T-1615-17
2018 CF 562
c.
Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (défendeur)
Répertorié : GPP c. Canada (Citoyenneté et Immigration)
Cour fédérale, juge Roussel—Montréal, 23 avril; Ottawa, 30 mai 2018.
Citoyenneté et Immigration — Statut au Canada — Citoyens — Demande en vue d’obtenir une ordonnance de mandamus visant à contraindre le défendeur à attribuer au demandeur la citoyenneté canadienne ou, alternativement, à annuler la suspension de sa demande de citoyenneté et à la traiter sans délai — Le demandeur, originaire de Cuba, a présenté une demande de citoyenneté canadienne le 2 janvier 2014 — Il est plus tard retourné à Cuba — Un agent de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) a indiqué que le demandeur avait effectué plusieurs voyages à Cuba et qu’un passeport cubain lui avait été délivré — Le demandeur a réussi son examen de citoyenneté — L’ASFC a demandé la suspension de l’étude de la demande de citoyenneté du demandeur — Le défendeur a suspendu la demande de citoyenneté au mois de décembre 2014 en vertu de l’art. 13.1 de la Loi sur la citoyenneté — Le défendeur a précisé que l’art. 13.1 s’applique à toutes les demandes de citoyenneté, y incluant celles déposées avant le 1er août 2014 — Le demandeur a soutenu que l’art. 13.1 n’a pas d’effet rétroactif sur sa demande — Il s’agissait de savoir si le demandeur a rempli les conditions qui doivent être respectées pour qu’une ordonnance de mandamus puisse être accordée — Le demandeur n’a pas rempli le premier critère, à savoir l’existence d’une obligation légale à caractère public d’agir avec respect à l’égard du demandeur — Les art. 31(1)b)(iv) et 31(2) de la Loi renforçant la citoyenneté canadienne énoncent une application immédiate de l’art. 13.1 de la Loi sur la citoyenneté aux demandes de citoyenneté encore en cours de traitement et non encore finalisées — Le législateur a voulu que les demandes qui étaient déjà déposées et toujours en cours de traitement soient régies par deux régimes — L’art. 31(1)a) de la Loi renforçant la citoyenneté canadienne fait référence à la Loi sur la citoyenneté — Les demandes de citoyenneté présentées avant le 1er août 2014 et toujours en traitement sont régies par la Loi sur la citoyenneté dans sa version antérieure au 1er août 2014 — L’art. 31(1)b) de la Loi renforçant la citoyenneté canadienne prévoit cependant que ces mêmes demandes seront soumises aux dispositions qui y sont énumérées et qui se trouvent dorénavant incorporées à la Loi sur la citoyenneté par l’adoption de la Loi renforçant la citoyenneté canadienne — Donc, l’art. 13.1 de la Loi sur la citoyenneté, qui est entré en vigueur le 1er août 2014, s’applique aux demandes présentées avant le 1er août 2014 et qui n’ont pas encore fait l’objet d’une décision définitive — L’on ne peut soutenir que seule la date de présentation est pertinente pour déterminer quelle version de la Loi sur la citoyenneté doit être appliquée — L’interprétation d’application immédiate proposée par le défendeur est compatible avec l’intention du législateur — Une question concernant l’art. 13.1 de la Loi sur la citoyenneté a été certifiée — Demande rejetée.
Il s’agissait d’une demande en vue d’obtenir une ordonnance de la nature d’un mandamus visant à contraindre le défendeur à attribuer au demandeur la citoyenneté canadienne ou, alternativement, à annuler la suspension de sa demande de citoyenneté et à la traiter sans délai.
Le demandeur, originaire de Cuba, a obtenu le statut de réfugié en 2010, puis la résidence permanente en 2011. Le 2 janvier 2014, le demandeur a présenté une demande de citoyenneté canadienne. Il est plus tard retourné à Cuba. À son retour au Canada, un agent de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) a inscrit une note au dossier du demandeur dans laquelle il a indiqué que le demandeur avait effectué plusieurs voyages à Cuba et qu’un passeport cubain lui avait été délivré. Le demandeur a par la suite réussi son examen de citoyenneté. Un bureau local de la citoyenneté a reçu une demande de l’ASFC de suspendre l’étude de la demande de citoyenneté du demandeur en raison de l’enquête par l’ASFC sur l’annulation ou la perte d’asile du demandeur. L’ASFC a fait une demande de perte d’asile du demandeur fondée sur l’article 108 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés. Le défendeur a suspendu la demande de citoyenneté au mois de décembre 2014 en vertu de l’article 13.1 de la Loi sur la citoyenneté, lequel est entré en vigueur le 1er août 2014. De plus, le défendeur a précisé que selon le sous-alinéa 31(1)b)(iv) et le paragraphe 31(2) de la Loi renforçant la citoyenneté canadienne, l’article 13.1 de la Loi sur la citoyenneté s’applique à toutes les demandes de citoyenneté présentées en vertu du paragraphe 5(1) de la Loi sur la citoyenneté y incluant celles déposées avant le 1er août 2014.
Le demandeur a soutenu que le défendeur avait l’obligation de continuer à traiter sa demande de citoyenneté, puisque l’article 13.1 de la Loi sur la citoyenneté n’a pas d’effet rétroactif sur la demande qu’il a présentée le 2 janvier 2014. Il a affirmé que c’est la date de présentation qui compte en vertu des paragraphes 31(1) et 31(2) de la Loi renforçant la citoyenneté canadienne et que seules les demandes reçues à partir du 1er août 2014 sont assujetties à l’article 13.1 de la Loi sur la citoyenneté.
Il s’agissait de savoir si le demandeur a satisfait aux conditions qui doivent être respectées pour qu’une ordonnance de mandamus puisse être accordée.
Arrêt : La demande doit être rejetée.
Le premier critère pour l’émission d’un bref de mandamus, tel qu’énoncé dans l’affaire Apotex Inc. c. Canada (Procureur général), est l’existence d’une obligation légale à caractère public d’agir à l’égard du demandeur. Le demandeur n’a pas démontré que cette condition était remplie. L’interprétation proposée par le défendeur, selon laquelle le sous-alinéa 31(1)b)(iv) et le paragraphe 31(2) de la Loi renforçant la citoyenneté canadienne énoncent une application immédiate de l’article 13.1 de la Loi sur la citoyenneté aux demandes de citoyenneté encore en cours de traitement et non encore finalisées, a été retenue. Lu dans son ensemble, l’article 31 de la Loi renforçant la citoyenneté canadienne réfère à deux textes de loi et trois différentes dates de référence. Il est évident que le législateur a voulu que les demandes qui étaient déjà déposées et toujours en cours de traitement soient régies par deux régimes. D’abord, à l’alinéa 31(1)a), l’extrait « cette loi » ainsi que les articles énumérés font référence à la Loi sur la citoyenneté. Dans le cas qui nous occupe, les demandes de citoyenneté présentées avant le 1er août 2014 et toujours en traitement sont régies par la Loi sur la citoyenneté dans sa version antérieure au 1er août 2014, à certaines exceptions près. L’alinéa 31(1)b) prévoit cependant que ces mêmes demandes seront soumises aux dispositions qui y sont énumérées et qui se trouvent dorénavant incorporées à la Loi sur la citoyenneté par l’adoption de la Loi renforçant la citoyenneté canadienne. Donc, l’article 13.1 de la Loi sur la citoyenneté, qui est entré en vigueur le 1er août 2014, s’applique aux demandes présentées avant le 1er août 2014 et qui n’ont pas encore fait l’objet d’une décision définitive. L’on ne peut soutenir que seule la date de présentation est pertinente pour déterminer quelle version de la Loi sur la citoyenneté doit être appliquée. L’utilisation des mots « à la fois » au paragraphe 31(1) suggère le contraire. L’interprétation d’application immédiate proposée par le défendeur est compatible avec l’intention du législateur. Si le législateur avait retenu la position du demandeur, il aurait été plus simple de prévoir que les demandes de citoyenneté soient régies par la version de la Loi sur la citoyenneté qui existait au moment de leur présentation. Au contraire, le législateur a prévu un régime permettant à la fois aux demandeurs de conserver un droit acquis à ce que leur demande soit régie par les critères de résidence applicables au moment du dépôt de leur demande et aux autorités de disposer des outils et du temps nécessaire pour effectuer des enquêtes sur l’admissibilité d’un demandeur à présenter une demande de citoyenneté.
La question de savoir si l’article 13.1 de la Loi sur la citoyenneté permet au défendeur de suspendre une demande de citoyenneté présentée avant le 1er août 2014 et dont il n’a pas été décidé définitivement avant cette date a été certifiée.
LOIS ET RÈGLEMENTS CITÉS
Décret C.P. 2014-891.
Loi renforçant la citoyenneté canadienne, L.C. 2014, ch. 22, art. 2(2), 3(7), 11, 13, 31, 46(1).
Loi sur la citoyenneté, L.R.C. (1985), ch. C-29, art. 3, 5(1),(4), 5.1, 13.1, 14, 17, 22f), 22.2d).
Loi sur la protection du Canada contre les terroristes, L.C. 2015, ch. 9, art. 11.
Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, art. 2(1), 108.
JURISPRUDENCE CITÉE
décisions appliquées :
Apotex Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 C.F. 742 (C.A.), conf. par [1994] 3 R.C.S. 1100; Lewis c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2017 CAF 130, [2018] 2 R.C.F. 229; Mudrak c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CAF 178.
décisions différenciées :
Valenzuela c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 879; Valverde c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 1111; Godinez Ovalle c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 935, [2016] 2 R.C.F. 3.
décisions citées :
Lukacs c. Canada (Office des transports), 2016 CAF 202; Coderre c. Canada (Commissariat à l’information), 2015 CF 776; Rocky Mountain Ecosystem Coalition c. Canada (Office national de l’énergie), [1999] A.C.F. no 1223 (QL), 1999 CanLII 8615 (1re inst.); Medovarski c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration); Esteban c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CSC 51, [2005] 2 R.C.S. 539; Rizzo & Rizzo Shoes Ltd (Re), [1998] 1 R.C.S. 27; Zhao c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 207.
DOCTRINE CITÉE
Canada. Parlement. Chambre des communes. Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration. Témoignages, 41e lég., 2e sess., no 31 (3 juin 2014).
Driedger, Elmer A. Construction of Statutes, 2e éd. Toronto : Butterworths, 1983.
demande en vue d’obtenir une ordonnance de la nature d’un mandamus visant à contraindre le défendeur à attribuer au demandeur la citoyenneté canadienne ou, alternativement, à annuler la suspension de sa demande de citoyenneté et à la traiter sans délai. Demande rejetée.
ONT COMPARU :
Claudia Andrea Molina, pour le demandeur.
Lynne Lazaroff, pour le défendeur.
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
Cabinet Molina Inc., Montréal, pour le demandeur.
La sous-procureure générale du Canada, pour le défendeur.
Voici les motifs du jugement et du jugement rendus en français par
La juge Roussel :
I. Introduction
[1] Le demandeur, GPP, sollicite une ordonnance de la nature d’un mandamus visant à contraindre le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (ministre) à lui attribuer la citoyenneté canadienne ou, alternativement, à annuler la suspension de sa demande de citoyenneté et à la traiter sans délai. Le demandeur soutient qu’il remplit toutes les conditions pour l’octroi de la citoyenneté et que le ministre n’avait pas l’autorité légale pour suspendre le traitement de sa demande de citoyenneté.
[2] Le ministre soutient, au contraire, que la suspension administrative du traitement de la demande de citoyenneté du demandeur était légale en raison de l’article 13.1 de la Loi sur la citoyenneté, L.R.C. (1985), ch. C-29 (Loi sur la citoyenneté). Cette disposition lui confère le pouvoir de suspendre, pendant la période nécessaire, la procédure d’examen d’une demande de citoyenneté dans l’attente de renseignements, d’éléments de preuve ou de résultats d’une enquête susceptibles d’avoir une incidence sur l’admissibilité d’un demandeur à l’attribution de la citoyenneté. Par conséquent, en l’absence d’une obligation légale de continuer le traitement de la demande de citoyenneté, le demandeur ne peut prétendre satisfaire au premier critère pour l’émission d’un bref de mandamus, soit l’existence d’une obligation légale d’agir à caractère public, tel qu’énoncé par la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Apotex Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 C.F. 742 (C.A.), au paragraphe 45, confirmé par [1994] 3 R.C.S. 1100 (Apotex).
[3] Les parties conviennent que la question déterminante en l’instance est celle de savoir si le ministre avait ou non le pouvoir de suspendre la demande de citoyenneté du demandeur. Pour y répondre, la Cour doit décider si, au moment de son entrée en vigueur le 1er août 2014, l’article 13.1 de la Loi sur la citoyenneté avait un effet immédiat sur les demandes de citoyenneté déjà introduites, mais toujours en cours de traitement. La présente affaire porte donc sur l’interprétation de la disposition transitoire contenue aux paragraphes 31(1) et 31(2) de la Loi renforçant la citoyenneté canadienne, L.C. 2014, ch. 22 (Loi renforçant la citoyenneté canadienne).
II. Contexte factuel
[4] Le demandeur est originaire de Cuba. Il entre au Canada le 14 août 2009 et présente une demande d’asile un mois plus tard. Il obtient le statut de réfugié le 22 avril 2010, puis la résidence permanente le 8 juin 2011. Entre le 15 septembre 2011 et le 25 mai 2013, le demandeur retourne à Cuba à cinq reprises pour des raisons familiales. Le demandeur affirme avoir obtenu à chaque fois la permission des autorités compétentes pour s’y rendre.
[5] Le 2 janvier 2014, le demandeur présente une demande de citoyenneté canadienne. Quelques jours plus tard, il retourne à Cuba où il demeure jusqu’au 1er février 2014.
[6] Le 24 septembre 2014, le demandeur est convoqué pour un examen de citoyenneté et pour des vérifications d’identité le 8 octobre 2014. Il échoue à son examen.
[7] Le 1er novembre 2014, à son retour au Canada après un séjour de deux semaines à Cuba, un agent de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) interroge le demandeur sur ses séjours à Cuba et sur son passeport cubain. Le lendemain, l’agent inscrit une note au dossier du demandeur dans laquelle il indique que le demandeur a obtenu la résidence permanente du Canada dans la catégorie de demandeur d’asile contre son pays d’origine le 8 juin 2011, qu’il a depuis effectué sept voyages à Cuba et qu’un passeport cubain lui a été délivré le 30 septembre 2013.
[8] Le 5 novembre 2014, le demandeur réussit son examen de citoyenneté.
[9] Le 18 décembre 2014, un officier de traitement des demandes de citoyenneté constate au Système mondial de gestion des cas une note inscrite par l’ASFC en date du 6 novembre 2014 selon laquelle le dossier du demandeur est « à l’étude pour annulation ou perte d’asile ».
[10] Le 22 décembre 2014, le bureau local de la citoyenneté reçoit une demande de l’ASFC de suspendre l’étude de la demande de citoyenneté du demandeur en raison de l’enquête par l’ASFC sur l’annulation ou la perte d’asile du demandeur.
[11] Le 20 juin 2017, après plusieurs demandes de suivi de dossier formulées par le demandeur et par le bureau de la citoyenneté, l’ASFC transmet une demande de perte d’asile fondée sur l’article 108 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (LIPR) à la Commission de l’immigration et du statut de réfugié au motif que le demandeur est retourné dans son pays d’origine depuis l’obtention de son statut de réfugié.
[12] Le 8 septembre 2017, le ministre informe le demandeur par courriel que sa demande de citoyenneté est suspendue depuis le 22 décembre 2014 en vertu de l’article 13.1 de la Loi sur la citoyenneté, lequel est entré en vigueur le 1er août 2014. De plus, le ministre précise que selon le sous-alinéa 31(1)b)(iv) et le paragraphe 31(2) de la Loi renforçant la citoyenneté canadienne, l’article 13.1 de la Loi sur la citoyenneté s’applique à toutes les demandes de citoyenneté présentées en vertu du paragraphe 5(1) de la Loi sur la citoyenneté y incluant celles déposées avant le 1er août 2014.
[13] Le 27 octobre 2017, le demandeur dépose la présente demande d’autorisation de contrôle judiciaire devant cette Cour.
III. Contexte législatif
[14] Lorsque le demandeur dépose sa demande de citoyenneté le 2 janvier 2014, les conditions légales pour l’attribution de la citoyenneté sont prévues au paragraphe 5(1) de la Loi sur la citoyenneté. Le ministre attribuait alors la citoyenneté à une personne qui démontrait entre autres qu’elle était un résident permanent au sens du paragraphe 2(1) de la LIPR et qu’elle avait, dans les quatre ans qui ont précédé la date de sa demande, résidé au Canada pendant au moins trois ans (Loi sur la citoyenneté, alinéa 5(1)c)).
[15] Il était également prévu à l’article 17 [de la Loi sur la citoyenneté, abrogé par L.C. 2014, ch. 22, art. 13] que le ministre pouvait suspendre la procédure d’examen de la demande pendant la période nécessaire s’il estimait ne pas avoir tous les renseignements lui permettant d’établir que le demandeur de citoyenneté remplissait les conditions prévues par la loi et ses règlements. La période de suspension ne pouvait toutefois dépasser six mois suivant la date de suspension.
[16] Le 19 juin 2014, la Loi renforçant la citoyenneté canadienne reçoit la sanction royale. Cette loi modifie la Loi sur la citoyenneté dans sa version antérieure, notamment pour mettre à jour les conditions d’admissibilité en vue d’obtenir la citoyenneté canadienne, pour renforcer les dispositions touchant la sécurité et la fraude et pour modifier les dispositions régissant l’examen des demandes et la révision des décisions.
[17] Parmi les changements apportés, l’article 11 de la Loi renforçant la citoyenneté canadienne prévoit l’ajout de l’article 13.1 à la Loi sur la citoyenneté qui se lit comme suit :
Suspension de la procédure d’examen
13.1 Le ministre peut suspendre, pendant la période nécessaire, la procédure d’examen d’une demande :
a) dans l’attente de renseignements ou d’éléments de preuve ou des résultats d’une enquête, afin d’établir si le demandeur remplit, à l’égard de la demande, les conditions prévues sous le régime de la présente loi, si celui-ci devrait faire l’objet d’une enquête dans le cadre de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés ou d’une mesure de renvoi au titre de cette loi, ou si les articles 20 ou 22 s’appliquent à l’égard de celui-ci;
b) dans le cas d’un demandeur qui est un résident permanent qui a fait l’objet d’une enquête dans le cadre de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, dans l’attente de la décision sur la question de savoir si une mesure de renvoi devrait être prise contre celui-ci.
[18] L’article 13 de la Loi renforçant la citoyenneté canadienne abroge également l’article 17 de la Loi sur la citoyenneté.
[19] La Loi renforçant la citoyenneté canadienne prévoit différentes dates d’entrée en vigueur pour les modifications apportées à la Loi sur la citoyenneté. Selon le paragraphe 46(1) de la Loi renforçant la citoyenneté canadienne, l’article 11 de cette même loi entre en vigueur à la date fixée par décret. Or, le décret en question, C.P. 2014-891, est introduit le 31 juillet 2014 et fixe l’entrée en vigueur de l’article 11 de la Loi renforçant la citoyenneté canadienne au 1er août 2014. Par conséquent, l’article 13.1 de la Loi sur la citoyenneté entre en vigueur le 1er août 2014.
[20] L’article 13 de la Loi renforçant la citoyenneté canadienne, qui abroge l’article 17 de la Loi sur la citoyenneté, entre en vigueur à la même date.
[21] Dans le but d’éviter toute ambiguïté quant à l’application des dispositions modifiées, abrogées ou ajoutées à la Loi sur la citoyenneté, la Loi renforçant la citoyenneté canadienne comporte diverses dispositions transitoires. Le sous-alinéa 31(1)b)(iv) et le paragraphe 31(2) de la Loi renforçant la citoyenneté canadienne régissent l’application de l’article 13.1 de la Loi sur la citoyenneté. Ils se lisent ainsi :
Demandes en instance — articles 5, 5.1, 9 ou 11
31. (1) Sous réserve des paragraphes (2) et (3), la demande qui a été présentée en vertu des paragraphes 5(1), (2) ou (5), 5.1(1), (2) ou (3), 9(1) ou 11(1) de la Loi sur la citoyenneté avant la date d’entrée en vigueur du paragraphe 3(7) et dont il n’a pas été décidé définitivement avant cette date est régie à la fois par :
a) cette loi, dans sa version antérieure à cette date, exception faite de l’article 3, du paragraphe 5(4), des articles 5.1 et 14 et de l’alinéa 22(1)f);
b) les dispositions ci-après de cette loi, dans leur version à cette date :
(i) l’article 3,
(ii) l’alinéa 5(2)b) et le paragraphe 5(4),
(iii) l’article 5.1, exception faite de l’alinéa (1)c.1),
(iv) les articles 13.1 à 14,
(v) les alinéas 22(1)a.1), a.2), b.1), e.1), e.2) et f) et les paragraphes 22(1.1), (3) et (4).
Décret
(2) À la date d’entrée en vigueur de l’article 11, le renvoi au paragraphe 3(7) visé au paragraphe (1) est remplacé par un renvoi à cet article 11.
Alinéas 5(1)c) et 11(1)d)
(3) À la date d’entrée en vigueur du paragraphe 2(2) :
a) le renvoi à l’article 11 visé au paragraphe (1) est remplacé par un renvoi à ce paragraphe 2(2);
b) l’exigence selon laquelle la personne est tenue de satisfaire à toute condition rattachée à son statut de résident permanent, mentionnée aux alinéas 5(1)c) et 11(1)d) de cette loi édictés par les paragraphes 3(1) et 9(2), respectivement, s’applique aux demandes visées au paragraphe (1).
[22] En 2015, l’article 31 est modifié par l’adoption de l’article 11 de la Loi sur la protection du Canada contre les terroristes, L.C. 2015, ch. 9. Il n’est toutefois pas nécessaire pour la Cour de tenir compte de ces modifications dans le cadre de son analyse.
IV. Analyse
[23] Les conditions qui doivent être respectées pour qu’une ordonnance de mandamus puisse être accordée sont énoncées dans l’affaire Apotex, précitée. Ces conditions doivent toutes être réunies pour que la Cour puisse accorder ce remède extraordinaire (Lukacs c. Canada (Office des transports), 2016 CAF 202, au paragraphe 29; Coderre c. Canada (Commissariat à l’information), 2015 CF 776, au paragraphe 27; Rocky Mountain Ecosystem Coalition c. Canada (Office national de l’énergie), [1999] A.C.F. no 1223 (QL), 1999 CanLII 8615 (1re inst.), au paragraphe 30).
[24] Pour les fins de la présente instance, la première condition est déterminante : celle de l’existence d’une obligation légale d’agir à caractère public à l’égard du demandeur.
[25] La Cour estime que le demandeur n’a pas démontré que cette condition est remplie.
[26] Le demandeur soutient que le ministre avait l’obligation de continuer à traiter sa demande de citoyenneté puisque l’article 13.1 de la Loi sur la citoyenneté n’a pas d’effet rétroactif sur la demande qu’il a présentée le 2 janvier 2014. Il affirme que c’est la date de présentation qui compte en vertu des paragraphes 31(1) et 31(2) de la Loi renforçant la citoyenneté canadienne et que seules les demandes reçues à partir du 1er août 2014 sont assujetties à l’article 13.1 de la Loi sur la citoyenneté. Son interprétation se fonde sur le fait que la Loi sur la citoyenneté ne comporte pas d’article 13.1 dans sa version antérieure au 1er août 2014.
[27] Pour sa part, le ministre soutient que le sous-alinéa 31(1)b)(iv) et le paragraphe 31(2) de la Loi renforçant la citoyenneté canadienne énoncent une application immédiate de l’article 13.1 de la Loi sur la citoyenneté aux demandes de citoyenneté encore en cours de traitement et non encore finalisées.
[28] La Cour reconnaît d’emblée que la disposition transitoire soulève des difficultés d’interprétation. Ceci est dû en grande partie au fait qu’elle ne reste pas figée dans le temps parce qu’elle vise plusieurs dates d’entrées en vigueur. La Cour estime néanmoins que l’interprétation proposée par le ministre est la bonne.
[29] L’article 31 de la Loi renforçant la citoyenneté canadienne comporte trois paragraphes. Lu dans son ensemble, l’on constate que cet article réfère à deux textes de loi et trois différentes dates de référence.
[30] D’abord, l’extrait « [s]ous réserve des paragraphes (2) et (3) », que l’on retrouve au début du paragraphe 31(1), réfère nécessairement à la Loi renforçant la citoyenneté canadienne. L’extrait suivant, qui se lit « la demande qui a été présentée en vertu du paragraphe 5(1) », fait référence à une demande présentée en vertu de la Loi sur la citoyenneté. Ensuite, l’extrait « avant la date d’entrée en vigueur du paragraphe 3(7) » se rapporte à la date d’entrée en vigueur par décret du paragraphe 3(7) de la Loi renforçant la citoyenneté canadienne, soit le 19 juin 2014, et constitue le point de référence. Donc, en faisant les adaptations nécessaires, le début du paragraphe 31(1) se lirait ainsi en date du 19 juin 2014 :
31(1) Sous réserve des paragraphes (2) et (3) de la Loi renforçant la citoyenneté canadienne, la demande qui a été présentée en vertu du paragraphe 5(1) de la Loi sur la citoyenneté avant le 19 juin 2014, date d’entrée en vigueur du paragraphe 3(7) de la Loi renforçant la citoyenneté canadienne, et dont il n’a pas été décidé définitivement avant cette date est régie à la fois par […]
[31] Quant au paragraphe 31(2), cette disposition régit l’application des dispositions dont l’entrée en vigueur est survenue après le 19 juin 2014. Il est prévu qu’à la date d’entrée en vigueur de l’article 11 de la Loi renforçant la citoyenneté canadienne, fixée par décret comme étant le 1er août 2014, le renvoi au paragraphe 3(7) qui se retrouve dans le paragraphe 31(1) de la Loi renforçant la citoyenneté canadienne est remplacé par un renvoi à cet article 11. Donc, une fois les adaptations faites, le début du paragraphe 31(1) se lirait comme suit dès le 1er août 2014 :
31(1) Sous réserve des paragraphes (2) et (3) de la Loi renforçant la citoyenneté canadienne, la demande qui a été présentée en vertu du paragraphe 5(1) de la Loi sur la citoyenneté avant le 1er août 2014, date d’entrée en vigueur de l’article 11 de la Loi renforçant la citoyenneté canadienne, et dont il n’a pas été décidé définitivement avant cette date est régie à la fois par […]
[32] Le même exercice doit se faire pour le paragraphe 31(3) de la Loi renforçant la citoyenneté canadienne qui prévoit qu’au moment de l’entrée en vigueur du paragraphe 2(2) de la Loi renforçant la citoyenneté canadienne, l’on doit remplacer le renvoi à l’article 11 (prescrit par le paragraphe 31(2) de la Loi renforçant la citoyenneté canadienne en remplacement du paragraphe 3(7) de la Loi renforçant la citoyenneté canadienne) par le paragraphe 2(2) de la Loi renforçant la citoyenneté canadienne, dont l’entrée en vigueur a été fixée par décret au 11 juin 2015. Sous peine de répétition, le début du paragraphe 31(1) de la Loi renforçant la citoyenneté canadienne se lirait comme suit dès le 11 juin 2015 :
31(1) Sous réserve des paragraphes (2) et (3) de la Loi renforçant la citoyenneté canadienne, la demande qui a été présentée en vertu du paragraphe 5(1) de la Loi sur la citoyenneté avant le 11 juin 2015, date d’entrée en vigueur du paragraphe 2(2) de la Loi renforçant la citoyenneté canadienne, et dont il n’a pas été décidé définitivement avant cette date est régie à la fois par […]
[33] Ayant déterminé comment lire l’introduction du paragraphe 31(1), l’on constate que le législateur a voulu que les demandes qui étaient déjà déposées et toujours en cours de traitement soient régies par deux régimes. D’abord, à l’alinéa 31(1)a), l’extrait « cette loi » ainsi que les articles énumérés font référence à la Loi sur la citoyenneté. En d’autres termes, dans le cas qui nous occupe, les demandes de citoyenneté présentées avant le 1er août 2014 et toujours en traitement sont régies par la Loi sur la citoyenneté dans sa version antérieure au 1er août 2014, à l’exception de l’article 3, le paragraphe 5(4), les articles 5.1 et 14 et l’alinéa 22f).
[34] Le paragraphe 31(1) prévoit cependant ensuite à l’alinéa b) que ces mêmes demandes seront soumises aux dispositions qui y sont énumérées et qui se trouvent dorénavant incorporées à la Loi sur la citoyenneté par l’adoption de la Loi renforçant la citoyenneté canadienne. Donc, l’article 13.1 de la Loi renforçant la citoyenneté canadienne, qui est entré en vigueur le 1er août 2014, s’applique aux demandes présentées avant le 1er août 2014 et qui n’ont pas encore fait l’objet d’une décision définitive.
[35] Aux paragraphes 4 et 41 de son mémoire additionnel, le demandeur affirme qu’après l’entrevue du 5 novembre 2014, il remplissait toutes les conditions préalables pour faire naitre l’obligation du greffier de saisir un juge de la citoyenneté pour se voir attribuer la citoyenneté en vertu de l’article 5(1) de la Loi sur la citoyenneté. Néanmoins, puisque sa demande de citoyenneté n’avait pas fait l’objet d’une décision définitive en date du 1er août 2014, la demande de citoyenneté du demandeur était régie à la fois par les dispositions de la Loi sur la citoyenneté, telle qu’elle existait avant le 1er août 2014, et par l’article 13.1, tel qu’ajouté à la Loi sur la citoyenneté par la Loi renforçant la citoyenneté canadienne.
[36] La Cour ne peut souscrire à l’argument du demandeur voulant que seule la date de présentation soit pertinente pour déterminer quelle version de la Loi sur la citoyenneté doit être appliquée. L’utilisation des mots « à la fois » au paragraphe 31(1) suggère le contraire.
[37] Il est vrai que l’interprétation législative ne peut être fondée sur le seul libellé du texte de la loi. Il faut lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur. Il s’agit du principe moderne d’interprétation législative de Driedger [Construction of Statutes, 2e éd. Toronto : Butterworths, 1983] (Medovarski c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration); Esteban c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CSC 51, [2005] 2 R.C.S. 539, au paragraphe 15; Rizzo & Rizzo Shoes Ltd (Re), [1998] 1 R.C.S. 27, au paragraphe 21; Valenzuela c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 879 (Valenzuela), au paragraphe 26; Zhao c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 207, au paragraphe 25).
[38] L’interprétation d’application immédiate proposée par le ministre est compatible avec l’intention du législateur tel qu’en fait foi un extrait des débats parlementaires sur le projet de loi en date du 3 juin 2014. Le secrétaire parlementaire du ministre indiquait alors que les « nouveaux pouvoirs accordés en vertu des projets d’articles 13.1 et 13.2 s’appliqu[eraient] aux demandes en cours de traitement au moment de l’entrée en vigueur de ces dispositions » (Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration, CIMM Numéro 031, 2e session, 41e législature, Témoignages, mardi le 3 juin 2014, à la page 9).
[39] Par ailleurs, cette interprétation est également conforme au sommaire de la Loi renforçant la citoyenneté canadienne qui indique que les modifications apportées aux dispositions sur l’examen des demandes et la révision des décisions visent notamment à élargir les cas où l’examen d’une demande peut être suspendu et à modifier la durée de la suspension (voir le paragraphe b) de la troisième section du sommaire).
[40] Enfin, la Cour estime que si le législateur avait retenu la position du demandeur, il aurait été plus simple de prévoir que les demandes de citoyenneté soient régies par la version de la Loi sur la citoyenneté qui existait au moment de leur présentation. Au contraire, le législateur a prévu un régime permettant à la fois aux demandeurs de conserver un droit acquis à ce que leur demande soit régie par les critères de résidence applicables au moment du dépôt de leur demande et aux autorités de disposer des outils et du temps nécessaire pour effectuer des enquêtes sur l’admissibilité d’un demandeur à présenter une demande de citoyenneté.
[41] Quant à la jurisprudence proposée par le demandeur, la Cour estime qu’elle n’appuie pas la position du demandeur (Valenzuela, précitée; Valverde c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 1111 (Valverde); Godinez Ovalle c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 935, [2016] 2 R.C.F. 3 (Ovalle)).
[42] Dans l’affaire Valverde, la demande de citoyenneté avait été présentée en juin 2012 et la demanderesse avait réussi son examen de citoyenneté le 15 août 2013. Sa demande avait été suspendue le même jour et son dossier avait été renvoyé à l’ASFC pour qu’elle fasse l’objet d’une procédure relative à la perte d’asile. Or, la Cour a déterminé que les critères pour l’émission d’un mandamus étaient satisfaits puisque le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration n’avait pas le pouvoir de mettre sa demande de citoyenneté en attente le 15 août 2013. À cette date, la demanderesse satisfaisait à toutes les exigences relatives à la citoyenneté et l’article 13.1 de la Loi sur la citoyenneté n’était pas encore entré en vigueur.
[43] Les mêmes circonstances se sont présentées dans l’affaire Ovalle. Le dossier du demandeur était complet le 14 février 2014 et sa demande a été suspendue le 12 mars 2014. Encore une fois, alors que le dossier du demandeur était complet, l’article 13.1 de la Loi sur la citoyenneté n’était pas entré en vigueur.
[44] Le cas du demandeur en l’instance se distingue de ces affaires puisque sa demande n’était pas complète au moment de l’entrée en vigueur de l’article 13.1 de la Loi sur la citoyenneté.
[45] Quant à l’affaire Valenzuela, la question en litige portait sur l’interprétation à donner au terme « présentée ». Le demandeur avait envoyé sa demande de citoyenneté le 9 juin 2015 et elle a été reçue le 12 juin 2015. Or, le 11 juin 2015, les nouvelles dispositions sont entrées en vigueur et ont eu pour effet de modifier les exigences en matière de citoyenneté.
[46] Considérant que le demandeur n’a pas démontré que le ministre n’avait pas l’autorité légale de suspendre sa demande de citoyenneté, le premier critère pour l’émission d’un mandamus n’est pas satisfait. Il n’est donc pas utile de poursuivre l’analyse plus loin puisque les critères sont exhaustifs.
V. Question certifiée
[47] Lors de l’audience, le ministre a proposé à la Cour de certifier la question suivante :
Est-ce que l’article 13.1 de la Loi sur la citoyenneté, LRC 1985, c C-29 s’applique immédiatement aux demandes de citoyenneté reçues auprès d’Immigration, Réfugiés, Citoyenneté Canada et non encore finalisées au jour de son entrée en vigueur?
[48] Afin de permettre au demandeur de se positionner sur la question, la Cour a accordé aux parties un délai additionnel pour qu’elles puissent soumettre des prétentions écrites à l’appui de leurs positions respectives.
[49] Le demandeur s’oppose à la certification de la question telle que proposée par le ministre au motif qu’elle ne traite que de l’article 13.1 de la Loi sur la citoyenneté alors que le refus de mettre fin à la suspension de la demande de citoyenneté du demandeur découle de l’interprétation du sous-alinéa 31(1)b)(iv) et du paragraphe 31(2) de la Loi renforçant la citoyenneté canadienne. Le demandeur reconnaît toutefois que la question soulevée par la demande de contrôle judiciaire est importante et propose que la question se lise ainsi :
Est-ce que le sous-alinéa 31(1)b)iv) et le paragraphe 31(2) de la Loi renforçant la citoyenneté canadienne, LC 2014, c 22 permettent de suspendre les demandes de citoyenneté en vertu de l’article 13.1 de la Loi sur la citoyenneté, LRC 1985, c C-29 pour des demandes de citoyenneté présentées avant le 1er août 2014?
[50] Le paragraphe 22.2d) de la Loi sur la citoyenneté prévoit que le jugement sur une demande de contrôle judiciaire n’est susceptible d’appel à la Cour d’appel fédérale que si le juge certifie que l’affaire soulève une question grave de portée générale et énonce celle-ci. La Cour d’appel fédérale a récemment confirmé les critères applicables pour qu’une question soit dûment certifiée dans les arrêts Lewis c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2017 CAF 130, [2018] 2 R.C.F. 229, au paragraphe 36 et Mudrak c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CAF 178, aux paragraphes 15 et 16. La question doit être déterminante quant à l’issue de l’appel, transcender les intérêts des parties au litige et porter sur des questions ayant des conséquences importantes ou qui sont de portée générale. Cela signifie que la question doit avoir été tranchée par la Cour fédérale et doit découler de l’affaire elle-même et non des motifs du juge.
[51] Bien que les parties ne s’entendent pas sur le libellé de la question à certifier, la Cour estime que la question de l’application immédiate ou non de l’article 13.1 de la Loi sur la citoyenneté aux demandes de citoyenneté en cours de traitement mais qui ne sont pas réglées de manière définitive en date du 1er août 2014 soulève tout de même une question importante qui transcende l’intérêt des parties au présent dossier et qui serait déterminante quant à l’issue d’un appel. La Cour estime toutefois que les questions proposées par les parties devraient être reformulées de la façon suivante :
Est-ce que l’article 13.1 de la Loi sur la citoyenneté, L.R.C. (1985), ch. C-29 permet au ministre de suspendre une demande de citoyenneté présentée avant le 1er août 2014 et dont il n’a pas été décidé définitivement avant cette date?
JUGEMENT au dossier T-1615-17
LA COUR STATUE que :
1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée;
2. La question suivante est certifiée :
Est-ce que l’article 13.1 de la Loi sur la citoyenneté, L.R.C. (1985), ch. C-29 permet au ministre de suspendre une demande de citoyenneté présentée avant le 1er août 2014 et dont il n’a pas été décidé définitivement avant cette date?