A-782-82
La Reine (appelante)
c.
Canada Southern Railway Company (intimée)
RÉPERTORIÉ: CANADA SOUTHERN RAILWAY CO. C. R. (C.A.F.)
Cour d'appel, juges Heald, Ryan et Stone—
Ottawa, 17 et 18 octobre 1985 et 5 février 1986.
Impôt sur le revenu — Non-résidents — Les montants
portés au crédit d'une compagnie non résidante par une com-
pagnie canadienne au titre de dividendes sont-ils exempts de
l'impôt sur le revenu de non-résidents? — Ces montants
pouvaient-ils raisonnablement être attribués à l'entreprise
exercée au Canada? — Loi de l'impôt sur le revenu, S.C.
1970-71-72, chap. 63, art. 2(3), 115(1)a)(i),(ii), 212(2), 215(1)
— Loi de l'impôt sur le revenu, S.R.C. 1952, chap. 148, art.
2(1),(2), 31(1) (mod. par S.C. 1960, chap. 43, art. 6(1)), 106(1)
— Règlement de l'impôt sur le revenu, DORS/54-682, art.
805(1) (mod. par DORS/57-4; DORS/69-631).
L'intimée, une corporation résidant au Canada, était proprié-
taire d'installations ferroviaires («le réseau») au Canada, dont
des branchements avec des lignes américaines. Le réseau de
l'intimée était exploité par The Penn Central Transportation
Company («Penn Central») conformément à un bail, acquis
grâce à une fusion et à des baux antérieurs, qui prévoyait que le
loyer annuel devrait être le montant requis pour permettre à
l'intimée de déclarer et de verser un dividende de 3 $ sur
chaque action émise du capital-actions. Toutefois, étant donné
que Penn Central était propriétaire directement ou indirecte-
ment d'une partie importante des actions en circulation de
l'intimée, plus de la moitié des dividendes lui étaient payables.
En reconnaissance de ce fait, les propriétaires antérieurs de
Penn Central et l'intimée ont conclu un acte de renonciation
qui prévoyait, en fait, que Penn Central ne payerait que la
différence entre le loyer payable à l'intimée et les dividendes
payables, directement ou indirectement, à elle-même. Cette
différence suffirait à permettre à l'intimée de verser les dividen-
des payables aux autres actionnaires.
Le Ministre a considéré que, pour les années d'imposition
1972 et 1973 de l'intimée, les montants qu'elle avait portés au
crédit de Penn Central au titre de dividendes étaient imposables
en vertu du paragraphe 212(2) de la Loi de l'impôt sur le
revenu et que l'intimée aurait donc dû retenir les montants
d'impôt exigible de Penn Central et les remettre au receveur
général. Le Ministre a cotisé l'intimée en conséquence.
En appel de cette cotisation, le juge de première instance a
statué que les dividendes pouvaient raisonnablement être attri-
bués à l'entreprise exploitée par Penn Central au Canada et
étaient imposables en vertu de la Partie I et non pas de la Partie
XIII de la Loi. Il a donc annulé les cotisations établies par le
Ministre.
C'est ce jugement qui a été porté en appel.
Arrêt: l'appel devrait être accueilli.
La question est de savoir si les montants portés au crédit de
Penn Central par Canada Southern au titre de dividendes sont
exempts de l'impôt sur le revenu de non-résidents prévu par la
Partie XIII de la Loi en raison de l'exemption prévue par le
paragraphe 805(1) du Règlement.
Les mots suivants du paragraphe 805(1) du Règlement «sauf
les montants qui peuvent raisonnablement être attribués à
l'entreprise qu'elle exerce au Canada» ne sont pas clairs au
point de se passer d'interprétation: «raisonnablement attribués»,
mais dans quel sens? L'intimée soutient que la question cruciale
n'est pas de savoir si, sur le plan du droit, les dividendes
provenaient d'une «entreprise» ou de «biens», mais de savoir si,
au niveau des faits, les dividendes pouvaient raisonnablement
être attribués à l'entreprise. Cet argument a été rejeté, car il est
essentiel de préciser le but et le sens du paragraphe 805(1) du
Règlement. L'étude de l'évolution sur le plan législatif du
paragraphe 805(1) du Règlement amène à conclure qu'il visait
à exempter seulement le revenu tiré des affaires exercées par la
personne ne résidant pas au Canada, et non pas le revenu tiré
de biens même s'il pouvait être attribué aux affaires dans un
sens large. Et même en dehors de leur évolution sur le plan
législatif, le paragraphe 2(3), l'article 115 et la Partie XIII de
la Loi ainsi que le paragraphe 805(1) du Règlement manifes-
tent, pris ensemble, l'intention d'exempter de l'imposition des
montants qui autrement seraient visés par la Partie XIII s'ils
étaient également imposables en vertu de la Partie I parce
qu'ils entrent dans le champ d'application du sous-alinéa
115(1)a)(ii) de la Loi.
Il reste la question de savoir si les dividendes pouvaient être
considérés comme un revenu tiré de l'entreprise ferroviaire
exercée par Penn Central au Canada. Penn Central exploitait
sa propre entreprise ferroviaire au Canada, en utilisant les
installations ferroviaires qui appartenaient à l'intimée. Celle-ci
n'a pas exploité d'affaires du tout au cours des années 1972 et
1973; ses revenus provenaient des installations qu'elle louait.
Pour l'application de la Loi, par conséquent, les dividendes
provenaient des actions de l'intimée et les actions étaient des
biens.
Et d'ailleurs, les faits ne permettent pas de soutenir que. les
actions elles-mêmes constituaient un fonds employé et risqué
dans une entreprise.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Canada Safeway Limited v. The Minister of National
Revenue, [1957] R.C.S. 717; Bank Line Ltd. v. Commis
sioners of Inland Revenue (1974), 49 T.C. 307 (Sess.).
DISTINCTION FAITE AVEC:
Liverpool and London and Globe Insurance Company v.
Bennett, [1913] A.C. 610 (H.L.).
DÉCISIONS CITÉES:
Wertman, Henry v. Minister of National Revenue,
[1965] 1 R.C.É. 629; R. c. Marsh & McLennan, Limited,
[1984] 1 C.F. 609 (C.A.); La Reine c. Ensite Limited, (n°
1) (1983), 83 DTC 5315 (C.A.F.).
AVOCATS:
Deen C. Olsen et Bonnie F. Moon pour
l'appelante.
Franklyn E. Cappell pour l'intimée.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour
l'appelante.
Kingsmill, Jennings, Toronto, pour l'intimée.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE RYAN: Il s'agit d'un appel formé par la
Couronne contre une décision de la Division de
première instance [[1982] CTC 278] accueillant
un appel interjeté par l'intimée, The Canada Sou
thern Railway Company («Canada Southern»), à
l'encontre de cotisations établies par le ministre du
Revenu national («le Ministre») en vertu de la Loi
de l'impôt sur le revenu [S.R.C. 1952, chap. 148
(mod. par S.C. 1970-71-72, chap. 63, art. 1)] («la
Loi») pour les années d'imposition 1972 et 1973 de
Canada Southern.
Au cours de ces années, Canada Southern, une
corporation résidant au Canada, a porté au crédit
de The Penn Central Transportation Company
(«Penn Central»), une personne non résidante, des
montants au titre de dividendes. La position adop-
tée par le Ministre, en établissant les cotisations,
était que Penn Central, à titre de personne non
résidante, était tenue en vertu du paragraphe
212(2) de la Loi de payer un impôt sur le revenu
sur ces montants, et que Canada Southern avait
l'obligation, en vertu du paragraphe 215(1) de la
Loi, de déduire ou de retenir les montants d'impôt
exigible et de les remettre au receveur général du
Canada au nom de Penn Central. Les paragraphes
212(2) et 215(1) se trouvent dans la Partie XIII de
la Loi, qui s'intitule: «IMPÔT SUR LE REVENU DE
PERSONNES NON RÉSIDANTES PROVENANT DU
CANADA». Le Ministre a cotisé Canada Southern
pour des montants que, de l'avis du Ministre, elle
aurait dû retenir et remettre, en plus des intérêts et
des pénalités. Canada Southern a interjeté appel à
la Division de première instance.
Canada Southern a soutenu que Penn Central
n'était pas tenue de payer l'impôt sur le revenu en
vertu du paragraphe 212(2) de la Loi parce que
Penn Central exploitait une entreprise au Canada
durant les années d'imposition en question, et que
les montants portés au crédit de celle-ci pouvaient
raisonnablement être attribués à cette entreprise; il
a été allégué que les montants en question étaient
visés par l'exemption prévue par le paragraphe
805(1) du Règlement de l'impôt sur le revenu
[DORS/54-682 (mod. par DORS/69-631, art. 1)].
Ce paragraphe prévoit que:
805. (1) Lorsqu'une personne non résidante exerce des opéra-
tions au Canada, elle est imposable en vertu de la Partie III
[Partie XIII] de la Loi sur tous les montants autrement impo-
sables en vertu de ladite Partie, sauf les montants qui peuvent
raisonnablement être attribués à l'entreprise qu'elle exerce au
Canada.
Ainsi que je l'ai déjà mentionné, Canada Sou
thern a obtenu gain de cause devant la Division de
première instance. La question sur laquelle porte le
présent appel est de savoir si les montants portés
au crédit de Penn Central par Canada Southern au
titre de dividendes sont exempts de l'impôt sur le
revenu de non-résidents prévu par la Partie XIII
de la Loi en vertu de l'exemption prévue par le
paragraphe 805(1) du Règlement de l'impôt sur le
revenu.
Il serait peut-être bon de citer le paragraphe
212(2) et le paragraphe 215(1) de la Loi, sur
lesquels se fonde le Ministre.
Le paragraphe 212(2) prévoit que:
212....
(2) Toute personne non résidante paie un impôt sur le revenu
de 25% sur toute somme qu'une corporation résidant au
Canada lui paie ou porte à son crédit ou est réputée, selon la
Partie I, lui payer ou porter à son crédit, au titre ou en
paiement intégral ou partiel d'un dividende imposable (autre
qu'un dividende provenant de gains en capital, au sens que
donne à cette expression le paragraphe 131(1) ou 133(7.1)) ou
d'un dividende en capital.
Le paragraphe 215 (1) prévoit que:
215. (1) Lorsqu'une personne verse ou crédite ou est réputée
avoir versé ou crédité une somme sur laquelle un impôt sur le
revenu est exigible en vertu de la présente Partie, elle doit,
nonobstant toute disposition contraire d'une convention ou
d'une loi, en déduire ou en retenir le montant de l'impôt et le
remettre immédiatement au receveur général du Canada au
nom de la personne non résidante, à valoir sur l'impôt, et
l'accompagner d'un état en la forme prescrite.
On ne conteste pas que le taux réel pour les
années d'imposition 1972 et 1973 était de 15 %. Il
n'est pas nécessaire d'en examiner la raison.
Canada Southern était propriétaire d'installa-
tions ferroviaires au Canada à toutes les époques
concernées. Le juge de première instance décrit
ainsi ces biens [à la page 279]:
... une ligne de chemin de fer au nord du lac Érié, entre la
rivière Détroit et la rivière Niagara; elle possède aussi plusieurs
lignes secondaires au Canada et des installations connexes
notamment, parmi les plus importantes, les branchements avec
les lignes américaines près de Détroit, de Niagara Falls et de
Buffalo ou dans les environs de ces villes, un tunnel ferroviaire
sous la rivière Détroit et un pont au-dessus de la rivière
Niagara ...
Je désignerai ces biens par l'expression les «instal-
lations ferroviaires».
The Michigan Central Railroad Company
(«Michigan Central») a exploité les installations
ferroviaires pendant quelque 21 années, soit de
1882 1903, suivant une entente conclue avec
Canada Southern. En 1903, Canada Southern a
cédé à bail les installations ferroviaires à Michigan
Central pour une durée de 999 ans, à compter du
l e ' janvier 1904 («le bail de 1903»). Un bail d'ins-
tallations ferroviaires est très différent d'un bail
ordinaire. En vertu du bail de 1903, la gestion des
installations ferroviaires a été effectivement trans-
férée à Michigan Central: l'exploitation de la ligne
de chemin de fer était devenue l'affaire de Michi-
gan Central. Le prix de location devait être le
montant requis pour permettre à Canada Southern
de déclarer et de verser un dividende de 3 $ sur
chaque action émise du capital-actions. Il y avait
150 000 actions en circulation, de sorte que le
loyer annuel s'élevait en fait à 450 000 $. Michi-
gan Central était propriétaire d'un certain nombre
d'actions de Canada Southern; les autres étaient
détenues par des tiers. Michigan Central était
elle-même une filiale de The New York Central
Railroad Company («New York Central»). Vers
1930, New York Central était propriétaire d'envi-
ron 99 % des actions en circulation de Michigan
Central.
À compter du l e ` février 1930, Michigan Cen
tral a loué—ou plus exactement a sous-loué—les
installations ferroviaires, en plus d'autres biens, à
New York Central pour une durée de 99 ans («le
bail de 1930»). Selon ce bail, Michigan Central
«louait» également—encore plus précisément, je
pense, cédait—à New York Central les actions de
Canada Southern dont elle était propriétaire;
Michigan Central semble toutefois être restée la
détentrice enregistrée de ces actions. New York
Central a convenu dans le bail de 1930 de verser
chaque année à Michigan Central un montant
permettant à cette dernière de payer à Canada
Southern le loyer dû aux termes du bail de 1903.
En 1930, Michigan Central avait acquis 83 449
actions, soit 55.6 % des actions en circulation du
capital-actions de Canada Southern.
Jusqu'en 1959, Canada Southern a déclaré et a
versé chaque année à ses actionnaires des dividen-
des s'élevant à 450 000 $. Plus de la moitié de ce
montant était payable à New York Central en
raison du «loyer» du capital-actions et des dividen-
des que prévoyait le bail de 1930; ces dividendes
étaient payés par chèque par Canada Southern à
New York Central. Le loyer annuel de 450 000 $
payable par Michigan Central à Canada Southern
en vertu du bail de 1903 était de fait payé par
chèque directement à Canada Southern par New
York Central.
Le 26 juin 1959, New York Central, Michigan
Central et Canada Southern ont conclu une
entente (ci-après appelée «la renonciation»). Aux
termes de l'entente, Canada Southern «renonçait»
au paiement d'une partie du loyer en espèces que
lui devait Michigan Central, et New York Central
«renonçait» au paiement de la partie qui lui était
payable des dividendes en espèces déclarés par
Canada Southern. A compter de cette date, New
York Central a payé à Canada Southern un mon-
tant en espèces équivalant à la différence entre le
loyer de 450 000 $ payable par Michigan Central
à Canada Southern et les dividendes déclarés par
Canada Southern et payables à New York Cen
tral; cette différence suffirait à permettre à
Canada Southern de verser les dividendes déclarés
en faveur des autres actionnaires et payables à
ceux-ci. La renonciation prévoyait que l'entente
serait réputée conforme au bail de 1903. L'entente
pourrait prendre fin à la suite d'un court préavis.
La renonciation est formulée dans une lettre de
New York Central à Canada Southern et à Michi-
gan Central, lettre citée dans ses motifs par le juge
de première instance [aux pages 280 et 281]. J'en
extrais le passage suivant (dans la lettre, «Central»
désigne New York Central):
[TRADUCTION] En vertu des dispositions du bail de Michi-
gan Central, Central a versé à Canada Southern, à titre de
paiement partiel du loyer en vertu du bail de Canada Southern,
le montant de 450 000 $ par an (depuis 1910), ce qui corres-
pond à trois pour cent par an sur les 150 000 actions du
capital-actions en circulation de Canada Southern. Pour ces
paiements de loyer, Canada Southern a déclaré et payé des
dividendes sur ses actions qui se sont chiffrés (depuis 1910) à
1,50 $ par semestre et par action, soit un total de 450 000 $ par
an, égal autrement dit au montant du versement de loyer
annuel. Ces dividendes semestriels étaient devenus payables
pendant le mois consécutif au mois du versement de loyer
semestriel, et il est entendu que cette façon de procéder devrait
continuer à l'avenir.
Sur ce total de 150 000 actions en circulation de Canada
Southern, 89 163 actions appartiennent à Michigan Central, et
les droits et titres en common law et en equity sur ces actions
sont détenus par Central en vertu du bail de Michigan Central.
Central a, par conséquent, reçu les dividendes déclarés et versés
par Canada Southern sur ces actions depuis la date d'entrée en
vigueur du bail de Michigan Central.
Central se trouve, de ce fait, dans une situation où elle se
verse un loyer à elle-même, pour ce qui est de la portion de
loyer rétrocédée à titre de dividendes au cours du mois suivant.
Afin d'éliminer de telles complications de paiement et de
refléter la situation de façon plus exacte, nous proposons qu'à
compter du paiement de loyer du Zef juillet 1959, et par la suite
lors de chaque paiement semestriel, Central acquitte, par le
biais d'une renonciation aux dividendes, comme il est prévu
ci-après, la portion de loyer semestrielle qui est payable en
vertu du bail de Canada Southern; celle-ci correspondra au
produit du nombre d'actions de Canada Southern appartenant
à Michigan Central, à la date d'enregistrement des dividendes,
[et détenues par Central conformément au bail de Michigan
Central] multiplié par le taux par action (jusqu'à concurrence
de 1,50 $) de tout dividende semestriel déclaré et non payé sur
les actions de Canada Southern, étant entendu que les redresse-
ments comptables qui s'imposent seront faits par Central,
Michigan Central et Canada Southern pour refléter les transac
tions dans les comptes sur cette base, à compter du Zef janvier
1959.
Pendant la période où le versement de cette portion de loyer
est couverte par la renonciation comme il a été dit précédem-
ment, Central renonce par les présentes à percevoir les dividen-
des semestriels (jusqu'à concurrence de 1,50 $ l'action) qui
seraient autrement payés grâce à ce loyer sur les actions de
Canada Southern appartenant alors à Michigan Central et
détenues par Central, conformément au bail de Michigan
Central.
L'entente ci-dessus est réputée conforme aux stipulations du
bail de Canada Southern, en ce qui concerne le paiement du
loyer y prévu, et elle ne saurait en aucun cas constituer une
modification ni un avenant à ses termes. L'entente est mainte-
nue jusqu'à sa résiliation éventuelle par l'une des parties aux
présentes, au moyen d'un avis écrit aux autres parties, au moins
30 jours avant la fin de cette période semestrielle.
Prière de signifier votre assentiment aux présentes en signant
la copie ci-jointe de cette lettre dans l'espace prévu à cet effet et
en nous la renvoyant.
Le juge de première instance ajoute [à la page
2811:
La demanderesse et Michigan Central ont signé. Cette entente
était en vigueur en 1972 et en 1973 et elle a, semble-t-il, été
appliquée aux actions appartenant à Penn Central tout comme
à celles qui étaient cédées à bail par Michigan Central.
Selon mon interprétation de la renonciation, le
bail de 1903 et celui de 1930 ne s'en trouvaient pas
modifiés, sauf dans la mesure où ils pouvaient se
rapporter au paiement réel des sommes qui devien-
draient dues en vertu de leurs textes mêmes. Tant
après qu'avant l'entente, New York Central déte-
nait les actions de Canada Southern que lui avait
cédées Michigan Central. Je ferais également
remarquer qu'à compter de 1968, New York Cen
tral a acquis de son propre chef des actions de
Canada Southern. La renonciation avait pour effet
que l'obligation de New York Central de faire des
versements à Michigan Central en vertu du bail de
1930, l'obligation de Michigan Central de payer
un loyer à Canada Southern en vertu du bail de
1903 et l'obligation de Canada Southern de verser
à New York Central des dividendes déclarés
devaient toutes être remplies par le versement par
New York Central à Canada Southern des mon-
tants calculés de la façon prévue dans la renoncia-
tion. Le but de cette renonciation était d'éliminer
les «complications de paiement» et «de refléter la
situation de façon plus exacte».
M. Norman Hull a témoigné au procès. Il avait
été vérificateur adjoint de New York Central et
avait agi plus tard à titre de vérificateur et de
vice-président de Penn Central. On a présenté
également une preuve documentaire considérable.
Quant à la teneur de la preuve, le juge de première
instance a dit [à la page 2811:
D'après la preuve, ni Michigan Central, ni New York Cen
tral n'auraient eu intérêt à acheter les actions de la demande-
resse si elles n'avaient pas été locataires de son réseau. Elles se
sont portées acquéreurs des actions sur le marché lorsque le
prix a atteint un niveau où la réduction des sorties de liquidités
à cause des dividendes compensait de façon avantageuse le coût
du loyer de l'argent. La motivation première était la diminution
des paiements aux tiers, la deuxième, que la société désirait
éliminer éventuellement tous les droits des tiers et de faire de la
demanderesse une filiale en propriété exclusive comme Michi-
gan Central l'était en fait. La tendance à la consolidation de la
propriété dans les grandes organisations commerciales et à la
fusion des exploitations par des baux à long terme, était
devenue courante dans l'industrie ferroviaire du nord-est des
États-Unis depuis environ un siècle, et, au Canada, elle s'éten-
dait aux réseaux d'exploitation américaine.
Les conclusions du juge de première instance,
rapportées dans la citation ci-dessus, s'appuient sur
les témoignages rendus, notamment celui de M.
Hull. Le juge de première instance a conclu ses
motifs comme suit [à la page 282]:
Il était raisonnable pour Penn Central de considérer les
dividendes qui lui étaient crédités comme des paiements de
loyer de fait, paiements qu'elle était contrainte à faire si elle
voulait exploiter sa ligne de chemin de fer au Canada. Il
s'ensuit que ces montants pouvaient raisonnablement être attri-
bués à l'entreprise exploitée par Penn Central au Canada et
qu'ils étaient imposables en vertu de la Partie I et non pas de la
Partie XIII de la Loi.
Dans son jugement, il a annulé les cotisations en
question et accordé les dépens. C'est ce jugement
qui a été porté en appel.
Avant de passer aux questions de droit, j'ajoute
la présente observation.
Le 1e' février 1968, New York Central a
fusionné avec The Pennsylvania Railroad Com
pany afin de former The Penn Central Transporta
tion Company («Penn Central»). Après la fusion,
Penn Central se trouvait, comme le dit le juge de
première instance, dans la position que New York
Central avait occupée antérieurement pour les fins
pertinentes au présent appel. En juin 1970, confor-
mément aux lois américaines sur la faillite, des
syndics ont été nommés afin de prendre possession
des avoirs de Penn Central. Je suppose qu'il serait
alors plus exact de parler des syndics de Penn
Central plutôt que de Penn Central elle-même
dans la relation des événements qui se sont pro-
duits après la nomination des syndics, mais rien ne
porte sur cela pour les fins de la présente affaire,
et il est plus simple de parler de «Penn Central».
L'avocat de l'appelante a allégué que le juge de
première instance a commis une erreur en statuant
que les montants portés au crédit de Penn Central
par Canada Southern au moyen des dividendes
pouvaient raisonnablement être attribués à l'entre-
prise exercée au Canada par Penn Central. L'avo-
cat a également soutenu que le juge de première
instance a commis une erreur en décidant, comme
l'a prétendu l'avocat, que Penn Central n'était pas
imposable en vertu de la Partie XIII de la Loi mais
en vertu de la Partie I.
L'avocat de l'intimée a allégué que le juge de
première instance n'avait pas commis d'erreur en
statuant que les dividendes pouvaient raisonnable-
ment être attribués à l'entreprise exercée au
Canada par Penn Central.
Le sens des mots en litige dans le présent appel,
à savoir les mots suivants du paragraphe 805(1) du
Règlement «sauf les montants qui peuvent raison-
nablement être attribués à l'entreprise qu'elle
exerce au Canada», n'est pas clair, selon moi, au
point de se passer d'interprétation. Les mots sug-
gèrent presque la question: «raisonnablement attri-
bués» dans quel sens?
L'avocat de la Couronne a soutenu que la meil-
leure façon de répondre à cette question était
d'analyser le but de l'exemption prévue par le
paragraphe 805(1) du Règlement, tel qu'il se
dégage de son évolution sur le plan législatif.
L'avocat a représenté que le paragraphe 805(1) du
Règlement vise à éviter la double imposition ou du
moins l'éventualité d'une double imposition. Elle a
allégué que les montants assujettis à l'imposition
par la Partie XIII de la Loi proviennent, en géné-
ral, de biens, non d'une entreprise; ce ne sont donc
pas des montants qui deviendraient imposables en
vertu de la Partie I par application du paragraphe
2(3) de la Loi; les non-résidents sont imposables en
vertu du paragraphe 2(3) s'ils tirent des revenus au
Canada d'un emploi ou d'une entreprise exercés au
Canada; ils ne sont cependant pas imposables, en
vertu de ce paragraphe, sur le revenu tiré de biens.
Il est concevable toutefois qu'un montant visé par
la Partie XIII, par exemple des intérêts ou un
loyer, puisse provenir d'une entreprise exercée au
Canada par un non-résident; dans ce cas, le non-
résident serait tenu de payer des impôts en vertu
de la Partie I et de la Partie XIII, n'était-ce du
paragraphe 805(1) du Règlement. Le paragraphe
805(1) vise donc à éviter cette possibilité.
L'avocat de l'appelante a soutenu que les divi-
dendes portés au crédit de Penn Central par
Canada Southern provenaient de biens; ils avaient
leur source dans les actions de Canada Southern
possédées par Penn Central ou détenues par elle en
vertu d'une cession, et non dans l'entreprise ferro-
viaire exploitée par Penn Central au Canada. Ne
provenant pas de l'entreprise exercée au Canada,
les dividendes ne pouvaient pas raisonnablement
lui être attribués, si étroitement qu'ils aient pu lui
être associés.
Par ailleurs, l'avocat de Canada Southern a de
fait avancé que le sens des mots utilisés dans le
paragraphe 805 (1) du Règlement présentait réelle-
ment peu de difficultés. Il a allégué que, pour
déterminer si les dividendes étaient exempts d'im-
pôt par application du paragraphe 805(1), il suffi-
sait de répondre à la question suivante: pouvaient-
ils raisonnablement être attribués à l'entreprise
ferroviaire qui était incontestablement exploitée
par Penn Central au Canada? Le juge de première
instance a décidé qu'ils pouvaient l'être et qu'ils
l'étaient effectivement. Il existe une preuve abon-
dante à l'appui de sa décision. Cela clôt vraiment
la question. La question cruciale n'est pas de
savoir si, au point de vue du droit, les dividendes
provenaient d'une «entreprise» ou de «biens», mais
de savoir si, au niveau des faits, les dividendes
pouvaient raisonnablement être attribués à l'entre-
prise.
L'avocate de la Couronne s'est fondée dans une
large mesure sur l'évolution législative des articles
pertinents de la Loi et du Règlement qu'elle a
invoqués en affirmant que le paragraphe 805(1) du
Règlement vise à éviter la double imposition.
Dans la Loi de l'impôt sur le revenu, S.R.C.
1952, chap. 148 («la Loi de 1952»), les paragra-
phes 2(1) et (2) prévoyaient que:
2. (1) Un impôt sur le revenu doit être payé, ainsi qu'il est
prévu ci-après, sur le revenu imposable, pour chaque année
d'imposition, de toute personne résidant au Canada à quelque
époque de l'année.
(2) Lorsqu'une personne non imposable en vertu du paragra-
phe (1) pour une année d'imposition
a) était employée au Canada à quelque époque de l'année, ou
b) exerçait une entreprise au Canada à quelque époque de
l'année,
un impôt sur le revenu doit être payé, ainsi qu'il est prévu
ci-après, sur son revenu imposable gagné au Canada pour
l'année, déterminé en conformité de la section D.
Le paragraphe (2) est devenu le paragraphe (3);
il est libellé quelque peu différemment, mais la
différence n'importe pas en l'espèce.
La Section D, qui apparaissait dans la Loi de
1952, s'intitulait: «REVENU IMPOSABLE GAGNÉ AU
CANADA PAR DES NON-RÉSIDENTS». Elle consis-
tait en un article, l'article 31, dont le paragraphe
(1) était rédigé ainsi:
31. (1) Pour l'application de la présente loi, le revenu impo-
sable d'une personne non résidante gagné au Canada pour une
année d'imposition est
a) la partie de son revenu pour l'année qui peut être raison-
nablement attribuée aux fonctions qu'elle a accomplies au
Canada ou aux affaires qu'elle a exercées au Canada,
moins
b) l'ensemble des déductions permises sur le revenu, pour
établir le revenu imposable, qui peuvent raisonnablement être
considérées comme entièrement applicables, et de la partie de
toute autre desdites déductions qui peut raisonnablement être
considérée comme applicable.
La Partie III de la Loi de 1952 s'intitulait:
«IMPÔT SUR LE REVENU PROVENANT DU CANADA
DE PERSONNES NON RÉSIDANTES», le même titre
s'appliquant maintenant à la Partie XIII. Le para-
graphe 106(1) prévoyait que «Toute personne non
résidante doit payer un impôt sur le revenu de
quinze pour cent sur tout montant qu'une personne
résidant au Canada lui paie ou crédite, ... à
compte ou au lieu de paiement ou en acquitte-
ment» de certains montants, dont des dividendes,
des intérêts, des loyers et des redevances, sous
réserve toutefois des limites mentionnées.
Le paragraphe 805(1) du Règlement a d'abord
été adopté par DORS/54-682, qui est entré en
vigueur le 12 janvier 1955. Il prévoyait que:
805. (1) Lorsqu'une personne non résidante, autre qu'une
compagnie d'assurance non résidante enregistrée, exerce des
opérations au Canada, elle est imposable en vertu de la Partie
III de la Loi sur tous les montants autrement imposables en
vertu de ladite Partie, sauf les montants qui sont inclus dans le
calcul de son revenu pour l'application de la Partie I de la Loi.
En vertu de ce règlement, il est clair qu'un
montant qui autrement serait visé par la Partie III
comme étant, par exemple, un dividende ou un
paiement d'intérêts serait exempté de l'imposition
en vertu de la Partie III s'il était inclus dans le
calcul du revenu du contribuable pour l'application
de la Partie I. La double taxation serait évitée au
moins dans cette mesure. À ce moment-là, un
contribuable non résidant était assujetti à l'impôt
en vertu de la Partie I ou de la Partie III, mais non
en vertu des deux. Je souligne toutefois qu'un
non-résident pourrait néanmoins, en vertu des
déductions ou des exemptions, échapper totale-
ment à l'impôt.
Le texte du paragraphe 805 (1) du Règlement a
été modifié, à compter de 1957, par DORS/57-4.
Une fois modifié, le règlement se lisait comme suit:
805. (1) Lorsqu'une personne non résidante, autre qu'une
compagnie d'assurance non résidante enregistrée, exerce des
opérations au Canada, elle est imposable en vertu de la Partie
III de la Loi sur tous les montants autrement imposables en
vertu de ladite Partie, sauf la portion de son revenu qui peut
raisonnablement être attribuée à l'entreprise qu'elle exerce au
Canada.
Par suite de cette modification, l'exemption
prévue par le paragraphe 805 (1) du Règlement,
dans la mesure où elle se rapportait à l'exercice
d'une entreprise au Canada, était formulée exacte-
ment dans les mêmes mots que ceux utilisés à
l'alinéa 31(1)a) de la Loi. Je ne crois pas qu'on
cherchait à apporter un changement de fond en
modifiant le libellé du règlement. Il me semble
plutôt qu'on visait à préciser davantage le but
poursuivi, c'est-à-dire éviter la double imposition,
en utilisant les mots mêmes de l'alinéa 31(1)a)
pour l'exemption prévue par le paragraphe 805(1)
du Règlement.
L'article 31 de la Loi a été modifié en 1960 par
la «Loi modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu»,
S.C. 1960, chap. 43. Le paragraphe 6(1) de la Loi
modificative a abrogé l'alinéa 31(1)a) et l'a rem-
placé par ce qui suit:
31.(1)...
a) son revenu pour l'année provenant de toutes les fonctions
qu'elle a accomplies au Canada et de toutes les entrepri-
ses qu'elle y a exercées,
Il est à noter encore une fois qu'avant la modifi
cation de 1960, l'alinéa 31(1)a) de la Loi pré-
voyait, en ce qui concernait une entreprise exercée
au Canada, que le revenu imposable d'une per-
sonne non résidante gagné au Canada pendant une
année d'imposition est «la partie de son revenu
pour l'année qui peut être raisonnablement attri-
buée ... aux affaires qu'elle a exercées au
Canada». La modification de 1960 a remplacé ces
mots par le nouvel alinéa 31(1)a), mais ils n'ont
pas été modifiés dans le Règlement. Le véritable
problème sur lequel porte le présent appel réside
dans l'utilisation inchangée de ces mots dans le
Règlement: un montant porté au crédit d'une per-
sonne non résidante et provenant de biens peut-il
être considéré comme un montant qui peut raison-
nablement être attribué à l'entreprise que la per-
sonne non résidante a exercée au Canada?
Le paragraphe 805(1) du Règlement a été
abrogé et remplacé en 1969 par DORS/69-631.
C'est ce dernier paragraphe du Règlement qui
était en vigueur durant les années d'imposition
concernées en l'espèce. Je l'ai déjà cité dans les
présents motifs. Je vais cependant le faire de nou-
veau pour des raisons d'ordre pratique:
805. (1) Lorsqu'une personne non résidante exerce des opéra-
tions au Canada, elle est imposable en vertu de la Partie III
[Partie XIII] de la Loi sur tous les montants autrement impo-
sables en vertu de ladite Partie, sauf les montants qui peuvent
raisonnablement être attribués â l'entreprise qu'elle exerce au
Canada.
Les montants qui ne font pas partie de ceux qui
seraient autrement imposables en vertu de la
Partie III sont «les montants qui peuvent raisonna-
blement être attribués à l'entreprise qu'elle exerce
au Canada» alors que les montants exemptés avant
la modification visaient «la portion de son revenu
qui peut raisonnablement être attribuée à l'entre-
prise qu'elle exerce au Canada».
C'était la situation qui existait lorsqu'est entré
en vigueur en 1971 ce que nous appelons parfois
«la nouvelle Loi de l'impôt sur le revenu», qui
constitue le chapitre 63, S.C. 1970-71-72. La nou-
velle Loi a substitué à l'ancienne Section D une
Section D libellée différemment. Les dispositions
pertinentes de la nouvelle Section D apparaissent à
l'article 115 de la Loi. J'en citerai les sous-alinéas
115(1)a)(i) et (ii).
115. (1) Aux fins de la présente loi, le revenu imposable,
pour une année d'imposition, gagné au Canada, par une per-
sonne non résidante, est la fraction de son revenu pour l'année,
qui serait déterminée en vertu de l'article 3
a) si elle n'avait pas de revenu autre
(i) que les revenus tirés des charges et des emplois occupés
par elle au Canada,
(ii) que les revenus tirés d'une entreprise exploitée par elle
au Canada,
moins le total des déductions du revenu, permises aux fins du
calcul du revenu imposable, qui peuvent raisonnablement
être considérées comme entièrement applicables, et de la
partie de toute autre de ces déductions qui peut raisonnable-
ment être considérée comme applicable.
L'étude de l'évolution sur le plan législatif du
paragraphe 805 (1) du Règlement me convainc
qu'il y a eu et continue d'y avoir un lien étroit
entre l'exemption qu'il prévoit relativement aux
montants imposables à l'égard des non-résidents en
vertu de la Partie XIII de la Loi et l'impôt auquel
sont assujettis les non-résidents relativement aux
revenus qu'ils retirent des entreprises qu'ils exploi-
tent au Canada. De 1955 à 1957, l'exemption
prévue au paragraphe 805 (1) du Règlement s'ap-
pliquait seulement aux montants, reçus par des
non-résidents ou portés à leur crédit, qui seraient
inclus dans leur revenu aux fins du calcul de leur
revenu imposable en vertu de la Partie I. De 1957
à 1960, l'exemption prévue au paragraphe 805 (1)
du Règlement était définie dans les mêmes termes
que ceux utilisés à l'alinéa 31(1)a) de la Loi pour
assujettir à l'impôt visé à la Partie I les non-rési-
dents retirant des revenus du Canada qui pour-
raient raisonnablement être attribués aux affaires
qu'ils ont exercées au Canada. J'estime que la
modification apportée en 1960 à l'alinéa 31(1)a),
qui rendait imposables les revenus retirés par des
non-résidents d'affaires exercées par eux au
Canada, n'apportait pas de changement de fond à
la Loi. Elle précisait simplement que, pour être
imposable en vertu du paragraphe 2(3) de la Loi,
un revenu devait être tiré d'affaires exercées au
Canada par un non-résident; le revenu qui peut
être correctement classifié comme étant tiré de
biens ne serait pas alors visé par le paragraphe
2(3). Je suis également d'avis que les mots utilisés
au paragraphe 805(1) du Règlement entre 1957 et
1960, à savoir «la portion de son revenu qui peut
raisonnablement être attribuée à l'entreprise
qu'elle exerce au Canada», visaient à exempter
seulement le revenu tiré des affaires exercées par
la personne ne résidant pas au Canada, et non pas
le revenu tiré de biens même s'il pouvait être
attribué aux affaires dans un sens large.
Il s'ensuit que la modification apportée en 1960
à l'alinéa 31(1)a) de la Loi ne créait pas un vide
entre les montants qui seraient exemptés par le
paragraphe 805(1) du Règlement et les montants
qui seraient inclus dans le revenu aux fins de
l'alinéa 31(1)a). Le but visé était toujours d'éviter
la double imposition, et il n'a jamais été dans
l'intention du législateur de créer une sorte de vide
fiscal. Selon mon interprétation, la modification de
1960 ne tentait pas de soustraire à l'application de
l'alinéa 31(1)a) le revenu qui, avant la modifica
tion, aurait été visé par cet alinéa.
Je ne crois pas non plus que la modification
apportée en 1969 au paragraphe 805(1) du Règle-
ment a eu pour effet d'élargir la portée de l'exemp-
tion prévue par le règlement. La substitution des
mots «sauf les montants» aux mots «sauf la portion
de son revenu» met le libellé de l'exemption prévue
au paragraphe 805(1) du Règlement davantage en
harmonie avec le libellé de la Partie XIII; la Partie
XIII impose des «montants» déterminés; l'article
115 a pour effet d'imposer un «revenu».
L'évolution sur le plan législatif des dispositions
concernées me convainc que, pour l'application du
paragraphe 805(1) du Règlement, les seuls mon-
tants, par ailleurs imposables en vertu de la Partie
XIII, qu'on peut dire être raisonnablement attri-
buables aux affaires exercées au Canada par une
personne non résidante sont les montants qui peu-
vent être correctement classifiés comme des reve-
nus tirés de ces affaires. Les mots en litige, à
savoir ceux qui sont utilisés au paragraphe 805(1)
du Règlement, peuvent aller dans le sens de l'une
ou l'autre des opinions émises par les avocats, mais
l'évolution du règlement me convainc que seule
l'interprétation qui précède est en harmonie avec le
but visé par l'exemption sur le plan législatif.
Toutefois, même en dehors de leur évolution sur
le plan législatif, le paragraphe 2(3), l'article 115
et la Partie XIII de la Loi ainsi que le paragraphe
805 (1) du Règlement me sembleraient manifester,
pris ensemble, l'intention d'exempter de l'imposi-
tion des montants qui autrement seraient visés par
la Partie XIII s'ils étaient imposables en vertu de
la Partie I parce qu'ils entrent dans le champ
d'application du sous-alinéa 115(1)a)(ii) de la Loi.
C'est en vertu du paragraphe 2(3) et de la Partie
XIII de la Loi que les non-résidents sont assujettis
à l'impôt canadien sur le revenu. Il est raisonnable
d'admettre que les montants mentionnés dans la
Partie XIII peuvent parfois être imposables en
vertu de la Partie I, comme ils le seraient s'ils
pouvaient être correctement classifiés comme des
revenus tirés d'une entreprise, et de les exempter
dans ces cas de l'imposition en vertu de la Partie
XIII.
Ma conclusion selon laquelle, pour être exempt
d'impôt en vertu du paragraphe 805(1) du Règle-
ment, un montant doit être attribué à une entre-
prise exercée au Canada, c'est-à-dire être un mon-
tant tiré de cette entreprise, ne permet pas
cependant en elle-même de décider le présent
appel. Il subsiste une difficulté. Le revenu qui, à
première vue, peut sembler constituer un revenu
tiré de biens peut, à la suite d'une analyse plus
approfondie, s'avérer un revenu tiré d'une entre-
prise. Le revenu tiré de la location constitue un
exemple évident. Le loyer tiré de biens est consi-
déré en général comme étant un revenu tiré de
biens, mais non si le propriétaire fait de la location
une affaire. Pour une analyse des problèmes con
cernés, voir Wertman, Henry v. Minister of Natio
nal Revenue, [1965] 1 R.C.E. 629, plus particuliè-
rement aux pages 644 à 646.
Les dividendes en question pouvaient-ils alors
être considérés comme un revenu tiré de l'entre-
prise ferroviaire exercée par Penn Central au
Canada?
Il peut être utile de prendre en considération que
l'entreprise exploitée au Canada par Penn Central
consistait dans le transport par chemin de fer. Il
est vrai que Michigan Central était à toutes fins
pratiques une filiale à propriété exclusive de Penn
Central et qu'en vertu des actions de Canada
Southern détenues par Penn Central de son propre
chef ou en vertu d'une cession, cette dernière
contrôlait Canada Southern. Il n'en est pas moins
vrai cependant que chacune de ces compagnies
constituait une personne morale distincte. Il n'en
reste pas moins également que Penn Central avait
conclu un contrat de sous-location avec Michigan
Central et que Michigan Central avait conclu un
bail avec Canada Southern; chaque année, des
sommes d'argent devenaient dues à Michigan Cen
tral par Penn Central, et par Michigan Central à
Canada Southern. L'entreprise de chemin de fer
que Penn Central exploitait au Canada, en utili-
sant les installations ferroviaires qui appartenaient
à Canada Southern, était l'entreprise de Penn
Central, non celle de Michigan Central ou de
Canada Southern. Canada Southern n'a pas
exploité d'affaires du tout au cours des années
1972 et 1973; les revenus qu'elle a perçus prove-
naient de ses installations, y compris les installa
tions ferroviaires qu'elle louait à Michigan Cen
tral. Les trois compagnies étaient parties à la
renonciation, mais cette entente devait surtout
servir à l'acquittement des montants qui deve-
naient exigibles périodiquement relativement aux
loyers et aux dividendes. Les dividendes portés au
crédit de Penn Central par Canada Southern
étaient des dividendes, et les loyers et les sommes
qui devenaient dus périodiquement par Penn Cen
tral à Michigan Central et par Michigan Central à
Canada Southern étaient des sommes dues à titre
de «loyers».
J'estime qu'aux fins de la Loi de l'impôt sur le
revenu, les dividendes provenaient des actions de
Canada Southern. Canada Southern a payé ces
dividendes sur les fonds dont disposaient ses pro-
pres administrateurs pour déclarer des dividendes.
Ces fonds étaient le produit de la location des
installations ferroviaires, qui appartenaient à
Canada Southern, et, si je ne me trompe, d'autres
placements de Canada Southern. Il est vrai que,
n'eût été la location des installations ferroviaires,
Canada Southern aurait pu être incapable de
déclarer et payer des dividendes, et que les loyers
étaient calculés de façon à permettre que, dans la
mesure du possible, un dividende de 3 $ soit versé
chaque année sur chaque action en circulation. Il
est également évident que Penn Central contrôlait
effectivement Canada Southern. Il n'en reste pas
moins cependant que les dividendes provenaient
des actions et que les actions étaient des biens: voir
Canada Safeway Limited v. The Minister of
National Revenue, [1957] R.C.S. 717, plus parti-
culièrement les motifs exposés par le juge Rand
aux pages 725 et 726.
En l'espèce, on ne pourrait pas soutenir sérieuse-
ment que Penn Central faisait le commerce des
valeurs mobilières, et aucune allégation de ce
genre n'a été soutenue. Il y a peut-être cependant
une autre possibilité. Certaines décisions appuient
la thèse selon laquelle le revenu tiré de biens
utilisés dans une entreprise peut, dans certains cas,
constituer un revenu provenant de l'entreprise elle-
même; un exemple pourrait être le revenu tiré des
intérêts d'un compte bancaire, ce dernier étant
utilisé dans l'exploitation quotidienne de l'entre-
prise. Cette thèse a été appliquée dans Liverpool
and London and Globe Insurance Company v.
Bennett, [1913] A.C. 610 (H.L.). Sa portée et ses
limites ont cependant été étudiées soigneusement
dans Bank Line Ltd. v. Commissioners of Inland
Revenue (1974), 49 T.C. 307 (Sess.). Dans l'af-
faire Bank Line, une compagnie dont l'entreprise
résidait dans la propriété et l'exploitation de navi-
res a constitué un fonds de remplacement de ces
navires. La compagnie a investi des sommes d'ar-
gent dont elle n'avait pas un besoin immédiat dans
des valeurs du gouvernement et des valeurs à court
terme de façon à disposer de fonds pour remplacer
éventuellement sa flotte. La compagnie a tenté,
mais sans succès, de traiter les intérêts qu'elle
tirait de ces placements comme un revenu prove-
nant de son entreprise ou commerce. Le lord prési-
dent de la Cour a dit, aux pages 316 et 317:
[TRADUCTION] Les parties au présent appel ont reconnu que le
critère à appliquer est celui qui a été formulé par le lord juge
Buckley dans l'arrêt portant sur des compagnies d'assurances
intitulé Liverpool and London and Globe Insurance Co. v.
Bennett 6 T.C. 327. Ce critère, que le lord juge Buckley énonce
dans ses motifs, à la page 374, est de savoir si les intérêts
représentaient des profits de l'entreprise tirés d'un fonds
employé et risqué dans l'entreprise. L'entreprise, et de fait la
seule entreprise, de cette compagnie résidait dans la propriété
et l'exploitation de navires, et la question se résume donc à
savoir si on peut dire à juste titre que son fonds de remplace-
ment de navires a été «employé et risqué» dans cette entreprise
à chacune des époques en cause.
Également dans l'arrêt Bank Line, lord Avon -
side a dit, à la page 333:
[TRADUCTION] Ainsi que je l'ai déjà dit, c'est un fait avéré
que la seule activité des appelantes réside dans la propriété et
l'exploitation de navires. Il est clair, à mon avis, que ce fait
n'induit aucunement à conclure que le revenu tiré de capitaux
détenus par les appelantes doit être considéré comme le produit
de l'entreprise. Le revenu devient le produit de l'entreprise
lorsqu'il provient de capitaux employés activement et avec
certains risques dans l'entreprise, capitaux qui sont utilisés dans
l'entreprise parce qu'ils sont nécessaires à son soutien ou,
peut-être, afin d'attirer des clients qui se soucient du crédit de
l'entreprise. Le revenu tiré de l'entreprise est «le produit» des
capitaux employés dans l'entreprise dans un sens présent et
actif. L'exemple classique est la compagnie d'assurances. Indé-
pendamment des contrats spéciaux, le capital d'une compagnie
de ce genre est exposé à des risques immédiats au moment de
l'émission d'une police et continue d'être exposé à des risques
constants pendant la durée de cette police.
Je ferais remarquer qu'en l'espèce, le juge de
première instance a bel et bien dit des dividendes
portés au crédit de Penn Central par Canada
Southern qu'ils «étaient imposables en vertu de la
Partie I et non pas de la Partie XIII de la Loi».
Cependant, les dividendes seraient imposables à
l'égard de Penn Central en vertu de la Partie I,
seulement s'ils étaient visés par le sous-alinéa
115(1)a)(ii) de la Loi, seulement s'ils constituaient
un revenu tiré de l'entreprise exploitée au Canada
par Penn Central. Je ne doute nullement que, si les
dividendes constituaient un tel revenu, ils échappe-
raient au champ d'application de la Partie XIII en
vertu du paragraphe 805(1) du Règlement.
Je n'ai toutefois pas compris que l'avocat de
l'intimée ait soutenu que les dividendes consti-
tuaient un revenu tiré de l'entreprise exploitée par
Penn Central au Canada et étaient par conséquent
assujettis à l'impôt en vertu de la Partie I. C'est
peut-être parce que, selon son allégation, les divi-
dendes, même s'ils constituaient un revenu tiré de
biens, pouvaient raisonnablement, comme l'a
décidé le juge de première instance, être attribués
à l'entreprise exploitée au Canada par Penn Cen
tral. L'avocat a avancé dans sa plaidoirie verbale
que le juge de première instance, lorsqu'il a conclu
que les dividendes pouvaient raisonnablement être
attribués à l'entreprise canadienne, voulait simple-
ment indiquer que les dividendes seraient imposa-
bles en vertu de la Partie I, s'ils étaient de fait
imposables. Il n'en reste pas moins cependant que
le juge de première instance a bel et bien dit que
les dividendes étaient imposables en vertu de la
Partie I.
La question cruciale pour déterminer si les divi-
dendes tirés des actions de Canada Southern peu-
vent être considérés comme étant un revenu tiré de
l'entreprise exploitée par Penn Central au Canada
n'est pas de savoir si les dividendes ont été utilisés
dans l'entreprise. La question est plutôt de savoir si
les actions elles-mêmes constituaient un fonds
«employé et risqué» dans l'entreprise. Il ne m'est
tout simplement pas possible, à partir des faits, de
statuer que c'est le cas. Sur ce point, les jugements
rendus par notre Cour dans R. c. Marsh &
McLennan, Limited, [1984] 1 C.F. 609, et La
Reine c. Ensite Limited, (n° 1) (1983), 83 DTC
5315, m'ont été d'un certain secours bien que, dans
les deux cas, la question essentielle était de savoir
si le revenu en question était un revenu tiré de
biens utilisés dans l'entreprise plutôt que de savoir
si c'était un revenu tiré de l'entreprise.
Pour tous ces motifs, j'accueillerais l'appel avec
dépens. J'annulerais le jugement de la Division de
première instance et le remplacerais par un juge-
ment rejetant avec dépens l'appel interjeté à la
Division de première instance.
LE JUGE HEALD: Je souscris à ces motifs.
LE JUGE STONE: Je souscris à ces motifs.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.