A-771-85
A-772-85
Société canadienne des postes, Stuart Cooke,
François Boyer, Yves Dubuc, Jacques Lamarche
(appelants)
c.
Syndicat des postiers du Canada, SPC: 174 GG
208 (intimé)
et
Procureur général du Canada (mis-en-cause)
RÉPERTORIÉ: S.P.C. c. SOCIÉTÉ CANADIENNE DES POSTES
Cour d'appel, juges Marceau, Hugessen et Lacom-
be—Montréal, 6 novembre; Ottawa, 18 décembre
1986.
Pratique — Outrage au tribunal — Appel interjeté contre le
rejet de la demande d'annulation de l'ordonnance de justifica
tion ex parte — Demande d'ordonnance de justification
appuyée par des affidavits de postiers attestant du maintien
dans trois succursales de la Société canadienne des postes
d'une pratique interdite par une sentence arbitrale — Demande
d'annulation au motif que les affidavits seraient irrecevables
parce qu'ils ne lient pas les appelants à la violation de la
sentence arbitrale — Rejet de la demande, le second juge ne
voulant pas substituer ses vues à celles du premier juge —
L'appel des appelants individuels est accueilli; l'appel de la
société est rejeté (dissidence du juge Marceau) — Aucune
preuve n'établit un rapport entre les appelants individuels et la
violation de la sentence arbitrale — La demande d'ordonnance
de justification visée à la Règle 355(4) doit être conforme aux
exigences de la Règle 319(2) — L'ordonnance ex parte pronon-
cée contre la Société canadienne des postes est justifiée selon
la preuve prima facie des affidavits relative au maintien de la
pratique interdite — Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap.
663, Règles 319(1),(2), 330a) (mod. par DORS/79-58, art. 1),
355(4).
Compétence de la Cour fédérale — Division de première
instance — Appel contre le rejet de la demande d'annulation
de l'ordonnance de justification rendue ex parte — L'appel est
accueilli quant aux appelants individuels car les affidavits à
l'appui de la demande d'ordonnance de justification sont enta-
chés d'un vice — Il y a compétence naturelle d'annuler l'or-
donnance ex parte s'il ressort, après audition de la partie lésée,
que l'ordonnance n'aurait pas dû être rendue — La Règle
330a) s'applique à toute ordonnance ex parte y compris aux
ordonnances de justification — Règles de la Cour fédérale,
C.R.C., chap. 663, Règles 319(1),(2), 330a) (mod. par
DORS/79-58, art. 1), 355(4).
Relations du travail — Sentence arbitrale déposée auprès de
la Cour fédérale — Appel contre le rejet de la demande
d'annulation d'une ordonnance de justification rendue ex parte
— Les affidavits justificatifs donnent une preuve prima facie
de la violation de la sentence arbitrale, mais ils n'établissent
pas de lien entre cette violation et les appelants individuels —
L'appel est accueilli quant aux appelants individuels (dissi-
dence du juge Marceau) — L'ordonnance ne peut se fonder sur
des renseignements défectueux — Il doit être satisfait aux
exigences procédurales de la Règle 319(2) — La partie lésée
n'est pas tenue à ne soulever que d'autres faits que ceux qui
ont été présentés au moment où a été rendue l'ordonnance ex
parte — L'appel est rejeté à l'égard de la Société canadienne
des postes en raison de la preuve prima facie du maintien de la
pratique prohibée — Code canadien du travail, S.R.C. 1970,
chap. L-1, art. 159 (mod. par S.C. 1977-78, chap. 27, art. 57)
— Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663, Règles
319(1),(2), 330a) (mod. par DORS/79-58, art. 1), 355(4).
Il s'agit d'un appel d'un jugement de la Division de première
instance qui a rejeté la requête en annulation d'une ordonnance
rendue ex parte enjoignant aux appelants de comparaître pour
répondre à une accusation d'outrage au tribunal. L'intimé avait
présenté une demande d'ordonnance de justification, en vertu
de la Règle 355(4), au motif que les appelants ne s'étaient pas
conformés à la sentence arbitrale ordonnant à l'employeur de
cesser d'engager des facteurs pour remplir les fonctions des
postiers. Les appelants ont demandé à leur tour à la Cour, en
vertu de la Règle 330a), d'annuler l'ordonnance ex parte pour
cause d'irrecevabilité de la demande visant la délivrance de
cette ordonnance. Les appelants n'ont pas tenté d'établir devant
le juge qui procédait à la révision, des faits additionnels à ceux
dont l'intimé avait fait état devant le juge qui avait rendu
l'ordonnance de justification. Ils ont soutenu que les affidavits
justificatifs n'établissaient pas les faits allégués en ce sens qu'ils
ne les rattachaient pas à la violation de la sentence arbitrale. La
demande a été rejetée, le second juge n'étant pas disposé à
substituer son opinion de la preuve à celle du juge qui avait
rendu l'ordonnance.
Arrêt (le juge Marceau dissident): l'appel des appelants
nommément désignés devrait être accueilli; l'appel de la Société
canadienne des postes devrait être rejeté.
Le juge Lacombe (avec l'appui du juge Hugessen): Il n'existe
aucune preuve dans les affidavits ni au dossier que les appelants
désignés nommément aient participé à la violation de la sen
tence arbitrale. Encore moins y avait-il de preuve en quoi et
comment pouvait leur être personnellement imputable la déso-
béissance à la sentence arbitrale. La demande d'ordonnance de
justification visée à la Règle 355(4) relève de la Règle 319(2),
qui exige qu'une requête soit appuyée par un affidavit certifiant
tous les faits sur lesquels se fonde la requête sauf ceux qui
ressortent au dossier. L'ordonnance ex parte n'aurait pas dû
être prise contre les appelants désignés nommément.
L'arrêt Wilson c. R., cité à l'appui de la proposition selon
laquelle le juge qui procède à la révision ne peut intervenir que
lorsque des faits supplémentaires sont établis devant lui, ne
s'applique pas. Il s'agissait là d'une affaire criminelle, concer-
nant l'examen d'une autorisation visant l'écoute électronique.
De plus, le juge saisi d'une demande d'autorisation d'écoute
électronique a discrétion de l'accorder ou de la refuser, alors
que le juge saisi d'une demande d'ordonnance de justification
en vertu de la Règle 355(4) n'a pas de pouvoir discrétionnaire.
Il doit rendre l'ordonnance selon que le droit, la preuve et les
procédures l'exigent. Lorsqu'une telle ordonnance a été rendue
ex parte, le juge saisi d'une requête en annulation en vertu de la
Règle 300a) n'a pas davantage de discrétion à exercer lui-
même. Il doit accorder le recours soit pour des motifs de droit
péremptoires qui ont échappé au juge qui a prononcé l'ordon-
nance, soit en raison de faits additionnels que la partie lésée
soulève lorsqu'on lui donne la possibilité de se faire entendre.
Le droit applicable à la révision des ordonnances rendues ex
parte reste celui qui a été formulé dans l'arrêt May & Baker
(Canada) Liée c. L'»Oak»: quand une ordonnance est rendue ex
parte, la Cour est naturellement compétente pour annuler
celle-ci, après avoir accordé à la partie lésée l'occasion de faire
valoir ses droits, s'il apparaît alors que l'ordonnance ex parte
n'aurait pas dû être rendue. La Règle 330a) s'applique à «toute
ordonnance rendue ex parte» y compris l'ordonnance de justifi
cation qui, selon la Règle 355(4), peut être rendue sans que la
partie adverse soit entendue. Son objet est de permettre à la
partie lésée, par application du principe fondamental audi
alteram partem, de faire valoir tous ses moyens militant à
l'encontre de la délivrance de l'ordonnance ex parte. La partie
lésée ne peut être restreinte à ne pouvoir soulever que des faits
additionnels à ceux qui ont présidé à la délivrance de l'ordon-
nance ex parte. -
Bien que l'ordonnance de justification ne soit qu'une simple
assignation, une dénonciation irrégulière ne peut conduire à une
assignation valide. Les appelants désignés nommément
n'avaient pas à attendre de comparaître en réponse à une
assignation irrégulière pour attaquer devant le tribunal une
preuve que l'intimé n'avait pas faite lors de sa délivrance. Ils
avaient le droit d'obtenir la levée immédiate de l'ordonnance.
Toutefois, l'ordonnance ex parte prononcée contre la Société
canadienne des postes était justifiée. Les affidavits contenaient
la preuve prima facie que la pratique prohibée se poursuivait
toujours dans trois succursales de la Société canadienne des
postes. Cette preuve était suffisamment articulée pour permet-
tre au juge de première instance qui prononçait l'ordonnance de
justification de citer l'appelante à comparaître. C'est lors de
l'audition au fond que l'appelante pourra faire valoir ses
moyens de défense. Le juge qui est saisi d'une demande d'or-
donnance de justification est simplement tenu de se rendre
compte que la preuve dont font état les affidavits à l'appui de la
demande suffit à justifier sa délivrance: Baxter Travenol Labo
ratories Inc. c. Cutter (Canada) Ltd. (1985), 56 N.R. 282
(C.A.F.).
Le juge Marceau (dissident): La décision du premier juge
n'est pas en cause. L'appel vise la décision du second juge et la
question de savoir s'il a commis une erreur en refusant de se
mettre à la place du premier juge.
La Règle 330 confirme l'existence du pouvoir d'annuler une
décision rendue ex parte, mais elle n'indique nullement en quoi
consiste cette annulation ni ne fournit de précision sur les
circonstances dans lesquelles elle pourra avoir lieu. On ne parle
cependant pas d'une décision qui remplace celle initialement
rendue, mais qui s'y superpose seulement, laissant intacts tous
les effets produits jusque là. Le pouvoir réservé à la Règle 330
n'est pas un pouvoir d'appel. Le pouvoir de révision dans les cas
où la Cour a dû rendre une décision ex parte dérive de la
common law. Il est inhérent à la juridiction de la Cour, et il
correspond à une nécessité. Un tel pouvoir est nécessaire seule-
ment pour obvier au cas où la Cour aurait agi sur la base d'une
information trompeuse ou incomplète, car autrement un appel,
portant sur le dossier tel que constitué, serait interjeté. Depuis
que l'arrêt May & Baker a été rendu, le juge Mclntyre, dans
l'arrêt Wilson c. R., a approuvé les propos tenus dans l'arrêt
Gulf Islands Navigation, à savoir qu'en tout état de cause, il ne
revenait pas normalement à un juge autre que celui qui avait
pris la décision initiale ex parte de s'arroger le pouvoir de la
réviser. Bien que l'arrêt Wilson ait porté sur une affaire
criminelle, les propos approuvés avaient été prononcés dans une
affaire civile, et ils prétendaient résumer l'état d'une jurispru
dence constante en matière civile. Le juge de première instance
n'avait pas le pouvoir de siéger en appel de la décision du
premier juge. Toutefois, si l'on suppose qu'il avait ce pouvoir, le
fait que le juge ait pu donner suite à la requête ne signifie pas
qu'il était tenu de le faire. Si son refus d'exercer son pouvoir est
fondé sur un motif valable et qu'il n'est pas susceptible de
causer un déni de justice en privant définitivement des justicia-
bles d'un remède auquel ils ont droit, le droit d'opposer un tel
refus ne saurait être nié. C'est bien le cas ici. Le motif valable
est la réticence du juge à se substituer à son collègue et à agir
en juge d'appel, une situation qui est à éviter autant que faire se
peut. Les appelants auront la possibilité d'exposer la situation
au moment de leur comparution. L'autre solution réside dans
un appel. Un juge a le pouvoir discrétionnaire de rejeter une
demande pour le seul motif qu'il lui semble qu'une autre
procédure serait préférable: Rex v. Kennedy, a Metropolitan
Magistrate (1902), 86 L.T. Rep. 753 (H.C.).
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
May & Baker (Canada) Liée c. L',,Oak», [1979] 1 C.F.
401; (1978), 89 D.L.R. (3d) 692 (C.A.); Baxter Travenol
Laboratories Inc. c. Cutter (Canada) Ltd. (1985), 56
N.R. 282 (C.A.F.).
DISTINCTION FAITE AVEC:
Wilson c. R., [1983] 2 R.C.S. 594; [1984] 1 W.W.R.
481; (1984), 51 N.R. 321.
DÉCISIONS CITÉES:
Kukan c. Ministre de la Main-d'oeuvre et de l'Immigra-
tion, [1974] 1 C.F. 12; (1974), 1 N.R. 445 (C.A.); R. c.
Perry, [1982] 2 C.F. 519; (1982), 133 D.L.R. (3d) 703
(C.A.); Gulf Islands Navigation Ltd. v. Seafarers Inter-
nat'! Union of North America (1959), 18 D.L.R. (2d)
625; (1959), 28 W.W.R. 517 (C.A.C.-B.); Rex v. Ken-
nedy, a Metropolitan Magistrate (1902), 86 L.T. Rep.
753 (H.C.).
AVOCATS:
R. Luc Beaulieu pour les appelants.
Olivier Després pour l'intimé.
PROCUREURS:
Ogilvy, Renault, Montréal, pour les appe-
lants.
Trudel, Nadeau, Lesage, Cleary, Larivière et
Associés, Montréal, pour l'intimé.
Voici les motifs du jugement rendus en français
par
LE JUGE MARCEAU (dissident): Je le regrette,
mais je ne partage pas l'avis de monsieur le juge
Lacombe. Je ne crois pas que le juge de première
instance [jugement en date du 23 septembre 1985,
T-1015-1016-85] ait commis une erreur qui puisse
donner ouverture à la sanction de cette Cour. Mon
collègue suggère de maintenir l'appel pour partie;
au contraire, je me sens incapable de contester,
sinon la facture du jugement a quo, du moins sa
substance, et je refuserais d'intervenir. Cela étant,
il me faut, avec égards, expliquer mes réserves
quant à sa façon de voir et tenter de défendre la
mienne.
Mais d'abord entendons-nous sur ce dont il
s'agit. Saisi d'une requête introductive d'une pro-
cédure d'outrage au tribunal, un juge de la Divi
sion de première instance émettait, en septembre
1985, une ordonnance enjoignant aux appelants de
comparaître à une date déterminée pour entendre
la preuve des actes qu'on leur reprochait et, le cas
échéant, exposer les raisons de leur conduite. La
requête, faite sous la Règle 355(4) [Règles de la
Cour fédérale, C.R.C., chap. 663], n'avait pas fait
l'objet de signification, de sorte que le juge avait
dû prendre sa décision ex parte. En prenant con-
naissance des procédures engagées contre eux, les
appelants formèrent l'opinion que la preuve par
affidavit présentée au soutien de la requête n'était
pas suffisante pour appuyer valablement l'émission
de l'ordonnance, et ils décidèrent de l'attaquer. Il
leur était loisible de procéder par la voie de l'appel
(et de fait ils prirent prudemment les mesures pour
que la possibilité éventuelle d'un appel leur reste
ouverte au cas où leur choix de procédure s'avère-
rait malheureux) mais ils crurent préférable de se
prévaloir d'abord de la possibilité que semblait
offrir la Règle 330 [mod. par DORS/79-58, art. 1]
dont il convient de reproduire de nouveau le texte,
vu son importance pour la discussion à venir:
Règle 330. La Cour peut annuler
a) toute ordonnance rendue ex parte, ou
b) toute ordonnance rendue en l'absence d'une partie qui a
omis de comparaître par suite d'un événement fortuit ou
d'une erreur ou à cause d'un avis de requête insuffisant;
mais une telle annulation n'affecte ni la validité ni la nature
d'une action ou omission antérieure à l'ordonnance d'annula-
tion sauf dans la mesure où la Cour, à sa discrétion, le prévoit
expressément dans son ordonnance d'annulation.
Les appelants inscrivirent donc une requête
demandant l'annulation de l'ordre de comparaître
en invoquant la Règle 330. La requête vint devant
un juge autre que celui qui avait rendu l'ordon-
nance. Le juge considéra la demande, mais voyant
que les appelants ne cherchaient nullement à ajou-
ter aux faits invoqués devant le premier juge (ils
n'avaient même produit aucun affidavit de sub
stance) mais faisaient valoir uniquement que, sur
la base des seuls faits dûment attestés sous ser-
ment, l'ordonnance n'aurait pas dû être émise, il
refusa d'intervenir. Le juge choisit mal ses termes
pour expliquer succinctement son refus mais sa
véritable motivation, je pense qu'on l'admettra
sans peine, était suffisamment claire: il ne voulait
pas vérifier la pertinence de l'attitude adoptée par
son collègue et substituer simplement sa propre
réaction à celle que, lui, avait eue'. C'est une
attaque contre cette décision de rejet de la requête
soumise en vertu de la Règle 330 qui est devant
nous—et uniquement celà.
Je me permets même d'insister. La décision du
premier juge n'est pas elle-même en cause. Il
semble bien que les lacunes de la requête présentée
par les intimés aux fins de mettre en branle les
procédures d'outrage au tribunal soient dues à des
bévues de préparation et de rédaction plus qu'à
autre chose, mais, de toute façon, personne ne
doute que l'émission de l'ordonnance n'était pas
pleinement justifiée sur la seule base des faits
attestés sous serment. Si l'appel aujourd'hui por-
tait sur la décision du premier juge, il ne présente-
rait, je pense, absolument aucun problème. Mais
ce n'est pas le cas. L'appel porte sur la décision du
deuxième juge et la question qu'il pose est sans
détour: en refusant de se mettre purement et sim-
plement à la place du premier juge pour vérifier la
légitimité de la réaction de son collègue et confir-
mer ou infirmer le geste qu'il avait posé, le
deuxième juge a-t-il commis une erreur que cette
Cour doit sanctionner?
' On a pu lire dans les motifs de monsieur le juge Lacombe
les trois paragraphes du jugement mais je voudrais plus précisé-
ment rappeler le texte du deuxième:
S'agissant en outre d'une matière où la Cour n'entend pas
substituer sa propre appréciation de la preuve à celle du juge
qui a rendu l'ordonnance en premier lieu, ce dernier s'étant
fondé sur la requête, les affidavits et le dossier devant lui;
Une fois ainsi fixé sur ce dont il s'agit vraiment,
on voit tout de suite ce qu'implique la réussite de
l'appel. Il est clair que cette Cour ne peut repro-
cher au deuxième juge son refus d'intervenir dans
la décision du premier que dans la mesure où elle
peut affirmer: premièrement, que le deuxième juge
avait effectivement le pouvoir d'intervenir comme
on le lui demandait; et deuxièmement, qu'il ne
pouvait pas, dans les circonstances, refuser de le
faire. Examinons donc la valeur de chacune de ces
deux affirmations.
l—Le deuxième juge avait-il le pouvoir d'inter-
venir comme on le lui demandait?
Ce serait ne pas voir la difficulté telle qu'elle se
présente que de penser que la Règle 330 l'a réso-
lue. La Règle 330 confirme, pour la Cour fédérale
siégeant en première instance, l'existence du pou-
voir attribué à toute cour de justice d'annuler la
décision qu'elle aurait pu rendre ex parte, un
pouvoir qui n'existe évidemment pas dans le cas
d'une décision ordinaire destinée à être définitive.
Mais elle n'indique nullement en quoi consiste
cette annulation ni ne fournit de précision quant à
savoir dans quelles circonstances elle pourra avoir
lieu et qui, au nom de la Cour, pourra la
prononcer.
On voudra bien noter, d'abord, que si le terme
«annulation» de la version française reste ambiva
lent, le terme «rescind» de la version anglaise est
plus précis et plus révélateur: il n'est pas synonyme
de «set aside». On notera aussi qu'on ne parle pas
d'une décision qui remplace celle initialement
rendue, mais qui s'y superpose seulement, laissant
intacts tous les effets produits jusque-là. Je suis
d'avis que les mots utilisés pour décrire le pouvoir
réservé à la Règle 330 ne conviennent pas à l'idée
d'une simple reprise de l'opération assumée par le
premier juge pour en vérifier la valeur, et que
l'effet attaché à l'ordonnance d'annulation, qui en
est un de simple superposition et d'avenir, n'est pas
compatible avec l'effet rétroactif d'une décision de
pure correction comme l'est celle d'un tribunal
d'appel. Et j'ajoute qu'il est, à mon sens, fort
compréhensible que ce pouvoir dont fait état la
Règle 330 n'en soit pas un de la nature d'un
pouvoir d'appel. Il faut d'abord se demander d'où
vient ce pouvoir car il n'a certes pas sa source dans
la Règle elle-même: le principe qu'une fois sa
décision rendue, une cour est functus officio et
impuissante à se reprendre est un principe trop
fondamental pour qu'il puisse être mis en brèche
par le seul effet d'une règle de pratique; la Règle
ne fait sans doute que confirmer l'existence du
pouvoir. 11 s'agit en fait d'un pouvoir qui n'a
jamais été accordé législativement mais que toutes
les cours de common law ont depuis longtemps
déclaré inhérent à leur juridiction (voir la revue
historique qu'en fait le juge Smith dans l'arrêt de
la Cour d'appel de la Colombie-Britannique Gulf
Islands Navigation Ltd. v. Seafarers Internat'l
Union of North America (1959), 18 D.L.R. (2d)
625; (1959), 28 W.W.R. 517). Or, un pouvoir
inhérent en est un qui correspond à une nécessité.
Pourquoi donc est-il nécessaire qu'une cour puisse
posséder un pouvoir de révision dans les cas où, par
exception, elle a été appelée à rendre une décision
ex parte? Ce ne peut être, à mon sens, que parce
qu'elle a pu agir sur la base d'une vue tronquée ou
incomplète, parce que non présentée contradic-
toirement, de la situation de faits qu'elle avait à
considérer. Il répugnerait à la notion même de
justice que, dans un tel cas, la décision conserve
son caractère définitif, ce qui serait le cas si la
cour n'avait pas un pouvoir de rescision, puisque
l'appel, portant sur le dossier tel que constitué, ne
serait alors d'aucun secours. Mais je ne vois nulle-
ment de nécessité ailleurs. Pourquoi la voie de
l'appel ne resterait-elle pas, dans le cas d'une
décision ex parte comme de toutes autres déci-
sions, la seule voie ouverte pour vérifier la pure
légalité de la décision du juge? Les exigences du
principe de l'audi alteram partem (à supposer
qu'elles aient un rôle à jouer dans le cas d'une
décision prévue à l'avance comme pouvant et
même devant être prise ex parte) en autant
qu'elles se rapportent à la seule possibilité de faire
des représentations sur le plan du droit ne sont-
elles pas suffisamment respectées par la procédure
d'appel? Bref, le pouvoir est nécessaire pour obvier
au cas où la Cour aurait agi sur la base d'une
information trompeuse ou incomplète, car il y va là
de saine administration de la justice; mais il ne
l'est certes pas autrement. Et, de toute façon, ce
surtout que je me refuse à admettre c'est qu'on
puisse sur la seule foi d'une règle de pratique
donner à un juge d'une cour de justice la mission
de contester et le pouvoir de contrer l'appréciation
et le geste d'un collègue de même niveau que lui.
Je sais bien que dans l'affaire May & Baker
(Canada) Liée c. L'«Oak», [1979] 1 C.F. 401;
(1978), 89 D.L.R. (3d) 692 (C.A.), cette Cour n'a
pas cherché à limiter l'application de la Règle 330
aux cas où la partie non présente lors de la pre-
mière décision voudrait faire état de faits addition-
nels. Mais je ferai remarquer que la Cour n'a pas
dit, là, si la révision envisagée ne devait pas venir
du même juge; et je dirai surtout que, depuis cette
décision de May & Baker, il y a eu l'approbation
que le juge McIntyre, dans l'affaire Wilson c. R.,
[1983] 2 R.C.S. 594; [1984] 1 W.W.R. 481, a
apportée aux propos qu'avait tenus le juge Smith
dans l'arrêt Gulf Islands Navigation Ltd. ci-haut
cité, à l'effet qu'en tout état de cause, il ne revenait
pas normalement à un juge autre que celui qui
avait pris la décision initiale ex parte de s'arroger
le pouvoir de la réviser. On fait valoir que la
décision Wilson portait sur une affaire criminelle
mais, de toute façon, les propos approuvés avaient
été prononcés dans une affaire civile et d'ailleurs
prétendaient résumer l'état d'une jurisprudence
constante en matière civile.
Je me permets ainsi de penser, avec égards pour
l'opinion contraire de mon collègue, que le juge de
première instance n'avait pas le pouvoir de siéger
en appel de la décision du premier jugez. Mais
allons plus loin et supposons qu'il avait ce pouvoir;
le succès de l'appel, on l'a vu, ne serait pas pour
autant acquis. Car il ne suffirait pas que le juge ait
pu agir sur la requête pour que la Cour puisse lui
reprocher son inaction, il faudrait qu'il eût été tenu
de le faire. Voyons donc de plus près maintenant
cette deuxième condition.
2 Il est intéressant de noter, pour fin de comparaison, qu'en
procédure civile québécoise, la rétractation de jugement à la
demande d'une partie n'est possible que si cette partie devait
être présente mais a été empêchée pour cause, ou encore en
certaines hypothèses exceptionnelles où la Cour aurait pu agir
sur la base d'une information tronquée, et qu'il n'existe aucun
autre remède. Voici d'ailleurs les deux articles du Code de
procédure civile du Québec:
482. La partie condamnée par défaut de comparaître ou
de plaider peut, si elle a été empêchée de produire sa défense,
par surprise, par fraude ou par quelque autre cause jugée
suffisante, demander que le jugement soit rétracté, et la
poursuite rejetée.
La requête, adressée au tribunal où le jugement a été
rendu, doit contenir non seulement les motifs qui justifient la
rétractation, mais aussi les moyens de défense à l'action.
483. De même, le jugement contre lequel n'est ouvert
aucun autre recours utile peut être rétracté par le tribunal
qui l'a rendu, à la demande d'une partie, dans les cas
suivants:
(Suite à la page suivante)
2—Si le deuxième juge avait le pouvoir d'inter-
venir, était-il tenu de le faire?
Le point de départ, ici encore, se doit d'être
l'observation simpliste que la Règle 330 reconnaît
l'existence d'un pouvoir mais n'accorde à personne
le droit d'en obtenir l'exercice. Elle ne dit pas
qu'une partie qui se trouve dans telle ou telle
circonstance peut obtenir tel remède. En fait,
comme je l'ai suggéré, c'est à cause des besoins de
l'administration de la justice qu'on a pu considérer
qu'un tel pouvoir était nécessaire et partant inhé-
rent, les cours s'étant vite rendu compte que sans
lui elles risquaient de prendre des décisions erron-
nées sans que la partie lésée n'ait de remède et
d'être ainsi les instruments de purs dénis de justice.
Et là se trouve, à mon sens, la mesure de l'obliga-
tion du juge de l'utiliser.
Il ne faut pas oublier que c'est la discrétion du
deuxième juge dont il est question ici, non celle du
premier. Personne ne conteste, je l'ai dit, que le
premier juge n'avait pas la discrétion d'émettre
une ordonnance sur la seule foi des éléments de
preuve que les affidavits tel que rédigés établis-
saient; il y avait une lacune, dont il aurait pu
requérir la correction fort possiblement mais dont
il ne s'est sans doute pas rendu compte. J'accepte
(Suite de la page précédente)
1. Lorsque la procédure prescrite n'a pas été suivie et que
la nullité qui en résulte n'a pas été couverte;
2. Lorsqu'il a été prononcé au-delà des conclusions, ou
qu'il a été omis de statuer sur un des chefs de la demande;
3. Lorsque, s'agissant d'un mineur ou d'un interdit,
aucune défense valable n'a été produite;
4. Lorsqu'il a été statué sur la foi d'un consentement ou à
la suite d'offres non autorisés et subséquemment désavoués;
5. Lorsque le jugement a été rendu sur des pièces dont la
fausseté n'a été découverte que depuis, ou à la suite du dol de
la partie adverse;
6. Lorsque, depuis le jugement. il a été découvert des
pièces décisives dont la production avait été empêchée par
une circonstance de force majeure ou le fait de la partie
adverse;
7. Lorsque, depuis le jugement, il a été découvert une
preuve, et qu'il appert:
a) que si elle avait été apportée à temps, la décision eût
probablement été différente;
b) qu'elle n'était connue ni de la partie, ni de son procu-
reur ou agent et
c) qu'elle ne pouvait pas, avec toute la diligence raisonna-
ble, être découverte en temps utile.
Pour une étude complète sur la demande de rétractation, on
peut se référer à: J. Anctil, «La rétractation de jugement à la
demande d'une partie« (1973), 4 R.D.U.S. 119.
donc qu'une partie de l'ordonnance de justification
soit sujette à sanction, et que les individus concer
nés aient droit d'en obtenir la mise de côté. Mais je
ne vois pas qu'on puisse automatiquement tirer de
là une obligation d'agir pour le deuxième juge. Si
le refus de ce dernier d'exercer son pouvoir est
fondé sur un motif valable et qu'il ne soit pas
susceptible de causer un déni de justice en niant
définitivement à des justiciables un remède auquel
ils ont droit, je ne vois pas sur quelle base on
pourrait en nier la possibilité, voire même la légiti-
mité. Et c'est bien le cas ici, à mon avis. Pour ce
qui est du motif valable, il s'agit essentiellement,
on l'a vu, d'une réticence à se substituer à son
collègue et à agir en juge d'appel face à lui, une
situation qui, si elle n'est pas juridiquement inac-
ceptable comme je l'ai soutenu, est tout au moins à
éviter autant que faire se peut. Et pour ce qui est
de l'absence de déni de justice, le juge parle de
l'opportunité qu'auront les appelants d'exposer la
situation au moment de leur comparution, ce qui
est parfaitement vrai quant à la détermination de
leur fonction auprès de la Société canadienne des
postes et de leur rôle relativement aux actes repro-
chés, mais ne couvre, je l'admets, que l'aspect
équité et non de pur droit, le problème de la
légalité de l'émission même de l'ordonnance étant
laissé de côté. La réponse cependant est évidem-
ment tout prête: il y a, bien sûr, l'appel. On a déjà
reconnu qu'un juge avait la discrétion de refuser
une demande pour le seul motif qu'il lui semblait
qu'une autre procédure était préférable (Rex v.
Kennedy, a Metropolitan Magistrate (1902), 86
L.T. Rep. 753 (H.C.)). La légitimité du refus du
juge en l'espèce me semble autrement plus facile à
reconnaître.
Voilà donc les motifs qui m'empêchent d'admet-
tre,—je le dis avec égards pour ceux qui voient
autrement,—que cette Cour puisse contester la
légalité et la légitimité de la décision qui est
actuellement attaquée devant elle. Je sais bien
qu'en pratique, le maintien de l'appel ne va qu'as-
surer aux appelants un résultat qu'ils pourraient
obtenir en poursuivant leur appel contre l'ordon-
nance de justification. Mais je crois qu'il y a
beaucoup plus ici qu'une question de procédure; il
y a une question de juridiction et de principe dont
la solution peut avoir des conséquences futures.
C'est pourquoi j'ai tenu à exprimer mon avis.
Je rejetterais l'appel avec dépens.
* * *
Voici les motifs du jugements rendus en fran-
çais par
LE JUGE LACOMBE: Il s'agit d'un appel d'un
jugement de la Division de première instance qui a
rejeté la requête des appelants en annulation d'une
ordonnance rendue ex parte les enjoignant de com-
paraître pour répondre à une accusation d'outrage
au tribunal.
Le 12 avril 1985, une sentence arbitrale était
prononcée en faveur de l'intimé; il la déposait à la
Cour fédérale du Canada le 14 mai 1985, confor-
mément à l'article 159 du Code canadien du tra
vail, S.R.C. 1970, chap. L-1 [mod. par S.C.
1977-78, chap. 27, art. 57], et il signifiait l'avis de
son dépôt à l'appelante le 21 mai 1985.
La sentence arbitrale faisait droit au grief que
l'intimé avait institué contre l'appelante en vertu
de la convention collective des postiers. Elle con-
cluait ainsi:
POUR CES MOTIFS, le tribunal fait droit au grief et,
— déclare que l'employeur ne peut confier aux facteurs les
fonctions de cueillir le courrier dans les râteliers de tri par
routes des facteurs, de transborder le courrier trié des cases
des râteliers vers le matériel roulant (chariots, bacs) ainsi
que de transférer ce matériel de la section de tri primaire aux
endroits désignés, sans enfreindre les descriptions de fonc-
tions des postiers et leur convention collective,
— ordonne à l'employeur de cesser la pratique mentionnée au
paragraphe précédent...
Le 17 juin 1985, l'intimé présentait une
demande d'ordonnance de justification, en vertu de
la Règle 355(4) 3 , au motif que les appelants ne
s'étaient pas conformés à la sentence arbitrale.
3 Règle 355. .. .
(4). Une personne ne peut être condamnée pour outrage au
tribunal commis hors de la présence du juge que s'il lui a été
signifié une ordonnance de justification lui enjoignant de com-
paraître devant la Cour, au jour et à l'heure fixés pour entendre
la preuve des actes dont il est accusé et pour présenter, le cas
échéant, sa défense en exposant les raisons de sa conduite.
Cette ordonnance, rendue par le juge soit de sa propre initia
tive, soit sur demande, doit obligatoirement être signifiée à
personne, à moins qu'un autre mode de signification ne soit
autorisé pour des raisons valables. La demande d'ordonnance
de justification enjoignant d'exposer les raisons peut être pré-
sentée sans qu'il soit nécessaire de la faire signifier.
Le 11 juillet 1985, l'ordonnance était rendue ex
parte.
Le 12 septembre 1985, les appelants faisaient
requête à leur tour, en vertu de la Règle 330a) 4 , en
vue de faire annuler l'ordonnance ex parte pour
cause d'irrecevabilité de la demande de l'intimé
pour l'émission de cette ordonnance.
Le 23 septembre 1985, la Cour, présidée par un
autre juge que celui qui avait émis l'ordonnance ex
parte, rejetait la requête en annulation des appe-
lants pour les courts motifs qu'il convient de repro-
duire intégralement:
La Cour n'étant pas satisfaite que les intimés auraient pré-
senté des faits additionnels s'ils avaient été entendus avant
l'ordonnance qu'on veut faire annuler;
S'agissant en outre d'une matière où la Cour n'entend pas
substituer sa propre appréciation de la preuve à celle du juge
qui a rendu l'ordonnance en premier lieu, ce dernier s'étant
fondé sur la requête, les affidavits et le dossier devant lui;
Considérant que les intimés auront l'opportunité d'attaquer
la preuve du requérant à l'occasion de l'audition relative au
mépris de Cour;
La requête est rejetée, avec dépens.
Il est acquis au débat que les appelants n'ont pas
établi ni cherché à établir devant le juge siégeant
en révision des faits additionnels à ceux que l'in-
timé avait lui-même invoqués devant le juge qui
avait émis l'ordonnance de justification.
Dans sa demande d'ordonnance de justification,
l'intimé affirmait que l'appelante, par l'entremise
des autres appelants en leur qualité d'agents res-
ponsables de ses relations de travail et de son
personnel, et ces derniers, agissant à titre person
nel et dès lors en dehors de l'exécution de leurs
fonctions, ne respectaient pas l'interdit prononcé
par la sentence arbitrale de faire exécuter par des
personnes autres que des postiers les fonctions
dévolues à ces derniers de par leur convention
collective de travail, en ce que certaines opérations
de manutention du courrier se poursuivaient tou-
jours de la manière proscrite par la sentence arbi-
trale, à trois succursales, nommément désignées,
de l'appelante dans la ville de Montréal.
4 Règle 330. La Cour peut annuler
a) toute ordonnance rendue ex parte, ou
mais une telle annulation n'affecte ni la validité ni la nature
d'une action ou omission antérieure à l'ordonnance d'annula-
tion sauf dans la mesure où la Cour, à sa discrétion, le prévoit
expressément dans son ordonnance d'annulation.
La demande de l'intimé était appuyée du ser-
ment de trois postiers qui avaient travaillé à l'une
ou l'autre des trois succursales de l'appelante, du
21 mai au 13 juin 1985. Deux affidavits se bor-
naient à dire, dans des termes identiques, qu'au
cours de cette période < span> fonctions de cueillir le
courrier dans les râteliers de tri par route des
facteurs ont été effectuées par des personnes autres
que des postiers, à savoir des facteurs» à deux de
ces succursales. Pour l'autre succursale, le dernier
affidavit empruntait le mot à mot même de la
première conclusion de la sentence arbitrale pour
dire que les fonctions y décrites avaient été con-
fiées «à des personnes autres que des postiers, à
savoir des facteurs».
Dans leur requête en annulation ainsi que dans
leur appel devant cette Cour, les appelants ont pris
la position que ces affidavits ne prouvaient pas les
faits allégués par l'intimé dans sa demande d'or-
donnance en ce qu'ils ne les reliaient en aucune
façon à la violation de la sentence arbitrale qui y
était dénoncée, et que, la demande étant irrégu-
lière, elle ne pouvait, en droit, donner lieu à l'émis-
sion de l'ordonnance ex parte.
Je suis d'avis que ces prétentions ne sont fondées
qu'en partie et qu'elles ne valent que pour les
appelants Cooke, Boyer, Dubuc et Lamarche et
nullement à l'égard de l'appelante, la Société cana-
dienne des postes.
Les affidavits des postiers ne faisaient aucune
mention des individus que sont ces quatre appe-
lants. Par ailleurs, la sentence arbitrale, dont l'avis
de dépôt à la Cour fédérale ne leur a même pas été
signifié, ne faisait aucune allusion qu'ils avaient
été impliqués à quelque titre que ce soit dans ce
conflit syndical entre l'appelante et l'intimé. Il n'y
avait donc aucun iota de preuve dans les affidavits
ou ailleurs dans le dossier que, soit personnelle-
ment, soit ès qualité pour le compte de l'appelante,
les appelants Cooke, Boyer, Dubuc et Lamarche
aient été mêlés de près ou de loin, directement ou
indirectement, à la violation de la sentence arbi-
trale. Encore moins y avait-il de preuve, même
indirecte et si ténue soit-elle, qui eût dit en quoi et
comment pouvait leur être personnellement impu-
table la désobéissance à la sentence arbitrale que
l'intimé alléguait s'être produite aux trois succur-
sales de l'appelante entre le 24 mai et le 13 juin
1985. Les affidavits des trois postiers étant com-
piétement silencieux à leur égard, il n'est même
pas établi en preuve qu'ils détenaient les fonctions
d'agents responsables des relations de travail et du
personnel que la requête de l'intimé leur attribue,
voire même qu'ils travaillaient pour l'appelante
durant la période dont il s'agit.
La Règle 319(1)` stipule que toute demande
faite «à la Cour, à un juge ou un protonotaire ...
doit être faite par voie de requête» et la Règle
319(2) 6 exige qu'«une requête doit être appuyée
par un affidavit certifiant tous les faits sur lesquels
se fonde la requête sauf ceux qui ressortent du
dossier», à défaut de quoi la demande doit être
refusée. Kukan c. Ministre de la Main-d'oeuvre et
de l'Immigration, [1974] 1 C.F. 12; (1974), 1
N.R. 445 (C.A.).
Comme toute autre demande, la demande d'une
ordonnance de justification prévue à la Règle
355(4) tombe sous le coup des exigences procédu-
rales de la Règle 319(2). A plus forte raison,
doit-il en être ainsi en matière d'outrage au tribu
nal, qui est de droit strict, strictissimi juris, et ce,
à toutes les étapes de la procédure, vu qu'elle se
rattache à la liberté des individus et qu'elle peut
les mener éventuellement à une peine d'emprison-
nement. Règle 355(2)'.
Il s'ensuit que l'ordonnance ex parte n'aurait
pas dû être émise contre les appelants Cooke,
Boyer, Dubuc et Lamarche.
Même à cela, prétend l'intimé, le juge siégeant
en révision ne pouvait l'annuler parce que c'est
seulement en présence de faits additionnels établis
devant lui qu'il pouvait intervenir dans les cadres
de la Règle 330a) et qu'il n'avait pas discrétion dès
` Règle 319. (1) Lorsqu'il est permis de faire une demande à
la Cour, à un juge ou un protonotaire, la demande doit être
faite par voie de requête.
e Règle 319. ...
(2) Une requête doit être appuyée par un affidavit certifiant
tous les faits sur lesquels se fonde la requête sauf ceux qui
ressortent du dossier; cet affidavit doit être déposé, et une
partie adverse peut déposer un affidavit en réponse.
' Règle 355. ...
(2) Sauf disposition contraire, quiconque est coupable d'ou-
trage au tribunal est passible d'une amende qui, dans le cas
d'un particulier ne doit pas dépasser $5,000 ou d'un emprison-
nement d'un an au plus. L'emprisonnement et, dans le cas d'une
corporation, une amende, pour refus d'obéissance à un bref ou
une ordonnance, peuvent être renouvelés jusqu'à ce que la
personne condamnée obéisse.
lors pour décider autrement que ne l'avait fait son
collègue, sur le dossier tel que constitué lors du
prononcé de l'ordonnance de justification.
L'intimé appuie cette prétention sur un passage
du jugement de l'honorable juge McIntyre de la
Cour suprême du Canada dans l'affaire Wilson c.
R., [1983] 2 R.C.S. 594; (1984), 51 N.R. 321, qui
semble aussi avoir inspiré le juge de première
instance.
Dans l'affaire Wilson c. R., le juge McIntyre
écrit, aux pages 608 R.C.S.; 336 N.R.:
Les exigences de l'administration judiciaire ainsi que le décès
ou la maladie du juge qui a accordé l'autorisation font qu'il
n'est pas toujours pratique ou possible d'adresser une demande
de révision au juge qui a rendu l'ordonnance. Il ressort de la
jurisprudence qu'un autre juge de la même cour peut réviser
une ordonnance rendue ex parte. Voir, par exemple, les arrêts
Bidder v. Bridges (1884), 26 Ch.D. 1 (C.A.) et Boyle v. Sacker
(1888), 39 Ch.D. 249 (C.A.) Dans l'arrêt Gulf Islands Naviga
tion Ltd. v. Seafarers' International Union (1959), 18 D.L.R.
(2d) 625 (C.A.C.-B.), le juge Smith affirme, aux pp. 626 et
627:
[TRADUCTION] Examen fait des arrêts, qui ne sont ni aussi
concluants ni aussi uniformes qu'ils pourraient l'être, j'estime
qu'il y a une jurisprudence prépondérante qui appuie les
propositions suivantes relativement à la révision par un juge
d'une ordonnance rendue ex parte par un autre juge: (1) il a
le pouvoir d'annuler l'ordonnance ou l'injonction; (2) plutôt
que d'exercer ce pouvoir, il devrait déférer la demande au
premier juge, sauf dans des circonstances spéciales, par
exemple, lorsqu'il agit avec le consentement ou l'autorisation
du premier juge, ou lorsque celui-ci ne peut entendre la
demande; (3) si le second juge entend la demande, il doit en
reprendre l'audition au complet à la fois sur le plan du droit
et celui des faits en cause.
J'estime qu'à une seule restriction près, ce passage s'applique à
la révision d'une autorisation d'écoute électronique. Le juge
chargé de la révision ne doit pas substituer son appréciation à
celle du juge qui a accordé l'autorisation. Il n'y a lieu de
toucher à l'autorisation que s'il appert que les faits sur lesquels
on s'est fondé pour l'accorder diffèrent de ceux prouvés dans le
cadre de la révision ex parte. A mon avis, compte tenu du
mutisme du Code criminel sur ce point et de la confusion qui en
résulte, il convient de suivre la pratique déjà décrite.
Avec égards, l'arrêt Wilson c. R. ne s'applique
pas dans l'espèce. D'abord, il s'agissait là d'une
affaire criminelle et non d'une affaire civile. Dans
cette cause, l'accusé subissait son procès sur des
accusations de paris illégaux devant un juge de la
Cour provinciale du Manitoba. La cause de la
Couronne reposait exclusivement sur les preuves
recueillies par écoute électronique obtenue à la
suite de quatre autorisations accordées par des
juges de la Cour du Banc de la Reine du Mani-
toba. Le juge du procès acquitta l'accusé parce
que, selon lui, l'écoute électronique était illégale, et
les preuves ainsi recueillies, inadmissibles, les
quatre autorisations accordées à cet effet ne ren-
contrant pas les conditions imposées par la loi. La
Cour d'appel du Manitoba cassa ce jugement et
ordonna un nouveau procès. Ce que la Cour
suprême a décidé avant tout dans cette affaire, en
confirmant la Cour d'appel du Manitoba, c'est que
les autorisations d'écoute électronique ne peuvent
être mises en question de façon indirecte ou colla-
térale par le juge du procès, surtout si ce dernier
exerce une juridiction de niveau inférieur à celle
des juges qui avaient autorisé l'écoute électroni-
que. Toute demande de révision d'autorisation
d'écoute électronique doit être adressée à la cour
qui l'a accordée, en la forme appropriée et en
temps utile, ce qui exclut qu'elle soit faite à l'étape
du procès de l'accusé. De plus, un juge saisi d'une
demande d'autorisation d'écoute électronique a
discrétion de l'accorder ou de la refuser et un autre
juge, appelé à la réviser, ne peut substituer sa
propre discrétion à celle de son collègue; pour ce
faire, doivent lui être présentés des faits différents
de ceux établis lors de l'autorisation initiale.
Dans cette optique, les commentaires du juge
McIntyre se comprennent facilement: pour sup
pléer à l'absence de dispositions sur le sujet dans le
Code criminel, il adopte les règles du droit civil en
matière de révision d'ordonnances ex parte et les
applique à la révision d'autorisations d'écoute élec-
tronique en droit criminel avec une seule restric
tion, celle relative à la discrétion des juges d'accor-
der ou de refuser les demandes d'autorisation
d'écoute électronique.
Mais tel n'est pas le cas en matière d'outrage au
tribunal. Un juge n'a pas discrétion d'accorder ou
de refuser une demande d'ordonnance de justifica
tion faite conformément à la Règle 355(4). Il doit
rendre l'ordonnance selon que le droit, la preuve et
les procédures l'exigent, sa décision, en cas d'er-
reur, étant susceptible d'appel en cette Cour: R. c.
Perry, [1982] 2 C.F. 519; (1982), 133 D.L.R. (3d)
703 (C.A.).
À l'inverse, lorsqu'une telle ordonnance a été
rendue ex parte, un juge saisi d'une requête en
annulation en vertu de la Règle 330a), n'a pas
davantage de discrétion à exercer lui-même
comme il n'a pas à respecter la discrétion inexis-
tante de l'autre juge qui a émis l'ordonnance ex
parte. Il doit accorder le recours et annuler l'or-
donnance rendue ex parte, soit pour des motifs de
droit péremptoires qui ont échappé au juge qui l'a
prononcée parce que la partie lésée, n'ayant pas
été entendue à cette occasion, n'a pu les porter à
son attention, soit en raison de faits additionnels
que la partie lésée soulève alors qu'on lui donne
l'opportunité de se faire entendre.
Il apparaît dès lors que l'opinion du juge McIn-
tyre émise dans l'arrêt Wilson c. R. n'a rien
changé aux règles civiles régissant la révision d'or-
donnances rendues ex parte et n'a apporté aucune
modification aux modalités d'application de la
Règle 330a). Le droit à ce sujet reste celui qui a
été formulé de façon décisive par l'ancien juge en
chef de cette Cour dans la cause May & Baker
(Canada) Ltée c. L'«Oak», [1979] 1 C.F. 401
(C.A.). Dans cette affaire, deux prorogations de
délais pour signifier la déclaration avaient été
accordées ex parte par deux juges de la Division de
première instance. Une requête pour annulation de
la signification avait été présentée au juge qui
avait accordé la deuxième prorogation «au motif
que les prorogations du délai de signification ...
ont été accordées sans raison suffisante». Cette
Cour cassa le jugement de la Division de première
instance qui avait rejeté la requête en annulation,
parce que [à la page 404], d'avis contraire à celui
du premier juge, «Les documents produits à l'appui
des deux ordonnances de prorogation du délai ne
révèlent aucun fait qui dénote une "raison suffi-
sante".» Après avoir rappelé la règle générale à
l'effet qu'un jugement ne peut être révisé qu'en
appel, le juge en chef Jackett écrit, à la page 405:
Toutefois, quand une ordonnance est rendue ex parte, à mon
sens, sauf disposition contraire, la Cour est naturellement com-
pétente, après avoir accordé à la partie lésée l'occasion de faire
valoir ses droits, s'il apparaît alors que l'ordonnance ou le
jugement ex parte n'aurait pas dû être rendu,
a) pour annuler l'ordonnance ou le jugement ex parte à
compter du jour où elle rend cette ordonnance et
Il s'ensuit, selon moi, dans un tel cas, que la partie lésée ale
droit de se voir accorder l'annulation de l'ordonnance ex parte
et que l'appelante, en tant que partie lésée, aurait dû obtenir ce
redressement en vertu du jugement qui fait l'objet du présent
appel. [C'est moi qui souligne.]
Et, dans un renvoi en bas de page, il ajoute ce qui
suit:
J'entends par ordonnance ou jugement ex parte celui où la
partie lésée n'a pas pu faire valoir ses droits. Quand elle révise
la question, la Cour doit tenir compte
a) des nouveaux éléments de preuve présentés par cette
partie ou
b) des observations présentées par celle-ci
ou par les deux parties.
La Règle 330a) est d'application générale. Elle
vise de même façon et sans restriction «toute
ordonnance rendue ex parte»; n'y fait pas excep
tion l'ordonnance de justification qui, au désir de
la Règle 355(4) in fine, peut être émise sans que la
partie adverse ne soit entendue. Par application du
principe fondamental audi alteram partem, son
objet est justement de permettre à la partie lésée
de se faire entendre pleinement devant la Cour et
d'y faire valoir tous ses moyens militant à l'encon-
tre de l'émission de l'ordonnance ex parte. Il est
évident dès lors que la partie lésée ne peut être
restreinte à ne pouvoir y soulever que des faits
additionnels à ceux qui ont présidé à l'émission de
l'ordonnance ex parte, au motif, par exemple, que
le juge qui entend sa requête en annulation n'est
pas le même que celui qui a rendu l'ordonnance. Si
tel était le cas, la partie lésée n'obtiendrait qu'une
demi-mesure de justice et son droit d'être pleine-
ment entendu dépendrait de la constitution parti-
culière de la Cour qui est saisie de sa requête en
annulation. La Règle 330a) et la jurisprudence ne
font pas de telles distinctions. Il n'y a aucune
raison pour que les principes émis par cette Cour
dans l'arrêt May & Baker (Canada) Ltée c.
L'«Oak», supra, ne s'appliquent pas à la révision
d'ordonnances de justification rendues ex parte en
matière d'outrage au tribunal.
Il s'ensuit de tout ceci, pour revenir aux données
de l'espèce, que les appelants Cooke, Boyer, Dubuc
et Lamarche avaient le droit strict d'être mis hors
cause, dès le stade préliminaire de la procédure
d'outrage au tribunal entreprise contre eux par
l'intimé. Pour ce faire, il leur suffisait d'en démon-
trer le vice fondamental, soit l'absence totale de
preuve contre eux dans les affidavits soumis à son
appui. Le juge de première instance aurait dû
annuler leur assignation, car il ne s'agissait pas
pour lui de substituer son appréciation de la preuve
à celle du juge qui avait émis l'ordonnance ex
parte. Il s'agissait plutôt pour lui de statuer que
telle preuve n'existait pas, et que, en conséquence,
leur assignation pour outrage au tribunal était
invalide.
Le juge de première instance ne pouvait davan-
tage refuser de leur accorder leur recours en annu-
lation au motif additionnel que, de toute façon, ils
auraient le loisir d'attaquer la preuve de l'intimé
au stade ultérieur de l'audition au fond de sa
requête pour outrage au tribunal. Pour qu'un tel
raisonnement puisse être retenu, encore faut-il que
l'affidavit ou les affidavits produits au soutien
d'une demande d'ordonnance de justification com-
portent une preuve quelconque de la commission
de l'outrage au tribunal alléguée dans la demande.
Même si cette dernière participe de la nature d'une
dénonciation et quoique l'ordonnance n'est qu'une
simple assignation, il est de principe, cependant,
qu'une dénonciation irrégulière ne peut conduire à
une assignation valide. Les appelants Cooke,
Boyer, Dubuc et Lamarche n'avaient pas à atten-
dre de comparaître sur une assignation irrégulière
pour attaquer devant le tribunal une preuve que
l'intimé n'avait pas faite lors de son émission. Ils
avaient le droit, en soulevant ce moyen péremp-
toire dans leur requête en annulation, d'obtenir, in
limine, la levée immédiate de l'ordonnance rendue
ex parte contre eux.
En est-il de même, cependant, en ce qui a trait à
l'appelante, la Société canadienne des postes? À
l'audience, son procureur a avancé la proposition
astucieuse suivante. Dans sa demande d'ordon-
nance, l'intimé alléguait que c'était par l'entremise
des autres appelants qu'elle avait commis l'outrage
au tribunal dont il s'agit, alors que les affidavits
produits au soutien de la demande n'impliquaient
en aucune façon ces derniers dans la violation de la
sentence arbitrale. Par voie de conséquence et par
application à l'inverse, sinon par absurde, du prin-
cipe qui facit per alium facit per se, l'appelante
soutient qu'elle ne peut être citée pour un outrage
au tribunal qu'elle n'aurait commis que par per-
sonnes interposées, si ces dernières doivent être
mises hors cour, faute de preuve contre elles, à ce
stade préliminaire des procédures.
Séduisant de prime abord, cet argument ne
résiste pas à l'examen. Il ne saurait être retenu
sans imposer une lecture par trop byzantine de la
requête de l'intimé et des trois affidavits à son
appui. Comme nous l'avons vu, la requête alléguait
que des personnes autres que des postiers avaient
exercé les fonctions de ces derniers, en violation de
la sentence arbitrale, «aux succursales "R", St-
Michel et Ahuntsic de la Société canadienne des
postes, respectivement sises au 7115 boulevard
St-Laurent ...» etc. (c'est moi qui souligne).
Chacun des affiants disait dans son affidavit être
postier à l'emploi de l'appelante et nommément à
l'une ou l'autre des succursales mentionnées dans
la requête et y avoir constaté que, durant la
période du 24 mai au 13 juin 1985 où il y a
travaillé, des fonctions visées par la sentence arbi-
trale avaient été confiées à des personnes autres
que des postiers, à savoir des facteurs. Il y avait
donc là une preuve, prima facie, que la pratique
que la sentence arbitrale avait ordonné à l'em-
ployeur de cesser se poursuivait toujours à trois de
ses succursales.
Que cela ait été ou non le résultat de l'entremise
des autres appelants ou se soit produit pour une
autre raison n'importait guère pour les fins de
l'émission de l'ordonnance de justification. Un fait
matériel précis qui visait l'appelante d'une façon
ou d'une autre, sinon directement, avait été établi
dans les affidavits des postiers à l'appui de la
requête de l'intimé; l'interdit prononcé par la sen
tence arbitrale n'était pas observé dans trois de ses
établissements. Il y avait donc là une preuve prima
facie d'une désobéissance à la sentence arbitrale,
qui a été soumise à l'appréciation du juge qui a
émis l'ordonnance de justification. Cette preuve
était suffisamment articulée pour lui permettre, eu
égard aux allégations de la requête de l'intimé, de
la relier à la responsabilité personnelle de l'appe-
lante et le justifier d'assigner cette dernière à
comparaître pour en répondre éventuellement
devant le tribunal. C'est au stade ultérieur, lors de
l'audition au mérite, que l'appelante pourra faire
valoir ses moyens de défense en vue de se discul-
per, dont possiblement celui qu'elle soulève présen-
tement dans son appel. Sur une demande d'ordon-
nance de justification, un juge n'a qu'à se satisfaire
que la preuve contenue dans les affidavits produits
à son soutien est suffisante pour autoriser l'émis-
sion de l'ordonnance. Baxter Travenol Laborato
ries Inc. c. Cutter (Canada) Ltd. (1985), 56 N.R.
282 (C.A.F.), à la page 288.
Dans l'espèce, cette preuve existait contre l'ap-
pelante et justifiait qu'une ordonnance ex parte
soit rendue contre elle. Ainsi, c'est à bon droit que
sa requête en annulation a été rejetée par le juge
de première instance.
En conclusion, le présent appel ne doit être
accueilli qu'en partie. Je ferais donc droit à l'appel
des appelants Cooke, Boyer, Dubuc et Lamarche
et je rejetterais celui de l'appelante, la Société
canadienne des postes; j'infirmerais en partie le
jugement de la Division de première instance et
j'annulerais l'ordonnance de justification ex parte
émise contre les appelants Cooke, Boyer, Dubuc et
Lamarche et je la maintiendrais contre l'appe-
lante, la Société canadienne des postes et rejette-
rais sa requête en annulation.
Vu que le résultat est partagé en cette Cour
comme il aurait dû l'être en Division de première
instance, il n'y a pas lieu d'accorder de frais à
aucune des parties tant en appel qu'en première
instance.
LE JUGE HUGESSEN: J'y souscris.
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