T-1527-86
Michael Adrian Van Rassel (requérant)
c.
P. M. Cummings*, surintendant de la GRC,
Robert Simmonds, commissaire de la GRC, et la
Gendarmerie royale du Canada (intimés)
et
Procureur général du Canada (mis-en-cause)
RÉPERTORIÉ: VAN RASSEL c. CANADA (SURINTENDANT DE L4
GRC)
Division de première instance, juge Joyal—
Montréal, 26 septembre; Ottawa, 17 novembre
1986.
GRC — Un agent a été acquitté d'accusations criminelles
aux États-Unis — Il a été libéré au terme d'un procès criminel
tenu au Canada relativement aux mêmes faits — Le juge a
tenu compte des doctrines de la double incrimination et de la
chose jugée — Accusation de conduite déshonorante portée en
vertu de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada —
Infraction majeure ressortissant au service — Le requérant
tente de faire interdire qu'on prenne des poursuites disciplinai-
res contre lui — La présente accusation n'est pas identique aux
accusations criminelles dont il a été acquitté — Il n'y a pas
double incrimination — Les droits garantis par la Charte n'ont
pas été violés — Aucune crainte raisonnable de partialité ne
découle des remarques désobligeantes attribuées au commis-
saire ou du fait que les membres du tribunal soient désignés
par l'autorité qui décide qu'une accusation doit être portée —
Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, S.R.C. 1970, chap.
R-9, art. 21(1),(2), 25, 31 (mod. par S.C. 1976-77, chap. 28,
art. 49), 32(2), 34, 41, 43(1),(2), 44 — United States Code, titre
18, art. 201(c), 641, 1952(a)(3) — Charte canadienne des droits
et libertés, qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle
de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11
(R.-U.), art. 11d),h), 24 — Code criminel, S.R.C. 1970, chap.
C-34, art. 245(1) — Loi sur la marine marchande du Canada,'
S.R.C. 1970, chap. S-9, art. 570 — Loi sur la défense natio-
nale, S.R.C. 1970, chap. N-4, art. 78, 80(1) — Règlement sur
le service des pénitenciers, C.R.C., chap. 1251 — Déclaration
canadienne des droits, S.R.C. 1970, Appendice III, art. 2f).
Droit constitutionnel — Charte des droits — Procédures
criminelles et pénales — Double incrimination — Demande
d'une ordonnance de prohibition — Infraction majeure ressor-
tissant au service en violation de l'art. 25o) de la Loi sur la
Gendarmerie royale du Canada et accusations criminelles
fondées sur les mêmes faits — Le requérant a été acquitté
d'accusations criminelles aux États-Unis et libéré d'accusa-
tions découlant des mêmes faits au terme d'un procès tenu au
* Note de l'arrêtiste: Le nom de cet intimé devrait se lire P.
M. Cummins. Il a été mal orthographié par erreur tout au long
de la poursuite.
Canada — Il a été accusé d'une infraction majeure ressortis-
sant au service devant un tribunal du service de la GRC — Il
n'y a pas eu violation de l'art. 11h) de la Charte car l'accusa-
tion de conduite déshonorante n'est pas prima facie identique
ou semblable aux accusations criminelles dont il a été acquitté
— C'est une question qu'il est plus approprié de soulever
devant le tribunal du service — Charte canadienne des droits
et libertés, qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle
de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11
(R.-U.), art. 11d),h), 24 — Loi sur la Gendarmerie royale du
Canada, S.R.C. 1970, chap. R-9, art. 21(1),(2), 25, 31 (mod.
par S.C. 1976-77, chap. 28, art. 49), 32(2), 34, 41, 43(1),(2), 44
— United States Code, titre 18, art. 201(c), 641, 1952(a)(3).
Contrôle judiciaire — Brefs de prérogative — Prohibition
— Demande en vue d'obtenir une ordonnance interdisant à un
tribunal du service de la GRC d'entendre et de trancher une
accusation d'infraction majeure ressortissant au service qui est
fondée sur les mêmes faits que les accusations criminelles dont
le requérant a été acquitté aux États-Unis et libéré au Canada
— Il n'y a pas double incrimination car l'accusation de
conduite déshonorante n'est pas prima facie identique aux
accusations criminelles — II n'y a pas de partialité inhérente
au tribunal: MacKay c. La Reine, [19801 2 R.C.S. 370 —
L'allégation selon laquelle le commissaire de la GRC aurait
émis des critiques sévères n'est pas pertinente car le tribunal
du service est un tribunal indépendant — La Loi prévoit la
possibilité d'interjeter appel — Il est préférable que la ques
tion soit tranchée par un tribunal du service — La demande en
vue d'obtenir une ordonnance de prohibition est-elle prématu-
rée? — Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, S.R.C.
1970, chap. R-9, art. 21(1),(2), 25, 31 (mod. par S.C. 1976-77,
chap. 28, art. 49), 32(2), 34, 41, 43(1),(2), 44 — United States
Code, titre 18, art. 201(c), 641, 1952(a)(3).
Le requérant, qui est membre de la GRC, a été appréhendé États-Unis tats -Unis et accusé d'avoir divulgué sans autorisation des
renseignements confidentiels concernant une enquête, d'avoir
illégalement transporté des dossiers et d'avoir sollicité et obtenu
un pot-de-vin. Il a subi un procès devant un tribunal composé
d'un juge et d'un jury et il a été acquitté de toutes les
accusations.
À son retour au Canada, des accusations ont été portées
contre lui en vertu de dispositions similaires du Code criminel.
Au procès, le juge a libéré l'accusé en se fondant sur les
doctrines de la double incrimination et de la chose jugée. Le
requérant a également été accusé de conduite déshonorante en
vertu de l'article 25 de la Loi sur la Gendarmerie royale du
Canada. C'est une infraction majeure ressortissant au service
qui est punissable d'une peine d'emprisonnement d'au plus un
an.
Il s'agit d'une demande en vue d'obtenir une ordonnance
interdisant à la GRC d'engager des poursuites disciplinaires. Le
requérant a soulevé la question de la double incrimination. Il a
également soutenu que, bien que l'accusation relative à la
discipline diffère des accusations criminelles, elle découle des
mêmes circonstances, et cela constitue donc une chose jugée. Le
requérant a également soulevé qu'on peut craindre qu'il y ait
partialité vu que le commissaire de la GRC aurait critiqué les
actes du requérant de façon sévère.
Jugement: la demande devrait être rejetée.
La jurisprudence n'a pas encore établi qu'un tribunal disci-
plinaire perd le droit de juger l'un de ses membres pour une
infraction ressortissant au service ou à la profession en raison
du fait qu'une accusation criminelle a été portée relativement
aux mêmes circonstances ou a entraîné une condamnation ou
un acquittement. Elle a considéré l'aspect possible de la double
incrimination comme l'une des conditions de l'adhésion à une
société dans son ensemble et à un groupe sélect au sein de cette
société.
On peut dire que la protection prévue à l'alinéa 11h) de la
Charte contre la double incrimination a été interprétée comme
étant assez limitée. D'ailleurs l'infraction n'est pas identique en
l'espèce: une accusation de conduite répréhensible est différente
d'une accusation de vente de renseignements précieux. Il se
pourrait bien que la preuve qui devra alors être présentée
devant le tribunal du service ne soit pas la même que dans les
poursuites criminelles. La Cour ne peut pas non plus actuelle-
ment déterminer quels sont les éléments nécessaires de l'infrac-
tion ressortissant au service ou si ces éléments sont identiques à
ceux des poursuites criminelles. Quoi qu'il en soit, voilà des
questions qu'il serait peut-être plus approprié de soulever
devant le tribunal du service. Il serait alors facile de se préva-
loir des recours prévus en cas d'erreur.
Il n'existe aucune crainte raisonnable de partialité «institu-
tionnelle». Le fait que les membres du tribunal soient nommés
par le commissaire pour appliquer les politiques formulées par
lui ne signifie pas que le tribunal soit partial. Ainsi que l'a jugé
la Cour suprême relativement aux cours martiales, on ne peut
pas dire que les membres du tribunal, qu'ils soient des militai-
res ou, comme dans le présent cas, des agents de police, soient
moins en mesure de remplir leur obligation d'impartialité que
les juges des tribunaux civils.
Le fait que le commissaire aurait pu formuler des critiques
sévères à l'égard du requérant ne justifie pas qu'on conclue à
l'existence d'une crainte raisonnable de partialité de la part du
tribunal du service. C'est un tribunal indépendant et impartial.
De plus, il ne serait pas à propos d'interrompre le procès
disciplinaire avant même qu'il ne commence, sous prétexte de
partialité, étant donné que la Loi prévoit la possibilité d'interje-
ter appel de la décision du tribunal.
JURISPRUDENCE
DÉCISION APPLIQUÉE:
MacKay c. La Reine, [1980] 2 R.C.S. 370.
DISTINCTION FAITE AVEC:
Re Nash and The Queen (1982), 70 C.C.C. (2d) 490 (C.
prov. T.-N.).
DÉCISIONS EXAMINÉES:
Regina v. Mingo et al. (1982), 2 C.C.C. (3d) 23
(C.S.C.-B.); Krug c. La Reine, [1985] 2 R.C.S. 255; 21
C.C.C. (3d) 193; R. c. Prince, [1986] 2 R.C.S. 480; Re
MacDonald and Marriott et al. (1984), 7 D.L.R. (4th)
697 (C.S.C.-B.); Regina v. Wigglesworth (1984), 11
C.C.C. (3d) 27; 38 C.R. (3d) 388 (C.A. Sask.) (autorisa-
tion de pourvoi accordée [1984] 1 R.C.S. xiv), confir-
mant 7 C.C.C. (3d) 170; 150 D.L.R. (3d) 748; 35 C.R.
(3d) 322 (B.R. Sask.).
DÉCISIONS CITÉES:
Carlo Borrelli c. Sa Majesté la Reine, jugement en date
du 5 août 1986, Cour d'appel du Québec, n° du greffe
500-10-000254-85 2 / 7 00-27-011073-846, encore inédit;
Committee for Justice and Liberty et autres c. Office
national de l'énergie et autres, [1978] 1 R.C.S. 369;
(1976), 68 D.L.R. (3d) 716; Kienapple c. La Reine,
[1975] 1 R.C.S. 729; Re R. v. Crux and Polvliet (1971),
2 C.C.C. (2d) 427; Vaillancourt v. City of Hull and
Attorney General of the Province, [1949] B.R. 680 (Qc).
AVOCATS:
Julius H. Grey et Lawrence Corriveau, c.r.
pour le requérant.
Richard Starck pour les intimés.
PROCUREURS:
Grey, Casgrain, Montréal, et Corriveau, Bou-
chard, Corriveau & Associés, Québec, pour le
requérant.
Le sous-procureur général du Canada pour
les intimés.
Ce qui suit est la version française des motifs
de l'ordonnance rendus par
LE JUGE JOYAL: Il s'agit d'une demande présen-
tée à la Cour en vue d'obtenir une ordonnance
interdisant à la Gendarmerie royale du Canada
d'engager des poursuites disciplinaires contre le
requérant pour une infraction majeure ressortis-
sant au service en vertu de l'alinéa 25o) de la Loi
sur la Gendarmerie royale du Canada, S.R.C.
1970, chap. R-9.
Cet article de la Loi prévoit qu'un membre de la
GRC est coupable d'une infraction s'il
25....
o) se conduit de façon scandaleuse, infâme, honteuse, impie
ou immorale; .. .
Le requérant fonde sa demande sur la doctrine
de la double incrimination et sur la partialité.
Le requérant est membre de la Gendarmerie
royale du Canada. À toutes les époques en cause, il
était en poste à Roberval (Québec). Vers le mois
de mars ou d'avril 1985, il a reçu de la Drug
Enforcement Agency des États-Unis certains
documents confidentiels concernant un suspect qui
pouvait avoir eu des parents ou des relations dans
la région du Lac St-Jean. En mai 1985, il a pris
des vacances en Floride. Pendant son séjour à cet
endroit, il a été arrêté par les autorités américaines
et accusé sous trois chefs d'avoir contrevenu aux
articles 1952(a)(3), 641 et 201(c) du titre 18 du
United States Code. Ces accusations criminelles
avaient trait à la divulgation non autorisée de
renseignements confidentiels relatifs à une enquête
menée par la Drug Enforcement Administration
du département de la Justice des États-Unis, au
transport illégal de dossiers et à la sollicitation et
l'obtention d'un pot-de-vin.
Le requérant a par la suite subi un procès
devant un tribunal composé d'un juge et d'un jury
et, le 8 août 1985, il a été acquitté de toutes les
accusations.
Il est revenu au Canada. Des accusations ont été
portées contre lui en vertu de dispositions similai-
res du Code criminel [S.R.C. 1970, chap. C-34].
Une enquête préliminaire a eu lieu du 7 au 11 avril
1986. Le requérant a été renvoyé à son procès sous
deux des six chefs d'accusation portés contre lui.
Au procès, l'avocat de l'accusé a soulevé la
question de la double incrimination, du plaidoyer
appelé «autrefois acquit» et de la chose jugée. Le
juge a alors mis l'affaire en délibéré et, le 12
septembre 1986, après une analyse minutieuse des
doctrines de la double incrimination et de la chose
jugée ainsi que de la jurisprudence récente sur le
sujet, il a libéré l'accusé.
Pendant ce temps, toutefois, la conduite du
requérant durant son séjour en Floride n'était pas
passée inaperçue chez ses supérieurs. Il a été
accusé de conduite déshonorante en vertu des dis
positions disciplinaires de l'article 25 de la Loi sur
la Gendarmerie royale du Canada. L'audience
relative à cette accusation a été reportée un certain
nombre de fois en attendant que les accusations
criminelles portées contre le requérant soient
tranchées.
Le requérant demande maintenant à la Cour
d'interdire la tenue de l'enquête disciplinaire. Son
avocat allègue en détail ce qui suit:
1. L'accusation portée en vertu de l'article 25 de
la Loi est une accusation criminelle. S'il est
condamné, le requérant peut encourir une
peine d'emprisonnement d'au plus un an,
sanction à laquelle il ne devrait pas être
soumis en raison de son acquittement
antérieur.
2. Bien qu'elle diffère des accusations criminel-
les auxquelles le requérant a déjà fait face,
l'accusation relative à la discipline découle des
mêmes circonstances et, selon la doctrine
récente, cela constitue une chose jugée. L'avo-
cat invoque à cet égard la décision rendue
récemment par la Cour d'appel du Québec
dans l'affaire Carlo Borrelli c. Sa Majesté la
Reine, n° du greffe 500-10-000254-852/
700-27-011073-846, en date du 5 août 1986 et
non encore publiée.
3. L'accusation relative à la discipline contre-
vient elle-même aux droits garantis au requé-
rant par la Charte canadienne des droits et
libertés [qui constitue la Partie I de la Loi
constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de
1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.)],
et la demande présentée à la Cour constitue
essentiellement une demande de redressement
fondée sur l'article 24 de la Charte.
4. Vu que le commissaire de la GRC aurait
critiqué les actes du requérant de façon très
sévère, on peut donc craindre qu'il y ait eu
partialité selon la définition donnée par la
Cour suprême du Canada dans l'affaire Mar-
shall Crowe (Committee for Justice and
Liberty et autres c. Office national de l'éner-
gie et autres, [1978] 1 R.C.S. 369; (1976), 68
D.L.R. (3d) 716).
L'avocat de la Couronne soutient que, par sa
nature même, la demande visant l'obtention d'une
ordonnance de prohibition est prématurée. Il prie
la Cour de conclure:
1. qu'il ne faudrait pas confondre une ordon-
nance de prohibition avec une ordonnance de
certiorari;
2. qu'il faut d'abord prouver l'absence de com-
pétence du tribunal du service ou un abus de
compétence de sa part;
3. que le requérant a soulevé des questions d'or-
dre constitutionnel et juridique mais non des
questions relatives à la compétence;
4. qu'il s'agit de questions qu'il pourrait être
préférable de soulever au moment du procès
disciplinaire du requérant à la suite d'une
enquête tenue par le tribunal du service;
5. que la crainte raisonnable de partialité n'a pas
été prouvée.
La Gendarmerie royale du Canada est un corps
policier légendaire. C'est un organisme paramili-
taire et la combinaison de l'entraînement, de la
conduite et de la discipline auxquels ses membres
doivent se soumettre est essentielle à son rôle de
gardienne de la paix et de défenseur de l'ordre
public.
À l'instar des organismes similaires du Canada
ou d'ailleurs, la GRC est soumise à des règlements
et à des ordres permanents dont la violation peut
être sanctionnée par un certain nombre de mesures
disciplinaires. Le paragraphe 21(1) confère au
gouverneur en conseil le pouvoir d'«édicter des
règlements sur l'organisation, l'entraînement, la
discipline, l'efficacité, l'administration et le bon
gouvernement de la Gendarmerie et, en général,
sur la réalisation des objets de la présente loi et la
mise à exécution de ses dispositions.»
De même, le paragraphe 21(2) de la Loi auto-
rise le commissaire de la GRC à édicter des règles,
appelées «ordres permanents», pour les mêmes fins.
La Partie II de la Loi s'intitule «Discipline».
L'article 25 contient quelque 16 infractions appe-
lées «infractions majeures ressortissant au service».
C'est l'une d'entre elles qu'on reproche au requé-
rant d'avoir commise, c'est-à-dire de s'être conduit
de façon déshonorante, scandaleuse, infâme, hon-
teuse, impie ou immorale.
Selon l'article 31 [mod. par S.C. 1976-77, chap.
28, art. 49], une enquête peut être instituée par un
officier ou un membre chargé de commander un
détachement d'agents, et les pouvoirs qu'ils ont
d'interroger des personnes et de contraindre des
témoins à comparaître sont ceux que possèdent les
juges de paix sous le régime des dispositions du
Code criminel relatives aux déclarations sommai-
res de culpabilité.
S'il ressort d'une telle enquête qu'une infraction
ressortissant au service a été commise, un rapport
est présenté au commissaire conformément au
paragraphe 32(2), et, s'il est d'avis que l'agent
devrait être jugé pour cette infraction, il peut
ordonner qu'une accusation écrite soit rédigée et
signifiée et il désignera alors l'officier qui prési-
dera le procès.
L'article 34, qui se rapporte au procès, prévoit
ce qui est généralement considéré comme la procé-
dure pénale. Advenant une condamnation et le
prononcé d'une sentence, l'affaire peut être révisée
par une commission dont les membres sont
nommés par le solliciteur général du Canada.
À tous les égards, vu la nature des infractions
qui sont définies à l'article 25, les règles de preuve
qui sont prescrites en matière pénale et la sanction
pénale qui pourrait être imposée à la suite d'une
condamnation, le tribunal ressemble en tous points
à une cour criminelle. Selon l'avocat du requérant,
la procédure devrait donc être perçue comme un
autre procès auquel doit se soumettre le requérant
après avoir déjà subi deux procès de ce genre où
les mêmes circonstances s'appliquaient.
C'est naturellement un lieu commun de dire que
les organismes constitués en vertu de la loi à des
fins publiques ou privées déterminées et investis
d'un mandat particulier par le Parlement, ont
depuis toujours été dotés de pouvoirs étendus afin
de soumettre leurs membres à des codes de disci
pline et de faire respecter ces codes. Les militaires
relèvent des cours martiales depuis des années. Les
membres de la marine marchande du Canada
peuvent être arrêtés à bord d'un navire ou à
l'étranger et punis par un tribunal maritime ou par
un officier en service de la marine ou un agent
consulaire à l'étranger. (Voir les articles 570 et
suivants de la Loi sur la marine marchande du
Canada, S.R.C. 1970, chap. S-9.) Les corps poli-
ciers qui ont été institués dans plusieurs de nos
provinces possèdent des codes de discipline sembla-
bles. Les organismes qui réglementent la pratique
du droit, de la médecine et l'exercice d'autres
professions se voient également accorder par la loi
le droit de punir leurs membres.
À ma connaissance, la jurisprudence n'a pas
encore établi qu'un tribunal disciplinaire perd le
droit de juger l'un de ses membres pour une infrac
tion ressortissant au service ou à la profession en
raison du fait qu'une accusation criminelle a été
portée relativement aux mêmes circonstances ou
qu'une condamnation ou un acquittement a été
prononcé à la suite d'un procès. La jurisprudence a
considéré l'aspect possible de la double incrimina
tion comme l'une des conditions de l'adhésion à
une société dans son ensemble et à un groupe
sélect au sein de cette société. L'adhésion à ces
groupes constitués par la loi pourrait souvent être
avantageuse pour ses membres si ceux-ci se com-
portent bien. Il en est autrement si leur conduite
est considérée en général comme préjudiciable au
bon fonctionnement du groupe.
La conduite d'un citoyen peut être scandaleuse.
Elle peut être honteuse et immorale. Du point de
vue pénal, cependant, aucun acte criminel ne pour-
rait en résulter ni aucune sanction pénale être
imposée.
Toutefois, les circonstances dans lesquelles se
produit une conduite scandaleuse ou répréhensible
peuvent également avoir une certaine incidence.
Un médecin pourrait faire du tapage après avoir
consommé de la bière ou agir de façon déréglée et
scandaleuse au cours d'un colloque sur la méde-
cine, et il n'encourra alors que la désapprobation
complaisante de ses collègues. Il en découlera des
conséquences différentes et beaucoup plus graves
s'il s'engage dans une intervention ophtalmologi-
que lorsqu'il est dans un état semblable ou qu'il
entretient des rapports scandaleux avec des
patients.
De la même façon, un citoyen ordinaire peut
quitter son poste ou ne pas se présenter à son
travail. Il n'en subira aucune conséquence si ce
n'est une perte de revenu. Dans le cas d'un
membre des Forces armées canadiennes, un tel
comportement pourrait cependant constituer une
absence sans autorisation ou un acte de désertion
et entraîner des peines très sévères (voir l'article 78
et le paragraphe 80(1) de la Loi sur la défense
nationale, S.R.C. 1970, chap. N-4, et d'une
manière générale les infractions et les peines pré-
vues à la Partie V de la Loi).
Les affaires jugées depuis l'adoption de la
Charte canadienne des droits et libertés n'ont
certainement pas révolutionné les conceptions du
monde juridique en ce qui concerne la double
incrimination ou les plaidoyers appelés «autrefois
acquit» ou «autrefois convict». On a même laissé
entendre que la doctrine actuelle de common law a
une portée plus large que les garanties prévues par
la Charte à l'alinéa 11h). Dans leur ouvrage inti-
tulé Charte canadienne des droits et libertés
(Montréal, Coéditions Wilson & Lafleur/Sorej,
1982), Beaudoin et Tarnopolsky traitent abondam-
ment de cette question aux pages 481 et suivantes,
et la conclusion que je tire de leurs observations est
que le texte de l'alinéa 11h) renferme plus de
restrictions qu'il ne paraît.
L'affaire Regina v. Mingo et al. (1982), 2
C.C.C. (3d) 23 (C.S.C.-B.), concernait un détenu
d'un pénitencier qui avait été puni en vertu du
Règlement sur le service des pénitenciers, C.R.C.,
chap. 1251, et accusé également en vertu du Code
criminel. La Cour suprême de la Colombie-Britan-
nique a statué que le mot «infraction» utilisé à
l'alinéa 11h) n'était censé s'appliquer qu'aux
infractions créées par une loi fédérale ou une loi
provinciale et qui peuvent être jugées par des
tribunaux publics compétents.
Selon la décision rendue dans Re Nash and The
Queen (1982), 70 C.C.C. (2d) 490 (C. prov.
T.-N.), le mot «infraction» utilisé à l'alinéa 11h) a
une portée assez large pour s'appliquer à toute
infraction ou accusation pour laquelle un accusé
peut être puni, et notamment pour s'appliquer à
toute action intentée contre un membre d'une cor
poration professionnelle autonome aussi bien
qu'aux infractions au code de discipline de groupes
tels que les agents de police et les membres des
forces armées. Toutefois, la question soumise à la
Cour semble avoir été une tentative d'invoquer la
notion «d'impartialité» prévue à l'alinéa 11d) et
pourrait ne pas être nécessairement en contradic
tion avec les arrêts traitant de la double
incrimination.
Dans l'arrêt Krug c. La Reine, [1985] 2 R.C.S.
255; 21 C.C.0 (3d) 193, la Cour suprême du
Canada a jugé qu'un plaidoyer de double incrimi
nation ne s'appliquerait qu'aux infractions qui sont
identiques, c'est-à-dire qui contiennent les mêmes
éléments et constituent une seule et même infrac
tion procédant du même ensemble de circons-
tances.
Cette conclusion représentait une certaine déro-
gation à la doctrine énoncée dans l'arrêt Kienapple
c. La Reine, [1975] 1 R.C.S. 729, et il en a été
question de nouveau dans l'arrêt R. c. Prince,
[1986] 2 R.C.S. 480 où le juge en chef de la Cour
a souligné l'importante controverse portant sur la
nature et la portée du principe de la chose jugée
exposé par la Cour dans l'arrêt Kienapple.
À la fin de ses motifs, le juge en chef a formulé
les commentaires suivants, qui sont particulière-
ment pertinents à la présente question en litige
[aux pages 507 et 508]:
Quoique ce point n'ait pas été soulevé en cette Cour, je tiens
à ajouter que, selon moi, il convient normalement qu'une cour
supérieure refuse de faire droit à une demande interlocutoire de
bref de prérogative lorsque c'est la règle interdisant les déclara-
tions de culpabilité multiples qui est en cause. Cette règle est à
l'origine de nombreux appels. La présente affaire offre malheu-
reusement un exemple des retards qui peuvent résulter d'une
application erronée du principe de l'arrêt Kienapple avant la fin
du procès. Les brefs de prérogative relèvent de l'exercice d'un
pouvoir discrétionnaire et, nonobstant la possibilité d'une erreur
de compétence dans certains cas, il serait généralement préféra-
ble que les cours supérieures refusent d'examiner le bien-fondé
de l'argument de l'arrêt Kienapple invoqué dans le cadre d'une
demande interlocutoire.
Dans l'affaire Re MacDonald and Marriott et
al. (1984), 7 D.L.R. (4th) 697 (C.S.C.-B.), un
agent de police reconnu coupable de fraude a
également fait l'objet de poursuites disciplinaires
visant à déterminer si cette condamnation le ren-
dait inapte à exercer ses fonctions. La Cour
suprême de la Colombie-Britannique a jugé que
cela n'allait pas à l'encontre de l'alinéa 11h) de la
Charte. Selon la Cour, bien que l'agent de police
ait le droit de ne pas être accusé une autre fois de
fraude, les poursuites disciplinaires ne visaient pas
la fraude elle-même.
Dans l'affaire Regina v. Wigglesworth
(1984), 11 C.C.C. (3d) 27; 38 C.R. (3d) 388
(C.A. Sask.), un membre de la GRC avait été
reconnu coupable d'une infraction grave ressortis-
sant au service en vertu du paragraphe 25(1) de la
Loi sur la Gendarmerie royale du Canada pour
s'être conduit de façon inutilement violente envers
un prisonnier. L'agent avait également été accusé
de voies de fait simples en vertu du paragraphe
245(1) du Code criminel. La Cour d'appel de la
Saskatchewan a décidé qu'il ne pouvait invoquer
l'alinéa 11h) de la Charte. La Cour a fait siens les
mots du juge Kindred du tribunal inférieur [B.R.
Sask.] qui avait conclu ce qui suit [7 C.C.C. (3d)
170, aux pages 174 et 175; 150 D.L.R. (3d) 748, à
la page 753; 35 C.R. (3d) 322 aux pages 327-328]:
[TRADUCTION] ... (1) en adoptant la Partie II de la Loi, le
Parlement a pourvu la Gendarmerie d'un code et de ses propres
tribunaux pour juger les manquements à la discipline; (2) les
infractions (tant les infractions majeures que les infractions
mineures ressortissant au service) prévues par la Partie II
«concernent uniquement la discipline interne», se rapportant
aux membres de la Gendarmerie; (3) il ne s'agit généralement
pas d'infractions d'une nature publique qui doivent être jugées
devant les cours ordinaires de juridiction criminelle.
Dans cette affaire, la Cour d'appel a déclaré
qu'elle n'avait pas à s'occuper de la question de
savoir si le pouvoir conféré à la GRC d'imposer
une peine d'emprisonnement à ses membres recon-
nus coupables d'infractions graves ressortissant au
service, allait ou non à l'encontre de dispositions de
la Charte.
Il faut noter que la Cour suprême du Canada
[[1984] 1 R.C.S. xiv] a accordé la permission
d'interjeter appel de la décision de la Cour d'appel
de la Saskatchewan, et celui-ci devrait être
entendu à la prochaine session.
Il convient également de noter que l'infraction
ressortissant au service dont Wigglesworth a été
reconnu coupable, c'est-à-dire le recours inutile à
la violence envers un prisonnier, semblerait être
sensiblement la même infraction que celle qui est
décrite au paragraphe 245(1) du Code criminel.
On n'a pas soulevé devant moi la question de la
validité des dispositions disciplinaires de la Loi sur
la Gendarmerie royale du Canada compte tenu
des droits et libertés prévus par la Charte. Néan-
moins, l'avocat du requérant a fait remarquer que
la Loi prévoit notamment une peine d'emprisonne-
ment d'au plus un an pour une infraction grave
ressortissant au service. C'est donc une loi pénale
tout comme le Code criminel, et les règles ordinai-
res en matière de double incrimination s'appli-
quent.
Je dois reconnaître que, si l'accusation portée
contre le requérant et en instance devant le tribu
nal du service était identique ou similaire aux
accusations criminelles dont il a déjà été acquitté,
il pourrait opposer la double incrimination de
façon assez convaincante. Je suis toutefois loin
d'être persuadé que cette défense soit possible en
l'espèce.
Le requérant est accusé d'avoir eu une conduite
répréhensible pour un agent de la GRC. Il n'est
pas accusé d'avoir vendu des renseignements pré-
cieux pour ce qu'on pourrait appeler, par euphé-
misme, une contrepartie valable. Il est accusé
d'une infraction ressortissant au service, et le tri
bunal du service devra le juger et prononcer un
verdict, dans un sens ou dans l'autre, en fonction
de la preuve qui lui est soumise. De plus, la Cour
ignore complètement ce qui pourrait être des élé-
ments de preuve concordants qui ont été présentés
devant les tribunaux criminels et que le tribunal du
service pourra ou non trouver pertinents ou receva-
bles, ainsi que les faits et les circonstances invo-
qués aux procès criminels tenus en Floride ou au
Canada.
La Cour ne peut non plus actuellement détermi-
ner quels sont les éléments nécessaires de l'infrac-
tion dont le tribunal du service est saisi ou si ces
éléments sont identiques à ceux qui sont prévus par
le code des États-Unis ou notre propre Code cri-
minel. À titre d'exemple, il se pourrait que, pour le
public en général, la divulgation de renseignements
confidentiels, ou même la vente de ceux-ci à un
acheteur intéressé, ne constitue pas un comporte-
ment criminel. Ce genre de conduite pourrait
néanmoins constituer une infraction grave pour un
membre de la Gendarmerie, car il pourrait repré-
senter un manquement grave à l'ordre et à la
discipline. Dans de telles circonstances, une accu
sation reliée au service pourrait être perçue comme
une sorte de double incrimination, sans pour
autant que le tribunal du service soit inhabile à
l'entendre et sans qu'elle aille, à mon avis, à
l'encontre de l'alinéa 11h) de la Charte canadienne
des droits et libertés. Quoi qu'il en soit, voilà des
questions qu'il serait peut-être plus approprié de
soulever devant le tribunal du service, d'autant
plus qu'il serait alors facile de se prévaloir des
recours prévus en cas d'erreur.
L'avocat du requérant soulève la question de la
«crainte raisonnable de partialité». Je dois dire tout
d'abord qu'on a déjà avancé cet argument relative-
ment aux tribunaux du service. Comme c'est le cas
pour les cours martiales, on allègue que le tribunal
est désigné par l'autorité qui décide qu'une accusa
tion doit être portée, que les maillons de la chaîne
hiérarchique vont du sommet au tribunal pour
retourner au point de départ, que le tribunal veut
faire respecter la politique élaborée par l'autorité
concernée et est partial. Cette allégation a été
soulevée dans l'affaire MacKay c. La Reine,
[1980] 2 R.C.S. 370. La Cour a jugé cet appel en
séance plénière et la majorité des juges (sauf les
dissidences du juge en chef Laskin et du juge
Estey) n'a pas retenu cette allégation. Le juge
McIntyre a dit, aux pages 403 et 404:
On ne peut nier qu'un officier est jusqu'à un certain point le
représentant de la classe militaire dont il est issu; il ne serait
pas humain si ce n'était le cas. Mais le même argument, en
toute justice, vaut tout autant à l'égard des personnes nommées
à des fonctions judiciaires dans la société civile. Nous sommes
tous les produits de nos milieux respectifs et nous devons tous,
dans l'exercice de la fonction judiciaire, veiller à ce que cette
réalité n'entraîne aucune injustice. Je ne puis dire que les
officiers, formés aux méthodes de la vie militaire et soucieux de
préserver les normes requises d'efficacité et de discipline—ce
qui inclut le bien-être de leurs hommes—sont moins aptes que
d'autres à adapter leurs attitudes de façon à remplir l'obligation
d'impartialité qui leur incombe dans cette tâche.
Il est vrai que, dans l'affaire MacKay, la contes-
tation de la compétence de la Cour martiale était
fondée sur l'alinéa 2f) de la Déclaration cana-
dienne des droits, S.R.C. 1970, Appendice III,
mais, quant au fond, ce droit ou cette protection
est identique à celui qui est prévu à l'alinéa 11d)
de la Charte canadienne des droits et libertés.
L'avocat du requérant a cependant avancé un
autre argument en ce qui concerne la partialité. Le
requérant a produit comme pièce annexe de son
affidavit un extrait dactylographié non identifié
d'un présumé enregistrement sur cassette d'une
présumée déclaration qui aurait été faite par le
commissaire de la GRC à un certain groupe et
dans laquelle le commissaire exprimait certaines
opinions non équivoques sur la conduite d'un
membre non identifié de la Gendarmerie. L'avocat
m'a exhorté à conclure que l'extrait était authenti-
que, que les paroles avaient vraiment été pronon-
cées, qu'elles visaient le requérant et que la trans
cription reproduisait exactement ce qui a été dit et
enregistré à cette réunion. L'avocat du requérant a
également souligné que le fait pour la Couronne de
ne pas avoir contre-interrogé le requérant au sujet
de cette pièce constituait une reconnaissance de
son authenticité.
Je n'irai pas jusque-là. Le document lui-même
ne constitue que du ouï-dire et je doute que le
requérant soit en mesure de jurer que son contenu
est authentique ou vrai. Aucune preuve ne porte
sur l'auteur de la déclaration, sur les personnes
devant lesquelles elle a été faite ni sur le contexte
des paroles soi-disant partiales.
Évidemment, il n'existe non plus aucune preuve
sur la façon dont le requérant est entré en posses-
Sion de cette «transcription», mais c'est là une
autre question qui devrait être tranchée exclusive-
ment selon la procédure de la GRC en matière de
sécurité interne.
En admettant pour le moment que le document
est authentique et que les paroles qui y sont rap-
portées visaient le requérant, il ne suffirait pas
pour autant à me justifier d'intervenir pour l'ins-
tant. Le commissaire de la GRC n'est pas le
tribunal. Il est vrai qu'il a désigné le tribunal mais,
une fois désigné, celui-ci est aussi indépendant et
apparemment aussi impartial que tout tribunal qui
traiterait d'une infraction ressortissant au service.
On ne peut pas raisonnablement conclure que les
préventions du commissaire, le cas échéant, sont
nécessairement partagées par le tribunal et que,
par conséquent, le requérant n'obtiendrait pas un
procès équitable. Je n'ai pas à répéter ici les
remarques formulées à cet égard par le juge McIn-
tyre dans l'arrêt MacKay (précité).
En outre, la Loi sur la Gendarmerie royale du
Canada contient certaines garanties qui sont énon-
cées à la Partie II. L'article 41 prévoit la possibi-
lité d'interjeter appel. Selon le paragraphe 43(2),
les appels interjetés par des personnes déclarées
coupables d'une infraction majeure ressortissant
au service doivent être déférés par le commissaire
à une Commission de révision. Conformément au
paragraphe 43(1), cette Commission de révision
est nommée par le solliciteur général du Canada.
J'admets que la Commission de révision doit alors
faire ses recommandations au commissaire qui
peut, en vertu de l'article 44, annuler la déclara-
tion de culpabilité, rejeter l'appel, réduire la sen
tence ou ordonner un nouveau procès. Ces procé-
dures d'appel sont cependant assez éloignées et, en
attendant, les parties seront libres d'examiner
davantage la preuve à l'appui de l'allégation de
partialité. À ce moment-ci, toutefois, je répugne à
interrompre le procès disciplinaire avant même
qu'il ne soit commencé.
Je dois maintenant traiter brièvement du renvoi
que le dossier de l'avocat du requérant fait au
paragraphe 24(1) de la Charte canadienne des
droits et libertés. Cette disposition est rédigée
ainsi:
24. (1) Toute personne, victime de violation ou de négation
des droits ou libertés qui lui sont garantis par la présente
charte, peut s'adresser à un tribunal compétent pour obtenir la
réparation que le tribunal estime convenable et juste eu égard
aux circonstances.
Le renvoi que l'avocat du requérant fait à cette
disposition de la Charte a, si je comprends bien,
deux volets: premièrement, la disposition fournirait
au requérant une procédure lui permettant de
chercher un redressement devant la Cour et,
deuxièmement, les droits garantis au requérant par
la Charte auraient été violés ou niés en raison de
l'accusation relative au service portée contre lui et,
dans un tel cas, une ordonnance de prohibition
serait le redressement approprié. Comme j'ai
conclu que le droit conféré par la Loi au tribunal
du service d'entendre ladite accusation relative à
ce service est bien établi et que, à cette étape au
moins, les droits garantis au requérant par la
Charte n'ont pas été violés ou niés, je n'ai pas
besoin d'en dire davantage sur ce point.
L'avocat de la Couronne a fait valoir qu'il est
prématuré en ce moment de présenter une
demande d'ordonnance de prohibition. Il soutient
qu'une cour supérieure ne peut pas rendre une telle
ordonnance afin d'empêcher un tribunal inférieur
de commettre des erreurs que l'on peut peut-être
appréhender mais qui n'ont pas encore été commi-
ses. L'avocat a cité le volume de Gilles Létourneau
intitulé The Prerogative Writs in Canadian Crimi
nal Law and Procedure, (Toronto, Butterworths),
aux pages 142 et 143 et les arrêts Re R. v. Crux
and Polvliet (1971), 2 C.C.C. (2d) 427, et Vail-
lancourt v. City of Hull and Attorney General of
the Province, [1949] B.R. 680 (Qc), à la page 689.
Cet ouvrage et cette jurisprudence ont été inter-
prétés comme reconnaissant à un tribunal le privi-
lège de commettre une erreur ou le droit de se
tromper, le recours dans un tel cas étant une
demande d'annulation du jugement.
On a dit beaucoup de choses sur le champ
d'application possible d'un bref de prohibition.
L'argument qu'a fait valoir l'avocat de la Cou-
ronne peut être bien fondé en ce qui concerne
certains des motifs soulevés par le requérant. On
pourrait considérer que ces motifs sont prématurés
et qu'il serait préférable de les soulever devant le
tribunal du service. Cela aurait pu justifier une
réponse favorable à la requête concomitante de
l'avocat de la Couronne tendant à la radiation de
la demande. En raison cependant de la décision
que j'ai déjà rendue au sujet de cette demande, je
n'ai pas à m'attarder sur cette question.
La demande visant à obtenir une ordonnance de
prohibition est rejetée avec dépens.
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