T-2937-85
Bechthold Resources Limited (requérante)
c.
Ministre du Revenu national (intimé)
RÉPERTORIÉ: BECHTHOLD RESOURCES LTD. c. CANADA
(M.R.N.)
Division de première instance, juge Addy -Van-
couver, 13 et 16 janvier 1986.
Compétence de la Cour fédérale - Division de première
instance - Bref de certiorari demandé pour faire annuler une
cotisation d'impôt sur le revenu et une saisie-arrêt fondée sur
celle-ci, au motif que le ministre du Revenu national n'avait
pas le pouvoir d'établir une cotisation avant la fin de l'exercice
financier de la contribuable - La cotisation ne peut être
contestée qu'au moyen d'un appel régulier - Loi sur la Cour
fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), chap. 10, art. 18, 28, 29 -
Loi de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, chap. 63, art.
152(3),(4) (mod. par S.C. 1984, chap. 1, art. 84; chap. 45, art.
59), (7), 194(1),(2),(3),(4) (ajouté par S.C. 1984, chap. 1, art.
95), 195(2),(3),(4),(8) (ajouté, idem), 222, 224 (mod. par S.C.
1980-81-82-83, chap. 48, art. 103; chap. 140, art. 121).
Impôt sur le revenu - Crédits d'impôt pour la recherche
scientifique - Cotisation établie avant la fin de l'exercice
financier de la contribuable - Moment où l'obligation de
payer l'impôt est née - La Loi prévoit que l'impôt est exigible
dans le mois qui suit l'émission d'une créance par une corpo
ration - L'assujettissement à l'impôt prévu par la loi existe
indépendamment d'une cotisation - L'avis de cotisation est
valide - Date à compter de laquelle l'intérêt court sur une
somme impayée - Loi de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970-
71-72, chap. 63, art. 152(3),(4) (mod. par S.C. 1984, chap. 1,
art. 84; chap. 45, art. 59), (7), 194(1),(2),(3),(4) (ajouté par S.C.
1984, chap. 1, art. 95), 195(2),(3),(4),(8) (ajouté, idem), 222,
224 (mod. par S.C. 1980-81-82-83, chap. 48, art. 103; chap.
140, art. 121).
La requérante est une corporation qui s'occupe de recherche
et de développement dans le domaine scientifique au Canada.
En janvier 1985, elle a, en vertu du paragraphe 194(4) de la
Loi (qui porte sur les crédits d'impôt pour la recherche scienti-
fique), désigné des sommes totalisant trente millions de dollars
comme étant la contrepartie qu'elle a reçue par suite de l'émis-
sion de valeurs. L'impôt payable en vertu de la Partie VIII,
c'est-à-dire 50 % du montant total désigné, était donc de quinze
millions de dollars. En mars 1985, on a émis une cotisation qui
faisait état de ce montant au titre de l'impôt de la Partie VIII
impayé et dû et qui en exigeait le paiement. On a fait parvenir
à Canada Trust Company, qui avait été constituée fiduciaire
d'un compte de garantie bloqué, deux demandes péremptoires
de paiement de ladite somme, plus l'intérêt depuis la date à
partir de laquelle le paiement était exigible. La troisième
demande péremptoire de paiement, en date du 15 décembre
1985, se voulait une saisie-arrêt de la somme de 16 225 479 $
représentant le capital et l'intérêt accumulé à cette date.
L'exercice financier de la société a pris fin le 22 janvier 1986,
et sa déclaration d'impôt ordinaire ne devait être produite que
le 22 juillet 1986.
La requérante soutient que puisque son exercice financier
n'avait pas encore pris fin lorsque la cotisation a été établie,
l'intimé n'avait pas le pouvoir d'émettre une cotisation pour fins
d'impôt dû. Elle conclut donc à un bref de certiorari pour faire
annuler tant la cotisation que la saisie-arrêt subséquente.
La question fondamentale est de savoir si, étant donné
l'arlticle 29 de la Loi sur la Cour fédérale, un bref de certiorari
peut être accordé ou si la requérante aurait dû agir par voie
d'appel.
Jugement: la demande devrait être rejetée.
Dans l'affaire Parsons, la Cour, partant de la prémisse que le
Ministre n'était pas habilité par la loi à établir les cotisations en
cause, a statué que, en vertu de l'article 29 de la Loi sur la
Cour fédérale, celles-ci ne pouvaient faire l'objet d'examen, de
restriction ou d'annulation par la Cour en vertu de l'article 18
ou de l'article 28 de la Loi. Il a été jugé que la contestation de
la cotisation ne pouvait se faire qu'au moyen d'un appel régu-
lier. C'est la règle applicable en l'espèce. Dans l'affaire W. T.C.
Western, qui ressemble en tous points à l'espèce et sur laquelle
la requérante s'appuie, c'est à tort que le juge Collier a
distingué l'affaire Parsons et statué qu'un bref de certiorari
pouvait être accordé.
Toutefois, puisque la validité de la cotisation et de la saisie-
arrêt a été longuement débattue sur le fond, il serait peut-être
utile d'aborder cette question.
La requérante fait valoir qu'on ne peut ni déterminer l'impôt
exigible et payable ni établir une cotisation tant qu'une déclara-
tion d'impôt n'a pas été produite après la fin de son exercice
financier. Toutefois, l'obligation de payer un impôt de 50
dans le mois qui suit l'émission, par une corporation admissible,
d'une action ou d'une créance est clairement énoncée au para-
graphe 195(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu. Et l'intérêt
imposé en cas de paiement tardif, prévu au paragraphe 195(3),
vise non seulement l'impôt qui est finalement calculé à la fin de
l'exercice financier, mais aussi les montants d'impôt payables
en vertu du paragraphe 195(2).
De plus, il est depuis longtemps établi que la responsabilité
de payer l'impôt est créée par la Loi et existe indépendamment
d'une cotisation. L'intimé avait donc pleinement le droit, à
compter du 28 février 1985, de prendre toutes mesures légales
possibles pour en assurer le paiement, dont la saisie-arrêt.
Quant à l'avis de cotisation lui-même, il est clairement valide
en vertu de l'article 152, qui autorise le Ministre à fixer des
impôts à une date quelconque et que le paragraphe 195(8) rend
applicable, mutatis mutandis, à la Partie VIII. En désignant un
montant de trente millions, la requérante a reconnu sa respon-
sabilité à cet égard, et le Ministre aurait très bien pu être en
droit de déterminer l'impôt à payer par la requérante comme il
l'a fait après qu'il eut reçu la désignation.
JURISPRUDENCE
DÉCISION SUIVIE:
Ministre du Revenu national c. Parsons, [1984] 2 C.F.
331; 84 DTC 6345 (C.A.), infirmant [1984] 1 C.F. 804;
83 DTC 5329 (l'a inst.).
DÉCISION ÉCARTÉE:
W.T.C. Western Technologies Corp. c. M.R.N., [1986] 1
C.T.C. 110; 86 DTC 6027 (1" inst.).
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
R. c. Simard-Beaudry Inc., [1971] C.F. 396; 71 DTC
5511 (1`e inst.); Lambert c. La Reine, [1977] 1 C.F. 199;
76 DTC 6373 (C.A.); R. c. Cyrus J. Moulton Ltd.,
[1977] 1 C.F. 341; 76 DTC 6239 (1" inst.); Abrahams,
Coleman C. v. Minister of National Revenue (No. 2),
[1967] 1 R.C.É. 333; 66 DTC 5451.
AVOCATS:
Kenneth J. Anderson et William J. Baillie
pour la requérante.
J. A. Van Iperen, c.r., pour l'intimé.
PROCUREURS:
Anderson, Baillie & Company, Vancouver,
pour la requérante.
Le sous-procureur général du Canada pour
l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs
de l'ordonnance rendus par
LE JUGE ADDY: Il s'agit en l'espèce d'une
demande présentée en vertu de l'article 18 de la
Loi sur la Cour fédérale [S.R.C. 1970 (2e Supp.),
chap. 10] en vue d'obtenir un bref de certiorari
annulant une cotisation établie à l'égard de la
requérante, aux fins de l'impôt sur le revenu, par
voie d'avis de cotisation en date du 26 mars 1985
et une décision subséquente de l'intimé de procéder
à une saisie-arrêt au moyen d'une «demande
péremptoire» signifiée à Canada Trust Company
conformément à l'article 224 de la Loi de l'impôt
sur le revenu [S.R.C. 1952, chap. 148 (mod. par
S.C. 1970-71-72, chap. 63, art. 1; 1980-81-82-83,
chap. 48, art. 103; chap. 140, art. 121)].
Voici les faits, qui ne sont d'ailleurs pas contes
tés. À tout moment pertinent, la requérante s'occu-
pait, et s'occupe actuellement, de recherche et de
développement dans le domaine scientifique au
Canada. Le 17 janvier 1985, elle a désigné, en
vertu du paragraphe 194(4) de la Loi de l'impôt
sur le revenu [ajouté par S.C. 1984, chap. 1, art.
95] qui porte sur les crédits d'impôt pour la
recherche scientifique, des sommes totalisant
trente millions de dollars comme étant la contre-
partie qu'elle a reçue par suite de l'émission, à
cette date, de certaines de ses valeurs. La désigna-
tion, qui a été faite sur la formule 21113 du
Revenu Canada, laissait voir une somme de quinze
millions de dollars au titre de l'impôt payable en
vertu de la Partie VIII, c'est-à-dire 50 % du mon-
tant total désigné. Canada Trust Company a été
constituée fiduciaire d'un compte de garantie
bloqué détenu en vertu d'une entente portant la
même date. Par la suite, l'intimé a émis à la
requérante, le 26 mars 1985, une cotisation qui
faisait état d'un montant correspondant de quinze
millions de dollars au titre de l'impôt de la Partie
VIII impayé et dû et qui en exigeait le paiement.
Aucun paiement n'ayant été effectué, l'intimé a
fait parvenir à Canada Trust Company, le 16
juillet 1985, une demande péremptoire de paie-
ment au montant de 15 592 602 $, ce qui représen-
tait la somme de 15 000 000 $ plus, probablement,
l'intérêt accumulé sur celle-ci depuis la date à
partir de laquelle le paiement était, selon l'intimé,
exigible et payable. Une autre demande péremp-
toire a été signifiée en septembre et une troisième,
signifiée le 15 décembre 1985, se voulait une sai-
sie-arrêt de la somme de 16 225 479 $ représentant
le capital et l'intérêt total accumulé à cette date.
L'exercice financier de la société ne prendra fin
que le 22 janvier 1986. L'avis de cotisation émis en
mars a donc été délivré deux mois après le début
de l'exercice financier en cours. Les déclarations
d'impôt ordinaires portant sur l'exercice en cours
de la société ne doivent être produites que le 22
juillet 1986.
Comme l'exercice financier de la requérante
n'avait pas encore pris fin lorsque la cotisation a
été établie, on a fait valoir que l'intimé n'avait ni le
pouvoir ni la compétence d'émettre une cotisation
pour fins d'impôt dû et que, par conséquent, la
cotisation était frappée de nullité totale, et que la
demande péremptoire adressée à la société fidu-
ciaire sur le fondement de cette cotisation était
également frappée de nullité et était susceptible
d'annulation.
La question fondamentale de savoir si un bref de
certiorari peut, en l'espèce, être accordé en vertu
de l'article 18 de la Loi sur la Cour fédérale
dépend de l'interprétation de l'article 29 de la Loi,
qui est ainsi rédigé:
29. Nonobstant les articles 18 et 28, lorsqu'une loi du
Parlement du Canada prévoit expressément qu'il peut être
interjeté appel, devant la Cour, la Cour suprême, le gouverneur
en conseil ou le conseil du Trésor, d'une décision ou ordonnance
d'un office, d'une commission ou d'un autre tribunal fédéral,
rendue à tout stade des procédures, cette décision ou ordon-
nance ne peut, dans la mesure où il peut en être ainsi interjeté
appel, faire l'objet d'examen, de restriction, de prohibition,
d'évocation, d'annulation ni d'aucune autre intervention, sauf
dans la mesure et de la manière prévues dans cette loi. (C'est
moi qui souligne.)
La requérante s'appuie sur une décision récente
de la Division de première instance de cette Cour,
en date du 18 décembre 1985, W.T.C. Western
Technologies Corp. c. M.R.N., [1986] 1 C.T.C.
110; 86 DTC 6027, où il a été jugé qu'un bref de
certiorari pouvait être accordé à la requérante et
où la cotisation et la demande péremptoire ont été
annulées.
Les avocats des deux parties ont convenu qu'au-
cune distinction logique quant aux faits ne pouvait
être établie entre l'affaire W.T.C. Western et la
présente espèce. Toutefois, la question n'a pas
encore été tranchée de façon définitive puisque
l'affaire fait actuellement l'objet d'un appel. On
m'informe également qu'au moins quatre affaires
pertinentes sur lesquelles s'appuie actuellement
l'intimé n'ont pas été portées à l'attention du juge
à l'audition.
Dans l'affaire W. T.C. Western, mon collègue le
juge Collier a déclaré, à la page 3 de ses motifs
[pages 111 et 112 C.T.C.; 6028 DTC]:
de fais cette remarque. L'avis de cotisation repose, pré-
tend-on, sur le paragraphe 195(2). Ce paragraphe n'impose pas
d'impôt ou d'obligation fiscale. Il ne fait qu'imposer au contri-
buable l'obligation de payer par anticipation des «montants» au
titre de son impôt payable.
La requérante adopte le point de vue que bien qu'elle puisse
ultimement avoir l'obligation de payer un impôt de
12 437 500 $, ou moins, le Ministre ne peut déterminer les
impôts dus avant que la déclaration mentionnée précédemment
n'ait été produite. Appliquant le paragraphe 152(1), le Ministre
doit examiner la déclaration et fixer l'impôt pour l'année.
La requérante affirme qu'en l'espèce, la décision du Ministre
de fixer l'impôt avant la fin de l'exercice financier du contri-
buable et avant que quelque déclaration ne doive être produite,
ne reposait sur aucun pouvoir légal; que le Ministre a donc
outrepassé sa compétence; que le bref de certiorari est le
recours approprié.
Je suis d'accord avec cet argument.
Il a ensuite poursuivi en distinguant la décision
rendue par la Cour d'appel fédérale dans Ministre
du Revenu national c. Parsons, [1984] 2 C.F. 331;
84 DTC 6345, qui a infirmé une décision du juge
Cattanach publiée dans [1984] 1 C.F. 804; 83
DTC 5329, au motif que l'affaire Parsons mettait
en jeu non pas une question de compétence mais
plutôt la simple question de savoir si la cotisation
était fondée en droit.
Avec déférence, je ne suis pas du tout convaincu
que cette distinction peut être établie. Dans l'af-
faire Parsons, le juge Cattanach a déclaré, à la
page 811 C.F.; 5331 du recueil DTC susmen-
tionné:
Les avocats des requérants prétendent essentiellement que les
cotisations en question ne sont pas autorisées par la loi et
comme telles, sont illégales et nulles. (C'est moi qui souligne.)
et il a ajouté, aux pages 814 et 815 C.F.; 5332 et
5333 DTC:
Lorsqu'on allègue une erreur de droit qui entraîne l'incompé-
tence, le certiorari est le recours approprié et à mon avis, ce
recours peut être exercé en dépit de l'existence d'une procédure
d'appel portant sur le montant de la cotisation et sur l'assujet-
tissement à l'impôt qui est le but du processus d'établissement
de la cotisation. Il s'agit là d'un appel concernant une question
qui est tout à fait différente de l'inhabilité à établir la
cotisation.
Pour cette raison, l'article 29 de la Loi sur la Cour fédérale
ne constitue pas, à mon avis, un obstacle aux procédures de
certiorari et d'injonction engagées par les requérants. (C'est
moi qui souligne.)
Le juge Pratte, qui rendait alors jugement au
nom de la Cour d'appel dans l'arrêt Parsons,
lorsque cette dernière a infirmé la décision sus-
mentionnée de la Division de première instance, a
déclaré [aux pages 332 et 333 C.F.; 6346 DTC]:
Le savant juge de première instance a statué que, en l'espèce,
l'article 29 n'enlevait pas à la Division de première instance sa
compétence pour accueillir la demande présentée par les inti-
més en vertu de l'article 18 de la Loi sur la Cour fédérale parce
que, à son avis, l'appel que prévoyait la Loi de l'impôt sur le
revenu était limité à des questions concernant [TRADUCTION]
«le montant et l'assujettissement à l'impôt» alors que la
demande des intimés soulevait la question plus fondamentale du
pouvoir du Ministre d'établir les cotisations en cause. Nous ne
pouvons approuver cette distinction. Le droit d'appel que con-
fère la Loi de l'impôt sur le revenu n'est pas assujetti à de telles
restrictions.
À notre avis, la Loi de l'impôt sur le revenu prévoit expressé-
ment un appel comme tel à la Cour fédérale des cotisations
établies par le Ministre; il s'ensuit, selon l'article 29 de la Loi
sur la Cour fédérale, que ces cotisations ne peuvent pas faire
l'objet d'examen, de restriction ou d'annulation par la Cour
dans l'exercice de sa compétence en vertu des articles 18 et 28
de la Loi sur la Cour fédérale. (C'est moi qui souligne.)
Il me semble que lorsque le pouvoir légal d'ac-
complir un acte administratif ou judiciaire fait
défaut, il y a alors absence de compétence pour le
faire. L'inhabilité à établir une cotisation entraîne
nécessairement un défaut de compétence à cet
égard. Néanmoins, la Cour d'appel, partant de la
prémisse que le Ministre n'était pas habilité par la
loi à établir une cotisation, a statué que, étant
donné l'article 29 de la Loi sur la Cour fédérale,
les cotisations en cause dans l'affaire Parsons ne
pouvaient faire l'objet d'examen, de restriction ou
d'annulation par la Cour en vertu de l'article 18 ou
de l'article 28 de la Loi.
À la lumière de l'exposé du droit fait par la
Cour d'appel dans l'affaire Parsons, je serais donc
disposé à conclure que la cotisation établie par le
ministre du Revenu national ne peut être examinée
et annulée qu'au moyen d'un appel régulier, formé
soit devant cette Cour soit devant la Cour de
l'impôt, à la suite de la confirmation de la cotisa-
tion après le dépôt d'un avis d'opposition ou, avec
le consentement du Ministre, au moyen d'un appel
interjeté directement devant cette Cour, sans
passer par la formalité de l'avis d'opposition.
Toutefois, puisque la validité de la cotisation et
de la saisie-arrêt effectuée au moyen d'un avis
intitulé «Demande péremptoire» émis à Canada
Trust a été longuement débattue sur le fond par les
deux parties, il pourrait bien s'avérer utile d'exa-
miner les arguments invoqués.
L'avocat de la requérante fait valoir que, tant
qu'une déclaration d'impôt n'a pas été produite, de
la manière ordinaire, après la fin de l'exercice
fiscal de la requérante, soit quelque temps avant le
22 juillet 1986, on ne peut déterminer l'impôt
exigible et payable, et que toute cotisation à cet
égard est prématurée et établie sans compétence
pour ce faire. Il soutient en outre que rien dans la
Partie VIII de la Loi n'exige de payer un intérêt
sur autre chose que l'impôt payable et déterminé à
la fin de l'exercice financier.
Pour des motifs qui seront évidents plus loin, je
vais laisser de côté, pour le moment, la question de
la validité de la cotisation pour statuer sur la
question de l'obligation de payer l'impôt et de la
validité de la demande péremptoire.
La Partie VIII est de toute évidence une partie
spéciale de la Loi, adoptée dans le dessein très
louable de prévoir un impôt sur les corporations
remboursable au titre du crédit d'impôt pour la
recherche scientifique. Le paragraphe 194(1)
[ajouté par S.C. 1984, chap. 1, art. 95] prévoit un
impôt égal à 50 % de tous les montants désignés. Il
est ainsi rédigé:
194. (1) Toute corporation doit payer en vertu de la présente
Partie, pour une année d'imposition, un impôt égal à 50% du
total de tous les montants désignés en vertu du paragraphe (4)
à l'égard d'une action ou d'une créance émise par elle ou d'un
droit consenti par elle durant l'année.
Le paragraphe 194(2) [ajouté, idem] définit la
nature du remboursement prévu à l'article et, à
mon avis, ne peut que viser le remboursement de
l'impôt payé. Le paragraphe 194(3) [ajouté, idem]
donne la définition de l'expression «impôt de la
Partie VIII remboursable en mains d'une corpora
tion». Le paragraphe 194(4) traite des montants
désignés dont fait mention le paragraphe 194(1). Il
est ainsi conçu:
194....
(4) Toute corporation canadienne imposable peut, sur pro
duction à une date quelconque d'une formule prescrite auprès
du Ministre, au plus tard le dernier jour du mois suivant le mois
où elle a émis une action ou une créance ou accordé un droit en
vertu d'un contrat de financement pour la recherche scientifi-
que (autre qu'une action, une créance émise ou un droit
accordé avant octobre 1983 ou une action à l'égard de laquelle
la corporation a, avant ou au plus tard à ce jour, désigné un
montant en vertu du paragraphe 192(4)) désigner, aux fins de
la présente Partie et de la Partie I, un montant à l'égard de
cette action, de cette créance ou de ce droit, ne dépassant pas le
montant de l'excédent éventuel
a) de la valeur de la contrepartie pour laquelle l'action ou la
créance a été émise, ou le droit accordé, selon le cas,
sur
b) dans le cas d'une action, le montant de toute aide (à
l'exclusion d'un montant inclus dans le calcul du crédit d'impôt
pour la recherche scientifique d'un contribuable relativement à
cette action) fournie, ou devant être fournie, par un gouverne-
ment, une municipalité ou tout autre corps public en ce qui
concerne l'action ou l'acquisition de celle-ci.
Le paragraphe 195(2) [ajouté, idem] oblige toute
corporation admissible qui émet une action ou une
créance à payer dans le mois qui suit un montant
égal à 50 % des montants désignés. Ce paragraphe
est ainsi rédigé:
195.. ..
(2) Lorsque, dans un mois donné d'une année d'imposition,
une corporation émet une action ou une créance, ou accorde un
droit, à l'égard de laquelle ou duquel elle désigne un montant
en vertu de l'article 194, elle doit, dans le mois qui suit le mois
donné, payer au receveur général au titre de son impôt payable
en vertu de la présente Partie pour l'année un montant égal à
50% du total de tous les montants ainsi désignés.
Les mots «doit ... payer» créent de toute évidence
une obligation stricte de payer. Un montant «au
titre de son impôt» doit signifier une partie de
l'impôt. Autrement dit, il doit se rapporter à un
paiement au titre de l'impôt total qui est ultime-
ment déclaré payable. Le paragraphe 195(3)
[ajouté, idem] prévoit le paiement d'intérêts. Il est
ainsi conçu:
195... .
(3) Lorsqu'une corporation est tenue de payer un impôt en
vertu de la présente Partie et a omis d'effectuer la totalité ou
une partie d'un versement dans le délai qui lui était accordé
pour le faire, elle doit, lors du paiement du montant en souf-
france, payer des intérêts sur cet impôt au taux prescrit pour la
période commençant après le délai accordé pour le versement et
finissant le jour du versement. (C'est moi qui souligne.)
À mon avis, les intérêts mentionnés au paragra-
phe ci-dessus visent non seulement l'impôt qui est
ultimement calculé à la fin de l'exercice financier
mais aussi les montants payables en vertu du
paragraphe 195(2). En d'autres mots, les paragra-
phes 195(2) et 195(3) doivent être lus l'un en
regard de l'autre. Cela devient évident à la lecture
du paragraphe suivant, le paragraphe 195(4)
[ajouté, idem]:
195....
(4) Aux fins du calcul des intérêts payables par une corpora
tion en vertu du paragraphe (3) pour un ou plusieurs mois de la
période de 14 mois finissant 2 mois après la fin d'une année
d'imposition, période au cours de laquelle la corporation a
désigné un montant en vertu de l'article 194 à l'égard d'une
action ou d'une créance émise, ou d'un droit accordé, par elle
au cours d'un mois donné de l'année, la corporation est réputée
avoir été tenue de payer, au cours du mois qui suit le mois
donné, une fraction ou un versement d'impôt pour l'année égal
à la fraction de l'excédent éventuel de son impôt payable en
vertu de la présente Partie pour l'année sur son remboursement
de la Partie VIII pour l'année que représente ...
La responsabilité de payer l'impôt ou de payer
un montant au titre de l'impôt ne dépend pas de
quelque avis de cotisation. Il est depuis longtemps
fermement établi que la responsabilité est créée
par la loi et qu'elle existe indépendamment de la
question de savoir s'il y a eu une cotisation établie
par le Ministre. La décision qui fait autorité à cet
égard et qui est souvent citée est celle de l'ancien
juge en chef adjoint Noël dans l'affaire R. c.
Simard-Beaudry Inc., [1971] C.F. 396; 71 DTC
5511 (1" inst.), où il déclare, à la page 403 C.F.;
5515 DTC:
Quant à son deuxième argument, à savoir que la dette
provenant de la nouvelle cotisation du contribuable ne date que
du moment où le contribuable est cotisé et que, par conséquent,
elle n'existait pas au moment de la convention, la réponse, il me
semble, me paraît être que l'économie générale de la Loi de
l'impôt sur le revenu veut que ce soit le revenu imposable qui
crée la dette du contribuable et non pas la cotisation ou une
nouvelle cotisation. La responsabilité d'un contribuable, en
effet, provient de la Loi et non de la cotisation. En effet, en
principe, la dette existe dès le moment où le revenu est gagné et
même si la cotisation survient une ou plusieurs années après
que le revenu imposable est gagné, la dette est censée avoir pris
naissance à ce moment.
La Cour d'appel a confirmé ce principe dans
l'affaire Lambert c. La Reine, [1977] 1 C.F. 199;
76 DTC 6373. Le juge Collier l'a également
exposé, à tout le moins de manière incidente, dans
l'affaire R. c. Cyrus J. Moulton Ltd., [1977] 1
C.F. 341; 76 DTC 6239 (ire inst.), où il a dit, à la
page 352 C.F.; 6244 DTC:
On peut prendre jugement devant la Cour fédérale contre un
contribuable en défaut avant qu'il y ait cotisation, appel et
audition. (C'est moi qui souligne.)
Il faut présumer que c'est ce même raisonne-
ment qui a guidé le président Jackett, tel était
alors son titre, dans la décision rendue plus tôt par
la Cour de l'Échiquier dans l'affaire Abrahams,
Coleman C. v. Minister of National Revenue (No.
2), [1967] 1 R.C.É. 333; 66 DTC 5451.
Finalement, le paragraphe 152(3), qui est incor-
poré à la Partie VIII par le paragraphe 195(8)
[ajouté, idem], dit que le fait qu'aucune cotisation
n'a été faite n'a pas d'effet sur la responsabilité.
Puisqu'une dette de quinze millions de dollars a
pris naissance le 17 janvier 1985, date à laquelle la
requérante a signé et délivré la désignation, et que
le paiement de cette somme devait être effectué, en
vertu du paragraphe 195(2), le 28 février 1985,
l'intimé avait pleinement le droit, après cette der-
nière date, de prendre toutes mesures légales possi
bles pour en assurer le paiement. L'article 222 de
la Loi prévoit ce qui suit:
222. Tous les impôts, intérêts, pénalités, frais et autres
montants payables en vertu de la présente loi sont des dettes
envers Sa Majesté et recouvrables comme telles devant la Cour
fédérale du Canada ou devant tout autre tribunal compétent,
ou de toute autre manière prévue par la présente loi.
Il faut noter que non seulement les impôts, mais
aussi les «autres montants payables en vertu de la
Loi sont des dettes envers Sa Majesté». Il n'est
donc pas vraiment important de savoir si la somme
de quinze millions de dollars doit être considérée
ou non comme un impôt, bien que je conclurais
qu'elle l'était. Le pouvoir de procéder à une saisie-
arrêt est prévu au paragraphe 224(1):
224. (1) Lorsque le Ministre sait ou soupçonne qu'une per-
sonne est ou sera, dans les 90 jours, tenue de faire un paiement
à une autre personne qui, elle-même, est tenue de faire un
paiement en vertu de la présente loi (appelée au présent article
le «débiteur fiscal»), il peut, par lettre recommandée ou par
lettre signifiée à personne, exiger de cette personne que les
deniers autrement payables au débiteur fiscal soient en totalité
ou en partie versés, immédiatement si les deniers sont alors
payables ou, dans les autres cas, au fur et à mesure qu'ils
deviennent payables, au receveur général au titre de l'obligation
du débiteur fiscal en vertu de la présente loi.
Le montant est clairement recouvrable en vertu
de ce paragraphe, puisque la requérante était
tenue par la Loi de faire un paiement de quinze
millions de dollars, et puisque l'obligation com-
prend les intérêts, je conclurais que les demandes
péremptoires adressées à la société fiduciaire
étaient autorisées par la loi.
Abordons maintenant l'avis de cotisation lui-
même. Le paragraphe 195(8) porte:
195... .
(8) Les articles 151, 152, 158, 159 et 162 167 et la section
J de la Partie I s'appliquent à la présente Partie, avec les
adaptations de circonstance.
Les paragraphes (4) [mod. par S.C. 1984,
chap. 1, art. 84; chap. 45, art. 59] et (7) de
l'article 152 autorisent le Ministre à fixer des
impôts à une date quelconque. Il est vrai qu'une
telle cotisation doit être faite normalement après
qu'une déclaration d'impôt sur le revenu a été
produite ou aurait dû l'être. Toutefois, le paragra-
phe (7) fait état de «renseignements fournis par un
contribuable», et le paragraphe 195(8) prévoit
expressément que l'article 152 doit s'appliquer à la
Partie VIII avec les adaptations de circonstance.
En désignant un montant de trente millions de
dollars, laissant aussi voir une somme de quinze
millions de dollars au titre de l'impôt payable en
vertu de la Partie VIII, la requérante a reconnu sa
responsabilité à l'égard de cette somme et le
Ministre aurait très bien pu être en droit de déter-
miner l'impôt à payer par la requérante comme il
l'a fait après qu'il eut reçu la désignation.
Ainsi que l'indique l'intitulé de la cause, la
requérante a eu l'intention au départ d'invoquer
certains articles de la Loi constitutionnelle de
1982 [annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982,
chap. 11 (R.-U.)]. À l'ouverture de l'audience, son
avocat a toutefois fait savoir que les dispositions de
cette Loi ne seraient ni invoquées ni débattues.
La demande est rejetée avec dépens.
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