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T-831-85
Adelbert Wayne MacKinnon et Jonathan & Amy Fisheries Limited (demandeurs)
c.
La Reine du chef du Canada représentée par le ministère des Pêches et des Océans et ministre des Pêches et des Océans (défendeurs)
RÉPERTORIÉ: MACKINNON C. CANADA (PÉCHES ET OCÉANS)
Division de première instance, juge Martin—Hali- fax, 24 au 28 mars; Ottawa, 19 septembre 1986.
Pêches Le Plan de gestion sectorielle limite les zones géographiques peuvent aller les bateaux de pêche de moins de 65 pieds Le Plan divise la côte atlantique en trois secteurs de pêche Il prévoit que les bateaux qui pêchent traditionnellement dans plus d'un secteur peuvent traverser ces différents secteurs pour exercer leurs activités Le permis de pêche à la palangre délivré au demandeur lui permettait de pêcher dans le secteur Scotia -Fundy seulement Le deman- deur a présumé que son permis lui permettrait de pêcher n'importe sur la côte atlantique Le Parlement était habilité à adopter les restrictions apportées Le pouvoir du Parlement de réglementer les pêches comprend le droit d'éta- blir les zones il est possible de pêcher Une fois qu'il est établi que le Parlement a le pouvoir législatif de réglementer, les motifs qui ont poussé le Parlement à agir ne sont pas pertinents Action rejetée Loi constitutionnelle de 1867, 30 & 31 Vict., chap. 3 (R.-U.) [S.R.C. 1970, Appendice II, SJ (mod. par la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.), annexe de la Loi constitutionnelle de 1982, 1), art. 91(12), 92 Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.), art. 52(1) Loi sur les pêcheries, S.R.C. 1970, chap. F-14.
Droit constitutionnel Charte des droits Droits à l'égalité Le Plan de gestion sectorielle du ministère des Pêches limite les zones géographiques peuvent aller les bateaux de pêche de moins de 65 pieds Le demandeur prétend qu'il a subi une discrimination parce qu'il lui est interdit de pêcher sauf dans la zone de son port d'attache Les restrictions imposées se rattachent logiquement à un but valable du gouvernement fédéral La politique suivie n'est pas imposée à quelques pêcheurs Le Plan fait partie de la politique globale de gestion et de contrôle des pêches destinée à assurer la conservation des poissons ainsi qu'une pêche rentable L'absence d'une telle politique entraînerait des effets économiques défavorables ainsi qu'un déséquilibre dans les stocks de poissons Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.), art. 1, 15(1).
Droit constitutionnel Charte des droits Liberté de circulation et d'établissement Le Plan de gestion sectorielle divise la côte atlantique en trois secteurs de pêche Le permis de pêche délivré au demandeur lui permettait de pêcher dans le secteur Scotia -Fundy seulement Le Plan contre-
vient-il à l'art. 6(2)b) parce qu'il empêche le demandeur de quitter sa province de résidence, la Nouvelle-Écosse, pour travailler à Terre-Neuve? La province de résidence importe peu Les restrictions s'appliquent au demandeur parce qu'il est propriétaire d'un palangrier de moins de 65 pieds qui ne pêche traditionnellement pas dans plus d'un secteur Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.), art. 6(2)a),b).
Pour ce qui est des faits de l'espèce, veuillez consulter la Note de l'arrêtiste ci-après.
Jugement: l'action est rejetée.
La prétention du demandeur, selon laquelle les limites impo sées à son permis étaient inconstitutionnelles, n'était pas fondée. Le pouvoir du Parlement de réglementer les pêches a été confirmé depuis 1898. Ce pouvoir comprend le droit de fixer les périodes pendant lesquelles on peut pêcher et les moyens utilisés pour attraper le poisson. Il comprend également le droit d'établir les zones les pêcheurs peuvent ou ne peuvent pas pêcher.
Les motifs qui ont amené le Parlement à formuler les règle- ments concernant les pêches ne constituent pas un facteur dont il faut tenir compte en l'espèce. Une fois établi que le Parle- ment a le pouvoir législatif de réglementer un domaine particu- lier du droit, il n'appartient pas aux tribunaux, lorsqu'ils exami- nent les pouvoirs conférés au Parlement par le paragraphe 91(12) de la Loi constitutionnelle de 1867, de mettre en cause les motifs du Parlement ou la sagesse de la législation.
Il n'était pas possible de donner raison au demandeur dans sa contestation du Plan de gestion sectorielle, fondée sur le para- graphe 15(1) de la Charte. Le demandeur a prétendu qu'il a été victime de discrimination en ce que le Plan lui interdit de pêcher le poisson de fond, sauf dans le secteur de son port d'attache. On a invoqué le critère à deux volets énoncé dans l'affaire Smith, Kline, une décision de cette Cour, pour déter- miner si une distinction d'origine législative créait une discrimi nation: la Cour a dit que «d'une part, la fin recherchée doit faire partie de celles qu'il est, d'une façon générale, légitime pour un gouvernement de rechercher et, d'autre part, les moyens utilisés doivent se rapporter, d'une manière rationnelle, à la réalisation de cette fin». Le Plan de gestion sectorielle n'était pas une politique imposée à quelques pêcheurs. Il faisait partie d'une politique globale portant sur la gestion et le contrôle des pêches canadiennes dans la région de l'Atlantique de façon à assurer la conservation des poissons ainsi qu'une pêche rentable aux propriétaires et exploitants des bateaux qui servent à cette pêche. Si on permettait aux bateaux de pêche qui ont moins de 65 pieds et qui sont plus efficaces de pêcher dans des zones éloignées de leurs ports d'attache, cela entraîne- rait probablement des effets économiques défavorables pour les exploitants des autres bateaux et flottilles et causerait un déséquilibre dans les quotas de stocks de poissons qui ont été répartis de façon très prudente. Les restrictions imposées se rattachaient logiquement à un but valable du gouvernement fédéral. Elles n'étaient ni arbitraires ni fantaisistes: elles résul- taient de l'avis d'experts et de consultations approfondies.
Le demandeur a également contesté le Plan pour le motif qu'il contrevenait à l'alinéa 6(2)b) de la Charte. Il a affirmé que le Plan l'empêchait de quitter sa province de résidence, la Nouvelle-Écosse, pour travailler dans la province de Terre-
Neuve. L'alinéa 6(2)b) protège le droit des citoyens et des résidents permanents de gagner leur vie dans la province de leur choix, même s'ils n'en sont pas résidents. Cet argument devait être rejeté. On n'a pas empêché le demandeur de pêcher le poisson de fond à Terre-Neuve parce qu'il était résident de la Nouvelle-Écosse, mais parce qu'il était propriétaire d'un palan- grier de moins de 65 pieds qui n'était jamais allé dans le secteur de Terre-Neuve auparavant. Cette restriction s'appliquait non seulement aux pêcheurs qui avaient pêché uniquement dans le secteur Scotia -Fundy et qui étaient résidents de la Nouvelle- Écosse mais à n'importe quel pêcheur qui avait pêché exclusive- ment dans un seul secteur. Le Plan constituait un plan d'appli- cation générale qui ne créait aucune discrimination à l'égard du demandeur en raison de sa province de résidence.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS EXAMINÉES:
Fishing Vessel Owners Association of British Columbia c. Procureur général du Canada, T-1356-84, Division de première instance de la Cour fédérale, jugement en date du 13 juillet 1984, non publié; infirmé par [1985] 1 C.F. 791 (C.A.); Gulf Trollers Association c. Ministre des Pêches et Océans, [1984] 2 C.F. 398; [1984] 6 W.W.R. 220 (1" inst.); Attorney -General for the Dominion of Canada v. Attorneys -General for the Provinces of Onta- rio, Quebec, and Nova Scotia, [1898] A.C. 700 (P.C.); Smith, Kline & French Laboratories Limited c. Procu- reur général du Canada, [1986] 1 C.F. 274; Attorney - General for Canada v. Attorney General for Quebec, [1921] 1 A.C. 413 (P.C.).
DÉCISIONS CITÉES:
Attorney -General for Canada v. Attorney -General for British Columbia, [1930] A.C. I 1 1 (P.C.); B.C. Packers Ltd. c. Le Conseil canadien des relations du travail, [1976] 1 C.F. 375 (C.A.); Fowler c. La Reine, [1980] 2 R.C.S. 213; The Queen v. Robertson (1882), 6 R.C.S. 52.
AVOCATS:
S. Clifford Hood pour les demandeurs. A. R. Pringle pour les défendeurs.
PROCUREURS:
Hood & Associates, Yarmouth (Nouvelle- Écosse), pour les demandeurs.
Le sous-procureur général du Canada pour les défendeurs.
NOTE DE L'ARRÊTISTE
En choisissant le présent jugement pour fins de publication, le directeur général a jugé bon de condenser les 29 pages des motifs de jugement de Sa Seigneurie.
Le demandeur cherche à faire condamner la Couronne à lui verser des dommages-intérêts pour des motifs subsidiaires. Il a d'abord allégué qu'il y avait eu rupture de contrat parce que la Couronne a refusé, contrairement à son engage ment, de lui délivrer un permis de pêche à la palangre qui lui aurait permis de pêcher dans toutes les zones territoriales de la côte atlantique. Subsidiairement, le demandeur a prétendu qu'il a agi à son propre détriment en se fiant à une fausse déclaration suivant laquelle il serait pro- tégé dans le cas de l'arrêt de la délivrance de permis de pêche au cours de la construction d'un nouveau bateau de pêche. Le demandeur réclame en outre des dommages-intérêts pour la saisie injustifiée de son bateau de pêche et pour l'interdiction illégale qui lui a été faite de pêcher.
Les allégations qui précèdent n'étaient pas fon- dées. Même si le ministère des Pêches et des Océans s'était engagé à délivrer un permis, il n'avait pas précisé pour quelle zone géographi- que ledit permis serait valable. Une nouvelle politi- que de délivrance des permis de pêche, appelée le Plan de gestion sectorielle, a été adoptée dans l'intervalle écoulé entre la date de la lettre d'en- gagement et la fin de la construction du bateau de pêche du demandeur. Cette nouvelle politique imposait, pour la première fois, des limitations géographiques pour les détenteurs de permis de pêche à la palangre. Le permis accordé au demandeur lui permettait de pêcher dans le sec- teur Scotia -Fundy seulement. Le demandeur ne pouvait se plaindre étant donné qu'aucun repré- sentant du gouvernement ne lui avait donné de garantie quant au secteur dans lequel il lui serait permis de pêcher et il a été traité de la même manière que tous les autres pêcheurs à la palan- gre qui ont reçu un permis en 1982. L'allégation suivant laquelle on a interdit à tort au demandeur de pêcher devait être rejetée vu qu'elle n'était confirmée par aucune preuve. Aucune preuve n'a également été produite à l'appui de la réclamation du demandeur relative à la saisie injustifiée de son bateau. Le bateau du demandeur a été accosté par des agents des Pêches pendant qu'il pêchait au large des côtes de Terre-Neuve, sec- teur qui n'était pas visé par son permis. L'avocat n'a présenté aucun argument pour appuyer l'allé- gation suivant laquelle la saisie était illégale.
Cela ne réglait toutefois pas l'affaire car le demandeur a présenté les demandes plus géné- rales que voici: (1) le pouvoir de réglementation du fédéral sur les pêches ne s'étend pas à la mise en application du Plan de gestion sectorielle de la pêche à la palangre; (2) même si un tel pouvoir existe, la législation existante n'autorise pas son exercice; (3) même si ce pouvoir existe et que son exercice a été autorisé par le Parle- ment, le Plan est nul compte tenu de l'alinéa 6(2)b) et du paragraphe 15(1) de la Charte. Les arguments du demandeur sont présentés sous forme d'une alternative: ou bien on a porté atteinte à sa liberté de circulation et d'établisse- ment en ne lui permettant pas de pêcher au large des côtes de Terre-Neuve, ou bien on ne l'a pas traité de manière égale et il a été victime de discrimination en raison de son lieu de résidence. Le demandeur cherchait à obtenir un bref de prohibition contre la mise en application du Plan de gestion sectorielle, un certiorari annulant les restrictions apportées à son permis de pêche et un mandamus ordonnant la tenue d'une audition avant le maintien des restrictions imposées à l'égard de son permis de pêche.
Les défendeurs ont présenté des éléments de preuve tendant à montrer que le Plan de gestion sectorielle a été mis sur pied pour le bénéfice des petits bateaux ou des petites flottilles de pêche côtière dans les zones locales. Auparavant, la flottille de pêche côtière, c'est-à-dire les bateaux de moins de 65 pieds, limitait ses activités à proximité de ses ports d'attache. Mais en 1979, les représentants du ministère des Pêches se sont inquiétés du fait qu'avec l'amélioration des bateaux et des équipements, la flottille de pêche côtière se déplacerait plus facilement et que cette mobilité se ferait au détriment des plus petits bateaux de pêche. On a affirmé que moins de 5 des bateaux de moins de 65 pieds de long traver- sent les limites des secteurs proposés pour exer- cer leurs activités. La politique contenait des dis positions pour les bateaux qui pêchent traditionnellement dans plus d'un secteur. Le demandeur prétend que la division entre les sec- teurs Scotia -Fundy et Terre-Neuve est en réalité une division politique établie pour protéger les pêcheurs de Terre-Neuve au détriment de leurs confrères de la Nouvelle-Écosse. Les défendeurs
ont toutefois cité des témoins dont les déposi- tions indiquaient que les divisions ont été conçues pour assurer une meilleure gestion des stocks de poisson et on a souligné que la prétention suivant laquelle le Plan visait à établir des stocks provin- ciaux était contredite par le fait que le secteur du Golfe était réparti entre quatre provinces.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE MARTIN: L'argument de l'abus de pouvoir est essentiellement ceci: le Plan de gestion sectorielle, portant sur la réglementation des pêches dans l'intérêt des pêcheurs qui résident dans des provinces distinctes d'une part et des catégories distinctes de pêcheurs d'autre part, ne relève pas du pouvoir du Parlement de réglementer les pêches, compétence dont on prétend qu'elle est limitée aux lois relatives à la conservation et à la protection des stocks de poisson et aux lois qui sont nécessairement reliées à ce but.
À cet égard, on affirme que même si le Plan de gestion sectorielle a pour objet la conservation du poisson, il porte avant tout, et à tort, sur la situa tion économique et sociale des pêcheurs. Comme le but valide ne peut être distingué du but invalide, il est prétendu que tout le Plan doit être déclaré ultra vires.
Le demandeur affirme que ses prétentions sont fondées sur les décisions du juge Collier de la présente Cour dans Fishing Vessel Owners Asso ciation of British Columbia c. Procureur général du Canada (non publiée), du 13 juillet 1984, T-1356-84 et Gulf Trollers Association c. Minis- tre des Pêches et Océans, [1984] 2 C.F. 398; [1984] 6 W.W.R. 220 (ire inst.).
Dans la première affaire, le juge Collier a jugé que les projets de plans fédéraux relatifs aux pêches de la côte pacifique, visant à détourner une grande partie des prises autorisées de saumon en faveur des bateaux de pêche aux filets maillants, n'étaient fondés sur aucun motif de protection ou de conservation, mais uniquement sur des facteurs socio-économiques afin de s'assurer qu'une grande partie de la pêche du saumon aille aux pêcheurs qui utilisent des filets maillants; ces plans consti- tuaient donc un abus de pouvoirs de la part du Parlement, lesquels devaient se limiter à une légis-
lation relative à la protection et la conservation et à une législation pour la gestion et le contrôle des pêches nécessairement reliée à cette protection.
Dans la deuxième affaire du même genre, le juge Collier a statué qu'un plan pour la répartition des stocks de saumon entre les pêcheurs à la traîne et les amateurs de pêche, ayant été motivé en partie par des facteurs socio-économiques, consti- tuait un abus des pouvoirs constitutionnels et devait donc être rejeté.
La première décision portait sur une demande d'injonction interlocutoire qui a été accordée par le juge Collier, mais qui a été annulée par la Cour d'appel fédérale [[1985] 1 C.F. 791] pour des motifs qui ne se rapportaient pas à la validité de la législation.
La deuxième décision portait sur une demande de certiorari qui a été accueillie par le juge Collier et qui a fait ensuite l'objet d'un appel, lequel n'a pas encore été tranché*.
Dans son plaidoyer, le demandeur déclare que les motifs de conservation et autres considérations se retrouvent dans la politique de gestion secto- rielle et que dans la mesure des considérations d'ordre socio-économique entrent en jeu, elles ne sont pas forcément distinctes. Cependant, la dépo- sition des témoins experts recueillie par l'avocat des défendeurs est tout à fait précise. Non seule- ment des considérations d'ordre social et économi- que entrent dans la réglementation des pêches mais
[TRADUCTION] Il faut tenir compte de considérations d'ordre social et économique dans l'utilisation des ressources naturelles. (Hanson, pièce 48, par. 17.)
et
[TRADUCTION] À mon avis, si le Ministère était forcé d'exclure toutes les considérations d'ordre socio-économique de la gestion des pêches, cela gênerait gravement son pouvoir de gérer et de contrôler les pêches. (MacDonald, pièce 49, par. 24.)
Je n'accepte pas la prétention du demandeur selon laquelle sont inacceptables les considérations ou les motifs d'ordre social et économique qui entrent dans la formulation et l'adoption de règle- ments sur les pêches. Les motifs ne sont pas perti- nents quand il s'agit d'établir la constitutionnalité
* Note de l'arrêtiste: Le jugement a été rendu par la Cour d'appel (A-1076-84) le 3 novembre 1986.
des dispositions contestées de la Loi sur les pêche- ries et du Règlement d'application. Une fois établi que le Parlement a le pouvoir législatif de régle- menter un domaine particulier, il n'incombe pas aux tribunaux, lorsqu'ils examinent les pouvoirs du Parlement selon le paragraphe 91(12) [de la Loi constitutionnelle de 1867, 30 & 31 Vict., chap. 3 (R.-U.) [S.R.C. 1970, Appendice II, 5] (mod. par la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.), annexe de la Loi constitutionnelle de 1982, 1)], de mettre en cause les motifs du Parlement ou la sagesse de la législation.
En l'espèce, on ne retrouve nulle part la préten- tion que les conditions restrictives contestées relè- vent de la compétence d'une assemblée législative en matière de droits de propriété et de droits civils de la province ou en vertu de l'article 92. Aucun argument n'a été présenté, ni ne pourrait l'être, portant que les conditions restrictives ne se rappor- taient pas aux pêches. Le seul argument présenté portait que les restrictions étaient invalides parce que des motifs sociaux et économiques sont à leur origine.
En l'espèce, les défendeurs n'ont pas à prouver la validité des conditions restrictives au motif qu'elles sont forcément reliées à la préservation ou à la conservation des stocks de poisson parce que ces conditions relèvent à juste titre de la compé- tence législative d'une province. Il n'est même pas prétendu que les législatures sont compétentes pour imposer de telles restrictions.
Le pouvoir du Parlement de réglementer les pêches a déjà été confirmé. Dans l'affaire Attor- ney -General for the Dominion of Canada v. Attorneys -General for the Provinces of Ontario, Quebec, and Nova Scotia, [1898] A.C. 700 (P.C.), lord Herschell, qui fait la distinction en matière de pêches entre le pouvoir réglementaire et les droits de propriété, a conclu à la page 714 comme suit: [TRADUCTION] Le règlement portant sur la manière dont la pêche doit être faite relève incontestablement de la compétence du Parlement du Dominion.
et à la page 716:
[TRADUCTION] ... de l'avis de Leurs Honneurs, toutes les restrictions ou limites par lesquelles on vise à limiter ou à contrôler les droits publics de pêche ne peuvent relever que de la compétence du Dominion ...
Dans l'affaire Attorney -General for Canada v. Attorney General for Quebec, [1921] 1 A.C. 413
(P.C.), à la page 420, le vicomte Haldane a cité la décision susmentionnée et fait les commentaires suivants:
[TRADUCTION] L'art. 91 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique a donné au Dominion compétence législative exclu sive en matière de pêches côtière et intérieures. Ce pouvoir de légiférer était si vaste qu'il pouvait s'étendre à ce qui serait pratiquement la modification de la nature du titre de propriété d'une province, et il n'était pas possible de limiter à priori en termes abstraits ce pouvoir législatif. Tout ce que lord Hers- chell pouvait dire en rendant son jugement au nom de Leurs Honneurs était que si le Dominion devait conférer à d'autres les droits de propriété que lui-même ne possédait pas, cela dépasse- rait son propre pouvoir. En d'autres termes, la capacité confé- rée par l'art. 91 s'étendait à la réglementation seulement, quelle que soit la portée de cette dernière.
Selon la jurisprudence qui a suivi, les lois devant être adoptées en vertu du paragraphe 91(12) ont été déclarées inconstitutionnelles au motif qu'elles relevaient à proprement parler de la compétence législative provinciale (Attorney -General for Canada v. Attorney -General for British Colum- bia, [1930] A.C. 111 (P.C.); B.C. Packers Ltd. c. Le Conseil canadien des relations de travail, [1976] 1 C.F. 375 (C.A.); Fowler c. La Reine, [1980] 2 R.C.S. 213) mais, comme on l'a déjà indiqué, cela n'a pas été soulevé en l'espèce.
Les conditions restrictives contestées en l'espèce se rapportent aux limites imposées au demandeur de pêcher dans certaines zones de la côte atlantique.
Lorsque, dans l'affaire The Queen v. Robertson (1882), 6 R.C.S. 52, à la page 120, le juge en chef Ritchie a déclaré que la législation mentionnée au paragraphe 91(12) était la législation qui portait sur la réglementation, la protection et la conserva tion des pêches, il ne décrivait pas de façon détail- lée le pouvoir réglementaire fédéral, mais il citait les domaines du pouvoir fédéral par opposition au pouvoir des assemblées législatives d'adopter des lois relatives aux droits de propriété en matière de pêches. C'est à cet égard que des arguments ont été présentés par la suite sur le droit du Parlement d'adopter des lois, forcément reliées à son droit de réglementer les pêches et qui ont parfois été jugées inconstitutionnelles parce qu'elles relevaient de la compétence provinciale.
Le pouvoir fédéral de réglementer les pêches comprend sans aucun doute le droit de fixer les périodes pendant lesquelles on peut pêcher et les moyens utilisés pour attraper le poisson. Il com-
prend également, à mon avis, le droit d'établir les zones les pêcheurs peuvent ou ne peuvent pas pêcher. La prétention du demandeur, selon laquelle les limites imposées à son permis sont inconstitutionnelles parce qu'elles outrepassent la compétence législative du Parlement en vertu du paragraphe 91(12), n'est pas bien fondée.
J'ai examiné la validité des conditions restricti- ves selon la méthode traditionnelle, à savoir si elles relèvent de la compétence législative fédérale et sans les rattacher au contexte de la Charte cana- dienne des droits et libertés [qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.)]. Il me reste à établir si, en vertu du paragraphe 52(1) de la Loi constitutionnelle de 1982 [annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.)] et du paragraphe 15(1) et de l'alinéa 6(2)b) de la Charte, les conditions contes- tées ne sont pas opposables au demandeur et aux autres personnes visées.
À cet égard, je remercie l'avocat des défendeurs qui, par esprit d'équité envers l'avocat du deman- deur, a décidé de ne pas soumettre d'exposé écrit alors qu'aucun exposé n'a été présenté par le demandeur qui, avant l'instruction, avait soumis un mémoire des faits et du droit. Leur analyse de l'évolution de la jurisprudence depuis la Déclara- tion des droits jusqu'à la Charte a été, à mon avis, approfondie et utile.
Tout d'abord, en ce qui concerne la contestation par le demandeur du Plan de gestion sectorielle en raison du paragraphe 15(1) de la Charte, je prends comme point de départ la décision du juge Strayer de la présente Cour en date du 18 novembre 1985 dans l'affaire Smith, Kline & French Laboratories Limited c. Procureur général du Canada, [1986] 1 C.F. 274 où, aux pages 318 320, il affirme ce qui suit:
Il me semble que, par ses renvois exprès à certaines formes de discrimination, c'est-à-dire «la race, l'origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l'âge ou les déficiences mentales ou physiques», le paragraphe 15(1) est clairement conçu afin d'interdire toutes distinctions fondées sur ces motifs. Dans le cas de telles distinctions doivent être défendues, elles doivent être justifiées en vertu de l'article 1. Il se peut que des distinctions fondées sur certains motifs, tel l'âge, soient plus faciles à justifier en vertu de l'article 1, mais même là, le fardeau de la preuve doit incomber à ceux qui préconisent une telle distinction.
En ce qui a trait aux autres types de distinctions qui peuvent être créées par la législation, il ne me semble pas qu'il existe une telle présomption de discrimination et qu'il soit nécessaire d'analyser ces distinctions de manière plus approfondie afin de déterminer si elles peuvent être considérées comme étant incompatibles avec le paragraphe 15(1). Je ne crois pas qu'on ait pu vouloir que toute distinction que crée une mesure législa- tive entre des citoyens ou des catégories de citoyens doive automatiquement être considérée comme de la «discrimination» au sens du paragraphe 15(1) et donc, qu'il y ait immédiatement renversement du fardeau de la preuve sur les épaules de celui qui préconise la mesure législative afin qu'il la justifie en vertu de l'article 1. C'est le rôle des assemblées législatives d'établir des distinctions et ce, pour quantité de raisons, et il est inconce- vable que chacune d'entre elles puisse faire reporter sur le gouvernement ou sur quiconque s'appuyant sur une mesure législative de ce genre, le fardeau d'en démontrer «la justifica tion ... dans le cadre d'une société libre et démocratique». Cela aurait pour effet de confier aux tribunaux un pouvoir décision- nel ainsi qu'un fardeau qui seraient inacceptables tant pour eux que pour les assemblées législatives.
Il faut donc chercher des critères qui permettent de détermi- ner si une distinction d'origine législative crée une inégalité qui est discriminatoire, en considérant que le terme «discrimina- tion» désigne le genre de distinction prohibée par le paragraphe 15(1). D'après moi, il ne serait pas approprié de se fonder uniquement sur les critères qui sont habituellement utilisés pour interpréter l'alinéa lb) de la Déclaration canadienne des droits, compte tenu de la portée plus restreinte de cette disposition et de la nature législative du texte dans lequel il se trouvait. Toutefois, avec égards, je ferais miens les propos du juge McIntyre , auxquels a souscrit le juge Dickson dans l'arrêt MacKay c. La Reine, précité, à la page 406 (également précité [aux pages 311 et 312]):
La question à résoudre dans chaque cas est celle de savoir si l'inégalité qui peut être créée par la loi vis-à-vis d'une catégorie particulière—ici les militaires—est arbitraire, fan- taisiste ou superflue, ou si elle a un fondement rationnel et acceptable en tant que dérogation nécessaire au principe général de l'application universelle de la loi pour faire face à des conditions particulières et atteindre un objectif social nécessaire et souhaitable.
Je ferais respectueusement remarquer que, selon moi, le con cept de «catégorie» n'a rien de magique: il n'est pas défini, il ne prévoit aucune norme et n'est qu'un simple concept subjectif. Par conséquent, il ne permet pas, par lui-même, de conclure, lorsqu'une «catégorie» est créée ou divisée de quelque manière que ce soit par une mesure législative, qu'il y a discrimination. Il m'apparaît que ce n'était pas dans ce sens que le juge McIntyre a fait mention d'une «catégorie particulière» et, selon moi, il ne fait que dire que si un certain nombre de personnes dans la société sont traitées différemment, il devrait y avoir un fondement rationnel pour établir une distinction entre ces personnes et le reste de la société.
On remarquera que ce critère comporte deux volets: d'une part, la fin recherchée doit faire partie de celles qu'il est, d'une façon générale, légitime pour un gouvernement de rechercher et, d'autre part, les moyens utilisés doivent se rapporter, d'une manière rationnelle, à la réalisation de cette fin.
Le demandeur prétend que le Plan de gestion sectorielle équivaut à une discrimination contre lui et contre les autres exploitants des bateaux de pêche à la palangre mesurant moins de 65 pieds, en ce sens qu'il leur interdit de pêcher le poisson de fond, sauf dans le secteur ou dans la zone de leur port d'attache.
Quel que soit le fond de cette allégation, la discrimination, si elle existe réellement, n'est pas fondée, comme l'énonce spécifiquement la Charte, sur «la race, l'origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l'âge ou les déficiences mentales ou physiques» et donc les défendeurs n'ont pas besoin de justifier les restrictions aux termes de l'article 1 de la Charte.
Le Plan de gestion sectorielle n'est pas une politique imposée à quelques pêcheurs isolés. Il ne s'agit que d'une partie de la politique globale fédérale intitulée Système de délivrance des permis de pêche commerciale sur la côte atlantique qui porte sur la gestion et le contrôle des pêches canadiennes dans cette région de façon à assurer non seulement la conservation et le repeuplement des stocks de poissons, mais aussi une pêche effi- cace et rentable aux propriétaires et exploitants des divers types de bateaux qui servent à cette pêche.
La pêche, de la façon dont j'entends ce mot, ne comprend pas seulement le poisson ou la conserva tion de ce dernier. Elle comprend ceux qui la pratiquent ainsi que les moyens, les périodes et les zones de pêche. Il est non seulement souhaitable mais, à mon avis, essentiel que les autorités fédéra- les tiennent compte, dans leur réglementation ou dans leur système de délivrance des permis, des pêcheurs ainsi que des effets sociaux et économi- ques sur leurs moyens de subsistance du système de répartition des stocks de poissons disponibles aux divers groupes ou catégories d'exploitants.
La pêche du poisson dans les années 1960, alors qu'elle était relativement illimitée, a contribué elle-même sensiblement à son quasi-effondrement dans les années 1970. Les mesures sévères de redressement, en plus de l'établissement d'une zone canadienne de pêche de 200 milles, lui ont donné un nouvel essor dans les années 1980. L'amélioration de la capacité, de l'efficacité et de la mobilité des bateaux de pêche côtière ayant
moins de 65 pieds a permis aux bateaux plus modernes de pêcher dans des zones éloignées de leurs ports d'attache et de faire concurrence à d'autres catégories de bateaux et à d'autres flottil- les de pêche locales avec lesquelles ils n'étaient pas en concurrence auparavant.
Si la tendance se poursuit, elle aurait non seule- ment des effets économiques défavorables sur les exploitants des autres bateaux et flottilles, mais elle causerait probablement un déséquilibre dans les quotas de stocks de poissons qui ont été répartis de façon très prudente.
Comme l'a dit M. Bellefontaine, le Plan de gestion sectorielle a été conçu pour équilibrer le niveau des efforts par rapport aux ressources dis- ponibles. La situation des bateaux trop nom- breux se partagent un poisson peu abondant s'est déjà avérée désastreuse. En conséquence, les auto- rités fédérales ont imposé des quotas (flottilles, entreprises ou bateaux) aux flottilles de pêche hauturière et semi -hauturière et introduit des mesures strictes de surveillance. Étant donné que les bateaux de ces flottilles sont peu nombreux, il serait relativement facile de les surveiller.
Cependant, la flottille des 15 000 bateaux de pêche côtière de moins de 65 pieds de longueur, ne pourrait être surveillée efficacement avec les mêmes méthodes. Étant donné que si peu d'entre eux ont pêché hors des secteurs de leur port d'atta- che, il a été décidé de les limiter à leurs secteurs d'attache, dans le cadre pratique d'une surveil lance au moins partielle et d'une limite de la tendance en faveur d'une flottille de pêche côtière à rayon d'action plus étendu. Parallèlement, on prévoyait de laisser les quelques rares bateaux de pêche côtière, qui avaient pêché dans plus d'un secteur proposé, de continuer à le faire.
Je ne puis conclure que ces restrictions imposées à la flottille de pêche côtière ne se rattachaient pas logiquement à un but valable du gouvernement fédéral. Je ne puis conclure non plus que les res trictions imposées à la flottille étaient arbitraires ou fantaisistes. Le Ministère n'a employé les moyens susmentionnés qu'après avoir reçu l'avis des experts en la matière et seulement après avoir consulté de façon approfondie tous les groupes pouvant être visés par l'application de la politique.
Si le demandeur a été ou est traité différemment des autres pêcheurs, et à cet égard il n'y a pas de différence avec les autres «pêcheurs côtiers», les défendeurs ont prouvé de façon convaincante que cette différence était justifiée rationnellement. Par conséquent, la contestation que fait le demandeur du Plan de gestion sectorielle en invoquant le paragraphe 15(1) de la Charte n'est pas fondée.
Le demandeur conteste également le Plan au motif qu'il enfreint l'alinéa 6(2)b) de la Charte, à savoir que les conditions restrictives imposées l'em- pêchent de gagner sa vie, présumément dans la province de Terre-Neuve.
Les défendeurs prétendent que le droit qui est garanti est celui de se déplacer dans une autre province pour gagner sa vie et que le Plan de gestion sectorielle n'empêche pas cela. Ils préten- dent également que la zone de laquelle a été exclu le demandeur ne se trouve pas «dans n'importe quelle province», mais qu'il s'agit d'une zone de l'océan Atlantique qui, en matière de pêches du moins, est exclusivement sous réglementation fédé- rale de façon telle qu'il n'y a pas de risque de barrières commerciales interprovinciales (que l'ar- ticle 6 devait empêcher) ou qu'une personne choi- sisse de résider dans la zone en question. Ils con- cluent que l'alinéa 6(2)b) n'est aucunement pertinent en l'espèce.
Malgré sa grande simplicité, cet argument est difficile à accepter entièrement. Je conviens que l'alinéa 6(2)a) s'applique comme il a été men- tionné plus haut mais l'alinéa 6(2)b) protège un droit différent: celui des citoyens et des résidents permanents de gagner leur vie dans la province de leur choix, même s'ils n'en sont pas résidents. C'est l'alinéa 6(2)b) que le demandeur invoque à l'appui de sa prétention selon laquelle le Plan de gestion sectorielle est invalide parce qu'il l'empêche, non pas de devenir résident et de travailler dans la province de Terre-Neuve, mais de quitter sa pro vince de résidence, la Nouvelle-Écosse, pour tra- vailler dans la province de Terre-Neuve.
En laissant, pour le moment, l'argument selon lequel la zone proscrite ne se trouve pas dans n'importe quelle province, peut-on affirmer que les conditions restrictives s'adressent aux non-rési- dents de n'importe quelle province ou qu'elles sont
discriminatoires à l'égard du demandeur en raison de la province il réside actuellement? Je ne crois pas.
Les restrictions géographiques imposées à la flottille de pêche côtière s'appliquent de façon générale à tous les pêcheurs de cette flotte. Les restrictions sont imposées, non pas en fonction de la province actuelle ou antérieure de résidence, mais en fonction des zones où, anciennement, les pêcheurs de cette flotte avaient pêché. On n'empê- che pas le demandeur de pêcher le poisson de fond dans le secteur 1 parce qu'il est résident de la province de la Nouvelle-Écosse, mais parce qu'il est propriétaire d'un palangrier de moins de 65 pieds qui n'est jamais allé dans le secteur 1. Cette restriction s'applique, non seulement à la catégorie de pêcheurs qui ont uniquement pêché dans le secteur 3 et qui sont résidents de la Nouvelle- Écosse mais à n'importe quel pêcheur qui a pêché exclusivement dans un seul secteur.
En d'autres termes, la restriction ne s'applique pas au demandeur parce qu'il est résident de la Nouvelle-Écosse ou parce qu'il n'est pas résident de Terre-Neuve, mais parce qu'il existe une zone de pêche entre secteurs limitée à ceux qui ont pêché antérieurement dans plus d'un secteur.
Par conséquent, je conclus que si l'on empêche le demandeur de gagner sa vie dans la zone de son choix, cette exclusion s'inscrit dans un plan d'ap- plication générale qui ne crée aucune discrimina tion contre lui en raison de sa province de résidence.
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