T-5457-82
Richard D. McNeill (demandeur)
c.
La Reine (défenderesse)
RÉPERTORIÉ: MCNEILL c. CANADA
Division de première instance, juge Rouleau—
Ottawa, 30 avril et 15 septembre 1986.
Impôt sur le revenu — Calcul du revenu — Indemnité de
déménagement pour changement de milieu et augmentation du
coût du logement versée à des contrôleurs aériens mutés à
l'extérieur du Québec — Mutation destinée à mettre fin à la
tension et à la menace pesant sur la sécurité aérienne par suite
de l'intolérance de contrôleurs francophones à l'égard de cer-
tains collègues — Les contrôleurs mutés ne devaient pas vivre
au Québec ni faire aucune déclaration à la presse — L'indem-
nité constituait-elle un revenu imposable? — S'agissait-il d'un
revenu tiré d'une charge ou d'un emploi à titre d'«autre
rémunération»? — S'agissait-il d'une rémunération réputée?
— Le paiement s'expliquait-il par le lien de subordination
entre l'employeur et l'employé ou par une entente accessoire?
— En déménageant, les bénéficiaires de l'indemnité rendaient-
ils service à leur employeur ou exerçaient-ils une fonction
pour ce dernier? — S'agissait-il d'«autres avantages de quel-
que nature que ce soit»? — La loi a pour but d'imposer les
avantages accessoires — Un remboursement n'est pas la même
chose qu'une allocation — Le contribuable n'a pas prouvé qu'il
avait véritablement subi une perte égale à la somme de l'in-
demnité de changement de milieu — Cette portion de l'indem-
nité de déménagement doit étre incluse dans le revenu — Loi
de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, chap. 63, art. 5(1),
6(1)a),b) (mod. par S.C. 1974-75-76, chap. 26, art. 1), (3),
248(1).
Fonction publique — Relations du travail — Ministère des
Transports — Des contrôleurs aériens francophones en poste à
Dorval se sont montrés intolérants à l'égard de certains collè-
gues — Ils ont fait preuve de militantisme — Sécurité
aérienne mise en danger à cause de la tension engendrée dans
la tour de contrôle — Mutation des contrôleurs anglophones
afin d'éviter une éventuelle catastrophe en matière de relations
du travail — Le Conseil du Trésor a autorisé le versement
d'une indemnité de déménagement pour changement de milieu
et d'une indemnité de logement — L'indemnité reçue consti-
tuait-elle un revenu imposable?
Le demandeur parlait couramment les deux langues et tra-
vaillait pour le ministère des Transports comme contrôleur
aérien à l'aéroport de Dorval. Il a été muté à Ottawa en
décembre 1976. Officiellement, il a été muté dans le cadre de la
campagne accélérée d'implantation du bilinguisme dans les
tours de contrôle de la circulation aérienne du Québec. En
réalité, certains employés, même bilingues, n'étaient pas les
bienvenus au sein des francophones à Dorval. La sécurité
aérienne était en danger à cause de la tension qui existait à la
tour de contrôle. Afin de calmer les esprits, le ministère des
Transports a offert trois possibilités à ses employés, notamment
la mutation de ses employés anglophones. C'est ce qu'a choisi le
demandeur.
Le Conseil du Trésor a autorisé le paiement d'une indemnité
de déménagement des contrôleurs aériens pour raisons linguisti-
ques afin de compenser les frais de logement plus coûteux dans
d'autres parties du pays (indemnité de logement) et les frais
entraînés par le changement de milieu (indemnité de change-
ment de milieu). En échange de l'indemnité, les contrôleurs
aériens devaient s'engager par écrit à ne pas vivre au Québec, à
ne faire aucune déclaration à la presse et à demeurer à leur
nouveau lieu d'affectation pendant cinq ans. Le demandeur a
reçu une indemnité de logement de 15 571 $ et une indemnité
de changement de milieu de 2 155,41 $.
La Couronne a prétendu que toute la totalité de l'indemnité
de déménagement constituait un revenu imposable en vertu du
paragraphe 5(1), de l'alinéa 6(1)a) ou du paragraphe 6(3) de la
Loi de l'impôt sur le revenu. Appel est interjeté de la décision
de la Commission de révision de l'impôt confirmant cette
cotisation.
Jugement: l'appel doit être accueilli en ce qui a trait à
l'indemnité de logement mais non pour ce qui est de l'indemnité
de changement de milieu.
Le point en litige consiste à déterminer si la somme reçue par
le contribuable doit être considérée comme une «autre rémuné-
ration» au sens du paragraphe 5(1) de la Loi, comme une
«rémunération réputée» aux fins du paragraphe 6(3), comme un
avantage tiré d'une charge ou d'un emploi comme le prévoit
l'alinéa 6(1)a) ou comme une allocation pour frais personnels
ou de subsistance non exemptés.
L'indemnité n'est pas une «autre rémunération» au sens de
l'article 5. Les définitions contenues dans les dictionnaires et la
jurisprudence soulignent le lien qui doit exister entre la presta-
tion de services et le paiement de la somme avant que l'indem-
nisation puisse être considérée comme un revenu tiré d'une
charge ou d'un emploi. Le paiement en cause ne découle pas du
contrat d'emploi. Il a fait suite à une entente accessoire et
spéciale conclue entre l'employeur et l'employé. Ladite entente
devait servir à compenser la perte en capital subie par les
employés mutés et à éviter une éventuelle catastrophe en
matière de relations du travail.
Le montant reçu ne peut être présumé constituer, conformé-
ment au paragraphe 6(3), une rémunération aux fins de l'arti-
cle 5. Le contribuable s'est déchargé du fardeau de la preuve et
a renversé cette présomption: il a établi que ce montant n'est
pas visé par les alinéas 6(3)c),d) ou e). La somme versée pour
compenser une perte en capital subie lors d'une mutation
involontaire, à l'emploi du même employeur, n'accordant aucun
avantage économique à l'une ou l'autre des parties, n'est pas
visée par le paragraphe 6(3).
Ce montant ne constitue pas non plus un avantage reçu au
titre, dans l'occupation ou en vertu de la charge ou de l'emploi
au sens de l'alinéa 6(1)a). La Couronne n'a pas démontré que
le paiement a été effectué en raison de la charge ou de l'emploi
du demandeur; il avait pour but d'éviter un conflit de travail et
était destiné au demandeur en tant que simple particulier plutôt
qu'employé. Le demandeur n'a pas eu le choix et a dû accepter
la mutation. Celle-ci était motivée par des raisons politiques et
n'était nullement liée à la politique de la société et elle ne visait
pas à favoriser le perfectionnement ou l'avancement de
l'employé.
Bien qu'il ne soit peut-être pas nécessaire de déterminer si le
paiement constituait un avantage, il semble opportun d'exami-
ner le sens de l'expression «avantages de quelque nature que ce
soit» au sens de l'alinéa 6(1)a) de la Loi. Cette disposition vise
à fournir une façon d'imposer les contribuables qui reçoivent
des avantages accessoires en plus de leur traitement. Elle ne
vise pas à rendre le revenu d'un employé imposable à l'égard
d'une somme reçue à titre de remboursement lorsque celle-ci ne
correspond à aucune des exceptions de l'alinéa 6(1)b).
Bien qu'on ait laissé entendre que le contribuable n'était pas
tenu de rendre compte du paiement reçu et qu'il n'était pas
obligé d'acheter une maison dans la région d'Ottawa, il n'en
demeure pas moins que le demandeur a bel et bien acheté une
maison et qu'il a été obligé d'accepter la mutation afin de
conserver son emploi.
Pour ce qui est de l'indemnité de changement de milieu,
puisqu'on n'a soumis aucune preuve montrant que le deman-
deur avait véritablement subi des pertes, il faut conclure que ce
dernier a reçu un avantage au sens de l'alinéa 6(1)a) de la Loi.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Ransom, Cyril John v. Minister of National Revenue,
[1968] I R.C.É. 293; (1967), 67 DTC 5235; Roy, J.L. v.
M.N.R. (1979), 80 DTC 1005 (C.R.1.); Lor-Wes Con
tracting Ltd. c. La Reine, [1986] I C.F. 346; [1985] 2
CTC 79 (C.A.); Stubart Investments Ltd. c. La Reine,
[1984] 1 R.C.S. 536.
DISTINCTION FAITE AVEC:
R. c. Savage, [1983] 2 R.C.S. 428; 83 DTC 5409; R. v.
Poynton, [1972] 3 O.R. 727; 72 DTC 6329 (C.A.).
DÉCISION EXAMINÉE:
La succession Phaneuf c. R., [1978] 2 C.F. 564; 78 DTC
6001 (1e° inst.).
DÉCISIONS MENTIONNÉES:
Scanlan v. M.N.R. (1951), 51 DTC 84 (C.A.I.); Laidler
v. Perry (Inspector of Taxes), [1965] 2 All E.R. 121
(H.L.); Buchanan, George Smith v. Minister of National
Revenue, [1967] 1 R.C.E. 11; (1966), 66 DTC 5257; Le
Ministre du Revenu national v. Bhérer, Wilbrod, [1968]
1 R.C.É. 146; (1967), 67 DTC 5186; Martel v. M.N.R.,
[1970] R.C.É. 68; 70 DTC 6204; R. c. Pascoe, [1976] 1
C.F. 372; (1975), 75 DTC 5427 (C.A.); Lepine, G. v.
M.N.R. (1977), 78 DTC 1637 (C.R.I.); Dauphine, T. c.
La Reine (1980), 80 DTC 6267 (C.F. 1" inst.); R. c.
Demers, [1981] 2 C.F. 121; (1980), 81 DTC 5256 (1"
inst.); Cutmore, R. H. et al. v. M.N.R. (1986), 86 DTC
1146 (C.C.I.); Gagnon c. La Reine, [1986] 1 R.C.S. 264;
86 DTC 6179.
AVOCATS:
Paul A. Webber, c.r., pour le demandeur.
Paul Plourde et Sandra E. Phillips pour la
défenderesse.
PROCUREURS:
Bell, Baker, Ottawa, pour le demandeur.
Le sous-procureur général du Canada pour la
défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE ROULEAU: La Cour est saisie d'un
appel d'une décision de la Commission de révision
de l'impôt [(1982), 82 DTC 1192], rendue le 12
mars 1982. Le demandeur, contrôleur aérien, tra-
vaillait pour Transports Canada, à la tour de
contrôle de la circulation aérienne de l'Aéroport
Dorval, jusqu'à ce que son nom soit mis sur la liste
des mutations, confirmant son départ au 1" juillet
1977. De fait, il avait déjà commencé à travailler à
l'aéroport international d'Ottawa, le 31 décembre
1976. Officiellement, le demandeur a été muté
dans le cadre de la campagne accélérée de bilin-
guisme des tours de contrôle de la circulation
aérienne du Québec où, jusqu'alors, la langue offi-
cielle de travail était l'anglais. Il s'agit de détermi-
ner si la somme versée par l'employeur au contri-
buable, sous le nom de [TRADUCTION] «indemnité
de déménagement des contrôleurs aériens pour
raisons linguistiques» est imposable.
Le demandcur a toujours résidé dans la région
de Montréal et il parle couramment les deux lan-
gues. Il est donc difficile de ne pas conclure que sa
réinstallation était imputable à une autre raison
que celle qui a motivé la mutation des contrôleurs
anglophones unilingues qui ne pouvaient pas ou ne
voulaient pas suivre des cours de langue spéciali-
sés. Même si personne ne l'a affirmé de façon
expresse, on peut conclure, d'après les faits et les
circonstances de cette affaire, que certains
employés, même bilingues, n'étaient pas les bienve-
nus au sein des francophones qui dominaient la
section locale du syndicat. Il y avait beaucoup de
tension à la tour de contrôle ainsi que de graves
problèmes de relations humaines parmi les
employés, au point que la sécurité aérienne était en
danger à cause du manque de collaboration et du
militantisme de certains employés au sujet de la
langue. C'est pourquoi le ministère des Transports
a tenté de calmer les esprits avant que la situation
ne devienne incontrôlable et a donc offert trois
possibilités à ses employés: la pré-retraite, la muta
tion ou des cours de langue spécialisés dans le
domaine du contrôle aérien afin d'atteindre un
bilinguisme de travail.
Par suite de négociations entre Transports
Canada et un groupe de contrôleurs aériens anglo-
phones bilingues et unilingues ayant accepté d'être
mutés, le Conseil du Trésor a été consulté en vue
d'obtenir le versement d'une indemnité à ceux qui
engageraient des frais de réinstallation.
Après une étude de trois mois menée par un
groupe de travail spécial, le Conseil du Trésor a
autorisé le paiement d'une allocation de réinstalla-
tion, surnommée «indemnité de déménagement des
contrôleurs aériens pour raisons linguistiques».
L'indemnité était versée en deux volets. Le pre
mier, intitulé «indemnité de logement», était fondé
sur une conclusion du rapport du groupe de travail
portant que l'achat d'un logement semblable dans
un important centre urbain serait plus coûteux et
entraînerait une augmentation de l'hypothèque. Ce
paiement avait pour but de réduire l'effet du coût
du logement causé par l'augmentation des paie-
ments hypothécaires; il était défini de la façon
suivante:
[TRADUCTION]—un paiement annuel versé pendant une
période d'au plus cinq ans pour compenser seulement les aug
mentations d'hypothèque relevées au nouveau lieu d'affectation,
selon le coût de l'intérêt, aux taux hypothécaires reconnus,
applicable uniquement à la différence entre la valeur estimée
ou le prix de vente du logement du contrôleur à Montréal et la
valeur estimée d'un logement semblable au nouveau lieu de
travail, d'après les coûts du marché résidentiel déclarés trimes-
triellement par des bureaux de courtage immobilier reconnus
dans tout le pays.
Le deuxième était désigné sous le nom de
«indemnité de changement de milieu» et était cal-
culé de la façon suivante: une somme globale égale
à 1 % du traitement annuel de l'employé multiplié
par le nombre d'années de service, ne devant pas
être inférieur à 500 $ et ne pas dépasser 5 000 $.
En échange de l'indemnité, les contrôleurs
aériens mutés devaient s'engager par écrit à ne pas
vivre au Québec, à ne faire aucune déclaration à la
presse et à demeurer à leur nouveau lieu d'affecta-
tion pendant cinq ans. En cas de défaut, le contrô-
leur devait rembourser l'indemnité, au prorata, à
partir du premier jour de défaut.
En 1973, le demandeur a acheté une maison à
Pierrefonds (Québec), à environ 16 500 $, moyen-
nant une hypothèque de 13 000 $, remboursable au
taux annuel de 9 1 / 4 %, ce qui portait ses paiements
mensuels à moins de 150 $. L'emplacement était
idéal pour son travail. Le demandeur n'a pas pu
vendre sa maison avant de quitter Dorval, et la
valeur de celle-ci a été estimée à 28 000 $, au 31
décembre 1976. Il l'a finalement vendue 24 000 $,
en avril 1977. S'étant engagé à ne pas résider dans
la province de Québec, après sa mutation à
Ottawa, il ne pouvait profiter des prix moins élevés
du marché immobilier de Hull (Québec). Il n'a pas
pu trouver de logement à un prix semblable, dans
les limites de la ville d'Ottawa, et il a été obligé de
chercher à l'extérieur de la capitale une maison à
un prix raisonnable. Il s'est finalement installé
dans le canton de West Carleton (Ontario), com-
munauté rurale située à quelque quarante milles
d'Ottawa. Il y a acheté une maison 82 000 $, à
charge d'une hypothèque de 60 000 $ portant inté-
rêt à 11 1 / 2 % par année et des versements mensuels
de 599 $. Il a reçu une indemnité de logement de
15 571 $, pour compenser les intérêts payables sur
son hypothèque plus élevée ainsi que le taux d'inté-
rêt plus élevé, pendant une période de cinq ans. De
plus, il a reçu la somme de 2 155,41 $ en vertu de
l'indemnité de changement de milieu.
La Couronne prétend que toute la somme de
l'indemnité de déménagement des contrôleurs
aériens pour des raisons linguistiques constituait
un revenu imposable entre les mains du contribua-
ble, pour l'année d'imposition 1976. À l'appui de
cette allégation, l'avocat de la Couronne a présenté
trois arguments principaux. Il a allégué que la
somme versée au demandeur représentait une
«autre rémunération» au sens du paragraphe 5(1)
de la Loi de l'impôt sur le revenu [S.R.C. 1952,
chap. 148 (mod. par S.C. 1970-71-72, chap. 63,
art. 1)] (ci-après désignée «la Loi») dont voici le
texte:
5. (1) Sous réserve de la présente Partie, le revenu d'un
contribuable, pour une année d'imposition, tiré d'une charge ou
d'un emploi est le traitement, salaire et autre rémunération, y
compris les gratifications, que ce contribuable a reçus dans
l'année.
La Couronne a aussi proposé un argument sub-
sidiaire à ce sujet, savoir que si l'argent reçu par le
demandeur ne constitue pas une «autre rémunéra-
tion» en soi, il devrait néanmoins être considéré
comme une rémunération réputée, aux fins de
l'article 5 de la Loi, en vertu du paragraphe 6(3)
de la Loi que voici:
6....
(3) Une somme qu'une personne a reçue d'une autre
personne,
a) pendant une période alors que le bénéficiaire faisait partie
des cadres du payeur ou était employé par ce dernier, ou
b) au titre ou en paiement intégral ou partiel d'une obligation
découlant d'une entente intervenue entre le payeur et le
bénéficiaire immédiatement avant, pendant ou immédiate-
ment après une période où ce bénéficiaire faisait partie des
cadres du payeur ou était employé par ce dernier,
est réputée être, aux fins de l'article 5, une rémunération des
services que le bénéficiaire a rendus à titre de cadre ou pendant
sa période d'emploi, sauf s'il est établi que, indépendamment de
la date où a été conclue l'entente, si entente il y a, en vertu de
laquelle cette somme a été reçue ou de la forme ou des effets
juridiques de cette entente, cette somme ne peut pas raisonna-
blement être considérée comme ayant été reçue
c) à titre de contrepartie totale ou partielle de l'acceptation
de la charge ou de la conclusion du contrat d'emploi,
d) à titre de rémunération totale ou partielle des services
rendus comme cadre ou conformément au contrat d'emploi,
ou
e) à titre de contrepartie totale ou partielle d'un engagement
prévoyant ce que le cadre ou l'employé doit faire, ou ne doit
pas faire, avant ou après la cessation de l'emploi.
L'avocat de la Couronne a prétendu qu'aucune
des exceptions prévues au paragraphe 6(3) n'était
applicable. Il a également insisté sur le fait que le
paiement s'expliquait par le lien de subordination
entre l'employeur et l'employé. L'avocat a admis
que l'indemnisation ne faisait pas partie du contrat
d'emploi initial, mais il a affirmé vigoureusement
qu'elle ne faisait pas suite non plus à une entente
accessoire entre l'employeur et l'employé. De plus,
il prétend qu'en déménageant, le demandeur ren-
dait un service à son employeur ou exerçait une
fonction pour ce dernier.
L'avocat de la Couronne a également ajouté 'que
les sommes versées au demandeur étaient des élé-
ments à inclure dans son revenu tiré d'une charge
ou d'un emploi, en vertu des alinéas 6(1)a) et b)
[mod. par S.C. 1974-75-76, chap. 26, art. 1] de la
Loi. Voici ce que prévoyait l'alinéa 6(1)a) de la
Loi, en 1976:
6. (1) Doivent être inclus dans le calcul du revenu d'un
contribuable tiré, pour une année d'imposition, d'une charge ou
d'un emploi, ceux des éléments appropriés suivants:
a) la valeur de la pension, du logement et autres avantages de
quelque nature que ce soit (sauf les avantages résultant des
contributions de son employeur à une caisse ou régime
enregistré de pension, un régime d'assurance collective contre
la maladie ou les accidents, un régime de service de santé
privé, un régime de prestations supplémentaires de chômage,
un régime de participation différée aux bénéfices ou une
police collective d'assurance temporaire sur la vie) qu'il a
reçus ou dont il a joui dans l'année au titre, dans l'occupation
ou en vertu de la charge ou de l'emploi; [C'est moi qui
souligne.]
L'avocat de la Couronne a prétendu que le
versement de cette soi-disant «indemnité» au con-
tribuable devrait être considéré comme un avan-
tage conféré en vertu de sa charge ou de son
emploi, peu importe si le montant était assez élevé
pour indemniser le demandeur de façon satisfai-
sante à l'égard des pertes réellement subies lors de
sa mutation à Ottawa. Finalement, il a souligné
que la somme reçue par le demandeur ne corres-
pondait pas à l'une des exceptions prévues à l'ali-
néa 6(1)b) de la Loi:
6. (1) ...
b) toutes les sommes qu'il a reçues dans l'année à titre
d'allocations pour frais personnels ou de subsistance ou à
titre d'allocations pour toute autre fin, sauf
(i) les allocations pour frais de déplacement, frais person-
nels ou frais de subsistance
(A) expressément établies dans une loi du Parlement du
Canada, ou
(B) payées en vertu d'une autorisation du conseil du
Trésor à une personne nommée, ou dont les services
étaient retenus, conformément à la Loi sur les enquêtes,
relativement à l'accomplissement des fonctions afféren-
tes à sa nomination ou à son engagement,
(ii) les allocations de déplacement et les indemnités d'ab-
sence du foyer reçues en vertu de règlements militaires à
titre de membre des Forces canadiennes,
(iii) les allocations de représentation ou autres allocations
spéciales reçues et afférentes à une période d'absence hors
du Canada, à titre de personne visée à l'alinéa 250(1)b), c)
ou d),
(iv) les allocations de représentation ou autres allocations
spéciales reçues par un agent général d'une province et
afférentes à une période pendant laquelle il était à Ottawa
en qualité d'agent général de la province,
(y) les allocations raisonnables pour frais de déplacement
reçues de son employeur par un employé et afférentes à
une période pendant laquelle son emploi était relié à la
vente de biens ou à la négociation de contrats pour son
employeur,
(vi) les allocations raisonnables reçues par un ministre du
culte ou un membre du clergé desservant un diocèse, une
paroisse ou une congrégation, ou en ayant la charge, pour
les frais de transport qu'a entraînés l'accomplissement des
fonctions de sa charge ou de son emploi,
(vii) les allocations (ne dépassant pas des sommes raison-
nables) pour frais de déplacement qu'un employé (autre
qu'une personne dont l'emploi est relié à la vente de biens
ou à la négociation de contrats pour son employeur) a
reçues de son employeur, si elles ont été calculées en
fonction du temps qu'a véritablement passé l'employé à
voyager à l'extérieur
(A) de la municipalité où était situé l'établissement de
l'employeur dans lequel l'employé travaillait habituelle-
ment ou auquel il adressait ordinairement ses rapports,
et,
(B) le cas échéant, de la région métropolitaine où était
situé cet établissement,
dans l'accomplissement des fonctions de sa charge ou de
son emploi,
(viii) la partie du total des allocations reçues, par un
pompier dit volontaire, d'un gouvernement, d'une munici-
palité ou d'une autre administration publique, au titre des
dépenses qu'il a engagées dans l'accomplissement ou en
vertu de ses fonctions de volontaire, qui ne dépasse pas
$300; ou
(ix) les allocations (jusqu'à concurrence de leur montant
raisonnable) qu'un employé a reçues de son employeur
pour un enfant de l'employé vivant à l'extérieur du domi
cile de ce dernier au lieu où il est obligé de demeurer en
raison de son emploi et fréquentant à plein temps un
établissement scolaire dans lequel la langue principale
d'enseignement est celle des langues officielles du Canada
qui est la langue première de l'employé, à la condition que
(A) aucun établissement scolaire convenant à l'enfant et
utilisant principalement cette langue dans l'enseigne-
ment ne soit accessible au lieu où l'employé est tenu de
demeurer, et
(B) que l'établissement scolaire que l'enfant fréquente
soit celui des établissements où cette langue est la
principale langue de l'enseignement qui est le plus
proche de ce lieu;
D'autre part, l'avocat du demandeur a prétendu
que le paiement en cause ne constituait pas un
revenu tiré d'une charge ou d'un emploi. Ce revenu
n'avait pas pour origine des services rendus par le
demandeur à son employeur mais plutôt un contrat
distinct conclu entre les parties. Selon l'avocat, le
versement de cette somme visait à inciter les
employés à quitter le Québec sans soulever de
controverse.
Il a également allégué que l'indemnisation
versée aux contrôleurs aériens à l'égard de leur
déménagement ne leur donnait pas un avantage
puisqu'elle n'améliorait pas leur situation par rap
port aux employés restés au Québec. L'avocat
estime que l'«indemnité» était une somme globale
devant indemniser le contrôleur pour la perte en
capital causée par l'augmentation du coût du loge-
ment lors de sa mutation à un autre lieu de travail.
L'avocat du demandeur a contesté l'allégation
selon laquelle la somme versée au demandeur était
une «allocation» au sens de la Loi. Il a reconnu que
les bénéficiaires de la soi-disant «allocation»
n'étaient aucunement obligés d'acheter une autre
maison pour recevoir cette somme, mais il a ajouté
que dans les faits, le demandeur avait bel et bien
acheté une résidence, et la somme en question ne
pouvait être considérée comme une allocation puis-
que le contribuable devait assumer une hypothèque
plus importante, comme il l'avait prévu.
L'avocat a également attiré mon attention sur le
fait que la mutation de son client a finalement pris
la forme d'une rétrogradation.
Quant à l'indemnité de changement de milieu,
l'avocat n'a pas insisté sur cet argument, souli-
gnant seulement que la somme ne suffisait pas à
indemniser le demandeur de façon satisfaisante
pour le changement de milieu et les inconvénients
que sa famille et lui ont subis. Il a indiqué notam-
ment qu'à cause de la mutation du demandeur,
l'épouse de ce dernier, qui avait onze ans d'expé-
rience comme infirmière, a dû abandonner son
emploi et renoncer à ses chances d'avancement au
sein du ministère des Anciens combattants. Elle
n'a pu être mutée dans un hôpital semblable en
Ontario et elle est restée sans emploi pendant deux
mois. Francophone unilingue, elle a dû abandonner
son poste administratif et reprendre le travail sur
les étages; elle a subi une grave blessure en soule-
vant des patients à l'hôpital, ce qui l'a laissée
semi -invalide.
Compte tenu de ces faits, je répète le point en
litige: est-ce que la somme versée au contribuable
au cours de l'année d'imposition 1976 doit être
considérée comme une autre rémunération ou
comme un avantage tiré d'une charge ou d'un
emploi, ou encore comme une allocation pour frais
personnels ou de subsistance ou pour toute autre
fin, et par conséquent, incluse dans son revenu de
cette année?
L'avocat du demandeur a cité une abondante
jurisprudence pertinente, portant sur le paragra-
phe 5(1) et les alinéas 6(1)a) et b) de la Loi. J'ai
trouvé moi-même quelques décisions utiles à cet
égard.
Le demandeur a cité les affaires suivantes:
Scanlan v. M.N.R. (1951), 51 DTC 84 (C.A.I.);
Laidler v. Perry (Inspector of Taxes), [1965] 2 All
E.R. 121 (H.L.); Buchanan, George Smith v.
Minister of National Revenue, [1967] 1 R.C.E.
11; (1966), 66 DTC 5257; Le Ministre du Revenu
national v. Bhérer, Wilbrod, [1968] 1 R.C.E. 146;
(1967), 67 DTC 5186; Ransom, Cyril John v.
Minister of National Revenue, [1968] 1 R.C.E.
293; (1967),, 67 DTC 5235; Martel v. M.N.R.,
[1970] R.C.E. 68; 70 DTC 6204; R. c. Pascoe,
[1976] 1 C.F. 372; (1975), 75 DTC 5427 (C.A.);
Lepine, G. v. M.N.R. (1977), 78 DTC 1637
(C.R.I.); Dauphinee, T. c. La Reine (1980), 80
DTC 6267 (C.F. 1 re inst.); R. c. Demers, [1981] 2
C.F. 121; (1980), 81 DTC 5256 (1re inst.); R. c.
Savage, [1983] 2 R.C.S. 428; 83 DTC 5409; Cut -
more, R. H. et al. v. M.N.R. (1986), 86 DTC 1146
(C.C.I.); et Gagnon c. La Reine, [1986] 1 R.C.S.
264; 86 DTC 6179.
L'avocat de la Couronne ne s'est fondé que sur
l'arrêt Ransom, précité.
À mon avis, de toute la jurisprudence susmen-
tionnée, l'affaire la plus pertinente à l'égard des
deux questions en litige est l'arrêt Ransom portant
sur le remboursement à un employé de la perte
subie au moment de la vente de sa maison, lors de
sa mutation dans une autre ville. D'autres déci-
sions méritent d'être étudiées avec soin, savoir les
arrêts Pascoe et Gagnon, précités, où il est ques
tion de la définition de l'«allocation» aux fins de
l'alinéa 6(1)b) de la Loi.
Les autres décisions citées ne semblent applica-
bles qu'aux faits pertinents de chaque espèce.
«Autre rémunération»: Paragraphe 5(1)
L'expression «autre rémunération» n'est pas
définie dans la Loi; elle est prévue à l'article 5
dans la phrase «traitement, salaire et autre rému-
nération, y compris les gratifications». Compte
tenu de la place qu'elle occupe dans cette disposi
tion de la Loi, je suis tenté d'appliquer la règle
ejusdem generis et d'interpréter «autre rémunéra-
tion» comme une somme de la même nature que
les mots qui les précèdent dans la phrase, c'est-à-
dire «traitement» et «salaire». Ces derniers sont
définis au paragraphe 248(1) de la Loi, mais selon
les termes exprès de ce paragraphe, ils ne s'appli-
quent pas à l'article 5. Il est donc nécessaire de
chercher ailleurs une interprétation de «rémunéra-
tion>, aux fins de l'article 5. À cet égard, je cite le
Shorter Oxford English Dictionary, (3e éd.), Cla-
rendon Press, Oxford, 1973:
[TRADUCTION] Rémunérer ... 1. trans. Payer, rembourser
ou défrayer de quelque façon (le prix des services, etc.). 2.
Récompenser (une personne), payer (quelqu'un) pour les servi
ces rendus ou le travail effectué ... Donc Rémunération,
récompense, remboursement: paiement, paie.
Traitement ... 1. Paiement fixe fait périodiquement à une
personne à titre d'indemnisation d'un travail régulier; de nos
jours, utilisé habituellement pour les travaux non manuels ou
non mécaniques (par opposition au salaire). 2. [anc.] Rémuné-
ration pour services rendus; honoraires, émoluments ...
Salaire ... [1. anc.] 2. Paiement à une personne pour services
rendus; de nos jours, utilisé surtout pour la somme versée
périodiquement à un travailleur ou à un subalterne pour son
travail ou ses services. [Les crochets ne figurent pas dans le
texte original.]
Ces définitions laissent présumer qu'il s'agit de
l'indemnisation de services rendus.
Dans l'affaire Ransom, précitée, le juge souligne
également le lien semblable qui doit exister entre
la prestation de services et le paiement de la
somme avant que l'indemnisation puisse être consi-
dérée comme un revenu tiré d'une charge ou d'un
emploi. À l'époque de l'arrêt Ransom, le paragra-
phe 5(1) était combiné aux alinéas 6(1)a) et b).
Au sujet de l'ancien article 5 en entier, voici ce
qu'a écrit le juge Noël aux pages 307 R.C.É.; 5242
DTC:
[TRADUCTION] Cependant, afin d'évaluer adéquatement l'es-
prit de l'article 5, j'estime qu'il est nécessaire de se rappeler
tout d'abord qu'il porte uniquement sur l'imposition du revenu
qui n'existe qu'à cause d'un lien avec une certaine entité, savoir
une charge ou un emploi, et que pour être imposables à titre de
revenu tiré d'une charge ou d'un emploi, les sommes reçues par
un employé ne doivent pas constituer uniquement un revenu,
distinct du capital, mais elles doivent également provenir de sa
charge ou de son emploi ... Deuxièmement, la question de
savoir si un paiement est tiré d'une charge ou d'un emploi
dépend du lien de causalité qui existe entre cette somme et la
charge ou l'emploi; en d'autres termes, il faut déterminer si les
services rendus dans le cadre de l'emploi sont réellement la
cause du paiement.
Le paiement en cause ne faisait pas partie du
traitement habituel du demandeur, ni n'en consti-
tuait un rajustement. Il a reçu tout son salaire
annuel; la somme en cause a été ajoutée au revenu
habituel et n'est aucunement liée aux services
rendus par le contribuable. La somme versée au
demandeur visait à défrayer les coûts additionnels
d'une hypothèque plus élevée qu'il a dû assumer
lors de sa réinstallation.
Ce paiement, offert aux employés mutés, ne
découle pas du contrat d'emploi. Il faisait suite à
une entente accessoire et spéciale, entre l'em-
ployeur et l'employé, conclue juste avant la muta
tion. Cette entente ne faisait pas partie des condi
tions d'emploi, ni avant ni après la mutation; elle
devait servir à compenser la perte en capital subie
par les employés mutés et à éviter une éventuelle
catastrophe en matière de relations du travail. Le
paiement n'a jamais découlé du contrat d'emploi et
n'est aucunement lié aux services rendus à l'em-
ployeur par l'employé. Je ne vois pas comment
cette indemnité pourrait, à première vue, consti-
tuer une «autre rémunération» au sens du paragra-
phe 5(1) de la Loi.
Rémunération réputée: Paragraphe 6(3)
Le paragraphe 6(3) de la Loi créé une présomp-
tion selon laquelle une somme versée par un
employeur à un employé:
6(3)a) pendant la période d'emploi; ou
6(3)b) en vertu d'une obligation découlant
d'une entente intervenue entre l'em-
ployeur et l'employé immédiatement
avant, pendant ou après une telle
période,
constitue une rémunération aux fins de l'article 5
de la Loi. À première vue, en l'absence de toute
preuve contraire, il faudrait conclure que la somme
en cause correspond au paragraphe 6(3) et consti-
tue donc une «rémunération», au sens de l'article 5.
Pour réfuter cette présomption, à savoir que le
paiement doit être traité comme une rémunération,
le contribuable doit démontrer que cette somme ne
peut pas raisonnablement être considérée comme
l'une de trois choses:
6(3)c) contrepartie totale ou partielle de l'ac-
ceptation de la charge ou de la conclu
sion du contrat d'emploi;
6(3)d) rémunération totale ou partielle des
services rendus comme cadre ou con-
formément au contrat d'emploi;
6(3)e) à titre de contrepartie totale ou par-
tielle d'un engagement prévoyant ce
que le cadre ou l'employé doit faire, ou
ne doit pas faire, avant ou après la
cessation de l'emploi.
Même si les avocats n'ont pas traité de cette
question dans leurs plaidoiries, je suis convaincu
que le contribuable s'est déchargé du fardeau de la
preuve et a renversé la présomption selon laquelle
la somme reçue constituait une rémunération en
vertu du paragraphe 6(3). Selon les faits de l'es-
pèce, il est impossible de conclure ce qui suit:
—le paiement visait à inciter le demandeur «à
accepter la charge ou à conclure le contrat
d'emploi»;
—il s'agissait d'une rémunération totale ou par-
tielle des services rendus;
—le paiement était lié à une contrepartie d'un
engagement prévoyant ce que l'employé doit
faire, ou ne doit pas faire, avant ou après la
cessation de l'emploi.
La somme versée pour compenser une perte en
capital subie lors d'une mutation involontaire, à
l'emploi du même employeur, n'accordant aucun
avantage économique à l'une ou l'autre des parties,
n'est pas visée par le paragraphe 6(3).
Avantages reçus au titre, dans l'occupation ou en
vertu de la charge ou de l'emploi: alinéa 6(1)a)
L'alinéa 6(1)a) prévoit que les autres avantages
de quelque nature que ce soit que l'employé a
reçus ou dont il a joui dans l'année, .au titre de
l'occupation ou en vertu de la charge ou de l'em-
ploi doivent être inclus dans le revenu de l'em-
ployé. Les avantages résultant des contributions de
son employeur à une caisse ou régime enregistré de
pension, à un régime d'assurance collective contre
la maladie ou les accidents, à un régime de service
de santé privé, à un régime de prestations supplé-
mentaires de chômage, à un régime de participa
tion différée aux bénéfices ou à une police collec
tive d'assurance temporaire sur la vie, en vertu
d'un régime de prestations aux employés ou d'une
fiducie d'employés, ou des avantages relatifs à
l'usage d'une automobile sauf dans la mesure où ils
étaient liés au fonctionnement de celle-ci, ne sont
pas imposables.
Selon mon interprétation de l'alinéa 6(1)a), je
conclus que je dois déterminer si le paiement reçu
par le contribuable constituait véritablement un
avantage et s'il a été reçu «au titre, dans l'occupa-
tion ou en vertu de la charge ou de l'emploi».
Comme je l'ai déjà affirmé, je suis convaincu
que le paiement versé au contribuable ne découlait
pas de sa charge ou de son emploi; il avait essen-
tiellement pour but d'éviter un conflit de travail et
était destiné au demandeur en tant que simple
particulier plutôt qu'employé.
La Division de première instance de la Cour
fédérale a énoncé des critères pour déterminer si
un paiement constitue un avantage tiré d'un
emploi, dans l'arrêt La succession Phaneuf c. R.,
[1978] 2 C.F. 564; 78 DTC 6001. Voici ce que le
juge Thurlow, alors juge en chef adjoint, a affirmé
aux pages 572 C.F.; 6005 DTC:
Malgré la différence de libellé des lois, le critère formulé par
le vicomte Cave, lord Chancelier (supra) exprime, de la meil-
leure façon possible, l'essentiel des dispositions fiscales de la
Loi de l'impôt sur le revenu. Le paiement a-t-il été fait «à titre
de rémunération pour ses services» ou «sur une base personnelle
et non comme rétribution de ses services»? On peut faire un
versement à un employé, mais celui-ci le reçoit-il à titre d'em-
ployé ou comme simple particulier? On peut aussi se demander
s'il l'a reçu en sa qualité d'employé, mais le critère est le même.
Il ne le reçoit en sa qualité d'employé que lorsqu'il s'agit de
rémunération pour des services rendus. Tel est bien, à mon avis,
le sens des expressions «au titre, dans l'occupation ou en vertu
de la charge ou de l'emploi» utilisées dans l'alinéa 6(1)a).
Dans l'arrêt Savage, précité, la Cour suprême
du Canada a accepté ce critère, mais non sans
réserve. Elle a rejeté l'affirmation selon laquelle,
pour qu'une personne reçoive un paiement à titre
d'employé, le paiement doit être considéré comme
une rémunération versée pour services rendus; elle
a cité le passage suivant de R. v. Poynton, [ 1972] 3
O.R. 727; 72 DTC 6329 (C.A.) qui semble faire
autorité pour ce qui est du sens de l'expression
[TRADUCTION] «conférant un avantage économi-
que». Voici ce qu'a affirmé le juge d'appel Evans,
au nom de la Cour, aux pages 6335 et 6336 DTC;
738 O.R.:
[TRADUCTION] À mon avis, il n'y a pas de différence entre
l'argent et l'équivalent en argent, lors du calcul du revenu. Ce
sont tous deux des avantages au sens des art. 3 et 5 [maintenant
6] de la Loi, c'est-à-dire des avantages que l'intimé a reçus ou
dont il a joui au titre, dans l'occupation ou en vertu de sa
charge ou de son emploi. Je ne crois pas que ces dispositions
soient restreintes aux avantages liés à la charge ou à l'emploi,
en ce sens qu'ils représentent une forme de rémunération pour
services rendus. S'il s'agit d'une acquisition matérielle qui
confère un avantage économique au contribuable et ne consti-
tue pas une exception, comme un prêt ou un cadeau, elle est
alors visée par la définition générale de l'art. 3 [la définition de
«revenu»]. [Non souligné dans le texte original auquel j'ai
ajouté des crochets.]
Dans l'affaire Savage, précitée, la Cour a distin-
gué l'espèce de l'arrêt Phaneuf, précité, et affirmé
ce qui suit aux pages 441 et 442 R.C.S.; 5414
DTC:
Il est difficile de conclure que les paiements effectués par
Excelsior à M"'» Savage ne se rapportaient pas ou n'étaient pas
liés à son emploi. Comme l'a dit le juge Grant, les employés
suivaient les cours pour améliorer leurs connaissances et leur
rendement et pour avoir plus de chances d'avancement.
Comme le fait valoir le substitut du procureur général, la
somme de 300 $ que Mn' Savage a reçue de son employeur
constitue un avantage qu'elle a reçu ou dont elle a joui au titre,
dans l'occupation ou en vertu de son emploi au sens de l'al.
6(1)a) de la Loi de l'impôt sur le revenu; ce montant lui a été
versé par son employeur, conformément à une politique de la
compagnie, après qu'elle eut terminé avec succès des cours
[TRADUCTION] «conçus pour donner une vue d'ensemble de
l'assurance-vie moderne et du fonctionnement d'une compagnie
d'assurance-vie» et [TRADUCTION] «pour encourager les mem-
bres du personnel à se perfectionner»; l'intérêt de l'employeur
[TRADUCTION] «était que les cours en feraient une employée
plus précieuse»; M'"` Savage a suivi ces cours pour [TRADUC-
TION] «améliorer ses connaissances et son rendement et pour
avoir plus de chances d'avancement». La présente espèce est
différente de la décision Phaneuf en ce sens qu'il n'est pas
question ici d'un cadeau, d'un don personnel ou de considéra-
tions qui n'ont rien à voir avec l'emploi de M'"» Savage.
Selon moi, M'' Savage a reçu les paiements au titre de son
emploi. Cela, en soi, en fait un revenu au sens de l'art. 3 de la
Loi.
Il me semble clair que d'après les faits perti-
nents dans Savage, il n'y avait aucun élément de
cadeau, de don personnel ou de considérations non
liés à l'emploi de la contribuable. La Cour était
convaincue que la somme de 300 $ remise à l'em-
ployée qui a réussi aux cours recommandés par la
société «conformément à une politique de la com-
pagnie ... conçus pour donner une vue d'ensemble
de l'assurance-vie moderne ... pour encourager les
membres du personnel à se perfectionner ... en
[faire] une employée plus précieuse ... [avec un
meilleur] rendement et pour avoir plus de chances
d'avancement». Cela signifie clairement que,
même s'il est inévitable que l'emploi et le paiement
soient liés, pour être exempte d'impôt, l'indemnité
doit viser un but tout à fait étranger à l'emploi et
ne doit pas constituer un avantage, ni pour l'em-
ployeur ni pour l'employé, en ce qui a trait à
l'emploi. En l'espèce, la somme a été versée au
contribuable à titre de simple particulier. L'em-
ployé n'a pas eu le choix et a dû accepter la
mutation. Celle-ci était motivée par des raisons
politiques et faisait suite à un conflit de travail. La
mutation à Ottawa était involontaire et n'a sûre-
ment pas amélioré la sécurité aérienne à l'aéroport
international d'Ottawa. Le paiement de cette
somme n'est pas lié à une politique de la société et
ne vise pas à offrir de meilleurès connaissances en
matière de contrôle de la circulation aérienne ou
du fonctionnement de la société, à favoriser le
perfectionnement de l'employé, à faire du contri-
buable un meilleur employé ou à favoriser son
avancement.
Dans l'affaire Roy, J.L. v. M.N.R. (1979),' 80
DTC 1005 (C.R.I.), l'employeur avait créé un
«programme de surplus» en vertu duquel il payait
une somme considérable au contribuable, pendant
un certain nombre d'années suivant son licencie-
ment obligatoire. Les paiements étaient calculés en
fonction des états de service, de l'échelle de salaire,
de l'âge, du nombre d'années qui restaient avant la
retraite, de l'assurance, etc. Voici ce qu'a affirmé
la Commission de révision de l'impôt, à la page
1007:
La formule relative au fonds destiné à l'excédent de main-
d'oeuvre a été soigneusement élaborée par la compagnie dont le
motif était d'empêcher un employé congédié de la poursuivre ou
de faire des menaces dans ce sens. Les paiements faits à
l'appelant en vertu de ce fonds n'étaient pas des avantages tirés
de son contrat d'emploi, mais plutôt la conséquence d'une
entente intervenue après la fin du contrat d'emploi.
De même, en l'espèce, les sommes versées aux
contrôleurs aériens mutés ne découlaient pas du
contrat d'emploi mais plutôt d'une entente dis-
tincte, conclue avant la date d'entrée en vigueur
des mutations, par opposition à la période suivant
la fin de l'emploi dans l'affaire Roy, précitée. Mais
ce qui est encore plus important, c'est que le
paiement de l'indemnité en cause était principale-
ment motivé par des questions tout à fait étrangè-
res à l'emploi, c'est-à-dire des questions de rela
tions publiques et de relations du travail.
D'ailleurs, on en trouve la preuve dans le fait que
les employés mutés devaient éviter tout contact
avec les médias et ne pas résider au Québec pen-
dant cinq ans, à défaut de quoi ils devaient rem-
bourser la somme versée.
Pour les raisons susmentionnées, j'estime que la
Couronne n'a pas démontré que le paiement reçu
par le contribuable en l'espèce a été versé «au titre,
dans l'occupation ou en vertu de la charge ou de
l'emploi», comme le prévoit l'alinéa 6(1)a) de la
Loi.
Par suite de cette conclusion, il n'est peut-être
pas nécessaire que je détermine si le paiement en
question constitue un avantage. Néanmoins, il me
semble opportun d'examiner de plus près le sens de
l'expression «avantages de quelque nature que ce
soit», au sens de l'alinéa 6(1)a) de la Loi.
Je pense qu'il est clair que l'alinéa 6(1)a) visait
à inclure dans le revenu imposable d'un contribua-
ble les avantages économiques tirés de son emploi
qui augmentent la valeur du traitement du contri-
buable. Je suis convaincu que si quelqu'un a tiré
profit des circonstances de l'espèce, ce n'était cer-
tainement pas le contribuable. Je ne peux compa-
rer cette indemnité à la valeur de la pension et du
logement mentionnée à l'alinéa 6(1)a).
J'estime que l'alinéa 6(1)a) vise à fournir une
façon d'imposer tous les contribuables qui reçoi-
vent des avantages accessoires en plus de leur
traitement. Les employeurs peuvent offrir toute
une variété d'avantages, qu'il s'agisse de presta-
tions de retraite et de décès, de généreux comptes
de frais ou autres avantages, comme l'utilisation
des installations d'un club, d'une automobile, d'un
bateau ou d'autres biens de la société. Il est tout à
fait normal que ces éléments soient inclus dans le
revenu et imposés. Ceux qui reçoivent de plus
grands avantages économiques devraient payer de
l'impôt en conséquence. Il est impensable que
l'employé qui reçoit toute sa rémunération sous
forme de traitement et de salaire et celui qui reçoit
la même somme, mais en partie sous forme d'avan-
tages et d'indemnités, ne soient pas traités de la
même façon aux fins de l'impôt.
J'estime que cette interprétation de l'alinéa
6(1)a) est correcte, compte tenu des décisions
récentes de la Cour suprême du Canada, dans les
affaires Stubart [Stubart Investments Ltd. c. La
Reine, [1984] 1 R.C.S. 536], précitée, etc., et de
l'arrêt Lor-Wes Contracting Ltd. c. La Reine,
[1986] 1 C.F. 346; [1985] 2 CTC 79 (C.A.) où le
juge MacGuigan a affirmé ce qui suit aux pages
352 C.F.; 83 CTC:
Le seul principe d'interprétation reconnu aujourd'hui consiste à
examiner les termes dans leur contexte global en vue de décou-
vrir l'objet et l'esprit des dispositions fiscales.
Par conséquent, l'alinéa 6(1)a) ne vise pas à
rendre le revenu d'un employé imposable à l'égard
d'une somme reçue à titre de remboursement lors-
que celle-ci ne correspond à aucune des exceptions
de l'alinéa 6(1)b). Même si la Couronne s'est
fondée en grande partie sur la décision rendue
dans l'affaire Ransom, précitée, pour prétendre
que si l'emploi a donné lieu à un paiement, celui-ci
constitue nécessairement un revenu à moins qu'il
ne s'agisse d'une exception, l'avocat a omis de
souligner la véritable interprétation qu'a faite le
juge Noël à l'égard des paiements effectués dans
ces circonstances, aux pages 310 et 311 R.C.É.;
5244 DTC:
[TRADUCTION] Une allocation n'est pas du tout la même
chose qu'un remboursement. Comme je l'ai déjà dit, il s'agit
d'un montant arbitraire habituellement versé au lieu d'un
remboursement. Il est versé à l'employé qui n'est pas tenu d'en
rendre compte. C'est pourquoi il est possible de s'en servir pour
augmenter la rémunération de façon détournée et j'imagine que
c'est la raison pour laquelle les «allocations» sont imposables
comme si elles constituaient une rémunération.
Il est clair que le remboursement à un employé, par un
employeur, des dépenses ou pertes imputables à son emploi (qui
n'a rien mis dans ses poches mais n'a fait que sauver ses poches,
selon lord MacNaughton dans Tenant v. Smith ([1982] A.C.
150) n'est pas une rémunération en tant que telle ni un
avantage «de quelque nature que ce soit»; il n'est donc pas visé
par les premiers mots de l'article 5(1), ni par l'alinéa a). Il est
également évident qu'il ne s'agit pas d'une allocation au sens de
l'alinéa b) pour des raisons déjà données.
L'avocat de la Couronne a ajouté que le contri-
buable n'était pas tenu de rendre compte du paie-
ment reçu et qu'il n'était pas obligé d'acheter une
maison dans la région d'Ottawa. C'est ce qui
semble avoir convaincu la Cour canadienne de
l'impôt qui a ainsi conclu [à la page 1195 DTC]:
[TRADUCTION] Il avait le choix d'acquérir une maison et il a
touché l'argent sans même avoir à prouver une perte. La
formule avait été établie, et c'est elle qui a été appliquée. Si
l'appelant avait jugé bon de louer un appartement ou de vivre
chez des amis ou des parents, il aurait quand même reçu le
même montant.
À mon avis, ce raisonnement n'est pas pertinent.
Tout d'abord, la décision de la Cour canadienne de
l'impôt n'est pas fondée sur les faits, à savoir que
le contribuable a bel et bien acheté une maison.
Ensuite, le contribuable était forcé d'accepter la
mutation afin de conserver son emploi. Dans ces
circonstances, je pense qu'il avait non seulement le
choix mais bien le droit d'acheter une maison dans
la région d'Ottawa et d'essayer de refaire sa vie
comme à Montréal. D'après la preuve soumise à
l'audience, il est clair que le demandeur «n'a rien
mis dans ses poches mais n'a fait que sauver ses
poches».
Rappelons que l'indemnité de déménagement
des contrôleurs aériens pour raisons linguistiques
était versée en deux volets. Tout au long de mes
motifs, je n'ai traité que de l'indemnité de loge-
ment qui, en vertu de ce qui précède, ne doit pas
être incluse dans le calcul du revenu imposable du
demandeur, que ce soit à titre d'«autre rémunéra-
tion», de «rémunération réputée», d'«autre avantage
de quelque nature que ce soit» ou d'«allocation
pour toute autre fin», selon les textes respectifs des
paragraphes 5(1) et 6(3) et des alinéas 6(1)a) et
b) de la Loi. Quant au second volet de l'indemnité,
c'est-à-dire l'indemnité de changement de milieu,
puisque le demandeur n'a soumis aucune preuve
portant qu'il avait véritablement subi des pertes
imputables à sa réinstallation, égales à la somme
touchée de 2 155,41 $, je dois conclure qu'il a reçu
un avantage, au sens de l'alinéa 6(1)a) de la Loi.
Cette somme ne constitue pas une rémunération en
vertu du paragraphe 5(1), une rémunération répu-
tée aux fins du paragraphe 6(3) ou une allocation
prévue à l'alinéa 6(1)b), pour les mêmes raisons
que dans le cas de l'indemnité de logement.
J'accueille donc le présent appel et déclare que
l'indemnité de logement, de 15 571 $, versée au
demandeur par Sa Majesté la Reine du chef du
Canada n'est pas imposable; cependant, l'indem-
nité de changement de milieu, de 2 155,41 $, doit
être incluse dans le calcul du revenu du contribua-
ble pour l'année 1976. Les dépens sont adjugés au
demandeur.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.