[1970] R.C.É. LE MINISTRE DES TRANSPORTS v. POLLOCK 981 Le ministre des Transports (Appelant) v. Pollock (Intimé) Le Président Jackett et les Juges Thurlow et Noël, en amirauté.—Ottawa, les 28 mars et 2 avril 1971. [TRADUCTION] Amirauté—Compétence—Enquête sur une collision navale—Décision de la Cour d'investigation de ne pas recommander l'annulation du certificat du capitaine Droit d'appel du ministre des Transports—Loi sur la marine marchande du Canada, S.R.C. 1952, c. 29, art. 496, 576(3). En décembre 1970, une cour constituée en vertu de l'art. 558 de la Loi sur la marine marchande du Canada, pour enquêter sur une collision entre deux navires, a fait un rapport, établi d'un commun accord par deux assesseurs, et a décidé de ne pas statuer sur le certificat du capitaine d'un des navires impliqués dans la collision, tout en jugeant que ses fautes et prévarication étaient assez graves pour justifier son intervention sur ce point. En vertu d'lart. 576(3), le ministre des Transports a interjeté à la Cour d'Amirauté, appel de cette décision de ne pas statuer sur le certificat de capitaine. Arrêt: (le Juge Noël étant dissident), il faut rejeter la requête en annulation de l'appel du Ministre, présentée par le capitaine. Le Président Jackett—Eu égard aux responsabilités du Ministre en matière d'investigation, imposées par les règles établies par le gouverneur en conseil en vertu de l'art. 578, le Ministre représentant les intérêts du public est une partie perdante par décision de la cour précitée et a, droit d'interjeter appel. The Carlisle [1906] P. 301. Par ailleurs, cette cour a en appel la même compétence que la cour pré-citée pour annuler ou suspendre le certificat du capitaine. Le Juge Thurlow—L'article 496 de la Loi sur la marine marchande du Canada qui donne au Ministre la surintendance générale de tout ce qui se rapporte aux épaves, au sauvetage et aux sinistres maritimes suffit à l'investir du pouvoir de défendre les intérêts publics dans ces domaines et à lui attribuer un statut spécial comportant donc un droit d'appel de la décision de la cour précitée en l'espèce. Le Juge Noël (opinion dissidente)—En vertu de l'art. 568 (1) de la Loi sur la marine marchande du Canada, seule la cour d'investigation, avec l'opinion con-courante d'au moins un assesseur, a compétence pour annuler ou suspendre le certificat d'un officier. En outre, l'art. 576(3) ne donne pas expressément au Ministre le droit d'interjeter appel d'une décision de la cour l'investigation re-fusant d'annuler ou de suspendre le certificat d'un officier. REQUÊTE en annulation d'appel. T. P. Cameron, pour le requérant. N. D. Mullins, c.r., et G. A. Major opposants. LE PRÉSIDENT JACKETT-11 s'agit d'une motion en vue d'obtenir une ordonnance afin de faire radier en l'espèce l'avis d'appel du ministre des Transports (ci-après désigné «le Ministre» pour les motifs que le Ministre n'a aucun droit d'appel «ainsi qu'il est exposé dans les présentes». Le 14 août 1970, conformément à l'art. 558 de la Loi sur la marine marchande du Canada, le Ministre a nommé son honneur le juge E. J. C. Stewart pour mener une investigation formelle sur les causes et circonstances qui ont engendré l'abordage entre le N.M. Queen of Victoria et le N.M. Sergey Yesenin dans l'Active Pass C.B., le 2 août 1970.
[1970] R.C.É. LE MINISTRE DES TRANSPORTS v. POLLOCK 983 Le 3 décembre 1970, le juge Stewart a fait un rapport auquel se sont ralliés les deux assesseurs nommés pour agir avec lui et dans lequel il a décidé, entre autres choses, «de ne prendre aucune décision» quant au «certificat» du capitaine R. J. Pollock, bien qu'il soit arrivé à la conclusion que «la faute et la prévarication» du capitaine Pollock «étaient suffisamment condamnables pour justifier de mettre en cause son certificat». Un «avis d'appel», daté du 30 décembre 1970 et signé d'un procureur du Ministre, a été produit devant cette cour le 31 décembre 1970. Par ce document, le Ministre a l'intention de porter appel devant cette cour de la partie de la décision en question «concernant l'annulation ou la suspension du certificat de capitaine détenu par Robert James Pollock». La présente motion en vue de faire radier l'avis d'appel a alors été déposée au nom du capitaine Pollock. Il est impossible, à mon avis, de comprendre le fondement de l'appel du Ministre ou les attaques portées contre cet appel par l'avocat du capitaine Pollock sans tenir compte des dispositions de la Loi sur la marine marchande du Canada concernant les «certificats des officiers» (Partie II), des dispositions de cette Loi réglementant «les investigations formelles sur les sinistres» (c'est-à-dire: les sinistres «maritimes», voir l'art. 551) et des «enquêtes sur la capacité et la conduite des officiers» (art. 558 à 579). Ces dispositions ne se prêtent pas à un résumé qui puisse être à la fois facile à comprendre et précis. Néanmoins, avant de pouvoir examiner la question juridique en cause, . il convient d'essayer de comprendre le mécanisme général de la Loi dans ces domaines qui se chevauchent. Dans cette tentative, je restreindrai mon examen aux certificats canadiens. Dans toutes les parties de la Loi sur la marine marchande du Canada dont nous avons à nous préoccuper, chaque référence au «Ministre» est une référence au ministre des Transports, voir l'art. 2(54). La Partie II de la Loi crée un régime aux termes duquel les diverses classes de navires doivent avoir à bord des officiers dont «des capitaines et des lieutenants» dûment «brevetés» selon une échelle fixe. Le Ministre accorde les certificats en vertu de la Loi après des examens ou en suivant les dispositions permises par la Loi. Le Ministre peut aussi suspendre ou annuler les certificats lorsqu'il a lieu de croire que ceux-ci ont été obtenus par suite d'une fausse déclaration ou de renseignements erronés (art. 131(4)). Un registre de tous les certificats est tenu au ministère des Transports (art. 140 et 2(23)) et, lorsque le ministère reçoit avis qu'«un certificat» a été révoqué, suspendu ou «modifié par l'autorité compétente», mention correspondante en est faite dans le registre des certificats (art. 141) . Enfin, il convient de remarquer, au cours de cet examen de la Partie II de la Loi sur la marine marchande du Canada, que le Ministre peut, s'il croit que la justice en l'espèce l'exige, délivrer de nouveau et rendre un certificat canadien qui a été révoqué ou suspendu en vertu d'un pouvoir conféré par la présente Loi (art. 142) .
[1970] R.C.Ê. LE MINISTRE DES TRANSPORTS v. POLLOCK 985 Après la Partie II, je pense qu'il convient de parler de l'art. 579 qui permet au Ministre de faire tenir une enquête lorsqu'il a lieu de croire qu'un capitaine, un lieutenant ou un mécanicien a) est, pour cause d'incapacité ou d'inconduite, inapte à exercer ses fonctions ou que, b) dans le cas d'un abordage, n'a pas prêté l'assistance ni donné les renseignements exigés aux art. 651 et 652. Le Ministre peut nommer une personne pour tenir l'enquête ou en ordonner la tenue devant un juge de la Cour d'Amirauté. Lorsque l'enquête est tenue par une personne nommée par le Ministre, cette personne doit expédier un rapport au Ministre. Lorsqu'elle est tenue par un juge de la Cour d'Amirauté, «la procédure régissant sa tenue et la communication des résultats ainsi que les pouvoirs que possède la cour sont les mêmes que dans le cas d'une investigation formelle sur un sinistre maritime». La dernière disposition de l'art. 579 permet au Ministre de suspendre ou annuler un certificat lorsque, «à la suite d'une telle enquête», il est convaincu a) qu'un capitaine, un lieutenant ou un mécanicien est incompétent ou qu'il s'est rendu coupable d'inconduite, d'ivresse ou de tyrannie; b) que la perte ou l'abandon ou l'avarie grave d'un navire ou la perte de vies, a pour cause la faute ou la prévarication d'un capitaine, d'un lieutenant ou d'un mécanicien; c) qu'un capitaine, un lieutenant ou un mécanicien s'est rendu coupable d'un acte criminel ou a encouru le blâme d'un coroner après enquête sur la mort d'une personne; ou d) que le capitaine ou le lieutenant, dans le cas d'un abordage entre son bâtiment et un autre, a omis, sans motifs raisonnables, d'observer les prescriptions de l'art. 651 relatives à l'assistance à prêter et aux renseignements à donner. Dans le contexte de ces dispositions concernant le régime des officiers brevetés et la suspension ou l'annulation des certificats, j'en arrive aux dispositions concernant l'investigation formelle sur les sinistres maritimes dont les dispositions traitent également de la suspension et de l'annulation des certificats des officiers. Les dispositions sur les investigations formelles peuvent être résumées brièvement comme suit: en vertu de l'art. 558, le Ministre a le droit de nom-mer un fonctionnaire ou un juge de certaines classes déterminées à la charge de commissaire pour tenir une ou plusieurs investigations formelles et, à cette fin, ce dernier constitue «une cour». L'article 560 autorise cette cour à tenir une investigation formelle, «quand le Ministre le lui ordonne», dans les cas suivants: a) lorsqu'il y a sinistre maritime; b) lorsqu'un officier a été accusé d'incapacité, d'inconduite ou d'omission; c) lorsque le capitaine, l'officier ou le pilote qui a la direction d'un bâti-ment n'accorde pas à l'autre bâtiment, en cas d'abordage, assistance ou ne lui donne pas les renseignements nécessaires; ou d) lorsque le Ministre a lieu de croire qu'un officier est, pour quelque raison, inapte ou inhabile à s'acquitter de ses fonctions.
[1970] R.C.P. LE MINISTRE DES TRANSPORTS v. POLLOCK 987 Une cour tenant une investigation formelle sur un sinistre maritime doit y procéder avec l'assistance de deux ou plusieurs assesseurs (art. 563). On a vu que, sous la rubrique «Investigations formelles sur les sinistres» se trouvent des dispositions prévoyant des investigations formelles soit sur les sinistres maritimes soit sur les accusations diverses contre les officiers brevetés ou sur les soupçons les concernant. Nous constatons maintenant que, sous la même rubrique, un article, l'art. 568, confère le pouvoir d'annuler ou de suspendre le certificat d'un officier non seulement aux cours menant de telles investigations formelles mais aux cours exerçant des pouvoirs en vertu de dispositions autres. En ce qui concerne nos préoccupations actuelles, il sem-blerait que nous puissions ignorer les pouvoirs conférés aux «cours mari-times», qui paraissent traiter de la question des navires canadiens dans les eaux étrangères, et aux cours tenant des enquêtes en vertu de la Partie II. (En tout cas, je n'ai pu trouver de dispositions applicables dans la Partie II.) En laissant de côté ces cours, nous constatons que l'art. 568 autorise l'annu-lation ou la suspension du certificat d'un officier a) par une cour tenant une investigation formelle sur un sinistre maritime, si la cour constate que la perte ou l'abandon ou l'avarie grave d'un navire, ou la perte de vies, a pour cause la faute ou la prévarica-tion de cet officier (la cour tenant l'investigation formelle ne peut expressément exercer ce pouvoir que si au moins un des assesseurs se rallie à sa «conclusion») ; ou b) par une cour tenant une enquête sur la conduite de l'officier, «si elle constate qu'il est incompétent ou qu'il s'est rendu coupable d'incon-duite, d'ivresse ou tyrannie grossière», ou que, dans le cas d'un abor-` dage, il n'a pas prêté assistance ni fourni de renseignements. Tout officier dont le certificat a été annulé ou suspendu a le droit de recevoir gratuitement une copie du jugement de la cour (art. 572) . La cour doit, dans tous les cas, transmettre au Ministre le jugement et la preuve et, si elle a décidé d'annuler ou de suspendre un brevet, elle transmet le certificat au Ministre (art. 573) qui le conserve (art. 574 a)). Après l'examen de ces dispositions générales d'arrière-plan, je peux main-tenant me reporter aux dispositions qui sont en relation directe avec la pré-sente demande. Je me réfère aux dispositions suivantes de la Loi sur la marine marchande du Canada: 576. (1) Dans tous les cas où une investigation formelle a été tenue, le Ministre peut en ordonner la reprise, soit d'une façon générale, soit à l'égard de l'une de ses parties; et il en ordonne ainsi a) si des preuves nouvelles et importantes qui ne pouvaient être produites à l'investigation ont été découvertes, ou b) si, pour quelque autre raison, il est d'avis qu'il y a lieu de soupçonner un déni de justice. * * * (3) Lorsque, dans une telle investigation, une décision a été rendue relative-ment à l'annulation ou à la suspension du certificat d'un capitaine, d'un lieutenant ou d'un mécanicien, ou du brevet d'un pilote, et qu'une demande de reprise ou de nouvelle audition, en vertu du présent article, n'a pas été faite ou a été rejetée, il peut être interjeté appel de cette décision à la Cour d'Amirauté.
[1970] R.C.E. LE MINISTRE DES TRANSPORTS v. POLLOCK 989 (4) Toute reprise ou nouvelle audition ou tout appel en vertu du présent article est assujetti aux conditions et régi par les règlements que peuvent prescrire les règles établies à cet égard en vertu des pouvoirs contenus dans la présente Partie. * * * 578. Le gouverneur en conseil peut établir des règles pour rendre exécutoires les dispositions législatives se rapportant aux enquêtes préliminaires et aux investigations formelles ainsi qu'à la reprise d'une investigation formelle et à l'appel de la décision rendue en l'espèce, et, en particulier, à la nomination et l'assignation des assesseurs, à la procédure, aux parties, aux personnes admises à comparaître et à l'avis aux parties ou aux personnes intéressées. Je me réfère également aux dispositions suivantes des Règles sur les sinistres maritimes adoptées par l'arrêté en conseil numéro 1954-1861 du ler décembre 1954 sous le régime de l'art. 578 de la Loi sur la marine marchande du Canada, à savoir: 2. Dans le présent règlement, .. . c) «investigation» signifie une investigation formelle sur un sinistre maritime; et * * * 8. Le Ministre et toute personne à qui a été signifié un avis d'investigation sont parties aux procédures. Enfin, je me réfère aux dispositions suivantes des Règles sur les appels en cas de sinistres maritimes qui ont été adoptées par le même arrêté en conseil, à savoir: 2. Dans le présent règlement, .. . g) «partie» désigne une partie aux procédures d'une investigation formelle tenue en vertu des Règles sur les sinistres maritimes; et * * * 12. Si elle le juge à propos, la Cour de l'Échiquier peut ordonner d'ajouter comme partie aux procédures pour les objets de l'appel, aux conditions, quant aux frais et autres détails, qu'elle juge convenables, toute personne autre que les parties auxquelles a été signifié un avis d'appel; toute partie aux procédures peut s'opposer, pour motif d'inutilité, à la comparution de toute autre partie aux procédures. La question à trancher dans la présente demande est de savoir si le Ministre peut, aux termes de l'art. 576(3) de la Loi sur la marine marchande du Canada, en appeler de la décision «de la cour» de ne pas annuler ou sus-pendre le certificat du capitaine Pollock. De prime abord, à mon avis, les termes de l'art. 576 (3) s'appliquent au problème. Il est bien établi que, lors d'une investigation à laquelle s'appliquent les termes «une telle investigation» (c'est-à-dire une «investigation formelle» dont parle l'art. 576(1) ), on a rendu une décision qui n'annule ou ne suspend le certificat du capitaine Pollock, c'est-à-dire «un certificat de capitaine». Il s'agit bien à mon avis d'une décision «relativement à l'annulation ou à la suspension du certificat d'un capitaine». 1 Aucune demande de reprise n'a été formulée. Les termes suivants de l'art. 576 (3) s'appliquent donc: Lorsque, dans une telle investigation, une décision a été rendue relativement à l'annulation ou à la suspension du certificat d'un capitaine, ... il peut être inter-jeté appel de cette décision à la Cour d'Amirauté. 1 S'il pouvait subsister quelques doutes quant à l'applicabilité de ces termes à cette déci-sion, ils disparaîtraient, à mon avis, après une référence à l'art. 568 dont les termes «la déci-sion ... relativement à l'annulation ou à la suspension du certificat= s'appliquent manifestement à la décision en l'espèce.
[1970] R.C.A. LE MINISTRE DES TRANSPORTS v. POLLOCK 991 ' Pour moi, il n'y a donc pas de doute que les termes de la disposition con- cernant l'appel sont assez larges pour autoriser l'appel. La difficulté réside dans le fait de déterminer qui est autorisé par l'art. 576 (3) à en appeler d'une telle décision. Sur cette question le paragraphe est muet. Il est évident que, lorsqu'une disposition d'appel est muette sur ce sujet, les personnes lésées par une décision sont celles qui peuvent porter appel. L'article 576(3) confère donc un droit d'appel à la personne dont le certificat a été annulé ou suspendu. La question est de savoir si, d'après les faits de l'espèce, il est possible de dire que le Ministre est une personne lésée par la décision relative à l'annulation ou la suspension du certificat de sorte qu'elle puisse bénéficier du droit d'appel établi par l'art. 576(3). Le Ministre occupe certainement une place particulière en vertu de la Loi sur la marine marchande du Canada relativement au régime des officiers brevetés. Il constitue l'autorité qui accorde les certificats et il a le devoir et le pouvoir de procéder à des enquêtes2 lorsqu'il a lieu de croire que les certi-ficats sont détenus par des personnes incapables ou inaptes; après certaines de ces enquêtes, il est l'autorité compétente pour annuler ou suspendre un certificat. Le Ministre occupe également une place particulière en vertu de la Loi sur la marine marchande du Canada relativement aux investigations sur les sinistres maritimes. Il constitue l'autorité compétente pour créer les cours qui mènent les investigations sur ces faits et il reçoit leurs rapports (art. 573) . En vertu de cette compétence, il a le pouvoir et, dans certains cas, le devoir de faire procéder à une nouvelle audition complète ou partielle sur un évé-nement semblable (art. 576) . A mon avis, cependant, ni la position particulière qu'il occupe relative-ment au régime des officiers brevetés ni celle qu'il occupe relativement aux investigations sur les sinistres maritimes ne font du Ministre une personne lésée par une décision sur l'annulation ou la suspension d'un certificat de capitaine. Le problème, cependant, n'est pas là. Bien que la Loi ne contienne aucune règle concernant la conduite des investigations formelles, l'art. 578 permet au gouverneur en conseil d'établir des règles pour rendre exécutoires les dispositions législatives se rapportant, entre autres, aux investigations formelles et, en particulier, à la procédure et aux parties. Outre les règles déjà citées qui permettent au Ministre d'être partie dans une telle investigation, ces règles imposent au ministère la tâche essentielle de fournir la preuve et per-mettent à ce dernier «de s'adresser à la cour dans une réponse sur toute l'af-faire». Il me semble que, par ces règles, le gouverneur en conseil a, en exer-çant les pouvoirs prévus par l'art. 578, imposé au Ministre un nouveau rôle relativement aux investigations formelles. En tant que ministre de la Cou-ronne, chargé ainsi de la place la plus éminente comme partie dans l'investigation, il devient la partie qui «représente le public dans cette affaire». 2 Investigations formelles en vertu de l'art. 560 et enquêtes tenues par des juges de la Cour d'Amirauté ou par d'autres personnes en vertu de l'art. 579.
[1970] R.C.A. LE MINISTRE DES TRANSPORTS v. POLLOCK 993 La place du Ministre dans une investigation formelle au Canada sem-blerait être la même que celle du Board of Trade décrite dans The Carlisle 3 par le président aux pp. 313-15, à savoir: Il n'est nullement question de l'honnêteté et de la droiture du Board of Trade dans la conduite de la présente affaire. Autrefois, j'ai acquis une grande connaissance de la façon dont le Board of Trade menait ses enquêtes; comme j'étais toujours opposé au ministère, je pense que je suis très bien placé pour juger de son honnêteté et de sa droiture. La question réside dans la position que le Board of Trade doit adopter à la conclusion de la preuve. Autrefois il n'y avait pas de difficulté, car le Board of Trade était tenu de dire en audience publique si, à son avis, il convenait de mettre en cause le certificat de l'officier. Dans la présente affaire, ce qui s'est passé explique très clairement sa position. A la clôture de la preuve voici ce qui est arrivé: [Le savant juge s'est référé à la discussion déjà tenue entre l'avocat représentant le capitaine, l'avocat au nom du Board of Trade et le magistrat relativement à la .mise en cause du certificat, puis a continué:] Or l'une des questions posées était celle-ci: `La perte du Carlisle et la perte de vies ont-elles eu pour cause la faute ou la prévarication du capi-taine?* Le Board of Trade a adopté une position selon laquelle il ne devrait pas être condamné aux dépens lorsque son avocat ne prie pas jugement sur certains points et selon laquelle il incombe au magistrat de décider s'il jugera en faveur de certains faits qui justifieront de prendre une décision quant au certificat, s'il mettra le certificat en cause et s'il infligera telle ou telle condamnation. La position pro-posée me semble être incorrecte, car nous devons considérer la façon dont une affaire de ce genre se déroule. Un accident se produit. C'est un accident d'une nature telle qu'il est souhaitable qu'une enquête ait lieu. Le Board of Trade décide qu'il y aura une telle enquête. La totalité de la preuve sur cette question est alors produite devant la cour de la façon ordinaire. Une enquête a lieu. Tout d'abord, on ne peut absolument pas être certain de la façon dont se déroulera l'enquête, quelles questions seront soulevées et comment l'affaire sera traitée, et ce n'est qu'à la fin qu'on peut être certain de la position exacte à adopter. Dès que l'enquête est terminée, les questions sont posées. Ces questions peuvent entraîner directement le risque pour le capitaine ou tout autre officier de voir son certificat suspendu et c'est presque le cours naturel des choses qu'à partir de ce moment le capitaine ou l'officier se trouvent dans une position de défendeur accusé d'une faute qui peut conduire, en cas de preuve contre lui, à la suspension de son certificat. Si l'affaire est présentée ainsi qu'on l'a fait en l'espèce, on demande en réalité au magistrat de prendre une décision quant au certificat s'il trouve que les faits justifient cette façon d'agir. Il est naturel alors que le magistrat, s'il est con-vaincu de l'existence de ces faits, en vienne à s'occuper du certificat et inflige la sanction qu'il juge légitime. Je ne peux m'empêcher de penser que cette position n'est pas satisfaisante. Eu égard à tous les points de vue à l'honnêteté et à la droiture avec laquelle ces enquêtes sont menées, le Board of Trade représente le public dans ces a$aires. Il a aussi des devoirs envers ceux qui sont concernés, le capitaine, les propriétaires et autres personnes, et il est souhaitable qu'il les accomplisse convenablement. Nous devons alors nous demander dans quelle position se trouve le Board of Trade, par l'intermédiaire de son avocat, au moment de la clôture de l'enquête. Si à ce moment, il est clair, raisonnablement clair, qu'il ne s'agit pas d'une affaire entraînant la suspension du certificat, je ne peux m'em-pêcher de penser que le Board of Trade est libre de le dire. Par contre, s'il s'agit d'une preuve très forte qui fait voir la négligence et l'inconduite grossière du capitaine qui ont abouti à des pertes causées, pour reprendre les mots de l'article, «par sa faute ou sa prévarication,* je crois le Board of Trade tout à fait justifié et dans son devoir de dire au magistrat qu'il s'agit d'une affaire d'une telle nature et qu'il convient de traiter du certificat. Il me semble en résulter logiquement qu'à la fin de l'enquête le Board of Trade doit établir la ligne de conduite qu'il suivra. S'il abandonne simplement l'affaire au magistrat au lieu de lui donner son point de vue sur la question, il laisse le magistrat entièrement livré à lui-même sans lui [1906] P. 301.
[1970] R.C.A. LE MINISTRE DES TRANSPORTS v. POL.00K 995 apporter, il me semble, toute l'aide qu'il pourrait. Il me paraît souhaitable dans l'intérêt de tous ceux qui sont concernés que le Board of Trade ait le pouvoir que j'ai indiqué et qu'il l'exerce. Je ne crains nullement qu'il l'exerce à l'encontre de la personne chargée du navire au-delà de la, limite justifiée par la preuve, car je peux entièrement me fier à l'honnêteté avec laquelle toute accusation sera portée. (Les italiques sont de moi.) Il convient également de remarquer que, dans l'affaire The Royal Star,4 on a accepté le Board of Trade comme partie recevable à soulever l'objection que, en l'espèce, le capitaine n'avait aucun droit de porter appel contre la décision d'une «cour» qui l'avait condamné. Puisqu'il représente «le public» en ce domaine, si la décision de la cour concernant l'annulation ou la suspension d'un certificat de capitaine est erronée, à mon avis, le Ministre, au nom du «public», constitue une partie lésée par cette décision.° En étant arrivé à cette conclusion, je dois statuer sur la prétention, faite au nom du requérant, selon laquelle la présente cour n'a pas compétence pour annuler ou suspendre un certificat, car cette compétence appartient seule-ment aux cours chargées de tenir des investigations formelles. Je ne vois aucun fondement à cette prétention. Ainsi que je le lis dans les dispositions de la Loi, la cour tenant une investigation formelle a compétence pour annuler ou suspendre un certificat et il est interjeté appel devant la présente cour des décisions de cette cour relativement à l'annulation ou à la suspension. Il me semble évident que, lorsqu'il y a appel, en l'absence de directives particulières de la Loi quant à la solution à apporter, la cour d'appel a compétence pour rendre le jugement que la cour inférieure aurait dû rendre.° Je suis d'avis que la motion devrait être rejetée. Les dépens suivront l'instance principale. LE JUGE THuRLow—Le problème qui se pose dans la présente motion est de savoir si le ministre des Transports a le droit d'interjeter appel devant la présente cour contre la décision de ne pas traiter du certificat de l'intimé qu'a rendue une cour constituée en vertu des dispositions de la Loi sur la marine marchande du Canada afin de tenir une investigation formelle sur un sinistre maritime dans lequel s'est trouvé impliqué le navire commandé par l'intimé. [1928] P. 48. 5 Le fait que l'art. 576 (1) limite l'appel ci-dessous au cas oh «une demande de reprise ou de nouvelle audition ... n'a pas été faite ou a été rejetée. ne restreint pas autrement la portée de cette disposition telle que je la lis. Je ne peux voir en ces mots le refus implicite de tout appel par le Ministre sous le prétexte qu'il est la personne à qui cette demande est faite, lorsqu'elle est faite. e J'ajouterais également que je ne vois pas comment les directives données dans l'art. 568(1)a) à la cour qui tient l'investigation suivant lesquelles celle-ci ne doit annuler ou sus-pendre que si l'un des assesseurs se rallie à sa .conclusion. peuvent, en droit, constituer une entrave au pouvoir de la cour d'appel. Il existe des divergences d'opinion quant à la signification précise de ces directives de la Loi. De prime abord, la conclusion. à laquelle il faut se rallier est la conclusion. indiquée plus haut dans l'alinéa constatant «que la perte ou l'abandon ou l'avarie grave d'un navire, a pour cause la faute ou le prévarication dudit capi-taine.. Si, cependant, ce mot, lorsqu'il est convenablement interprété, se rapportait à la conclusion quant à savoir s'il devait y avoir annulation ou suspension et, s'il en était ainsi, laquelle de ces deux sanctions devrait être imposée, la cour d'appel consulterait, en fait, ses propres assesseurs, (voir le règlement 11). Le sens de l'art. 568(1)a) devient moins clair selon moi lorsque l'on compare les versions anglaises et françaises.
[1970] R.C.E. LE MINISTRE DES TRANSPORTS v. POLLOCK 997 L'appel concernant une telle décision est prévu à l'art. 576 (3) de la Loi, mais ce paragraphe n'indique pas expressément qui peut le porter. En effet il ne semble dire guère plus que le fait qu'on puisse porter appel devant la présente cour d'une décision du genre visé. Le paragraphe semble envisager que l'appel peut être considéré comme une solution de remplacement à la procédure de nouvelle audition prévue par le par. (1) et que, de plus, cette dernière constitue un recours qu'on peut obtenir par demande. Toutefois le paragraphe est encore muet quant à savoir qui peut faire une telle demande. Il me paraît quelque peu absurde que ce paragraphe puisse envisager que le Ministre fasse une demande pour exercer le pouvoir que le par. (1) lui confère. L'absurdité de cette procédure, cependant, ne résout pas le pro-blème qui nous préoccupe puisque cette procédure n'a pas besoin d'être invo-quée si on considère l'appel prévu par le par. (3) comme la mesure appro-priée, on ne l'a d'ailleurs pas invoquée dans la présente affaire. Si, comme je le pense, il s'agit d'une question de déduction, il n'y a aucune difficulté à conclure des termes du par. (3) lui-même qu'une personne dont le certificat a été annulé ou suspendu constitue une partie à laquelle le droit d'appel est donné. Par ailleurs, bien qu'aucun terme de l'art. 576(3) ne me semble l'empêcher, il est beaucoup moins évident qu'on puisse dé-duire du même paragraphe que le ministre des Transports dispose du droit d'en appeler d'une décision de la cour de ne pas suspendre ou annuler un certificat ou de le suspendre ou de l'annuler pendant une période que le Ministre peut juger insuffisante. De plus, rien dans l'art. 576(4), à ce qu'il. me semble, n'appuierait une telle déduction. Le président de la cour est d'avis que la procédure établie en vertu des règles concernant les investigations formelles, règles qui ont force de Loi, place le Ministre dans une situation en vertu de laquelle il représente l'inté-rêt public en ce domaine Il constituerait donc une partie lésée par la décision et serait habile à en appeler et, à ce propos, le président cite l'arrêt qu'a rendu la Court of Appeal d'Angleterre sur une législation et des règle-ments semblables dans l'affaire The Carlislel. Je ne suis pas en désaccord avec cette façon de voir ni avec la conclusion à laquelle elle conduit, mais je crois que le même résultat découle de l'art. 496 de la Loi et je préfère fonder mon opinion là-dessus. L'article se lit ainsi: 496. Sur toute l'étendue du Canada, le Ministre exerce la surintendance générale de tout ce qui se rapporte aux épaves, au sauvetage et aux sinistres maritimes. Il me semble que cette disposition est par elle-même suffisante pour remettre au Ministre la charge de protéger l'intérêt public en faisant faire des enquêtes sur les sinistres maritimes et déterminer les responsables et en veil-lant à ce que des résultats convenables relativement au certificat des personnes concernées, ainsi que la Loi le prévoit, soient obtenus. Il me semble découler de tout cela que le Ministre, puisqu'il représente l'intérêt public, constitue une partie concernée par la décision de ne pas suspendre ou annuler un certificat tout autant que la personne dont le certificat a été suspendu ou annulé. En conséquence, je crois que le Ministre dispose du droit de contester la décision par voie d'appel . ainsi que le prévoit l'art. 576 (3) et constitue une partie à laquelle le droit d'appel a été donné. 2 [1906] P. 301.
[1970] R.C.E. LE MINISTRE DES TRANSPORTS v. POLLOCK 999 Je rejetterais la motion et j'ordonnerais que les dépens soient inclus dans ceux de l'instance principale. LE JUGE NOEL (dissident)—L'appel porte sur la partie de la décision prise après une investigation formelle qui concerne l'annulation ou la suspension du certificat de capitaine détenu par le capitaine James Pollock. Il s'agit d'une décision que son honneur le juge E. J. C. Stewart a prononcée le 3 décembre 1970 et dans laquelle il a jugé que le certificat dudit capitaine Robert James Pollock ne devait pas être annulé ou suspendu à la suite des fautes ou prévarications de sa part qui auraient entraîné l'avarie grave de navires et la perte de vies. L'appel est fondé sur le motif que la décision précitée est erronée et que les fautes ou prévarications de l'intimé justifient la suspension de son certi-ficat. L'appelant soutient essentiellement que, tout en concluant que l'intimé a commandé son navire en violation de la règle 25A du Règlement sur les abordages, C.P. 1965-1552 (parce que, dans un passage étroit, tout navire à moteur doit, en franchissant ce passage, lorsqu'il est sûr et praticable, tenir le côté du passage ou la moitié du chenal situés à tribord de ce navire), le savant juge a négligé d'examiner ou d'étudier convenablement les dispositions de l'art. 647 (3) du c. 29 de la Loi sur la marine marchande du Canada S.R.C. 1952, en vertu desquelles l'inobservation du Règlement sur les abor-dages est censée constituer une omission volontaire de la personne qui était de service sur le pont du bâtiment. La partie en question de la décision du savant juge concernant l'intimé se lit comme il suit: L'affaire du capitaine R. J. Pollock a posé des problèmes à la Cour. II n'y a pas de doute que sa faute et sa prévarication étaient suffisamment graves pour justifier le fait de mettre en cause son certificat. En même temps, il convient de remarquer qu'il s'agissait d'une erreur passagère du point de vue des normes acceptables de la navigation qui s'est produite au moment où les messages radio-téléphoniques du «Queen of Esquimault» ont dû le bercer d'une vaine sécurité. . . . Le capitaine Pollock avait 57 ans au moment de l'audition et était évidemment dans un état de grande tension, ce qui le faisait paraître plus âgé qu'il ne l'était. II possède 36 années d'expérience de la mer, dont certaines dans la Royal Navy, pendant la guerre, dans la section aéronavale de l'Aviation royale du Canada et d'autres dans le commerce intérieur à titre de lieutenant en 1948 et de capitaine à partir de 1953. Il est capitaine pour le compte de la British Columbia Ferries depuis 1963 et a pris le commandement du iQueen of Victoria» voilà presque 2 ans. Je n'ai entendu parler d'aucune difficulté antérieure. Le jour de la clôture des auditions, on a annoncé que le capitaine Pollock avait été suspendu par son employeur. Sans critiquer aucunement cette mesure, je la considère comme une sanction qu'on lui aurait déjà imposée. Il se pourrait bien que la mauvaise note que lui a value le présent accident peut empêcher sa réintégration dans son commandement antérieur ou dans un commandement semblable. Le capitaine Pollock a déjà reçu une grande punition. Compte tenu de toutes les circonstances, la Cour doute sérieusement que la suspension de son certificat profite de quelque façon au public ou vise quelque but pratique. La Cour a donc décidé de ne prendre aucune décision quant à son certificat. Le commissaire a signé le rapport auquel se sont ralliés les deux assesseurs.
[1970] R.C.11. LE MINISTRE DES TRANSPORTS v. POLLOCK 1001 L'intimé demande maintenant à la présente cour de rendre une ordon-nance en vue de faire radier l'avis d'appel de l'honorable ministre des Transports pour les motifs que celui-ci n'a aucun droit d'appel en l'espèce et son avocat a avancé un certain nombre d'arguments à cet effet. Il convient de rejeter le présent appel et il me suffit de m'appuyer sur les deux motifs suivants: Je suis d'avis qu'en vertu de l'art. 568 (1) du c. 29 de la Loi sur la marine marchande du Canada, S.R.C. 19521 , seule une cour tenant une investigation formelle a le pouvoir d'annuler ou de suspendre le certificat d'un capitaine, d'un lieutenant ou d'un mécanicien et qu'elle détient ce pouvoir d'annulation ou de suspension d'un certificat uniquement si au moins un des assesseurs se rallie à sa conclusion quant à cette annulation ou suspension 2. Il me semble évident que c'est seulement dans ce cas qu'une cour peut sus-pendre ou annuler un certificat, car, à mon avis, la suspension ou l'annula-tion d'un certificat fait autant partie de la conclusion de la cour (c'est-à-dire d'une conclusion sur une question de fait), que de la décision ou conclusion de la cour qui établit si «la perte ou l'abandon ou l'avarie grave d'un navire ou la perte de vie, a pour cause la faute ou prévarication». Il s'agit certaine-ment d'une affaire dont la cour doit en fin de compte s'occuper et, ainsi que le prévoit l'art. 568(5), elle «doit faire connaître en audience publique la décision à laquelle elle (la cour) en est venue relativement à l'annulation ou la suspension du certificat». Comme la loi donne un droit de suspension ou d'annulation à la cour d'investigation, qui est de la nature d'une sanction, et seulement si au moins un assesseur s'y rallie, il s'ensuit, je crois, qu'au-cune autre cour n'a reçu de pouvoirs analogues et je ne peux voir comment une cour d'appel peut obliger un assesseur à se rallier à une annulation ou à une suspension qu'elle aurait ordonnée. Je suis également d'avis que l'art. 576 de la Loi sur la marine marchande du Canada n'accorde pas au Ministre le droit d'appel. Le paragraphe (1) de cet article donne au Ministre le droit d'ordonner la reprise d'une investigation, soit d'une façon générale, soit à l'égard de l'une de ses parties. Il déclare, alors, que le Ministre doit en décider ainsi a) si des preuves nouvelles et importantes qui ne pouvaient être produites à l'investigation ont été découvertes, ou b) si, pour quelque autre raison, il est d'avis qu'il y a 1 568. (1) Le certificat d'un capitaine, d'un lieutenant ou d'un mécanicien, ou le brevet d'un pilote, peut être annulé ou suspendu a) par une cour tenant une investigation formelle sur un sinistre maritime en vertu de la présente Partie, ou par une cour maritime constituée en vertu de la présente loi, si la cour constate que la perte ou l'abandon ou l'avarie grave d'un navire, ou la perte de vies, a pour cause la faute ou la prévarication dudit capitaine, lieutenant, mécanicien ou pilote; mais la cour ne doit annuler ou suspendre un certificat que si au moins un des assesseurs se rallie à sa conclusion; 2 La version anglaise de l'article n'est peut-être pas aussi claire sur cette question qu'elle pourrait l'être, mais la version française est explicite lorsqu'elle déclare dans les dernières lignes de l'art. 568(1)a): «mais la cour ne doit annuler ou suspendre un certificat que si au moins un des assesseurs se rallie à sa conclusion;=. C'est également l'interprétation que le juge Pigeon a donnée à cet article dans l'affaire Jones et Maheux c. Gamache [1969] R.C.S. 119, à la p. 126, lorsqu'en se référant à l'art. 568(1)a) de la Loi sur la marine marchande du Canada, il a dit: Enfin, comme on l'a déjà indiqué, au cas de sinistre, l'art. 568 permet à la Cour d'annuler ou suspendre un brevet de pilote si au moins un des assesseurs se rallie à cette conclusion, mais il y a droit d'appel de cette décision (art. 576, par. (3) ).
[1970] R.C.É. LE MINISTRE DES TRANSPORTS v. POLLOCK 1003 lieu de soupçonner un déni de justice. Le paragraphe (2) du même article confère ensuite au Ministre le droit d'ordonner que la cause soit entendue de nouveau par la cour qui en a connu en premier lieu ou de pouvoir nommer un autre commissaire et désigner les mêmes assesseurs ou d'autres pour entendre de nouveau la cause. Il n'est pas tout à fait évident, à mon avis, que le Ministre puisse de sa propre initiative ordonner que la cause soit entendue de nouveau, mais il me semble que le Ministre a à sa disposition, grâce à ce paragraphe, un certain nombre de moyens pour compléter ou modifier un rapport. Voilà, je crois, le seul recours donné au Ministre à la suite d'un rapport sur une investigation formelle. Le paragraphe (3) de l'art. 576 de la Loi semble à première vue donner un droit d'appel à toute partie à une investigation formelle touchée par la décision, y compris éventuellement le Ministre puisqu'il représente l'intérêt public et qu'il doit porter toute l'attention nécessaire à veiller à ce que des mesures correctives soient prises pour empêcher toute répétition du sinistre enquêté et à s'acquitter de ses fonctions aux termes de la Loi en s'assurant que seuls des officiers compétents et de bonne conduite détiennent des cer-tificats. Cependant, rien dans le par. (3) n'accorde clairement au Ministre le droit de faire appel de la décision d'un commissaire qui refuse d'annuler ou de suspendre un brevet. En effet les termes utilisés dans le par. (3) selon lesquels il peut être interjeté appel «relativement à l'annulation ou à la suspension du certificat d'un capitaine, d'un lieutenant ou d'un mécanicien, ou du brevet d'un pilote» ne pourraient avoir de sens et, à mon avis, n'ont de sens que lorsqu'un certificat a vraiment été annulé ou suspendu. Il convient de lire le paragraphe en cause en tenant compte de son contexte et en por-tant toute l'attention voulue aux nombreux recours accordés au Ministre pour compléter ou modifier les rapports d'investigation ou pour s'occuper des marins en faute. Si l'on procède ainsi, il semble alors que les seules parties, que les dernières lignes du paragraphe envisagent et qui sont inté-ressées à en appeler de la décision, sont celles dont le certificat a été annulé ou suspendu. Les derniers mots du par. (3) de l'art. 576, selon lesquels il peut être interjeté appel lorsqu'«une demande de reprise ou de nouvelle audition, en vertu du présent article, n'a pas été faite ou a été rejetée», indi-quent clairement que le Ministre ne constitue pas une partie munie du droit d'appel. Ils ne peuvent en effet concerner vraiment qu'une partie autre que le Ministre, touchée par la décision du commissaire, qui n'a pas formulé une demande ou qui a vu sa demande rejetée, puisque le Ministre semble être la personne à qui la demande est faite et qui pourrait la rejeter. Il serait en effet absurde de soutenir que le Ministre pourrait se faire une demande à lui-même ou pourrait rejeter sa propre demande. Il se trouve également que cela est confirmé par la façon selon laquelle les règles d'appel sont ré-digées et à partir de laquelle seules les parties autres que le Ministre peuvent formuler une telle demande. En conséquence, je conclus que le par. (3) de l'art. 576 de la Loi n'a jamais entendu donner au Ministre un droit d'appel. Le fait de trancher la question de savoir si un certificat devrait être annulé ou suspendu constitue en effet un problème laissé à la discrétion de la cour d'investigation dans le cadre de ses pouvoirs comme le prévoit l'art. 568(1): «le certificat d'un capitaine, d'un lieutenant ou d'un mécanicien ou le brevet d'un pilote, peut être
[1970] R.C.E. LE MINISTRE DES TRANSPORTS v. POLLOCK 1005 annulé ou suspendu». Cela, dans la mesure où le Ministre est concerné, ne peut être modifié que par une nouvelle audition. Je dois aussi répéter que, l'art. 568(1), ayant accordé à la cour d'investigation le pouvoir d'annuler ou suspendre un certificat, à la condition qu'au moins un de ses assesseurs se rallie à cette décision, il faudrait des termes plus clairs que ceux du par. (3) de l'art. 576 pour donner à une cour d'appel le même pouvoir. Il s'ensuit par conséquent que l'honorable ministre des Transports ne dispose d'aucun droit d'appel en l'espèce et que son avis d'appel devrait être radié.
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