A-862-83
P. F. Collier & Son Ltd. (appelante)
c.
Sous-ministre du Revenu national pour les Doua-
nes et l'Accise (intimé)
RÉPERTORIÉ: P. F. COLLIER & SON LTD. c. CANADA (SOUS-
MINISTRE DU REVENU NATIONAL, DOUANES ET ACCISE)
Cour d'appel, juge en chef Thurlow, juges Heald
et Stone—Toronto, 23 septembre; Ottawa, 25 sep-
tembre 1986.
Pratique — Prescription — La Commission du tarifa refusé
d'entendre un appel pour le motif que l'avis d'appel avait été
déposé après l'expiration du délai prévu à cet égard — La Loi
prévoit un délai de 60 jours pour le dépôt de l'avis d'appel —
Le bureau de la Commission était fermé le cinquante-neu-
vième et le soixantième jour de la période au cours de laquelle
appel pouvait être interjeté — Appel accueilli — La Commis
sion a commis une erreur de droit — L'avis a été déposé dans
le délai prescrit — Le principe applicable porte que si le point
d'arrivée tombe un jour de fermeture du greffe, le délai est
prorogé au jour ouvrable suivant — Cette interprétation est
conforme à l'esprit de l'art. 11 de la Loi d'interprétation — Vu
la conclusion tirée selon la common law, l'argument fondé sur
la définition de l'expression ((jour férié» figurant à l'art. 28 de
la Loi d'interprétation n'est pas examiné — Loi sur les doua-
nes, S.R.C. 1970, chap. C-40, art. 47(1), 48(1) — Loi d'inter-
prétation, S.R.C. 1970, chap. I-23, art. 11, 25(1), 28 —
Judicature Act, R.S.O. 1980, chap. 223, art. 92.
JURISPRUDENCE
DÉCISION APPLIQUÉE:
Pritam Kaur v. S. Russell & Sons Ltd., [1973] Q.B. 336
(C.A.).
DISTINCTION FAITE AVEC:
Horowitz, L.N., v. M.N.R., [1962] C.T.C. 17 (C. de l'É.).
AVOCATS:
David R. Vine, c.r., pour l'appelante.
Judith McCann pour l'intimé.
PROCUREURS:
David R. Vine, c.r., Toronto, pour l'appelante.
Le sous-procureur général du Canada pour
l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE STONE: Je suis d'avis que le présent
appel, qui est interjeté conformément au paragra-
phe 48(1) de la Loi sur les douanes', S.R.C. 1970,
chap. C-40 et ses modifications, devrait être
accueilli. La Commission du tarif aurait dû enten-
dre l'appel au fond. Le bureau d'Ottawa de la
Commission ayant été fermé toute la journée des
lundi et mardi 27 et 28 décembre 1982, le dépôt de
l'avis d'appel le mercredi 29 décembre a été fait
dans le délai de soixante jours prévu au paragra-
phe 47(1) de la Loi 2 . L'appelante a été incapable
de déposer cet avis le 27 ou le 28, c'est-à-dire le
cinquante-neuvième et le soixantième jours suivant
la date à laquelle la décision du sous-ministre avait
été rendue, en raison de la fermeture du bureau de
la Commission. Ceci étant le cas, l'appelante, en
raison de son droit à l'intégralité du délai de
soixante jours prévu par le Parlement, avait, selon
moi, jusqu'au jour ouvrable suivant du bureau de
la Commission pour déposer son avis, ce qu'elle a
fait.
Je ne conteste pas la validité des principes énon-
cés par le président Thorson dans l'arrêt Horowitz,
L.N., v. M.N.R., [1962] C.T.C. 17 (C. de l'É.),
sur lesquels la Commission et l'avocate de l'intimé
se sont appuyées, et je ne remets pas en question
leur applicabilité à une situation comparable à
celle qui prévalait dans cette instance. Cette
affaire se distingue cependant de l'espèce en ce que
rien n'y empêchait le dépôt de l'avis requis le
dernier jour de la période prescrite.
À mon avis, le principe qui doit s'appliquer en
l'espèce est celui qui est énoncé dans l'arrêt Pritam
Kaur v. S. Russell & Sons Ltd., [1973] Q.B. 336
' Ce paragraphe prévoit la possibilité pour une partie d'inter-
jeter appel d'une ordonnance, d'une conclusion ou d'une décla-
ration de la Commission du tarif «sur toute question de droit».
2 47. (1) Une personne qui se croit lésée par une décision du
sous-ministre,
a) sur la classification tarifaire ou la valeur imposable,
b) établie selon l'article 45, ou
c) sur la question de savoir si quelque drawback de droits
douaniers est payable ou sur le taux d'un tel drawback,
peut appeler de la décision à la Commission du tarif en
déposant par écrit un avis d'appel entre les mains du secrétaire
de la Commission du tarif dans les soixante jours qui suivent la
date à laquelle la décision a été rendue.
(C.A.). Dans cet arrêt, où il était question du délai
pour intenter une action relativement à un acci
dent mortel, il a été décidé que la poursuite avait
été entamée [TRADUCTION] «dans les trois ans»
prescrits par la loi puisque l'action avait été inten-
tée le lendemain du point d'arrivée, un dimanche
au cours duquel le greffe était fermé. Lord Den-
ning, maître des rôles, aux motifs duquel a souscrit
le lord juge Karminski, a dit (à la page 349):
[TRADUCTION] Ainsi suis-je disposé à décider que les délais
légaux visant les actes à parfaire au greffe sont prorogés au
jour ouvrable suivant le point d'arrivée du délai lorsque celui-ci
tombe un jour non ouvrable.
Le juge Megarry a prononcé des motifs concor-
dants quant au résultat, dans lesquels il a exprimé
que la partie demanderesse avait droit à l'intégra-
lité du délai légal pour intenter son action. Il a
conclu (à la page 356):
[TRADUCTION] Lorsque l'acte à accomplir dans un délai impli-
que une action de la part de la cour, comme par exemple, la
délivrance d'un bref, et que cet acte ne peut être accompli, en
raison de la fermeture du greffe, le jour où expire le délai, ce
dernier est considéré, de prime abord, comme prorogé au
prochain jour ouvrable. Cette présomption s'applique en l'es-
pèce, aucun élément de fait ne s'y opposant. En conséquence,
j'accueillerais aussi l'appel.
Une telle approche me semblerait également
très conforme à l'esprit de l'article 11 de la Loi
d'interprétation, S.R.C. 1970, chap. I-23, qui
porte que chaque texte législatif fédéral est censé
«réparateur et doit s'interpréter de la façon juste,
large et libérale la plus propre à assurer la réalisa-
tion de ses objets».
L'appelante invoque également la définition de
l'expression «jour férié» qui figure à l'article 28 3 de
3 28. Dans chaque texte législatif
«jour férié» désigne l'un quelconque des jours suivants, savoir:
tout dimanche, le jour de l'an, le vendredi saint, le lundi de
Pâques, le jour de Noël, l'anniversaire du souverain régnant
ou le jour fixé par proclamation pour sa célébration, le jour
de Victoria, la fête du Dominion, le premier lundi de septem-
bre, désigné fête du Travail, le jour du Souvenir, tout jour
fixé par proclamation comme jour de prière ou de deuil
général ou jour de réjouissances ou d'actions de grâces
publiques, et n'importe quel des autres jours suivants savoir:
(Suite à la page suivante)
la Loi d'interprétation. Le jour de Noël et le 26
décembre 1982 tombant respectivement un samedi
et un dimanche, la convention collective qui régis-
sait les employés de la Commission avait déplacé
les deux «jours fériés» au 27 et au 28 décembre, ce
qui explique la fermeture du bureau de la Com
mission ces jours-là. L'avocat, de l'appelante sou-
tient que, le 28 décembre devant être considéré
comme un «jour férié», le paragraphe 25(1) de la
Loi d'interprétation doit s'appliquer. Ce paragra-
phe prévoit que si le délai d'accomplissement d'une
chose expire ou tombe un jour férié, «la chose peut
être accomplie le premier jour non férié suivant».
L'appelante s'est fortement appuyée sur l'alinéa a)
de l'article 28, et tout particulièrement sur les
termes «tout jour qui est un jour non juridique en
vertu d'une loi de la législature de la province».
L'avocat de l'appelante a attiré l'attention de la
Cour sur certains règlements ontariens traitant des
jours fériés dont bénéficie la Fonction publique et,
notamment, du déplacement des jours fériés tom-
bant un samedi ou un dimanche à des jours ouvra-
bles ordinaires; il s'est également appuyé sur la
définition de l'expression «jour férié» et sur l'appli-
cation de cette définition à la fermeture du greffe
de la Cour suprême de l'Ontario prévue à
l'article 92 de la Judicature Act, R.S.O. 1980,
chap. 223 pour prétendre que le 28 décembre 1982
devait être considéré comme un jour férié. Vu la
conclusion à laquelle je suis parvenu selon la
common law, je suis d'avis que l'examen de cet
argument, qui a été invoqué pour le cas où le
premier argument ne serait pas accepté, ne servi-
rait aucune fin utile.
J'ai conclu que la Commission a commis une
erreur de droit en décidant qu'elle ne pouvait
entendre l'appel parce qu'elle était d'opinion que
l'avis d'appel avait été déposé après expiration du
(Suite de la page précédente)
a) dans une province, tout jour fixé par proclamation du
lieutenant-gouverneur de la province comme jour férié public
ou comme jour de prière ou de deuil général ou jour de
réjouissances ou d'actions de grâces publiques dans la pro
vince, et tout jour qui est un jour non juridique en vertu
d'une loi de la législature de la province, et
b) dans une cité, ville, municipalité ou quelque autre district
organisé, tout jour fixé comme jour férié civique par résolu-
tion du conseil ou d'une autre autorité chargée de l'adminis-
tration des affaires civiques ou municipales de la cité, de la
ville, de la municipalité ou du district;
délai prévu. Selon mon opinion, l'avis a été déposé
à temps, et la Commission est compétente à enten-
dre l'appel au fond. En conséquence, j'annulerais
la décision de la Commission en date du 12 avril
1983 et je lui renverrais la question pour qu'elle
juge l'appel au fond.
LE JUGE EN CHEF THURLOW: Je souscris à ces
motifs.
LE JUGE HEALD: Je souscris à ces motifs.
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