[1970] R.C.É. ATLANTIC SALVAGE v. CALGARY CATALINA 1013 A. Couturier & Fils Ltée (Demanderesse) v. St. Simeon Navigation Inc. (Défenderesse) Le Juge Walsh en amirauté. Montréal, les 25, 26, 27, 28 janvier 1971; Ottawa, le 20 mai 1971. [TRADUCTION] Marine marchande Perte d'une cargaison en pontée par gros temps—Connaissement déliant le voiturier de la responsabilité de la cargaison en pontée Aucune indication expresse dans le connaissement selon laquelle la cargaison aurait dû être arrimée en pontée Affréteur au courant du transport de la cargaison en pontée— Le navire était-il en état, de navigabilité compte tenu des conditions atmosphériques prévisibles?—Fardeau de la preuve, doit-il être déplacé? Règle de La Haye, Article Ic), 111(8), IV(1), (2)c), (2)q) (Loi sur le transport des marchandises par eau, S.R.C. 1952, c. 291, annexe) Du bois arrimé sur le pont d'un navire est tombé à la mer par gros temps et sous l'effet du givre pendant la traversée du fleuve St-Laurent. Dans une action intentée par l'affréteur contre le voiturier, la cour a conclu que la perte provenait du fait que le bois avait été arrimé en pontée sur une trop grande hauteur, vu la stabilité du navire et compte tenu du temps prévisible, et que le navire n'était pas en état de navigabilité au moment du départ. Le connaissement indiquait qu'il était régi par la Loi sur le transport des marchandises par eau (Règles de La Haye) et que toute disposition incompatible avec celle-ci était nulle. Le connaissement prévoyait que la cargaison arrimée en pontée serait censée avoir été déclarée ainsi arrimée et que le voiturier n'était pas responsable de la perte des effets ainsi arrimés pour quelque cause que ce soit y compris la négligence ou le mauvais état de navigabilité du navire. L'Article Ic) des Règles de La Haye exclut de la définition du mot «effets» la cargaison que le contrat de transport déclare être voiturée sur le pont et est ainsi voiturée. Arrêt: Le voiturier est responsable de la perte. Il ne s'est pas libéré du fardeau que lui imposait l'Article IV(1) des Règles de La Haye de prouver l'exercice d'une diligence raisonnable pour mettre le navire en état de navigabilité au début de la traversée ni (2) du fardeau que lui imposait l'Article IV(2)q) de prouver qu'il n'y a pas eu faute ou connaissance de sa part ou faute ou négligence de la part de ses agents qui ont contribué à la perte. Enfin il n'a pas prouvé que la perte provenait des périls de la mer (Article IV(2)c)). Bien que le connaissement n'ait pas prévu expressément que le bois devait être transporté en pontée, la disposition du connaissement relevant le voiturier de la responsabilité de la cargaison n'a pas été annulée en vertu de l'Art. 111(8) des Règles de La Haye puisque l'affréteur savait que le bois serait transporté sur le pont. Néanmoins, la disposition en question était incompatible avec les Règles de La Haye et ne pouvait donc avoir comme effet de transférer du voiturier à l'affré-teur le fardeau de la preuve prévu par l'Article IV(1) et (2)q).
[1970] R.C.É. COUTURIER v. ST. SIMEON NAVIGATION 1015 ACTION en dommages et intérêts pour perte de cargaison. David Angus et Vincent Prager, pour la demanderesse. Richard Gaudreau, pour la défenderesse. LE JUGE WALsx—La présente réclamation résulte de la perte d'une cer-taine quantité de bois de construction chargée sur le pont d'un navire au cours d'une traversée du fleuve St-Laurent; le trajet s'effectuait de Marsoui (Québec), sur la rive sud, à Sept-Îles sur la côte nord, durant l'hiver 1968. La preuve a révélé que le 30 novembre 1968 le navire N.M. Miron C, pro-priété de la défenderesse, St. Siméon Navigation Inc., et commandé par le capitaine Michel Taschereau, a reçu à son bord, et en bon état, une cargaison appartenant à la demanderesse et comprenant 461,500 pieds-planche (pleine mesure) d'épinette, 200 paquets de latte et 34 paquets de bardeaux, pour être transportée à Sept-Îles (Québec), tel qu'il appert du connaissement affé-rant à ce chargement.'Ledit navire a quitté Marsoui vers 23h45, le 30 novem-bre 1968. Vers 01h10, le ler décembre, quelque 233,459 pieds-planche d'épinette, ainsi que les lattes et les bardeaux, quittaient le pont et tombaient à la mer, occasionnant à la demanderesse une perte de $20,357.09. La demanderesse allègue qu'il y a eu rupture de contrat, que la perte est due à la négligence de la défenderesse et des personnes dont elle était respon-sable en ce que: a) Le navire Miron C n'était ni stable ni en état de navigabilité au début dudit voyage et les défendeurs n'ont pas été suffisamment diligents pour s'assurer qu'il était capable de tenir la mer et de transporter le chargement des deman-deresses; b) L'état d'instabilité du navire ne permettait pas le voyage projeté; c) Le chargement perdu a été, à tort, transporté en pontée; d) L'ensemble du chargement était insuffisamment et incorrectement arrimé et on ne s'est pas servi de câbles ou d'étamperches; e) Les défendeurs savaient pertinemment qu'à son départ le navire Miron C dépassait de beaucoup la charge autorisée par les règlements et les mesures de sécurité, surtout à des fins de navigation hivernale; f) Avant le départ, les défendeurs ne se sont pas préoccupés de savoir si les conditions météorologiques sur le fleuve St-Laurent et le golfe étaient favorables au voyage projeté, s'ils l'avaient fait, ils auraient pu prévoir les conditions auxquelles ils ont del effectivement faire face; les défendeurs auraient de toute façon dG prévoir lesdites conditions; et que ces négligences constituent une faute lourde. La défense soutient que le navire était en état de navigabilité avant et après son chargement à Marsoui, qu'il n'était pas chargé en deçà de la ligne de chargement autorisée, que la quantité de bois arrimée en pontée n'était pas excessive par rapport à celle arrimée dans la cale, que le bois arrimé dans la cale et sur le pont au-dessous des pavois ne s'est pas dé-placé ou n'a subi aucune avarie, que le capitaine ne pouvait prendre le risque de rester à quai à Marsoui, étant donné les forts vents d'ouest prévus pour le lendemain, qu'au départ du navire la vitesse du vent n'était que de 15 milles à l'heure mais que, peu après, de fortes bourrasques allant de 30 à 40 milles à l'heure se sont levées et qu'à 00h45, le ler décembre de fortes vagues se sont formées et ont inondé le chargement en pontée
[1970] R.C.É. COUTURIER v. ST. SIMEON NAVIGATION 1017 qui s'est alors congelé, que vers 1h10 du matin, 5,000 pieds de bois entassés à babord ont glissé à la mer. La défense affirme que le capitaine Taschereau a alors décidé de faire demi-tour et de se réfugier au port de Mont Louis mais qu'avant même d'avoir pu compléter la manœuvre, le navire a dan-gereusement donné de la bande à tribord, faisant tomber à la mer une autre partie de la cargaison chargée en pontée. La défense soutient que ceci n'était imputable à aucune faute ou négligence de la part du capitaine mais unique-ment aux fortes bourrasques de vent et à une accumulation de glace sur le chargement. Outre la diligence raisonnable exercée par la défenderesse pour conserver le navire en état de navigabilité, la défense invoque les clauses de non-responsabilité inscrites au connaissement et, plus particu-lièrement, les clauses de non-responsabilité concernant le chargement en pontée. Le connaissement précisait qu'il était régi par la Loi sur lé transport des marchandises par eaul et stipulait que toute disposition incompatible avec ladite Loi et son annexe serait nulle et non avenue. Ses clauses pré-voyaient que les marchandises pouvaient être transportées sous le pont ou en pontée, à la discrétion du voiturier; que, dans le cas où elles seraient arrimées en pontée, elles seraient considérées avoir été déclarées ainsi arrimées même en l'absence de mention précise à cet effet dans le connaisse-ment; on y soulignait aussi que le voiturier n'était pas responsable de la perte de ces marchandises pour quelque cause que ce soit, y compris la négligence ou le mauvais état de navigabilité du navire avant son départ ou au cours du voyage. L'avocat de la demanderesse a prétendu que, puisque l'Art. I c) des Règles de la Haye entend par «marchandises»: ...les effets, denrées, marchandises et articles de quelque espèce que ce soit, excepté les animaux vivants et la cargaison que le contrat de transport déclare être voiturée sur le pont et qui est ainsi voiturée, cette clause ne s'appliquait pas au bois perdu car le connaissement ne dé-clarait pas spécifiquement qu'il devait être transporté en pontée. A l'appui de sa thèse, l'avocat s'est reporté à l'ouvrage de Tetley, Marine Cargo Claims, où, après avoir passé en revue la jurisprudence américaine et britannique, l'auteur conclut à la page 193: ... ces règles signifient exactement que le transport en pontée, sans déclaration à cet effet inscrite au connaissement, constitue une véritable rupture du contrat qui devient nul ou annulable et le voiturier ne peut invoquer ni le contrat ni les Règles. (Voir c. 3 «Nullité du contrat en vertu des Règles de La Haye».) Cependant, il déclare à l'alinéa suivant: Si, après avoir convenu d'un transport en pontée on a, par erreur, émis un connaissement sans réserve, alors des parties d'origine—affréteur et voiturier—ce dernier peut démontrer qu'un connaissement sans réserve, ou qu'un connaissement de transport sous le pont, a été émis par erreur et que les parties avaient convenu d'un arrimage en pontée (Texas Petroleum Corp. c. S.S. Lykes [1944] A.M.C. 1128.) Bien qu'on n'ait pas soulevé ici d'erreur dans le connaissement, il me semble que cette dernière citation s'applique en l'espèce car la demanderesse savait 1 S.R.C. 1952, c. 291, et son annexe (i.e. Les Règles de La Haye).
[1970] R.C.A. COUTURIER v. ST. SIMEON NAVIGATION 1019 bien, pour avoir participé à l'arrimage, que la majeure partie de la cargaison avait été arrimée en pontée, de plus c'était là pratique courante pour de telles cargaisons et pour des caboteurs de ce genre; il était donc superflu et inutile de spécifier au connaissement qu'une partie de la cargaison avait été arrimée en pontée puisque c'était bien connu, entendu et tacitement convenu entre les parties. Cependant, cela ne veut pas dire, que la clause de non-responsabilité à l'égard de la cargaison en pontée a pour effet d'exclure aussi, comme il pourrait sembler, la négligence ou le mauvais état de navigabilité du navire, dans la mesure où cette clause est contraire à la Loi sur le transport de marchandises par eau et à son annexe, les Règles de la Haye, qui ont été clairement incorporées au connaissement. En effet, même si les marchandises sont transportées en pontée à la connaissance de la demanderesse, et malgré cette clause spéciale, le voiturier est toujours tenu de prendre soin des marchandises, de les arrimer correctement et ne pas faire preuve de négligence 2. Voir aussi l'affaire Ponce3. Bien que la défense ait d'abord invoqué l'art. 2c) de l'Art. IV des Règles de la Haye la rendant irresponsable des dommages résultant «des périls, dangers et accidents de la mer ou des autres eaux navigables», elle a aussi invoqué l'art. 2q) de l'Art. IV que voici: 2. Ni le voiturier ni le navire ne seront responsables des pertes ou dommages provenant ou résultant, * * * q) de toute autre cause produite sans qu'il y ait faute et connaissance du voi-turier, ou sans qu'il y ait faute ou négligence de la part de ses agents ou servi-teurs, mais la preuve que ni la faute ou connaissance du voiturier ni la faute ou négligence de ses agents ou serviteurs n'ont contribué à la perte ou au dommage, incombe à la personne réclamant le bénéfice de la présente exception. En vertu de cette exception, le fardeau de la preuve incombe à la défense. Puisque la définition des «marchandises» (précitée) exclut la cargaison «que le contrat de transport déclare être voiturée sur le pont et qui est ainsi voi-turée» et après avoir conclu que la présente cargaison, même en l'absence d'indication prouvant qu'elle ait dû être transportée en pontée, avait été ainsi transportée à la connaissance et avec l'assentiment de l'affréteur, la clause spéciale du connaissement concernant la cargaison du navire est donc valide et n'est pas en conflit avec l'art. 8 de l'Art. III des Règles de La Haye que voici: 8. Est nulle, sans valeur et sans effet toute clause, convention ou stipulation qui, dans un contrat de transport, relève le voiturier ou le navire de la responsa-bilité des pertes de marchandises ou des dommages qu'elles ont subis ou les con- 8 Globe Solvents Co. c. S.S. California [1946] A.M.C. 674, à la page 680: .Le droit d'ar-rimer en pontée la cargaison de la requérante ...ne libérait pas l'intimé de l'obligation de prendre les précautions, qu'il n'a pas prises, pour minimiser les risques.. (Mentionné dans l'ouvrage de Tetley (précité) à la page 192). 8 [1946] A.M.C. 1124: .Lorsque les marchandises sont transportées en pontée aux risques de l'expéditeur, le voiturier n'est pas libéré de faire preuve de soins et d'attention à l'égard de la cargaison.. Cour d'appel d'Aix (Bagheera, le 29 mars 1960), (1961) D.M.F. 525; Cour d'appel d'Aix (Dubreka, le 27 mars 1952), (1952) D.M.F. 413: le voiturier était tenu de prendre des précautions même si la cargaison était chargée en pontée et qu'une disposition du connaissement assignait tous les risques à l'affréteur. Cour d'appel de Paris (Nyombi, le 1°r décembre 1952), (1953) D.M.F. 130, Shaw, Sawill & Albion Co. c. Electric Reduction Sales Co. (The Mahia) [1955] 1 Lloyd's Rep. 265; (1955) R.L. 393 (Québec).
[1970] R.C.É. COUTURIER v. ST. SIMEON NAVIGATION 1021 cernant, par suite d'une négligence, d'un défaut ou d'un manquement dans les devoirs et obligations visés par le présent article, ou diminue cette responsabilité autrement qu'en la manière prévue par les présentes Règles. Un bénéfice d'assurance ou stipulation du même genre sera considéré comme une clause relevant le voiturier de sa responsabilité. (Les italiques sont de moi) Voici aussi un extrait de l'art. 1 de l'Art. IV des Règles de La Haye qui pré-cise que: Lorsque les pertes ou dommages ont été occasionnés par l'innavigabilité, la preuve de l'exercice d'une diligence raisonnable incombe au voiturier ou autre personne invoquant une exemption prévue par le présent article. Donc, ici encore, la preuve incombe à la défense si l'on établit le mauvais état de navigabilité du navire. Il s'agit d'établir la portée de la restriction spéciale incluse au connaisse-ment au sujet de la cargaison en pontée, clause que j'ai déclarée valide, puis-que n'entrant pas dans le cadre de l'art. 8 de l'Art. III des Règles mais qui, néanmoins, semble en conflit avec l'art. 1 de l'Art. IV et l'art. 2q) de l'Art. IV attribuant la charge de la preuve au voiturier, en ce sens qu'elle vise à délier ce dernier de toute responsabilité pour négligence ou innavigabilité du navire. On ne peut certainement pas l'invoquer pour se libérer d'une faute lourde, mais peut-elle faire passer à l'affréteur la charge de prouver la négli-gence du voiturier à l'égard de cette cargaison en pontée? Après une étude minutieuse, j'en suis venu à la conclusion que la clause spéciale sur la car-gaison en pontée n'a pas pour effet de transposer le fardeau de la preuve. Bien que l'exclusion d'une telle cargaison de la définition des «marchandises» puisse avoir pour effet d'empêcher que la condition soit considérée comme nulle et sans valeur; en vertu de l'art. 8 de l'Art. III des Règles de La Haye, le connaissement lui-même spécifie que chacune de ses dispositions incompatibles avec la Loi ou son annexe (i.e. la Loi sur le transport des marchan-dises par eau et les Règles de La Haye annexées à cette Loi) sera nulle et sans effet, et je considère contraire à l'art. 1 de l'Art. IV des Règles de La Haye qui impose au voiturier la preuve de l'exercice d'une diligence raison-nable lorsque la perte résulte de l'innavigabilité, et à l'art. 2q) de l'Art. IV desdites Règles qui impose au voiturier de prouver qu'il n'y a pas eu faute ou connaissance de sa part, ni faute ou négligence de la part de ses agents lorsque le dommage résulte «de toute autre cause», que d'exclure aussi, comme le fait cette clause spéciale, le dommage résultant de la négligence du voiturier ou du mauvais état de navigabilité du navire. Je traiterai plus loin, de l'importance de la charge de la preuve. Examinons maintenant l'état de navigabilité du navire au moment où il a entrepris le voyage. La preuve n'a révélé aucune défectuosité dans le navire lui-même ou dans l'équipage, de sorte que le mauvais état de navigabilité, s'il en fut, est dû à la façon dont s'est effectué le chargement pour le voyage en question, compte tenu de la nature de la cargaison, de la façon dont elle a été arrimée, de la quantité arrimée sous le pont dans la cale, par rapport à celle chargée en pontée, des caractéristiques propres au navire, de la nature du voyage et des conditions atmosphériques que l'on pouvait raisonnable-ment prévoir pour l'époque de l'année et l'endroit. Quant à la façon dont le
[1970] R.C.E. COUTURIER v. ST. SIMEON NAVIGATION 1023 bois a été chargé sur le pont (par opposition à la quantité ainsi chargée), je ne puis, après révision des témoignages quelque peu contradictoires, déceler la moindre faute. [Le Juge passe en revue la preuve sur ce sujet et continue:] Faisant abstraction pour le moment de la question de la quantité de bois ar-rimée en pontée par rapport à celle arrimée dans la cale, je ne peux conclure, d'après ces témoignages, que la façon dont a été placé le bois sur le pont ait été incorrecte ou non conforme à la pratique habituelle, ou que le bois aurait dû être consolidé ou maintenu par des étamperches fixées aux pavois du navire, ce qui aurait été dangereux. Les témoignages sont contradictoires quant au poids de cargaison que pouvait transporter le navire Miron C sans être surchargé et au poids de la cargaison de bois qu'il transportait ce jour-là. [Ici le Juge passe en revue la preuve sur ce sujet et continue:] D'après les preuves énoncées, il est clair que le navire pouvait recevoir une charge de 500 à 510 tonnes courtes, l'été, et une de 485 à 495 l'hiver. Par ailleurs, à l'exception du témoignage du capitaine Matheson dont les chiffres de 3 à 3.4 tonnes par unité St. Petersberg ne semblent justifiés ou corroborés ni par les tables de poids tirées de la publication du gouverne-ment des États-Unis Modern Ship Stowage auxquelles il se réfère dans sa déposition, ni par le témoignage de M. Bisaillon fondé sur des tables bien connues utilisées par l'Association canadienne de l'industrie du bois, ni par le poids réel du bois équivalent expédié par train par la demanderesse en l'espèce et qui semble être l'indice le plus significatif, les preuves indi-quent que le bois ne pesait pas plus de 471 tonnes et que même en ajoutant 12 tonnes pour l'eau, le carburant et l'équipement ainsi que 4 tonnes pour les lattes et les bardeaux, le poids total n'aurait, au plus, dépassé que lé-gèrement les 485 tonnes courtes; c'est pourquoi il est raisonnable de conclure que le navire n'était pas surchargé même si sa charge atteignait presque sa capacité totale. Par conséquent je ne pense pas, en dépit des relevés de la ligne de charge effectués par le capitaine Taschereau au moment du départ et qui abonderaient en ce sens, que ce soit à cause d'une charge trop lourde ou dépassant la limite autorisée que le navire n'était pas en état de naviguer. Il faut se rappeler que l'heure était tardive et que la mer était agitée par de grosses vagues frappant le flanc du navire; il est donc peu probable, dans de telles conditions, qu'un relevé des marques sur le flanc du navire pût être exact à plusieurs pouces près, dans un sens ou dans l'autre. Conclure que le navire n'était pas surchargé ne revient cependant pas à dire qu'il était en état de stabilité, ceci étant un problème différent. Un navire peut être surchargé sans être instable et, à l'inverse, peut être instable sans être chargé à l'excès. C'est la répartition de la cargaison et son effet sur le centre de gravité du navire chargé qui constitue le facteur important. Comme l'a souligné le témoin Lebas, si le navire avait été chargé de plomb, placé entièrement dans la cale, le centre de gravité aurait été très bas et le navire aurait été parfaitement stable même très chargé; tandis que si la
[1970] R.C.É. COUTURIER v. ST. SIMEON NAVIGATION 1025 cargaison avait été constituée, à poids égal, de flocons d'avoine, il aurait fallu en raison du rapport volume-poids en charger autant sur le pont et les cartons auraient dû être empilés sur une hauteur telle qu'il est facile de concevoir l'instabilité qui en aurait résulté, surtout, en ce qui concerne la cargaison placée sur le pont. C'est donc la répartition de la charge, d'une importance primordiale, qu'il nous faut examiner maintenant. [Le Juge passe en revue la preuve sur ce sujet et continue:] Ce témoignage nous amène à conclure que pendant la traversée, le bois était arrimé pour 60% au moins sur le pont et 40% dans la cale; et qu'en fait, le rapport aurait très bien pu être de 65% par 35%. Le bois était entassé sur le pont sur 12 pieds de haut ou plus et sur 8 pieds seulement dans la cale; soulignons que, 8 pieds environ du navire étaient immergés de sorte qu'une partie du bois de la cale se trouvait également au-dessus de la ligne de flot-taison. La question de savoir si ceci rendait le navire instable est difficile à déterminer. Il est sans doute vrai que si les navires côtiers ont l'habitude, dans le transport du bois, d'en placer sur le pont une plus grande quantité que celle que pourrait contenir la cale, ceci ne constitue pas nécessairement tou-jours une mauvaise pratique et le problème est de trouver un rapport offrant toute sécurité qui s'appliquerait plus particulièrement au Miron C, compte tenu de l'époque de l'année et des conditions atmosphériques que l'on pouvait raisonnablement y prévoir pour cette partie du fleuve. Le capitaine Lavoie a témoigné avoir vu, à deux occasions, des cargaisons de bois chargées sur des navires côtiers passer par-dessus bord et le témoin Stubbs a déclaré qu'il n'était pas inhabituel de perdre de telles cargaisons en pontée. Le témoin Couturier, directeur de la demanderesse, a témoigné qu'il restait près de 80,000 à 90,000 pieds-planche de bois supplémentaires à expédier qu'on avait laissé sur le chantier parce qu'on ne pouvait plus les charger cette fois-là. Le capitaine a la responsabilité de décider de la quantité à charger mais il est évident que lui-même et les expéditeurs désirent toujours prendre une charge aussi grande que possible. En fait, le capitaine Lavoie, propriétaire de la défenderesse, St. Simeon Navigation Inc., a reconnu qu'une plainte avait été déposée en novembre 1968 contre le Miron C pour le chargement du mois d'août de 609 tonnes de ciment qui enfonça le navire à 6 pouces au-dessous de la ligne de charge. Ils furent contraints d'enlever 60 tonnes et plaidèrent coupables au procès. Lors de traversées précédentes, le navire avait pris en cale 627 tonnes, 704 tonnes, 628 tonnes, 660 tonnes et 535 tonnes de ciment. D'après lui, on n'a jamais autorisé, après cette condamna-tion, de charge supérieure à 500 tonnes et rien ne prouve que le capitaine Taschereau ait dépassé la limite légale autorisée. Il est évident, cependant, que jusqu'à ce qu'on la reconnaisse coupable, la défenderesse avait l'habi-tude de surcharger le navire et cette condamnation a obligé les armateurs à changer de pratique. Il semble raisonnable de déduire, quant au volume de la cargaison, que les propriétaires désiraient aussi courir le risque et charger le navire au maximum. En fait, j'ai l'impression que la plupart des voituriers impliqués dans ce commerce côtier tentent leur chance et transportent en pontée autant que le leur permettent les conditions de sécurité et même au-delà, prenant même le risque de perdre de temps en temps une partie de leur cargaison, qu'ils compensent par le bénéfice tiré du transport d'une cargaison
[1970] R.C.E. COUTURIER v. ST. SIMEON NAVIGATION 1027 plus importante. Je ne peux donc, pour ces motifs, accorder trop de crédit aux preuves apportées par les différents témoins selon lesquels il est dans la pratique du commerce de transporter plus de bois en pontée qu'il ne peut en être arrimé dans la cale; il s'agit sans doute d'une pratique habituelle mais cela ne prouve pas nécessairement que ce soit une bonne pratique et qu'elle n'implique pas certains risques quant à la stabilité du navire. Cependant, on ne peut écarter les preuves du témoin Stubbs quant à la stabilité du Miron C au départ de Marsoui. Je crois toutefois que ce que l'on peut qualifier d'état stable, calculé mathématiquement d'après des chiffres empruntés au meilleur témoignage dont nous disposons sur la ré-partition et le poids approximatif du bois, le poids approximatif du navire, les dimensions et la forme de celui-ci, tout en assurant au navire ainsi chargé et navigant dans des eaux calmes une certaine marge de stabilité, peut néanmoins être considérablement modifié si, en raison des conditions atmosphériques, la cargaison se recouvre de glace et qu'un vent violent soulevant les vagues pousse le navire au roulis. Aucune preuve n'a été apportée quant au poids de la glace provoquée par l'aspersion de l'eau qui s'est congelée sur la cargaison en pontée et qui a recouvert le navire mais il est évident que ceci aurait pu grandement affecter les calculs. Si nous laissons un moment de côté l'argument de défense quant aux périls de la mer dont nous traiterons plus tard, il nous reste la preuve du capitaine Matheson; ce dernier a fait remarquer que l'aspersion congelante n'avait atteint que la cargaison de pont dont le poids avait été ainsi modifié mais qu'elle n'avait pas atteint le bois arrimé dans la cale, dont le poids était resté le même. Le capitaine Anderson, qui connaît très bien cette région, a déclaré qu'un vent nord-ouest provoque de grosses vagues et de la houle sur la côte sud, au voisinage de Marsoui, et il estime que les pertes ont été causées par le mouvement de la mer et l'amoncellement de la glace. Non seulement la glace affecte le poids sur le pont et par conséquent, diminue la stabilité mais elle a également pour effet de diminuer le coefficient de frottement et peut provoquer un glissement rapide de la cargaison sur les paquets du dessous. Le témoin Lebas a affirmé qu'un capitaine a besoin d'expérience pour comprendre son navire et qu'il est le meilleur juge de sa stabilité. M. Taschereau a été nommé capitaine du Miron C le 5 septem-bre 1968, peu de temps après avoir obtenu son certificat de capitaine; il avait effectué pour la demanderesse deux traversées avant ce malheureux voyage. Il a témoigné que la traversée prend normalement de 9 à 10 heures et qu'il faut 7 à 8 heures avant que le navire atteigne l'abri de la côte nord à l'approche de Sept-Yles. Il a déclaré qu'environ une heure après avoir quitté Marsoui, le vent était passé de 15 à 25 ou 30 milles à l'heure, par rafales accompagnées d'embrun glacé mais que le navire avait un mouvement de roulis normal. Lorsque la rangée de bois du dessus a commencé à glisser, il a perdu environ quinze paquets à bâbord. Ceci représentait environ 5,000 pieds-planche, pesant près de 7 tonnes; dans son affidavit, le capitaine Matheson a déclaré que ceci n'aurait pas forcé le navire à donner dange-reusement de la bande s'il avait été stable par ailleurs. Devant cette perte, le capitaine Taschereau a alors commencé à virer de tribord pour se diriger vers le sud-est et chercher refuge à Mont Louis sur la côte sud; lorsqu'il a
[1970] R.C.É. COUTURIER v. ST. SIMEON NAVIGATION 1029 tourné, les vagues ont frappé le navire, l'entraînant dans un mouvement de roulis, c'est ainsi qu'il perdit le reste de la cargaison de pont, au-dessus des pavois, lorsqu'elle glissa tout d'un coup à tribord. Il est évident que la perte de 7 tonnes à bâbord du navire avait provoqué une certaine bande à tri-bord et le fait de virer dans cette direction, joint à l'influence du vent et des vagues frappant le navire de nord-ouest, a accentué le phénomène. Le capitaine lui-même a reconnu que les vagues et la houle apportaient une différence. Il n'aurait pas fallu beaucoup de bande pour que le bord du pont s'enfonçât légèrement dans l'eau; si cela s'était produit, la cargaison à tribord, qui pouvait flotter, aurait dans une certaine mesure pu être sou-levée par l'eau, et glisser avec d'autant plus de rapidité qu'elle était glacée. Il a témoigné qu'après la perte, le navire avait eu, au lieu d'un mouvement lent, un fort mouvement de roulis et en contre-interrogatoire, il a attribué la perte à l'action des vagues. Il a cependant reconnu qu'à cette époque de l'année, les vents et vagues n'étaient pas inhabituels. Il me semble que pour décider de la quantité de bois transportable sur le pont par rapport à celle transportable dans la cale, il faut tenir compte, lors du chargement, de l'époque de l'année, des conditions atmosphériques prévisibles ainsi que de l'effet que pourrait avoir la glace sur le déplacement du centre de gravité; pour parer à toutes ces éventualités, il faudrait, à mon avis, prévoir de transporter une cargaison de pont inférieure. Après avoir perdu les paquets de bois chargés au-dessus des pavois, le navire a continué sa traversée, arrivant sans incident à Sept-Îles à 10h du matin, ce jour même, sans avoir mis beaucoup plus de temps que pour une traversée ordinaire. Par conséquent, je conclus que, si le bois n'avait pas été empilé en pontée sur une telle hauteur, on en aurait probablement pas perdu et qu'à cet égard, au départ de Marsoui, le navire n'était pas en état de naviguer car insuffisamment stable pour ne pas être affecté par les conditions atmosphériques qu'il aurait pu rencontrer et qu'il a, en fait, rencontrées. Ceci semble être la seule explication raisonnable de la perte de la cargaison. Le fardeau de la preuve est ainsi transféré à la défenderesse en vertu de l'art. 1 de l'Art. N dont voici le second alinéa: Lorsque les pertes ou dommages ont été occasionnés par l'innavigabilité, la preuve de l'exercice d'une diligence raisonnable incombe au voiturier ou autre personne invoquant une exemption prévue par le présent article. Dans l'affaire Western Canada Steamship Co. c. Can. Commercial Corp 4, la Cour suprême a examiné la portée de ce fardeau et le juge Ritchie a déclaré à la page 641, en rendant le jugement de la cour: II me semble que la distinction, entre le fardeau légal de la preuve imposé par l'Article IV, Règle I et celui qui incombe à une partie à une collision obligée de s'appuyer sur la théorie de «l'accident inévitable» pour se défendre, est que dans ce dernier cas, le point à déterminer se réduit à la «cause, de la collision tandis que dans le premier, «i'innavigabilité» doit avoir déjà été déterminée comme étant une cause de la perte, avant que le fardeau de la preuve ne puisse être im-posé au voiturier. Lorsque, comme dans l'affaire présente, on a démontré que l'innavigabilité constituait la cause, le fardeau de la preuve découlant alors de l'Article W se limite à celui de «prouver l'exercice d'une diligence raisonnable pour mettre le bâtiment en bon état de navigabilité avant le voyage et au début de la traversée». [1960] S.C.R. 632.
[1970] R.C.É. COUTURIER v. ST. SIMEON NAVIGATION 1031 Malgré les opinions exprimées par le juge des appels Davey, ce texte n'a pas pour but, à mon avis, de transférer au voiturier la charge de prouver soit la cause de la perte soit la cause de l'innavigabilité et ne devrait pas être considéré comme allant jusqu'au point ide lui faire prouver toutes les circonstances qui expliquent une situation obscure' semblable à celle de l'espèce (voir Dominion Tankers Ltd c. Shell Petroleum Co. ([1939] R.C.É. 192 à 203, 3 D.L.R. 646, 50 C.R.T.C. 191), rendu par le juge Maclean.) Ayant conclu que le bois arrimé en pontée, empilé sur une trop grande hauteur, compte tenu des circonstances atmosphériques raisonnablement pré-visibles, avait causé l'innavigabilité du navire dont était responsable le capi-taine Taschereau, je conclus que la défenderesse n'a pas réussi à prouver l'exercice d'une diligence raisonnable pour rendre le navire navigable avant et au début de la traversée. La défenderesse a essayé de se prévaloir de l'exception de l'art. 2c) à l'Art. IV que voici: 2. Ni le voiturier ni le navire ne seront responsables des pertes ou dommages découlant ou résultant, * * * c) des périls, dangers et accients de la mer ou des autres eaux navigables; Le capitaine Taschereau n'a fait aucune erreur de jugement en prenant la mer à la fin du chargement du navire puisque les prévisions météorologiques indi-quaient que la tempête n'aurait lieu que le lendemain; de toutes façons, il a prouvé, et a été confirmé en cela, qu'il aurait été dangereux de rester à Mar-soui, dans le port, compte tenu du vent et du temps prévus. Malheureusement pour lui, peu après son départ, l'intensité du vent s'est accrue de 15 à 25 ou 30 milles à l'heure et des vagues ont frappé le navire à 30 degrés d'angle environ avec sa direction; il est probable, en fait, que s'il n'avait pas ren-contré ces vents et vagues, il n'aurait rien perdu de la cargaison. Cependant, cela ne veut pas dire qu'on puisse attribuer les pertes aux périls de la mer puisqu'il a lui-même témoigné qu'à cette époque de l'année et à cet endroit, des vents de cette force ne sont pas inhabituels. Il est vrai que dans l'affaire de la Cour suprême Keystone Transports Ltd. c. Dom. Steel & Coal Corp.5, le juge Taschereau déclarait à la page 505, en rendant le jugement de la cour: Il ressort de cette jurisprudence que, pour qu'il y ait péril de la mer, l'accident n'a pas besoin d'être extraordinaire ou provenir de forces irrésistibles. Il suffit que, sous l'action violente des vents ou des vagues, il cause des dommages aux mar-chandises en mer, lorsque ces dommages ne peuvent être attribués d la négligence d'une personne. (Les italiques sont de moi). Dans l'affaire Parrish & Heimbecker Ltd c. Burke Towing & Salvage Ca.e, le juge Maclean soutenait aux pages 177 et 178: ..Il s'agit de savoir s'il existait un péril de la mer tel que celui contre lequel l'assuré s'était engagé à indemniser le voiturier. Dire qu'il n'y avait pas péril de la mer parce que le temps était celui auquel on pouvait normalement s'attendre pendant une telle traversée, au printemps de l'année, sur le lac Supérieur, ou que le temps n'était pas assez mauvais pour provoquer ce qui est arrivé, ne me semble pas être un véritable critère;» mais dans cette affaire, on avait conclu que la cargaison avait été correcte-ment chargée et arrimée et que le navire était en état de naviguer. La diffé-rence entre les actions intentées en vertu d'une police maritime et celles inten- 6 [1942] S.C.R. 495. ° [1942] R.C.E. 159.
[1970] R.C.É. COUTURIER v. ST. SIMEON NAVIGATION 1033 tées en vertu d'un connaissement, où le fardeau de la preuve est tout à fait différent, est bien établie dans l'affaire Donaldson Line Ltd c. Hugh Russell & Sons Ltd.7 où le juge Hall déclarait à la page 712: Dans une action de police maritime, il incombe au demandeur, l'assuré, de prouver que les dommages étaient dus à un péril de la mer et on étudie seulement la cause immédiate; dans une action découlant d'un connaissement, au contraire, il incombe aux défendeurs, les armateurs, d'établir leur droit au bénéfice de l'exception; à l'appui de quoi ils peuvent prouver non seulement la cause immé-diate mais même ce que l'on a appelé «la cause dominante». Dans la suite de son exposé, Lord Herschell cite, en l'approuvant, le passage suivant tiré du jugement du juge Willes (Grill c. Gen'1 Iron Screw Collier Co.) (1866), L.R. 1 C.P. 600, aux pages 611 et 612, «Je peux dire qu'une police d'assurance constitue un contrat absolu d'in-demnisation des pertes dues aux périls de la mer et qu'il suffit de voir si la perte tombe sous les conditions du contrat et si elle est due aux périls de la mer: le fait que la perte soit en partie causée par des éléments qui ne sont pas réellement des périls de la mer ne l'empêche pas de tomber sous le coup du contrat. Dans le cas d'un connaissement, c'est différent car, par le contrat, on s'engage à transporter avec diligence raisonnable, sauf en cas de risques exclus. Si les marchandises ne sont pas transportées avec suffisamment de soin et sont perdues à la suite de périls de la mer, il devient nécessaire de réconcilier les deux parties du document; on juge pour cela que si la perte due aux périls de la mer est causée par la faute antérieure de l'armateur, il est responsable de la rupture de son contrat.» Il déclare encore à la page 714: Dans l'affaire qui nous est soumise, il n'y avait rien de fortuit ou d'inattendu dans la vague violente rencontrée dans ce vent. Le capitaine et ses officiers ont reconnu que de tels incidents se produisent assez souvent sur l'Atlantique nord. Ce jugement mentionne également l'affaire Canadian National Steamships c. Bayliss [1937] 1 D.L.R. 545, S.C.R. 261, qui établissait: Dans une action en dommages et intérêts intentée contre un voiturier pour des marchandises expédiées en vertu de connaissements spécifiant bien que le navire ne devrait pas être tenu responsable des dommages causés par des périls de la mer, la défense a soutenu: premièrement que le voiturier, ayant établi au procès un cas prima facie de perte par périls de la mer, la charge de prouver la négligence incom-bait à l'intimé et deuxièmement, que le voiturier n'était plus chargé du fardeau de la preuve que lui imposait la clause q, règle 2, article 3 de l'annexe à la Barbados Carriage of Goods by Sea Act, (1926) qui était applicable au contrat. lugé: le problème posé par le premier argument étant une question de fait, il incombait au voiturier de démontrer que le temps rencontré pendant la traversée constituait la cause des dommages et qu'il était d'une nature telle que le danger en découlant pour la cargaison ne pouvait être prévu ou qu'on ne pouvait s'en prémunir à l'instar des incidents possibles de la traversée. Ayant conclu, bien que l'action du vent et de la mer ait causé la perte de la plus grande partie de la cargaison en pontée, que cette perte ne se serait pas produite si la cargaison n'avait pas été chargée sur une trop grande hauteur, compte tenu des conditions atmosphériques prévisibles, je ne peux con-clure que la nerte était due principalement aux périls de la mer ou que la défenderesse puisse se prévaloir de cette exception. Il reste donc seulement l'exception générale de l'art. 2q) de l'Art. IV applicable lorsque les dommages résultent «de toute autre cause» (c'est-A- 7 [1940] 3 D.L.R. 693.
[1970] R.C.A. COUTURIER v. ST. SIMEON NAVIGATION 1035 dire d'une cause autre que celles possibles énumérées aux autres paragraphes dudit article), mais pour se prévaloir de cette exception, il incombe au voi-turier de prouver que ceci a eu lieu sans qu'il y ait faute ou connaissance de sa part ou sans qu'il y ait faute ou négligence de la part de ses agents ou serviteurs; or comme j'ai conclu qu'il y avait eu négligence dans le charge-ment du bois en pontée sur une hauteur trop élevée, la défenderesse ne peut pas non plus se prévaloir de cette exception. Bien qu'il ne soit pas nécessaire de s'appuyer sur la maxime res ipsa loquitur pour trancher cette affaire dans l'optique de nos conclusions, il semble que les faits auraient bien pu justifier son application puisque, les marchandises n'ayant pas été perdues en raison de périls de la mer, si on avait conclu que le navire était en état de naviguer et n'était pas surchargé quant au poids ou quant à la quantité de cargaison arrimée sur le pont, il aurait été difficile de déterminer la cause de la perte et juste de conclure à l'existence de quelque faute imprécise de la part du voiturier. En droit québécois, la doctrine a été énoncée dans l'affaire Parent c. Lapointe8 où le juge Taschereau déclarait: Il n'y a pas, dans le cas qui nous occupe, de présomption légale qui pèse sur le défendeur. Pour qu'il soit tenu responsable des conséquences de l'accident dont il a été lui-même une malheureuse victime, sa faute doit être prouvée. Il n'est pas essentiel qu'elle le soit par une preuve directe; elle peut l'être par les conclusions que les circonstances justifient de tirer, et par les inférences qui découlent des faits établis. Quand, dans le cours normal des choses, un événement ne doit pas se produire, mais arrive tout de même, et cause un dommage à autrui, et quand il est évident qu'il ne serait pas arrivé s'il n'y avait pas eu de négligence, alors, c'est à l'auteur de ce fait à démontrer qu'il y a une cause étrangère, dont il ne peut être tenu res-ponsable et qui est la source de ce dommage. En l'espèce, la défenderesse n'aurait pas pu réfuter cette présomption. Le jugement est donc rendu en faveur de la demanderesse qui touchera une indemnité de $20,357.09 et les dépens. 8 [1952] 1 S.C.R. 376 à la p. 381.
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