A-228-85
Nargisbanu Mohammad Ali Mohamed (appe-
lante)
c.
Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (intimé)
RÉPERTORIÉ: MOHAMED c. CANADA (MINISTRE DE L'EMPLOI
ET DE L'IMMIGRATION)
Cour d'appel, juge en chef Thurlow, juge Huges-
sen et juge suppléant McQuaid—Toronto, 6 mai;
Ottawa, 21 mai 1986.
Immigration — Appel d'une décision de la Commission
d'appel de l'immigration qui a rejeté un appel formé à l'encon-
tre d'un refus d'autoriser une demande parrainée de droit
d'établissement — L'agent des visas a conclu que la mère de
l'appelante était inadmissible aux termes de l'art. 19(1)a)(ii)
en se fondant sur l'opinion d'un «médecin» — Une preuve
médicale a été présentée devant la Commission pour démon-
trer que la mère de l'appelante ne souffrait plus du problème
qui avait entraîné son inadmissibilité — La Commission a
rejeté l'appel pour le motif que l'accueillir ne permettrait pas
de «réunir la famille. et ce, même si d'autres facteurs
appuyaient l'octroi du redressement pour des considérations de
compassion — Appel accueilli — La Commission était fondée
à rejeter la preuve médicale relative à la condition actuelle de
la mère de l'appelante — L'appel est interjeté de la décision de
l'agent des visas, non de l'opinion des médecins — Dans la
mesure où l'opinion des médecins était raisonnable au moment
où elle a été formulée et où l'agent des visas y a fait appel, le
refus d'autoriser la demande était bien fondé — Les considé-
rations relatives au fait de «réunir la famille. ne sont pas
pertinentes à une décision rendue en vertu de l'art. 79(2)b) sur
l'octroi d'une mesure spéciale — Loi sur l'immigration de
1976, S.C. 1976-77, chap. 52, art. 2, 19(1)a)(ii),b),d),e),f),g),
59(1), 60(5), 65, 79(2) — Loi sur la Commission d'appel de
l'immigration, S.R.C. 1970, chap. I-3, art. 17.
Appel est interjeté d'une décision de la Commission d'appel
de l'immigration rejetant un appel formé à l'encontre d'un refus
d'autoriser une demande parrainée de droit d'établissement.
L'on a décidé, en s'appuyant sur l'opinion d'un «médecin», que
la mère de l'appelante était inadmissible pour des raisons
médicales conformément au sous-alinéa 19(1)a)(ii). Lors de
l'instruction de l'appel devant la Commission, l'appelante a
présenté des éléments de preuve de médecins qui n'étaient pas
des «médecins» au sens de la Loi, éléments de preuve qui
tendaient à démontrer que, au moment de cette instruction, la
mère de l'appelante ne souffrait plus du problème qui avait
entraîné son inadmissibilité.
Arrêt: l'appel devrait être accueilli.
Le juge Hugessen (avec l'appui du juge suppléant McQuaid):
La Commission a eu raison de rejeter la nouvelle préuve
médicale. L'appel avait été interjeté devant la Commission en
vertu du paragraphe 79(2) de la Loi. Bien que le refus soit
fondé sur l'opinion des médecins, l'appel vise non pas cette
opinion mais le refus lui-même. L'opinion des médecins n'est
toutefois pas entièrement à l'abri de toute contestation puisque
le pouvoir de ces derniers «doit être exercé de façon raisonna-
ble». Des éléments de preuve établissant simplement que la
personne visée ne souffre plus du problème médical sur lequel
reposait l'opinion des médecins sont insuffisants. Dans la
mesure où la personne visée souffrait du problème médical en
question et où leur opinion quant à ses conséquences était
raisonnable au moment où elle a été formulée et où l'agent des
visas y a fait appel pour justifier sa décision, le refus par ce
dernier d'autoriser la demande parrainée était bien fondé.
Comme l'appelante a invoqué tant l'alinéa a) que l'alinéa b)
du paragraphe 79(2), il était du devoir de la Commission
d'examiner si des considérations humanitaires ou de compas
sion ne justifiaient pas l'octroi d'un redressement. Même si un
certain nombre d'autres facteurs militaient en faveur du redres-
sement, la Commission a rejeté l'appel après avoir déclaré que
«Accueillir l'appel ne permettrait pas de réunir la famille». Une
telle considération n'est pas pertinente. Bien que la Loi vise à
faciliter la réunion au Canada de citoyens canadiens avec leurs
proches parents de l'étranger, le fait que quelque octroi particu-
lier d'un droit d'entrée ne permettra pas de «réunir la famille»
n'est pas une condition préalable pour conclure que des considé-
rations humanitaires ou de compassion justifient l'octroi d'un
redressement.
En vertu de l'alinéa 52c) de la Loi sur la Cour fédérale,
lorsqu'un appel est accueilli, la Cour doit, en règle générale,
rendre la décision qui aurait due être rendue. La Commission,
si elle n'avait pas tenu compte d'une considération non perti-
nente, soit «réunir la famille», aurait accordé le redressement
demandé. En conséquence, il est ordonné que la demande
parrainée ne soit pas rejetée.
Le juge en chef Thurlow (motifs concordants quant au
résultat): Lorsqu'elle a rejeté l'appel, la Commission s'est pen-
chée et a statué sur la mauvaise question. La question devant
être tranchée consistait à savoir si, au moment de l'instruction
de l'appel, la personne en cause faisait effectivement partie de
la catégorie interdite. L'examen des articles 59, 65 et 79 ainsi
que du paragraphe 60(5) de la Loi révèle que l'intention du
Parlement était d'instituer et de maintenir à titre de cour
d'archives une commission ayant les pouvoirs de statuer judi-
ciairement sur les faits dont dépend l'admissibilité d'une per-
sonne et non simplement de s'attacher au bien-fondé quant à la
procédure ou au fond de la décision administrative prise par un
agent des visas relativement à ces exigences imposées par la loi.
Quoi qu'il en soit, ainsi que l'a indiqué le juge Hugessen, la
Commission a commis une erreur lorsqu'elle a formulé sa
conclusion sur la question découlant de l'alinéa 79(2)b) de la
Loi en tenant compte d'une considération non pertinente.
JURISPRUDENCE
DÉCISION EXAMINÉE:
Ahir c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration, [1984]
1 C.F. 1098; (1983), 49 N.R. 185 (C.A.).
DÉCISIONS CITÉES:
Gana c. Ministre de la Main-d'oeuvre et de l'Immigra-
tion, [1970] R.C.S. 699; Srivastava c. Ministre de la
Main-d'oeuvre et de l'Immigration, [1973] C.F. 138
(C.A.).
AVOCATS:
Brent S. Knazan pour l'appelante.
Marilyn Doering-Steffen pour l'intimé.
PROCUREURS:
Knazan, Goodman, Toronto, pour l'appelante.
Le sous-procureur général du Canada pour
l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE EN CHEF THURLOW (souscrivant au
dispositif): Appel est interjeté en l'espèce d'une
décision de la Commission d'appel de l'immigra-
tion qui a rejeté l'appel formé par l'appelante
contre le rejet par un agent des visas de la
demande parrainée de résidence permanente pré-
sentée par son père pour lui-même, son épouse,
Ayesha Asmal, et ses deux enfants. L'agent des
visas a rejeté la demande au motif que Ayesha
Asmal était inadmissible aux termes du sous-ali-
néa 19(1)a)(ii) de la Loi sur l'immigration de
1976 [S.C. 1976-77, chap. 52] parce qu'elle souf-
frait d'hypertension non contrôlée accompagnée de
tachycardie, condition qui, de l'avis du médecin,
confirmé par au moins un autre médecin, entraîne-
rait ou pourrait vraisemblablement entraîner un
fardeau excessif pour les services sociaux ou de
santé.
Le sous-alinéa 19(1)a)(ii) prévoit que:
19. (1) Ne sont pas admissibles
a) les personnes souffrant d'une maladie, d'un trouble, d'une
invalidité ou autre incapacité pour raison de santé, dont la
nature, la gravité ou la durée probable sont telles qu'un
médecin, dont l'avis est confirmé par au moins un autre
médecin, conclut,
(i) qu'elles constituent ou pourraient constituer un danger
pour la santé ou la sécurité publiques, ou
(ii) que leur admission entraînerait ou pourrait vraisembla-
blement entraîner un fardeau excessif pour les services
sociaux ou de santé;
L'expression «médecin» utilisée à ce paragraphe
ne vise pas tous les médecins agréés. Suivant la
définition qui en est donnée à l'article 2, cette
expression désigne:
2....
... un médecin agréé ou reconnu par ordre du ministre de la
Santé nationale et du Bien-être social, pour exercer les
pouvoirs que la présente loi confère aux médecins;
Dans l'arrêt Ahir c. Ministre de l'Emploi et de
l'Immigration', cette Cour a conclu que la Com
mission d'appel de l'immigration, de même que
cette Cour, en appel, avaient compétence pour
examiner le caractère raisonnable, dans les cir-
constances de ce cas particulier, de l'opinion expri-
mée par le médecin aux fins du sous-alinéa
19(1)a)(ii) et, dans un cas approprié, de l'infirmer
ou de ne pas en tenir compte.
La première question soulevée par le présent
appel porte sur la compétence de la Commission
dans une situation où l'opinion du médecin prévue
à ce sous-alinéa, opinion dont l'exactitude à l'épo-
que où elle a été donnée n'est pas en litige, a été
exprimée à la suite d'un examen effectué peu
avant que l'agent des visas ne rejette la demande,
mais où la Commission disposait également d'au-
tres preuves médicales à partir desquelles . il lui
était permis de conclure qu'au moment de l'ins-
truction de l'appel, c'est-à-dire quelque dix-huit
mois après que le médecin eut rendu son opinion,
la condition de la personne concernée s'était suffi-
samment améliorée pour remettre en question la
validité de l'opinion du médecin selon qui elle
imposerait vraisemblablement un fardeau sur les
services sociaux et de santé. Il convient de signaler
que l'opinion exprimée par le médecin n'écartait
pas la possibilité d'une amélioration de la condi
tion de la personne concernée et qu'elle n'a été
formulée qu'en regard de la condition de cette
personne à ce moment particulier.
Dans les motifs qu'elle a donnés pour rejeter
l'appel, la Commission semble avoir limité son
examen à la question de la validité de l'opinion du
médecin au moment où il l'a formulée. La Com
mission, après avoir résumé la preuve médicale
produite par l'appelante, a déclaré:
D'après un médecin, dont l'avis est confirmé par un autre
médecin, l'admission d'Ayesha Asmal «entraînerait ou pourrait
vraisemblablement entraîner un fardeau excessif pour les servi
ces sociaux ou de santé». Même si l'appelante a produit des
preuves d'ordre médical, celles-ci ne sont pas suffisantes pour
conclure «que les opinions des médecins n'étaient pas, dans le
cas présent, fondées sur les critères appropriés», c'est-à-dire que
ceux-ci se sont fondés sur des «données erronées et ont utilisé
les mauvais critères» et que leurs opinions n'étaient donc «pas
vraisemblables». La Commission conclut que le rejet est valide
en droit.
' [1984] 1 C.F. 1098; (1983), 49 N.R. 185 (C.A.).
En toute déférence, je suis d'avis que la Com
mission s'est penchée et a statué sur la mauvaise
question et qu'elle a omis de trancher la question
qui aurait dû l'être.
Il convient de noter que rien dans le sous-alinéa
19(1)a)(ii) ne rend l'opinion du médecin sacro-
sainte ou incontestable en contre-interrogatoire ou
n'empêche de la réfuter par l'opinion de quelque
autre médecin. Rien dans cet alinéa n'empêche de
donner cette opinion sous serment devant la Com
mission. Rien dans la Loi n'exige qu'elle soit
rendue par écrit. Cette disposition peut être mise
en contraste avec la disposition du paragraphe
83(2) prévoyant une attestation dans les cas où il
s'applique. Qui plus est, dans le cas de personnes
visées aux alinéas 19(1)b), d), e), f) et g), il semble
clair à la lecture de ces dispositions que la tâche de
la Commission consiste à déterminer s'«il existe de
bonnes raisons de croire» au moment de l'instruc-
tion d'un appel plutôt qu'à quelque moment
antérieur.
À mon avis, la question que doit trancher la
Commission à l'occasion d'un appel interjeté en
vertu de l'article 79 de la Loi ne consiste pas à se
demander si la décision administrative d'un agent
des visas de rejeter une demande parce que les
renseignements portés à sa connaissance indi-
quaient que la personne sollicitant son admission
au Canada appartenait à une catégorie inadmissi
ble a été prise régulièrement. Elle consiste plutôt à
déterminer si, au moment de l'instruction de l'ap-
pel, la personne en cause fait effectivement partie
de la catégorie interdite.
La Commission est instituée par le paragraphe
59(1) de la Loi et se voit conférer, à l'égard
notamment d'un appel fondé sur l'article 79, «com-
pétence exclusive ... pour entendre et juger sur
des questions de droit et de fait, y compris des
questions de compétence, relatives ... au rejet
d'une demande de droit d'établissement présentée
par une personne appartenant à la catégorie de la
famille». Aux termes du paragraphe 60(5), les
membres de l'ancienne Commission sont mainte-
nus en fonction en qualité de commissaires de la
Commission ainsi instituée. L'article 65 fait de la
Commission une cour d'archives et lui confère de
vastes pouvoirs, notamment ceux de citer des
témoins à comparaître, de forcer la production de
documents, de faire prêter serment et de recevoir
toute preuve qu'elle considère digne de foi et
pertinente.
Le paragraphe 79(2) confère à un citoyen cana-
dien le droit d'en appeler à la Commission à
l'encontre du refus d'un agent des visas d'autoriser
une demande au motif qu'un membre de la catégo-
rie de la famille ne répond pas aux exigences de la
Loi ou des règlements; le citoyen peut exercer ce
droit en invoquant «l'un ou les deux motifs
suivants:»
79. (2) ...
a) un moyen d'appel comportant une question de droit ou de
fait ou une question mixte de droit et de fait;
b) le fait que des considérations humanitaires ou de compas
sion justifient l'octroi d'une mesure spéciale.
À l'occasion d'un tel appel, la Commission n'a
que le pouvoir de l'accueillir ou de le rejeter. Voir
le paragraphe 79(3). Le paragraphe 79(4) vaut
également la peine d'être mentionné en ce qu'il fait
mention des «exigences de la présente loi et des
règlements, autres que celles qui ont fait l'objet de
la décision de la Commission».
Le libellé des dispositions législatives applicables
a été quelque peu modifié depuis que la décision de
la Cour suprême dans Gana c. Ministre de la
Main-d'oeuvre et de l'Immigration 2 et de cette
Cour dans Srivastava c. Ministre de la Main-
d'oeuvre et de l'Immigration' ont été rendues, mais
j'estime que l'intention du Parlement est toujours
la même que sous l'ancienne législation, c'est-à-
dire, instituer et maintenir à titre de cour d'archi-
ves une commission ayant les pouvoirs de statuer
judiciairement sur les faits dont dépend l'admissi-
bilité d'une personne et non simplement de s'atta-
cher au bien-fondé quant à la procédure ou au
fond de la décision administrative prise par un
agent des visas relativement à ces exigences impo
sées par la loi 4 .
2 [1970] R.C.S. 699.
3 [1973] C.F. 138 (C.A.).
' Voici quel était le libellé de l'article 17 de la Loi sur la
Commission d'appel de l'immigration (S.R.C. 1970, chap. I-3,
maintenant abrogée):
17. Une personne qui a demandé l'admission au Canada
d'un parent en conformité des règlements établis selon la Loi
sur l'immigration peut interjeter appel à la Commission du
refus d'approbation de la demande. Si la Commission juge
que la personne dont l'admission a été parrainée et le répon-
dant de cette personne satisfont à toutes les exigences de la
Loi sur l'immigration .. .
Je suis d'avis qu'il était du devoir de la Commis
sion, lors de l'audition de l'appel formé par l'appe-
lante, de déterminer si à ce moment-là la condition
de Ayesha Asmal était telle que, suivant l'opinion
d'un médecin, confirmée par au moins un autre
médecin, son admission entraînerait ou pourrait
vraisemblablement entraîner un fardeau excessif
sur les services sociaux ou de santé et à cette fin
d'exiger, à la demande de l'une ou l'autre des
parties en appel, la comparution de tous les
témoins nécessaires pour appuyer sa conclusion et
de recevoir leur témoignage à cet égard. Si pour ce
faire, la présence d'un ou plusieurs médecins était
nécessaire afin de formuler une opinion, la Com
mission disposait de l'autorité nécessaire pour
requérir leur présence et recueillir leur témoi-
gnage. En conséquence, relativement au premier
point soulevé par l'appelante, je ne crois pas que la
décision devrait être maintenue.
Cependant, en plus d'être inutile pour les fins du
présent appel, il ne servirait à rien de m'attacher
davantage à ce point puisque je suis d'accord avec
les motifs et la conclusion du juge Hugessen sur
l'autre point soulevé par l'appelante, c'est-à-dire
son argument suivant lequel la Commission a tenu
compte d'une considération non pertinente en for-
mulant sa conclusion sur la question découlant de
l'alinéa 79(2)b) de la Loi. Je suis de plus d'avis
qu'à la lumière des autres considérations énoncées
par la Commission, il s'agit d'un cas justifiant
l'octroi d'une mesure spéciale et que la Cour
devrait rendre le jugement que la Commission
aurait dû rendre.
J'accueillerais l'appel et je statuerais sur la
question de la manière que propose le juge
Hugessen.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE HUGESSEN: Il s'agit en l'espèce d'un
appel d'une décision de la Commission d'appel de
l'immigration, datée du 27 novembre 1984, dans
laquelle la Commission a rejeté un appel formé à
l'encontre d'un refus d'autoriser la demande par-
rainée de droit d'établissement présentée par le
père, la mère, le frère et la soeur de l'appelante. La
demande a été refusée au motif que la mère de
l'appelante, Ayesha Asmal, était inadmissible pour
des raisons médicales conformément au sous-ali-
néa 19(1)a)(ii) de la Loi sur l'immigration de
1976 5 .
Quant à lui, ce refus reposait sur l'opinion d'un
«médecin» (suivant la définition donnée à ce mot à
l'article 2) selon laquelle la mère de l'appelante
[TRADUCTION] «souffre d'hypertension non con-
trôlée accompagnée de tachycardie, maladie sus
ceptible d'entraîner un fardeau pour les services de
santé à un point tel qu'elle est actuellement consi-
dérée comme non admissible en vertu du sous-ali-
néa 19(1)a)(ii)». Cette opinion est datée du 11 mai
1983 et un second «médecin» y a souscrit le 30 mai
1983.
Lors de l'instruction de l'appel devant la Com
mission, l'appelante a présenté des éléments de
preuve de médecins qui n'étaient pas des «méde-
cins» au sens de la Loi. Si j'ai bien compris, cette
preuve ne visait pas à contester et ne contestait
effectivement pas le caractère raisonnable de l'opi-
nion originale des médecins en date de mai 1983;
elle tend plutôt à démontrer qu'au moment de
l'instruction de l'appel devant la Commission, en
novembre 1984, la condition de la mère de l'appe-
lante avait changé, de sorte que cette dernière ne
souffrait plus du problème qui avait entraîné son
inadmissibilité. À mon avis, la Commission a eu
raison de rejeter cette preuve.
L'appelante en a appelé auprès de la Commis
sion, en vertu du paragraphe 79(2) de la Loi, du
refus de l'agent des visas d'autoriser la demande de
droit d'établissement parrainée. Bien que ce refus
soit fondé sur l'opinion des médecins, l'appel vise
non pas l'opinion mais plutôt le refus lui-même.
Cela ne veut pas dire, comme l'a suggéré l'avocate
du Ministre, que l'opinion des médecins est entiè-
rement à l'abri de toute contestation: comme cette
5 19. (1) Ne sont pas admissibles
a) les personnes souffrant d'une maladie, d'un trouble, d'une
invalidité ou autre incapacité pour raison de santé, dont la
nature, la gravité ou la durée probable sont telles qu'un
médecin, dont l'avis est confirmé par au moins un autre
médecin, conclut,
(ii) que leur admission entraînerait ou pourrait vraisembla-
blement entraîner un fardeau excessif pour les services
sociaux ou de santé;
Cour l'a décidé dans l'arrêt Ahir [à la page 1102
C.F.; à la page 188 N.R.] 6 , le pouvoir des méde-
cins «doit être exercé de façon raisonnable».
Il est donc loisible à la personne qui interjette
appel d'établir que l'opinion des médecins est
déraisonnable, ce qui peut se faire en présentant
des éléments de preuve de témoins experts dans le
domaine médical autres que des «médecins».
Cependant, des éléments de preuve tendant simple-
ment à établir que la personne visée ne souffre plus
du problème médical sur lequel reposait l'opinion
des médecins sont, de toute évidence, insuffisants;
il est possible que les médecins aient eu tort dans
leur pronostic, mais dans la mesure où la personne
visée souffrait du problème médical en question et
où leur opinion quant à ses conséquences était
raisonnable au moment où elle a été formulée et où
l'agent des visas y a fait appel pour justifier sa
décision, le refus par ce dernier d'autoriser la
demande parrainée était bien fondé. Par consé-
quent, à mon avis, la décision de la Commission à
cet égard était fondée.
Le paragraphe 79(2) de la Loi est ainsi rédigé:
79....
(2) Au cas de rejet, en vertu du paragraphe (1), d'une
demande de droit d'établissement parrainée par un citoyen
canadien, celui-ci peut interjeter appel à la Commission en
invoquant l'un ou les deux motifs suivants:
a) un moyen d'appel comportant une question de droit ou de
fait ou une question mixte de droit et de fait;
b) le fait que des considérations humanitaires ou de compas
sion justifient l'octroi d'une mesure spéciale.
Comme l'appelante a invoqué tant l'alinéa a)
que l'alinéa b), il était du devoir de la Commission,
après avoir conclu que la demande parrainée avait
été à bon droit rejetée, d'examiner si des considé-
rations humanitaires ou de compassion ne justi-
fiaient pas l'octroi d'un redressement. Bien que la
Commission ne l'ait pas dit expressément, il est
évident que la preuve médicale avait une certaine
pertinence quant à cette question puisqu'elle ten-
dait à établir que la condition de la mère de
l'appelante n'était alors pas aussi grave que ce que
l'on avait pu croire au départ. Un certain nombre
d'autres facteurs militaient également en faveur de
l'octroi du redressement et la Commission les a
pour la plupart résumés dans un long paragraphe
6 Ahir c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration, [1984] 1
C.F. 1098; (1983), 49 N.R. 185 (C.A.).
de ses motifs. Au paragraphe suivant, la Commis
sion déclare:
La famille de Nargisbanu Mohammadali Mohamed exploite
une ferme de 18 acres en Inde où elle emploie entre quinze et
dix-huit travailleurs et, comme l'appelante l'a déclaré dans sa
déposition, la famille vit bien selon les normes de ce pays. Outre
le frère et la soeur inclus dans la demande de parrainage,
l'appelante a un autre frère marié, qui habite chez ses parents
dans un logement distinct du leur. Accueillir l'appel ne permet-
trait pas de réunir la famille.
Malgré tous mes efforts, je ne vois pas la perti
nence de ce paragraphe et en particulier des mots
qui sont soulignés. Manifestement, la Commission
estime qu'elle énonce une considération négative
qui vient équilibrer, d'une certaine manière, les
facteurs positifs qu'elle a tout juste énumérés
auparavant car, au paragraphe suivant, elle con-
clut qu'elle ne voit pas de motifs justifiant l'octroi
du redressement.
Bien que l'un des objectifs exprès de la Loi soit
de faciliter la réunion au Canada de citoyens
canadiens avec leurs proches parents de l'étranger,
le fait que quelque octroi particulier d'un droit
d'entrée ou d'établissement ne permettra pas de
«réunir la famille» n'est sûrement pas une condi
tion préalable pour conclure que des considérations
humanitaires ou de compassion justifient l'octroi
d'un redressement. «Réunir la famille» est une
chose très différente du fait de faciliter la réunion
au Canada de citoyens canadiens avec leurs pro-
ches parents de l'étranger, et ne fait pas partie des
objectifs visés par la Loi sur l'immigration de
1976. Le fait qu'un parent à l'étranger d'un
citoyen canadien ne désire pas rejoindre ici ce
dernier ou qu'il soit inadmissible à le faire n'a tout
simplement aucune pertinence quant à l'octroi à ce
citoyen canadien d'un redressement pour des con-
sidérations humanitaires ou de compassion de
façon à lui permettre d'être réuni avec un autre
proche parent de l'étranger. Concrètement, en l'es-
pèce, le fait que le frère de l'appelante soit resté en
Inde n'a rien à voir avec la question de savoir si sa
mère devrait ou non être autorisée à la rejoindre
ici.
À mon avis, la décision de la Commission rela
tive à l'octroi du redressement pour des considéra-
tions humanitaires ou de compassion repose sur
une considération non pertinente et doit être
annulée.
Il reste maintenant à examiner quelle est la
solution appropriée à ce litige. Les pouvoirs et les
devoirs de cette Cour à l'occasion d'un appel de ce
genre sont énumérés à l'alinéa 52c) de la Loi sur
la Cour fédérale [S.R.C. 1970 (2e Supp.), chap.
10]:
52. La Cour d'appel peut
c) dans le cas d'un appel qui n'est pas un appel d'une décision
de la Division de première instance,
(i) rejeter l'appel ou rendre la décision qui aurait dû être
rendue, ou
(ii) à sa discrétion, renvoyer la question pour jugement
conformément aux directives qu'elle estime appropriées;
Règle générale donc, lorsque l'appel est
accueilli, la Cour doit rendre la décision qui aurait
dû être rendue; ce n'est que s'il existe quelque
motif pour ce faire que la Cour doit exercer son
pouvoir discrétionnaire pour renvoyer l'affaire, car
une telle décision entraînerait des délais et des
dépenses considérables en plus de forcer la tenue
d'une nouvelle audience devant des membres diffé-
rents de la Commission. En l'espèce, je suis con-
vaincu, à la lumière du dossier, que si la Commis
sion n'avait pas tenu compte d'une considération
non pertinente, soit «réunir la famille», elle aurait
jugé qu'il s'agissait d'un cas approprié pour accor-
der le redressement prévu à l'alinéa 79(2)b). Cela
étant, rien ne nous empêche de rendre la décision
qu'aurait dû rendre la Commission.
J'accueillerais l'appel, j'annulerais la décision de
la Commission d'appel de l'immigration en date du
27 novembre 1984 pour lui substituer une décision
accueillant l'appel et ordonnant de ne pas rejeter la
demande parrainée du père; de la mère, du frère et
de la sœur de l'appelante au motif que Ayesha
Asmal est inadmissible aux termes du sous-alinéa
19(1)a)(ii).
LE JUGE SUPPLÉANT MCQUAID y a souscrit.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.