phase ultérieure du litige. Je ne dois que répondre aux deux questions posées par l'ordonnance de Cour du 13 mars écoulé; l'affirmative pour la première ne souffrant aucun doute, je passe à la seconde ainsi libellée: 2. En présumant vrais les faits allégués dans le plaidoyer des défen-deurs, ces faits constituent-ils une défense à l'action de la de-manderesse? Ces allégations, que je dois tenir pour véridiques, me paraissent suffisamment plausibles et ne sont pas dépour-vues des éléments essentiels d'une «excuse légitime», selon mon interprétation de l'intention de la loi à ce sujet par-tant, leur exactitude, si une preuve l'établit, constituerait «une défense à l'action de la demanderesse». Dans ces conditions, je n'ai pas à me prononcer sur ce que l'abstention par un tribunal «de juridiction compétente», en l'espèce la Cour des Sessions de la Paix, de condamner les accusés «en sus de toute autre amende à verser une somme égale à la valeur de ces effets» (la margarine américaine vendue avant les perquisitions) ne m'enlèverait pas ma compétence à l'imposer. Quant à la «valeur des effets» (ici fixée à $17,544.60), la lecture comparée des articles 181(2) et 203(1) et (2) sem-blerait autoriser l'exorbitante possibilité d'une triple imposition. S'il en était ainsi, une telle frénésie de voracité punitive exigerait un correctif approprié. Vu l'aveu par les défendeurs des faits allégués dans l'information, et l'admissibilité, a priori, de leur plaidoyer d'excuse légitime, je réponds affirmativement aux deux questions de l'ordonnance du 13 mars 1967. La demanderesse devra payer aux défendeurs tous les frais encourus sur cette contestation incidente.
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