T-1245-80
William Russell Steen (demandeur)
c.
La Reine (défenderesse)
RÉPERTORIE: STEEN C. CANADA
Division de première instance, juge Rouleau—
Vancouver, 22 avril; Ottawa, 29 septembre 1986.
Impôt sur le revenu — Calcul du revenu — Revenu ou gain
en capital — Régime d'option d'achat d'actions des employés
— L'option a été exercée lorsque le prix du marché était
considérablement supérieur au prix de l'option — Le contri-
buable a-t-il reçu un avantage au sens de l'art. 7(1)a) de la
Loi? — Quand les actions ont-elles été «acquises.? — La
valeur des actions est leur juste valeur marchande à la bourse
à la date de leur acquisition — Loi de l'impôt sur le revenu,
S.C. 1970-71-72, chap. 63, art. 7(1)a),(5) — Company Act,
R.S.B.C. 1979, chap. 59, art. 41(2)a) — Code civil du Bas-
Canada, art. 1025, 1026, 1027, 1472 — Loi de l'impôt sur le
revenu, S.R.C. 1952, chap. 148, art. 85A.
Le demandeur travaille pour une compagnie «ouverte,' cana-
dienne dont les actions ordinaires et privilégiées sont négociées
aux bourses de Vancouver, Montréal et Toronto. Le conseil de
direction de la compagnie a mis sur pied un régime d'option
d'achat d'actions accordant à certains employés clés l'option
d'acheter des actions ordinaires sans valeur nominale ou valeur
au pair faisant partie du capital autorisé mais non encore émis
de la compagnie. Chaque option devait être exercée pas moins
d'un an mais pas plus de dix ans après la date à laquelle elle
avait été consentie. Le prix d'achat des actions devait être leur
dernier prix de vente à la bourse de Toronto le dernier jour
avant l'octroi de l'option. Deux options ont été octroyées au
demandeur: l'une en décembre 1972 au prix de 21,63 $ l'action
et l'autre en février 1973 au prix de 33 $ l'action. En mai 1973,
le prix de l'option a été réduit de moitié par suite d'un
fractionnement deux pour un des actions. Le demandeur a
exercé ses options le 3 mai 1976 et les 10 février et 7 mars 1977
et, chaque fois, il a payé intégralement les actions achetées. A
ces dates, les actions se vendaient 24 $, 25,13 $ et 26 $ res-
pectivement à la bourse de Toronto. Le demandeur a produit
ses déclarations d'impôt sur le revenu pour 1976 et 1977 en
déclarant comme gain en capital dans chaque cas la différence
entre le coût des actions acquises et le produit de leur vente
moins les dépenses engagées pour celle-ci. Le Ministre a toute-
fois déterminé dans une nouvelle cotisation que, suivant l'alinéa
7(1)a) de la Loi de l'impôt sur le revenu, le demandeur était
réputé avoir reçu en 1976 et 1977 des avantages égaux à la
différence entre la valeur marchande des actions aux dates où
les options ont été exercées et leur coût suivant le régime.
Appel est interjeté de la nouvelle cotisation établie par le
Ministre.
Jugement: l'appel doit être rejeté.
Il s'agit de déterminer en l'espèce si le demandeur a reçu un
avantage au sens de l'alinéa 7(1)a) de la Loi.
Étant donné que suivant cette disposition un avantage est
réputé reçu lorsque des actions sont «acquises,', il faut détermi-
ner si l'acquisition a eu lieu au moment de l'octroi des options
ou lors de leur exercice. Il ressort de l'examen de l'alinéa 7(1)a)
et de la jurisprudence pertinente qu'un contribuable est réputé
avoir reçu un avantage, s'il y a lieu, au moment où il obtient le
droit de propriété ou bénéficie des effets du droit de propriété
sur les actions souscrites. II s'agit en l'espèce du moment où les
options ont été exercées: les actions ont été intégralement
payées et attribuées aux dates de l'exercice des options et le
demandeur a obtenu à ces mêmes dates des droits d'actionnaire
sur les actions achetées.
La jurisprudence indique clairement que la avaleur» dont il
est question à l'alinéa 7(1)a) est la juste valeur marchande des
actions.
Par conséquent, le demandeur est réputé avoir reçu un
avantage égal à la différence entre la juste valeur marchande
des actions au moment où il a acquis le droit de propriété sur
celles-ci et le prix qu'il a payé. La juste valeur marchande des
actions était leur prix de vente à la bourse de Toronto à la date
de leur acquisition.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Anderson, RE c La Reine, [1975] CTC 85 (C.F. I"
inst.); Cesser (N.) Estate v. M.N.R. (1984), 84 DTC
1570 (C.C.I.); Grant c. La Reine, [1974] 2 C.F. 31; 74
DTC 6252 (lie inst.); Van Wielingen, G. A. v. M.N.R.
(1976), 76 DTC 1182 (C.R.l.); Untermeyer (sic) Estate
v. Atty. Gen. for B.C., [1929] R.C.S. 84; Montreal Island
Power Co. v. Town of Laval des Rapides, [1935] R.C.S.
304; Busby (V.) c. La Reine, [1936] 1 C.T.C. 147 (C.F.
P c inst.); Succession Henderson c. M.R.N. (1975), 75
DTC 5332 (C.A.F.); Domglas Inc. et Jarislowski,
Fraser & Co., [1980] C.S. 925 (Qc); confirmée par
(1982), 138 D.L.R. (3d) 521 (C.A. Qc).
AVOCATS:
Brian J. Wallace pour le demandeur.
Deen C. Olsen et Beverly Hobby pour la
défenderesse.
PROCUREURS:
Lawson, Lundell, Lawson & McIntosh, Van-
couver, pour le demandeur.
Le sous-procureur général du Canada pour la
défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE ROULEAU: Le demandeur interjette
appel de la nouvelle cotisation d'impôt sur le
revenu établie en date du 15 mai 1979 et confir-
mée le 10 décembre 1979 pour les années d'imposi-
tion 1976 et 1977, par laquelle le ministre du
Revenu national a ajouté à son revenu les sommes
de 24 060 $ et 8 905 $ respectivement, à titre
d'avantages réputés découler de l'exercice d'un
régime d'option d'achat d'actions des employés, le
tout conformément à l'alinéa 7(1)a) de la Loi de
l'impôt sur le revenu [S.R.C. 1952, chap. 148
(mod. par S.C. 1970-71-72, chap. 63, art. 1)] (la
«Loi»).
Le demandeur travaille pour la société cana-
dienne British Columbia Forest Products Limited
(«BCFP») dont les actions ordinaires et privilégiées
sont négociées aux bourses de Vancouver, Mont-
réal et Toronto.
Le 15 décembre 1959, le conseil d'administra-
tion de BCFP a décidé de mettre sur pied un
régime d'option d'achat d'actions non transférables
(le «régime») en vertu duquel certains des
employés clés de BCFP auraient l'option d'acheter
à l'occasion des actions ordinaires sans valeur
nominale ou valeur au pair faisant partie du capi
tal autorisé mais non encore émis de la compagnie.
Chaque option ainsi accordée devait être exercée
dans un délai supérieur à un an mais inférieur à
dix ans après la date à laquelle elle avait été
consentie. Enfin, la résolution contenait les disposi
tions suivantes:
[TRADUCTION]
9. c) Une option peut être levée dans les
délais prévus et aux prix de levée indi-
qués par la remise à la compagnie d'un
avis écrit signé par le bénéficiaire de
l'option pour l'informer de la levée de
l'option et lui préciser le nombre d'ac-
tions qui seront achetées; la somme
nécessaire pour couvrir le paiement
intégral des actions ou un chèque certi-
fié d'une banque à charte canadienne
doit être joint à l'avis.
12. Le bénéficiaire de l'option ne possède
pas les droits d'un actionnaire en ce
qui a trait aux actions visées par son
option tant que celles-ci ne lui ont pas
été attribuées après la levée de son
option.
Par une modification en date du 28 septembre
1961, le conseil a décidé que le prix d'achat des
actions ne devrait pas être inférieur au dernier prix
de vente d'un lot régulier d'actions pratiqué à la
bourse de Toronto, à la fermeture de celle-ci le
jour ouvrable précédant la date à laquelle l'option
a été consentie. En l'absence d'une vente de ce
genre à cette date, le prix d'achat ne devait alors
pas être inférieur au prix de vente le dernier jour
où une telle vente a été enregistrée avant l'octroi
de l'option.
Conformément au régime et par suite d'une
convention conclue le 15 décembre 1972, le
demandeur a obtenu en contrepartie de la somme
de 1 $ une option d'achat d'actions ordinaires de
BCFP au prix de 21,63 $ l'action. Ce prix a été
établi suivant la formule prévue. La convention
prévoyait que BCFP mettait de côté pour leur
attribution 2 700 actions ordinaires sans valeur au
pair, faisant partie des actions non émises de la
compagnie. L'option serait exercée à raison de la
livraison de 270 actions par année pour la période
de 1973 1982 inclusivement.
Le 23 février 1973, le demandeur s'est vu
octroyer, encore une fois en contrepartie de la
somme de 1 $, une option d'achat de 600 actions
ordinaires supplémentaires au prix de 33 $ l'action.
Le prix a encore une fois été fixé suivant la
formule prévue dans le régime et les actions livra-
bles à raison de 60 par année pour la période allant
de 1974 1983 inclusivement.
Par un avis daté du 14 mai 1973, le demandeur
a été informé que chaque action ordinaire de
BCFP était fractionnée en deux à compter du 19
avril 1973. On lui a donc appris que ce fractionne-
ment 2 pour 1 réduisait le prix de l'option pour
chaque action à 10,815 $ et portait le nombre
d'actions à 5 400, soit le double du nombre initial;
les actions pouvaient être achetées à raison de 540
par année pour la période allant de 1973 1982
inclusivement. On lui a aussi indiqué que, suivant
la deuxième convention datée du 23 février 1973,
la division des actions réduisait le prix de l'option
pour chaque action à 16,50 $ et augmentait à
1 200 le nombre d'actions attribuées en vertu de
cette option; les actions étaient désormais acheta-
bles à raison de 120 par année pendant la période
allant de 1974 1983 inclusivement.
Comme le prévoyaient les conventions, le
demandeur a notifié le secrétaire de BCFP les 3
mai 1976, 10 février 1977 et 7 mars 1977 de son
intention . d'exercer ses options d'achat d'actions
ordinaires de BCFP. Conformément à la résolution
de décembre 1959, le demandeur a joint à chaque
avis un chèque certifié couvrant le prix total des
actions à acheter.
Voici un résumé de l'exercice par le demandeur
de ses options de 1972 et 1973:
3 mai 1976
1 620 actions à 10,815 $ dépenses: 17 520,30 $
360 actions à 16,50 $ dépenses: 5 940 $
Total des actions (1976): 1 980 actions
Total des dépenses (1976): 23 460,30 $
10 février 1977
500 actions à 10,815 $ dépenses: 5 407,50 $
7 mars 1977
40 actions à 10,815 $ dépenses: 432,60 $
120 actions à 16,50 $ dépenses: 1 980 $
Total des actions (1977): 660 actions
Total des dépenses (1977): 7 820,10 $
Soulignons que le dernier prix de vente des actions
ordinaires de BCFP à la bourse de Toronto le
3 mai 1976 était 24 $ l'action. De même, les
actions ordinaires de BCFP se vendaient 25,13 $ et
26 $ l'action le 10 février et le 7 mars 1977
respectivement.
Le 3 mai 1976 et les 10 février et 7 mars 1977,
le secrétaire du président de BCFP a informé les
bourses de Montréal, Vancouver et Toronto que le
demandeur avait levé ses options et que BCFP
avait attribué au demandeur les actions correspon-
dantes du capital autorisé qui n'avaient pas encore
été émises (pièce «A» signet 17).
Le 6 mai 1976 et les 10 février et 7 mars 1977,
le demandeur a vendu de la manière suivante les
actions acquises conformément à l'exercice des
conventions prévues au régime:
6 mai 1976
1 900 actions à 24 $ produit de la vente: 45 600 $
80 actions à 23,75 $ produit de la vente: 1 900 $
Produit total tiré de la vente (1976): 47 500 $
10 février 1977
200 actions à 25,50 $
produit de la vente: 5 100 $
300 actions à 25,625 $
produit de la vente: 7 687,50 $
7 mars 1977
150 actions à 25,50 $
produit de la vente: 3 825 $
Produit total tiré de la vente (1977): 16 612,50 $
Le demandeur a produit ses déclarations d'impôt
sur le revenu pour les années 1976 et 1977 en
déclarant comme gain en capital dans chaque cas
la différence entre le coût des actions acquises et le
produit de leur vente moins les dépenses engagées
pour celle-ci. Voici les calculs effectués par le
demandeur:
Dépenses
Nombre engagées
d'ac- Produit Prix de base pour la Gain en
tions de la vente rajusté vente capital
1976 1980 47 500,00 $ 23 460,30 $ 690,27 $ 23 349,43 $
1977 650 16 612,50 $ 7 655,10 $ 328,73 $ 8 628,67 $
Le ministre du Revenu national (le «Ministre») a
toutefois jugé que l'exercice par le demandeur des
conventions prévues au régime était visé par les
paramètres de l'alinéa 7(1)a) de la Loi et que le
demandeur était réputé avoir reçu un bénéfice de
24 060 $ (soit la différence entre la valeur mar-
chande des 1 980 actions le 3 mai 1976 et leur coût
suivant le régime (47 520 $-23 460 $)) et un
bénéfice de 8 905 $ (16 725 $-7 820 $) pendant
les années d'imposition 1976 et 1977 respective-
ment.
La défenderesse soutient que le Ministre a eu
raison d'appliquer à l'espèce l'alinéa 7(1)a) de la
Loi. Elle fait valoir que cet alinéa s'applique lors-
qu'un employé acquiert des actions suivant un
régime d'option d'achat d'actions à un prix consi-
dérablement inférieur à la valeur marchande de
ces actions au moment de leur acquisition. La
défenderesse prétend que le demandeur a acquis
les actions à un moment où elles étaient négociées
à un prix fixe et avaient donc une valeur mar-
chande de beaucoup supérieure au coût engagé par
le demandeur.
Le demandeur soutient pour sa part que l'exer-
cice des conventions prévues au régime n'a pas
créé un avantage imposable au sens de l'alinéa
7(1)a) de la Loi.
Il a tout d'abord allégué que le Ministre avait eu
tort de fixer la valeur des actions de BCFP selon
leur cotation à la bourse de Toronto aux dates de
leur acquisition lorsqu'il a déterminé si le deman-
deur avait reçu un avantage au sens de l'alinéa
7(1)a) de la Loi. Il soutient que l'article 7 de la
Loi n'exige pas que la valeur des actions acquises
soit établie suivant leur valeur marchande ou leur
juste valeur marchande.
Le demandeur prétend que, suivant la Partie 3
des statuts de BCFP et l'alinéa 42(2)a) de la
Company Act de la Colombie-Britannique',
R.S.B.C. 1979, chap. 59, la fixation du prix de
chaque action ordinaire de BCFP était laissée à la
discrétion absolue des membres du conseil d'admi-
nistration. Le prix fixé par le conseil et payé par le
demandeur était égal, dans les circonstances parti-
culières de l'espèce, à la valeur des actions au
moment de leur acquisition et le prix fixé au
préalable et payé pour ces actions était égal à leur
valeur et l'alinéa 7(1)a) devenait ainsi inapplica
ble.
En affirmant ce qui précède, le demandeur
déclare qu'au moment de leur acquisition, les
actions de BCFP faisaient partie du capital non
émis de la compagnie mais non de son bloc d'ac-
tions négociables; le demandeur était la seule per-
sonne qui pouvait acquérir ces actions particuliè-
res.
' Voici le texte des dispositions pertinentes de la Partie 3 des
statuts de BCFP:
[TRADUCTION] 3.1 Sous réserve des présents statuts et de
l'acte constitutif, les actions sont confiées aux administrateurs;
ces derniers peuvent, sous réserve des droits des détenteurs
d'actions en circulation de la compagnie, émettre, attribuer,
vendre ou céder de toute autre manière les actions autorisées
mais non en circulation et les actions en circulation détenues
par la compagnie, ou encore accorder des options sur ces
actions, au moment, aux personnes (y compris les administra-
teurs), de la manière, aux conditions, au prix ou pour la
contrepartie qui sont laissés à l'entière discrétion des
administrateurs.
Voici le texte de l'alinéa 42(2)a) de la Company Act (C.-B.):
[TRADUCTION] 42. ...
(2) Les actions sans valeur au pair ne doivent pas être
réparties ou émises à un prix ou pour une contrepartie
inférieure
a) au prix ou à la contrepartie fixés par les administrateurs
lorsque l'acte constitutif ou les statuts autorisent ces derniers
à fixer le prix ou la contrepartie de ces actions;
Le demandeur prétend également que les faits
de l'espèce sont compatibles avec la pratique admi
nistrative énoncée au paragraphe 1 du Bulletin
d'interprétation IT-113 2 . Suivant cette disposition
du bulletin, l'alinéa 7(1)a) de la Loi s'applique
lorsqu'un «employé a le droit d'acquérir des actions
. à un prix inférieur à la juste valeur mar-
chande»; au moment où le demandeur a obtenu le
droit d'acquérir les actions conformément aux con
ventions prévues au régime, leur prix n'était pas
inférieur à leur juste valeur marchande et, par
conséquent, les dispositions d'assujettissement de
l'alinéa 7(1)a) ne s'appliquaient pas.
Il s'agit de déterminer en l'espèce si le deman-
deur a reçu un avantage au sens de l'alinéa 7(1)a)
de la Loi lorsqu'il a levé son option d'achat d'ac-
tions de capital non émis d'une compagnie
«ouverte» au cours d'une année d'imposition où la
valeur marchande de ces actions était considéra-
blement supérieure au prix de levée d'option, bien
que le conseil d'administration de la compagnie ait
fixé ledit prix de levée d'option en se fondant sur la
juste valeur marchande des actions au moment où
l'option a été accordée.
La solution du litige dépendra de la détermina-
tion du moment où l'avantage a pris naissance,
c'est-à-dire qu'il faut déterminer la date à laquelle
les actions ont été «acquises» au sens de ce terme à
l'alinéa 7(1)a) de la Loi. Deux choix s'offrent en
l'espèce: les dates auxquelles on a octroyé au
demandeur les options d'achat d'actions de BCFP
et les dates auxquelles le demandeur a levé ses
options d'achat d'actions ordinaires de BCFP. Il
faut en outre déterminer la valeur de ces actions à
l'époque où elles ont été acquises, ce qui dépendra
2 Voici le texte du paragraphe 1 du bulletin IT-113:
1. L'article 7 s'applique pour 1972 et les années d'imposi-
tion suivantes quand il s'agit de déterminer si un employé a
reçu un avantage imposable et l'année au cours de laquelle
cet avantage doit être imposé dans les cas où l'employé a
conclu avec la corporation qui l'emploie, une corporation
avec laquelle la corporation qui l'emploie a un lien de
dépendance ou un fiduciaire agissant sur les ordres de l'une
ou l'autre corporation, une convention prévoyant que l'em-
ployé a le droit d'acquérir des actions de l'une ou de l'autre à
un prix inférieur à la juste valeur marchande. L'article 7
continue de s'appliquer lorsqu'une personne qui était un
employé au moment où elle a obtenu le droit d'acquérir des
actions cesse d'être un employé avant que la valeur de
l'avantage ne soit déterminée par l'exercice ou le transfert de
son droit. [C'est moi qui souligne.]
de l'interprétation donnée au mot «valeur» tel qu'il
apparaît à l'alinéa 7(1)a) de la Loi.
Voici les textes anglais et français de l'alinéa
7(1)a) avant que des modifications n'aient été
apportées à la Loi le 31 mars 1977:
7. (1) Where a corporation has agreed to sell or issue shares
of the capital stock of the corporation or of a corporation with
which it does not deal at arm's length to an employee of the
corporation or of a corporation with which it does not deal at
arm's length,
(a) if the employee has acquired shares under the agree
ment, a benefit equal to the amount by which the value of
the shares at the time he acquired them exceeds the amount
paid or to be paid to the corporation therefor by him shall
be deemed to have been received by the employee by virtue
of his employment in the taxation year in which he acquired
the shares;
7. (I) Lorsqu'une corporation a convenu de vendre ou d'attri-
buer un certain nombre d'actions de son capital-actions, ou des
actions d'une corporation avec laquelle elle a un lien de dépen-
dance, à un de ses employés ou à un employé d'une corporation
avec laquelle elle a un lien de dépendance,
a) si l'employé a acquis des actions en vertu de la convention,
un avantage, égal à la fraction de la valeur des actions qui,
au moment où il les a acquises, était en sus de la somme qu'il
a payée ou devra payer pour ces actions à la corporation, est
réputé avoir été reçu par l'employé en raison de son emploi
dans l'année d'imposition où il a acquis les actions;
Ainsi, lorsqu'une société a convenu d'attribuer
un certain nombre d'actions de son capital-actions
à une personne qui travaille pour elle, cet employé
sera réputé, suivant l'alinéa 7(1)a), avoir reçu un
avantage, s'il en est, dans l'année d'imposition où il
a acquis lesdites actions. En fait, l'expression «a
benefit equal to the amount by which the value of
the shares at the time he acquired them» et son
équivalent français plus explicite «un avantage,
égal à la fraction de la valeur des actions qui, au
moment où il les a acquises» indiquent que l'avan-
tage doit être évalué au moment même où les
actions sont acquises. Contrairement à l'analyse
faite par le demandeur du paragraphe 1 du bulle
tin IT-113, l'événement déterminant de l'alinéa
7(1)a) de la Loi est l'acquisition d'actions à un
prix inférieur à leur valeur établie à la date de leur
acquisition.
La signification du mot «acquises» qui figure au
paragraphe 7(1)a) de la Loi a fait l'objet de
commentaires par les tribunaux. Dans l'affaire
Anderson, RE c La Reine, [1975] CTC 85 (C.F.
P° inst.), le juge Gibson a commenté dans une
opinion incidente les situations qui déclencheraient
l'application de l'article 85A de la Loi de l'impôt
sur le revenu [S.R.C. 1952, chap. 148] (article 7
de la Loi de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970-
71-72, chap. 63 et modifications). Il a fait remar-
quer à la page 87:
L'article 85A de la Loi de l'impôt sur le revenu traite
précisément des prestations aux employés d'une compagnie qui
bénéficient d'options, de contrats ou autres accords leur per-
mettant d'acheter des actions ou de s'en faire délivrer. A
l'alinéa 85A(1)a) [7(1)a)], il est question du cas où l'employé a
exercé son option d'achat d'actions d'une compagnie et aux
alinéas 85A(1)b),c) et d), des cas où l'employé a cédé ou
autrement aliéné son option d'achat d'actions à un ou des tiers
qui, par la suite, acquièrent ces droits de l'employé en vertu
d'un contrat d'option. [C'est moi qui souligne.]
Il semblerait donc, selon le juge Gibson, qu'un
employé acquiert des actions en vertu d'une con
vention d'option d'achat d'actions au moment où il
exerce son option d'achat d'actions de la société
qui l'emploie.
Le juge Cardin de la Cour de l'impôt est arrivé à
une conclusion semblable dans l'affaire Gesser (N.)
Estate v. M.N.R. (1984), 84 DTC 1570 (C.C.I.).
Dans cette affaire, la succession du contribuable a
allégué sans succès que ce dernier avait acquis des
actions en 1970 en vertu d'un contrat de vente au
sens des articles 1025, 1026, 1027 et 1472 du Code
civil du Bas Canada. La Cour a statué qu'étant
donné que le contrat de vente n'obligeait pas le
contribuable à payer les actions, ledit contrat cons-
tituait pour l'essentiel une option d'achat d'actions.
Elle a en outre statué que le contribuable n'a
acquis les actions offertes en vertu de l'option
d'achat d'actions de 1970 et en est devenu le
titulaire légal qu'une fois l'option levée en 1972.
Les liens qui , existent entre l'acquisition d'ac-
tions et la création d'un droit de propriété sur
celles-ci ont été examinés dans l'affaire Grant c.
La Reine, [1974] 2 C.F. 31; 74 DTC 6252 (1 re
inst.). Profitant d'un régime d'option d'achat d'ac-
tions, le 25 juillet 1968 le demandeur a acheté à
crédit et à leur valeur marchande d'alors des
actions de la société qui l'employait. Le deman-
deur a remboursé sa dette un an plus tard lorsque
la valeur marchande des actions avait doublé. Ce
n'est qu'à ce moment que les certificats d'actions
ont été attribués au demandeur. Le juge Bastin a
statué que le demandeur avait acquis les actions de
la société le 25 juillet 1968. Pour arriver à cette
conclusion, le juge Bastin est parti du principe que
la souscription du demandeur à cette date et l'ac-
ceptation de celle-ci par le conseil d'administration
ce même jour, constatée par sa confirmation du
régime d'achat d'actions, constituaient une con
vention liant les parties quant à la vente des
actions en cause.
Ainsi, l'élément essentiel dont le juge Bastin a
tenu compte pour déterminer la date de l'acquisi-
tion n'était pas la date à laquelle les actions ont été
intégralement payées ni celle à laquelle les certifi-
cats d'actions ont été attribués, mais plutôt la date
à laquelle le contribuable a établi un droit de
propriété sur les actions.
Par ailleurs, dans l'affaire Van Wielingen, G. A.
v. M.N.R. (1976), 76 DTC 1182 (C.R.I.), une
résolution des actionnaires en date du 30 décembre
1969 a conféré au contribuable en janvier 1970
une option lui permettant de souscrire des actions
de la compagnie à leur juste valeur marchande
d'alors. Bien que le demandeur ait souscrit les
actions le 1 °r janvier 1970, il ne les a payées
intégralement que le 31 décembre 1970, moment
où leur juste valeur marchande avait augmenté
considérablement. Une disposition essentielle de la
résolution de décembre 1969 prévoyait , que les
actions ne seraient attribuées qu'une fois leur prix
entièrement payé et que le souscripteur ne posséde-
rait les droits d'un actionnaire sur ces actions
qu'une fois qu'elles lui auraient été attribuées. Se
fondant sur cette disposition particulière, le com-
missaire Taylor a statué que le contribuable
n'ayant obtenu les droits d'un actionnaire sur les
actions souscrites que le 31 décembre 1970, c'est à
cette date seulement qu'il a acquis ses actions.
En conclusion, après avoir examiné le sens de
l'alinéa 7(1)a) de la Loi et la jurisprudence perti-
nente, je suis convaincu qu'un contribuable est
réputé avoir reçu un avantage, s'il y a lieu, au
moment où il obtient le droit de propriété ou
bénéficie des effets du droit de propriété sur les
actions souscrites.
Si on applique ce principe aux faits de l'espèce,
il est évident que le demandeur a acquis les actions
de BCFP le 3 mai 1976 et les 10 février et 7 mars
1977. Il ressort de la preuve disponible (i) que les
actions obtenues ont été intégralement payées à
ces dates; (ii) que les actions achetées ont été
attribuées à ces dates et (iii) que suivant la résolu-
tion de décembre 1959, le demandeur a obtenu à
ces dates des droits d'actionnaire sur les actions
achetées au moment de l'exercice de l'option.
Bien que j'aie déjà passé brièvement en revue les
principes juridiques qui se sont dégagés des arrêts
traitant du moment où les actions sont réputées
avoir été acquises en vertu de l'alinéa 7(1)a) de la
Loi, je veux également souligner que l'avocat du
demandeur a reconnu au cours de l'audience tenue
devant moi que les actions ont été acquises au
moment où le demandeur a exercé l'option lui
permettant de les acheter. Le demandeur allègue
principalement qu'au moment où il a exercé son
option d'achat, les actions faisaient partie du capi
tal non émis de la compagnie et que les adminis-
trateurs en avaient déjà fixé le prix. Il soutient que
c'est ce prix plutôt que la juste valeur marchande
des actions qui constitue leur «valeur».
L'alinéa 7(1)a) indique une méthode pour éva-
luer l'avantage qui est réputé découler de l'acquisi-
tion d'actions par suite de l'exercice d'un régime
d'option d'achat d'actions. Pour des raisons de
commodité, voici la formule employée:
... un avantage, égal à la fraction de la valeur des actions qui,
au moment où il les a acquises, était en sus de la somme qu'il a
payée ou devra payer pour ces actions à la corporation ...
Le problème que soulève le plus fréquemment
cette disposition législative concerne l'interpréta-
tion du mot «valeur». En règle générale, on consi-
dère que la valeur des titres cotés en bourse est
leur prix sur le marché ce jour-là. Il en est ainsi
parce qu'on estime habituellement que le mot
«valeur», au sens où il est employé à l'alinéa
7(1)a), comporte l'idée de juste valeur marchande,
c'est-à-dire le prix qu'un acheteur serait prêt à
verser à un vendeur dans un marché libre.
Le demandeur a prétendu qu'étant donné qu'ils
ont employé à l'alinéa 7(1)a) le mot «valeur» plutôt
que l'expression «juste valeur marchande» qui
figure dans plusieurs autres dispositions de la Loi,
les rédacteurs législatifs voulaient faire une
nuance. On a toutefois jugé que, pour la plupart
des fins des dispositions de la Loi, le mot «valeur»
désigne la «valeur marchande» ou la «juste valeur
marchande». Dans l'arrêt Untermeyer (sic) Estate
v. Atty. Gen. for B.C., [1929] R.C.S. 84, la Cour
devait déterminer la valeur qu'il fallait attribuer à
certaines actions détenues par l'appelant au
moment de sa mort, aux fins des droits successo-
raux. Parlant au nom de la Cour, le juge Mignault
a dit à la page 91:
[TRADUCTION] Les avocats nous ont respectueusement sug-
géré plusieurs définitions des mots «juste valeur marchande». Le
mot clé est manifestement «valeur», et le meilleur guide pour
déterminer celle-ci est le prix du marché—s'il existe un marché
pour le bien en question (dans le cas d'actions cotées en bourse,
il en existe un). On doit peut-être se demander si le mot «juste»
ajoute quelque chose au sens des mots «valeur marchande», sauf
peut-être que la valeur marchande doit offrir une certaine
constance et ne pas résulter d'une forte hausse passagère ou
d'une panique soudaine du marché. La valeur que nous cher-
chons à établir en l'espèce est celle des biens de Untermyer au
moment de son décès, à savoir la valeur de son actif à cette
date, compte tenu de tous les facteurs, ceux-ci se réflétant
nécessairement sur la valeur marchande des biens. Bien des
facteurs influent sur la valeur marchande d'actions de compa-
gnies ayant une activité financière ou commerciale, un des plus
importants étant ce qu'on pourrait appeler la valeur de place
ment découlant de l'existence—ou de la perspective—d'un ren-
dement élevé sous forme de dividende et de la probabilité de sa
continuation ou de son augmentation, ou encore de la sécurité
attribuable à la solidité financière ou à la bonne gestion d'une
compagnie. C'est de l'ensemble de tous ces facteurs positifs que
dépend le prix du marché, lequel, s'il n'est pas l'effet d'une
situation tout à fait temporaire ou d'un caractère exceptionnel,
est le meilleur critère de la juste valeur marchande de biens de
ce genre.
Je suis donc d'avis que le prix du marché, dans un cas comme
celui-ci où l'on peut démontrer qu'il a été relativement stable,
détermine la juste valeur marchande des actions. [C'est moi qui
souligne.]
Analysant la justesse de l'évaluation de la valeur
réelle d'une parcelle de terre submergée aux fins
de l'établissement de l'impôt, le juge en chef du
Canada, le juge Duff, a fait remarquer ce qui suit
à la page 305 de l'arrêt Montreal Island Power
Co. v. Town of Laval des Rapides, [1935] R.C.S.
304:
[TRADUCTION] Le sens de l'expression «valeur réelle» lors-
qu'elle est employée dans un document juridique, sous réserve
évidemment du contexte, est énoncé dans l'extrait suivant tiré
du jugement de lord MacLaren dans l'affaire Lord Advocate v.
Earl of Home (1891), 28 Sc. L.R. 289, la p. 293:
Le mot «valeur» peut, comme de nombreux autres mots
d'usage courant, prendre différents sens selon qu'il est utilisé
dans le domaine littéraire, dans un document commercial ou
dans la conversation. Mais j'estime que dans un contrat, le
mot «valeur» a un sens parfaitement bien défini et connu à
moins que ledit contrat ne contienne une disposition laissant
entendre qu'il a un sens différent. Il signifie la valeur
d'échange, c'est-à-dire le prix que l'objet rapportera lorsqu'il
est placé dans un marché de libre concurrence.
Les tribunaux de ce pays et, en général, de ce continent ont
accepté cette interprétation du mot «valeur» lorsqu'il est
employé pour déterminer la valeur d'un bien aux fins de
l'établissement de l'impôt. [C'est moi qui souligne.]
Dans l'affaire Busby (V.) c. La Reine, [1986] 1
C.T.C. 147 (C.F. 1« inst.), le juge McNair, qui a
commenté dans une opinion incidente l'alinéa
7(1)a) et le paragraphe 7(5) de la Loi (cette
dernière disposition limitant l'application de l'ali-
néa 7(1)a) aux situations où l'avantage est acquis
en vertu de l'emploi exercé par l'employé), a fait la
remarque suivante (à la page 151):
[TRADUCTION] A mon avis, ces dispositions ont pour but
d'imposer à titre de revenu tout avantage dont bénéficie un
employé en vertu d'un régime d'option d'achat d'actions ou
autre convention qui habilite ledit employé à acheter ou acqué-
rir les actions de la corporation qui l'emploie ou d'une corpora
tion avec laquelle celle-ci a un lien de dépendance, à un prix
inférieur à leur valeur marchande, de sorte que la différence
entre cette valeur et le montant payé est réputée avoir été reçue
à titre de revenu à condition que l'avantage conféré ait été reçu
au titre, dans le courant ou en vertu de l'emploi exercé par
l'employé. Si l'avantage n'est pas attribuable audit emploi, il
n'est pas imposable en vertu de cet article. [C'est moi qui
souligne.]
Plusieurs spécialistes de l'impôt sur le revenu
ont fait des commentaires semblables quant à la
signification du mot «valeur» dans le contexte de
l'alinéa 7(1)a) de la Loi (voir en général D. A.
Ward, éd., Ward's Tax Law and Planning, vol. 1,
1983, pages 3 à 54 et suivantes; H.H. Stikeman,
éd., Canada Tax Service, vol. 1, pages 7-11 à
7-28).
Étant donné qu'un contribuable est réputé avoir
reçu un avantage égal à la différence entre la juste
valeur marchande des actions au moment où il a
acquis le droit de propriété sur celles-ci et le prix
qu'il a payé, j'estime que les arguments du deman-
deur doivent être rejetés.
Suivant le témoignage non contredit de M.
Aldridge, C.G.A., C.B.V., quant à la juste valeur
marchande des actions ordinaires de BCFP à la
bourse de Toronto le 3 mai 1976 et les 10 février et
7 mars 1977, ces actions étaient négociées à 24 $,
25,13 $ et 26 $ l'action. Les observations faites à la
page 5337 de l'arrêt Succession Henderson c.
M.R.N. (1975), 75 DTC 5332 (C.A.F.) par le juge
Ryan confirment que de tels cours reflètent la
juste valeur marchande de ces actions:
Sur un marché stable, au sens d'un marché qui ne résulte pas
«d'une forte hausse passagère ou d'une panique soudaine», ou
d'un marché qui «n'est pas l'effet d'une situation tout à fait
temporaire ou d'un caractère exceptionnel», pour reprendre les
termes qu'a employés le juge Mignault dans l'affaire Unter-
myer, la cote en bourse constitue la meilleure preuve de la juste
valeur marchande.
Le demandeur a de fait vendu ces actions sur le
marché le 6 mai 1976 et les 10 février et 7 mars
1977 pour sensiblement les mêmes prix.
En outre, il n'y a pas d'obstacle à la vente des
actions du demandeur qui justifierait une réduc-
tion de la cotation du prix courant; il n'est pas non
plus nécessaire de tenir compte de la position
minoritaire du demandeur dans la compagnie
BCFP étant donné que la valeur à la cote des
actions d'une compagnie inscrite à une bourse des
valeurs mobilières, actions qui sont largement
répandues et négociées régulièrement comme c'est
le cas en l'espèce, traduira un escompte pour parti
cipation minoritaire vu que la bourse est un
marché de participation minoritaire (Domglas Inc.
et Jarislowski, Fraser & Co., [1980] C.S. 925
(Qc); confirmé par (1982), 138 D.L.R. (3d) 521
(C.A. Qc)).
En conclusion, il n'existe donc aucun élément de
preuve justifiant la modification de la cotisation
établie par le Ministre. Par conséquent, l'appel du
demandeur est rejeté avec dépens.
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