T-1392-86
Optical Recording Corporation (requérante)
c.
La Reine et Ministre du Revenu national
(intimés)
RÉPERTORIÉ: OPTICAL RECORDING CORP. c. CANADA
Division de première instance, juge Muldoon -
Ottawa, 15 août et 4 septembre 1986.
Impôt sur le revenu - Crédits d'impôt pour la recherche
scientifique - Dispositions législatives exigeant que les com-
pagnies qui émettent des titres désignent un montant ne dépas-
sant pas la valeur de la contrepartie pour laquelle les titres ont
été émis et paient 50 % du montant ainsi désigné au titre de
l'impôt dans le mois qui suit - Politique illégale du Ministère
consistant à permettre un report du paiement de l'impôt si
l'impôt exigible peut être annulé par des remboursements
avant la fin de l'année - L'avis de cotisation est irrégulier car
aucun montant n'a été .établi. - Le Ministre a amené la
requérante à croire qu'elle n'avait pas à verser d'impôts - Il a
soudainement pris des brefs de saisie-arrêt gelant les comptes
d'exploitation de la compagnie - Un certiorari est accordé
pour annuler le certificat et il est interdit au Ministre de
continuer les procédures de recouvrement jusqu'à ce qu'il soit
permis et juste de le faire - Loi de l'impôt sur le revenu, S.C.
1970-71-72, chap. 63, art. 152(8), 153(1) (mod. par S.C.
1980-81-82-83, chap. 48, art. 86; chap. 109, art. 19; chap.
140, art. 104; 1985, chap. 45, art. 85), (1.1) (mod. par S.C.
1980-81-82-83, chap. 48, art. 86), 194 (ajouté par S.C. 1984,
chap. 1, art. 95; chap. 45, art. 82; 1985, chap. 45, art. 105),
195(2) (ajouté par S.C. 1984, chap. 1, art. 95), 223 (mod. par
S.C. 1985, chap. 45, art. 114), 224 (mod. par S.C. 1980-81-
82-83, chap. 48, art. 103; chap. 140, art. 121), 225.2 (ajouté
par S.C. 1985, chap. 45, art. 116) - Déclaration canadienne
des droits, S.R.C. 1970, Appendice III - Loi sur l'adminis-
tration financière, S.R.C. 1970, chap. F-10, art. 17.
Fin de non-recevoir - Impôt sur le revenu - Crédits
d'impôt pour la recherche scientifique - Le Ministre dispense,
contrairement à la Loi, d'effectuer les paiements requis au
titre de l'impôt dans certaines circonstances - Politique illé-
gale - Le contribuable a subi un préjudice parce qu'il s'est
fondé sur l'offre écrite du Ministre et n'a pas déposé d'avis
d'opposition - Il est trop tard pour interjeter l'appel prévu à
la loi - Il a en fait été dit au contribuable qu'il n'avait pas
besoin d'obéir à la Loi tant que les fonctionnaires ne lui
disaient pas de payer - Le Ministre a ordonné la saisie-arrêt
sans aviser le contribuable que la situation avait changé - Le
Ministre ne peut pas tirer profit des saisies-arrêts.
Compétence de la Cour fédérale - Division de première
instance - Impôt sur le revenu - Certiorari destiné à annuler
l'avis de cotisation, la demande de paiement et le certificat -
Les comptes d'exploitation de la requérante ont été saisis afin
d'acquitter ses obligations fiscales découlant de l'émission de
titres en vertu des dispositions réglementant les crédits d'impôt
pour la recherche scientifique - Une politique du Ministère
permettait le report du paiement de l'impôt contrairement aux
exigences contenues dans la Loi - Dans l'affaire Ministre du
Revenu national c. Parsons, la Cour a statué qu'étant donné
que la Loi de l'impôt sur le revenu prévoit une procédure
d'appel, les cotisations ne peuvent faire l'objet d'examen, de
restriction ou d'annulation par la Cour — Les questions
soulevées en l'espèce vont au-delà des dispositions prévoyant
un droit d'appel sur lesquelles la Cour s'est penchée dans
l'affaire Parsons — Les points en litige visent des questions
d'illégalité administrative, de traitement injuste et d'irreceva-
bilité mettant en cause le pouvoir de contrôle d'un tribunal
supérieur — Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.),
chap. 10, art. 18, 28, 29 — Règles de la Cour fédérale, C.R.C.,
chap. 663.
La requérante est une société canadienne qui a émis des
titres afin d'obtenir des fonds pour la recherche et le développe-
ment en vertu des dispositions d'impôt sur le revenu relatives
aux crédits d'impôt pour la recherche scientifique. Suivant le
paragraphe 194(4) de la Loi, une compagnie qui émet de tels
titres doit, au plus tard le dernier jour du mois suivant le mois
de l'émission, désigner tout montant ne dépassant pas le mon-
tant de l'émission. L'acheteur initial des titres a par conséquent
le droit de déduire un crédit d'impôt égal à 50 % du montant
désigné. La requérante a produit la formule prescrite dans
laquelle elle a désigné la somme de 21 500 000 $; elle était donc
tenue de verser, au titre de l'impôt, la somme de 10 750 000 $.
Le paragraphe 195(2) prévoit que ce montant doit être payé au
receveur général au plus tard le dernier jour du mois qui suit le
mois od la désignation a été faite. Cependant, suivant la
politique du Ministère, le Ministre n'exige pas le paiement si la
corporation peut prouver que son impôt exigible sera annulé par
les remboursements accumulés à la fin de l'année pendant
laquelle les titres ont été émis. Bien qu'on ne puisse pas
considérer qu'une formule à laquelle n'est pas joint l'impôt
exigible a été produite suivant les règles, le Ministre ne
demande pas que le montant soit versé si la société peut prouver
qu'elle remplira son obligation fiscale.
Le Ministre a établi un avis de cotisation portant que, suivant
sa politique, les procédures de recouvrement seraient suspen-
dues en ce qui concerne l'obligation fiscale de la requérante si
cette dernière pouvait convaincre Revenu Canada qu'elle annu-
lerait son obligation fiscale avant la fin de l'année. La requé-
rante a toujours soutenu qu'elle réussirait à le faire. Malgré
cela, le Ministre a établi des demandes péremptoires de paie-
ment et le certificat prévu à l'article 223 en ce qui a trait aux
impôts qui seraient dus par la requérante. Des ordonnances de
saisie-arrêt ont été signifiées à deux des créanciers de la
requérante ce qui a eu pour effet de geler les comptes d'exploi-
tation de cette dernière.
La requérante cherche à obtenir des brefs de certiorari afin
d'annuler l'avis de cotisation établi par le Ministre, les deman-
des péremptoires de paiement et le certificat délivré conformé-
ment à l'article 223. Elle demande également un bref de
prohibition afin d'empêcher les intimés de continuer les procé-
dures de recouvrement.
Jugement: la demande devrait être accueillie.
Il faut tout d'abord déterminer la question de la compétence
de la Cour pour connaître de la requête présentée par la
requérante sur le fondement de l'article 18. Bien que la Cour
d'appel ait répondu négativement à cette question dans l'affaire
Ministre du Revenu national c. Parsons, la Division de pre-
mière instance a par la suite rendu des décisions apparemment
contradictoires qui ont laissé planer un certain doute sur la
compétence de la Cour sur de telles questions. La Cour a statué
dans l'affaire Parsons que la Loi de l'impôt sur le revenu
prévoit un appel à la Cour fédérale des cotisations établies par
le Ministre et que ces cotisations ne peuvent pas faire l'objet
d'examen, de restriction ou d'annulation par la Cour dans
l'exercice de la compétence qui lui est conférée par les articles
18 et 28. Cependant, les points en litige sont plus généraux que
les questions relatives aux avis de cotisation et ils vont au-delà
des dispositions de la Loi prévoyant un droit d'appel sur
lesquelles la Cour s'est fondée dans l'affaire Parsons pour
invoquer l'article 29 et refuser de reconnaître la compétence de
la Cour fédérale. Les points en litige visent des questions
d'illégalité administrative fondamentale, de traitement injuste
et d'irrecevabilité qui mettent en cause le pouvoir de contrôle
d'un tribunal supérieur justifiant ainsi l'intervention de la Cour
fédérale.
En adoptant le paragraphe 195(2), le Parlement a fixé un
délai obligatoire pour payer au receveur général l'impôt dû en
vertu des dispositions relatives aux crédits d'impôt pour la
recherche scientifique. La politique du Ministre consiste à
permettre aux sociétés de produire les formules requises sans
qu'elles soient accompagnées du paiement de l'impôt exigible à
condition qu'elles soient à même de prouver qu'elles annuleront
leurs obligations fiscales dans l'année de l'émission. Le Ministre
prévoit des arrangements volontaires qui ne sont assujettis à
aucune disposition législative et en vertu desquels il n'insiste
pas sur les paiements requis par le paragraphe 195(2). Lorsqu'il
est évident que la compagnie accumulera un remboursement
d'impôt suffisant pour annuler son obligation fiscale, aucune
autre mesure n'est requise. La politique du Ministre qui con-
siste à ne pas tenir compte de l'ordre de payer 50 % du montant
désigné dans le délai prescrit va au-delà des dispositions de la
Loi de l'impôt sur le revenu. Le Ministre n'est pas habilité par
la loi à faire échec à l'application du paragraphe 195(2). Cette
politique du Ministre est illégale. La défense de nécessité
invoquée par les intimés n'est pas convaincante. Les Ministres
qui se sont succédés ont souvent obtenu que la Loi soit modi-
fiée. Si cette politique était nécessaire, il aurait fallu obtenir
l'autorisation du Parlement.
Il est important de ne pas perdre de vue qu'au moment de la
production, aucun impôt n'est nécessairement dû ou établi. Au
contraire, aucun impôt n'est dû sauf un paiement au titre de
l'impôt. Au sens de la Loi, les mots «fixer l'impôt» signifient
«calculer, évaluer, fixer et déterminer» le montant d'impôt à
payer. Le Parlement a déjà établi la cotisation en fixant l'impôt
à 50 % du montant désigné. Le prétendu avis de cotisation
envoyé à la requérante est doublement nul parce que le Minis-
tre n'y exigeait pas le paiement de l'impôt et qu'il n'y avait pas
lieu à ce moment-là de fixer un impôt. Le comportement du
Ministre constitue une usurpation du pouvoir législatif. Il
importe peu que le Ministre ait eu comme objectif de faciliter
l'application de la disposition prévoyant les crédits d'impôt sans
compromettre le recouvrement des recettes fiscales. Le Minis-
tre a incité la requérante à croire qu'aucun paiement n'était
nécessaire. L'intimé a conseillé à la requérante de ne pas payer
en lui indiquant que les procédures de recouvrement seraient
suspendues. Le Ministre a encore une fois refusé d'exiger le
paiement une fois expiré le délai de quatre-vingt-dix jours au
cours duquel la requérante aurait pu déposer un avis d'opposi-
tion au prétendu avis de cotisation. Le Ministre a une. plus
grande part de responsabilité que la requérante pour avoir
passé outre à la Loi. La requérante était encore sous l'impres-
sion que cette politique illégale était appliquée lorsque par suite
d'un changement d'attitude dont elle n'a pas été avisée, ses
comptes d'exploitation ont été gelés en vertu d'ordonnances de
saisie-arrêt. Parce qu'ils ont abusé de leur pouvoir et fait de
fausses représentations, les intimés ne peuvent manifestement
pas tirer profit de leurs saisies-arrêts soudaines. Le Ministre ne
peut placer un contribuable dans une position préjudiciable en
ayant recours à des moyens administratifs illégaux qui ont
illégalement placé le contribuable dans une position précaire.
Le comportement illégal du Ministre et son excès de compé-
tence ne peuvent qu'entraîner l'annulation des décisions et
mesures contestées.
JURISPRUDENCE
DISTINCTION FAITE AVEC:
Ministre du Revenu national c. Parsons, [1984] 2 C.F.
331; 84 DTC 6345 (C.A.) infirmant [1984] 1 C.F. 804;
(1983), 83 DTC 5329 (1" inst.); WTC Western Techno
logies Corporation c. M.R.N. (1985), 86 DTC 6027
(C.F. lfe inst.); Bechthold Resources Ltd. c. Canada
(M.R.N.), [1986] 3 C.F. 116; 86 DTC 6065 (1" inst.); La
Reine c. Gary Bowl Ltd., [1974] 2 C.F. 146; 74 DTC
6401 (C.A.); Danielson c. Canada (sous-procureur géné-
ral), [1987] 1 C.F. 335; 86 DTC 6340 (1" inst.).
AVOCATS:
G. A. Smith pour la requérante.
J. S. Gill, H. W. Winkler et D. Winters pour
les intimés.
PROCUREURS:
McCarthy & McCarthy, Toronto, pour la
requérante.
Le sous-procureur général du Canada pour
les intimés.
Ce qui suit est la version française des motifs
de l'ordonnance rendus par
LE JUGE MULDOON: Quiconque examine les
documents versés au dossier de la Cour dans les
présentes procédures constatera que les avocats de
la requérante ont formulé comme suit l'un des
renvois qui précèdent l'intitulé de l'action (intitulé
de la cause): «ET la Loi constitutionnelle de 1982
et les articles 7, 8, 24 et 52 de ladite loi». Ce renvoi
annonce la réclamation suivante: [TRADUCTION]
«(6) Un jugement déclaratoire portant que les
articles 223 et 224 de la Loi de l'impôt sur le
revenu sont inopérants». Au début de l'audition du
présent litige le 15 août 1986, l'avocat de la requé-
rante a indiqué à la Cour que sa cliente renonçait à
demander que les articles 223 [mod. par S.C.
1985, chap. 45, art. 114] et 224 [mod. par S.C.
1980-81-82-83, chap. 48, art. 103; chap. 140, art.
121] de la Loi de l'impôt sur le revenu soient
déclarés inopérants. Qu'il en soit ainsi.
(On peut faire observer entre parenthèses que le
législateur qui a adopté l'annexe I de la Loi sur la
Cour fédérale [S.R.C. 1970 (2e Supp.), chap. 10]
et les juges qui ont rédigé l'annexe I des Règles
[Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663],
n'ont prévu aucune disposition pour ce genre de
renvois. En outre, si Sa Majesté la Reine peut
vraiment être considérée comme une partie en
l'espèce, ce qui est douteux, l'expression «du chef
du Canada» est tout aussi inutile que les renvois
susmentionnés et elle devrait subir le même sort.
Ceux-ci ne figureront pas dans l'ordonnance for-
melle qui tranchera la présente requête et on
pourra considérer qu'il s'agit d'une ordonnance
éliminant dans toutes les procédures ultérieures se
rapportant à la présente affaire tous les autres
renvois qui n'ont rien à voir avec celle-ci.)
Les autres conclusions formulées par la requé-
rante sont les suivantes:
[TRADUCTION] (1) Un bref de certiorari ou une ordonnance de
cette nature afin d'annuler la décision de l'intimé, le ministre
du Revenu national, établissant qu'un impôt serait dû par la
requérante et la délivrance d'un document intitulé «Avis de
cotisation» et daté du 3 juin 1985, relativement audit impôt.
(2) Un bref de certiorari ou une ordonnance de cette nature
afin d'annuler la décision de l'intimé qui a, en vertu de l'article
224 de la Loi de l'impôt sur le revenu, délivré par messager à la
Banque Royale du Canada, 20, rue King ouest, Toronto (Onta-
rio) une «Demande péremptoire de paiement» datée du 18 mars
1986 relativement aux impôts qui seraient dus par la
requérante.
(3) Un bref de certiorari ou une ordonnance de cette nature
afin d'annuler la décision de l'intimé qui a, en vertu de l'article
224 de la Loi de l'impôt sur le revenu, délivré par messager au
Canada Permanent Trust, 66, rue Temperance, Toronto (Onta-
rio), une «Demande péremptoire de paiement» datée du 18 mars
1986 relativement aux impôts qui seraient dus par la
requérante.
(4) Un bref de certiorari ou une ordonnance de cette nature
afin d'annuler la décision de l'intimé qui a émis un certificat en
vertu de l'article 223 de la Loi de l'impôt sur le revenu au sujet
des impôts qui seraient dus par la requérante.
(5) Un bref de prohibition ou une ordonnance de cette nature
interdisant aux intimés et à toutes les personnes qu'ils ont sous
leur direction ou contrôle de continuer les procédures de recou-
vrement engagées contre la requérante jusqu'à ce qu'il soit
permis de le faire.
(6) [conclusion abandonnée]
(7) Toute autre ordonnance que la Cour peut estimer juste.
Au soutien de ses conclusions, la requérante fait
valoir les motifs suivants:
[TRADucTioN] a) L'intimé a outrepassé sa compétence ou a
agi sans compétence en délivrant l'avis de cotisation.
b) Le document intitulé «Avis de cotisation» et délivré par
l'intimé contient une erreur manifeste parce qu'il y est indiqué
que l'impôt établi serait dû en vertu du paragraphe 195(2) de la
Loi de l'impôt sur le revenu qui ne crée aucune obligation de ce
genre.
c) Le certificat délivré conformément à l'article 223 de la Loi
de l'impôt sur le revenu contient une erreur manifeste en ce qui
a trait au montant de l'impôt, s'il en est, qui est dû par la
requérante.
d) Les procédures de recouvrement engagées par l'intimé équi-
valent à une saisie abusive des biens de la requérante et
contreviennent aux articles 7, 8 et 52 de la Charte des droits et
libertés.
e) [motif abandonné]
f) Les procédures prévues aux articles 223 et 224 de la Loi de
l'impôt sur le revenu sont injustes et portent atteinte au droit
de la requérante à une audition impartiale de sa cause et à la
jouissance de ses biens, droit qui lui est garanti par la Déclara-
tion canadienne des droits.
Parce qu'il invoque la Déclaration canadienne des
droits [S.R.C. 1970, Appendice III], le motif f) va
plus loin que le redressement demandé et, dans la
mesure où il vise à obtenir un jugement déclara-
toire portant que les articles en cause sont nuls ou
inopérants, on considère qu'il a lui aussi été
abandonné.
John Adamson, le président de la requérante, a
produit un affidavit au nom de cette dernière. Sont
jointes à cet affidavit de nombreuses et volumineu-
ses pièces qui demandent un examen et des com-
mentaires plus détaillés qu'il n'est possible de le
faire en l'espèce étant donné la nature urgente du
présent litige sur lequel les parties souhaitent que
la Cour se prononce sans délai. M. Adamson a été
contre-interrogé sur son affidavit dont le paragra-
phe 19 a été radié. Aucun affidavit n'a été produit
pour le Ministre intimé.
La requérante a signifié et soumis un exposé
plutôt succinct des faits et des points de droit,
exposé qui est inclus dans le dossier de la présente
requête. Les intimés ont soumis un exposé de ce
genre ainsi que deux recueils de jurisprudence.
Pour des raisons de commodité, ces exposés des
faits sont reproduits ci-dessous et ils sont accompa-
gnés des commentaires, résumés et conclusions que
la Cour estime souhaitables et nécessaires. On y
fait mention des renvois des parties à d'autres
documents. La requérante est souvent désignée par
l'abréviation O.R.C.
[TRADUCTION] 1. La requérante est une société canadienne
exploitant une entreprise de recherche et de développement
scientifiques et dont le siège social se trouve à Toronto dans la
municipalité de la communauté urbaine de Toronto.
2. La compagnie a été constituée le 17 août 1984 sous la raison
sociale Information Tunnel Research Inc., raison sociale qui a
par la suite été changée pour Optical Recording Corporation.
3. La fin de l'exercice financier de la société est fixée au 28
février.
(Les intimés reconnaissent la véracité des affirma
tions qui précédent.)
4. En avril 1985, la requérante O.R.C. a désigné conformément
au paragraphe 194(4) de la Loi de l'impôt sur le revenu des
montants totalisant 21 500 000 $, ce que les intimés admettent.
Elle affirme que ces montants constituaient la contrepartie
qu'elle a reçue à la suite de l'émission d'actions et de créances
et de l'octroi de certains droits pour financer la recherche et le
développement scientifiques. [On peut considérer aux fins des
présentes procédures que cette affirmation est vraie, sans toute-
fois porter atteinte aux droits des intimés dans d'autres
affaires.]
5. En juin 1985, le ministre du Revenu national a signifié un
«Avis de cotisation» datée du 3 juin 1985 destiné à établir,
conformément au paragraphe 195(2) de la Loi, une cotisation
d'impôt de 10 750 000 $.
Voir l'affidavit de Gary John Adamson, paragraphe 8.
6. L'avis de cotisation était libellé comme suit:
Les sociétés qui ont émis des titres aux fins d'un crédit
d'impôt pour l'achat d'actions ou pour la recherche scientifi-
que sont en principe tenues de payer l'impôt prévu à la Partie
VIII au plus tard le dernier jour du mois suivant la transac
tion. Toutefois, les conditions du programme spécial de crédit
d'impôt leur permettent de réduire ou de ramener à zéro
leurs obligations fiscales par la déduction des dépenses
admissibles ou des crédits d'impôt. Étant donné qu'il est
possible de réduire l'impôt exigible en vertu de la Partie VIII,
Revenu Canada, Impôt est disposé à modifier ou à suspendre
son action en recouvrement de ces cotisations lorsque la
société arrive à le convaincre qu'elle aura ramené son obliga
tion à zéro d'ici la fin de l'année ou qu'elle fournit une
garantie acceptable. [Non souligné dans le texte original.]
Voir l'affidavit de Gary John Adamson, paragraphe 9 et la
pièce «D».
(Les intimés reconnaissent la véracité des paragra-
phes 5 et 6 susmentionnés.)
7. Se fondant sur cet énoncé, la société n'a pas déposé d'avis
d'opposition à l'avis de cotisation étant donné qu'elle avait déjà
annulé son obligation relativement à cet impôt.
Voir l'affidavit de Gary John Adamson, paragraphe 9, et son
contre-interrogatoire aux pages 30, 31, 32, questions 121 à
133.
Les intimés ne sont pas d'accord avec le paragraphe 7 et ils
affirment que lorsque le président de la requérante, M. Adam-
son, a reçu l'avis de cotisation, il ne l'a pas lu immédiatement
mais l'a plutôt mis de côté. Ce n'est qu'une fois le délai
d'opposition écoulé que M. Adamson s'est rendu compte qu'il
existait une procédure d'avis d'opposition.
Voir le contre-interrogatoire de John Adamson, pages 2 et 3,
questions 1 à 15, et pages 30 32, questions 121 133.
La requérante et les intimés ont raison. La Cour
estime que le document de deux pages a amené M.
Adamson, une fois qu'il en eut pris connaissance, à
reconsidérer sa position et a confirmé son opinion
que la requérante O.R.C. avait déjà annulé son
obligation quant à l'impôt exigible en vertu de la
Partie VIII et qu'il ressortait par conséquent du
passage souligné que le Ministre intimé et ses
employés ne réclamaient pas le paiement de la
somme de 10 750 000 $ inscrite sur l'autre page. Il
est vrai que M. Adamson n'a pas lu immédiate-
ment le document, qu'il ne s'est pas alors rendu
compte qu'il existait une procédure d'avis d'opposi-
tion et qu'il a été incapable de dire au cours du
contre-interrogatoire quelles expressions particu-
lières ou quelles structures linguistiques du para-
graphe cité l'ont ainsi amené à croire que ledit
paragraphe faisait disparaître toute obligation de
payer la somme inscrite sur l'autre page. Étant
donné la manière dont la Cour interprète les élé-
ments de preuve soumis, ces faits authentiques
indiqués par les intimés ont peu de sens ou de force
probante si on les compare au fait que le message
du Ministre a amené M. Adamson à conclure tout
à fait logiquement que ledit Ministre et ses
employés n'exigeaient pas le paiement de la somme
fixée, mais ne faisaient qu'accuser réception de la
déclaration de la requérante.
[TRADUCTION] 8. À la fin de 1985 et au début de 1986, John
Adamson a rencontré [suivent les noms de trois fonctionnaires
dont l'un de ceux-ci travaille pour Revenu Canada, division des
Recouvrements] afin de discuter de la possibilité pour O.R.C.
de donner un bien en garantie pour l'impôt qu'elle pourrait
devoir.
Voir l'affidavit de Gary John Adamson, paragraphe 10.
(Les intimés reconnaissent la véracité de ces faits.)
9. L'équipement scientifique acheté et qui devait servir à
annuler l'impôt exigible a été évalué par le professeur Cham
berlain. [Les intimés ajoutent à juste titre les remarques sui-
vantes.] Revenu Canada a retenu les services du professeur
Chamberlain uniquement pour qu'il vérifie si les recherches
effectuées par la requérante étaient de nature scientifique.
Toutes les déclarations du professeur Chamberlain ne portaient
que sur cette question. La requérante ne cherchait à obtenir
l'opinion de Revenu Canada que sur la question de savoir si les
ententes de financement concernant l'achat d'un certain équipe-
ment étaient conformes aux dispositions transitoires de la Loi
de l'impôt sur le revenu. C'est tout ce qui a été demandé à
Revenu Canada qui n'a donné son point de vue sur aucune
autre question.
Paragraphe 11 de l'affidavit de John Adamson et
son contre-interrogatoire aux
pages 11 16, questions 50 65;
pages 19 et 20, questions 73 76;
pages 21 23, questions 82 87, et
pages 53 56, questions 205 209.
10. Le 18 mars 1986, deux des créanciers d'O.R.C. (la Banque
Royale du Canada et Canada Permanent Trust) ont reçu
signification de demandes péremptoires de paiement de la part
du ministre du Revenu national, ce qui a eu pour effet de geler
les fonds détenus par ces créanciers pour le compte de d'O.R.C.
Voir l'affidavit de Gary John Adamson, paragraphes 12
et 13.
(Les intimés admettent ce fait.)
11. Optical Recording a demandé une prolongation du délai
requis pour produire un avis d'opposition à l'avis de cotisation
daté du 3 juin 1985. La réponse du Ministre a été négative.
Voir l'affidavit de Gary John Adamson, paragraphes 14 et
Les intimés reconnaissent la véracité des faits qui précèdent; ils
ajoutent toutefois que, suivant le paragraphe 167(5) de la Loi
de l'impôt sur le revenu, la Cour ne doit accorder une prolonga
tion de délai que si elle est convaincue que les conditions de
l'alinéa 167(5)c) de ladite Loi sont remplies, peu importe la
position des intimés.
12. Optical Recording a produit, pour son exercice financier se
terminant le 28 février 1986, une déclaration d'impôt sur le
revenu indiquant qu'elle ne devait aucun impôt exigible en
vertu de la Partie VIII étant donné qu'elle avait ramené cet
impôt à zéro en déduisant ses dépenses de recherche et de
développement.
Voir l'affidavit de Gary John Adamson, pièce «P».
Les intimés reconnaissent que la requérante a produit une telle
déclaration mais ils nient qu'elle a annulé l'impôt exigible en
vertu de la Partie VIII en déduisant des dépenses de recherche
et de développement.
13. Le ministre du Revenu national a indiqué qu'il poursuivrait
les procédures de recouvrement engagées dans cette affaire.
14. Le 3 juillet 1986, soit six jours avant l'audition en Cour
suprême de l'Ontario de la procédure engagée par Canada
Trust afin de revendiquer la somme de 543 858 $ due à Digital
Recording Corporation, le Ministre a consenti à ce que ces
fonds soient versés à Digital Recording Corporation.
(Les intimés reconnaissent la véracité des faits
exposés aux paragraphes 13 et 14.)
En vertu d'un contrat de dépôt, la somme sus-
mentionnée était détenue en dépôt fiduciaire par la
compagnie de fiducie dans le but d'acquitter le
reste des dépenses engagées pour l'achat d'équipe-
ment de recherche scientifique, dépenses grâce
auxquelles M. Adamson croyait que la requérante
avait ou aurait ramené à zéro l'impôt qu'elle devait
payer en vertu de la Partie VIII, au plus tard à la
fin de la journée du règlement.
Les intimés ajoutent certains autres faits à ceux
qui sont exposés plus haut et qui ont donné lieu à
peu de contestation en l'espèce:
[TRADUCTION] A. La requérante a décidé de son plein gré de
se prévaloir des dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu
relatives aux crédits d'impôt pour la recherche scientifique.
Contre-interrogatoire de John Adamson,
page 27, questions 106 et 107.
B. En produisant les désignations prévues au paragraphe
194(4) de la Loi de l'impôt sur le revenu, la requérante aurait
pu désigner n'importe quel montant jusqu'à concurrence de
21 500 000 $.
Contre-interrogatoire de John Adamson,
page 27, questions 108 et 109.
C. Conformément au paragraphe 194(4) de la Loi de l'impôt
sur le revenu, la requérante a désigné un montant total de
21 500 000 $ et elle a déclaré que l'impôt exigible en vertu de la
Partie VIII, soit 50 % du montant total désigné, s'élevait à
10 750 000 $. Les désignations ont été préparées suivant les
instructions de M. Adamson qui les a signées.
Contre-interrogatoire de John Adamson,
pages 25 27, questions 92 105.
(Les trois exposés des faits qui précèdent sont
exacts.)
D. Lorsqu'elle a produit les désignations conformément au
paragraphe 194(4) de la Loi de l'impôt sur le revenu, la
requérante savait que l'impôt exigible en vertu de la Partie VIII
serait égal à 50 % du montant total désigné.
Contre-interrogatoire de John Adamson,
page 27, question 110.
L'énoncé qui précède est cité correctement, mais il
serait plus exact s'il était rédigé comme suit: [TRA-
DUCTION] «pourrait être égal à 50 % du montant
total,. À la fin de l'année financière, l'impôt aurait
pu être ramené à zéro, ou inférieur mais non
supérieur à 50 %.
[TRADUCTION] E. Le montant de la cotisation envoyée à la
requérante au sujet des désignations produites égalait 50 % du
montant total desdites désignations, soit 10 750 000 $.
Contre-interrogatoire de John Adamson,
page 28, question 112.
L'énoncé E susmentionné est aussi correctement
cité, mais il considère comme réglée la question de
savoir si la présumée cotisation est tout simple-
ment nulle.
[TRADUCTION] F. Ni au moment où elle a reçu l'avis de
cotisation ni par la suite, la requérante n'a reçu confirmation
que Revenu Canada était convaincu que la compagnie rem-
bourserait l'impôt qu'elle devait en vertu de la Partie VIII.
Contre-interrogatoire de John Adamson,
page 33, question 134;
pages 11 16, questions 50 65;
pages 19 et 20, questions 73 76;
pages 21 23, questions 82 87, et
pages 53 56, questions 205 209.
G. La cotisation envoyée à la requérante n'a pas été modifiée
par suite d'une opposition ou d'un appel interjeté par celle-ci.
Contre-interrogatoire de John Adamson,
page 28, questions 113 et 114.
H. La requérante n'a jamais offert à Revenu Canada de lui
fournir un bien en garantie de l'impôt qu'elle devait payer en
vertu de la Partie VIII et elle a refusé toutes les demandes de
garantie faites par Revenu Canada.
Contre-interrogatoire de John Adamson,
pages 43 et 44, questions 169 171, et
pages 50 et 51, questions 187 191.
I. Les demandes péremptoires de paiement établies au sujet de
l'impôt dû par la requérante en vertu de la Partie VIII ne font
mention d'aucun avis de cotisation.
Contre-interrogatoire de John Adamson,
pages 41 43, questions 162 168.
J. La requérante a produit au début d'avril 1986 sa déclaration
d'impôt sur le revenu exigible en vertu de la Partie VIII.
Contre-interrogatoire de John Adamson,
pages 38 41, questions 153 161.
K. Revenu Canada vérifie actuellement la déclaration d'impôt
produite par la requérante en vertu de la Partie VIII.
Contre-interrogatoire de John Adamson,
page 53, question 200.
L. Le paragraphe 10 de l'affidavit de Gary John Adamson, fait
sous serment le 18 juin 1986, devrait être modifié de la manière
suivante:
À ces deux occasions, j'ai indiqué [au fonctionnaire du
service des recouvrements], et je le crois, qu'il n'était pas
nécessaire pour O.R.C. de donner un bien en garantie parce
qu'elle avait acquitté son obligation fiscale éventuelle en
achetant de l'équipement à Digital et qu'elle est une compa-
gnie bien établie à Toronto.
Contre-interrogatoire de John Adamson,
page 36, questions 145 et 146.
(Les affirmations contenues aux paragraphes F à
L sont exactes.)
Les intimés allèguent aussi un fait qui constitue
en réalité une conclusion de droit:
[TRADUCTION] M. Pendant toute la période en cause, la requé-
rante était tenue d'effectuer un paiement en vertu du paragra-
phe 195(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu.
Pour ce qui est du redressement demandé en l'es-
pèce, cette affirmation constitue un argument à
double tranchant qu'on associe traditionnellement
à la représentation symbolique de la justice.
Le paragraphe 195(2) de la Loi de l'impôt sur
le revenu [ajouté par S.C. 1984, chap. 1, art. 95]
sera examiné en corrélation avec d'autres questions
pertinentes, une fois déterminée la compétence de
la Cour pour connaître de la demande de redresse-
ment présentée par la requérante sur le fondement
de l'article 18 de la Loi sur la Cour fédérale. Cette
question a été soulevée et discutée par les deux
parties.
Il semblerait au premier coup d'oeil que cette
question soit déjà réglée. Dans la décision unanime
rendue par la Division d'appel dans l'arrêt Minis-
tre du Revenu national c. Parsons, [1984] 2 C.F.
331; 84 DTC 6345 (infirmant la décision de la
Division de première instance [1984] 1 C.F. 804;
(1983) 83 DTC 5329), la Cour a statué [aux pages
332 et 333 C.F.; 6346 DTC]:
Nous sommes tous d'avis que l'appel doit réussir sur le
fondement d'un seul motif restreint: les cotisations établies
contre les intimés ne pouvaient être contestées que de la
manière prévue aux articles 169 et suivants de la Loi de l'impôt
sur le revenu. À notre avis, l'article 29 de la Loi sur la Cour
fédérale le précise clairement.
Le savant juge de première instance a statué que, en l'espèce,
l'article 29 n'enlevait pas à la Division de première instance sa
compétence pour accueillir la demande présentée par les inti-
més en vertu de l'article 18 de la Loi sur la Cour fédérale parce
que, à son avis, l'appel que prévoyait la Loi de l'impôt sur le
revenu était limité à des questions concernant [TRADUCTION]
«le montant et l'assujettissement à l'impôt» alors que la
demande des intimés soulevait la question plus fondamentale du
pouvoir du Ministre d'établir les cotisations en cause. Nous ne
pouvons approuver cette distinction. Le droit d'appel que con-
fère la Loi de l'impôt sur le revenu n'est pas assujetti à de telles
restrictions.
À notre avis, la Loi de l'impôt sur le revenu prévoit expressé-
ment un appel comme tel à la Cour fédérale des cotisations
établies par le Ministre; il s'ensuit, selon l'article 29 de la Loi
sur la Cour fédérale, que ces cotisations ne peuvent pas faire
l'objet d'examen, de restriction ou d'annulation par la Cour
dans l'exercice de sa compétence en vertu des articles 18 et 28
de la Loi sur la Cour fédérale.
Depuis la publication de l'arrêt Parsons, la Divi
sion de première instance a rendu des décisions
apparemment contradictoires dans les affaires
WTC Western Technologies Corporation c.
M.R.N. (1985), 86 DTC 6027 (C.F. 1P» inst.) et
Bechthold Resources Ltd. c. Canada (M.R.N.),
[1986] 3 C.F. 116; 86 DTC 6065 (P » inst.).
Les questions soulevées en l'espèce au sujet du
paragraphe joint au supposé avis de cotisation
(pièce «D», déjà mentionnée) et à propos de la
politique de recouvrement du Ministre intimé
(pièce «A» jointe à l'affidavit de M. Adamson)
vont bien au-delà des dispositions de la Loi de
l'impôt sur le revenu prévoyant un droit d'appel
sur lesquelles la Division d'appel s'est fondée pour
invoquer l'article 29 de la Loi sur la Cour fédérale
afin de ne pas reconnaître la compétence de la
Division de première instance dans l'affaire
Parsons.
En l'espèce, les points en litige sont plus géné-
raux et ne concernent pas les questions de prolon
gation du délai d'appel, de la validité d'un avis de
cotisation et de l'appel qui peut être formé contre
celui-ci. Ils visent des questions d'illégalité admi
nistrative fondamentale, de traitement injuste et
d'irrecevabilité qui mettent en cause le pouvoir de
contrôle d'un tribunal supérieur de sorte que,
même si on statuait finalement que la décision
rendue par la Cour concernant ces questions est
erronée, on devrait considérer que celle-ci a décidé
à juste titre de connaître de ces questions. Par
conséquent, l'espèce est très différente de l'affaire
Parsons. Ellé se distingue également des décisions
rendues dans les affaires WTC Western et Bech-
thold Resources. Pour ces motifs que j'exposerai
plus en détail, la Cour accepte d'exercer sa compé-
tence et de connaître de la présente requête.
On peut trouver dans les deux premières pages
d'un document interne du Ministère portant sur la
politique administrative et les procédures à suivre
et dont une copie a été jointe à l'affidavit de M.
Adamson sous la cote «A», une explication brève et
générale du programme de Crédits d'impôt pour la
recherche scientifique (CIRS), rédigée dans un
style plus narratif que celui de la Loi:
La Loi de l'impôt sur le revenu prévoit des encouragements à la
recherche et au développement (R & D) depuis 1944. Toute-
fois, ces encouragements fiscaux n'étaient auparavant utiles
qu'aux seules compagnies qui avaient des revenus imposables.
Les CIRS ont été créés pour permettre à des compagnies qui
faisaient de la recherche de faire bénéficier des investisseurs de
leurs encouragements fiscaux afin de les aider à dénicher du
financement provenant de l'extérieur pour leurs programmes de
R & D. Les CIRS peuvent être accordés après septembre 1983
à l'égard de dépenses de R & D admissibles qui ont été
engagées après le 19 avril 1983.
Les dispositions relatives aux CIRS autorisent une corporation
imposable à émettre des actions et des créances ou à accorder
certains droits (titres aux fins d'un CIRS) après le 30 septem-
bre 1983, afin de mobiliser des fonds pour financer ses activités
de R & D. En vertu du paragraphe 194(4) de la Loi, une
compagnie qui émet des titres aux fins d'un CIRS peut dési-
gner, en produisant une formule prescrite T2113 au plus tard le
dernier jour du mois qui suit le mois de l'émission, tout montant
ne dépassant pas le prix d'émission des titres pertinents (libres
de toute aide gouvernementale reçue par l'investisseur à l'égard
du titre visé). Le premier acheteur des titres aux fins du CIRS
acquiert ainsi le droit de demander un crédit d'impôt égal à
50 % du montant désigné par l'émetteur à l'égard des titres
visés.
(pages 00006 et 00007 du dossier de la requête)
En faisant sa désignation, la requérante a pro-
duit dans le délai prescrit la formule T2113 qui
constitue l'annexe A et est jointe aux arguments
des intimés. Ayant désigné un montant de
21 500 000 $, la requérante était tenue de verser
une somme de 10 750 000 $ au titre de son impôt
payable en vertu de la Partie VIII de la Loi. Cette
obligation découle du paragraphe 195(2) de la Loi.
Le paragraphe 195(2) de la Loi de l'impôt sur
le revenu est au centre même du litige. En voici le
libellé:
195... .
(2) Lorsque, dans un mois donné d'une année d'imposition,
une corporation émet une action ou une créance, ou accorde un
droit, à l'égard de laquelle ou duquel elle désigne un montant
en vertu de l'article 194, elle doit, dans le mois qui suit le mois
donné, payer au receveur général au titre de son i jpôt payable
en vertu de la présente Partie pour l'année un montant égal à
50% du total de tous les montants ainsi désignés. [Non souligné
dans le texte original.]
Cette disposition adoptée solennellement par le
Parlement est obligatoire, absolue et précise.
Le montant final de l'impôt, au titre duquel le
paragraphe 195(2) exige le versement de 50 % du
total des sommes désignées, ne sera pas supérieur à
ce montant. L'énoncé de politiques joint sous la
cote «A» prévoit aux pages 2 et 3 (pages 00008 et
00009 du dossier de la requête): «Toutefois, aucun
impôt ou intérêt en vertu de la Partie VIII ne sera
exigible dans la mesure où l'impôt exigible d'une
corporation en vertu de la Partie VIII est annulé
par les remboursements de la Partie VIII accumu-
lés à la fin de l'année d'imposition au cours de
laquelle [elle] a émis les titres aux fins du CIRS
visé».
Au cours de ses plaidoiries, l'avocat des intimés
a indiqué que si le Ministre commençait à exiger le
paiement conformément au paragraphe 195(2),
c'est tout le fonctionnement du système des CIRS
qui serait touché. Il a souligné que le Ministre
intimé essaie de faciliter le fonctionnement du
système mais non de compromettre le recouvre-
ment des recettes fiscales; et il a ajouté que si le
Ministre se montre strict, les dispositions législati-
ves seront inapplicables. C'est pourquoi le Ministre
prévoit des arrangements volontaires qui ne sont
assujettis à aucune disposition législative ni ne
dépendent de l'approbation du Parlement.
Il ne fait aucun doute que les sociétés engagées
dans la recherche scientifique doivent apprécier le
caractère indulgent de ces arrangements volontai-
res non prévus dans la Loi ainsi que les bonnes
intentions des différents ministres qui se sont suc-
cédés. Mais, du point de vue juridique, ces bonnes
intentions n'ont rien à voir.
À la page 8 des arguments des intimés, on
trouve le passage suivant:
[TRADUCTION] La formule T2113 [déjà mentionnée] précise
que l'impôt dû en vertu de la Partie VIII ainsi que l'amende
doivent être joints à la formule.
Elle indique qu'aucun impôt n'est nécessairement
établi ou dû sauf au moment de sa production. Le
paragraphe 195(2) n'exige le paiement «[qu']au
titre de son impôt payable en vertu de la présente
Partie». Le passage continue comme suit:
[TRADUCTION] À strictement parler, on ne peut affirmer
qu'une formule à laquelle n'est pas joint l'impôt exigible en
vertu de la Partie VIII a été produite suivant les règles. Le
Ministre ne s'en tient toutefois pas à une approche aussi stricte
et il considère que ces formules sont malgré tout produites
suivant les règles. Il n'insiste pas non plus sur les paiements
exigés par le paragraphe 195(2) si la société peut prouver
qu'elle remplira l'obligation fiscale qui lui est imposée par la
Partie VIII.
Pour ce qui est de l'application conciliante de la loi
par le Ministre, la requérante a toujours soutenu
qu'elle réussirait légalement à annuler l'obligation
fiscale qui lui est imposée par la Partie VIII et elle
a déposé en preuve une copie ,de sa déclaration
pour l'année d'imposition se terminant le 28 février
1986 (à la page 00110 du dossier de la requête)
afin de prouver ses prétentions. Le Ministre n'a
pas encore établi l'impôt exigible en vertu de la
Partie VIII à cet égard.
La pièce «A» expose en détail la politique suivie
par les intimés, mais elle est beaucoup trop longue
pour être citée en l'espèce. Comme l'ont confirmé
les avocats des intimés, le document indique qu'il
est réservé «à l'usage du Ministère seulement».
Deux extraits de cette politique suffiront à montrer
comment elle s'écarte de la règle précise et absolue
adoptée par le Parlement au paragraphe 195(2).
Voici un extrait des pages 5 et 6 (pages 00011 et
00012 du dossier de la requête):
Étant donné que ce projet a pour but d'établir si les corpora
tions sont à même de s'acquitter de leurs obligations fiscales en
vertu de la Partie VIII, des réponses doivent être apportées aux
questions suivantes à l'entrevue et une copie des résultats doit
être placée dans le dossier T2 avec la correspondance
permanente.
1. Comment le contribuable a-t-il l'intention de s'acquitter de
son obligation fiscal [sic] en vertu de la Partie VIII?
À la page 7 de la pièce «A» (page 00013 du dossier
de la requête), on trouve le texte suivant:
Lorsqu'il semble évident que la compagnie a accumulé ou
accumulera un remboursement d'impôt en vertu de la Partie
VIII suffisant pour annuler son obligation fiscale en vertu de la
Partie VIII, aucune autre mesure n'est requise. Il en va de
même de compagnies qui semblent être des contribuables intè-
gres d'après une évaluation de leurs antécédents, de leur impor
tance, de leur situation financière et de la nature de leurs
activités, ainsi que les compagnies qui peuvent démontrer qu'el-
les ont les ressources technologiques nécessaires pour mener un
véritable projet de recherche (c'est-à-dire du personnel qualifié,
les installations nécessaires, etc.) et la capacité financière de
consacrer suffisamment de fonds en dépenses de R & D
admissibles pour annuler leurs obligations fiscales en vertu de
la Partie VIII (c'est-à-dire que le contribuable a accès à un
financement interne ou externe suffisant pour engager des
dépenses de R & D suffisantes).
On a proposé aux avocats des intimés de suspen-
dre l'audience afin de leur permettre de se consul-
ter ou de consulter toute autre personne quant à
leur position au sujet du pouvoir conféré par la
Loi, le cas échéant, habilitant le Ministre à appli-
quer sa politique conciliante exposée dans les
pièces «A» et «D». Ils ont refusé la suspension de
l'audience mais se sont entretenus à leur table et
ont ensuite indiqué qu'ils ne pouvaient pas dire
quel était ce pouvoir.
Étant donné, comme les avocats des intimés
l'ont reconnu, que l'invitation du Ministre de ne
pas tenir compte de l'ordre de payer 50 % du
montant désigné dans le délai prescrit n'est pas
prévue par la Loi, elle va manifestement au-delà
des dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu
et n'est pas visée par le processus de l'opposition et
les autres dispositions d'appel qui ont été adoptées
par le Parlement. De même, le Ministre n'est pas
habilité par la Loi ou autrement à faire échec au
paragraphe 195(2) en ayant recours aux disposi
tions des paragraphes 153(1) [mod. par S.C.
1980-81-82-83, chap. 48, art. 86; chap. 109, art.
19; chap. 140, art. 104; 1985, chap. 45, art. 85] ou
(1.1) [mod. par S.C. 1980-81-82-83, chap, 48, art.
86] ou de l'article 17 de la Loi sur l'administra-
tion financière, S.R.C. 1970, chap. F-10.
Il ne reste plus qu'à conclure que cette politique
du Ministre est tout à fait illégale. Elle va directe-
ment à l'encontre du paragraphe 195(2) de la Loi
de l'impôt sur le revenu. En outre, la Loi ne
prévoit aucune procédure pour contester une telle
irrégularité par voie judiciaire.
La défense de nécessité invoquée accessoirement
par les avocats des intimés a peu de sens étant
donné que les ministres qui se sont succédés ont
toujours été membres des différents gouverne-
ments en place qui peuvent toujours, comme ils
l'ont souvent fait, soumettre au Parlement de nom-
breux amendements à la Loi. Si cette politique
consistant à conseiller et à permettre la désobéis-
sance à la loi était nécessaire, pourquoi ne pas
chercher à obtenir l'approbation et la ratification
du Parlement? Celui-ci est le seul arbitre constitu-
tionnel qui peut décider s'il est nécessaire de faire
preuve d'une telle indulgence, et lui seul peut et
pourrait adopter des dispositions législatives à cet
effet ou refuser de le faire.
Une fois les plaidoiries terminées, la Cour a
invité les avocats des deux parties à présenter par
écrit tout autre argument sur n'importe quelle des
questions débattues dans la salle d'audience. Dans
une lettre datée du 21 août 1986 qui a été signée
par les trois avocats des intimés et dont une copie a
été envoyée à l'avocat de la requérante, lesdits
avocats ont soumis les [TRADUCTION] «Arguments
additionnels des intimés».
Les intimés ont cité les jugements rendus dans
les affaires La Reine c. Gary Bowl Ltd., [1974] 2
C.F. 146; 74 DTC 6401 (C.A.) et Danielson c.
Canada (sous-procureur général), [1987] 1 C.F.
335; 86 DTC 6340 (C.F. ire inst.).
Dans l'affaire Gary Bowl, on a prétendu qu'un
jugement de la Commission de révision de l'impôt
qui avait accueilli un appel formé contre des «coti-
sations portant la mention nil» était nul et qu'au-
cun appel ne pouvait être interjeté d'une décision
nulle devant cette Cour. Le juge en chef actuel de
la Cour fédérale faisait alors partie du tribunal
d'appel et il a écrit au nom de la Cour (aux pages
150 et 151 C.F.; 6403 DTC) que, même si la
Commission aurait dû se rendre compte immédia-
tement qu'il n'existait aucun redressement qu'elle
pouvait accorder à bon droit et que l'appel devait
être rejeté, cela ne l'empêchait pas de statuer sur
ce qui était censé être un appel formé en vertu de
la Loi. Il n'a pas été mis en doute dans cette
affaire qu'il s'agissait d'une cotisation conforme à
la loi, c'est-à-dire une cotisation «portant la men
tion nil», et on n'a évidemment pas laissé entendre
que le Ministre avait créé une irrégularité afin
d'entraîner une violation de la loi, irrégularité qui
n'est même pas prévue dans les dispositions de la
Loi de l'impôt sur le revenu relatives à la procé-
dure. La décision rendue dans l'affaire Gary Bowl
qui est tout à fait correcte dans les circonstances
mentionnées n'a aucune incidence sur les faits de
l'espèce.
Dans l'affaire Danielson qui concerne le délai
accordé pour effectuer un paiement, on a considéré
que le recouvrement de [TRADUCTION] «l'impôt
établi à l'égard d'un contribuable» était compromis
au sens de l'article 225.2 de la Loi [ajouté par S.C.
1985, chap. 45, art. 116]. Ayant refusé de produire
tout élément de preuve, les intimés n'ont pas
prouvé l'existence d'une telle circonstance en l'es-
pèce. Il n'y a pas non plus de preuve qu'un avis a
été donné au contribuable comme le prescrit cet
article. Au contraire, la requérante en l'espèce
prétend que pendant qu'elle tentait encore de prou-
ver au Ministre qu'elle avait annulé l'obligation
fiscale que lui impose la Partie VIII, ledit Ministre
a gelé ses comptes d'exploitation sans avis ou autre
avertissement.
En présentant leur dernier argument, les avocats
des intimés reviennent à la décision rendue dans
l'affaire Bechthold et insistent sur le paragraphe
152(8) qui porte qu'une cotisation est réputée
valide sous réserve de certaines conditions. Il faut
souligner que la Cour a dit dans cette dernière
affaire (C.F., à la page 126; DTC, à la page 6070)
que «Les paragraphes (4) [mod. par S.C. 1984,
chap. 1, art. 84; chap. 45, art. 59] et (7) de
l'article 152 autorisent le Ministre à fixer des
impôts à une date quelconque». Au sens de la Loi,
les mots «fixer l'impôt» signifient [TRADUCTION]
«calculer, évaluer, fixer et déterminer». Le verbe
«fixer» («assess») n'a pas une portée générale. Il est
utilisé à la forme non pas intransitive mais transi
tive. Le Ministre doit fixer quelque chose. Il fixe
l'impôt, l'amende et l'intérêt. Que pouvait-il donc
fixer en vertu du paragraphe 195(2)? Sûrement
pas des impôts car ils n'étaient pas encore dus.
C'était un paiement «au titre de [l']impôt» qui était
dû. Comment le Ministre pouvait-il, en vertu du
paragraphe 195(2), calculer, évaluer, fixer ou
déterminer quelque somme que ce soit au titre de
l'impôt? Cette somme avait déjà été calculée, éva-
luée, fixée et déterminée par le Parlement qui
exige qu'un montant égal à 50 % des montants
désignés soit payé avant la fin du mois suivant. Le
Ministre n'avait rien à fixer. Le Parlement a établi
la cotisation et en a exigé le paiement d'une
manière précise. Ce qu'il a fait était tout à fait
approprié et il n'y avait pas lieu pour le Ministre
d'intervenir.
Les avocats des intimés invoquent l'objectif visé
par le Ministre et ses intentions pour justifier son
usurpation du pouvoir législatif et ils ne font ainsi
que mettre en évidence l'illégalité d'une telle façon
d'agir. Voici la partie 5 de leurs arguments
additionnels:
[TRADUCTION] Le moment du recouvrement de l'impôt exigi-
ble en vertu de la Partie VIII est fixé dans la Loi. Le paragra-
phe 195(2) exige qu'un paiement au titre de l'impôt soit
effectué dans les deux mois (au plus tard) de la date à laquelle
la désignation prévue à l'art. 194 est faite. En pratique, le
Ministre peut accorder une prolongation du délai du paiement
selon les circonstances, l'objectif fondamental de cette prolon
gation étant de protéger le recouvrement des impôts dus.
L'obéissance stricte à l'exigence péremptoire du par. 195(2) ou
encore la prolongation systématique du délai de paiement pour-
raient gravement entraver le fonctionnement de la Partie VIII.
Il est allégué que, dans les circonstances, le Ministre est la
personne toute désignée pour déterminer si les faits justifient ou
non la prolongation du délai de recouvrement. Il découle du
paragraphe 195(2) que la dette due à Sa Majesté (art. 222) se
matérialise le dernier jour du mois suivant celui où le montant a
été désigné. En traitant avec la requérante pour recouvrer le
montant dû, le Ministre agit de la même manière que d'autres
créanciers placés dans les mêmes circonstances. Tout compro-
mis fait pour acquitter la dette n'a aucune incidence sur la
validité de la dette elle-même. Il ne serait pas approprié de
légiférer sur le déroulement de ces négociations ou encore de
réglementer ces dernières par voie judiciaire car les droits
respectifs des parties ne sont pas en cause. Tous les compromis
faits par le Ministre l'ont été pour le bénéfice de la requérante.
Ils ont été faits gracieusement. Il est allégué que la pratique du
Ministre qui consiste, en matière de recouvrement, à tenir
compte des circonstances particulières dans lesquelles se trouve
un contribuable et de la protection des deniers publics doit être
encouragée plutôt qu'interdite afin d'atteindre l'o_bjectif de la
Partie VIII. [Non souligné dans le texte original.]
Comme il a déjà été mentionné, le Parlement a
pris des mesures adéquates et légales pour assurer
la protection des deniers publics et non pour que le
Ministre usurpe son pouvoir législatif.
Comme le soutient l'avocat de la requérante,
cette situation n'est pas, suivant les termes du
paragraphe 152(8), une simple question «[d']er-
reur, vice de forme ou omission» dans une cotisa-
tion «ou dans toute procédure s'y rattachant en
vertu de la présente loi». Il soutient à juste titre
dans sa réponse aux arguments additionnels des
intimés que le Ministre s'est en fait écarté des
procédures prévues par la Loi et a incité la requé-
rante à faire de même. C'est pourquoi il allègue
qu'il n'est pas possible d'appliquer ce paragraphe
pour valider un prétendu avis de cotisation délivré
sans compétence étant donné que cela n'est pas
prévu par ledit paragraphe.
L'avocat de la requérante veut bien admettre
que le Ministre jouit en fait d'un certain pouvoir
discrétionnaire pour déterminer si les faits d'un cas
particulier justifient une prolongation du délai de
recouvrement (sans qu'il mentionne expressément
à cet égard les dispositions du paragraphe 195(2))
mais il prétend que le Ministre devrait être lié par
les représentations qu'il fait à un contribuable. Il
ajoute que la requérante en l'espèce subit en fait
un préjudice car, s'étant fondée sur l'offre écrite
du Ministre (pièce «D» jointe à l'affidavit de M.
Adamson, susmentionnée), elle n'a pas déposé
d'avis d'opposition. La requérante soutient que, vu
qu'elle avait déjà annulé son obligation fiscale à
l'égard de l'impôt mentionné dans la formule de
l'avis de cotisation, elle a été amenée à croire qu'il
n'était pas nécessaire de produire un avis d'opposi-
tion et il est maintenant trop tard pour qu'elle
produise une tel avis dans le cadre d'un appel
ordinaire interjeté en vertu de la Loi de l'impôt sur
le revenu.
Il existe dans l'ensemble de notre système légal
un fort courant suivant lequel ni le souverain ni le
ministre du souverain ni un exacteur de celui-ci
n'est au-dessus de la loi. Ce courant est si fort que
nos citoyens s'attendent, à juste titre, à ce qu'un
ministre de la Couronne ne leur conseillera pas
d'enfreindre la loi.
Il est raisonnable de conclure que le président de
la requérante, John Adamson, s'attendait à la
même chose comme l'indiquent d'ailleurs son affi
davit et son contre-interrogatoire. Le pouvoir
apparent du sous-ministre qui a «signé» la note
jointe à l'avis de cotisation (pièce «D») amènerait
plus d'un contribuable raisonnable à croire à la
légitimité des affirmations qui y figurent, d'autant
plus (compte tenu de la nature humaine) qu'aucun
paiement n'était exigé. En fait, le Ministre disait à
la requérante dans cette note: [TRADUCTION]
«Malgré la règle de droit adoptée par le Parlement
au paragraphe 195(2), vous n'êtes pas obligée de
vous conformer à l'ordre absolu et précis de payer
une somme au titre de l'impôt tant que mes fonc-
tionnaires ou moi-même ne vous disons pas de le
faire.» Le Ministre a cherché à se placer au-dessus
de la loi en prétendant relever la requérante de
l'obligation que celle-ci lui impose et en publiant
un avis illégal à cet effet.
C'est ainsi que, en avril 1985, après que la
requérante O.R.C. eut désigné la somme de
21 500 000 $ conformément à l'article 194 [ajouté
par S.C. 1984, chap. 1, art. 95; chap. 45, art. 82;
1985, chap. 45, art. 105], le Ministre et ses fonc-
tionnaires ne se sont pas acquittés de leur devoir
qui consistait à exiger le montant égal à 50 % de la
somme désignée comme l'avait ordonné le Parle-
ment. C'était certainement le moment de le faire.
C'est également ainsi que, au début de juin
1985, lorsque cette curieuse «cotisation» (s'appli-
quant non pas à l'impôt mais peut-être à la somme
déjà perçue en vertu du paragraphe 195(2) de la
Loi) a été adressée à la requérante, l'intimé a
conseillé à cette dernière de ne pas payer parce que
le Ministère [TRADUCTION] «est disposé à modi
fier ou à suspendre son action en recouvrement».
Évidemment, à la suite d'un tel encouragement
apparemment officiel, même si M. , Adamson ne l'a
pas lu immédiatement, la requérante n'a pas payé
et l'intimé n'a pas appliqué la disposition législa-
tive qui ordonnait le paiement. Le Ministre a une
plus grande part de responsabilité et il est plus à
blâmer que la requérante pour avoir passé outre à
la Loi.
Les imprimés font partie de la mystique essen-
tielle des gouvernements au vingtième siècle, mais
personne ne doit s'y laisser prendre même lorsqu'il
s'agit de formules officielles et obligatoires. L'im-
primé lui-même n'a pas force de loi. On peut se
demander pourquoi le Ministre, le sous-ministre ou
leurs fonctionnaires ont choisi d'établir un avis de
cotisation pour transmettre leur message en date
du 3 juin 1985. Il n'y avait pas lieu de fixer à ce
moment-là un impôt dû en vertu de la Partie VIII.
Le Ministre n'en exigeait pas non plus le paiement,
comme ses paroles et ses actes le démontrent clai-
rement. Étant donné que la formule d'avis de
cotisation ne constituait ni une demande péremp-
toire ni une cotisation, elle est doublement nulle.
En fait, le message qu'on a voulu transmettre dans
la pièce «D» ou celui que l'on peut en déduire n'est
pas clair, sauf que la requérante n'était pas obligée
de payer quelque somme que ce soit tant que le
Ministre, le sous-ministre ou les fonctionnaires ne
lui disaient pas de s'exécuter.
Le délai de quatre-vingt-dix jours au cours
duquel la requérante aurait pu déposer un avis
d'opposition a expiré aux environs du 3 septembre
1985. C'est-à-dire qu'il a expiré s'il y avait vrai-
ment eu un avis de cotisation pouvant faire l'objet
d'un avis d'opposition et qu'il ne s'agissait pas d'un
double subterfuge. Le Ministre intimé et ses fonc-
tionnaires ont toutefois encore refusé d'exiger de la
requérante le paiement que le Parlement lui ordon-
nait d'effectuer au titre de l'impôt. Ils ont continué
à encourager cette violation flagrante de la Loi.
Comme l'indiquent les pièces «E» à «J», une
correspondance abondante a été échangée entre la
requérante et les employés du Ministre à la fin de
1985 et au début de 1986. À la fin de décembre
1985, le Ministre a désigné le professeur Chamber
lain pour qu'il évalue si les activités de la requé-
rante constituaient de la recherche scientifique.
Les parties étaient encore aux prises avec la politi-
que illégale du Ministre et la requérante avait
l'intention de montrer son merveilleux laboratoire
de recherche optique au professeur Chamberlain
lorsque, le 18 mars 1985, le Ministre a pris la
requérante par surprise en gelant ses comptes d'ex-
ploitation à l'aide de deux documents de saisie-
arrêt (pièces «K» et «L»).
L'avocat des intimés reconnaît que la Cour n'a
été saisie d'aucun élément de preuve montrant que
la requérante avait reçu un avertissement ou un
avis lui indiquant un changement dans l'attitude
officielle adoptée au cours des mois précédents. La
requérante n'a jamais été informée que le Ministre
avait changé d'avis au sujet du non-recouvrement
de l'argent. Celui-ci a commis une grave injustice
envers la requérante en l'attaquant après avoir tout
d'abord abusé illégalement d'un pouvoir manifeste
pour amener son président à croire qu'elle n'avait
pas (ou n'aurait pas) à payer. C'est injuste même
dans le cadre d'une initiative illégale qui était
censée permettre à la requérante de ne pas obéir à
un ordre péremptoire et précis de la loi.
On peut se demander pourquoi, lorsqu'il a
décidé qu'il devait finalement agir, le Ministre
intimé n'a pas enregistré un certificat de recon
naissance de dette devant cette Cour comme le
prévoit le paragraphe 223(2). Ce certificat aurait
eu le même effet qu'un jugement de la Cour. La
requérante aurait alors eu la possibilité d'interjeter
appel et aurait pu au moins chercher à obtenir une
suspension d'exécution pendant l'appel. Il semble
que le Ministre n'a pas encore invoqué ledit para-
graphe 223 (2) en l'espèce.
Parce qu'ils ont abusé de leur pouvoir et fait de
fausses représentations, les intimés ne peuvent
manifestement pas tirer profit de leur saisie-arrêt
soudaine des comptes de la requérante. Cette irre-
cevabilité joue également en vertu du droit public
même si le bénéfice tiré ne l'est pas à des fins
personnelles mais pour la protection des deniers
publics. Le principe de l'irrecevabilité est étroite-
ment lié à un autre vieux principe à la base de
notre droit, le principe ex turpi causa non oritur
actio. Il ne peut être permis au Ministre de placer
un contribuable dans une position préjudiciable en
ayant recours à des moyens administratifs illégaux
et inventés par le Ministre lui-même et qui ont
illégalement placé le contribuable dans une posi
tion très précaire. Les circonstances de l'espèce ne
justifient pas la décision de procéder à des saisies-
arrêts ni les documents de saisie-arrêt eux-mêmes.
Les actes du Ministre et de ses fonctionnaires
dénotent des erreurs de droit, un comportement
illégal, un excès de compétence. et un revirement
subit d'attitude sans avis raisonnable à tel point
que ces décisions et mesures contestées qui sont
préjudiciables à la requérante doivent en toute
justice être annulées. Il doit en être de même du
prétendu avis de cotisation, ce curieux document
nul à deux égards. S'il est statué ultérieurement
que cet élément de la décision de la Cour est
contraire à l'arrêt Parsons, on pourra juger qu'il
est distinct des autres dispositions de l'espèce et
peut en être dissocié.
Un certiorari est accordé pour annuler égale-
ment les décisions du Ministre intimé au terme
desquelles il avait délivré deux demandes péremp-
toires de paiement prévues par la Loi et rendu les
ordonnances de saisie-arrêt, et pour annuler les
documents de saisie-arrêt eux-mêmes dont la Cour
a été saisie à cette fin.
Il est maintenant beaucoup trop tard pour que la
requérante puisse se conformer dans les délais au
paragraphe 195(2) de la Loi de l'impôt sur le
revenu, ce que le Ministre lui avait déconseillé de
faire. Il y aurait maintenant lieu d'établir une
véritable cotisation d'impôt, y compris celui dû en
vertu de la Partie VIII le cas échéant, à partir de
la déclaration d'impôt sur le revenu produite par la
requérante, afin de déterminer si celle-ci a réelle-
ment annulé son obligation en ce qui a trait audit
impôt exigible en vertu de la Partie VIII.
Par conséquent, un certiorari est également
accordé pour annuler la décision de l'intimé en
vertu de laquelle il avait délivré un certificat con-
formément à l'article 223 de la Loi et pour annuler
le certificat lui-même dont la Cour est maintenant
saisie à cette fin. La requérante a donc droit
également à un bref de prohibition interdisant au
Ministre intimé ainsi qu'à toute personne sous sa
direction ou son contrôle de continuer les procédu-
res de recouvrement jusqu'à ce qu'il soit permis et
juste de le faire. Un critère pour déterminer le
moment juste et permis de reprendre les procédu-
res de recouvrement est suggéré plus haut.
La requérante a droit aux dépens taxables entre
parties.
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