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T-2905-85
Christie Stuart MacDonald (requérant) c.
Commission nationale des libérations condition- nelles (intimée)
RÉPERTORIÉ: MACDONALD c. COMMISSION NATIONALE DES LIBÉRATIONS CONDITIONNELLES
Division de première instance, juge Muldoon— Vancouver, 17 mars 1986.
Libération conditionnelle Rejet de la demande de libéra- tion conditionnelle de jour Purgeant une longue peine pour une infraction grave L'équipe de gestion des cas a recom- mandé une libération conditionnelle de jour La Commission ne croit pas que l'incarcération ait produit le bénéfice maxi mum Préoccupation quant à la participation au trafic de drogues à l'intérieur de l'institution et risque d'autres infrac tions La Cour n'infirme pas la décision de la Commission si celle-ci agit dans les limites de sa compétence Il n'y a pas eu exercice déraisonnable d'un pouvoir discrétionnaire Ni la Déclaration des droits ni la Charte n'exigent la tenue d'une audition orale de la demande de libération conditionnelle de jour Le requérant n'a pas à faire face à un accusateur Aucune information n'a été dissimulée Il faut se fonder sur l'économie de la loi pour déterminer l'à-propos du processus décisionnel L'art. 11 de la Loi prévoit que le demandeur de libération conditionnelle de jour n'a pas droit à une entrevue personnelle Il n'y a pas eu violation des principes de justice fondamentale Le détenu n'a pas présenté au Comité d'appel de la Commission une demande de réexamen du rejet La Cour n'exercera pas son pouvoir discrétionnaire pour accorder le redressement tant qu'on n'aura pas épuisé tous les autres recours Loi sur la libération conditionnelle de détenus, S.R.C. 1970, chap. P-2, art. 6, 11.
Droit constitutionnel Charte des droits Vie, liberté et sécurité Rejet de la demande de libération conditionnelle de jour Les principes de justice fondamentale exigent-ils la tenue d'une audition orale? Il faut identifier la source législative des droits allégués Peine d'emprisonnement imposée conformément à la loi Loi et Règlement sur la libération conditionnelle de détenus Les seuls documents examinés étaient la demande écrite du requérant et les rap ports favorables de l'évolution du cas Aucun accusateur auquel il faut faire face Le refus de la liberté conditionnelle est moins grave que la révocation Examen de l'économie de la loi Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R-U.), art. 7.
Déclaration des droits Droit à une audition impartiale Le détenu a-t-il droit à une audition orale relativement à sa demande de libération conditionnelle de jour? Examen de l'arrêt rendu par la Cour suprême du Canada dans Singh et autres c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration L'écono- mie de la loi est un facteur important Le requérant n'a pas à faire face à un accusateur Aucun document n'a été refusé
L'espèce est visée par les exceptions dans l'affaire Singh Le refus d'accorder une liberté conditionnelle est moins grave que la révocation Les exigences de la Déclaration des droits sont respectées Déclaration canadienne des droits, S.R.C. 1970, Appendice III, art. 1 a).
Contrôle judiciaire Brefs de prérogative Certiorari ou mandamus demandé par le détenu qui s'est vu refuser la libération conditionnelle de jour Lors de la requête en bref de mandamus, la Cour ne peut déterminer la valeur probante des éléments de preuve dont la Commission avait été saisie La Cour ne saurait infirmer la décision de la Commission si celle-ci agit dans les limites de sa compétence Il n'y a pas eu exercice déraisonnable d'un pouvoir discrétionnaire Les principes de justice fondamentale n'exigent pas la tenue d'une audition orale de la requête en libération conditionnelle de jour Le Comité d'appel de la Commission n'a été saisi d'aucune demande de réexamen du refus La Cour n'exer- cera pas son pouvoir discrétionnaire pour accorder le redresse- ment tant qu'on n'aura pas épuisé les autres recours Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), chap. 10, art. 18.
Pratique Représentation par procureur ou solicitor Détenu sollicitant un contrôle judiciaire du rejet de la demande de libération conditionnelle de jour Invoquant la Règle 324 pour soumettre à la décision de la Cour les plaintes formulées par écrit Affaire portant sur des questions relati ves à la liberté et à la Constitution Questions de la plus haute importance Faut-il en décider sans la tenue d'une audition orale? Quiconque respecte les Règles possède le droit de se faire entendre Même certains avocats ne peuvent présenter des arguments efficacement et de vive voix Le requérant n'est pas tenu de se faire représenter par avocat Il est opportun que la décision sur la présente requête soit prise sans la comparution des parties ou des procureurs Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663, Règle 324.
Le requérant cherche à obtenir un bref de certiorari annulant la décision par laquelle la Commission intimée lui a refusé la libération conditionnelle de jour, ou un bref de mandamus enjoignant à l'intimée de lui accorder la libération condition- nelle de jour ou encore une ordonnance enjoignant la tenue d'une audition orale. À ces fins, le requérant se fonde sur l'article 18 de la Loi sur la Cour fédérale et sur la Règle 324.
Une demande de libération conditionnelle de jour a été rejetée sans qu'il y ait eu une entrevue personnelle. La Commis sion a examiné l'avis de l'équipe de gestion des cas qui recom- mandait d'accorder une libération conditionnelle de jour, mais elle craignait que le requérant ne récidive. Elle a également tenu compte de la décision rendue par le juge de première instance lors de l'audience sur la détermination de la peine, et de tous les éléments énumérés par le requérant. Le rejet était au fait que le requérant purgeait une peine relativement longue pour une infraction grave, et qu'il était en possession de marchandises de contrebande (marijuana) à deux reprises. Le requérant n'a pas demandé au Comité d'appel de la Commis sion nationale des libérations conditionnelles de réexaminer la décision.
Jugement: la demande devrait être rejetée.
Dans l'affaire Gammond c. Commission nationale des libé- rations conditionnelles, une requête semblable a été rejetée parce qu'il était douteux que la signification ait été faite adéquatement, surtout parce que l'intimée n'avait pas produit
de réponse. En l'espèce, l'intimée a donné une réponse com- plète. Dans l'opinion incidente exprimée dans l'affaire Gam- mond, il a été déclaré que la demande aurait également été rejetée parce que l'importance des questions soulevées était de nature à exiger la tenue d'une audition orale. Il ne fait aucun doute que la liberté de l'individu est de «la plus haute impor tance». Toutefois, le requérant a délibérément invoqué la Règle 324 afin de soumettre à la décision de la Cour les plaintes qu'il a formulées par écrit. L'intimée n'a pas demandé d'audition orale en vertu de la Règle 324(3). Étant donné que la Règle 324 vise à faciliter la tâche des membres du Barreau, l'équité exige que les détenus puissent aussi bénéficier de cette Règle. Il faudrait des circonstances très spéciales pour que l'on empêche un détenu d'avoir facilement accès à la Cour comme le lui permet la Règle 324. La Cour ne saurait obliger un requérant à se faire représenter par avocat. Refuser aux détenus qui ne sont pas représentés par avocat la possibilité de se prévaloir de la Règle 324 pourrait avoir pour effet d'obliger une personne qui a beaucoup de mal à s'exprimer à exposer ses arguments orale- ment d'une manière impropre, si cette personne est déterminée à soumettre ses plaintes à la Cour. Par conséquent, la Cour «estime opportun» que la décision sur la présente requête «[soit] prise sans comparution en personne» de l'une ou l'autre «partie ni d'un procureur ou solicitor pour son compte».
Dans les procédures de mandamus, la Cour ne saurait déter- miner la valeur probante des éléments de preuve dont la Commission nationale des libérations conditionnelles avait été saisie. En sa qualité de tribunal indépendant, la Commission n'est pas légalement tenue de fonder ses décisions sur les recommandations favorables qui lui sont faites; elle doit seule- ment les examiner. La décision rendue ne comportait pas l'exercice déraisonnable d'un pouvoir discrétionnaire. La Com mission ayant agi dans les limites de sa compétence, la requête en mandamus doit être rejetée.
Il reste à déterminer si la décision devrait être annulée en vertu d'un certiorari. Les sources législatives des droits allégués du requérant sont la peine d'emprisonnement qui lui a été imposée conformément à la loi et la Loi sur la libération conditionnelle de détenus et le Règlement. On doit considérer qu'il s'agit d'une peine appropriée, étant donné que c'est l'em- prisonnement minimal prescrit par le législateur fédéral, et que cette peine n'a pas été modifiée par un appel. Par des disposi tions législatives, le législateur fédéral a prescrit les conditions auxquelles la Commission peut accorder une libération condi- tionnelle. Depuis le 31 décembre 1984, les décisions qui en vertu de la loi peuvent être rendues sans une audience ne le sont qu'après un examen du dossier du détenu, qui peut inclure les observations faites par le détenu. Toutefois, le président ou le vice-président pouvait personnellement approuver la tenue d'une audition même si elle n'était pas requise par la loi. Le requérant n'a pas demandé une telle audition.
Les seuls documents examinés lors de la demande de libéra- tion conditionnelle de jour présentée par le requérant étaient la demande écrite de ce dernier et les deux rapports de l'évolution du cas, dont le requérant connaissait le contenu. Il n'y a pas eu d'accusateur auquel il fallait faire face et aucune autre infor mation n'a été soustraite à la connaissance du requérant. Le présent cas n'est pas visé par la règle formulée par la Cour suprême du Canada dans Singh c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration, mais plutôt par les exceptions. En outre, l'enjeu d'une demande de libération conditionnelle de jour diffère de
l'enjeu d'une demande de détermination du statut de réfugié. Selon l'opinion exprimée dans l'affaire O'Brien c. Commission nationale des libérations conditionnelles, «Il n'était pas ques tion de la privation d'un droit à la liberté ... enchâssé dans la Constitution ... Le requérant a demandé qu'on lui octroie un privilège ... » La privation par révocation d'une libération conditionnelle déjà accordée est différente, et plus grave, que le refus par l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire d'accorder une telle liberté conditionnelle. On doit se fonder sur l'économie de la loi pour déterminer le genre de processus décisionnel con- forme aux principes de justice fondamentale et répondant aux besoins du détenu et de la société. Le législateur fédéral a prévu l'imposition d'une peine juste et il a accordé à la Commission le pouvoir discrétionnaire de permettre à certains détenus qui se conduisent bien d'éviter de purger une partie de leur peine d'incarcération. Le législateur fédéral a prévu à l'article 11 de la Loi sur la libération conditionnelle de détenus que le détenu qui cherche à obtenir une libération conditionnelle de jour n'a pas droit à une audition orale de sa demande. Dans la demande de libération conditionnelle de jour, le détenu fait valoir ses progrès et son comportement afin de convaincre la Commission d'accueillir sa demande. Lorsque tous les documents utilisés sont à la disposition du requérant et que celui-ci n'exprime pas le désir de les compléter, les principes de justice fondamentale n'exigent pas qu'on lui donne l'occasion de faire des observa tions orales. La Cour ne devrait pas imposer des procédures supplémentaires incompatibles avec l'économie de la loi.
Le redressement demandé est discrétionnaire. Habituelle- ment, la Cour n'envisagera pas d'exercer son pouvoir discré- tionnaire en faveur d'un requérant aussi longtemps que celui-ci n'aura pas épuisé tous les autres recours. Le requérant n'a pas demandé au Comité d'appel de réexaminer la décision de la Commission. Il n'a soumis à la Cour aucun motif exceptionnel qui lui aurait permis de passer outre à cette mesure. Par conséquent, la Cour n'exercera pas son pouvoir discrétionnaire en faveur du requérant.
JURISPRUDENCE
DÉCISION APPLIQUÉE:
O'Brien c. Commission nationale des libérations condi- tionnelles, [1984] 2 C.F. 314 (1'» inst.).
DISTINCTION FAITE AVEC:
Gammond c. Commission nationale des libérations con- ditionnelles, ordonnance en date du 17 décembre 1985, Cour fédérale, Division de première instance, T-1580-85 non encore publiée; Singh et autres c. Ministre de l'Em- ploi et de l'Immigration, [1985] 1 R.C.S. 177; R. v. Cadeddu (1982), 32 C.R. (3d) 355; 146 D.L.R. (3d) 629 (C.S. Ont.); Re Lowe and The Queen (1983), 5 C.C.C. (3d) 535 (C.S.C.-B.); Re Dumoulin and The Queen (1983), 6 C.C.C. (3d) 190 (H.C. Ont.); Re Swan and The Queen (1983), 7 C.C.C. (3d) 130 (C.S.C.-B.).
DÉCISION CITÉE:
Hay c. Comm. nat. des libérations conditionnelles (1985), 13 Admin. L.R. 17; 21 C.C.C. (3d) 408 (C.F. 1re inst.).
ARGUMENTATION ÉCRITE:
Christie Stuart MacDonald pour son propre
compte.
Joan L. Brockman pour l'intimée.
PROCUREUR:
Le sous-procureur général du Canada pour l'intimée.
Ce qui suit est la version française des motifs de l'ordonnance rendus par
LE JUGE MULDOON: Le requérant cherche, à obtenir (i) un bref de certiorari annulant la déci- sion par laquelle l'intimée lui a refusé la libération conditionnelle de jour ou encore (ii) une ordon- nance de mandamus enjoignant à l'intimée de lui accorder la libération conditionnelle de jour ou encore, (iii) une ordonnance exigeant qu'il soit entendu en personne afin que l'on détermine si la Commission doit lui octroyer la libération condi- tionnelle de jour.
Le requérant se fonde sur l'article 18 de la Loi sur la Cour fédérale [S.R.C. 1970 (2e Supp.), chap. 10] et sur la Règle 324 [Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663] pour demander ces redressements. Le juge McNair vient de rejeter une requête du même genre dans le jugement qu'il a prononcé le 17 décembre 1985 dans l'affaire Gammond c. Commission nationale des libéra- tions conditionnelles, T-1580-85 [Division de pre- mière instance de la Cour fédérale, encore inédite]. Il en a décidé ainsi parce qu'il «crai[gnait] sérieu- sement que la signification n'ait pas été faite adé- quatement» et il a fait remarquer que l'intimée n'avait «pas ... produit quelque observation en réponse à la requête fondée sur la Règle 324 ni donné quelque indice de son intention de le faire». Tel n'est pas le cas en l'espèce car l'intimée (la même dans les deux instances) a, par la voie de ses procureurs, opposé à la requête une réponse très complète accompagnée d'affidavits et d'arguments écrits. Le requérant s'est montré un rien prolixe mais, pour l'essentiel, il s'est borné à présenter ses arguments écrits en plusieurs parties et à répondre à ceux de l'intimée. A cet égard, l'espèce est très différente de l'affaire Gammond.
Dans cette affaire, le juge McNair a toutefois exprimé une opinion incidente sur un aspect
commun aux deux affaires, lorsqu'il a écrit vers la fin de ses motifs la page 5]:
Il existe toutefois un autre motif pour lequel j'aurais égale- ment rejeté la demande. Il faut louer les efforts du requérant, un prisonnier sans formation juridique plaidant lui-même sa cause, qui a su présenter un dossier soigneusement documenté et appuyé de recherches fouillées. Néanmoins, ces observations soulèvent des questions de la plus haute importance qui, selon moi, ne devraient pas être tranchées sans la tenue d'une audi tion orale.
Il ne fait aucun doute que les observations du requérant soulèvent des questions de la plus haute importance car les questions relatives à la liberté de l'individu font l'objet et de dispositions législati- ves et de dispositions constitutionnelles. L'alinéa la) de la Déclaration canadienne des droits, S.R.C. 1970, Appendice III, proclame
I....
a) le droit de l'individu à la vie, à la liberté, à la sécurité de la personne ... et le droit de ne s'en voir privé que par l'application régulière de la loi;
De même, la Charte canadienne des droits et libertés qui constitue la Partie I de la Loi constitu- tionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.) (ci-après appelée la Charte) prévoit:
7. Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu'en confor- mité avec les principes de justice fondamentale.
Or, il est très évident que c'est à dessein que le requérant, qui est détenu à l'établissement de Wil- liam Head à Metchosin (Colombie-Britannique), a invoqué la Règle 324 et a suivi les procédures qui y sont prévues afin de soumettre à la décision de la Cour les plaintes qu'il a formulées par écrit. Il est également très clair que l'intimée a décidé de répondre par écrit et n'a pas cherché à invoquer la partie de la Règle 324(3) qui lui permet de deman- der, suivant les termes mêmes de ladite Règle, la tenue d'une «audition orale». Étant donné que la Règle 324 vise à faciliter la tâche des membres du Barreau (et à éviter des dépenses à leurs clients), l'équité exige que les détenus puissent aussi bénéfi- cier de cette Règle. Il faudrait manifestement des circonstances très spéciales pour que l'on empêche un détenu d'avoir facilement accès à la Cour comme le lui permet la Règle 324, et de s'adresser à un juge en tout temps, peu importe le lieu de détention du requérant.
En y consacrant un certain temps et des sommes considérables dans certains cas, chaque partie peut contre-interroger les auteurs des affidavits pro- duits au cours des procédures par l'autre partie. En l'espèce, on n'a pas cherché à obtenir l'autorisation de procéder à de tels contre-interrogatoires.
Il faut cependant tenir compte d'un autre élé- ment. La Cour ne peut obliger un requérant à se faire représenter par un avocat, si judicieux cela puisse-t-il être, parce que quiconque respecte les règles de procédure possède incontestablement le droit de s'adresser à la Cour et de s'y faire enten- dre, sous réserve toujours des exigences normales du décorum. Ce n'est pas tout le monde, ni en fait tous les avocats, qui peuvent efficacement et de vive voix exposer des arguments devant un tribu nal. C'est pourquoi refuser aux détenus qui ne sont pas représentés par avocat la possibilité de se prévaloir de la Règle 324 pourrait avoir pour effet d'obliger une personne, qui a peut-être beaucoup de mal à s'exprimer et qui a peu d'instruction (ce qui n'est pas le cas du requérant en l'espèce), à exposer ses arguments oralement d'une manière tout à fait impropre et inefficace, si cette personne est déterminée à soumettre ses plaintes à la Cour. Il est plus approprié de permettre à un détenu de réfléchir sur les termes à utiliser lorsqu'il rédige ses arguments écrits à un moment de son choix et de demander l'aide, peut-être, de quelqu'un de plus instruit que lui, au risque tout à fait sans impor tance qu'il révèle ses mauvaises connaissances de l'orthographe et de la grammaire.
Par conséquent, avec le plus grand respect pour le juge qui a exprimé une opinion incidente dans l'affaire Gammond, la Cour «estime opportun» en l'espèce que la décision sur la présente requête «[soit] prise sans comparution en personne» de l'une ou l'autre «partie ni d'un procureur ou solici tor pour son compte».
Dans les arguments écrits qu'il a présentés en guise de réponse finale, le requérant soulève la question de la durée et, par conséquent, de la validité de la nomination du président de l'intimée. Cette question est sans intérêt du point de vue légal, mais ce qui est plus important, c'est qu'il s'agit d'une question qui n'a fait l'objet ni d'une réponse ni d'une réfutation au cours de l'argumen- tation des parties. Par conséquent, il suffit simple-
ment de ne pas tenir compte, au cours des présen- tes procédures, de cette partie des arguments écrits du requérant. Les plaidoiries des parties sont donc terminées.
Dans son affidavit du 23 décembre 1985, le requérant a déclaré sous serment ce qui suit:
[TRADUCTION] 2. Le 30 mai 1984, j'ai été condamné à sept ans de pénitencier pour importation d'un stupéfiant dont la valeur marchande était de 25 000 $ et le juge de première instance a recommandé [comme l'indique clairement la pièce H] que je purge ma peine à l'établissement de William Head qui est une prison à sécurité moyenne-minimale.
4. Le 20 juillet 1984, la Commission nationale des libérations conditionnelles m'a informé par lettre que je serais admissible à
des absences temporaires sans escorte le 30 juillet 1985, la libération conditionnelle de jour le même jour et à la libération conditionnelle totale le 29 septembre 1985. La pièce «B» jointe aux présentes en fait foi.
5. Le 21 mars 1985, j'ai présenté une demande de libération conditionnelle de jour à la Commission nationale des libérations conditionnelles qui a accusé réception de ma demande dans une lettre datée du 10 avril 1985. Dans sa lettre, la Commission m'a informé qu'elle rendrait sa décision sans procéder à une entre- vue personnelle. La pièce «C» jointe aux présentes en fait foi.
9. La Commission nationale des libérations conditionnelles a refusé d'entendre ma demande de libération conditionnelle de jour; qui plus est, le 18 octobre 1985, la Commission a refusé de m'accorder une libération conditionnelle de jour, comme l'indi- que une feuille de commentaires (»Paper Panel Info Shared Assistant»). La pièce «G» jointe aux présentes en fait foi.
11. La Commission nationale des libérations conditionnelles n'a absolument pas tenu compte des observations faites en mon nom et des choses positives que j'ai accomplies depuis mon arrestation, ma condamnation et mon incarcération subsé- quente.
12. J'ai bénéficié d'absences temporaires sous escorte depuis juin 1985 et chacune de ces sorties s'est révélée un succès. J'ai obtenu huit heures par mois d'A.T. sous escorte pour rendre visite à ma famille qui m'accorde son soutien sans réserve.
13. J'ai été mis en liberté sous caution de septembre 1982 mai 1984 en attendant la tenue de mon procès. J'ai respecté toutes les conditions de ma mise en liberté.
14. Je n'avais que 20 ans lorsque j'ai été accusé de l'infraction criminelle qu'on me reprochait.
15. Je suis un délinquant primaire et je n'avais jamais enfreint la loi jusqu'à ce que je commette l'infraction pour laquelle j'ai été condamné.
16. J'ai suivi des cours à l'université pendant que j'étais en prison et j'ai acquis 78 crédits en vue d'obtenir un diplôme en communications. La pièce «I» jointe aux présentes en fait foi.
17. J'ai conservé une moyenne de A- pour mes cours à l'univer- sité pendant que j'étais à William Head et je poursuivrai ceux-ci jusqu'à l'obtention de mon diplôme à l'université Simon Fraser. La pièce «J» jointe aux présentes en fait foi.
18. Les membres de l'équipe de gestion des cas, qui se compose de l'agent d'unité résidentielle [nom], de mon agent de rééduca- tion et de formation (unité résidentielle) [nom] et de mon agent de liberté conditionnelle [nom] qui me connaissent depuis mon incarcération à William Head, ont appuyé sans réserve ma demande de libération conditionnelle de jour. Aucun d'eux n'était présent lorsque la Commission des libérations condition- nelles a pris sa décision et aucun n'a donc pu plaider en ma faveur.
19. Je n'ai rencontré aucun des membres de la Commission nationale des libérations conditionnelles.
20. Je suis membre de la Laren Society qui a accepté que je réside à la Bill Mudge Residence, son centre de transition, dans l'éventualité j'obtiendrais une libération conditionnelle de jour.
21. J'assiste aux réunions hebdomadaires de la John Howard Society tenues à William Head et celle-ci a accepté que' je réside à son centre de transition, Manchester House, dans l'éventualité j'obtiendrais une libération conditionnelle de jour.
22. La brochure intitulée «Liberté sous condition: guide pour les détenus des pénitenciers» que la Commission nationale des libérations conditionnelles publie à l'intention des prisonniers énonce à la page 14 les «Facteurs pris en considération». Si la Commission avait pris en considération ces facteurs, j'aurais obtenu une libération conditionnelle de jour. La pièce «K» jointe aux présentes en fait foi.
23. Je crois vraiment que la Commission nationale des libéra- tions conditionnelles n'a pas agi d'une manière équitable en refusant de m'accorder une audience en personne, et qu'elle a porté atteinte à mon droit à la justice fondamentale.
24. Je crois vraiment que si l'on me donnait, ainsi qu'à mon équipe de gestion des cas, l'occasion de plaider, lors d'une audience je serais présent, en faveur de l'octroi d'une libération conditionnelle de jour, j'obtiendrais une telle libération.
Ce que le requérant ne mentionne pas dans son affidavit est l'un des facteurs indiqués à la pièce K, [TRADUCTION] «le comportement du détenu au pénitencier, les manquements à la discipline». Cela constitue, dans le cas du requérant, un élément factuel. On a produit pour le compte de l'intimée l'affidavit de Nan Georgina Harrison, un membre de la Commission intimée qui a examiné la demande de libération conditionnelle de jour pré- sentée par le requérant le 21 mars 1985. Mme Harrison ainsi que deux autres membres de la Commission ont examiné cette demande au mois de septembre 1985. Selon l'auteur de cet affidavit, les motifs du rejet de la demande de libération conditionnelle de jour présentée par le requérant (désigné sous le nom de Christopher MacDonald) lui ont été communiqués dans un avis daté du 17 septembre 1985, dont une copie constitue la pièce C jointe à l'affidavit:
[TRADUCTION] Vous purgez actuellement une peine relative- ment longue pour une infraction grave; vous vous êtes livré à la contrebande à l'intérieur même de l'établissement et, afin de prouver votre bonne foi, il est nécessaire que s'écoule une autre période sans que vous commettiez d'infraction. La Commission ne croit pas que vous avez tiré le bénéfice maximum de votre incarcération ni que la peine qui vous a été imposée a eu l'effet dissuasif recherché.
Il convient de souligner, tout comme cela ressor- tira plus loin des présents motifs, que les deux Avis de décision de la Commission nationale des libéra- tions conditionnelles, constituant les pièces C et G jointes à l'affidavit de Mme Harrison (et datés respectivement du 20 septembre et du 24 octobre 1985), portent le message suivant:
[TRADUCTION] Vous pouvez demander que la présente décision soit réexaminée par le Comité d'appel de la Commission natio- nale des libérations conditionnelles à Ottawa. Vous devrez remplir la formule «Demande de réexamen d'une décision» et la transmettre à la section d'Analyse et de révision des cas, Commission nationale des libérations conditionnelles, 340, avenue Laurier ouest, Ottawa (Ontario), K1A 0R1, dans un délai de trente (30) jours à compter de la date du présent avis. La formule NP B32 est disponible à l'établissement.
Ce message ne permet ni n'exclut la tenue d'un examen en personne mais le fait que le réexamen devait être effectué par le comité à Ottawa laisse supposer que le requérant ne pourrait y participer ou y assister.
Mme Harrison a ajouté dans son affidavit:
[TRADUCTION] 6. Pour arriver à cette décision, j'ai tenu compte de l'avis de l'équipe de gestion des cas qui recomman- dait d'accorder une libération conditionnelle de jour. Une copie du Rapport sur l'évolution du cas et des recommandations de l'équipe de gestion des cas, en date du 22 août 1985, est jointe au présent affidavit sous la cote «D».
Ce document, un rapport très favorable qui a été signé par un surveillant de section et par un agent de liberté conditionnelle du bureau de libération conditionnelle de Victoria, indique trois condam- nations pour infractions à la discipline, c'est-à-dire [TRADUCTION] «possession de marchandises de contrebande (marijuana) à deux reprises et omis sion d'obéir à un ordre». Malgré cela, l'équipe de gestion des cas (avec laquelle le requérant [TRA- DUCTION] «était activement engagé» suivant le paragraphe 7 de l'affidavit produit pour le compte de l'intimée par Fraser Simmons, administrateur régional, préparation des cas) a clairement et for- tement recommandé que l'on accorde une libéra- tion conditionnelle de jour au requérant.
En octobre 1985, l'équipe de gestion des cas a encore une fois recommandé que l'on accorde une libération conditionnelle de jour au requérant et que, advenant le cas l'intimée refuserait de donner suite à cette recommandation, on accorde audit requérant des absences temporaires sans escorte de 48 heures par mois, au domicile de ses parents. Une copie de son Rapport sur l'évolution du cas et de ses recommandations est jointe à l'affidavit de Mme Harrison sous la cote E. Cette dernière a examiné la demande présentée en octo- bre, avec l'aide d'un autre membre du jury anté- rieur et d'une troisième personne qui n'en faisait pas partie. La demande d'absences temporaires sans escorte a été accueillie alors que la demande de libération conditionnelle de jour a encore une fois été rejetée.
M me Harrison ajoute dans son affidavit en ce qui concerne la question de la demande de libération conditionnelle de jour:
[TRADUCTION] 11. Les motifs du rejet de la demande de libération conditionnelle de jour présentée par le requérant lui ont été communiqués dans un avis daté du 22 octobre 1985, dont une copie est jointe à mon affidavit sous la cote «G».
12. La décision susmentionnée en date du 22 octobre 1985 est la même que celle qui est jointe à l'affidavit du requérant sous la cote «G».
13. Le requérant s'est vu refuser une libération conditionnelle de jour parce qu'on était encore préoccupé par sa participation au trafic de drogues au sein de l'établissement et par la possibilité qu'il récidive.
14. J'ai examiné les recommandations faites par l'équipe de gestion des cas le 3 octobre 1985, telles qu'elles sont exposées dans la pièce «E», mais le risque de récidive de la part du requérant me préoccupait toujours.
15. Pour ce qui est du paragraphe 5 de l'affidavit du requérant, celui-ci ne s'est pas adressé à la Commission pour obtenir la tenue d'une audition orale après avoir reçu la lettre de la Commission des libérations conditionnelles en date du 10 avril 1985 dans laquelle elle déclarait qu'elle prendrait une décision sans procéder à une entrevue personnelle.
16. Pour ce qui est du paragraphe 10 de l'affidavit, j'ai tenu compte de la décision rendue par le juge de première instance lors de l'audience sur la détermination de la peine. Cependant, il me paraissait évident que, vu la participation du requérant au trafic de drogues au sein de l'établissement, sa réadaptation n'était pas terminée.
17. Pour ce qui est des paragraphes 11 18 et 20 22, j'ai tenu compte de tous les éléments énumérés par le requérant, mais j'étais encore d'avis que la libération conditionnelle de jour n'aurait pas lui être accordée en septembre ou en octobre 1985 pour les motifs que j'ai exposés plus haut aux paragraphes 7 et 13 de mon affidavit.
Les éléments de preuve qui précèdent sont con- cluants quant au bien-fondé des décisions de l'inti- mée rejetant la demande de libération condition- nelle de jour. Il est manifeste que, compte tenu des recommandations très favorables à sa cause, le requérant était désappointé de cette décision et qu'en fait, il ne pouvait probablement pas y croire. La présente requête en mandamus ne constitue cependant pas un appel au cours duquel la Cour peut déterminer la valeur probante des éléments de preuve dont la Commission nationale des libéra- tions conditionnelles avait été saisie.
En sa qualité de tribunal indépendant, la Com mission n'est pas légalement tenue de fonder ses décisions sur les recommandations favorables qui lui sont faites; elle doit seulement les examiner. Elle peut à juste titre accorder une plus grande valeur probante à d'autres éléments dont elle a été saisie, par exemple, le comportement du requérant dans l'établissement. La Cour n'est pas habilitée à usurper le rôle de la Commission. Même si la Cour était arrivée à la conclusion contraire en assumant des responsabilités identiques à celles de la Com mission, elle n'ordonnerait pas à ladite Commis sion de rendre une décision différente tant et aussi longtemps que cette dernière agit dans les limites de sa compétence. Rien ne permet de conclure en l'espèce que la décision rendue comportait l'exer- cice déraisonnable d'un pouvoir discrétionnaire. C'est une autre raison pour laquelle il n'y a pas lieu d'annuler la décision de l'intimée.
Par conséquent, la Cour rejette en ce qui con- cerne l'essentiel de la décision, la requête en man- damus présentée par le requérant et appuyée par la requête en certiorari.
Il reste maintenant à déterminer si la décision de l'intimée de refuser la libération conditionnelle de jour devrait être annulée en vertu d'un certio- rari afin de permettre au requérant de se faire entendre personnellement au sujet de sa demande de libération conditionnelle de jour devant la Com mission avant que celle-ci ne se prononce sur ladite demande. «[L]'application régulière de la loi» ou le «droit à une audition impartiale de sa cause, selon les principes de justice fondamentale» prévus par la Déclaration des droits ou encore «les principes de justice fondamentale» reconnus par la Charte exi- gent-ils la tenue d'une audition orale par l'intimée relativement à cette demande de libération condi-
tionnelle de jour? La Cour suprême du Canada s'est penchée sur des questions très semblables dans l'arrêt Singh et autres c. Ministre de l'Em- ploi et de l'Immigration, [1985] 1 R.C.S. 177. L'objet de cette affaire était toutefois différent, la Cour ayant à décider si les appelants avaient droit à une audience aux fins de la détermination du statut de réfugié qu'ils réclamaient en vertu de la Loi sur l'immigration de 1976 [S.C. 1976-77, chap. 52]. Même si les membres de la Cour suprême se sont prononcés à l'unanimité en faveur des appelants, ils se sont partagés en deux groupes égaux dont l'un invoquait la Charte et l'autre la Déclaration des droits.
Les deux manières dont la Cour suprême a abordé cette question sont instructives car, malgré la divergence de vues des juges sur l'élément fon- damental permettant de résoudre l'affaire, les deux groupes ont commencé par identifier la source législative des droits allégués. Madame le juge Wilson, qui a rédigé ses motifs en son nom et en celui du juge en chef Dickson et du juge Lamer, a souligné à la page 188: «Si, sur le plan de l'inter- prétation législative, l'équité en matière de procé- dure demandée par les appelants n'est pas exclue par l'économie de la Loi, il va sans dire qu'il n'y a aucune raison de recourir à la Charte.» Le juge Beetz, qui a rédigé ses motifs en son nom et en celui des juges Estey et McIntyre, a dit à la page 228: «En conséquence, la procédure d'examen et de réexamen des revendications du statut de réfugié des appelants comporte la définition de droits et d'obligations à l'égard desquels les appelants ont droit, en vertu de l'al. 2e) de la Déclaration cana- dienne des droits, à une audition impartiale selon les principes de justice fondamentale.»
En l'espèce, deux éléments permettent d'identi- fier et de déterminer les droits et obligations du requérant. Le premier est la peine d'emprisonne- ment qui lui a été imposée conformément à la loi. On doit considérer qu'il s'agit d'une peine appro- priée, étant donné qu'un emprisonnement d'une durée de sept ans est l'emprisonnement minimal prescrit par le législateur fédéral dans le cas d'une telle infraction et que cette peine n'a pas été modifiée par un appel. Bien sûr, le statut de détenu du requérant ne limite pas son droit à la vie et à la sécurité de sa personne, mais il restreint sensible- ment son droit à la liberté. Le requérant a l'obliga-
tion de garder la paix dans le milieu carcéral il vit et il doit se plier aux normes de conduite qui lui sont imposées par les règles de discipline en vigueur dans les prisons. Le second élément ser vant à identifier et à déterminer les droits et obligations du requérant est la Loi sur la libéra- tion conditionnelle de détenus [S.R.C. 1970, chap. P-2] et son Règlement d'application. Par ces dispo sitions législatives, le législateur fédéral a prescrit les conditions auxquelles l'intimée est habilitée à accorder une libération conditionnelle pendant la durée même de l'emprisonnement imposé en vertu de la sentence prononcée par un tribunal compétent.
On peut souligner deux dispositions de la Loi [mod. par S.C. 1976-77, chap. 53, art. 23 et 26]:
6. Sous réserve de la présente loi, de la Loi sur les péniten- ciers et de la Loi sur les prisons et les maisons de correction, la Commission est exclusivement compétente et a entière discré- tion pour accorder ou refuser d'accorder une libération condi- tionnelle ... et pour révoquer une libération conditionnelle ou mettre fin à une libération conditionnelle de jour.
11. Sous réserve des règlements que peut établir à ce sujet le gouverneur en conseil, la Commission n'est pas obligée, lors- qu'elle étudie la possibilité d'accorder ou de révoquer une libération conditionnelle, de donner au détenu l'occasion de se faire entendre personnellement ou par l'intermédiaire d'une autre personne.
La manière dont la Commission intimée a traité les demandes aux époques pertinentes est expli- quée dans l'affidavit de Roger Labelle qui est vice-président de la Commission depuis avril 1980. Il a notamment déclaré sous serment:
[TRADUCTION] 2. Avant les derniers mois de 1984, lorsque le juge MacNair [sic] de cette Cour a rendu jugement dans les affaires O'Brien (1984) 17 C.C.C. (3d) 163 (n° du greffe T-900-84) et Ford (1984) 43 C.R. (3d) 26 (n° du greffe T-901-84), les lignes de conduite que la Commission devait suivre quant aux décisions qui exigeaient une comparution personnelle aux audiences étaient énoncées au paragraphe 6 de l'affidavit du requérant et à la pièce «D» qui y est jointe. Le premier examen (et seul le premier examen) d'une demande de libération conditionnelle de jour avait alors lieu au cours d'une audience.
4. Par suite des jugements rendus dans les affaires O'Brien et Ford, la Commission a modifier la politique mentionnée plus haut au paragraphe 2 du présent affidavit. Depuis le 31 décem- bre 1984, toutes les décisions qui en vertu de la loi ou des règlements peuvent être rendues sans audience ne le sont en général qu'après un examen du dossier du détenu qui peut inclure les observations faites par le détenu ou un assistant si le détenu a choisi d'agir ainsi. Est jointe au présent affidavit sous
la cote «A» une copie de la Circulaire 1984-31 intitulée «Déroulement d'une audience», qui expose les lignes de conduite à suivre à l'époque la Commission a statué sur la demande de libération conditionnelle de jour présentée par le requérant ...
5. La Circulaire 1984-31 prévoyait trois exceptions à cette politique. La première exception était que toute décision qui entraînait la perte de liberté déjà accordée était et doit encore être rendue après la tenue d'une audience (voir le paragraphe 7 de la Charte). Cette exception ne s'appliquait pas au cas du requérant.
6. La deuxième exception était exposée au paragraphe 6 de la Circulaire qui prévoyait que, dans des circonstances exception- nelles, le président ou le vice-président pouvait personnellement approuver la tenue d'une audience même si elle n'était pas requise par la loi ...
7. On ne m'a jamais demandé et on n'a pas non plus, selon les renseignements que je possède, demandé au président de la Commission d'exercer notre pouvoir discrétionnaire d'accorder la tenue d'une audience dans le cas du requérant. On m'informe que le requérant n'a demandé la tenue d'une telle audience qu'au cours de la présente demande qu'il a soumise à la Cour.
8. La troisième exception à la Circulaire 1984-31 est décrite au paragraphe 9 de ladite Circulaire. Ce paragraphe, qui est encore en vigueur, prévoit que, lorsque le Comité d'appel réexamine une décision en vertu de l'article 22 du Règlement sur la libération conditionnelle de détenus ou de la politique de la Commission, il peut décider d'accorder une audience même lorsqu'elle n'est pas requise par la loi ou par les règlements. Sont jointes au présent affidavit sous la cote «B» les lignes de conduite de la Commission concernant l'appel ou le réexamen de décisions, qui étaient applicables lorsque la Commission a rejeté la demande de libération conditionnelle de jour présentée par le requérant. Suivant ces lignes de conduite, la décision rendue contre le requérant pouvait faire l'objet d'un appel interne. Le requérant n'a pas demandé que la décision de la Commission soit réexaminée mais s'il s'était adressé au Comité d'appel, celui-ci aurait examiné sa demande en se fondant sur les critères énoncés au paragraphe 6 du présent affidavit.
Cela signifie-t-il que la décision concernant la demande de libération conditionnelle de jour pré- sentée par le requérant, décision qui a été rendue sans la tenue d'une audition orale, contrevenait aux principes de justice fondamentale? Les motifs de la Cour suprême dans l'arrêt Singh sont encore une fois instructifs. À la page 213 du Recueil des arrêts de la Cour suprême, madame le juge Wilson s'est posé la question toujours en ce qui concerne évidemment la revendication du statut de réfugié en vertu de la Loi sur l'immigration de 1976. Elle a écrit qu'elle était disposée à accepter la
... prétention ... selon laquelle les exigences de l'équité en matière de procédure peuvent varier selon les circonstances: voir l'arrêt Martineau, précité, à la p. 630. Il est donc possible qu'une audition devant l'instance décisionnelle ne soit pas requise dans tous les cas l'on invoque l'art. 7 de la Charte. Je dois cependant reconnaître qu'il m'est difficile de concilier
l'argument [du procureur de la Couronne], selon lequel une audition n'est pas requise dans les circonstances de la présente affaire, avec l'interprétation qu'il cherche à donner à l'art. 7. Si on considère à juste titre que «le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne» porte uniquement sur des questions comme la mort, la liberté physique et le châtiment corporel, il semblerait, du moins à première vue, qu'il s'agisse de ques tions d'une importance si fondamentale que l'équité en matière de procédure exigerait immanquablement la tenue d'une audi tion. Je suis néanmoins disposée à accepter, pour les fins de l'espèce, que des observations écrites peuvent être un substitut adéquat à une audition dans des circonstances appropriées.
Comme l'indique le jugement à la page 215, ce sont les dispositions particulières de l'économie de la loi dans cette affaire d'immigration qui ont convaincu le juge Wilson qu'il n'y avait pas lieu, dans les circonstances, de refuser la tenue d'une audition orale:
Ce dont la Commission [d'appel de l'immigration] est saisie est une décision du Ministre, fondée en partie sur des renseigne- ments et des politiques auxquels le requérant n'a aucun moyen d'accès, portant que la personne qui demande un réexamen n'est pas un réfugié au sens de la Convention. Le requérant a le droit de soumettre à la Commission tous les documents perti- nents qu'il souhaite mais il est quand même tenu de prouver à la Commission que, suivant la prépondérance des probabilités, le Ministre a commis une erreur. Qui plus est, il doit le faire sans connaître le contenu du dossier dont dispose le Ministre, mis à part les raisons sommaires que celui-ci a décidé de lui communiquer en rejetant sa revendication. C'est cet aspect de la procédure prévue dans la Loi que je trouve impossible à concilier avec les exigences de «justice fondamentale» énoncées à l'art. 7 de la Charte.
Il sera nécessaire de déterminer si ce même facteur est présent lorsqu'on demande à la Commission nationale des libérations conditionnelles d'accorder une libération conditionnelle de jour.
Le juge Beetz, qui s'est prononcé au nom des juges qui ont fondé leur décision dans l'arrêt Singh sur les dispositions de la Déclaration des droits, a souligné aux page 229 et 230:
Je ne veux pas laisser entendre que les principes de justice fondamentale exigent la tenue d'audition dans tous les cas. Dans l'arrêt Procureur général du Canada c. Inuit Tapirisat of Canada, [1980] 2 R.C.S. 735, à la p. 747, le juge Estey, s'exprimant au nom de la Cour, cite l'opinion du lord juge Tucker dans l'arrêt Russell v. Duke of Norfolk, [1949] 1 All E.R. 109 (C.A.), à la p. 118:
[TRADUCTION] Les exigences de la justice naturelle doivent varier selon les circonstances de l'affaire, la nature de l'en- quête, les règles qui régissent le tribunal, la question traitée, etc.
Les facteurs les plus importants lorsqu'il s'agit de déterminer le contenu de la justice fondamentale sur le plan de la procé- dure dans un cas donné sont la nature des droits en cause et la gravité des conséquences pour les personnes concernées. A la
même page de l'arrêt Inuit Tapirisat, le juge Estey cite égale- ment lord Denning, maître des rôles, dans Selvarajan v. Race Relations Board, [1976] 1 All E.R. 12 (C.A.), à la p. 19:
[TRADUCTION] ... les exigences de l'équité dépendent de la nature de l'enquête et de ses conséquences pour les personnes en cause. La règle fondamentale est que dès qu'on peut infliger des peines ou sanctions à une personne ou qu'on peut la poursuivre ou la priver de recours, de redressement ou lui faire subir de toute autre manière un préjudice en raison de l'enquête et du rapport, il faut l'informer de la nature de la plainte et lui permettre d'y répondre.
Suivant les affidavits de Mme Harrison, qui est commissaire, et de M. Simmons, qui est un employé de la Commission, les seuls documents examinés lors de la demande de libération condi- tionnelle de jour présentée par le requérant étaient la demande écrite de ce dernier et les deux rap ports sur l'évolution du cas accompagnés des recommandations favorables soumises par l'équipe de gestion des cas, rapports dont le requérant connaissait parfaitement le contenu et à la prépa- ration desquels il aurait en fait participé.
Encore une fois, le requérant n'a pas à faire face, en l'espèce, à un accusateur (connu ou inconnu) quel que soit le sens de ce terme. Le cas échéant, il aurait évidemment le droit de faire face à son ou à ses accusateurs et de les interroger. En l'espèce, il n'y a pas d'accusateur et aucun docu ment ni aucune autre information n'ont été sous- traits à la connaissance du requérant. Le dossier ne contenait aucun renseignement qui pouvait être considéré comme confidentiel. On ne peut donc prétendre que la Commission a pu être influencée par certaines allégations défavorables dont le requérant ignorait la teneur. Ce dernier était très bien informé. Par conséquent, le présent cas n'est pas visé par la règle formulée dans l'arrêt Singh, mais plutôt par les exceptions prévues par les deux groupes de juges de la Cour suprême.
En outre, l'enjeu d'une demande de libération conditionnelle de jour diffère tant par sa nature que par sa portée de l'enjeu d'une demande de détermination du statut de réfugié. En toute défé- rence, la Cour estime fondée l'opinion exprimée par le juge McNair dans l'affaire O'Brien c. Com mission nationale des libérations conditionnelles, [1984] 2 C.F. 314 (i re inst.), à la page 326:
L'objet de la demande était simplement une requête. Il n'était pas question de la privation d'un droit à la liberté, condition- nelle ou autre, enchâssé dans la Constitution comme ce pourrait
être le cas s'il s'agissait de la révocation d'une libération conditionnelle et de ses effets sur une réduction méritée de peine ou sur la suspension de la libération sous surveillance obligatoire. Le requérant a demandé qu'on lui octroie un privilège mais celui-ci lui a été refusé en conformité avec des dispositions législatives manifestement impératives. À mon avis, il faut établir une distinction entre le fait de refuser à un particulier la jouissance d'un privilège anticipé concernant sa liberté et la privation d'un droit à la liberté dont une personne jouit actuellement, lorsqu'une telle privation est contraire à la justice fondamentale.
En théorie et en fait, la privation par révocation d'une libération conditionnelle déjà accordée est différente, et plus grave, que le refus par l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire d'accorder une telle liberté conditionnelle. Tel était le sens du jugement de la Cour dans l'affaire Hay c. Comm. nat. des libérations conditionnelles (1985), 13 Admin. L.R. 17; 21 C.C.C. (3d) 408 (C.F. i re inst.). Les affaires R. v. Cadeddu (1982), 32 C.R. (3d) 355; 146 D.L.R. (3d) 629 (C.S. Ont.), Re Lowe and The Queen (1983), 5 C.C.C. (3d) 535 (C.S.C.-B.), Re Dumoulin and The Queen (1983), 6 C.C.C. (3d) 190 (H.C. Ont.) et Re Swan and The Queen (1983), 7 C.C.C. (3d) 130 (C.S.C.-B.), portaient toutes sur la révocation d'une libération condition- nelle.
Comme c'est le cas pour une révocation, l'oppor- tunité de la tenue d'une audition orale pour déter- miner s'il y a lieu d'accorder une libération condi- tionnelle totale n'est pas en cause en l'espèce. La libération conditionnelle de jour revêt un caractère probatoire plus restreint; et on doit se fonder sur l'économie de la loi pour déterminer le genre de processus décisionnel conforme aux principes de justice fondamentale et répondant aux besoins du détenu et de la société dans laquelle il cherche à se faire libérer conditionnellement. Le législateur fédéral veut faire en sorte que le contrevenant soit dénoncé et puni par l'imposition d'une peine juste et conforme à la loi. Mais il adoucit sa position en accordant à la Commission le pouvoir discrétion- naire de permettre à certains détenus qui se con- duisent bien d'éviter l'incarcération en purgeant à l'extérieur de la prison une partie de la peine à laquelle ils ont été légalement condamnés. Le législateur fédéral a prévu à l'article 11 de la Loi sur la libération conditionnelle de détenus que le détenu qui cherche à obtenir une libération condi- tionnelle de jour n'a pas droit à une entrevue personnelle, c'est-à-dire à une audition orale de sa demande.
Lorsque de telles demandes sont présentées, c'est en fait le détenu qui fait valoir ses progrès et son comportement afin de convaincre la Commis sion des libérations conditionnelles d'accueillir sa demande. Évidemment, la Commission doit et peut examiner le comportement du détenu et ses pro- grès, le cas échéant, afin d'exercer adéquatement son pouvoir discrétionnaire. On peut établir une distinction entre cette situation et les procédures de révocation au cours desquelles c'est la Commis sion qui invite le libéré conditionnel à expliquer son inconduite et à défaut de justification, celui-ci peut être forcé de reprendre le chemin de la prison. Cependant, dans un cas comme dans l'autre, la Commission ne peut se fonder sur des rapports (sauf certaines exceptions) qu'elle seule connaît et que le prisonnier ou le libéré conditionnel, selon le cas, ignore. Lorsque, comme c'est le cas en l'es- pèce, tous les documents utilisés sont à la disposi tion du requérant et que celui-ci n'exprime pas le désir de les compléter ou de présenter par écrit des explications s'ajoutant à celles qu'il a déjà soumi- ses, les principes de justice fondamentale n'exigent pas qu'on lui donne aussi l'occasion de faire des observations orales en vue d'expliquer les observa tions écrites qu'il a faites dans une procédure qu'il a lui-même mise en branle. Si ce n'était de la libération conditionnelle (et de la libération sous surveillance obligatoire), chaque détenu serait à juste titre obligé de purger la peine d'emprisonne- ment qui lui a été imposée en vertu de la loi par le jugement de la Cour. C'est le requérant qui cher- che, en vertu d'une exception discrétionnaire, à être relevé de cette obligation légale. Ce n'est pas la Commission qui cherche à enlever au requérant la liberté restreinte qui lui a déjà été accordée. C'est ce dernier qui est responsable de ses progrès en prison, de sa bonne conduite ou de son incon- duite et de la présentation d'une demande de libération conditionnelle de jour. Il n'a nullement besoin du droit de présenter oralement ses argu ments ou d'un droit de réplique en personne puis- que c'est seulement sa demande, accompagnée en l'espèce des rapports favorables de l'équipe de gestion des cas, qui a été soumise à la Commission. Satisfait de cette documentation, le requérant n'a pas présenté d'autres arguments. Compte tenu de ces circonstances, le fait qu'aucune audition orale n'a été tenue est tout à fait normal. Cela ne contrevient certainement pas aux principes de jus tice fondamentale.
La Cour ne doit pas joindre inutilement à ces principes des procédures incompatibles avec l'éco- nomie de la loi. C'est pourquoi la Cour rejette la requête présentée par le requérant en vue d'obtenir une ordonnance enjoignant à la Commission de prendre les dispositions nécessaires pour la tenue d'une audition orale ou d'une audience en personne.
Étant donné qu'il a été conclu que le processus décisionnel de la Commission intimée, en ce qui concerne la demande de libération conditionnelle de jour présentée par le requérant, satisfait aux critères de la Déclaration des droits et de la Charte, il faut examiner une autre question. La Cour a le pouvoir discrétionnaire d'accorder ou de refuser le redressement demandé par le requérant en l'espèce. Habituellement, la Cour n'envisagera même pas d'exercer ce pouvoir discrétionnaire en faveur du requérant tant et aussi longtemps que celui-ci n'aura pas épuisé tous les recours et les appels qui s'offrent à lui avant d'invoquer les pouvoirs de la Cour. Selon M. Labelle, qui est vice-président de l'intimée, et M. Simmons, qui est chargé avec son personnel de la garde et du con- trôle du dossier du requérant parmi d'autres, ce dernier n'a jamais présenté au Comité d'appel de la Commission une «Demande de réexamen d'une décision» après que sa demande de libération con- ditionnelle de jour eut été rejetée. Il n'a soumis à la Cour aucun motif exceptionnel qui lui aurait permis de passer outre à une demande de réexa- men de la décision. Par conséquent, la Cour ne doit pas exercer et n'exercera pas son pouvoir discrétionnaire de manière à accueillir la requête présentée par le requérant et à ordonner à l'inti- mée de tenir une nouvelle audience en personne à cette fin.
Les présents motifs concernent des événements passés. Même s'il ressort de la conclusion de la Cour en ce qui concerne les questions en litige que ni la Constitution ni aucune autre loi n'oblige l'intimée à tenir une audience en personne ou une audition orale pour les fins de la demande de libération conditionnelle de jour présentée par le requérant, cela ne doit pas empêcher l'intimée de lui accorder une libération conditionnelle de jour si elle exerce son pouvoir décisionnel discrétionnaire conformément à la loi et que le requérant mérite maintenant ou plus tard une telle considération. Évidemment, il ne faudra pas retenir contre lui, à
cet égard, le fait qu'il a engagé les présentes procédures. Cela dit, la requête présentée par le requérant en vue d'obtenir un certiorari, un man- damus ou encore une ordonnance exigeant la tenue d'une nouvelle audience, est rejetée avec dépens.
ORDONNANCE
LA COUR STATUE que la requête présentée en l'espèce est rejetée avec dépens.
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