424 2 R.0 de l'É. COUR DE L'ÉCHIQUIER DU CANADA [1968] Ottawa 1967 V ENTRE : 22 juin 18 août HERVÉ HOULE DEMANDEUR; ET MONCTON PUBLISHING COM- DÉFENDERESSE. PANY LIMITED Brevet d'invention—Loi sur les brevets, S.R.C. 1952, c. 203, article 28(1)(c) —Invention mise en usage public et en vente plus de deux ans avant dépôt de demande de brevet, contrairement à la Loi—Action pour infraction à un brevet d'invention—Objet de l'invention—Cartes de bons ou jetons utilisés pour faciliter le commerce du lait—Action déboutée avec dépens. Le demandeur a poursuivi en justice la défenderesse pour infraction à son brevet d'invention, dont cette dernière a fait le dépôt de sa demande de brevet le 8 mai 1957. L'invention du demandeur avait pour objet des cartes de bons ou jetons en carton, de forme circulaire, utilisés pour faciliter le commerce du lait. Ces jetons consistaient en une «bande» de dix billets qui étaient échangés pour une certaine quantité de lait. Ces bons s'inséraient dans la partie supérieure d'une bouteille de lait et que l'on pouvait enlever en plaçant le doigt dans un trou concentrique situé au centre du jeton. D'après la déclaration du demandeur, dans son examen «on discovery» tenu le 21 septembre 1966, il a commencé à fabriquer, produire et vendre ces bons ou jetons dès l'année 1949 et a ainsi continué à les utiliser jus-qu'en 1955 sans toutefois en faire la demande de brevet de dépôt dans les deux ans de la date où il avait obtenu son brevet d'invention.
2 Ex. C.R. EXCHEQUER COURT OF CANADA [19681 425 Jugé: En vertu de la loi, un inventeur peut obtenir un brevet à condi- 1967 tion qu'il en fasse la demande dans les deux ans de la date où il en Houes fait un usage public ou une vente publique au Canada. Sans cette v restriction, un inventeur pourrait placer une invention sur le marché MONCTON pendant des années et ne demander un brevet d'invention que lorsque PUBLISHING quelqu'un d'autre décide de copier son invention. Il obtiendrait ainsi Co. LTD. une période de monopole dépassant les dix-sept années prévues par le statut. 2. Dans cette cause, il appert que le demandeur a mis son invention en usage public et en vente au Canada plus de deux ans avant le dépôt de sa demande de brevet au Canada contrairement à l'article 28(1) (c) de la Loi sur les brevets. 3. Conséquemment, l'action du demandeur est déboutée avec dépens. ACTION pour infraction à un brevet d'invention. Kalman Samuels pour le demandeur. E. Foster et H. Senécal pour la défenderesse. NoËL J. :—Il s'agit d'une action pour infraction au brevet d'invention du demandeur (portant le numéro 545,592 et dont le dépôt de sa demande fut fait le 8 mai 1957) par la défenderesse, une corporation créée en vertu des lois du Nouveau-Brunswick, et ayant son bureau-chef à 18, rue Potsford, Moncton, Nouveau-Brunswick. L'invention du demandeur a pour objet des cartes de bons ou jetons utilisés pour faciliter le commerce et se réfère spécialement à des séries de billets circulaires découpés sur un carton. Ces bons ou jetons sont surtout utilisés pour faciliter le commerce du lait, le client se procurant périodiquement une bande de billets (comprenant dix billets, si l'on se réfère au dessin du brevet d'invention du demandeur) qu'il échange pour une certaine quantité de lait. Dans son brevet le demandeur admet que le brevet d'invention canadien Tremblay et al, portant le numéro 464,734, ainsi que celui de Miller, portant le numéro 359,668, et par conséquent antérieurs au sien, ont pour objet des billets circulaires qui s'insèrent solidement dans la par-tie supérieure d'une bouteille de lait et que l'on peut en-lever en plaçant le doigt dans un trou concentrique situé au centre du bon. Il prétend, cependant, dans son brevet que par suite de certains défauts de construction, ces bons n'ont jamais été grandement utilisés. Quant à l'invention de Tremblay, dit-il, les bons ou jetons doivent être détachés en suivant une
426 2 R.0 de l'É. COUR DE L'ÉCHIQUIER DU CANADA [1968] 1967 ligne pointillée ou une série de perforations espacées. Ce HOULE genre de perforations dans du carton d'une certaine épais-MGNCTGN seur produit une «ligne de rabattement facile», mais il est PUBLISHING Co. quand même difficile de détacher le carton à cet endroit à LTD. moins qu'il ne soit plié à plusieurs reprises. Le détachement Noë1 J. des bons ou jetons du carton se fait difficilement, si l'on veut s'assurer que les bons ou jetons ne soient mutilés. Les mêmes commentaires s'appliquent à l'invention Miller avec la différence ici qu'il n'est pas possible de rabattre le carton avant de détacher les bons ou jetons comme dans le cas de l'invention de Tremblay parce que la ligne de pliage est une courbe et, par conséquent, le danger ici d'endommager les bons ou jetons est accru. De plus les livreurs de lait ont l'habitude de garder un nombre de cartons dans leurs poches en plus de ceux qu'ils gardent dans leur véhicule de livraison. Les cartons-bons construits suivant les brevets de Tremblay ou Miller ont, d'après le brevet du demandeur, une tendance à plier à des endroits où ils ne devraient pas l'être. Il est, par conséquent, nécessaire, en pliant ces bandes de carton, de prendre bien soin de ne les plier que sur les lignes perforées. Le but déclaré de l'invention du demandeur Houle est de produire un carton de bons ou jetons de lait du même genre que ceux déjà mentionnés, dont les bons ou jetons puissent être facilement détachés avec peu de risque de mutilation et qui puissent aussi être pliés et ainsi facilement placés dans une poche d'habit. Examiné par le procureur de la défenderesse le 21 sep-tembre 1966, le demandeur déclara, aux pages 28, 29, 30, 37, 38, 40, 43 et 44 de l'interrogatoire «on discovery» que dès l'année 1949, il avait commencé à produire les bons ou jetons de lait de forme circulaire avec un trou à l'intérieur «plus ou moins dans la forme pour laquelle» il avait obtenu un brevet, «à peu près identiques à ceux pour lequel» il avait obtenu un brevet (p. 29) qu'il a utilisé lui-même et qu'il a d'ailleurs vendu. Il déclare qu'il en a produit et ven-du en 1950, 1951 et par la suite (p. 30) en 1953, 1954, 1955, tel qu'il appert d'ailleurs des relevés de comptes se ratta-chant à son exploitation. A la page 37 il réitère que les bons qu'il produisait au cours des années 1950 à 1955 étaient
2 Ex. C.R. EXCHEQUER COURT OF CANADA [1968] 427 identiques à ceux qui sont décrits au dessin annexé à la 1967 description de son brevet d'invention portant le numéro Hourra 545,592, ajoutant: V. Mo N~Torr J'ai jamais changé de forme, bien, excepté il y a quelques amélio- Pusrrsarxa Co_LTD• rations qui ont été faites pour les lignes ici, les coupures, car c'était pour ... Dans une invention, c'est comme le téléphone, avec les an- Noël J. nées, on fait des améliorations. et à la page suivante, 38, il précisa davantage sa pensée, en réponse à une question du procureur de la défenderesse, à savoir s'il produisait depuis 1950 des bons de billets en forme presque identique au dessin de son brevet, comme suit: Oui, oui, excepté quelques améliorations qu'il y a eu de même; il y en a quelques-uns qu'on a été obligé de faire une petite ouverture pour que les clients accrochent leur carte de bons dans les armoires—. ça, des fois, des clients demandaient un surplus, on ne refusait pas de le faire mais seulement l'ensemble .. . A la page 40, il répète qu'il a produit des billets à peu près identiques à ceux décrits au dessin pièce D-4 (soit le dessin de son brevet) mais qu'après 1950 il avait probable-ment ajouté une amélioration, soit des lignes pointillées. Il ajouta cependant à la page 41 que certains clients de-mandèrent et obtinrent dès le début de sa production de mettre des pointillages de sorte que certains des billets qu'il avait produits au cours des années 1950 et 1952 étaient identiques au dessin de son brevet (cf. p. 42). Enfin, aux pages 43 et 44, on lui repose la question une dernière fois et il répond affirmativement qu'au cours des années 1950 à 1955 il avait produit et vendu des cartes de bons de lait de forme circulaire identiques au dessin qui apparaît à la pièce D-4. De plus, il appert aussi de sa ré-ponse qu'il aurait agi ainsi parce qu'il avait demandé un brevet pour les bons ou billets circulaires avec trou con-centrique (brevet qu'il n'a d'ailleurs pu obtenir) et qu'il se croyait protégé par cette demande. Il n'a par la suite réussi à obtenir qu'un brevet d'amélioration, soit celui qui fait l'objet du présent litige. C'est sur la foi de ces déclarations répétées que le Prési-dent de cette cour, soucieux de réduire autant que faire se peut, les frais qu'un procès long et coûteux pourrait en-traîner pour le demandeur, décida, le 7 juin 1967, de fixer au 22 juin 1967, à Montréal, l'audition de cette cause la restreignant, cependant, à la seule question de savoir si ces
428 2 R C. de l'É. COUR DE L'ÉCHIQUIER DU CANADA [19681 1967 bons ou jetons de lait tels que décrits et réclamés dans le Houi.E brevet d'invention du demandeur, ont été vendus au Ca- Mo o N . CroN nada par le demandeur, l'inventeur mentionné audit brevet, PtmLIsHiNO plus de deux ans avant le dépôt de sa demande de brevet CO.LTD. au Canada suivant le sous-paragraphe( c) du paragraphe Noël J. (1) de l'article 28 de la Loi sur les brevets qui se lit comme suit: 28. (1) Sous réserve des dispositions subséquentes du présent article, l'auteur de toute invention ou le représentant légal de l'auteur d'une invention qui (a) n'était pas connue ou utilisée par une autre personne avant que lui-même l'ait faite, (b) n'était pas décrite dans quelque brevet ou dans quelque publication imprimée au Canada ou dans tout autre pays plus de deux ans avant la présentation de la pétition ci-après mention-née, et (c) n'était pas en usage public ou en vente au Canada plus de deux ans avant le dépôt de sa demande au Canada, Suivant cet article, un inventeur peut obtenir un brevet à condition qu'il en fasse la demande dans les deux ans de la date où il en a fait un usage public ou une vente publi-que au Canada. Sans cette restriction, un inventeur pour-rait placer une invention sur le marché pendant des années et ne demander un brevet d'invention que 'lorsque quel-qu'un d'autre décide de copier son invention. Il obtiendrait ainsi une période de monopole dépassant les 17 années prévues par le statut. Il est par conséquent dans l'intérêt public qu'un inventeur fasse sa demande dans la période de deux ans de l'usage public ou de la mise en vente de l'invention sans quoi il perdra son droit d'obtenir un brevet pour cette invention. C'est à cause des réponses données aux questions précises posées par le procureur de la défenderesse à l'interrogatoire «on discovery» du demandeur, à l'effet qu'il avait fabriqué et vendu une quantité de bons circulaires identiques en tout point à ceux apparaissant sur le dessin annexé à son brevet d'invention que les procureurs de la défenderesse, conformé-ment à la règle 155c de cette cour, présentèrent une motion demandant à la cour des directives quant à la marche de cette instance. Le demandeur, lors de la présentation de cette motion, fit valoir au Président, par l'entremise de son procureur, qu'il pourrait, s'il en avait l'occasion, expliquer les réponses qu'il avait ainsi données et clarifier le té-moignage qu'il avait rendu.
2 Ex. C.R. EXCHEQUER COURT OF CANADA [19681 429 C'est dans ces circonstances que la présente cause fut 1967 ~ amorcée et que le demandeur fut entendu comme témoin HovzE V. de la part du demandeur et qu'un M. Hicks fut entendu de MONCTON la part de la défenderesse. M. Hicks qui est à l'emploi d'un PIIBLIBHINO Co. LTD. producteur et distributeur de lait déclare qu'il rencontra le demandeur en 1950 à Montréal et discuta avec lui de la Noël J. possibilité d'obtenir une quantité de ces bons ou jetons pour sa compagnie, la laiterie Sunrise, et le demandeur y consentit. Ces billets, d'après Hicks, ainsi vendus à sa compagnie de 1950 à 1960, étaient en tout point semblables au carton de dix billets apparaissant au dessin du brevet d'invention du demandeur. Le demandeur Houle, d'autre part, confirme qu'il avait vendu des billets à M. Hicks avant l'année 1957 mais déclare qu'à ce moment, le poinçonnage de ses cartes était fait avec une «roule» soit une lame circulaire faite comme une lame de rasoir et qu'après 1957, il se servait de matrices et d'un morceau d'acier d'une épaisseur d'un demi-pouce, rond et avec un trou dans le centre. D'après Houle, la seule différence entre les bons ou jetons de lait antérieurs à 1957 et subséquents à cette date, c'est que ceux fabri-qués par la «roule» ne donnaient pas une perforation aussi bonne que ceux fabriqués par les matrices. Le demandeur ne réussit pas, par son témoignage à l'enquête, à établir que les réponses claires qu'il avait données à son interrogatoire «on discovery» lorsqu'il iden-tifia le dessin annexé à son brevet d'invention et admit qu'il avait vendu des billets, jetons ou bons en tout point identiques à ceux qui apparaissent sur le dessin de son brevet, doivent être corrigées. Au contraire, il fut établi que les billets, jetons ou bons qu'il a vendus avant 1957 et par la suite, étaient en tout point identiques à ceux qui apparaissent au dessin de son brevet. Les meilleurs ré-sultats obtenus par le moyen des matrices ne changent en rien, en effet, l'invention du demandeur si l'on s'en tient au champ couvert par son brevet. Qu'il en ait vendu, d'ailleurs, est aussi confirmé, comme nous l'avons déjà mentionné, par le témoignage de M. Hicks, le représentant de la laiterie Sunrise, l'un des clients du demandeur et par les relevés de comptes du demandeur qui témoignent aussi de la quantité vendue.
430 2 R.C. de l'É. COUR DE LCHIQUIER DU CANADA [1968] 1967 Que le système de «roule» n'ait pas donné une perforation HOULE aussi bonne ou satisfaisante que le système de «matrice» v. MCNCTCN ne change en rien l'invention du demandeur, ni n'a-t-il P C u o n . i sHINQ permis d'autre part un meilleur pliage du carton de billets LTD. pour le placer dans la poche du livreur. Peu importe en Noël J. effet que le demandeur ait donné au public, ou mis sur le marché, ou vendu ses cartons de billets fabriqués par le moyen de la «roule» ou de la «matrice», il me faut quand même décider et c'est d'ailleurs la conclusion à laquelle j'arrive, qu'il a donné son invention au public ou, pour utiliser le langage du statut, l'a mis «en usage public ou en vente au Canada plus de deux ans avant le dépôt de sa demande au Canada», contrairement à l'article 28(1) (c) de la Loi sur les brevets.
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