A-567-85
Native Communications Society of B.C. (appe-
lante)
c.
Ministre du Revenu national (intimé)
RÉPERTORIÉ: NATIVE COMMUNICATIONS SOCIETY OF B.C. c.
CANADA (M.R.N.) (C.A.F.)
Cour d'appel, juges Heald, Mahoney et Stone—
Vancouver, 27 mai; Ottawa, 12 juin 1986.
Organismes de charité — Appel formé contre le refus du
Ministre de reconnaître l'appelante comme œuvre de charité —
Celle-ci a notamment pour objet d'élaborer des émissions de
radio et de télévision ayant rapport aux autochtones de la
Colombie-Britannique, de former des autochtones aux techni
ques de communication et de transmettre de l'information sur
des problèmes concernant les autochtones — Appel accueilli
— Ces fins entrent dans le quatrième type d'organismes men-
tionné par lord Macnaghten dans l'affaire Pemsel, à savoir les
«fiducies constituées pour des fins utiles à l'ensemble de la
société et ne se situant pas à l'intérieur des catégories susmen-
tionnées» — Ces fins sont conformes à «l'esprit» du préambule
de la Loi d'Elizabeth — La jurisprudence évolue constamment
en matière d'organismes de charité — Les décisions citées, qui
ne portent pas sur des activités destinées aux autochtones, ne
sont pas d'un grand secours — Application de In re Mathew
qui établit une analogie entre les autochtones de l'Australie et
les catégories énumérées dans le préambule de la Loi d'Eliza-
beth — Loi de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, chap.
63, art. 149.1(1)b) (édicté par S.C. 1976-77, chap. 4, art. 60),
172(3) — Statute of Elizabeth, 43 Eliz. 1, chap. 4 — Loi sur
les Indiens, S.R.C. 1970, chap. I-6 — Règles de la Cour
fédérale, C.R.C., chap. 663, Règle 1312.
Impôt sur le revenu — Exemptions — Organismes de
charité — Refus du Ministre de reconnaître l'appelante comme
oeuvre de charité — Corporation sans but lucratif — Celle-ci a
pour objet de produire des émissions et de publier un journal
traitant de sujets intéressant les autochtones ainsi que de les
former aux techniques de communication — S'agit-il de fins
poursuivies à titre charitable seulement? — On a tenu compte
de l'arrêt Pemsel — La fin charitable entre-t-elle dans la
quatrième catégorie prévue dans la classification de lord Mac-
naghten? — On a appliqué une décision australienne portant
sur un organisme de charité et concernant les autochtones —
La reconnaissance de l'appelante comme œuvre de charité
pourrait être révoquée si celle-ci devait s'adonner à des activi-
tés politiques — Annulation de la décision du Ministre — Loi
de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, chap. 63, art.
149.1(1)b) (édicté par S.C. 1976-77, chap. 4, art. 60), 172(3).
Peuples autochtones — Taxation — On a refusé de recon-
naître comme œuvre de charité une corporation constituée dans
le but d'élaborer des programmes de communication à l'inten-
tion des autochtones et de les former aux techniques de
communication — Il faut tenir compte de la position particu-
lière que les Indiens du Canada occupent sur le plan juridique
— La Loi constitutionnelle de 1982 reconnaît les droits exis-
tants, ancestraux ou issus de traités, des peuples autochtones
du Canada — L'État joue un rôle important dans la vie des
Indiens en vertu de nos lois — Ceux-ci sont désignés pour
recevoir une aide et une protection particulières — Les émis-
sions produites et le journal publié par l'appelante ont des
aspects éducatifs — Leur insuffler une fierté de leurs origines
— Les décisions anglaises sur les organismes de charité sont
d'une utilité limitée, car elles ne se rapportent pas aux autoch-
tones — On a appliqué une décision australienne portant sur
un reliquat successoral légué dans l'intérêt des autochtones —
Les fins poursuivies par l'appelante profitent à l'ensemble de
la communauté indienne de la Colombie-Britannique — Le
Ministre devra réexaminer la question en tenant pour acquis
que l'appelante est une «oeuvre de charité» — Loi de l'impôt
sur le revenu, S.C. 1970-71-72, chap. 63, art. 149.1(1)b)
(édicté par S.C. 1976-77, chap. 4, art. 60) — Loi constitution-
nelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982,
chap. 11 (R.-U.), art. 35 — Loi sur les Indiens, S.R.C. 1970,
chap. 1-6.
Il s'agit d'un appel formé contre le refus du Ministre de
reconnaître l'appelante comme oeuvre de charité. Celle-ci est
une corporation sans but lucratif qui vise notamment à élaborer
des émissions de radio et de télévision ayant rapport aux
autochtones de la Colombie-Britannique, à former des autoch-
tones aux techniques de communication et à transmettre de
l'information sur des questions concernant les autochtones.
L'enregistrement a été refusé pour le motif que les fins poursui-
vies par l'appelante n'étaient pas exclusivement charitables.
L'appelante prétend faire partie du quatrième type d'organis-
mes de charité mentionné par lord Macnaghten dans l'affaire
Pemsel, à savoir les «fiducies constituées pour des fins utiles à
l'ensemble de la société et ne se situant pas à l'intérieur des
catégories susmentionnées».
Arrêt: l'appel devrait être accueilli.
Pour être considérée comme une fin charitable s'inscrivant
dans cette catégorie, la fin doit être utile à la société d'une
façon que la loi considère comme charitable en étant conforme
à «l'esprit» du préambule de la Loi d'Elizabeth. C'est en se
fondant sur le dossier dont il dispose et en exerçant sa compé-
tence reconnue en equity en matière d'organismes de charité
que le tribunal doit déterminer si une fin pourrait servir l'inté-
rêt du public. Il faut également se rappeler que «le droit évolue
en matière d'organismes de charité». On doit tenir compte de la
position particulière que les Indiens occupent sur le plan juridi-
que dans la société canadienne. Les droits des autochtones sont
reconnus par la Constitution, et l'État joue un rôle important
dans la vie des Indiens en vertu de la Loi sur les Indiens.
L'utilisation que l'appelante fait du journal, de la radio et de
la télévision fournira une part d'«éducation», en ce sens qu'un
certain nombre d'Indiens acquerront une certaine compétence
dans leur usage. Ces médias seront employés également pour
communiquer dans des domaines qui concernent leur vie en
tant qu'Indiens. Le journal de l'appelante n'est pas utilisé
seulement comme simple transmetteur de nouvelles. Il tente de
favoriser la langue et la culture et de promouvoir ainsi parmi
les Indiens de la Colombie-Britannique une certaine unité qui,
sans cela, n'existerait peut-être pas.
On ne peut pas décider du présent appel selon que les
tribunaux ont classifié les fins dans le passé, notamment les
décisions anglaises, car aucune d'elles ne porte sur des activités
destinées aux autochtones. Aucun arrêt canadien n'a traité de
cette situation. La décision In re Mathew est utile car les
autochtones de l'Australie, qui sont protégés et aidés par l'État,
occupent une position semblable à celle des Indiens du Canada.
Il a été jugé que cette catégorie était analogue à celles qui sont
énumérées dans le préambule de la Loi d'Elizabeth.
Les fins poursuivies par l'appelante sont utiles à la commu-
nauté indienne de la Colombie-Britannique selon l'esprit du
préambule de la Loi d'Elizabeth et, par conséquent, elles
constituent des fins charitables valables. Bien qu'elles ne soient
pas formulées de façon très précise, elles se limitent à des
questions qui «se rapportent» aux autochtones de la Colombie-
Britannique. Les fins doivent toutes être poursuivies à titre
charitable seulement et, dans l'éventualité d'une liquidation, les
actifs de la corporation doivent être transférés à une oeuvre de
charité.
L'utilisation du mot «politique» à l'article 2d)(iii) de l'énoncé
des fins poursuivies par l'appelante ne lui permet pas de
s'adonner à des activités politiques mais seulement de transmet-
tre de l'information sur un certain nombre de questions, dont
les questions politiques. On mentionne expressément dans le
journal que celui-ci n'est pas aligné sur le plan politique.
L'enregistrement de l'appelante comme oeuvre de charité pour-
rait être révoqué si elle devait s'adonner à des activités
politiques.
JURISPRUDENCE
DECISIONS APPLIQUÉES:
Commissioners of Income Tax v. Pemsel, [1891] A.C.
531 (H.L.); McGovern v. Attorney -General, [1982] Ch.
321; National Anti -Vivisection Society v. Inland Reve
nue Commissioners, [1948] A.C. 31 (H.L.); In re Stra-
kosch, decd. Temperley v. Attorney -General, [1949] Ch.
529 (C.A.); Scottish Burial Reform and Cremation
Society Ltd. v. Glasgow Corpn., [1968] A.C. 138 (H.L.);
In re Mathew, deceased; The Trustees Executors &
Agency Co. Ltd. v. Mathew, [1951] V.L.R. 226 (Aust.
S.C.).
DECISIONS CITÉES:
Guaranty Trust Company of Canada v. Minister of
National Revenue, [1967] R.C.S. 133; Guerin et autres c.
La Reine et autre, [1984] 2 R.C.S. 335.
AVOCATS:
David W. Mossop pour l'appelante.
Wilfrid Lefebvre, c.r. et Bonnie F. Moon pour
l'intimé.
PROCUREURS:
Vancouver Community Legal Assistance
Society, Vancouver, pour l'appelante.
Le sous-procureur général du Canada pour
l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE STONE: L'appelante cherchait à se
faire reconnaître comme «oeuvre de charité» sui-
vant les dispositions de la Loi de l'impôt sur le
revenu, S.R.C. 1952, chap. 148 et ses modifica
tions apportées par S.C. 1970-71-72, chap. 63 ainsi
que ses modifications subséquentes. Sa demande
d'enregistrement a été rejetée par le ministre du
Revenu national, et elle en appelle maintenant de
cette décision en vertu du paragraphe 172(3) de la
Loi.
L'appelante est une corporation sans but lucratif
constituée en vertu des lois de la Colombie-Britan-
nique en 1983. Les fins qu'elle vise sont énoncées,
dans leur version modifiée, à l'article 2 de son
certificat de constitution en personne morale et
sont libellées ainsi:
[TRADUCTION] 2. La Société poursuit les fins suivantes:
a) organiser et élaborer des programmes généraux de com
munication sans but lucratif, notamment des émissions de
radio et de télévision, qui ont rapport aux autochtones de la
Colombie-Britann igue;
b) former des autochtones aux techniques de communication;
et publier un journal sans but lucratif sur des sujets ayant
rapport aux autochtones de la Colombie-Britannique;
c) recueillir et transmettre de l'information sur des problè-
mes qui se posent aux autochtones de la Colombie-Britanni-
que;
d) subsidiairement à ces fins principales et en vue de leur
réalisation,
(i) promouvoir par les moyens de communication une
meilleure image des autochtones sur la scène natio-
nale et favoriser la compréhension mutuelle,
(ii) fournir des locaux convenables pour la réalisation des
fins poursuivies par la Société,
(iii) recueillir et transmettre de l'information sur des sujets
se rapportant aux problèmes d'ordre social, éducation-
nel, politique et économique qui se posent aux autoch-
tones de la Colombie-Britannique,
(iv) coopérer avec d'autres personnes,
(v) communiquer avec d'autres groupes autochtones des
diverses parties du monde et intensifier les rapports
sociaux avec eux;
e) réaliser ce qui précède sur une base objective;
f) faire toute autre chose susceptible d'aider à atteindre les
fins mentionnées ci-dessus.
Suivent immédiatement les articles 3 et 4, qui sont
rédigés ainsi:
[TRADUCTION] 3. En cas de liquidation ou de dissolution de la
Société, le reliquat de ses fonds et de son actif après l'acquitte-
ment de ses dettes devra être donné ou transféré à un ou des
organismes s'intéressant aux mêmes problèmes sociaux ou pro-
mouvant les mêmes fins que la Société, que les membres de la
Société pourront désigner au moment de la liquidation ou de la
dissolution; advenant l'impossibilité de donner effet aux disposi
tions susmentionnées, ces fonds devront être donnés ou transfé-
rés à d'autres organismes, pourvu cependant qu'il s'agisse d'une
oeuvre de charité, d'une corporation de charité ou d'une fiducie
de charité reconnue comme telle par le ministère du Revenu
national du Canada aux termes des dispositions en vigueur de
la Loi de l'impôt sur le revenu du Canada.
4. Les membres de la Société doivent poursuivre les fins
ci-dessus mentionnées sans chercher à réaliser des gains, et tous
les profits ou autres revenus de la Société devront être utilisés
pour promouvoir ses fins, qui devront toutes être poursuivies à
titre charitable seulement.
Un échange de correspondance s'ensuivit entre
l'appelante et la Section des oeuvres de charité et
organisations sans but lucratif du ministère du
Revenu national (Impôt). En novembre 1983, l'en-
registrement a été refusé pour le motif que les fins
poursuivies par l'appelante n'étaient pas exclusive-
ment charitables. L'appelante a été invitée à pré-
senter une autre demande et à fournir la preuve
[TRADUCTION] «que les fins de la corporation ont
été modifiées de façon appropriée». Une nouvelle
demande a, de fait, été présentée en décembre
1984, en plus de la version modifiée du certificat
de constitution en personne morale dont j'ai déjà
cité des extraits. Cette nouvelle demande était
accompagnée d'une déclaration concernant les
activités tant effectives que projetées de l'appe-
lante. Il est utile d'exposer intégralement le con-
tenu de ce document:
[TRADUCTION] CE QUE NOUS FAISONS
A. Formation
LA NCS VISE à former des autochtones aux techniques de
communication. Des programmes de formation ont été élaborés
dans le domaine du journalisme écrit, et en 1984 aura lieu la
mise en oeuvre d'un programme de formation dans le domaine
de la diffusion, dont celui de la radio et de la télévision.
LES ATELIERS SPÉCIALISES SUR LES MÉDIAS constituent égale-
ment une partie importante du développement des compétences
dans l'industrie de la diffusion. Les autochtones de la Colom-
bie-Britannique continueront de pouvoir s'initier aux technolo
gies actuelles et nouvelles qui sont utiles en milieu urbain et
dans les localités éloignées.
B. Journal
EN SEPTEMBRE 1983, la Société a commencé la publication
d'un journal mensuel appelé «Kahtou». Kahtou représente la
connaissance. En chinook, ce mot signifie «pourquoi, quoi et
comment». À cela, le directeur ajoute «qui, où et quand». Nous
accueillons les récits, les nouvelles et les informations provenant
de collaborateurs aux quatre coins de la province, outre ceux de
nos propres journalistes. Le journal tire maintenant à 7 500
exemplaires et est publié toutes les deux semaines. Distribué
aux organismes autochtones, aux conseils de bande, aux parti-
culiers et à de nombreux organismes non autochtones, il contri-
bue à informer tout le monde des événements et des questions
qui intéressent les autochtones de la Colombie-Britannique.
C. Northern Native Broadcasting Access Program (NNBAP)
LA NCS S'INTÉRESSE aux préoccupations particulières des
autochtones du nord de la Colombie-Britannique. Des recher-
ches et des travaux de planification préliminaires sont en cours
afin de créer un centre de production d'émissions de radio et de
télévision qui serait dirigé par des autochtones du nord de la
province.
D. Services ruraux de communication
L'AMÉLIORATION DES COMMUNICATIONS NE PEUT PAS se
limiter à un système de radiodiffusion, de télédiffusion ou
d'information écrite. De nombreuses localités de la Colombie-
Britannique ont encore des systèmes de téléphone et de télé-
communication limités ou inadéquats. La NCS s'efforce de
donner même aux localités les plus éloignées l'accès aux systè-
mes de communication que la plupart des citoyens de la
Colombie-Britannique considèrent comme allant de soi. Les
services de radio-communications de piste pour les chasseurs,
les trappeurs et les pêcheurs constituent un autre domaine que
la NCS s'efforce d'améliorer.
Subsidiairement aux activités qui précèdent et en vue de leur
réalisation, ajoutons:
E) Liaisons
NOUS ENTRETENONS DES LIAISONS AVEC les divers niveaux de
gouvernement, le secteur privé et les sociétés d'État, qui jouent
tous un rôle dans le domaine des communications, pour pro-
mouvoir des services adéquats à l'intention des autochtones.
F) Médias
L'IMAGE QUE LES MÉDIAS donnent des autochtones est souvent
négative. La NCS s'efforce de favoriser la représentation réa-
liste des autochtones tant en milieu urbain qu'en milieu rural.
Un exemplaire du numéro du 24 avril 1984 du
journal Kahtou, dont il est question dans le dernier
document cité, accompagnait la nouvelle demande.
À la page 2, on y déclare qu'il s'agit d'un journal
[TRADUCTION] «mon aligné sur le plan politique»
et à la page 9 qu'il [TRADUCTION] «est distribué
gratuitement aux autochtones de toute la Colom-
bie-Britannique». J'aurai quelque chose à ajouter
au sujet de cette publication un peu plus loin.
Malgré la modification des fins de la Société et la
documentation supplémentaire, la nouvelle de-
mande a été rejetée par une lettre en date du 4
avril 1985. À la demande de l'appelante, la déci-
sion rendue a été étudiée de nouveau, mais elle a
été confirmée par une autre lettre en date du 10
juin 1985. Ces lettres traitent assez longuement de
certains passages du texte énonçant les «fins» de
l'appelante et d'un certain nombre de décisions
judiciaires qui indiqueraient que, de l'avis du
Ministre, ces fins ne pouvaient être dites «de cha-
rité». Je voudrais reproduire ici deux extraits seule-
ment de ces lettres assez détaillées. Dans la pre-
mière, les raisons suivantes ont été données à
l'appui du refus de la demande:
[TRADUCTION] C'est un principe fondamental du droit régis-
sant les organismes de charité que, pour qu'une fin soit considé-
rée comme charitable, elle ne doit pas être énoncée de façon
vague ou large au point de permettre la poursuite d'objectifs ou
d'activités qui ne sont pas inspirés par la charité. Qui plus est, il
doit ressortir des objectifs de l'organisme que toutes ses ressour-
ces doivent être et seront consacrées à des activités de bienfai-
sance ainsi que l'exigent les dispositions de la Loi de l'impôt sur
le revenu. Les fins de la corporation ne doivent pas prévoir des
activités qui ne sont pas inspirées par la charité et elles ne
devraient pas non plus être suffisamment larges, bien qu'elles
ne soient pas particulièrement non charitables, pour permettre
à la corporation de s'adonner à des activités qui ne sont pas
inspirées par la charité.
Et, de la lettre du 10 juin, je cite ce qui suit:
[TRADUCTION] Nous voudrions cependant expliquer davantage
la présente décision. Comme vous le savez, pour être reconnu
comme oeuvre de charité, le requérant doit consacrer toutes ses
ressources à des activités de bienfaisance qu'il poursuit lui-
même. La Loi ne définit pas les expressions «charitable» ou «de
charité», et il est donc nécessaire de se reporter aux principes de
la common law régissant les organismes de charité.
Les tribunaux ont défini comme fins charitables et activités de
bienfaisance le soulagement de la pauvreté, la promotion de la
religion, la promotion de l'éducation et d'autres fins et activités
utiles à l'ensemble de la société d'une manière que la loi
considère comme charitable. Voilà les notions fondamentales
auxquelles doivent se rapporter les fins et les activités d'un
organisme pour être considérées comme des fins charitables ou
des activités de bienfaisance.
Vous avez déclaré que la fin principale de l'organisme est
charitable et que vous avez fourni des preuves émanant d'autres
juridictions à l'appui de cette opinion. En bref, la fin première
de la Société est d'organiser et d'élaborer, en faisant appel à la
radio, à la télévision et à la presse écrite, des programmes de
communication sans but lucratif qui ont rapport aux autochto-
nes de la Colombie-Britannique. Un exemplaire de l'un des
journaux publiés a été annexé à la demande de l'appelante.
Nous avons examiné les articles publiés dans le journal et avons
noté qu'il sert à rapporter des nouvelles locales qui intéressent
les autochtones. À cet égard, nous voudrions vous informer
qu'en common law, on a interprété la promotion de l'éducation
comme étant la promotion de l'éducation pour elle-même en ce
sens que l'esprit peut être formé, par opposition à la simple
diffusion de l'information, qui constitue une façon de renseigner
plutôt que d'enseigner.
Les «dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu»
mentionnées dans la lettre du 10 avril 1985 sem-
bleraient être celles qui se trouvent à l'alinéa
149.1(1)b) [édicté par S.C. 1976-77, chap. 4, art.
601 de cette Loi, qui définit ainsi l'expression
«oeuvre de charité»:
149.1 (1) Dans le présent article,
b) «oeuvre de charité» désigne une oeuvre, constituée ou non
en corporation, dont toutes les ressources sont consacrées à
des activités de bienfaisance menées par l'oeuvre elle-même et
dont aucun revenu n'est payable à un propriétaire, membre,
actionnaire, fiduciaire ou auteur de la fiducie ou de la
corporation ou ne peut par ailleurs être disponible pour servir
au profit personnel de ceux-ci;
Le point de départ d'une discussion sur ce qui
peut ou non constituer une fin charitable valable
est la décision de la Chambre des lords dans
l'affaire Commissioners of Income Tax v. Pemsel,
[1891] A.C. 531, et plus particulièrement le sens
juridique du mot «charity» (organisme de charité)
donné par lord Macnaghten à la page 583 du
recueil:
[TRADUCTION] Dans quelle mesure la signification courante de
l'expression «charity» correspond-elle à son sens juridique?
Entendue dans son sens juridique, l'expression «charity» («orga-
nisme de charité») comprend quatre types d'organismes: des
fiducies ayant pour but de soulager la pauvreté; des fiducies
constituées pour promouvoir l'éducation; des fiducies visant à
promouvoir la religion; et des fiducies constituées pour des fins
utiles à l'ensemble de la société et ne se situant pas à l'intérieur
des catégories susmentionnées.
Cette définition a été appliquée à plusieurs reprises
au Canada et a été approuvée par notre Cour
suprême (voir Guaranty Trust Company of
Canada v. Minister of National Revenue, [1967]
R.C.S. 133, la page 141). Pour constituer une fin
«charitable» valable, une fin doit avoir un caractère
charitable au sens de [TRADUCTION] «l'esprit» du
préambule de la Loi d'Elizabeth intitulée «An Acte
to redresse the Misemployment of Landes Goodes
and Stockes of Money heretofore given to Chari
table Uses». Cette Loi a été adoptée en Angleterre
en 1601 au cours du règne d'Elizabeth I re et est
rapportée à 43 Eliz. I, chap. 4. De nos jours, elle
est généralement désignée dans ce domaine du
droit simplement comme la [TRADUCTION] «Loi
d'Elizabeth». Il n'est pas nécessaire d'exposer tout
ce préambule et il n'est peut-être pas souhaitable
non plus d'essayer de le reproduire dans sa version
originale. Je préfère plutôt suivre l'exemple du
juge Slade dans l'arrêt McGovern v. Attorney -
General, [1982] Ch. 321, la page 332, où il a
donné en anglais moderne la liste des fins charita-
bles prévues dans cette Loi:
[TRADUCTION] Soulager les personnes âgées, les infirmes ou les
pauvres ... pourvoir aux besoins des soldats et des marins
malades ou invalides; subventionner les établissements scolai-
res, les écoles gratuites et les boursiers étudiant dans les
universités ... réparer les ponts, les ports, les havres, la chaus-
sée, les églises, le littoral et les grandes routes ... faire élever et
instruire les orphelins ... venir en aide aux maisons de correc
tion, leur fournir des provisions ou les subventionner ... doter
les jeunes filles pauvres ... fournir une aide aux jeunes com-
merçants, aux artisans et aux personnes ruinées ... soulager ou
délivrer les prisonniers, et aider ou soulager tous les citoyens
pauvres relativement au paiement de la taxe d'un quinzième, de
l'impôt pour la levée des armées et d'autres taxes.
L'appelante tente d'inscrire son cas dans trois
des quatre catégories prévues dans la classification
de lord Macnaghten, à savoir le «soulagement de la
pauvreté», la «promotion de l'éducation» et les
«fiducies constituées pour des fins utiles à l'ensem-
ble de la société et ne se situant pas à l'intérieur
des catégories susmentionnées». Il ne me semble
pas que les fins poursuivies par l'appelante se
rangent dans la première de ces catégories. Le
dossier ne suffit pas à étayer une telle prétention
même si c'est un fait notoire que les Indiens, de
façon générale, ne sont pas aussi avantagés que
beaucoup de leurs concitoyens. Le même problème
se pose au sujet de la deuxième catégorie. J'af-
firme cela bien que l'une des fins expresses de
l'appelante soit «de former des autochtones aux
techniques de communication» et que l'un des buts
visés accessoirement par la publication du journal
et la production de programmes de radio et de
télévision soit ou doive être de former des Indiens à
l'usage de ces moyens de communication. Étant
donné la conclusion à laquelle je suis sur le point
d'arriver quant à l'applicabilité de la quatrième
catégorie, il ne sera pas nécessaire d'exprimer une
opinion définitive sur la question. C'est cette qua-
trième catégorie qui a été présentée en premier
lieu et le plus en détail.
Il semble ressortir de la jurisprudence que les
propositions suivantes au moins peuvent être pré-
sentées comme des conditions préalables pour
déterminer si une fin particulière peut être consi-
dérée comme une fin charitable s'inscrivant dans
la quatrième catégorie prévue dans la classification
de lord Macnaghten:
a) la fin doit être utile à la société d'une façon que
la loi considère comme charitable en étant con-
forme à «l'esprit» du préambule de la Loi d'Eliza-
beth, si ce n'est pas à sa lettre. (National Anti -
Vivisection Society v. Inland Revenue Commissio
ners, [1948] A.C. 31 (H.L.), aux pages 63 et 64;
In re Strakosch, decd. Temperley v. Attorney-
General, [1949] Ch. 529 (C.A.), aux pages 537 et
538), et
b) c'est en se fondant sur le dossier dont elle
dispose et en exerçant sa compétence reconnue en
equity en matière d'organismes de charité que la
cour doit déterminer si une fin servirait ou pourrait
servir l'intérêt du public (National Anti -Vivisec
tion Society v. Inland Revenue Commissioners
(précité), aux pages 44, 45 et 63).
Peut-on dire que les fins poursuivies par l'appe-
lante sont conformes à «l'esprit» du préambule de
la Loi d'Elizabeth et donc à la quatrième catégorie
de la définition que donne lord Macnaghten du
mot «charity»? Pour répondre à cette question,
nous devons prendre en considération ce que lord
Greene, le maître des rôles, déclarait dans In re
Strakosch (précité), à la page 537:
[TRADUCTION] Dans l'arrêt Williams' Trustees v. Inland
Revenue Commissioners ([1947] A.C. 447), la Chambre des
lords a établi très clairement que, pour entrer dans la quatrième
catégorie énoncée par lord Macnaghten, le don ne doit pas
seulement être utile à la société mais être utile d'une façon que
la loi considère comme bienfaisante. Afin de répondre à cette
dernière condition, il doit être conforme à «l'esprit» du préam-
bule de la Loi d'Elizabeth. Ce préambule prévoyait les fins qui
étaient alors considérées comme devant être tenues pour chari-
tables en droit. Il est évident qu'avec le temps, la signification
du mot charitable a évolué. Les tribunaux ont reconnu qu'il
s'agissait là de l'examen le plus sommaire de la jurisprudence
concernée. [C'est moi qui souligne.]
Plus récemment, dans l'arrêt Scottish Burial
Reform and Cremation Society Ltd. v. Glasgow
Corpn., [1968] A.C. 138 (H.L.), lord Wilberforce
nous rappelle que [TRADUCTION] «le droit évolue
en matière d'organismes de charité». Je me reporte
plus longuement à l'opinion qu'il a exprimée sur ce
point à la page 154 du recueil:
[TRADUCTION] Sur ce sujet, la loi anglaise, bien que sans
doute elle ne soit pas très satisfaisante et ait besoin d'être
rationalisée, est assez claire. Pour que les fins en question soient
charitables, il faut prouver qu'elles sont utiles au public, ou à la
collectivité, dans un sens ou d'une façon qui soit conforme à
l'esprit du préambule de la loi rapportée à 43 Eliz. 1, chap. 4.
Cette dernière condition ne signifie pas tout à fait ce qu'elle
énonce, car il est maintenant reconnu que ce n'est pas le libellé
du préambule lui-même qui doit être pris en considération mais
l'effet des décisions des tribunaux sur sa portée, décisions qui
ont tenté de faire évoluer le droit relatif aux organismes de
charité conformément à l'apparition de nouveaux besoins
sociaux et au respect ou à la disparition des anciens. Le
groupement des catégories d'organismes de charité reconnus
effectué par lord Macnaghten dans l'arrêt Pemsel ([1891] A.C.
531, 583) s'est révélé important et permet de résoudre plusieurs
problèmes. Mais il se prête à trois commentaires que son auteur
n'aurait certainement pas désavoués: premièrement, cette clas
sification étant de convenance, certaines fins peuvent ne pas
s'inscrire aisément dans l'une ou l'autre des catégories; deuxiè-
mement, il ne convient pas d'accorder aux mots utilisés la
même importance qu'à un texte de loi à interpréter; et troisiè-
mement, le droit en matière d'organismes de charité est un
domaine qui évolue et qui peut bien avoir changé même depuis
1891. [C'est moi qui souligne.]
Nous ne devrions pas non plus passer sous silence
le conseil formulé par lord Upjohn dans la même
affaire. Pour décider si l'organisme de charité en
question était conforme à l'esprit du préambule de
la Loi d'Elizabeth, il a déclaré (à la page 150):
[TRADUCTION] Il est impossible de définir davantage cette
soi-disant quatrième catégorie et on peut difficilement la consi-
dérer aujourd'hui comme autre chose qu'un fourre-tout destiné
à recevoir les objectifs qu'une opinion éclairée rangerait dans la
deuxième catégorie.
Je ne crois pas qu'on puisse juger l'affaire sans
tenir compte de la position particulière que les
Indiens occupent sur le plan juridique dans la
société canadienne. L'article 35 de la Loi constitu-
tionnelle de 1982 [annexe B, Loi de 1982 sur le
Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.)] prévoit une cer-
taine protection à l'égard des «droits existants—
ancestraux ou issus de traités—des peuples autoch-
tones du Canada». Et comme nous le verrons,
l'État joue un rôle important dans la vie des
Indiens en vertu de nos lois.
Les gens visés par les fins de l'appelante sont les
membres des tribus indiennes, qui sont grande-
ment dispersés à travers la province de la Colom-
bie-Britannique. J'ai déjà fait remarquer que l'uti-
lisation du journal, de la radio et de la télévision
contient ou fournira une part d'«éducation» en ce
sens qu'un certain nombre d'Indiens ont ou obtien-
dront un certain degré de compétence dans leur
usage. De plus, la radio, la télévision et le journal
sont ou seront utilisés pour communiquer dans des
domaines qui concernent leur vie à titre d'Indiens.
L'avocat de l'intimé soutient que le journal ne
contient que des «nouvelles» qui ne peuvent pas
être considérées comme «éducatives». J'ai de la
difficulté à suivre ce raisonnement, car il me
semble que, dans l'esprit de ses lecteurs, le journal
pourrait bien être considéré comme aussi éducatif
qu'informatif. Je n'ai pas à me prononcer sur ce
point. Il appert que le journal n'est pas utilisé
seulement comme simple transmetteur de nouvel-
les. Un examen de ses pages montre que les
Indiens qui les lisent prennent connaissance d'acti-
vités culturelles qui se déroulent ailleurs dans la
communauté indienne et des tentatives de promo
tion de la langue et de la culture grâce notamment
à l'utilisation accrue des langues autochtones et à
la remise en vogue d'anciens métiers, de la musi-
que et des récits. Tout cela va peut-être insuffler
aux lecteurs de Kahtou une certaine fierté de leurs
origines, valoriser davantage la culture et la langue
indiennes et, de ce fait, promouvoir parmi les
Indiens de la Colombie-Britannique une certaine
unité qui, sans cela, n'aurait peut-être pas existé.
Le dossier révèle que les programmes de radio et
de télévision visent les mêmes buts généraux.
À mon avis, ce serait une erreur de décider du
présent appel selon qu'une fin en particulier peut
avoir été considérée ou non comme charitable aux
yeux de la jurisprudence. Cela s'applique particu-
lièrement aux décisions anglaises concernées,
aucune d'elles ne portant sur des activités destinées
aux autochtones. Si, comme le dit lord Wilberforce
(et j'y souscris), «le droit évolue en matière d'orga-
nismes de charité», nous devons donc considérer si,
selon le dossier, les fins actuellement poursuivies
par l'appelante s'inscrivent dans la quatrième caté-
gorie d'organismes de charité prévue par lord
Macnaghten dans l'affaire Pemsel. Aucune déci-
sion antérieure d'un tribunal canadien sur un cas
exactement semblable ne peut nous guider. Par
ailleurs, une décision australienne, In re Mathew,
deceased; The Trustees Executors & Agency Co.
Ltd. v. Mathew, [1951] V.L.R. 226 (Aust. S.C.),
m'est très utile. On alléguait l'invalidité d'une
disposition testamentaire selon laquelle un reliquat
successoral devait être utilisé par une personne
nommément désignée «à sa discrétion dans l'intérêt
des autochtones de l'Australie». La partie adverse
opposait que la disposition tombait dans la qua-
trième catégorie mentionnée par lord Macnaghten,
thèse qui a été retenue par la Cour suprême de
Victoria. Je crois que le passage suivant de la
décision rendue par le juge O'Bryan (à la page
232) est particulièrement révélateur:
[TRADUCTION] Il est notoire que les autochtones de l'Australie
constituent dans notre société une catégorie qui, en général, a
besoin d'aide et de protection. La Législature l'a reconnu de
différentes façons. Il suffit de se reporter à notre Victorian
Aborigines Act de 1928. Cette loi prévoit la création d'une
commission pour protéger les autochtones de l'Australie et elle
confère au gouverneur en conseil de vastes pouvoirs de régle-
mentation ayant pour objet l'aide et la protection de ces
autochtones, notamment la répartition et l'utilisation des fonds
accordés par le Parlement pour leur bien (art. 6(IV)) et le soin
et l'éducation de leurs enfants. À mon avis, une telle catégorie
est analogue à celles de la loi qui visent: «les personnes âgées,
les infirmes et les pauvres; l'aide à fournir aux personnes
ruinées; le soin et l'éducation des orphelins». Je dois appliquer
les termes de cette loi aux conditions de vie actuelles des
Australiens. Ces termes doivent être appliqués par analogie et
non comme à des choses de même nature. Je crois que, si ces
termes sont appliqués de cette façon, les autochtones de l'Aus-
tralie forment une catégorie de personnes analogues à celles que
le préambule de la loi énumère. Cela étant, le legs n'est pas
entaché de nullité par la disposition générale selon laquelle
l'argent doit «être utilisé par lui à sa discrétion dans l'intérêt
de ...».
Ici au Canada, également, l'État est autorisé à
jouer et joue effectivement un rôle quelque peu
semblable en protégeant et en aidant les Indiens.
De fait, la Cour suprême du Canada a jugé que la
Couronne a une obligation de fiduciaire relative-
ment aux terres détenues dans l'intérêt des Indiens
(Guerin et autres c. La Reine et autre, [1984] 2
R.C.S. 335). Un examen sommaire de la Loi sur
les Indiens, S.R.C. 1970, chap. I-6 et de ses modi
fications révèle jusqu'où va l'intervention de l'État.
Je ferais observer, par exemple, que celui-ci peut
avoir voix au chapitre dans: la constitution des
bandes et l'occupation des terres situées dans une
réserve; l'enregistrement des Indiens; la détention,
la gestion et l'utilisation de l'argent des Indiens; la
prise ou l'utilisation obligatoires, ou la cession, des
terres d'une réserve; la transmission des biens par
droit de succession, les testaments et la distribu
tion des biens ab intestat; l'incapacité mentale et la
tutelle; le commerce avec les Indiens; l'émancipa-
tion; les écoles. C'est le ministre des Affaires
indiennes et du Nord canadien qui est chargé de
l'application de la Loi, et il est également le surin-
tendant général des Affaires indiennes. La Loi
prévoit un «surintendant», dont la définition
s'étend à un commissaire, à un surveillant régional,
à un surintendant des Indiens, à un surintendant
adjoint des Indiens, etc., ainsi qu'au surintendant
d'une bande ou d'une réserve déterminée. Cet
ensemble détaillé de dispositions montre bien que
l'État a assumé une responsabilité particulière à
l'égard du bien-être des Indiens. Contrairement à
la grande majorité de leurs concitoyens, ils consti
tuent un peuple désigné pour recevoir une aide et
une protection particulières dans maints aspects de
leur vie. A mon avis, on ne peut pas, sans risque,
écarter cette particularité au moment de décider si
les fins de l'appelante entrent ou non dans la
quatrième catégorie d'organismes de charité qui a
été établie par lord Macnaghten dans l'arrêt
Pemsel.
J'ai conclu que les fins poursuivies par l'appe-
lante sont utiles à la communauté indienne de la
Colombie-Britannique selon l'esprit du préambule
de la Loi d'Elizabeth et, par conséquent, elles
constituent des fins charitables valables. Il est vrai
qu'elles ne sont pas formulées de façon très pré-
cise, mais il est de la nature des articles qui
énoncent les objets d'une société d'être rédigés de
façon assez vague. Cependant, elles se limitent à
des questions qui se rapportent aux autochtones de
la Colombie-Britannique ou auxquelles ceux-ci
font face. Bien que le libellé de l'article 2d) soit
assez vague, il est mentionné expressément que
cette fin est prévue «subsidiairement à ces fins
principales et en vue de leur réalisation». Le docu
ment de constitution en société exige également
que «ses fins ... [soient] toutes ... poursuivies à
titre charitable seulement». Il n'est pas sans impor
tance non plus (bien que ce ne soit pas décisif en
soi) que, dans l'éventualité d'une liquidation ou
d'une dissolution de l'appelante, le reste des actifs
soit donné ou transféré à «une oeuvre de charité .. .
une corporation de charité ou ... une fiducie de
charité» qui s'intéresse aux mêmes problèmes
sociaux ou encourage les mêmes fins et est recon-
nue par le ministère du Revenu national comme
oeuvre de charité, corporation de charité ou fiducie
de charité en vertu de la Loi.
Avant de terminer cette question, j'émettrais
une observation au sujet de l'une des réserves
formulées par l'intimé relativement au caractère
charitable des fins poursuivies par l'appelante. Il
s'agit de la présence du mot [TRADUCTION] «poli-
tique» à l'article 2d) (iii) de l'énoncé des fins. Je ne
partage pas la préoccupation de l'intimé. Le dos
sier dont nous disposons ne contient même pas la
moindre indication que l'appelante s'adonne ou a
l'intention de s'adonner à des activités politiques.
L'article 2d)(iii) permet simplement de recueillir
et de transmettre des renseignements sur un cer
tain nombre de questions, dont les questions politi-
ques, auxquelles font face les autochtones de la
Colombie-Britannique. Il n'autorise pas l'appe-
lante à s'adonner à des activités politiques comme
telles. Le journal de l'appelante est décrit expressé-
ment comme «non aligné sur le plan politique», et
aucun élément de preuve ne laisse supposer que ce
n'est pas le cas. Si l'appelante devait s'adonner à
des activités politiques qui ne lui permettraient pas
de continuer à être reconnue comme «oeuvre de
charité», l'intimé pourrait révoquer son enregistre-
ment de la façon prévue par la Loi.
J'accueillerais le présent appel, j'annulerais la
décision en cause du ministre du Revenu national
et je renverrais la question au Ministre afin qu'elle
soit réexaminée en tenant pour acquis que l'appe-
lante est une «oeuvre de charité» au sens de l'alinéa
149.1(1)b) de la Loi de l'impôt sur le revenu.
Conformément à la Règle 1312 [Règles de la
Cour fédérale, C.R.C., chap. 663], je n'accorde-
rais pas de dépens.
LE JUGE HEALD: J'y souscris.
LE JUGE MAHONEY: Je suis d'accord.
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