Jugements

Informations sur la décision

Contenu de la décision

A-43-86
Indalex Limited (appelante)
c.
La Reine (intimée)
RÉPERTORIÉ: INDALEX LTD. c. CANADA
Cour d'appel, juges Pratte, Heald et Mahoney— Ottawa, 13 novembre 1986.
Impôt sur le revenu Nouvelle cotisation Demande de joindre à l'appel visant les cotisations originales un appel contre les nouvelles cotisations établies par le M.R.N. en vertu de l'art. 164(4.1) conformément au jugement de la Division de première instance L'ordonnance visant la jonction des appels est-elle nécessaire? En vertu de l'art. 52b)(i) de la Loi sur la Cour fédérale, la Cour d'appel doit rejeter l'appel ou l'accueillir, en rendant, dans ce dernier cas, le jugement que la Division de première instance aurait rendre En rejetant l'appel, la Cour confirme la nouvelle cotisation En accueillant l'appel, la Cour statue sur la cotisation étudiée par la Division de première instance et non sur la nouvelle cotisa- tion établie conformément au jugement de cette dernière Cour L'art. 164(4.1) a été édicté à l'avantage des contribuables qui ont eu gain de cause en s'opposant à leur cotisation Il serait contraire à cette intention que l'al. d) ait pour effet de priver les contribuables de porter plus avant les appels dans lesquels ils ont eu gain de cause en partie La décision rendue dans l'affaire Abrahams (N° 11 v. M.N.R. (1966), 66 DTC 5451 (C. de l'É.) selon laquelle la seconde nouvelle cotisation annulait la première, ne s'applique pas aux nouvel- les cotisations établies en vertu de l'art. 164(4.1) La cotisa- tion originale et les nouvelles cotisations sont des éléments accessoires au jugement de la Division de première instance La Cour est saisie des nouvelles cotisations dans la mesure elles sont conformes au jugement de première instance L'ordonnance recherchée est superflue Loi de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, chap. 63, art 152(4), 164(4.1) (ajouté par S.C. 1984, chap. 45, art. 67(2)), 177 Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663, Règle 324 Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), chap. 10, art. 27(1), 52b).
Compétence de la Cour fédérale Division d'appel Impôt sur le revenu Est rejetée au motif qu'elle est super- flue la demande de joindre à l'appel visant les cotisations originales un appel contre les nouvelles cotisations établies par le M.R.N. en vertu de l'art. 164(4.1) Aucune disposition législative ne permet d'interjeter appel auprès de la Cour d'appel contre une cotisation d'impôt sur le revenu Recours à la compétence inhérente de la Cour de juger un appel interjeté contre une décision de la Division de première ins tance En vertu de l'art. 52b)(i) de la Loi sur la Cour fédérale, la Cour doit rejeter ou accueillir l'appel, en rendant, dans le second cas, le jugement que la Division de première instance aurait rendre Si l'appel est rejeté, la Cour confirme de fait la nouvelle cotisation En accueillant l'appel, la Cour statue sur la cotisation étudiée par la Division de première instance et non sur la nouvelle cotisation établie conformément au jugement de cette dernière Cour Pour que la Cour d'appel puisse exercer sa compétence, la nouvelle
cotisation établie conformément au jugement de la Division de première instance ne peut avoir pour effet d'annuler la cotisa- tion originale La Cour est saisie de l'appel contre les nouvelles cotisations dans la mesure elles sont conformes au jugement de première instance Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), chap. 10, art. 27(1), 52b) Loi de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, chap. 63, art. 164(4.1) (ajouté par S.C. 1984, chap. 45, art. 67(2)).
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS ÉCARTÉES:
Abrahams [No. 1] v. M.N.R. (1966), 66 DTC 5451 (C. de l'É.); Abrahams [No. 2] v. M.N.R. (1966), 66 DTC 5453 (C. de l'É.).
OBSERVATIONS PAR ÉCRIT PAR:
T. A. Sweeney pour l'appelante. Charles MacNab pour l'intimée.
PROCUREURS:
Borden & Elliot, Toronto, pour l'appelante. Le sous-procureur général du Canada pour l'intimée.
Ce qui suit est la version française des motifs de l'ordonnance rendus par
LE JUGE MAHONEY: Conformément à la Règle 324 [Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663], l'appelante demande, sans qu'il y ait compa- rution en personne, de joindre au présent appel un appel visant des nouvelles cotisations établies par le ministre du Revenu national conformément au jugement de la Division de première instance [(1986), 86 DTC 6039] qui fait l'objet des pré- sents appel et appel incident. Les nouvelles cotisa- tions ont été établies par le ministre en application du paragraphe 164(4.1) de la Loi de l'impôt sur le revenu [S.C. 1970-71-72, chap. 63 (ajouté par S.C. 1984, chap. 45, art. 67(2))]. Il n'est pas allégué qu'elles ne sont pas conformes au jugement de la Division de _-première instance. L'avis de requête de l'appelante a été déposé avec un consen- tement signé pour le compte de l'intimée.
Lorsque la demande a été présentée en premier lieu au juge Stone, il a invité les parties à faire des observations:
a) établissant la nécessité de cette demande dans le cadre de l'appel en cours;
b) donnant le fondement juridique sur lequel pourrait s'appuyer l'ordonnance recherchée.
L'appelante ne s'est conformée qu'à l'alinéa a) susmentionné en faisant valoir que les nouvelles cotisations ont pour effet d'«annuler et de rempla- cer» les cotisations originales comme il est dit au recto même des avis de nouvelle cotisation. L'inti- mée, tout en maintenant son consentement, allègue maintenant qu'une ordonnance n'est pas nécessaire parce que les nouvelles cotisations ne sont réelle- ment que la modification des cotisations originales. Elle ajoute toutefois, relativement à l'alinéa b), que s'il doit y avoir ordonnance, celle-ci trouve son fondement dans la compétence intrinsèque de la Cour. Sans exprimer d'opinion définitive sur l'exis- tence de ce fondement, je conviens que la compé- tence intrinsèque de la Cour en est la seule source possible. En effet, aucune disposition législative ne permet d'interjeter appel contre une cotisation d'impôt sur le revenu auprès de la Cour d'appel fédérale. Celle-ci a compétence pour juger les appels interjetés contre les jugements de la Divi sion de première instance.
Le paragraphe 164(4.1) de la Loi a été sanc- tionné le 20 décembre 1984 et il avait effet à compter du 15 février 1984. En voici le libellé:
164....
(4.1) Lorsque la Cour canadienne de l'impôt, la Cour fédé- rale du Canada ou la Cour suprême du Canada a ordonné, lors du règlement d'un appel touchant des impôts, des intérêts ou des pénalités qu'un contribuable résidant au Canada doit payer en vertu de la présente loi,
a) le renvoi d'une cotisation au Ministre pour qu'il l'étudie à nouveau et qu'il établisse une nouvelle cotisation,
b) la modification ou l'annulation d'une cotisation, ou
e) le remboursement par le Ministre des impôts, des intérêts
ou des pénalités,
le Ministre doit, avec toute la diligence possible, qu'un appel de la décision de la Cour ait été ou puisse être interjeté,
d) reconsidérer la cotisation et établir une nouvelle cotisation conformément à la décision de la cour, lorsqu'une cotisation lui a été renvoyée, et
e) rembourser tout paiement en trop par suite de la modifica tion, de l'annulation ou de la nouvelle cotisation, à moins d'indication contraire signifiée par écrit par le contribuable, et
J) si l'alinéa c) s'applique, rembourser tout impôt, intérêt ou pénalité en application de l'ordonnance,
et le Ministre peut rembourser tout impôt, intérêt ou pénalité ou libérer toute garantie y afférant qu'il a acceptée en faveur de tout autre contribuable qui s'est opposé à la cotisation ou qui en a appelé lorsque, en regard des motifs fournis avec la décision, il estime juste et équitable de ce faire, néanmoins pour plus de précision le Ministre peut, conformément aux dispositions de la présente loi, de la Loi sur la Cour fédérale et de la Loi sur la
Cour suprême dans leur application aux appels des décisions de la Cour canadienne de l'impôt et de la Cour fédérale, en appeler de la décision de la cour nonobstant toute modification ou annulation d'une cotisation ou toute nouvelle cotisation établie par le Ministre en vertu de l'alinéa d), et lorsqu'il est ainsi fait appel d'une décision de la Cour canadienne de l'impôt, l'on doit procéder comme si l'appel en était un de la cotisation qui a été déférée, modifiée ou annulée. [C'est moi qui souligne.]
En prévoyant ce que peut faire le ministre, le Parlement n'a pas envisagé la possibilité que le contribuable puisse obtenir gain de cause en partie dans la contestation de sa cotisation, comme c'est le cas en l'espèce, et qu'il puisse ne pas être satisfait d'une victoire partielle. Cependant, puis- que la disposition qui garantit le droit d'appel du ministre est faite «pour plus de précision», elle ne doit pas s'interpréter comme refusant au contri- buable une garantie semblable en application de la maxime selon laquelle la mention de l'un équivaut à l'exclusion de l'autre. De fait, on peut considérer que cette disposition révèle la situation que le Parlement croyait devoir se présenter même s'il n'avait pas jugé bon d'ajouter «pour plus de précision».
On a avancé que la décision du président Jackett dans l'affaire Abrahams [No. 1] v. M.N.R. (1966), 66 DTC 5451 (C. de l'É.) *, apporte une justification à la préoccupation de l'appelante. Dans cette affaire, le contribuable s'était dûment opposé à la nouvelle cotisation établie à l'égard de sa déclaration d'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1961 et, comme le ministre ne s'était pas manifesté en temps utile, le contribuable avait déposé un avis d'appel auprès de la Cour de l'Échi- quier. Une semaine après que l'appel eut été inter- jeté, le ministre a déposé un autre avis de nouvelle cotisation. Comme il ressort de l'affaire Abrahams [No. 2] v. M.N.R. (1966), 66 DTC 5453 (C. de l'E.) **, la Cour a jugé au fond l'appel interjeté contre la seconde cotisation. Ni l'un ni l'autre des jugements rendus ne révèle la procédure par
* Note de l'arrêtiste: La décision a été publiée dans les recueils de la Cour de l'Échiquier sous l'intitulé Abrahams, Coleman C. v. Minister of National Revenue (No. 2), [1967] 1 R.C.É. 333.
** La décision a été publiée à [1967] 1 R.C.É. 314 sub nom. Abrahams, Coleman C. v. Minister of National Revenue (No. 1).
laquelle le second appel a été interjeté. Quoi qu'il en soit, il a été statué dans Abrahams [No. 1] que le droit d'établir une nouvelle cotisation en vertu de ce qui est aujourd'hui le paragraphe 152(4) de la Loi avait été régulièrement exercé, et on ajou- tait à la page 5452***:
[TRADUCTION] Le fait qu'un appel a été institué ne doit faire aucune différence dans l'application de cette disposition.
Si l'on tient pour acquise la validité de la seconde nouvelle cotisation, il s'ensuit, me semble-t-il, que la première cotisation est remplacée et devient nulle. Le contribuable ne peut être tenu à la cotisation originale aussi bien qu'à la nouvelle cotisa- tion. Ce serait différent si une cotisation pour une année donnée était suivie d'une cotisation «supplémentaire» pour cette même année. Cependant, lorsque la «nouvelle cotisation» a pour objet de fixer l'impôt global annuel du contribuable, et non seule- ment un montant d'impôt en plus de ce qui avait été déjà cotisé, la cotisation précédente doit automatiquement s'annuler.
En édictant le paragraphe 164(4.1), le Parle- ment entendait clairement rendre service aux con- tribuables qui ont eu gain de cause en interjetant appel contre leurs cotisations. Il serait contraire à cette intention que l'alinéa 164(4.1)d) ait pour effet de priver les contribuables sans méfiance de leur droit de porter plus avant les appels dans lesquels ils n'ont eu gain de cause qu'en partie. J'estime qu'un tel résultat équivaudrait presque à un piège. En conséquence, je n'étendrais pas l'ap- plication de l'arrêt Abrahams /No. 1] aux nouvel- les cotisations établies en vertu du paragraphe 164(4.1) ou d'un jugement lui-même susceptible d'appel.
Le jugement de la Division de première instance qui décide un appel interjeté contre une cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu est un jugement qui peut être contesté auprès de cette Cour conformément au paragraphe 27(1) de la Loi sur la Cour fédérale [S.R.C. 1970 (2e Supp.), chap. 10], bien que les limites du jugement de la Division de première instance soient prescri- tes par l'article 177 de la Loi de l'impôt sur le revenu.
177. La Cour fédérale peut statuer sur un appel, à l'excep- tion d'un appel auquel s'applique l'article 180,
a) en le rejetant,
b) en l'admettant et
(i) annulant la cotisation,
(ii) modifiant la cotisation,
(iii) rétablissant la cotisation, ou
*** Aux pp. 336 et 337 R.C.É.
(iv) déférant la cotisation au Ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation.
Les dispositions pertinentes de la Loi sur la Cour fédérale sont le paragraphe 27(1) et l'alinéa 52b).
27. (1) Il peut être interjeté appel, devant la Cour d'appel fédérale,
a) d'un jugement final,
b) d'un jugement sur une question de droit rendu avant l'instruction, ou
c) d'un jugement interlocutoire,
de la Division de première instance. 52. La Cour d'appel peut
b) dans le cas d'un appel d'une décision de la Division de première instance,
(i) rejeter l'appel ou rendre le jugement que la Division de première instance aurait rendre et prendre toutes mesu- res d'exécution ou autres qu'elle aurait prendre,
(ii) à sa discrétion, ordonner un nouveau procès, si les fins de la justice paraissent l'exiger, ou
(iii) faire une déclaration quant aux conclusions auxquel- les la Division de première instance aurait arriver sur les points qu'elle a tranchés et lui renvoyer la question pour continuation de l'instruction sur les points qu'il reste à juger à la lumière de cette déclaration;
Je ne connais aucune disposition de la Loi de l'impôt sur le revenu qui traite soit du droit du contribuable d'interjeter appel devant cette Cour contre un jugement de la Division de première instance, soit de la procédure applicable à un tel appel.
Le jugement qui fait l'objet du présent appel est visé au sous-alinéa 177b)(iv) de la Loi de l'impôt sur le revenu. Ordinairement, en décidant un appel de ce genre, la Cour d'appel rend un jugement visé à l'alinéa 52b)(i) de la Loi sur la Cour fédérale par lequel elle rejette l'appel ou elle l'accueille pour rendre le jugement qu'à son avis la Division de première instance aurait dli rendre. Si l'appel est rejeté, le jugement de la Cour d'appel confir- mera, de fait, la nouvelle cotisation puisque le jugement de la Division de première instance res- tera en vigueur. Si, d'autre part, l'appel est accueilli et la Cour d'appel rend le jugement qu'aurait rendre, selon elle, la Division de première instance, le jugement de la Cour d'appel doit porter sur la cotisation étudiée par la Division de première instance et non sur la nouvelle cotisa- tion établie conformément au jugement de cette dernière Cour. Il s'ensuit que si la Cour d'appel
doit pouvoir exercer toute sa compétence, la nou- velle cotisation établie conformément à un juge- ment de la Division de première instance ne peut avoir pour effet d'annuler la cotisation originale, à tout le moins aux fins du litige.
Ce dont la Cour est actuellement saisie est le jugement de la Division de première instance. Des éléments accessoires à ce jugement sont les cotisa- tions d'impôt originales étudiées par le juge de première instance et les nouvelles cotisations éta- blies conformément à son jugement. À mon sens, les nouvelles cotisations, dans la mesure elles sont conformes au jugement de première instance, sont en fait soumises à la Cour. L'ordonnance recherchée par l'appelante est donc superflue.
Je rejetterais la demande. Il n'y a pas lieu d'adjuger des dépens.
LE JUGE PRATTE: Je souscris à ces motifs. LE JUGE HEALD: Je souscris à ces motifs.
 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.