T-66-86
Walter Patrick Twinn agissant en son propre nom
et au nom de tous les autres membres de la bande
de Sawridge, John Daniel McLean agissant en son
propre nom et au nom de tous les autres membres
de la bande de Sturgeon Lake, Wayne Roan agis-
sant en son propre nom et au nom de tous les
autres membres de la bande Ermineskin, Raymond
Cardinal agissant en son propre nom et au nom de
tous les autres membres de la bande des Enochs,
Bruce Starlight agissant en son propre nom et au
nom de tous les autres membres de la bande des
Sarcis, et Andrew Bear Robe agissant en son
propre nom et au nom de tous les autres membres
de la bande Pieds-Noirs (demandeurs)
c.
La Reine (défenderesse)
RÉPERTORIÉ: TWINN C. CANADA
Division de première instance, juge Strayer -
Toronto, 18 et 19 septembre; Ottawa, 31 octobre
1986.
Pratique - Plaidoiries - Requête en radiation - Consti-
tutionnalité des modifications apportées à la Loi sur les
Indiens concernant la détermination de l'appartenance à une
bande - Critère à appliquer à l'occasion d'une requête en
radiation: la réclamation du demandeur est-elle soutenue -
Plusieurs questions défendables quant aux droits ancestraux
- Les points litigieux concernant les art. I et 2d) de la Charte
ne doivent pas être rejetés à ce stade - Règles de la Cour
fédérale, C.R.C., chap. 663, Règles 408, 409, 412, 415,
419(1)a),c),d),f), 474, 1711 - Loi modifiant la Loi sur les
Indiens, S.C. 1985, chap. 27, art. 6, 7, 10, 11 - Loi sur les
Indiens, S.R.C. 1970, chap. I-6, art. 5 à 11, 12(1)b), 13, 14,
109(2) - Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982
sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.), art. 35 (mod. par
Proclamation de 1983 modifiant la Constitution, TR/84-102)
- Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la
Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B. Loi de
1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.), art. 1, 2d), 15, 25,
27, 28 - Acte pourvoyant à l'organisation du Département du
Secrétariat d'État du Canada, ainsi qu'à l'administration des
Terres des Sauvages et de l'Ordonnance, S.C. 1868, chap. 42.
Pratique - Parties - Qualité pour agir - Constitutionna-
lité des modifications apportées à la Loi sur les Indiens
concernant la détermination de l'appartenance à une bande
Parties ayant le droit d'intenter une action au nom des bandes
respectives - Intérêt pour s'assurer du respect de la constitu
tion par le Parlement - Il convient de dire que les autres
membres de la bande devraient se constituer demandeurs dans
un recours collectif - Le désaccord de deux membres de la
bande ne saurait donner lieu au rejet de l'action - Règles de
la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663, Règles 408, 409, 412, 415,
419(1)a),c),d),f), 474, 1711 - Loi modifiant la Loi sur les
Indiens, S.C. 1985, chap. 27, art. 6, 7, 10, 11.
Peuples autochtones - Inscription - Modifications appor-
tées à la Loi sur les Indiens concernant la détermination de
l'appartenance à une bande - Y a-t-il incompatibilité avec la
garantie des droits ancestraux prévue à l'art. 35 de la Loi
constitutionnelle de 1982? - Les demandeurs sont-ils en droit
d'intenter une action au nom de leurs bandes respectives - Loi
modifiant la Loi sur les Indiens, S.C. 1985, chap. 27, art. 6, 7,
10, 11 - Loi sur les Indiens, S.R.C. 1970, chap. I-6, art. 5 à
11, 12(1)b), 13, 14, 109(2) - Acte pourvoyant à l'organisation
du Département du Secrétariat d'État du Canada, ainsi qu'à
l'administration des Terres des Sauvages et de l'Ordonnance,
S.C. 1868, chap. 42 - Loi constitutionnelle de 1982, annexe B,
Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.), art. 35
(mod. par Proclamation de 1983 modifiant la Constitution,
TR/84-102) - Charte canadienne des droits et libertés, qui
constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982,
annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.),
art. 1, 2d), 15, 25, 27, 28 - Règles de la Cour fédérale,
C.R.C., chap. 663, Règles 408, 409, 412, 415, 419(1)a),c),d),f),
474, 1711.
Droit constitutionnel - Autochtones - Les modifications
apportées à la Loi sur les Indiens concernant la détermination
de l'appartenance à une bande vont-elles à l'encontre de l'art.
35 de la Loi constitutionnelle de 1982 - Loi constitutionnelle
de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11
(R.-U.), art. 35 (mod. par Proclamation de 1983 modifiant la
Constitution, TR/84-102 - Loi modifiant la Loi sur les
Indiens, S.C. 1985, chap. 27, art. 6, 7, 10, 11 - Loi sur les
Indiens, S.R.C. 1970, chap. I-6, art. 5 à 11, 12(1)b), 13, 14,
109(2).
Droit constitutionnel - Charte des droits - Libertés fon-
damentales - Liberté d'association - Les modifications
apportées à la Loi sur les Indiens concernant la détermination
de l'appartenance à une bande restreignent-elles la liberté
d'association? - Charte canadienne des droits et libertés, qui
constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982,
annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.),
art. 1, 2d), 15, 25, 27, 28 - Loi modifiant la Loi sur les
Indiens, S.C. 1985, chap. 27, art. 6, 7, 10, 11 - Loi sur les
Indiens, S.R.C. 1970, chap. I-6, art. 5 à 11, 12(1)b), 13, 14,
109(2).
Le 17 avril 1985, la Loi modifiant la Loi sur les Indiens est
entrée en vigueur. Cette Loi a modifié notamment les règles
d'appartenance à une bande. Les demandeurs, six Indiens qui
agissent en leur propre nom et au nom de leurs bandes respecti-
ves, contestent la validité de ces modifications. Ils font valoir
que la Loi viole le droit ancestral des bandes indiennes de
déterminer leur propre appartenance garanti par l'article 35 de
la Loi constitutionnelle de 1982, ou porte atteinte à leur liberté
d'association garantie par l'alinéa 2d) de la Charte.
Par la présente requête, la défenderesse demande à la Cour
de faire droit à quatre requêtes en ordonnant 1) la radiation de
la déclaration parce qu'elle ne révèle aucune cause raisonnable
d'action et qu'elle est frivole et vexatoire 2) la radiation de la
déclaration parce que les demandeurs nommés ne peuvent agir
au nom de leur bande, 3) la radiation de certaines parties de la
déclaration modifiée parce qu'elles vont à l'encontre des articles
408, 409 et 412 des Règles de la Cour fédérale qui régissent les
plaidoiries, et 4) en ordonnant aux demandeurs de fournir des
détails plus amples et plus précis.
Jugement: il y a lieu de rejeter les 1"e et 2 » requêtes et
d'accueillir en partie les 3 » et 4 » requêtes.
Dans une requête en radiation fondée sur le motif qu'il
n'existe aucune cause raisonnable d'action, la Cour doit tran-
cher seulement la question de savoir si, à supposer que tous les
faits allégués dans la déclaration soient vrais, la réclamation du
demandeur est soutenable. Il s'agit d'une requête en radiation,
et non d'une demande fondée sur la Règle 474 visant à obtenir
une décision préliminaire sur un point de droit, ce qui fait que
même s'il ne restait aucune question de fait à trancher, la Cour
n'était pas tenue de trancher des questions de droit. La Cour a
le pouvoir discrétionnaire de ne pas radier la déclaration lors-
qu'il n'est pas manifestement clair que la réclamation du
demandeur n'est pas fondée en droit. En l'espèce, il existe
plusieurs questions de droit discutables en ce qui concerne le
droit ancestral des demandeurs de décider de l'appartenance
aux effectifs de leur bande.
L'argument fondé sur la liberté d'association, garantie par
l'alinéa 2d) de la Charte, est loin d'être manifestement non
fondé. De plus le fait pour la requérante d'invoquer l'article 1
de la Charte va presque certainement donner lieu à des ques
tions de fait qui consistent à savoir si les modifications de 1985
sont raisonnables et si leur justification peut se démontrer dans
une société libre et démocratique. Et si on ne peut dire que la
déclaration ne révèle aucune cause raisonnable d'action, on ne
peut alors dire a fortiori qu'elle est frivole ou vexatoire.
Les demandeurs ont le droit d'intenter la présente action au
nom de leurs bandes et de l'intenter comme s'il s'agissait d'un
recours collectif. Ainsi qu'il a été statué dans l'arrêt Thorson,
«le droit des citoyens au respect de la constitution par le
Parlement quand la question que soulève la conduite du Parle-
ment est réglable par les voies de justice en tant que question de
droit» fait en sorte qu'un demandeur a qualité pour faire
déclarer une loi nulle. Et il convient de dire que les autres
membres de la bande devraient se constituer demandeurs dans
un recours collectif sous le régime de la Règle 1711, puisque les
droits ancestraux sont essentiellement des droits communautai-
res.
Le fait que certains membres de la bande ne peuvent récla-
mer qu'une participation limitée aux droits ancestraux ne sau-
rait donner lieu au rejet de l'action puisque le sens du mot
«ancestral» utilisé dans la Loi constitutionnelle de 1982 est loin
d'être clair, et que l'issue de l'action peut modifier la part de
beaucoup de personnes dans les biens de la bande et leur mode
de vie. Qui plus est, étant donné que l'on revendique des droits
issus de traités, le recours collectif semble nécessaire puisque
quelques particuliers ne sauraient agir en justice pour faire
appliquer ces droits. Un recours collectif n'exige pas le consen-
tement d'autres membres du groupe. En conséquence, l'accord
ou le désaccord de deux membres de la bande ne sauraient
donner lieu au rejet de l'action, surtout parce que ceux qui ne
désirent pas se constituer demandeurs peuvent être constitués
défendeurs.
Certaines parties de la déclaration devraient toutefois être
radiées parce qu'elles ne sont pas essentielles et peuvent être
vexatoires, et il est ordonné aux demandeurs de donner les
détails demandés.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Procureur général du Canada c. Inuit Tapirisat of
Canada et autre, [1980] 2 R.C.S. 735; Succession
Creaghan c. La Reine, [1972] C.F. 732 (1" inst.);
Dowson c. Gouvernement du Canada (1981), 37 N.R.
127 (C.A.F.); Operation Dismantle Inc. et autres c. La
Reine et autres, [1985] 1 R.C.S. 441; Waterside Ocean
Navigation Co., Inc. c. International Navigation Ltd.,
[1977] 2 C.F. 257 (1" inst.); Thorson c. Procureur
général du Canada et autres, [1975] 1 R.C.S. 138;
Attorney -General for Ontario v. Bear Island Foundation
et al. (1984), 15 D.L.R. (4th) 321 (H.C. Ont.); Sykes v.
One Big Union (No. 2), [1936] 1 W.W.R. 237 (C.A.
Man.); Sugden et al. v. Metropolitan Toronto Board of
Commissioners of Police et al. (1978), 19 O.R. (2d) 669
(H.C. Ont.); Pawis c. R., [1980] 2 C.F. 18 (1" inst.).
DÉCISIONS CITÉES:
Procureur général du Canada c. Lavell; Isaac c. Bedard,
[1974] R.C.S. 1349; Lovelace v. Canada, [1983]
Annuaire canadien des droits de la personne 305
(C.D.H.N.U.); La Reine c. Oakes, [1986] 1 R.C.S. 103.
AVOCATS:
J. J. Robinette, c.r., C. D. Evans, c.r. et June
Ross pour les demandeurs.
David D. Akman et Marion E. Green pour la
défenderesse.
PROCUREURS:
Davies, Ward & Beck, Toronto, pour les
demandeurs.
Le sous-procureur général du Canada pour la
défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs
de l'ordonnance rendus par
LE JUGE STRAYER:
Les faits
Par la présente requête, la défenderesse
demande à la Cour de faire droit à quatre requêtes
en statuant: 1) que la déclaration modifiée est
radiée parce qu'elle ne révèle aucune cause raison-
nable d'action comme le prévoit la Règle 419(1)a)
[Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663] et
qu'elle est scandaleuse, frivole et vexatoire au sens
de la Règle 419(1)c), 2) que la déclaration modi-
fiée est radiée en application de la Règle 419(1)a),
d) et f), pour le motif que les demandeurs nommés
ne peuvent agir au nom de leur bande, 3) que,
subsidiairement, certains paragraphes de la décla-
ration modifiée sont radiés parce qu'ils vont à
l'encontre des Règles 408, 409 et 412 qui régissent
les plaidoiries et 4) que, toujours à titre subsi-
diaire, les demandeurs doivent, en vertu de la
Règle 415, fournir des détails plus amples et plus
précis.
Les demandeurs sont six Indiens qui agissent en
leur propre nom et au nom de leurs bandes (qui se
trouvent toutes en Alberta) telles qu'elles étaient
constituées antérieurement au 17 avril 1985. Cette
date a marqué l'entrée en vigueur de la Loi modi-
fiant la Loi sur les Indiens, S.C. 1985, chap. 27,
qui vise à permettre à un nombre additionnel de
personnes d'être membres d'une bande et à modi
fier, de diverses manières, le mode de détermina-
tion de l'appartenance à une bande. Les deman-
deurs ont intenté une action en vue d'obtenir un
jugement déclarant que les modifications sont ino-
pérantes dans la mesure où elles portent atteinte à
la garantie des droits ancestraux prévue à l'article
35 de la Loi constitutionnelle de 1982 [annexe B,
Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11
(R.-U.)]. Ils prétendent donc qu'il y a eu violation
du droit ancestral des bandes d'Indiens de détermi-
ner elles-mêmes l'appartenance à leurs effectifs, ce
droit étant garanti par la Constitution. À titre
subsidiaire, ils sollicitent un jugement déclarant
qu'imposer des membres additionnels aux bandes,
conformément aux modifications apportées à la
Loi sur les Indiens, sans le consentement de ces
bandes, est une atteinte à leur liberté d'association
garantie par l'alinéa 2d) de la Charte canadienne
des droits et libertés [qui constitue la Partie I de la
Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de
1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.)].
Les modifications de 1985 touchent l'admissibi-
lité à l'inscription sous le régime de la Loi sur les
Indiens, S.R.C. 1970, chap. I-6. Antérieurement à
1985, les articles 5 à 14 de la Loi sur les Indiens
permettaient de déterminer qui était Indien aux
fins de la Loi. En vertu de l'alinéa 12(1)b), la plus
célèbre (ou notoire) de ces dispositions, une femme
qui épousait un non-Indien n'avait plus . le droit
d'être inscrite comme indienne, et les enfants nés
de cette union perdaient également leur statut
d'Indien. Il n'en était pas de même d'un Indien qui
épousait une femme non indienne, celle-ci se
voyant même conférer le statut d'Indienne à la
suite de ce mariage. Bien entendu, ce point a fait
l'objet d'une contestation et d'un débat public
pendant un certain temps. Certaines femmes
indiennes ayant perdu leur droit ont saisi la Cour
suprême du Canada de leur cas dans l'arrêt Pro-
cureur général du Canada c. Lavell; Isaac c.
Bedard, [1974] R.C.S. 1349, mais elles n'ont pas
réussi à faire valoir que la Loi sur les Indiens allait
à l'encontre de la Déclaration canadienne des
droits [S.R.C. 1970, Appendice III]. N'ayant pu
obtenir un redressement devant cette instance,
l'une d'entre elles a déféré son cas au Comité des
droits de l'homme des Nations Unies, établi en
vertu du Protocole se rapportant au Pacte interna
tional relatif aux droits civils et politiques [16
déc. 1966, [1976] R.T. Can. n° 47] auquel le
Canada a adhéré en 1976, et elle a obtenu gain de
cause: c'est l'affaire Lovelace v. Canada, [1983]
Annuaire canadien des droits de la personne 305.
La question a pris une tournure politique avec la
rédaction et l'adoption de la Charte, avec la modi
fication apportée en 1983 [Proclamation de 1983
modifiant la Constitution, TR/84-l02] à l'article
35 de la Loi constitutionnelle de 1982 et de nou-
veau, lors de la promulgation des modifications de
1985 apportées à la Loi sur les Indiens, lesquelles
sont actuellement en litige.
L'entrée en vigueur, le 17 avril 1985, de l'article
15 de la Charte a, semble-t-il, fait en sorte que le
législateur s'est senti obligé de modifier l'alinéa
12(1)b) et d'autres dispositions de la Loi sur les
Indiens afin que les deux sexes aient droit à la
même protection et au même bénéfice de la loi, ce
qui, ressort des nouveaux articles 6 et 7 de la Loi
sur les Indiens modifiée. Il y a donc certaines
personnes à qui on permet d'obtenir le statut d'In-
dien. Les femmes indiennes ayant épousé des non-
Indiens et qui avaient été exclues en application de
l'alinéa 12(1)b) ou déclarées émancipées aux
termes du paragraphe 109(2) ont le droit, en vertu
de l'alinéa 6(1)c), d'être inscrites comme Indien-
nes si elles en font la demande au registraire.
Leurs enfants ont également le droit de l'être sur
présentation d'une telle demande. Sont également
réintégrés les enfants qui avaient perdu leur statut
d'Indien à l'âge de 21 ans parce que leur mère et
leur grand-mère paternelle avaient obtenu ce
statut après avoir épousé un Indien, et les enfants
qui avaient perdu leur statut parce que, à la suite
d'une «protestation», il a été établi qu'ils étaient les
enfants illégitimes d'une Indienne et d'un non-
Indien. Les femmes non indiennes d'Indiens sont
maintenant exclues en vertu de l'alinéa 7(1)a) et
les enfants nés de ces femmes et de ces non-Indiens
le sont également.
Le registraire tient de l'article 11 de la Loi
modifiée le pouvoir d'accorder la qualité de
membre d'une bande (par inscription sur une liste
de bande) aux personnes qui viennent d'obtenir le
droit d'être inscrites comme Indiens sous le régime
de l'article 6 et qui étaient, ou dont les parents
étaient, membres de cette bande au moment de la
perte du statut d'Indien.
Une bande indienne peut, en vertu de l'article
10, décider de l'appartenance à ses effectifs en en
fixant les règles. Elle ne peut toutefois exclure les
membres réintégrés en vertu du nouvel article 6
pour le motif qu'ils ont été ainsi réintégrés. Ces
personnes vont donc devenir des membres perma
nents de la bande à moins qu'elles n'enfreignent
plus tard quelque autre règle de la bande.
En vertu des modifications, certaines autres per-
sonnes peuvent être réintégrées le 28 juin 1987 si
la bande ou bien ne décide pas de l'appartenance à
ses effectifs avant cette date ou bien le fait mais
consent à ce que ces personnes en deviennent
membres. Les personnes qui ont volontairement
été émancipées sous le régime du paragraphe
109(1) et ont donc été exclues en vertu du sous-ali-
néa 12(1)a)(iii) seront admissibles. Les personnes
qui ont perdu leur statut parce que, avant 1951,
elles avaient résidé à l'extérieur du Canada pen
dant plus de cinq ans sans le consentement du
surintendant général, auront le droit d'être réinté-
grées, tout comme celles qui ont perdu leur statut
avant 1920 parce qu'elles avaient reçu un grade
universitaire ou fait partie d'une profession. Les
enfants de ces personnes ont également le droit
d'être inscrits pourvu qu'ils ne soient pas exclus
par l'article 7, puisque leurs parents peuvent être
considérés comme inscrits à titre posthume.
Dans la P° requête, la requérante, c'est-à-dire le
gouvernement du Canada, soutient que la déclara-
tion ne révèle aucune cause raisonnable d'action ou
qu'elle est frivole ou vexatoire, etc. Aux seules fins
de cette prétention, elle a reconnu que le droit
ancestral de décider de l'appartenance revenait
effectivement aux bandes antérieurement à 1868.
Elle soutient toutefois que ce droit a été éteint soit
par la Loi de 1868 relative aux Indiens [Acte
pourvoyant à l'organisation du Département du
Secrétariat d'État du Canada, ainsi qu'à l'admi-
nistration des Terres des Sauvages et de l'Ordon-
nance, S.C. 1868, chap. 42] (qui comportait des
dispositions concernant l'admissibilité au statut
semblables à celles de la Loi ultérieure telle qu'elle
existait avant la modification de 1985), soit par
des traités postérieurs à 1868. Elle prétend que si,
juridiquement, ce droit a été éteint antérieurement
à 1982, il n'existe aucune cause d'action sous le
régime de l'article 35 de la Loi constitutionnelle de
1982. Toujours selon la requérante, il n'existe pas
de cause d'action sous l'empire de l'alinéa 2d) de
la Charte puisque le législateur a, depuis 1868,
décidé de l'appartenance à une bande et les bandes
ne sont donc pas des «associations» consensuelles.
En conséquence, une modification des conditions
d'obtention du statut ne saurait constituer une
violation de la liberté d'association. Il est allégué
que s'il s'agit de la liberté d'association des majori-
tés de bande, la protection de cette liberté ne
saurait se faire au détriment de la liberté des
particuliers de se joindre à la bande. On prétend en
outre que pour ce qui est de la liberté protégée par
l'alinéa 2d), il faut tenir compte des dispositions
des autres articles de la Charte tels que les articles
1, 15, 25, 27 et 28. Les arguments de la Couronne
qu'il reste à examiner concernant les autres requê-
tes sont plus techniques et il est préférable que je
les aborde dans mes conclusions.
Conclusions
ire requête—Il convient tout d'abord de discuter
de la nature d'une requête en radiation d'une
déclaration. Les principes applicables à une telle
requête sont clairement exposés dans l'arrêt Pro-
cureur général du Canada c. Inuit Tapirisat of
Canada et autre, [1980] 2 R.C.S. 735, à la page
740:
... il faut tenir tous les faits allégués dans la déclaration pour
avérés. Sur une requête comme celle-ci, un tribunal doit rejeter
l'action ou radier une déclaration du demandeur seulement
dans les cas évidents et lorsqu'il est convaincu qu'il s'agit d'un
cas «au-delà de tout doute»: Ross v. Scottish Union and Natio
nal Insurance Co. ((1920), 47 O.L.R. 308 (Div. App.)).
Les alinéas applicables de la Règle 419(1) sont
ainsi conçus:
Règle 419. (1) La Cour pourra, à tout stade d'une action
ordonner la radiation de tout ou partie d'une plaidoirie avec ou
sans permission d'amendement, au motif
a) qu'elle ne révèle aucune cause raisonnable d'action ou de
défense, selon le cas,
e) qu'elle est scandaleuse, futile ou vexatoire,
Pour ce qui est des motifs énoncés à la Règle
419(1)a), il importe de souligner qu'elle exige qu'il
n'y ait «aucune cause raisonnable d'action». Le
juge Pratte a clairement expliqué le sens de cette
expression dans l'affaire Succession Creaghan c.
La Reine, [1972] C.F. 732 (1`e inst.), à la page
736, où il a dit que l'inclusion du mot «raisonnable»
signifie que la Cour doit trancher la question de
savoir non pas si l'action est vraiment fondée en
droit, mais plutôt si, en supposant que tous les faits
allégués dans la déclaration soient vrais, la récla-
mation du demandeur est «soutenue». Dans l'af-
faire Dowson c. Gouvernement du Canada (1981),
37 N.R. 127 (C.A.F.), à la page 138, le juge Le
Dain a déclaré que, lorsqu'une demande de radia
tion est fondée sur ces motifs, «il doit être évident
et manifeste que l'action ne saurait aboutir». La
Cour suprême du Canada a approuvé cette décla-
ration dans l'arrêt Operation Dismantle Inc. et
autres c. La Reine et autres, [1985] 1 R.C.S. 441,
aux pages 450 et 487. À mon avis, cela signifie
qu'un juge saisi d'une telle requête ne devrait pas
radier une déclaration uniquement parce qu'il ne
pense pas que la réclamation du demandeur soit
fondée en droit, s'il est possible que le juge du
procès y fasse droit.
En l'espèce, l'avocat de la requérante a parfois
semblé vouloir dire que si on pouvait rapporter la
preuve qu'il ne restait aucune question de fait à
trancher (ou tout au moins aucune question de ce
genre qui ne fut admise aux fins de la présente
requête) et qu'il restait à trancher uniquement des
questions de droit, la Cour devrait alors statuer sur
celles-ci en réponse à une requête en radiation des
plaidoiries fondée sur l'absence d'une cause raison-
nable d'action. Autrement dit, la Cour devrait se
prononcer sur une telle requête comme si elle
statuait sur une demande visant à obtenir une
décision préliminaire sur un point de droit comme
le prévoit la Règle 474. À cette fin, l'avocat a
reconnu en l'espèce que les demandeurs étaient
effectivement les descendants de bandes qui, anté-
rieurement à 1868 (l'année de l'adoption de la
première loi relative aux Indiens, avaient le droit
ancestral de décider de l'appartenance à leurs
effectifs. Il a toutefois soutenu que, juridiquement,
ce droit avait été éteint par des traités et par des
lois bien avant l'adoption de la Loi constitution-
nelle de 1982, article 35 (qui garantissait les droits
ancestraux «existants»), ce qui fait qu'aucun droit
ancestral de ce genre de décider de l'appartenance
n'«existait» en 1982. Les deux parties ont assez
longuement discuté de la question de l'extinction.
Je n'admets pas qu'on puisse ou qu'on doive
trancher ces questions de droit en réponse à une
telle requête. Je crois compendre que la Règle
419(1)a) m'accorde le pouvoir discrétionnaire de
ne pas radier la déclaration lorsqu'il n'est pas
manifestement clair que la réclamation du deman-
deur n'est pas fondée en droit. Je suis convaincu
qu'il existe plusieurs questions de droit discutables
en ce qui concerne l'existence ou l'inexistence, la
restriction ou la non-restriction du droit ancestral
des demandeurs de décider de l'appartenance aux
effectifs de leur bande. Sans aucunement chercher
à déterminer les points litigieux, il me semble qu'il
existe plusieurs questions de droit défendables,
telles que l'incidence des diverses lois sur les
Indiens sur ce droit ancestral (à supposer qu'il
existe comme la requérante l'a prétendu pour les
fins de la présente requête). Ces dispositions ont-
elles éteint expressément le droit de la bande de
décider de l'appartenance à ses effectifs? «Ont-
elles occupé le domaine» de façon à éteindre impli-
citement le droit des bandes de décider de l'appar-
tenance à leurs effectifs? Comment interpréter
correctement les traités 6, 7 et 8 auxquels les
ascendants de ces demandeurs auraient été par
ties? Ce sont là des questions qu'on doit examiner
plus à fond et avec une plus grande attention.
Même s'il a nécessité trois jours et demi, le débat
sur la présente requête m'a seulement permis de
survoler quelques-unes de ces questions.
En outre, pour ce qui est de la demande de
redressement aux termes de laquelle les deman-
deurs prient la Cour de déclarer que les modifica
tions de 1985 portent atteinte à leur liberté d'asso-
ciation prévue à l'alinéa 2d) de la Charte, j'estime
qu'il s'agit également d'une réclamation soutena-
ble qui est loin d'être manifestement non fondée. Il
faudra examiner la question de savoir si les bandes
indiennes représentées par les demandeurs sont des
«associations» au sens de la Charte. Ces associa
tions doivent-elles être purement consensuelles?
Peut-on dire que les bandes qui ont inclus certains
membres par l'effet de la loi sont des associations
consensuelles? La requérante prétend également
que, si la liberté d'association se trouve vraiment
restreinte, cette restriction est justifiée par l'article
1 de la Charte ou aide à justifier les autres droits
garantis par la Charte tels que ceux prévus aux
articles 15 ou 28. Sans approfondir toutes les
questions épineuses qui découlent de l'interpréta-
tion des divers articles de la Charte, il suffit de
dire que le fait pour la requérante d'invoquer
l'article 1 va presque certainement donner lieu à
des questions de fait qui consistent à savoir si les
modifications de 1985 sont raisonnables et si leur
justification peut se démontrer au sens de cet
article. La requérante insiste pour dire qu'aucune
preuve ne sera nécessaire en l'espèce parce que la
justification des modifications de 1985 est évidente
en soi. Cette justification est peut-être évidente en
soi pour la requérante, mais, comme l'ont souligné
les intimés, même si la requérante choisit de s'ac-
quitter du fardeau possible qui lui incombe en
vertu de l'article 1 et ce, uniquement par voie
d'argumentation, il sera loisible aux intimés
(demandeurs) de réfuter la position de la requé-
rante (défenderesse) en produisant des éléments de
preuve. Ceux-ci peuvent se rapporter à la question
de la «proportionnalité» et des «effets» des modifi
cations de 1985; ces questions sont clairement
pertinentes et exigent probablement la production
d'éléments de preuve; voir p.ex. La Reine c. Oakes,
[1986] 1 R.C.S. 103, aux pages 137 140.
Il est donc impossible de dire que la déclaration
ne révèle aucune cause raisonnable d'action, et je
rejette la ire requête fondée sur l'alinéa 419(1)a)
des Règles.
Je rejette également cette requête dans la
mesure où elle est fondée sur les motifs énumérés à
l'alinéa 419(1)c) des Règles, savoir que la déclara-
tion est «scandaleuse, frivole ou vexatoire». Si on
ne peut dire que la déclaration ne révèle aucune
cause raisonnable d'action, on ne peut alors dire a
fortiori qu'elle est frivole ou vexatoire. Voir l'af-
faire Waterside Ocean Navigation Co., Inc. c.
International Navigation Ltd., [1977] 2 C.F. 257
(ire inst.). (Au cours du débat, l'avocat de la
requérante a abandonné l'allégation qu'il a faite
dans l'avis de requête selon laquelle la déclaration
était également «scandaleuse».)
2e requête—Dans ce cas, la requérante se fonde
sur la Règle 419(1)a),d) et f) pour solliciter une
ordonnance portant radiation de la déclaration
pour les motifs:
a) que les demandeurs désignés n'ont pas le droit d'intenter la
présente action au nom de tous les autres membres de leurs
bandes respectives; et
b) que les demandeurs n'ont pas le droit d'intenter la présente
action comme s'il s'agissait d'un recours collectif.
Il convient de souligner que chacun des deman-
deurs nommés dans l'intitulé de la cause agit «en
son propre nom et au nom de tous les autres
membres de la ... bande». La déclaration a été
modifiée le 14 avril 1986 par l'adjonction du para-
graphe suivant:
[TRADUCTION] 4A Les autres membres de la bande de Saw-
ridge, de la bande de Sturgeon Lake, de la bande Ermineskin,
de la bande des Enoçhs, de la bande des Sarcis et de la bande
Pieds-Noirs au nom de qui lesdits Walter Patrick Twinn, John
Daniel McLean, Wayne Roan, Raymond Cardinal, Bruce Star
light et Andrew Bear Robe agissent, respectivement, ne com-
prennent pas les personnes qui sont censées être devenues
membres de l'une quelconque desdites bandes en vertu des
articles 8 à 14.3 inclus de la Loi sur les Indiens telle qu'elle a
été modifiée par l'article 4 de la Loi intitulée Loi modifiant la
Loi sur les Indiens, S.C., 1985, chap. 27.
La requérante soutient notamment que les
demandeurs ne sauraient agir individuellement au
nom de tous les autres membres de la bande, parce
qu'ils sont censés représenter les bandes établies
par la Loi sur les Indiens, mais que, en vertu de
l'actuelle Loi sur les Indiens, ces bandes compren-
nent également ceux-là même dont l'inscription
fait l'objet d'une contestation de leur part et que
lesdits demandeurs ne sauraient définir la «bande»
pour leurs propres fins de manière à exclure ces
personnes; elle ajoute que les bandes comprennent
également les gens qui peuvent avoir le statut
d'Indiens mais qui ne sont pas des autochtones et
ne sauraient donc réclamer des droits ancestraux,
que les demandeurs ne peuvent intenter un recours
collectif parce que les membres des bandes n'ont
pas un intérêt commun pour les raisons invoquées
ci-dessus, et que l'action ne peut être maintenue en
tant que recours collectif parce que les deman-
deurs n'ont ni précisé les noms des personnes qu'ils
représentent ni indiqué dans la déclaration modi-
fiée que les personnes qu'ils prétendent représenter
ont consenti à l'action.
À l'audience, l'avocat de la requérante a égale-
ment cherché à produire deux affidavits qu'il
venait de recevoir des membres de la bande qui ont
indiqué qu'ils n'approuvaient pas la présente
action. L'avocat a pour la première fois soulevé
cette question au troisième jour de l'audience, et je
ne l'ai pas autorisé à déposer les affidavits pour les
raisons que je vais mentionner ci-dessous.
J'ai indiqué à l'audience que je rejetterais la
présente requête pour les motifs suivants. En l'es-
pèce, les demandeurs cherchent à obtenir un juge-
ment déclarant qu'une certaine loi du Parlement
est inconstitutionnelle parce qu'elle restreint la
liberté garantie par l'article 2 de la Charte et le
droit ancestral garanti par l'article 35 de la Loi
constitutionnelle de 1982. Je dirai tout d'abord,
comme l'a fait le juge Laskin [tel était alors son
titre] dans l'arrêt Thorson c. Procureur général du
Canada et autres, [1975] 1 R.C.S. 138, la page
163, que «le droit des citoyens au respect de la
constitution par le Parlement, quand la question
que soulève la conduite du Parlement est réglable
par les voies de justice en tant que question de
droit« fait en sorte qu'un demandeur a qualité pour
faire déclarer une loi nulle. Même s'il s'agit d'une
question que je n'ai pas à trancher et que je ne
tranche pas, il est possible que les six demandeurs
nommés dans l'intitulé de la cause auraient pu
solliciter le jugement déclaratoire mentionné dans
la déclaration. Quoi qu'il en soit, il est tout à fait
approprié de dire que les autres membres de la
bande, à l'exception de ceux dont le droit à l'ins-
cription a été rétabli en vertu des modifications de
1985, devraient se constituer demandeurs dans un
recours collectif sous le régime de la Règle 1711.
Les droits ancestraux sont essentiellement des
droits communautaires, et il convient donc que
ceux qui prétendent appartenir à la collectivité à
laquelle se rattachent ces droits se constituent
demandeurs dans une action pour justifier ces
droits: voir Attorney -General for Ontario v. Bear
Island Foundation et al. (1984), 15 D.L.R. (4th)
321 (H.C. Ont.), aux pages 331 et 332. Dans le
cas des demandeurs, il est essentiel que le droit
ancestral en question, c'est-à-dire le droit de
chaque bande de décider de l'appartenance à ses
effectifs, se rattache au groupe tel qu'il a été
constitué avant la date d'entrée en vigueur des
modifications, soit le 17 avril 1985. Les deman-
deurs ont certainement le droit d'intenter leur
action sur cette base, et il reste à voir s'ils pourront
établir le bien-fondé de leur cause en fait ou en
droit. S'ils y parviennent, il s'ensuivra que les
bandes telles qu'ils les décrivent dans la déclara-
tion modifiée sont des bandes légales. Dans les
faits, la requérante soutient qu'on ne devrait pas
les autoriser à agir , sur cette base parce qu'il se
peut qu'ils n'obtiennent pas gain de cause. Il s'agit
là d'un argument constituant un cercle vicieux et
qu'on pourrait qualifier de frivole ou vexatoire.
Il n'y a pas lieu non plus de rejeter l'action parce
que la revendication de droits ancestraux par quel-
ques-uns des membres de la bande est plus ténue.
Le sens du mot «ancestral» tel qu'il a été utilisé à
l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 est
loin d'être clair, et ce sens peut s'appliquer à
beaucoup des personnes que l'avocat de la requé-
rante a considérées comme étant non autochtones.
Cela mis à part, l'issue d'une action visant à
obtenir un jugement déclarant que ceux dont le
droit à l'inscription a été rétabli ne peuvent être
admis dans la bande peut très bien intéresser
directement ces personnes, même si elles ne sont
pas elles-mêmes des autochtones. L'issue peut
modifier leur part dans les biens de la bande et
leur mode de vie au sein de la réserve. De plus,
compte tenu du critère adopté dans l'affaire Thor-
son et dans les causes qui l'ont suivie, ces person-
nes ont sûrement un intérêt suffisant pour s'assu-
rer du «respect de la constitution par le Parlement»
en ce qui concerne les droits ancestraux garantis.
Je me permets d'ajouter que, comme les deman-
deurs réclament aussi les droits issus de traités, le
recours collectif semble nécessaire puisque quel-
ques particuliers ne sauraient agir en justice pour
faire appliquer ces droits: voir Pawis c. R., [ 1980]
2 C.F. 18 (1" inst.), à la page 30.
Ces conclusions étant tirées, j'ai rejeté la pro
duction des affidavits provenant de deux membres
de la bande parce qu'ils soulevaient de nouvelles
questions à une date très tardive de l'audience. Si
j'avais estimé qu'ils pouvaient permettre de tran-
cher la question de la qualité pour agir des autres
demandeurs, j'aurais pu ajourner l'affaire en vue
d'un débat ultérieur et peut-être d'un contre-inter-
rogatoire sur ces affidavits. Il m'a semblé toutefois
que le consentement ou le désaccord de deux mem-
bres de la bande ne pouvait donner lieu au rejet de
l'action. Il ressort de la jurisprudence que, dans un
recours collectif, il n'est pas nécessaire que les
demandeurs nommés obtiennent le consentement
des autres membres du groupe avant d'intenter
l'action: voir Sykes v. One Big Union (No. 2),
[1936] 1 W.W.R. 237 (C.A. Man.); Sugden et al.
v. Metropolitan Toronto Board of Commissioners
of Police et al. (1978), 19 O.R. (2d) 669 (H.C.
Ont.). Si certains membres du groupe ne désirent
pas se constituer demandeurs, on peut les consti-
tuer défendeurs: affaire Sugden, à la page 673. La
plupart des décisions citées par l'avocat de la
requérante où les recours collectifs n'avaient pas
été accueillis portaient sur des demandes de dom-
mages-intérêts ou quelque chose du genre alors
que l'intérêt particulier de chaque membre du
groupe était quelque peu différent. J'estime que
ces décisions ne s'appliquent guère ou pas du tout
à une action visant à faire déclarer une loi du
Parlement inconstitutionnelle.
Je rejette donc la 2e requête, mais sans préjudice
du droit d'une personne de demander à être exclue
de l'action ou à se constituer défenderesse. J'ai
également précisé que si on devait rapporter la
preuve—et rien n'indique qu'une telle preuve exis-
te—que la présente action n'est qu'un trompe-l'oeil
et qu'elle a reçu peu d'appui sinon aucun de la part
des bandes au nom desquelles elle est intentée, la
Cour pourrait être tenue d'examiner une action en
radiation de la déclaration. Mais tel n'est pas le
cas dont je suis saisi.
3e requête—Il s'agit d'une autre requête visant à
faire annuler certaines parties de la déclaration.
J'accueille certaines parties de cette requête pour
les motifs suivants.
J'ordonnerai que la deuxième phrase du
paragraphe 5 de la déclaration modifiée soit radiée
pour le motif qu'elle n'est pas essentielle et qu'elle
pourrait être vexatoire étant donné la portée des
questions qu'elle soulève. Les [TRADUCTION] «rap-
ports (de la Couronne) avec les Nations indiennes»
ne concernent pas directement la prétention du
début de ce paragraphe selon laquelle les bandes
demanderesses existaient, en tant qu'entités dis-
tinctes, antérieurement à la conclusion des traités.
Quel que soit le sens de la deuxième phrase lors-
qu'on y fait mention des «Nations indiennes», cel-
le-ci n'expose pas un fait essentiel qui tendrait à
prouver directement les propositions figurant dans
la première phrase. Il sera loisible aux deman-
deurs, s'ils le jugent approprié, de modifier la
déclaration en remplaçant la deuxième phrase par
une allégation portant que la Couronne avait
reconnu leurs bandes antérieurement à la conclu
sion des traités 6, 7 et 8.
Pour ce qui est du paragraphe 9 de la déclara-
tion, je me permets de faire remarquer tout
d'abord qu'il s'agit là, semble-t-il, uniquement
d'un exposé des points de droit. Bien que cet
exposé ne soit peut-être pas nécessaire ni appro-
prié, il est assez anodin. Compte tenu de la Règle
412(2), ce paragraphe n'allègue évidemment pas
des faits essentiels pour étayer cette conséquence
juridique. Je ne vais donc pas le radier, mais je
reviendrai à la question lorsque j'aborderai la 4e
requête concernant les détails parce que, à mon
avis, les demandeurs doivent clairement choisir
l'une des deux attitudes suivantes: ou bien ils vont
considérer qu'il s'agit simplement d'une question
de droit et s'en tenir à cette position ou bien ils
vont chercher à «prouver» l'existence de ce droit
ancestral par la pratique ou les coutumes. Dans ce
dernier cas, ils doivent fournir quelques détails, et
j'estime que les questions doivent se limiter aux
faits concernant les bandes demanderesses.
Ces commentaires sur le paragraphe 9 s'appli-
quent également au paragraphe 11 de la déclara-
tion modifiée.
Étant un simple et vague exposé des points de
droit, le paragraphe 13 ne constitue pas une plai-
doirie utile, mais je ne vois pas comment il peut
porter atteinte à la défenderesse. Il ne saurait
impliquer une allégation de faits pertinents.
Les paragraphes 14 et 15, qui eux aussi interprè-
tent une loi, sont plutôt particuliers dans un docu
ment qui est censé se concentrer sur [TRADUC-
TION] «les faits essentiels sur lesquels se fonde la
partie qui plaide». Mais tout en reconnaissant une
fois de plus, sur le fondement de la Règle 412(2),
qu'ils ne peuvent pas être acceptés «comme rem-
plaçant un exposé des faits sur lesquels se fonde la
conséquence juridique», et qu'on ne doit en déduire
aucune allégation de fait, je ne vois aucun inconvé-
nient à laisser ces paragraphes dans la déclaration
modifiée.
Bien qu'il me semble que le paragraphe 16
allègue des faits qui peuvent se rapportér aux
questions constitutionnelles telles que l'application
de l'article 1 de la Charte, je ne vais pas le radier,
mais j'aurai davantage à dire là-dessus lorsque je
traiterai de la requête en détails.
4e requête—Dans cette autre requête, la défen-
deresse sollicite à titre subsidiaire, en vertu de la
Règle 415, une ordonnance enjoignant aux deman-
deurs de répondre à la demande de détails en date
du 22 mai 1986 qu'elle a signifiée aux deman-
deurs. Ceux-ci n'ont pas fourni les détails deman
dés. La défenderesse demande en outre qu'on lui
accorde un délai de 30 jours après qu'elle aura
reçu les détails en question pour déposer sa
défense.
Je ne vais pas ordonner que l'on fournisse les
détails mentionnés au paragraphe 1 de la
demande. Ceux-ci portent sur la connaissance que
les membres de la bande ont de l'action et sur leur
consentement à celle-ci. Pour les motifs invoqués
ci-dessus, je ne crois pas qu'il soit nécessaire pour
les demandeurs de préciser ces renseignements
dans leurs plaidoiries. Dans ce paragraphe, on
demande également des détails afin de savoir si
tous les membres des bandes demanderesses sont
des autochtones. La défenderesse dispose sûrement
de ces renseignements, et je doute qu'elle ait
besoin d'autres informations pour plaider. Elle
peut bien entendu demander d'autres détails à
l'interrogatoire préalable si elle peut prouver que
ces renseignements se rapportent aux plaidoiries.
Au paragraphe 2 de la demande, on cherche à
obtenir des détails plus amples et plus précis sur le
paragraphe 5 de la déclaration modifiée. J'ai déjà
radié la deuxième phrase du paragraphe 5, mais
j'ai autorisé les demandeurs à modifier ce paragra-
phe en remplaçant la deuxième phrase, si tel est
leur désir, par une allégation portant que la Cou-
ronne avait reconnu leurs bandes antérieurement à
la conclusion des traités 6, 7 et 8. Dans ce cas, ils
devraient alors préciser la nature, la forme et les
dates approximatives d'une telle reconnaissance.
Les détails demandés au paragraphe 3 de la
demande sont simplement vexatoires et ne se rap-
portent nullement aux questions litigieuses. Il ne
sera pas ordonné de les fournir.
Au paragraphe 4 de la demande, on cherche à
obtenir des détails sur les paragraphes 9 et 12 de la
déclaration modifiée. Pour ce qui est du paragra-
phe 9, j'ai déjà indiqué au sujet de la 3e requête
que si les demandeurs voulaient prouver l'existence
des droits ancestraux qui y sont mentionnés, ils
devaient alors fournir certains détails sur les insti
tutions et les pratiques des bandes dont ils ont
hérité et sur lesquelles ils peuvent se fonder pour
affirmer l'existence continue du droit ancestral de
chaque bande de décider de l'appartenance à ses
effectifs. Pour ce qui est du paragraphe 12 de la
déclaration, je ne vais pas enjoindre aux deman-
deurs de donner les détails demandés parce que, à
mon avis, il n'y est allégué qu'une proposition
mixte de droit et de fait quant à l'interprétation
des traités 6, 7 et 8. Pour prouver les allégations
faites au paragraphe 5 de la déclaration, les
demandeurs seront, bien entendu, tenus de démon-
trer qu'ils sont les successeurs des Indiens qui ont
signé ces traités.
En ce qui a trait au paragraphe 5 de la
demande, qui concerne le paragraphe . 11 de la
déclaration modifiée, j'ordonnerai aux demandeurs
de fournir des détails aux mêmes conditions que
celles que j'ai imposées à l'égard du paragraphe 9.
Autrement dit, si les demandeurs ne considèrent
pas ce paragraphe comme un simple exposé des
points de droit et s'en servent pour prouver les
pratiques et les institutions de leurs bandes relati
ves au contrôle de l'appartenance antérieurement à
la signature des traités 6, 7 et 8 respectivement, ils
devront alors fournir des détails sur ces institutions
et pratiques. A mon avis, ce paragraphe ne peut
être considéré comme pertinent aux fins de la
présente action que dans la mesure où il allègue les
droits de ces bandes et non des bandes indiennes en
général.
Quant au paragraphe 6 de la demande, qui
concerne le paragraphe 12 de la déclaration, j'ai
déjà traité de ce dernier et je n'ordonne pas aux
demandeurs de donner les détails qui s'y
rapportent.
Je ne leur ordonnerai pas non plus de fournir des
détails sur les lois applicables du Canada, requis
au paragraphe 7 de la demande. Il s'agit là de
questions de droit qui feront l'objet d'un débat. On
pourrait mettre en doute l'utilité du paragraphe 13
de la déclaration à cet égard, mais il donne au
moins une explication générale de la position des
demandeurs. Certes, il existe peut-être des cas où
une cour devrait ordonner de fournir des détails
sur les lois invoquées; mais je ne pense pas qu'en
l'espèce la défenderesse soit prise au dépourvu
pour ce qui est des dispositions législatives applica-
bles, surtout après l'audition des présentes
requêtes.
En ce qui a trait au paragraphe 8 de la
demande, par lequel la défenderesse cherche à
obtenir des détails sur la question de savoir
laquelle des bandes demanderesses, s'il en est, a
décidé de l'appartenance à ses effectifs, et des
détails sur tous règlements applicables qu'elle a
adoptés, il s'agit sûrement de renseignements dont
la défenderesse est déjà en possession, et il n'y a
pas lieu d'ordonner de donner des détails à cet
égard.
Au sujet du paragraphe 9 de la demande, qui
vise à obtenir d'autres détails sur le paragraphe 16
de la déclaration modifiée, il me semble que ce que
la défenderesse cherche à obtenir participe plus des
éléments de preuve que des faits. Je ne vois pas
comment l'absence de détails empêchera la défen-
deresse de répondre à ce paragraphe, et je ne vais
donc pas ordonner aux demandeurs de les fournir.
Il n'y a pas de doute que les allégations figurant au
paragraphe 16 de la déclaration modifiée peuvent
faire l'objet d'un long interrogatoire préalable.
Pour ce qui est du paragraphe 10 de la
demande, je n'ordonnerai pas que l'on fournisse les
détails demandés au sous-alinéa a) (i) puisque le
paragraphe 5 de la déclaration modifiée allègue
bien l'existence des bandes qui ont précédé les
bandes actuelles et que tout détail additionnel
requis vise davantage à rechercher des éléments de
preuve plutôt que des faits. Quant au sous-alinéa
a)(ii), la défenderesse doit certainement disposer
de renseignements suffisants pour plaider à cet
égard, et d'autres renseignements peuvent être
demandés à l'interrogatoire préalable. En ce qui a
trait à l'alinéa b), ce que la défenderesse cherche à
connaître est essentiellement un exposé des points
de droit et la preuve permettant aux demandeurs
de prouver la violation de leurs droits. Il ne sera
pas ordonné de donner des détails pour ces fins.
Puisque j'ordonne aux demandeurs de fournir
certains détails, je vais accorder à la défenderesse,
conformément à sa demande, un délai de 30 jours
pour qu'elle dépose sa défense, ce délai courant à
compter du jour de la réception des détails en
question.
Dépens—Bien que la défenderesse ait réussi,
dans une très faible mesure, à faire accueillir
certaines parties du redressement demandé dans la
3e et 4e requête, l'audience a porté principalement
sur la Ire et la 2e requête qui ont été rejetées. Ces
dernières étaient sans aucun doute plus fondamen-
tales et plus importantes. Il est donc ordonné à la
défenderesse de payer les dépens de la demande
tout entière.
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