A-381-85
Procureur général du Canada (requérant)
c.
Francine Tucker (intimée)
RÉPERTORIÉ: CANADA (PROCUREUR GÉNÉRAL) C. TUCKER
Cour d'appel, juges Marceau, Stone et MacGui-
gan—Toronto, 18 mars; Ottawa, 27 mars 1986.
Assurance-chômage — Demande d'examen et d'annulation
de la décision du juge-arbitre concluant que le conseil arbitral
avait commis une erreur de droit en ne prenant pas en considé-
ration l'intention de la prestataire — La prestataire, un agent
de bord, a été suspendue pour intoxication durant un vol —
Exclusion du bénéfice des prestations d'assurance-chômage en
vertu de l'art. 41 de la Loi au motif que la perte d'emploi
résultait de l'inconduite de la prestataire — La prestataire
reconnaît son intoxication mais nie avoir voulu négliger son
travail — Le conseil arbitral confirme l'exclusion — Le juge-
arbitre conclut qu'il n'y a pas inconduite en l'absence d'un acte
délibéré et substitue sa propre décision à celle du conseil —
L'appel est rejeté — L'interprétation du mot »inconduite» est
une question de droit — Le juge-arbitre a interprété correcte-
ment l'art. 41(1) en jugeant qu'il exige la présence d'un
élément psychologique impliquant le caractère délibéré de
l'acte — La raison d'être de la disposition est de punir un
comportement indésirable qui n'équivaut pas exactement au
véritable chômage auquel la Loi entend remédier — Le conseil
arbitral a commis une erreur en considérant inutile la preuve
de l'élément psychologique — L'art. 96 permet au juge-arbitre
de rendre la décision que le conseil arbitral aurait dû pronon-
cer — Loi de 1971 sur l'assurance-chômage, S.C. 1970-71-72,
chap. 48, art. 41(1), 95 (mod. par S.C. 1976-77, chap. 54, art.
56), 96.
Interprétation des lois — Loi de 1971 sur l'assurance-chô-
mage, art. 41 — La suspension d'un agent de bord pour
intoxication au travail la rend inadmissible au bénéfice des
prestations parce que la perte d'emploi est imputable à sa
propre inconduite — La prestataire reconnaît son intoxication
mais nie avoir voulu négliger son travail — L'interprétation du
mot »inconduite» est une question de droit — Son application
à des faits particuliers est une question de fait — L'»incon-
duite» requiert un élément psychologique impliquant le carac-
tère délibéré de l'acte — La raison d'être de la disposition est
de punir un comportement indésirable qui n'équivaut pas
exactement au véritable chômage — L'interprétation contestée
est appuyée par la définition du dictionnaire; par le syntagme
possessif »sa propre» qui laisse sous-entendre la responsabi-
lité; par le parallélisme avec le fait que l'employé doit quitter
»volontairement» son emploi sans justification et par l'expres-
sion française »sa propre inconduite» qui a une connotation
semblable — Loi de 1971 sur l'assurance-chômage, S.C.
1970-71-72, chap. 48, art. 41(1).
Contrôle judiciaire — Demandes d'examen — La suspen
sion de l'agent de bord pour intoxication l'exclut du bénéfice
des prestations d'assurance-chômage parce que la perte de son
emploi est imputable à sa propre inconduite — Elle reconnaît
son intoxication mais nie l'élément psychologique attaché à
l'inconduite — Le conseil arbitral rejette l'appel — Le juge-
arbitre statue que le conseil a eu tort de ne pas avoir pris
l'intention en considération — Après avoir conclu à l'erreur de
droit, le juge-arbitre avait droit de substituer sa décision â
celle du conseil conformément à l'art. 96 — Loi sur la Cour
fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), chap. 10, art. 28 — Loi de
1971 sur l'assurance-chômage, S.C. 1970-71-72, chap. 48,
art. 41(1), 95 (mod. par S.C. 1976-77, chap. 54, art. 56), 96.
Il s'agit d'une demande d'examen et d'annulation de la
décision d'un juge-arbitre. Un agent de bord a été exclu, en
vertu de l'article 41 de la Loi de 1971 sur l'assurance-chô-
mage, du bénéfice des prestations d'assurance-chômage parce
que la perte de son emploi était imputable à sa propre incon-
duite. La prestataire a interjeté appel auprès du conseil arbitral
et elle a reconnu son intoxication, en précisant toutefois qu'elle
avait pris des médicaments qui n'avaient pas été prescrits à son
intention. Elle a affirmé ne pas avoir voulu négliger son travail.
Le conseil arbitral a rejeté son appel. Le juge-arbitre a statué
que le conseil avait commis une erreur de droit en ne considé-
rant pas l'élément psychologique d'intentionnalité. Elle a jugé
qu'il n'y a pas inconduite lorsque l'acte incriminé n'a pas un
caractère délibéré. Conformément à l'article 96, le juge-arbitre
a ensuite rendu la décision, fondée sur les faits que, selon elle, le
conseil arbitral aurait dû rendre. Le requérant affirme que 1) le
juge-arbitre a excédé sa compétence en substituant son appré-
ciation des faits à celle du conseil arbitral 2) le juge-arbitre a
commis une erreur en définissant le mot inconduite.
Arrêt (le juge Marceau dissident): l'appel devrait être rejeté.
Le juge MacGuigan (avec l'appui du juge Stone): Dans
Procureur général du Canada c. Bedell, le juge Stone a déclaré
que «L'interprétation du mot "inconduite" constitue une ques
tion de droit.» Le requérant a soutenu, en s'appuyant sur l'arrêt
Brutus v. Cozens, [ 1973] A.C. 854 (H.L.), que le sens d'un mot
courant de la langue anglaise n'est pas une question de droit.
Mais dans l'arrêt R v National Insurance Comr, ex parte
Secretary of State for Social Services, [1974] 3 All ER 522
(Q.B.), il a été statué que «le mot ... possède diverses nuances
de sens et l'on ne saurait déterminer quel est son sens exact
dans un contexte donné ... la question en devient donc une
d'interprétation et par conséquent de droit». L'application d'un
mot dans une loi à des faits particuliers est une question de fait.
Le juge-arbitre a -interprété correctement le paragraphe
41(1) en jugeant qu'il exige la présence d'un élément psycholo-
gique, soit un caractère délibéré soit une conduite à ce point
insouciante qu'elle frôle le caractère délibéré. Cette interpréta-
tion est appuyée par la définition du mot «misconduct» (incon-
duite) tirée du Black's Law Dictionary et par le syntagme
possessif «sa propre» précédant le mot inconduite à l'article 41,
qui laisse sous-entendre la responsabilité et par conséquent le
caractère intentionnel ou l'insouciance. Il y a le parallélisme
avec le fait que l'on exige que l'employé quitte «volontairement»
son emploi sans justification. Il y a aussi l'expression française
«sa propre inconduite» qui a une connotation semblable à celle
de l'expression anglaise. En dernier lieu, il y a la raison d'être
de l'ensemble de la disposition qui consiste à imposer une
exclusion à titre de «pénalité» pour un comportement indésira-
ble qui n'équivaut pas exactement au véritable chômage auquel
la Loi entend remédier.
Le requérant a prétendu que le conseil arbitral n'avait
commis aucune erreur de droit dans sa décision. En s'appuyant
sur le fait que la prestataire avait reconnu son intoxication mais
avait nié avoir eu l'élément psychologique nécessaire pour qu'il
y ait inconduite, le conseil a conclu que son aveu suivant lequel
elle a travaillé avec les facultés affaiblies constituait un aveu
d'inconduite. Comme son aveu n'était qu'un aveu portant sur
un fait uniquement et non sur l'état psychologique nécessaire à
l'inconduite, le seul sens qui peut être attribué à la conclusion
du conseil est que ce dernier a jugé inutile la preuve de
l'élément psychologique. Il s'agit d'une interprétation erronée
du paragraphe 41(1) et donc une erreur de droit de la part du
conseil.
Dès que l'arbitre a conclu à bon droit que le conseil a commis
une erreur de droit, l'article 96 confère au juge-arbitre le droit
de rendre la décision qu'elle estime que le conseil aurait dû
rendre.
Le juge Marceau (dissident): Il est possible que le terme
anglais «misconduct» n'ait pas cette connotation de caractère
volontaire ou délibéré, mais l'on ne peut en dire autant du mot
français «inconduite». En outre, le contexte exige une telle
connotation puisque la disposition a pour but d'imposer une
pénalité et que personne ne songerait à punir un individu pour
quelque chose qu'il n'aurait pas accompli en toute liberté
d'esprit. Toutefois, le juge-arbitre est allée trop loin lorsqu'elle
a dit que pour qu'il y ait inconduite, l'employé doit avoir
volontairement décidé de ne pas tenir compte des répercussions
que ses actes auraient sur son rendement au travail. Des
considérations propres au droit criminel ont indûment influé sur
l'esprit de son énoncé. On ne devrait pas confondre un acte
particulier et ses conséquences. Il suffit que l'acte soit délibéré
pour qu'il y ait inconduite, et il peut en être ainsi même si on ne
souhaite pas les conséquences qui en découlent. L'intoxication
n'est pas un acte, elle en est plutôt la conséquence. Lorsqu'il est
fait état de la «conduite» d'un individu, on fait habituellement
allusion à une série d'actes rattachés les uns aux autres, et la
conduite elle-même peut être considérée comme étant délibérée
même si certains de ces actes interreliés découlent nécessaire-
ment des actes précédents et qu'à ce titre, ils ne sont pas
eux-mêmes dictés par la volonté. La notion d'inconduite s'appli-
que à tout comportement et son application exige la prise en
considération de toutes les circonstances pertinentes, telles,
dans le cas d'un employé, la nature de ses fonctions, son
intention au moment de l'incident, la certitude, la probabilité
ou la simple possibilité, forte ou faible, que son aptitude à
s'acquitter de manière satisfaisante de ses fonctions soit touchée
ou que des conséquences malheureuses en découlent et la
gravité de ces conséquences.
Le conseil arbitral n'a pas commis d'erreur. On entendait
donner au mot «inconduite» son sens habituel et ordinaire. Rien
n'indique que le conseil a mal interprété le sens de la disposi
tion. La prise en considération de l'état d'esprit de l'intimée
apparaît être la seule raison possible pour justifier l'intervention
du conseil, qui a réduit le nombre de semaines d'inadmissibilité.
Le juge-arbitre dit effectivement qu'elle ne peut être certaine
que le conseil n'a pas commis d'erreur. C'est là un renverse-
ment de la présomption de validité dont doivent bénéficier
toutes les décisions de première instance, particulièrement
celles soumises uniquement à un contrôle restreint. La simple
possibilité d'erreur n'autorise pas le juge-arbitre à substituer
son appréciation à celle des arbitres. Pour être en mesure de
déduire qu'il y a eu erreur, le juge-arbitre devait être convain-
cue qu'aucune personne raisonnable, bien au fait du droit
applicable, aurait pu en arriver à la même conclusion que les
arbitres. Tel n'était pas le cas en l'espèce.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Sous-ministre du Revenu national (Douanes et Accise) c.
GTE Sylvania Canada Limited, jugement en date du 11
décembre 1985, Division de première instance de la Cour
fédérale, numéro de greffe A-539-83, encore inédit; Pro-
cureur général du Canada c. Bedell, jugement en date du
8 juin 1984, Division d'appel de la Cour fédérale, numéro
de greffe A-1716-83, encore inédit.
DÉCISION EXAMINÉE:
Brutus v. Cozens, [1973] A.C. 854 (H.L.).
AVOCAT:
Roslyn J. Levine pour le requérant.
A COMPARU:
Francine Tucker pour son propre compte.
PROCUREUR:
Le sous-procureur général du Canada pour le
requérant.
L'INTIMÉE POUR SON PROPRE COMPTE:
Francine Tucker, Gilford (Ontario).
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE MARCEAU (dissident): Il s'agit en
l'espèce d'une demande présentée par le procureur
général, conformément à l'article 28 de la Loi sur
la Cour fédérale [S.R.C. 1970 (2 ° Supp.), chap.
10], en vue d'obtenir l'examen et l'annulation de la
décision rendue par le juge Reed, en sa qualité de
juge-arbitre en vertu de la Loi de 1971 sur l'assu-
rance-chômage [S.C. 1970-71-72, chap. 48], dans
laquelle elle a accueilli l'appel formé par l'intimée
contre une décision du conseil arbitral. Il est possi
ble de résumer brièvement les faits, mais, pour
bien saisir les questions en litige, il s'avèrera néces-
saire de s'attacher aux mots qu'ont employés les
arbitres dans certains passages de leur décision et
d'examiner ensuite attentivement les motifs pro-
noncés par le juge-arbitre au soutien de sa
conclusion.
Le 27 octobre 1982, l'intimée, qui était alors à
l'emploi de Canadian Pacific Airlines en qualité
d'agent de bord, a été suspendue sans traitement
durant la tenue d'une enquête sur sa conduite au
travail. L'enquête a révélé qu'elle s'était effective-
ment intoxiquée durant un vol et qu'elle avait été
incapable de s'acquitter de ses fonctions. Au terme
de négociations entre l'employeur et un représen-
tant syndical, il a finalement été convenu que
l'intimée ne serait pas renvoyée, mais qu'elle pur-
gerait plutôt une suspension de quatre mois. Par
suite de cette décision, l'intimée a présenté une
demande en vue de recevoir des prestations d'assu-
rance-chômage pendant la durée de la suspension.
La Commission a accueilli la demande, mais elle
a avisé l'intimée que le paiement des prestations
serait suspendu au cours des quatre premières
semaines au cours desquelles elles seraient par
ailleurs payables parce que cette dernière avait
perdu son emploi en raison de sa propre inconduite
et qu'une période d'exclusion devait être imposée
en vertu du paragraphe 41(1) de la Loi, qui est
ainsi rédigé:
41. (1) Un prestataire est exclu du bénéfice des prestations
servies en vertu de la présente Partie s'il perd son emploi en
raison de sa propre inconduite ou s'il quitte volontairement son
emploi sans justification.
L'intimée en a appelé de la décision de la Commis
sion auprès d'un conseil arbitral. Lors de sa com-
parution devant le conseil, elle a fait remarquer,
relativement à ses nombreuses absences auxquelles
l'employeur avait fait allusion, qu'à chaque occa
sion, elle avait présenté «une lettre de son médecin»
et elle a poursuivi en expliquant que son intoxica
tion durant le vol en question était attribuable au
fait qu'elle avait pris des médicaments (calmants)
qui n'avaient pas été prescrits à son intention. Elle
a demandé, suivant les mots utilisés par le conseil,
«que son étourderie ne soit pas jugée trop sévère-
ment, car elle n'avait pas voulu négliger son tra
vail». Après avoir exposé de façon succincte mais
complète les faits qu'ils jugeaient pertinents, voici
en quels termes les arbitres ont formulé leur con
clusion et leur décision:
CONCLUSION:
Le conseil a pesé toutes les preuves présentées et a jugé que des
absences appuyées par des certificats médicaux ne pouvaient
pas être considérées comme de l'inconduite. Il a considéré
comme une "admission d'inconduite» le fait que la prestataire
ait admis avoir donné un mauvais rendement durant un vol. Le
conseil a étudié les faits entourant l'événement et a jugé qu'il y
avait des circonstances atténuantes.
DÉCISION:
Le conseil a décidé à l'unanimité des voix que l'appel devait
être REJETÉ, mais que l'exclusion imposée en vertu des articles
41 et 43 de la Loi de 1971 sur l'assurance-chômage devait être
réduite à 3 semaines.
Le juge-arbitre a rédigé de longs motifs au
soutien de sa conclusion suivant laquelle l'appel
formé par l'intimée contre la décision du conseil
était bien fondé, mais il est possible d'examiner et
de résumer son raisonnement en se rapportant aux
passages essentiels de ses motifs.
Le juge-arbitre a commencé son analyse en
abordant la question de savoir si le conseil avait
tenu compte, en prenant sa décision, du fait «que,
pour qu'il y ait inconduite, l'acte en cause doit
avoir été délibéré». Elle fait remarquer que «rien
dans le dossier ne lui indique que le conseil a
réellement porté son attention sur ce point déci-
sif ...» et que «rien n'indique que la Commission a
porté à l'attention du conseil le fait que, à elle
seule, l'intoxication pouvait ne pas être suffisante
pour prouver l'inconduite ...» (page 4 des motifs),
et elle poursuit en écrivant (aux pages 4 et 5):
Je ne peux donc pas conclure, au vu du dossier, que le conseil
s'est penché sur les intentions de la prestataire. Par conséquent,
c'est le genre d'affaire dans laquelle je dois examiner le cas et
rendre une décision en application de l'article 96 de la Loi de
1971 sur l'assurance-chômage, S.C. 1970-1971-1972, chap. 48,
tel que modifié.
Étant ainsi arrivée à la conclusion qu'il lui était
loisible de rendre la décision qu'aurait dû rendre le
conseil arbitral, le juge-arbitre traite de la «sot-
tise», admise volontiers par l'intimée elle-même,
que constituait le fait de prendre un médicament
prescrit pour quelqu'un d'autre, mais elle souligne
que, néanmoins, l'intimée ne s'est pas intoxiquée
intentionnellement. Il ne pouvait donc y avoir
inconduite, car, affirme-t-elle (à la page 8):
... pour constituer de l'ninconduite», l'acte reproché doit avoir
été volontaire ou du moins procéder d'une telle insouciance ou
négligence que l'on pourrait dire que l'employé a volontaire-
ment décidé de ne pas tenir compte des répercussions que ses
actes auraient sur son rendement au travail. Aucune volonté de
la sorte ne s'est manifestée dans la présente affaire.
En dernière conclusion, le juge-arbitre se contente
d'accueillir l'appel, ce qui de toute évidence signi-
fie que c'est non seulement la décision du conseil
qui a été annulée mais également celle de la
Commission.
Dans sa présente demande, le procureur général
invoque deux motifs de contestation à l'encontre de
la décision du juge-arbitre. D'une part, il soutient
que le juge-arbitre a outrepassé sa compétence en
substituant son opinion quant aux faits de l'affaire
à celle du conseil arbitral, et, d'autre part, que le
juge-arbitre a fait erreur en droit en définissant
comme elle l'a fait le mot «misconduct» (incon-
duite) utilisé dans le texte anglais du paragraphe
41(1) de la Loi. Bien que cette dernière critique ne
m'apparaisse pas entièrement justifiée, la première
l'est nettement à mon avis.
1. Le requérant soutient qu'en définissant le mot
«misconduct» utilisé au paragraphe 41(1), le juge-
arbitre a à tort vu dans cette disposition un élé-
ment qui ne s'y trouvait pas, soit celui du caractère
volontaire ou délibéré. En lui-même, le mot mis
conduct n'exige pas que l'acte dont il est question
soit volontaire, affirme l'appelant, et si on avait
voulu qu'il en soit ainsi dans ce cas particulier,
l'expression «wilful misconduct» (inconduite déli-
bérée) aurait été utilisée. Je ne suis pas d'accord
avec cette prétention. Il est possible que le terme
anglais «misconduct» n'ait pas nécessairement
cette connotation de caractère volontaire ou déli-
béré, mais je ne crois pas qu'on puisse en dire
autant du mot correspondant dans le texte fran-
çais, le mot «inconduite». En outre, le contexte
commande de donner à ce mot une telle connota
tion puisque la disposition a pour but d'imposer
une pénalité et que personne ne songerait à punir
un individu pour quelque chose qu'il n'aurait pas
accompli en toute liberté d'esprit.
Toutefois, je suis d'avis que le juge-arbitre est
allée trop loin en qualifiant le caractère volontaire
requis lorsqu'elle a dit que «. .. pour constituer de
l'inconduite, l'acte reproché doit avoir été volon-
taire ou du moins procéder d'une telle insouciance
ou négligence que l'on pourrait dire que l'employé
a volontairement décidé de ne pas tenir compte des
répercussions que ses actes auraient sur son rende-
ment au travail». Non seulement m'apparaît-il
clairement que des considérations propres au droit
criminel ont indûment influé sur l'esprit de son
énoncé, j'éprouve même de la difficulté à saisir le
sens de l'énoncé lui-même eu égard aux composan-
tes pratiques du comportement humain. Il me
semble qu'on ne devrait pas confondre un acte
particulier et ses conséquences. Il suffit que l'acte
soit délibéré pour qu'il y ait inconduite, et il peut
en être ainsi même si on ne souhaite pas les
conséquences qui en découlent. L'intoxication n'est
pas un acte, elle en est plutôt sa conséquence. De
plus, lorsqu'il est fait état de la «conduite» d'un
individu, la plupart du temps on ne fait pas allu
sion à un acte unique mais plutôt à une série
d'actes rattachés d'une certaine manière les uns
aux autres, et la conduite elle-même peut certes
être considérée comme étant délibérée même si
certains de ces actes interreliés découlent nécessai-
rement des actes précédents et qu'à ce titre, ils ne
sont pas eux-mêmes dictés par la volonté. Quel-
ques exemples simples suffiront à illustrer ma
pensée. Je n'avais pas l'intention de heurter quel-
qu'un en marchant sur le trottoir, mais je l'ai fait
parce que je suis sorti précipitamment de la
maison sans d'abord m'assurer que la voie était
libre ou encore parce que je courais les yeux
fermés. Je ne peux voir, dans des exemples cou-
rants de la sorte, quel est l'acte dont fait mention
le critère proposé par le juge-arbitre. À mon avis,
la notion d'inconduite s'applique à tout comporte-
ment, qui soit anormal en lui-même ou dont les
conséquences sont regrettables, à l'égard duquel
une personne peut-être blâmée; et pour appliquer
cette notion, il faut tenir compte de toutes les
circonstances pertinentes, telles, dans le cas d'un
employé, la nature de ses fonctions, son intention
au moment de l'incident, la certitude, la probabi-
lité ou la simple possibilité, forte ou faible, que son
aptitude à s'acquitter de manière satisfaisante de
ses fonctions soit touchée ou que des conséquences
malheureuses en découlent, la gravité de ces consé-
quences, etc. Un jugement moral et réaliste repo-
sant sur l'ensemble des circonstances doit être
porté. Gardant cette remarque à l'esprit, j'aborde
maintenant mon second et principal point.
2. Il me semble, à la lecture des motifs du
conseil, que les arbitres ont fait exactement ce
qu'on attendait d'eux, c'est-à-dire donner leur opi
nion relativement à la question de savoir si, à la
lumière de toutes les circonstances, des reproches
pouvaient être formulés à l'endroit de l'intimée par
suite de son comportement inhabituel. Il est possi
ble d'affirmer qu'une question de droit était en jeu
en ce sens qu'il fallait interpréter adéquatement,
suivant le contexte, un mot utilisé dans une dispo
sition législative (voir sur cette question les com-
mentaires du juge Stone dans l'arrêt Sous-minis-
tre du Revenu national (Douanes et Accise) c.
GTE Sylvania Canada Limited, un jugement
récent de cette Cour, en date du 11 décembre 1985
et portant le numéro de greffe A-539-83, encore
inédit). Cependant, je ne crois pas qu'on ait voulu
en l'espèce donner à ce mot un sens différent de
son sens habituel et ordinaire—la question de droit
devenant ainsi assez peu importante—et par-des-
sus tout, je ne vois rien dans les énoncés du conseil
qui pourrait amener à conclure qu'il a mal inter-
prété le sens de la disposition. Comme nous l'avons
vu précédemment, la critique du savant juge-arbi-
tre repose simplement sur le fait qu'elle «ne peu[t]
donc pas conclure, au vu du dossier, que le conseil
s'est penché sur les intentions de la prestataire». Il
est permis d'être en très profond désaccord avec
une telle hypothèse puisque la prise en considéra-
tion de l'état d'esprit de l'intimée apparaît être la
seule raison possible pour justifier l'intervention du
conseil, qui a réduit de quatre à trois le nombre des
semaines d'inadmissibilité. Quoi qu'il en soit, ce
que dit effectivement le juge-arbitre c'est qu'elle
ne peut être certaine que le conseil n'a pas commis
d'erreur. Cela m'apparaît être un renversement
complet de la présomption de validité dont doivent
bénéficier toutes les décisions de première ins
tance, particulièrement celles soumises unique-
ment à un contrôle restreint telles les décisions
rendues par les conseils arbitraux en vertu de la
Loi'. La simple possibilité ou même la simple
inquiétude qu'une erreur ait pu être commise par
le conseil n'autorise pas le juge-arbitre, à mon
humble avis, à réexaminer les faits et à substituer
son appréciation à celle des arbitres. Pour être en
mesure de déduire, à partir de la simple absence
' Pour fins de commodité, je reproduis ci-après l'article appli
cable [mod. par S.C. 1976-77, chap. 54, art. 561:
95. Toute décision ou ordonnance d'un conseil arbitral peut,
de plein droit, être portée en appel de la manière prescrite,
devant un juge-arbitre par la Commission, un prestataire, un
employeur ou une association dont le prestataire ou l'employeur
est membre, au motif que
a) le conseil arbitral n'a pas observé un principe de justice
naturelle ou a autrement excédé ou refusé d'exercer sa
compétence;
b) le conseil arbitral a rendu une décision ou une ordonnance
entachée d'une erreur de droit, que l'erreur ressorte ou non à
la lecture du dossier; ou
c) le conseil arbitral a fondé sa décision ou son ordonnance
sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon absurde ou
arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa
connaissance.
d'explication claire quant à leur interprétation du
droit, que les arbitres avaient commis une erreur,
le juge-arbitre devait, je crois, être convaincue que,
à la lumière des faits de l'espèce, aucune personne
raisonnable, bien au fait du droit applicable, aurait
pu en arriver à la même conclusion que les arbi-
tres. Il est évident à mes yeux (comme ce l'était
sans aucun doute aux yeux du représentant syndi-
cal qui a négocié la suspension de quatre mois!)
que tel n'était pas le cas en l'espèce.
Malgré tout le respect que je dois à l'opinion
contraire, j'estime que le juge-arbitre n'était pas
autorisée à intervenir en l'espèce et que sa décision
ne devrait pas être maintenue. L'affaire devrait
être renvoyée devant elle pour fins de réexamen en
tenant pour acquis qu'il n'existe aucun motif pour
contester la décision du conseil.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE MACGUIGAN: La présente demande
fondée sur l'article 28 vise une décision rendue par
le juge Reed en qualité de juge-arbitre en vertu de
l'article 95 de la Loi de 1971 sur l'assurance-chô-
mage (da Loi»).
En l'espèce, la prestataire, un agent de bord à
l'emploi de CP Air, a été suspendue par son
employeur pendant quatre mois pour s'être intoxi-
quée durant un vol après avoir absorbé des cal-
mants qui n'avaient pas été prescrits à son inten
tion. En vertu de l'article 41 de la Loi, la
Commission de l'assurance-chômage («la Commis
sion») l'a exclue du bénéfice des prestations d'assu-
rance-chômage pendant quatre semaines. Un con-
seil arbitral a unanimement maintenu son
exclusion, mais l'a réduite de quatre semaines à
trois. Le juge Reed a accueilli l'appel qu'elle a
interjeté à l'encontre de cette exclusion.
Les motifs d'appel à un juge-arbitre prévus à
l'article 95 sont substantiellement les mêmes que
ceux prévus à l'article 28 de la Loi sur la Cour
fédérale. Après avoir conclu que le conseil arbitral
avait commis une erreur de droit aux termes du
paragraphe 95b), le juge Reed a exercé les pou-
voirs que lui confère l'article 96 pour rendre, à
partir des faits, la décision que selon elle le conseil
arbitral aurait dû rendre.
Le paragraphe 41(1) de la Loi, en vertu duquel
l'exclusion a été prononcée, est ainsi rédigé:
41. (1) Un prestataire est exclu du bénéfice des prestations
servies en vertu de la présente Partie s'il perd son emploi en
raison de sa propre inconduite ou s'il quitte volontairement son
emploi sans justification.
Le passage pertinent de la décision du juge Reed
se lit comme suit:
Afin de déterminer s'il y a eu inconduite dans la présente
affaire, il faut examiner les principes de droit généraux applica-
bles à la relation employé-employeur. À cet égard, je note que
dans le texte écrit par Innis Christie, Employment Law in
Canada (1980), il est mentionné à la page 361:
[TRADUCTION] Il est clair que, pour l'employé, il est plus
grave de manquer à certaines de ses obligations implicites
qu'à d'autres.
... La malhonnêteté mise à part, les tribunaux semblent être
prêts à admettre que les employés sont humains, qu'ils
peuvent être malades et être incapables de s'acquitter de
leurs obligations, et qu'ils peuvent faire des erreurs sous
l'influence du stress ou de l'inexpérience.
Sous le terme «misconduct» (inconduite), le Black's Law
Dictionary (1979, 5e éd.) dit ce qui suit:
[TRADUCTION] ... ce terme a pour synonymes délit, méfait,
écart de conduite, délinquance, inconvenance, mauvaise
administration et infraction, mais pas négligence ni
insouciance.
L'inconduite, qui rend l'employé congédié inadmissible au
bénéfice d'indemnités de chômage, existe lorsque la conduite
de l'employé montre qu'il néglige volontairement ou gratuite-
ment les intérêts de l'employeur, par exemple, en commettant
des infractions délibérées, ou ne tient aucun compte des
normes de comportement que l'employeur a le droit d'exiger
de ses employés, ou est insouciant ou négligent à un point tel
et avec une fréquence telle qu'il fait preuve d'une intention
délictuelle ...
Même si le second extrait cité ci-dessus ne se rapporte pas à
la Loi sur l'assurance-chômage en vigueur au Canada, il
correspond parfaitement, à mon sens, à notre droit, dans la
mesure où il indique que, pour constituer de l'inconduite, l'acte
reproché doit avoir été volontaire ou du moins procéder d'une
telle insouciance ou négligence que l'on pourrait dire que
l'employé a volontairement décidé de ne pas tenir compte des
répercussions que ses actes auraient sur son rendement au
travail. Aucune volonté de la sorte ne s'est manifestée dans la
présente affaire.
La requérante soutient, en s'appuyant sur l'arrêt
de lord Reid dans Brutus v. Cozens, [1973] A.C.
854 (H.L.), à la page 861, que [TRADUCTION] «le
sens d'un mot courant de la langue anglaise n'est
pas une question de droit», que le sens ordinaire du
mot «misconduct» n'exige pas que l'inconduite soit
délibérée, et que le juge-arbitre a par conséquent
commis une erreur de droit en définissant le mot
misconduct comme elle l'a fait.
Toutefois, il me semble que cette question a été
tranchée définitivement par cette cour dans Pro-
cureur général du Canada c. Bedell, décision non
publiée, prononcée le 8 juin 1984 et portant le
numéro de greffe A-1716-83, dans laquelle le juge
Stone a déclaré [à la page 5], au nom de la Cour, à
l'égard du même paragraphe en litige en l'espèce
que «L'interprétation du mot "inconduite" consti-
tue une question de droit.>» En outre, le juge Stone,
prononçant alors les motifs de la décision de cette
Cour dans un arrêt plus récent, Sous-ministre du
Revenu national (Douanes et Accise) c. GTE Syl-
vania Canada Limited, numéro de greffe
A-539-83, rendu le 11 décembre 1985, a situé dans
leur contexte les propos prononcés par lord Reid
dans l'arrêt Brutus [aux pages 12 et 13]:
Il est fermement établi que c'est l'approche contextuelle qui
doit présider à l'interprétation des lois. Elle a été définie en ces
termes par le juge Stamp dans l'arrêt Boume (Inspector of
Taxes) v. Norwich Crematorium, Ltd., [1967] 2 All E.R. 576
(Ch.D.) à la page 578:
[TRADUCTION] Le sens des mots anglais est influencé par le
contexte dans lequel ils baignent. Une phrase n'est pas
qu'une série de mots qui doivent être considérés indépendam-
ment de la phrase où ils se trouvent, définis un à un en s'en
remettant au dictionnaire et à la jurisprudence, puis replacés
dans la phrase en leur donnant le sens qu'on leur a assigné
individuellement, de sorte qu'on donne à cette phrase ou à
cette expression un sens qu'elle ne peut avoir à moins de
dénaturer la langue anglaise.
La cause R v National Insurance Comr, ex parte Secretary of
State for Social Services, [1974] 3 All ER 522 (Q.B.D. Div.
Ct.) illustre bien l'application de ce principe. Dans cette affaire,
un tribunal créé par la loi avait à interpréter le mot «nuit» dans
le contexte suivant: «... il est si sérieusement handicapé, physi-
quement ou mentalement, que pour satisfaire ses besoins natu-
rels il a souvent besoin de l'aide d'une autre personne pendant
le jour et d'une assistance prolongée ou répétée pendant la nuit
...» Deux ans plus tôt, la Chambre des lords avait décidé dans
l'arrêt Brutus v. Cozens, [1972] 2 All ER 1297; [1973] A.C.
854 (par l'entremise de lord Reid à la page 861 A.C.; à la page
1299 All ER) que le sens courant d'un mot anglais n'était pas
une question de droit bien que l'interprétation appropriée d'une
loi en soit une. Je fais mien le raisonnement du juge en chef
lord Widgery, qui parlait alors au nom de la Cour (à la page
526):
[TRADUCTION] Quant à l'interprétation de l'article, il est
important de se rappeler les commentaires qu'a faits lord
Reid dans l'arrêt Brutus v. Cozens, [1972] 2 All ER 1297,
[1973] C.A. 854. Dans cette affaire, lord Reid étudiait le
sens du mot «insulting» (»offensant») utilisé dans une loi que
la présente Cour connaît mieux que la disposition présente-
ment à l'étude. Il a fait remarquer que l'attribution d'une
signification à un mot anglais courant ne constitue nullement
une question de droit mais que l'interprétation d'une loi en
était bien sûr une. Relativement à ces questions, je garde
présents à l'esprit les commentaires de lord Reid, c'est-à-dire
qu'attribuer un sens à ce qui est à première vue un mot
anglais courant («night» en l'occurrence), ne constitue pas, de
prime abord, une question de droit. Toutefois, bien que le
mot «night» («nuit») soit un des mots anglais les plus usités
dans son sens courant, il possède diverses nuances de sens et
l'on ne saurait déterminer quel est son sens exact dans un
contexte donné sans tenir compte de ce contexte; la question
en devient donc une d'interprétation et par conséquent de
droit. (C'est moi qui souligne.)
Un tribunal n'est ni un lexicographe ni un plus
grand expert de l'usage courant des mots que toute
autre personne s'attachant à l'étude de la langue.
Cependant, il est l'interprète officiel des lois et
lorsqu'un mot est utilisé dans un contexte législa-
tif, il appartient alors au tribunal de l'interpréter
et il s'agit alors d'une question de droit. Évidem-
ment, comme le juge Stone l'a écrit [à la page 5]
dans l'arrêt Bedell, précité, «La question de savoir
si une action ou une omission particulière de la
part d'un employé est visée par la définition de ce
mot, en est une de fait», mais cela revient à dire
qu'un jugement global rendu quant à l'application
de la loi dans une instance particulière constitue
une question mixte de droit et de fait, et non qu'il
s'agit uniquement d'une question de fait. L'inter-
prétation d'un mot dans une loi est une question de
droit; son application à des faits particuliers en est
une de fait.
Dans le cas du paragraphe 41(1) de la présente
Loi, tous les facteurs qu'il m'a été possible d'isoler
viennent appuyer l'interprétation du juge Reed.
Tout d'abord, la définition tirée du Black's Law
Dictionary qui met l'accent sur le fait que l'em-
ployé «néglige volontairement ou gratuitement les
intérêts de l'employeur». Il y a également le syn-
tagme possessif «sa propre» précédant le mot
inconduite, qui laisse sous-entendre la responsabi-
lité et par conséquent le caractère intentionnel ou
l'insouciance. Il y a le parallélisme avec le fait que
l'on exige que l'employé quitte «volontairement»
son emploi sans justification. Signalons également
l'expression française «sa propre inconduite» qui a
une connotation semblable à celle de l'expression
anglaise. Il y a un dernier élément, qui est peut-
être le plus important, c'est la raison d'être de
l'ensemble de la disposition qui consiste à imposer
une exclusion à titre de «pénalité» pour un compor-
tement indésirable qui n'équivaut pas exactement
au véritable chômage auquel la Loi entend remé-
dier. Le meilleur argument qu'a pu soulever le
requérant pour soutenir la thèse contraire a été
une définition tirée d'un dictionnaire, définition
qui était ambiguë sur cette question. Je n'ai
aucune hésitation à conclure que le juge Reed n'a
pas fait d'erreur d'interprétation en jugeant que le
paragraphe 41(1) exige pour qu'il y ait exclusion
la présence d'un élément psychologique, soit un
caractère délibéré soit une conduite à ce point
insouciante qu'elle frôle le caractère délibéré.
Subsidiairement, le requérant a prétendu que le
conseil arbitral n'avait commis aucune erreur de
droit dans sa décision. Le passage essentiel de cette
décision se lit comme suit:
EXPOSÉ DES FAITS:
La prestataire a comparu en compagnie de M. Day, un repré-
sentant syndical. Elle a admis qu'elle était intoxiquée durant le
vol en question et qu'elle avait été incapable d'accomplir ses
tâches. Elle a dit qu'on ne l'avait pas relevée de ses fonctions
durant le vol et que son superviseur ne lui avait parlé de son
comportement que durant le vol de retour le lendemain. Elle a
dit que ses absences avaient été assez nombreuses, mais qu'à
chaque fois, elle avait présenté une lettre de son médecin et on
lui avait accordé un congé. Elle a ajouté qu'elle avait manqué
de jugement en prenant des médicaments qui n'avaient pas été
prescrits pour elle et qui l'ont intoxiquée. Elle a demandé que
son étourderie ne soit pas jugée trop sévèrement, car elle n'avait
pas voulu négliger son travail.
CONCLUSION:
Le conseil a pesé toutes les preuves présentées et a jugé que des
absences appuyées par des certificats médicaux ne pouvaient
pas être considérées comme de l'inconduite. Il a considéré
comme une «admission d'inconduite,' le fait que la prestataire
ait admis avoir donné un mauvais rendement durant un vol. Le
conseil a étudié les faits entourant l'événement et a jugé qu'il y
avait des circonstances atténuantes.
DECISION:
Le conseil a décidé à l'unanimité des voix que l'appel devait
être REJETÉ, mais que l'exclusion imposée en vertu des articles
41 et 43 de la Loi de 1971 sur l'assurance-chômage devait être
réduite à 3 semaines.
Les faits pertinents sur lesquels le conseil indi-
que clairement qu'il appuie sa conclusion semblent
être les suivants: (1) l'aveu par la prestataire de
son intoxication durant le vol en question; (2) le
fait qu'elle nie avoir été incapable de s'acquitter de
ses fonctions durant le vol; (3) le fait qu'elle avoue
avoir manqué de jugement en prenant un médica-
ment qui n'avait pas été prescrit à son intention;
(4) le fait qu'elle demande que son étourderie ne
soit pas jugée trop sévèrement. En résumé, elle a
admis le fait de l'intoxication, mais elle a nié avoir
eu l'élément psychologique nécessaire pour qu'il y
ait inconduite («elle n'avait pas voulu négliger son
travail»).
S'appuyant sur ces faits, le conseil conclut que
son aveu suivant lequel elle a travaillé avec les
facultés affaiblies au cours d'un vol constituait un
aveu d'inconduite. Comme son aveu n'était qu'un
aveu portant sur un fait uniquement et non sur
l'état psychologique nécessaire à l'inconduite, le
seul sens qui peut être attribué à la conclusion du
conseil est que ce dernier a jugé inutile la preuve
de l'élément psychologique. Cela revient à inter-
préter le paragraphe 41(1) de la manière suggérée
par le requérant, c'est-à-dire comme n'exigeant
pas de caractère délibéré ou insouciant. Comme je
l'ai déjà indiqué, il s'agit d'une interprétation erro-
née du paragraphe 41(1) et donc d'une erreur de
droit de la part du conseil.
Dès que l'arbitre conclut à bon droit que le
conseil a commis une erreur de droit, la question
de savoir si le conseil avait devant lui des éléments
de preuve lui permettant raisonnablement d'en
arriver à la conclusion à laquelle il est arrivé ne se
pose plus. En vertu de l'article 96 de la Loi, le
juge-arbitre est elle-même autorisée à rendre la
décision qu'elle estime que le conseil aurait dû
rendre.
Par conséquent, je rejetterais l'appel.
LE JUGE STONE: Je souscris aux présents
motifs.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.