T-1682-83
Continental Asphalte Inc. (demanderesse)
c.
La Reine (défenderesse)
RÉPERTORIÉ: CONTINENTAL ASPHALTE INC. c. R.
Division de première instance, juge Addy—Mont-
réal, 25 mars; Ottawa, 23 avril 1986.
Couronne — Contrats — Contrat à prix unitaire pour la
construction d'une route panoramique, de chemins d'accès et
de terrains de stationnement dans le parc national de la
Mauricie — Compensation réclamée pour des augmentations
du prix de l'asphalte à la suite de mesures fiscales fédérales et
provinciales qui ont entraîné des hausses du prix des produits
du pétrole — Rien dans le contrat ne prévoit une compensation
pour la hausse du prix des matériaux entre la date de soumis-
sion et l'exécution complète des travaux — Aucune entente
verbale quant à la modification des Conditions générales, les
représentants de la défenderesse n'ayant fait aucune promesse
et n'étant pas autorisés à le faire — Distinction à faire entre
les activités contractuelles et les activités législatives de la
défenderesse — Selon la théorie de l'«executive necessity», une
partie cocontractante n'est pas en droit d'être indemnisée du
préjudice subi du fait d'une mesure gouvernementale prise
pour réaliser des objectifs fondamentaux — La réclamation
n'étant pas fondée en droit, l'action est rejetée.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Nova Scotia Construction Co. v. The Quebec Streams
Commission, [1933] R.C.S. 220; Agence de Sécurité
Générale Inc. c. R., [1980] 2 C.F. 223 (1" inst.); William
Cory & Son Ld. v. London Corporation, [1951] 2 K.B.
476 (C.A.).
AVOCATS:
Guy Pagé pour la demanderesse.
André Bluteau et Michèle Joubert pour la
défenderesse.
PROCUREURS:
Chrétien, Deschênes, Pronovost et Pagé, Sha-
winigan (Québec), pour la demanderesse.
Le sous-procureur général du Canada pour la
défenderesse.
Voici les motifs du jugement rendus en français
par
LE JUGE ADDY: Il s'agit en l'occurrence d'une
réclamation en vertu d'un contrat à prix unitaire
pour la construction d'une route panoramique, de
chemins d'accès et de terrains de stationnements
pour une distance totale d'environ 50 kilomètres
dans le parc national de la Mauricie.
Le contrat prévoyait un montant total de
1 986 328,80 $ pour l'exécution des travaux devant
débuter le 16 mars 1980 pour se terminer le ou
vers le 16 octobre de la même année. Les travaux
énoncés dans le contrat ainsi que certains travaux
supplémentaires furent effectués de façon satisfai-
sante et la demanderesse a reçu le plein montant
exigé sauf pour une dépense additionnelle d'envi-
ron 50 744,43 $, somme qu'elle réclame à titre de
dédommagement pour des augmentations dans le
prix du bitume asphaltique occasionnées par cer-
taines décisions gouvernementales prises à l'épo-
que, concernant les produits pétroliers.
Le bitume asphaltique est l'un des composants
principaux du béton bitumineux avec lequel la
demanderesse s'était engagée à faire le pavage.
Quatre hausses du coût d'exploitation et d'acquisi-
tion du pétrole brut eurent lieu durant la période
d'exécution des travaux:
1. Le 1er avril 1980, le gouvernement fédéral
imposa une redevance de 15¢ le baril (ou environ
1,05 $ la tonne métrique) à chaque raffinerie.
Cette taxe devait servir à financer le développe-
ment du projet Syncrude dans l'ouest du Canada.
2. Le ler juillet 1980, le gouvernement fédéral
annula une subvention existante de 18¢ le baril (ou
environ 1,26 $ la tonne métrique) payable aux
raffineries à titre de compensation pour le coût
additionnel de livraison des produits pétroliers
dans l'est du Canada.
3. Le 18 juillet 1980, une redevance additionnelle
de 75¢ (ou environ 5,25 $ la tonne métrique) fut
imposée aux raffineries par le gouvernement fédé-
ral pour les mêmes fins que la taxe du 1er avril
1980.
4. Une entente intervenue par échange de corres-
pondance et modifiée de temps en temps égale-
ment par correspondance, existait depuis 1977
entre les gouvernements fédéral et de la province
de l'Alberta pour fixer le prix du pétrole brut à la
tête du puit. La dernière augmentation imposée
conformément à cette entente eu lieu le ler mars
1980, c'est-à-dire avant la soumission par la
demanderesse. La convention entre les deux gou-
versements se termina le 30 juin 1980 et ne fut pas
renouvelée. En vue de l'impossibilité de s'entendre
sur une formule de contrôle, le gouvernement de
l'Alberta décida unilatéralement le ler août 1980
d'imposer une taxe de 2 $ le baril (ou environ 14 $
la tonne métrique) à la tête du puit. Il était loisible
aux producteurs, à compter du 30 septembre 1980
de se faire rembourser cette redevance par les
acheteurs.
Les troix taxes ou redevances ci-haut mention-
nées portaient directement sur le pétrole brut et
non sur les dérivés du pétrole tel que le bitume
asphaltique. Cependant, ces augmentations du
coût du pétrole brut entraînèrent nécessairement
des augmentations dans les prix que la demande-
resse se trouvait dans l'obligation de payer à ses
fournisseurs de bitume asphaltique. Elle allègue
que ces augmentations représentent un montant
global de 50 000 $ faisant l'objet de la présente
réclamation. Cette dernière est fondée sur les con
ditions mêmes du contrat à prix unitaire (pièce
P-1) intervenu entre les parties et sur certaines
affirmations par des représentants de la défende-
resse que l'on retrouve dans les procès-verbaux de
la 4 e et de la 5 e réunion de chantier, déposés à
l'audition comme pièce P-7. Ces deux réunions
eurent lieu le 16 septembre et le ler octobre 1980.
La demanderesse s'en remet aux dispositions
suivantes du contrat:
Article II
2(d) Lorsque l'Ingénieur et l'Entrepreneur ne s'entendent pas,
ainsi qu'il est prévu aux alinéas b), c) et d) du présent Article,
l'Ingénieur doit déterminer la catégorie et l'unité de mesurage
de travail, de l'outillage et des matériaux en question, le prix
unitaire en étant établi en conformité de l'article 46 des Condi
tions générales.
Conditions générales, 46(1)a) et 46(2)c):
46.(1) Si le mode d'établissement prévu à l'article 44 des
Conditions générales ne peut être utilisé, et si l'Entrepreneur et
l'Ingénieur ne peuvent s'entendre, ainsi qu'il est prévu à l'article
45 des Conditions générales, le coût du travail, de l'outillage ou
des matériaux, aux fins des articles 12, 18, 37, 38 et 39 des
Conditions générales, est égal à l'ensemble des montants
suivants:
a) tous montants justes et raisonnables effectivement dépen-
sés ou légalement payables par l'Entrepreneur à l'égard du
travail, de l'outillage ou des matériaux relevant d'une des
catégories de dépenses prévues au paragraphe (2) (repré-
sentant les frais directement attribuables à l'exécution des
travaux et non les frais à l'égard desquels est versée
l'indemnité prévue à l'alinéa b));
(2) les catégories de dépenses admissibles sont:
c) les paiements se rapportant aux matériaux nécessaires et
incorporés aux travaux, ou nécessaires à l'exécution des
travaux et consommés à cette fin;
Il est clair que les articles 12, 18, 37, 38 et 39
des Conditions générales dont il est fait mention
dans le paragraphe 46(1), cité plus haut, ne sont
pas applicables en l'occurence.
Je ne trouve dans les dispositions citées aucune
obligation contractuelle de la part de la défende-
resse de compenser la demanderesse pour des
hausses dans le prix des matériaux entre la date de
la soumission et de l'exécution complète des
travaux.
D'autre part, la défenderesse s'en remet aux
dispositions suivantes du même contrat:
26.(1) Le montant payable à l'Entrepreneur en vertu du contrat
ne sera pas augmenté ni diminué en raison d'une augmentation
ou d'une diminution du coût des travaux résultant d'une aug
mentation ou d'une diminution du coût de l'outillage, du travail
ou des matériaux ou des échelles de salaire énoncées ou prescri-
tes dans les Conditions de travail.
(2) Nonobstant l'article 12 et le premier paragraphe du présent
article, le montant énoncé à l'article II des Articles de Conven
tion devra faire l'objet d'un redressement, de la manière prévue
au paragraphe (3), en cas de changement quelconque dans tout
impôt établi en vertu de la Loi sur l'accise, de la Loi sur la taxe
d'accise, de la Loi sur la sécurité de la vieillesse, de la Loi sur
les douanes ou du Tarif des douanes.
a) survenant après la date à laquelle l'Entrepreneur a pré-
senté une soumission à l'égard de l'entreprise, et
b) s'appliquant aux matériaux incorporés ou devant être
incorporés dans l'ouvrage et influant sur le coût de tels
matériaux pour l'Entrepreneur.
Le paragraphe 26(1) semble déclarer de façon
claire et précise qu'aucune augmentation dans le
coût des matériaux ne peut affecter le montant
fixé par le contrat lors de la signature par les
parties. Les exceptions au paragraphe 26(1) dont il
est fait mention au paragraphe 26(2) sont égale-
ment bien claires et précises: il n'est nullement
question d'une augmentation pour une taxe ou
redevance imposée par le ministère de l'Énergie,
des Mines et des Ressources pour le projet Syn-
crude ni d'une taxe ou redevance imposée par le
gouvernement de l'Alberta. Bien au contraire, s'il
pouvait exister un doute au sujet de l'interpréta-
tion du paragraphe 26(1), ce doute serait irréfuta-
blement écarté en examinant le paragraphe 26(2)
à la lumière du principe expressio unius est exclu-
sio alterius: ce ne sont que les augmentations
d'impôt établies en vertu des cinq lois bien précises
énumérées dans ledit article qui peuvent autoriser
un redressement du montant payable. Il serait utile
de répéter ici que l'article 12 n'a aucune applica
tion en l'occurrence puisque cet article ne s'adresse
qu'à des changements de condition de sol et à une
négligence ou un retard de la part de Sa Majesté
de se conformer aux obligations contractuelles.
Les extraits des procès-verbaux des réunions de
chantier sur lesquels la demanderesse fonde sa
réclamation sont les suivants:
Réunion du 16 septembre 1980:
4.7 Augmentation du prix du bitume
M. Morneau remet une copie de la lettre de la Compagnie Esso
décrétant une augmentation du prix du bitume à compter du 12
juillet 1980. Cette augmentation entraîne des déboursés addi-
tionnels de l'ordre de $20,000 pour l'entrepreneur. De même
une autre augmentation est prévue pour le 30 septembre. Il
demande que le contrat soit ajusté en conséquence.
M. Gohier mentionne que l'entrepreneur peut présenter une
réclamation à la fin du contrat, lorsque les coûts seront connus
et définitifs. La réclamation sera alors analysée à sa juste
valeur.
M. Morneau avise le Ministère qu'une réclamation en ce sens
sera effectivement présentée à la fin du contrat.
Réunion du 1" octobre 1980:
5.3 Augmentation du prix du bitume
M. Morneau mentionne qu'ils ont été informés, aujourd'hui-
même, d'une augmentation de l'ordre de $16.00/tonne du prix
du bitume.
Cette augmentation sera traitée selon la procédure établie lors
de la dernière réunion (article 4.7).
Les extraits ci-haut mentionnés ne constituent
pas, à mon avis, une promesse ou un engagement
de la part de la défenderesse de payer le surplus de
coût occasionné par l'augmentation du prix du
bitume asphaltique. Les représentants de la défen-
deresse aux assemblées de chantier ont tout sim-
plement déclaré que la décision serait remise à une
date ultérieure. De plus, ni l'ingénieur en charge
du projet ni les autres représentants de la défende-
resse ne possédaient l'autorisation de varier les
conditions générales ou les termes de rembourse-
ment du contrat principal par des affirmations lors
des réunions de chantier. Quant aux travaux sup-
plémentaires pour lesquels le montant réclamé se
chiffre à environ 5 000 $, le président de la deman-
deresse a témoigné que s'il n'avait pas cru pouvoir
être remboursé pour l'augmentation de prix il
n'aurait pas accepté de les exécuter. J'accepte ce
témoignage mais je demeure convaincu que c'était
grâce au fait qu'il croyait avoir droit au rembour-
sement du coût de l'augmentation de taxes pour
tout le travail exécuté en vertu du contrat et non
parce qu'une promesse de remboursement lui
aurait été communiquée par les employés de la
défendresse avant qu'il eut accepté d'exécuter le
travail supplémentaire. Il est possible qu'une telle
promesse, si elle avait eu lieu, aurait pu affecter la
compensation payable pour les travaux supplémen-
taires que la demanderesse n'était pas dans l'obli-
gation d'exécuter, mais non les travaux qu'elle
s'était déjà engagée à compléter pour un prix
déterminé, selon les dispositions du contrat.
Le contrat établit la loi entre les parties. Le juge
Cannon de la Cour suprême du Canada dans la
cause Nova Scotia Construction Co. v. The
Quebec Streams Commission, [1933] R.C.S. 220
approuva la remarque suivante du juge Lafon-
taine, juge en chef de la province de Québec, à la
page 225 du rapport précité:
un principe primordial doit dominer tout le litige. C'est celui
de la sécurité des contrats que les tribunaux ont pour mission de
maintenir, et non pas de refaire pour venir en aide à un
contractant malheureux.
Je me permets de citer également le juge Mar-
ceau dans la cause Agence de Sécurité Générale
Inc. c. R., [1980] 2 C.F. 223 (i re inst.). Dans cette
cause, la demanderesse réclamait une compensa
tion additionnelle due à une hausse des salaires
minimums qu'elle devait payer à ses employés pour
exécuter le contrat. Une compensation similaire lui
avait été accordée à deux reprises auparavant par
voie d'accords complémentaires. Nonobstant ceci
le tribunal affirma le droit de la défenderesse de
s'en remettre aux termes strictes du contrat. Le
juge Marceau déclara à la page 231 de l'arrêt:
A mon avis, la position de la défenderesse est en droit
inattaquable. Il y a un contrat; ses termes sont clairs et n'ont
pas été subséquemment modifiés ni expressément ni tacitement.
Les clauses et conditions qu'il contient, aussi rigoureuses qu'el-
les soient, restent «la loi des parties». La demanderesse n'avait
pas droit de réclamer le remboursement des coûts de main-
d'o✓uvre par-delà les montants maximums annuels prévus. Son
action n'est pas fondée.
Le procureur de la demanderesse plaida que le
tribunal ne devait permettre à l'une des parties au
contrat de s'enrichir par le truchement d'une
modification unilatérale du coût des matériaux et
d'obliger la demanderesse à subir une perte non
convenue. Ce principe, bien entendu, ne pourrait
de toute façon être invoqué à l'égard de la dernière
augmentation de taxe puisque celle-ci fut imposée
unilatéralement par la province de l'Alberta et non
par la défenderesse ou de concert avec elle.
Dans le cas des deux taxes imposées par la
défenderesse ainsi que de l'annulation de la sub-
vention de transport pour les produits pétroliers, il
faut distinguer les activités contractuelles et les
activités gouvernementales, législatives ou d'ordre
publique de la défenderesse. La cause William
Cory & Son Ld. v. London Corporation, [1951] 2
K.B. 476 (C.A.), illustre bien ce principe. La
défenderesse, London Corporation, constituée cor
poration sanitaire publique en vertu d'une loi du
Royaume-Uni intitulée Public Health (London)
Act, 1936 [26 Geo. 5 & 1 Edw. 8, chap. 50]
engagea pour une rémunération fixe les services de
la demanderesse pour une période de 21 ans, pour
l'enlèvement d'ordures et de déchets d'un quai.
Lors de la signature du contrat, certains règle-
ments d'ordre publique étaient en vigueur pouvant
en affecter l'exécution.
La défenderesse qui jouissait du pouvoir
d'amender ces règlements pour des fins de santé
publique statua par la suite certaines modifications
qu'elle jugea nécessaires. Ces modifications ren-
daient beaucoup plus difficile et onéreux pour la
demanderesse l'exercice de ses obligations contrac-
tuelles au point qu'elle devait subir des pertes
économiques. Elle répudia le contrat et pria le
tribunal de le déclarer résilier puisqu'il devenait
tout à fait impraticable au point de vue commer
cial. La Cour du Banc du Roi rejeta la demande et
cette décision fut unanimement maintenue en
appel. Lord Asquith of Bishopstone s'exprima en
ces termes à la page 486 du rapport précité:
[TRADUCTION] En l'espèce, la corporation joue un double
rôle bien que, dans les deux cas, il s'agisse d'un organisme
sanitaire ou de santé et non pas d'un organisme à but lucratif.
En tant qu'organisme sanitaire au service de la ville, elle doit
engager des entrepreneurs, et c'est en cette qualité qu'elle a
conclu un contrat avec les demandeurs. A titre d'organisme de
santé au service du port de Londres, elle est chargée de prendre
des règlements pour prévenir des dommages provenant notam-
ment de la poussière, de cendres, de détritus etc. dans le port.
Elle n'est une société commerciale ni en sa première qualité ni
en sa seconde qualité (qui nous intéresse directement). On lui
confie la tâche de prendre des règlements pour améliorer la
santé publique, surtout en s'occupant des ordures; et les consi-
dérations jugées pertinentes dans l'affaire Southport, [1925]
Ch. 794, (dans la mesure où cette décision a jeté le doute dans
l'affaire York, [1924] Ch. 557) ne s'appliquent nullement en
l'espèce. Dans ce contexte, il semble que la condition implicite
invoquée imposerait une entrave injustifiable à la corporation
dans l'exercice de ses obligations légales prévues à l'art. 84, al.
la), de la Public Health (London) Act de 1936.
Ce principe, à mon avis, s'applique en l'occurrence.
La distinction entre des actes contractuels d'un
État et des actes dits «of government authority» a
force de loi au Canada non seulement dans les
provinces de common law mais aussi dans la pro
vince du Québec. Je me permets de citer à cet
égard certains extraits d'un texte publié en 1981
par le Professeur Pierre Lemieux intitulé Les Con-
trats de l'Administration fédérale provinciale et
municipale.
Page 338
La jurisprudence canadienne et québécoise, analysant le
contrat d'une autorité publique comme un contrat de droit
commun, n'a pas établi un droit pour le cocontractant à être
indemnisé du préjudice qu'il subit du fait de l'Administration
ou bien de faits extérieurs, anormaux et imprévisibles.
Page 354
Au contraire de la théorie française de la modification
unilatérale du contrat, qui trouve son fondement dans les
exigences du service public pour une meilleure protection de
l'intérêt général, la théorie de l'executive necessity repose sur
cette idée de Puissance publique. Elle permet simplement aux
autorités publiques de réaliser les objectifs fondamentaux en
vue desquels elles ont été créées, même si ce faisant elles
affectent les droits contractuels que les particuliers ont acquis à
leur égard. Un contrat peut aussi être résilié d'office par le
législateur. Il résulte alors que le marché est modifié de plein
droit ... «et cela indépendamment de la volonté des parties
puisque c'est le fait du prince».
Se pose alors la question de l'indemnisation des individus
lésés par l'exercice de ce pouvoir exorbitant.
Dans les droits anglais et canadien, au contraire de la
France, le particulier contractant face à pareille situation, n'a à
l'heure actuelle aucun recours contre l'autorité publique.
Aucune règle n'impose dans ce cas de maintenir le contrat à des
conditions qui en respectent l'équilibre financier, ou bien, si le
contrat ne peut être maintenu sous quelque forme que ce soit,
d'indemniser l'autre partie.
Page 366
En définitive, s'il faut s'en rapporter à la jurisprudence
ancienne et actuelle, le cocontractant qui au cours des travaux
se voit en présence d'aléas naturels, économiques ou adminis-
tratifs entraînant une modification substantielle de ses obliga
tions, n'a comme alternative que de faire connaître le plus tôt
possible cette situation à l'Administration avec l'espoir de
renégocier une nouvelle convention et tenter alors d'obtenir une
compensation adéquate. Sinon une situation financière catas-
trophique guette le cocontractant. Dans certains cas, ce sera la
faillite.
Page 366
Le vrai et le seul recours que le particulier possède est de
tenter d'obtenir de l'Administration une compensation sur la
base de l'enrichissement sans cause ou bien un paiement ex
gratta.
Il faut donc conclure que la présente réclama-
tion n'a aucune fondation en droit. Elle est rejetée
avec dépens.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.