A-1357-84
Victor Manuel Regalado Brito (appelant)
c.
Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (intimé)
RÉPERTORIÉ: BRITO C. CANADA (MINISTRE DE L'EMPLOI ET
DE L'IMMIGRATION)
Cour d'appel, juges Marceau, MacGuigan et
Lacombe -Montréal, 2 et 3 juin; Ottawa, 11 juil-
let 1986.
Immigration - Expulsion - L'appelant, après avoir été
déclaré inadmissible par une attestation signée par le Ministre
et le solliciteur général, a fait l'objet d'une ordonnance d'ex-
pulsion quoique reconnu être un réfugié au sens de la Conven
tion - L'attestation fait-elle foi de son contenu? - L'appe-
lant invoque la Charte et la Déclaration canadienne des droits
- La délivrance de l'attestation constitue-t-elle un traitement
cruel et inusité - Le libellé de la Loi montre que l'attestation
est concluante - La Loi ne confère pas un droit à une
personne dont le statut de réfugié est reconnu - Les événe-
ments sont antérieurs à la Charte - Loi sur l'immigration de
1976, S.C. 1976-77, chap. 52, art. 2, 4(1),(2), 5(1),
19(1)c),d),e),f),g), 23(3), 27(2)g), 39, 40, 41, 42, 47, 72(2),(3),
75(1)a),b), 76(1)a), 84, 119 - Déclaration canadienne des
droits, S.R.C. 1970, Appendice III, art. 2e) - Charte cana-
dienne des droits et libertés, qui constitue la Partie I de la Loi
constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le
Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.), art. 1, 7, 12 - Loi sur la
Commission d'appel de l'immigration, S.R.C. 1970, chap. I-13
(abrogée par S.C. 1976-77, chap. 52, art. 128), art. 21 - Loi
sur le Service canadien du renseignement de sécurité, S.C.
1984, chap. 21, art. 80.
Déclaration canadienne des droits - Ordonnance d'expul-
sion - L'appelant, après avoir été déclaré inadmissible par
une attestation signée par le Ministre et le solliciteur général,
a fait l'objet d'une ordonnance d'expulsion quoique reconnu
être un réfugié au sens de la Convention - L'impossibilité
pour la personne visée de faire une preuve à l'encontre de
l'attestation n'est pas contraire à l'art. 2e) de la Déclaration
des droits - La Loi sur l'immigration ne confère pas de droit
à celui dont le statut de réfugié est reconnu - L'arbitre, en
reprenant l'enquête après que l'appelant ait été reconnu comme
réfugié au sens de la Convention, a-t-il déterminé des droits et
des obligations - Loi sur l'immigration de 1976, S.C.
1976-77, chap. 52, art. 2, 4(1),(2), 5(1), 19(1)c),d),e),f),g),
23(3), 27(2)g), 39, 40, 41, 42, 47, 72(2),(3), 75(1)a),b), 76(1)a),
84, 119 - Déclaration canadienne des droits, S.R.C. 1970,
Appendice III, art. 2e).
Droit constitutionnel - Charte des droits - Non-rétroacti-
vité - Il n'est pas permis d'invoquer la Charte pour contester
une ordonnance d'expulsion antérieure à l'entrée en vigueur de
la Charte en s'opposant à la décision postérieure à la Charte
par laquelle la Commission rejetait l'appel formé contre l'or-
donnance - Charte canadienne des droits et libertés, qui
constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982,
annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.),
art. 1, 7, 12 — Loi sur l'immigration de 1976, S.C. 1976-77,
chap. 52, art. 2, 4(1),(2), 5(1), 19(1)c),d),e),f),g), 23(3), 27(2)g),
39, 40, 41, 42, 47, 72(2),(3), 75(1)a),6), 76(1)a), 84, 119.
Lorsque l'appelant a demandé la première fois la permission
d'entrer au Canada en réclamant la qualité de réfugié, le
ministre de l'Emploi et de l'Immigration et le solliciteur général
l'ont déclaré non admissible. Ils ont signé une attestation
précisant qu'à la lumière des rapports secrets qu'ils détenaient
en matière de sécurité et de criminalité et que la nécessité de
protéger les sources de renseignements empêchait de divulguer,
ils croyaient que l'appelant allait travailler ou inciter au renver-
sement d'un gouvernement par la force.
L'appelant a cherché une seconde fois à être admis au pays,
encore en qualité de réfugié. Bien que sa qualité de réfugié ait
été reconnue, son expulsion a été décrétée par l'arbitre, au
motif qu'il appartenait à une catégorie de personnes non admis-
sibles vu l'attestation des deux ministres.
Il s'agit d'un appel formé par l'appelant contre le rejet par la
Commission d'appel de l'immigration de l'appel qu'il avait
interjeté à l'encontre de l'ordonnance d'expulsion rendue par
l'arbitre. La Commission s'est demandée si l'attestation visée
par l'article 39 constituait en principe une preuve irréfragable,
et elle a conclu qu'elle n'avait pas à se prononcer sur la question
de façon définitive. Comme les motifs sous-jacents à l'attesta-
tion n'étaient pas connus et ne pouvaient être divulgués, il
n'était pas possible de savoir si la preuve réunie par l'appelant
était pertinente et suffisait à prouver que l'opinion des Minis-
tres était sans fondement. La Commission a été d'avis que le
refus de communiquer les motifs à la base de l'attestation
constituait un «traitement cruel et inusité» en contravention de
l'article 12 de la Charte, mais elle a aussi estimé qu'il s'agissait
là d'une restriction conforme aux limites raisonnables dont la
justification peut se démontrer dans une société libre et
démocratique.
Arrêt: l'appel devrait être rejeté.
Le juge Marceau: La Commission a conclu à bon droit que,
vu le secret entourant les motifs et les sources de l'attestation, il
était illusoire d'espérer prouver sa fausseté. Cela revenait à dire
que, dans le contexte où elle s'insérait, la disposition du para-
graphe 39(1) ne pouvait s'interpréter comme prévoyant que
seule la signature des Ministres ne pouvait être mise en doute.
De fait, le libellé de la Loi (gis proof» en anglais et «fait foi de
son contenu» en français) indique clairement que l'attestation
doit avoir une force probante définitive.
L'alinéa 2e) de la Déclaration des droits ne s'applique pas à
l'espèce parce que le refus de permettre à l'appelant de réfuter
l'attestation ne lui a pas été opposé au cours d'une «audition ...
de sa cause ... pour la définition de ses droits et obligations».
La reprise de l'enquête prévue par le paragraphe 47(1) avait
pour seul but de déterminer «si la personne en cause remplit les
conditions prévues au paragraphe 4(2)». Comme ce n'était pas
le cas, l'appelant n'a jamais eu le droit d'entrer au Canada et la
reconnaissance de son statut de réfugié ne lui a pas fait
acquérir le droit d'y demeurer. En common law, un étranger
n'a aucun droit d'entrer dans ce pays sauf avec la permission de
la Couronne, et aux conditions qu'elle juge nécessaires. Dans
l'arrêt Singh, la Cour suprême du Canada a statué que la
procédure de reconnaissance du statut de réfugié allait à l'en-
contre de l'alinéa 2e) de la Déclaration canadienne des droits.
La Cour a pu tirer une telle conclusion parce que la Loi sur
l'immigration attribue à celui qui revendique le statut de
réfugié le droit de tenter de convaincre les autorités qu'il est
effectivement un réfugié. Mais la Loi n'attribue aucun droit à
celui dont le statut de réfugié a été reconnu tant qu'il n'aura
pas satisfait aux conditions visant son admission.
La Charte ne s'applique pas à l'espèce. La compétence de la
Commission en vertu du paragraphe 39(1) est strictement une
compétence d'appel. La Commission ne pouvait accueillir un
appel fondé sur la Charte sans par le fait même appliquer cette
dernière rétroactivement. En réalité, ce sont l'ordonnance d'ex-
pulsion et la façon dont elle a été rendue qui sont présentées
comme ayant enfreint les droits de l'appelant garantis par la
Charte, et ces événements sont antérieurs à l'entrée en vigueur
de la Charte. D'ailleurs, même si elle avait été en mesure
d'accueillir l'appel, elle aurait dû s'en tenir à rendre l'ordon-
nance de renvoi «que l'arbitre chargé de l'enquête aurait dû
rendre». L'appelant ne peut non plus invoquer la distinction
faite par les tribunaux entre une application proprement
rétroactive à un acte passé et une application à une consé-
quence actuelle ou à un effet continu de cet acte passé. La
question ne se pose pas ici: c'est la décision par laquelle la
Commission a refusé d'annuler l'ordonnance d'expulsion qui est
en cause.
Le juge MacGuigan: Les conclusions du juge Marceau sont
bien fondées. Néanmoins, au chapitre de l'application du para-
graphe 2e) de la Déclaration canadienne des droits à la Loi sur
l'immigration, il y aurait lieu de tirer une conclusion contraire
n'eut été de la jurisprudence.
Dans l'arrêt Prata, la Cour suprême du Canada a décidé que
la Déclaration ne s'appliquait pas à une attestation ministérielle
semblable puisque la personne visée ne cherchait pas à faire
reconnaître un droit mais tentait plutôt d'obtenir un privilège
discrétionnaire.
Dans l'arrêt Singh, la Cour suprême a statué que la procé-
dure de reconnaissance du statut de réfugié établie dans la Loi
sur l'immigration de 1976 est incompatible avec les principes
de justice fondamentale énoncés dans la Charte ou protégés par
l'alinéa 2e) de la Déclaration canadienne des droits.
Il est peu vraisemblable que la Cour suprême continue
d'interpréter différemment la même expression (»principes de
justice fondamentale») dans les deux documents, surtout étant
donné l'arrêt Operation Dismantle, où elle a décidé que les
décisions du cabinet sont assujetties au contrôle judiciaire en
vertu de l'alinéa 32(1)a) de la Charte.
Le litige soulève deux questions. La première: est-il néces-
saire de nier entièrement le droit au contre-interrogatoire afin
de protéger les sources secrètes d'information du gouverne-
ment? En l'espèce, l'appelant a prétendu ne même pas savoir
quel gouvernement il était censé vouloir renverser. Les moyens
doivent être proportionnés au but.
La deuxième question est de savoir si les tribunaux ont la
compétence pour rendre de telles décisions. Aux États-Unis, les
tribunaux ont affirmé leur droit de vérifier la bonne foi et la
suffisance des décisions de l'exécutif. Ces questions restent sans
réponse au Canada.
Le juge Lacombe: Le point de vue du juge Marceau est
partagé, sauf en ce qui a trait à la portée de l'article 47 de la
Loi en regard de l'alinéa 2e) de la Déclaration canadienne des
droits.
La personne qui se voit reconnaître le statut de réfugié
n'acquiert pas de ce fait le droit automatique de demeurer au
Canada, mais elle acquiert certains droits, à portée limitée. En
principe, elle a au moins le droit d'établir qu'elle remplit
certaines conditions d'admissibilité. En pareil cas, l'arbitre qui
reprend une enquête en vertu de l'article 47 peut être appelé à
définir les droits et obligations d'un réfugié au sens de la
Convention dans le contexte de l'alinéa 2e) de la Déclaration
canadienne des droits, et il doit, en conséquence, poursuivre son
enquête et rendre sa décision en respectant les principes de
justice fondamentale.
En produisant devant l'arbitre l'attestation ministérielle, les
Ministres lui ont imposé leur décision et lui ont enlevé le
pouvoir de déterminer si l'appelant remplissait ou non les
conditions prévues au paragraphe 4(2) de la Loi. Ce sont les
Ministres, et non l'arbitre, qui ont défini .les droits et obliga
tions» de l'appelant.
Le cas de l'appelant doit être jugé selon la Loi en vigueur au
mois de janvier 1982. La Loi laissait à la discrétion ministé-
rielle le pouvoir de déterminer si une personne était ou non
admissible au Canada, dans les cas prévus aux alinéas 19(1)d),
e), f), g) ou 27 ( 2 )g).
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Re Regina and Potma (1982), 37 O.R. (2d) 189
(H.C.J.); R. v. Lee ( 1982), 1 C.C.C. (3d) 327 (C.A.
Sask.); R. v. Longtin (1983), 5 C.C.C. (3d) 12 (C.A.
Ont.).
DISTINCTION FAITE AVEC:
R. v. Konechny (1983), 10 C.C.C. (3d) 233 (C.A.C: B.);
R. v. Antoine (1983), 5 C.C.C. (3d) 97 (C.A. Ont.); R. v.
Langevin (1984), 11 C.C.C. (3d) 336 (C.A. Ont.); Re
Chapman and The Queen ( 1984), 12 C.C.C. (3d) 1 (C.A.
Ont.); Gittens (In re), [1983] 1 C.F. 152 (1' inst.).
DÉCISIONS EXAMINÉES:
Praia c. Ministre de la Main-d'oeuvre et de l'Immigra-
tion, [1976] 1 R.C.S. 376; Singh et autres c. Ministre de
l'Emploi et de l'Immigration, [1985] 1 R.C.S. 177;
Abourezk v. Reagan, 592 F.Supp. 880 (1984) (D.C.).
DÉCISIONS CITÉES:
Ernewein c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration,
[ 1980] 1 R.C.S. 639; R v Governor of Pentonville Prison,
ex parte Azam, [1973] 2 All ER 741 (C.A.); United
States ex rel. John Turner v. Williams, 194 U.S. 279
(1904); Mitchell c. La Reine, [19761 2 R.C.S. 570;
Operation Dismantle Inc. et autres c. La Reine et autres,
[1985] 1 R.C.S. 441; Kleindienst v. Mandel, 408 U.S.
753 (1972); Procureur général du Canada c. Jolly,
[1975] C.F. 216 (C.A.).
AVOCATS:
Giuseppe Sciortino pour l'appelant.
Normand Lemyre pour l'intimé.
PROCUREURS:
Melançon, Marceau, Grenier & Sciortino,
Montréal, pour l'appelant.
Le sous procureur général du Canada pour
l'intimé.
Voici les motifs du jugement rendus en français
par
LE JUGE MARCEAU: Par décision datée du 16
juillet 1984, la Commission d'appel de l'immigra-
tion rejetait le pourvoi de l'appelant porté à l'en-
contre d'une ordonnance d'expulsion rendue contre
lui par un arbitre, le 17 février 1982. L'appel dont
il s'agit ici, autorisé selon les prescriptions de
l'article 84 de la Loi sur l'immigration de 1976,
S.C. 1976-77, chap. 52, (ci-après (da Loi»), con-
teste la validité de cette décision. Les motifs invo-
qués sont nombreux et pour en traiter sans redites
et développements inutiles, il convient, je pense, de
prendre tout le temps nécessaire pour bien situer le
litige dans son contexte de faits, revoir avec soin
les prescriptions de la loi applicable et résumer
fidèlement les parties essentielles de la décision
contestée.
I
Le contexte factuel
Certains seulement des faits qui ont donné lieu à
ces procédures ont besoin d'être retenus mais leur
chronologie a de l'importance. Un énoncé rapide
sous forme de compte rendu d'événements, classés
selon leur date, sera plus simple et suffisant.
Avril 1980. L'appelant entre au Canada comme
visiteur pour une période d'un mois.
Mai 1980. Au cours d'une enquête d'un officier
d'immigration, l'appelant réclame le statut de
réfugié politique. L'enquête est donc ajournée.
Octobre 1980. L'appelant quitte le pays de lui-
même et sans avertissement avec l'idée, semble-
t-il, de se rendre au Nicaragua, mais il se retrouve
à Mexico où il sollicite un visa pour revenir au
Canada que le consulat canadien cependant lui
refuse.
Novembre 1980. Le ministre de l'Emploi et de
l'Immigration et le solliciteur général signent un
certificat attestant, notamment, ceci:
[TRADUCTION] ... nous estimons, à la lumière des rapports
secrets que nous détenons en matière de sécurité et de crimina-
lité, et que la nécessité de protéger les sources de renseigne-
ments empêche de divulguer, que
Victor Manuel REGALADO
est une personne visée à l'alinéa 19(1)f) de la Loi sur l'immi-
gration de 1976, et que sa présence au Canada est préjudiciable
à l'intérêt national.
Janvier 1982. L'appelant se présente à un poste-
frontière canadien (après être passé clandestine-
ment du Mexique aux Etats-Unis naturellement)
et réclame à nouveau le statut de réfugié. Sitôt
placé en détention, l'appelant s'adresse d'abord à
la Cour supérieure puis à la Cour d'appel pour
obtenir l'émission d'un bref d'habeas corpus, mais
il échoue.
Février 1982. En date du 8, le greffier du comité
consultatif sur le statut de réfugié avise l'appelant
que le ministre de l'Emploi et de l'Immigration
accepte sa prétention à l'effet qu'il est un réfugié
politique au sens de la Convention. Dix jours plus
tard, le 17, l'arbitre chargé de reprendre l'enquête
et de disposer du cas de l'appelant prononce une
ordonnance d'expulsion, l'un des deux motifs invo-
qués (et en fait le seul à retenir) étant que, vu
l'attestation des deux Ministres, l'appelant ferait
partie d'une catégorie de personnes non admissi-
bles. L'appelant se prévaut aussitôt de son droit
d'appel à la Commission contre la décision de
l'arbitre.
Avril 1982. Dans le cadre des procédures devant
la Commission, l'appelant fait émettre contre les
deux Ministres signataires de l'attestation des sub
poenas les enjoignant de comparaître à l'audience
pour être entendus comme témoins.
Mai 1982. À l'ouverture de l'audience, la Com
mission, à la requête du solliciteur général, excuse
les Ministres de ne pas avoir obtempéré à l'ordre
de comparaître, expliquant que ce serait «un exer-
cice futile et frivole que d'obliger ces messieurs de
témoigner». Informée de la volonté de l'appelant de
s'adresser à la Cour fédérale pour contrer son
attitude, la Commission suspend sans délai
l'audience.
Juin 1982. La Cour fédérale, première instance,
refuse d'émettre les brefs de prohibition et de
mandamus sollicités par l'appelant invoquant sim-
plement «pour motif d'irrecevabilité». L'appelant
s'inscrit en appel de la décision de première
instance.
Mai 1983. La Cour fédérale, division d'appel,
confirme l'opinion du juge de première instance à
l'effet que le cas n'en était pas un pouvant donner
ouverture à prohibition ou mandamus.
Février 1984. La Commission reprend l'audition
de l'appel contre l'ordonnance d'expulsion de
l'arbitre.
Septembre 1984. La Commission rejette l'appel.
Les dispositions législatives applicables
II est aisé de se rendre compte que toutes les
définitions de la Loi, ses grandes lignes, son orga
nisation sont plus ou moins impliquées, sinon
directement du moins par référence incidente, dans
la discussion d'un cas aussi complexe que celui ici
en cause. Il faut bien prendre pour acquis que ces
données générales sont connues, quitte à rappeler
l'une ou l'autre au fil de la discussion, si besoin est.
Ce ne sont que les dispositions spécifiquement
impliquées que cette revue préliminaire entend
couvrir.
a) Parmi les dispositions de principe du début, il
convient de relire les paragraphes 4(1), 4(2) et
5(1):
4. (1) Tout citoyen canadien, ainsi que les résidents perma
nents non visés au paragraphe 27(1), ont le droit d'entrer au
Canada.
(2) Sous réserve des lois du Parlement, le citoyen canadien,
le résident permanent ainsi que le réfugié au sens de la Conven
tion qui se trouve légalement au Canada, ont le droit d'y
demeurer à l'exception
a) du résident permanent visé au paragraphe 27(1); et
b) du réfugié au sens de la Convention qui tombe sous le
coup des alinéas 19(1)c), d), e), f) ou g) ou 27(1)c) ou d) ou
27(2)c) ou qui, déclaré coupable d'une infraction prévue par
une loi du Parlement,
(i) a été condamné à plus de six mois de prison, ou
(ii) est passible d'au moins cinq ans de prison.
5. (1) Seules les personnes visées à l'article 4 ont le droit
d'entrer au Canada et d'y demeurer.
b) L'article 19, en tête de la Partie III intitulée
EXCLUSION ET RENVOI, énumère en son paragra-
phe (1), les «Catégories de personnes non admissi-
bles». A noter l'alinéa f):
19. (I) Ne sont pas admissibles
f) les personnes au sujet desquelles il existe de bonnes raisons
de croire que, pendant leur séjour au Canada, elles travaille-
ront ou inciteront au renversement d'un gouvernement par la
force;
c) Les articles 39 42 sont groupés sous le titre
«Sûreté et sécurité publiques» (Safety and Secu
rity of Canada). Il faut les avoir tous présents à
l'esprit en même temps que l'article 119 qui s'y
rattache:
39. (I) Nonobstant toute disposition de la présente loi,
l'attestation, concernant une personne autre qu'un citoyen
canadien ou un résident permanent, signée par le Ministre et le
solliciteur général, et remise à un agent d'immigration, à un
agent d'immigration supérieur ou à un arbitre, déclarant que le
Ministre et le solliciteur général estiment qu'à la lumière des
rapports secrets qu'ils détiennent en matière de sécurité ou de
criminalité et que la nécessité de protéger les sources de
renseignements empêche de divulguer, la personne désignée
dans l'attestation est visée par les alinéas 19(1)d), e), f) ou g)
ou 27(2)c), fait foi de son contenu, l'authenticité des signatures
et le caractère officiel des personnes l'ayant apparemment
signée ne pouvant être contestés que par le Ministre ou par le
solliciteur général.
(2) Le Ministre doit déposer devant le Parlement dans les
trente premiers jours de chaque exercice financier ou, si le
Parlement ne siège pas, dans les trente premiers jours de la
séance suivante, un rapport précisant le nombre d'attestations
visées au paragraphe (1) délivrées au cours de la précédente
année civile.
40. (1) Au cas où le Ministre et le solliciteur général
estiment qu'à la lumière des rapports secrets qu'ils détiennent
en matière de sécurité ou de criminalité, un résident permanent
est visé par le sous-alinéa 19(1)d)(ii), ou les alinéas 19(1)e) ou
g) ou 27(1)c), ils peuvent adresser un rapport au président du
conseil consultatif spécial institué en vertu de l'article 41.
(2) Le conseil consultatif spécial, dans l'examen du rapport
adressé par le Ministre et le solliciteur général conformément
au paragraphe (1), doit
a) demander au Ministre ou au solliciteur général les rensei-
gnements supplémentaires qu'il estime nécessaires et perti-
nents; et
b) consulter les ministères du gouvernement du Canada qui,
à son avis, peuvent lui permettre de déterminer les renseigne-
ments qui ne doivent pas être divulgués au motif que leur
divulgation serait préjudiciable à la sécurité nationale ou à la
sécurité de personnes se trouvant au Canada.
(3) Le président du conseil consultatif spécial doit prendre
les précautions nécessaires
a) pour éviter la divulgation de renseignements qui, à son
avis, ne doivent pas être divulgués au motif que leur divulga-
tion serait préjudiciable à la sécurité nationale ou à la
sécurité de personnes se trouvant au Canada; et
b) pour assurer le caractère secret des sources de renseigne-
ments visés à l'alinéa a).
(4) Le président du conseil consultatif spécial, saisi d'un
rapport visé au paragraphe (1), doit convoquer, dès que les
circonstances le permettent, une réunion du conseil pour exami
ner le rapport et doit adresser à la personne visée, à sa dernière
adresse connue,
a) un avis précisant que son renvoi du Canada en vertu du
présent article est proposé;
b) un exposé résumant les renseignements dont dispose le
conseil consultatif spécial et qui, de l'avis de son président,
informeront, dans la mesure du possible, la personne de la
nature des allégations portées contre elle, compte tenu des
fonctions incombant au conseil et à son président en vertu des
paragraphes (2) et (3); et
e) un avis des dates et lieu où la personne pourra être
entendue au sujet de son renvoi proposé du Canada.
(5) Le conseil consultatif spécial doit permettre à la personne
faisant l'objet du rapport adressé par le Ministre et le solliciteur
général en vertu du paragraphe (1), de présenter des preuves
d'être entendue en personne ou par l'intermédiaire d'un conseil
et de citer les personnes susceptibles de rendre un témoignage
important en sa faveur.
(6) La procédure devant le conseil consultatif spécial se
déroule à huis clos.
(7) Sous réserve de l'article 119, le conseil consultatif spécial
peut exiger que toute personne, autre que celle qui fait l'objet
du rapport adressé par le Ministre et le solliciteur général en
vertu du paragraphe (1), lui fournisse des renseignements
pertinents à l'examen visé au paragraphe (2); il peut recevoir
les preuves et renseignements qu'il considère dignes de foi.
(8) Au cas où le conseil consultatif spécial, avant d'adresser
un rapport conformément au paragraphe (9), estime que les
renseignements portés à sa connaissance sont de telle nature
que leur divulgation ne serait préjudiciable ni à la sécurité
nationale ni à la sécurité de personnes se trouvant au Canada, il
doit mettre fin à la procédure engagée en vertu du présent
article et en aviser le Ministre et le solliciteur général.
(9) Le conseil consultatif spécial, après avoir constaté que la
personne faisant l'objet du rapport du Ministre et du solliciteur
général, visé au paragraphe (1), a eu l'occasion de se faire
entendre conformément au présent article, doit immédiatement
adresser un rapport au gouverneur en conseil sur toutes ques
tions relatives à ce sujet.
(10) Si le conseil consultatif spécial n'a pas, en vertu du
paragraphe (8), mis fin à la procédure engagée en vertu du
présent article, le gouverneur en conseil peut prononcer par
décret l'expulsion de toute personne dont il est convaincu, après
examen des rapports visés aux paragraphes (1) et (9), qu'elle
tombe sous le coup du sous-alinéa 19(1)d)(ii), ou des alinéas
19(1)e) ou g) ou 27(1)c).
41. (1) Est institué le conseil consultatif spécial, composé
d'au plus trois membres nommés par le gouverneur en conseil;
au moins un des membres doit être un juge d'une cour supé-
rieure à la retraite.
(2) Le gouverneur en conseil désigne, parmi les membres
visés au paragraphe (1), un président et un vice-président.
42. Le conseil consultatif spécial a pour tâche
a) d'examiner les rapports que lui adressent le Ministre et le
solliciteur général conformément au paragraphe 40(1); et
b) de conseiller le Ministre sur les questions qu'il lui soumet,
relatives à la sûreté et la sécurité publiques et relevant de sa
compétence en vertu de la présente loi.
119. Nul ne peut, devant une Cour ou dans une procédure
quelconque, exiger la production des rapports secrets en
matière de sécurité ou de criminalité, visés au paragraphe
39(1), 40(1) ou 83(1).
(Les textes ci-haut reproduits sont ceux qui exis-
taient au moment des décisions en cause. Il con-
vient de noter en passant qu'ils ont été modifiés en
1984 par l'article 80 de la Loi sur le Service
canadien du renseignement de sécurité, S.C. 1984,
chap. 21. Aujourd'hui un comité de surveillance,
qui remplace le conseil consultatif d'autrefois,
informe la personne intéressée, même si non rési-
dente, des circonstances qui ont donné lieu au
rapport, reçoit ses représentations, fait enquête et
avise le gouverneur général en conseil qui, lui,
émet le certificat, s'il le juge à-propos.)
d) L'article 47 indique la conséquence immé-
diate d'une reconnaissance de statut de réfugié par
le Ministre en ces termes:
47. (1) L'agent d'immigration supérieur, informé que le
Ministre ou la Commission a reconnu, à la personne qui le
revendique, le statut de réfugié au sens de la Convention, doit
faire reprendre l'enquête soit par l'arbitre qui en était chargé,
soit par un autre arbitre qui détermine si la personne en cause
remplit les conditions prévues au paragraphe 4(2).
(2) L'arbitre doit prononcer le renvoi ou l'interdiction de
séjour du réfugié au sens de la Convention qui, selon lui, ne
remplit pas les conditions prévues au paragraphe 4(2).
(3) Par dérogation à la présente loi et aux règlements,
l'arbitre doit autoriser le réfugié au sens de la Convention qui,
selon lui, remplit les conditions prévues au paragraphe 4(2), à
demeurer au Canada.
e) Enfin, ce sont les paragraphes (2) et (3) de
l'article 72 qui donnaient à l'appelant son droit
d'appel à la Commission:
72....
(2) Toute personne, frappée par une ordonnance de renvoi,
qui
a) n'est pas un résident permanent mais dont le statut de
réfugié au sens de la Convention a été reconnu par le-
Ministre ou par la Commission, ou
b) demande l'admission et était titulaire d'un visa en cours de
validité lorsqu'elle a fait l'objet du rapport visé au paragra-
phe 20(1),
peut, sous réserve du paragraphe (3), interjeter appel à la
Commission en invoquant l'un ou les deux motifs suivants:
c) un moyen d'appel comportant une question de droit ou de
fait ou une question mixte de droit et de fait;
d) le fait que, compte tenu de considérations humanitaires ou
de compassion, elle ne devrait pas être renvoyée du Canada.
(3) Lorsqu'une personne, visée aux alinéas (2)a) ou b), est
frappée d'une ordonnance d'expulsion et
a) a fait l'objet d'une attestation visée au paragraphe 39(1),
ou
b) appartient, selon la décision d'un arbitre, à une catégorie
non admissible visée aux alinéas 19(1 )e),J) ou g),
elle ne peut interjeter appel à la Commission qu'en se fondant
sur un motif d'appel comportant une question de droit ou de
fait ou une question mixte de droit et de fait.
La décision attaquée
Les commissaires, après avoir affirmé ne retenir
dans la motivation de l'arbitre que le motif de
non-admissibilité fondé sur l'alinéa 19(1)j), s'in-
terrogent longuement sur la prétention de l'appe-
lant à l'effet que la Loi telle que libellée ne prohi-
bait pas la présentation d'une preuve à l'encontre
d'une attestation émise selon l'article 39 de la Loi.
Ils en viennent à la conclusion finalement qu'il
n'est pas nécessaire pour eux, dans les circons-
tances, de prendre partie définitivement sur le
point de savoir si une attestation selon l'article 39
constitue ou non en principe une preuve irréfraga-
ble; étant donné, disent-ils, que dans le cas présent,
les motifs qui sont sous-jacents à l'attestation ne
sont pas connus et ne peuvent être divulgués, ils
n'auraient de toute façon aucun moyen de savoir si
la preuve que l'appelant soumettrait constitue vrai-
ment une preuve pertinente et surtout suffisante
pour leur permettre de conclure que l'opinion des
Ministres est fausse et sans fondement.
Les Commissaires analysent ensuite les préten-
tions de l'appelant fondées sur la Charte cana-
dienne des droits et libertés [qui constitue la
Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982,
annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap.
11 (R.-U.)]. S'ils ne croient pas que l'article 7
puisse recevoir application, car la vie, la liberté et
la sécurité de l'appelant ne seraient pas mises en
péril par l'ordonnance d'expulsion mais bien plutôt
par les agissements d'États étrangers, ils acceptent
au contraire que le refus de communiquer à l'appe-
lant les motifs à la base du certificat constitue un
«traitement cruel et inusité», en contravention de
l'article 12 de la Charte. Examinant alors la situa
tion sous l'angle de l'article 1 de la Charte, ils
expriment l'avis que les droits de l'appelant n'ont
été restreints que dans des limites raisonnables
dont la justification peut se démontrer dans une
société libre et démocratique, personne ne contes
tant la nécessité de protéger les sources de rensei-
gnements. Les commissaires ne voient donc aucun
motif de contester la validité de l'ordonnance d'ex-
pulsion et ils refusent d'intervenir.
II
Au soutien de son attaque contre cette décision
de la Commission, l'appelant fait valoir plusieurs
arguments qui sont en somme de même ordre que
ceux qu'il a déjà soulevés au soutien de son appel
contre la décision de l'arbitre. Il laisse dans le
vague la portée exacte qu'il attribue à certains de
ses moyens, et je le note tout de suite à dessein
pour y revenir plus tard, mais on peut, je pense,
aisément les regrouper en trois catégories: ceux qui
se rattachent à l'interprétation de la Loi, ceux qui
mettent en cause la Déclaration canadienne des
droits [S.R.C. 1970, Appendice III] et ceux qui
font appel à la Charte canadienne des droits et
libertés.
1—L'appelant prétend qu'en lui refusant d'in-
terroger les Ministres signataires du certificat et
de soumettre une preuve à l'encontre de ce que le
certificat énonçait, l'arbitre d'abord et la Commis
sion ensuite ont mal apprécié la portée que la Loi
entend attribuer à une attestation émise sous le
paragraphe 39(1). Il soumet qu'une interprétation
correcte de la disposition ne permet pas de dire
qu'une telle attestation doit constituer une preuve
concluante et il reprend les mêmes arguments qu'il
avait fait valoir devant la Commission. D'après lui,
tenant compte de la règle d'interprétation tirée de
la maxime inclusio unius exclusio alterius est et
du fait que le législateur n'avait pas repris l'expres-
sion claire «preuve péremptoire» qui se trouvait
dans l'article 21 de la Loi sur la Commission
d'appel de l'immigration [S.R.C. 1970, chap. I-13
(abrogée par S.C. 1976-77, chap. 52, art. 128)]
qu'il s'agissait de remplacer, il fallait considérer
que seules les signatures des Ministres devaient
rester à l'abri de contestation. Je crois que les
commissaires ont répondu valablement aux deux
arguments et je ne crois pas nécessaire de repren-
dre ce qu'ils ont dit à leur sujet. Je crois aussi
qu'ils ont eu raison de considérer que, vu le secret
entourant les motifs et les sources de l'attestation,
il était illusoire pour le requérant de penser être en
mesure de convaincre qui que ce soit de sa faus-
seté, ce qui revenait en somme à dire que, dans le
contexte où elle s'insérait, la disposition du para-
graphe 39(1) ne pouvait s'interpréter comme sug-
géré par l'appelant. Mais, en fait, il n'était même
pas nécessaire, à mon sens, de passer par un aussi
long chemin pour contester la prétention de l'appe-
lant car celle-ci me paraît contredite par les termes
mêmes de la Loi. Relisons la disposition dans ses
deux versions:
39. (1) Nonobstant toute disposition de la présente loi,
l'attestation, concernant une personne autre qu'un citoyen
canadien ou un résident permanent, signée par le Ministre et le
solliciteur général, et remise à un agent d'immigration, à un
agent d'immigration supérieur ou à un arbitre, déclarant que le
Ministre et le solliciteur général estiment qu'à la lumière des
rapports secrets qu'ils détiennent en matière de sécurité ou de
criminalité et que la nécessité de protéger les sources de
renseignements empêche de divulguer, la personne désignée
dans l'attestation est visée par les alinéas 19(1)d), e), f) ou g)
ou 27(2)c), fait foi de son contenu, l'authenticité des signatures
et le caractère officiel des personnes l'ayant apparemment
signée ne pouvant être contestés que par le Ministre ou par le
solliciteur général.
39. (1) Notwithstanding anything in this Act, where, with
respect to any person other than a Canadian citizen or perma
nent resident, a certificate signed by the Minister and the
Solicitor General is filed with an immigration officer, a senior
immigration officer or an adjudicator stating that in the opin
ion of the Minister and the Solicitor General, based on security
or criminal intelligence reports received and considered by
them, which cannot be revealed in order to protect information
sources, the person named in the certificate is a person
described in paragraph 19(1)(d), (e), (I) or (g) or in paragraph
27(2)(c), the certificate is proof of the matters stated therein
without proof of the signatures or official character of the
persons appearing to have signed the certificate unless called
into question by the Minister or the Solicitor General. (Les
soulignés sont ajoutés.)
Il me semble que l'intention du législateur d'attri-
buer au certificat une force probante définitive est
clairement exprimée du fait que, dans la version
anglaise, on ne dit pas «is a proof» mais «is proof»,
et surtout que, dans la version française, on dit
«fait foi de son contenu», expression qui en langage
législatif québécois et français veut dire «attester
sans possibilité de contestation», sauf parfois dans
des limites précises expressément et formellement
autorisées et alors dans le cadre d'une procédure
spéciale, l'«inscription en faux».
Tel que je lis les textes en cause et comprends le
contexte dans lequel ils s'insèrent, le Parlement
n'envisageait pas qu'un certificat émis sous le
paragraphe 39(1) puisse faire l'objet d'une contes-
tation et donner ouverture à une enquête de carac-
tère judiciaire.
2—Le second groupe de moyens invoqués par
l'appelant au soutien de son appel met en cause la
Déclaration canadienne des droits. Il soutient
essentiellement que si le paragraphe 39(1) doit
s'interpréter comme devant avoir effet sans que la
personne visée ait la possibilité de faire une preuve
à l'encontre de l'attestation des ministres, il s'agit
d'une disposition incompatible avec l'alinéa 2e) de
la Déclaration qui dispose comme suit:
2. Toute loi du Canada, à moins qu'une loi du Parlement du
Canada ne déclare expressément qu'elle s'appliquera nonob-
stant la Déclaration canadienne des droits, doit s'interpréter et
s'appliquer de manière à ne pas supprimer, restreindre ou
enfreindre l'un quelconque des droits ou des libertés reconnus et
déclarés aux présentes, ni à en autoriser la suppression, la
diminution ou la transgression, et en particulier, nulle loi du
Canada ne doit s'interpréter ni s'appliquer comme
e) privant une personne du droit à une audition impartiale de
sa cause, selon les principes de justice fondamentale, pour la
définition de ses droits et obligations;
Il ressort, de la seule lecture du texte, que pour
pouvoir invoquer l'alinéa 2e) de la Déclaration,
l'appelant doit montrer que le refus de contredire
l'attestation des Ministres lui a été opposé au cours
d'une «audition .. . de sa cause ... pour la
définition de ses droits et obligations». Or, il ne me
semble pas que ce soit le cas. La reprise de l'en-
quête en vertu du paragraphe 47(1) a pour seul
but de déterminer «si la personne en cause remplit
les conditions prévues au paragraphe 4(2),» pour
être admise à demeurer au Canada, et l'une de ces
conditions, dans le cas d'un réfugié au sens de la
Convention, est qu'il ne tombe pas sous le coup de
l'alinéa 19(1)f). L'appelant n'a jamais eu le droit
d'entrer au Canada et la reconnaissance de son
statut de réfugié ne lui a pas fait acquérir le droit
d'y demeurer. Je me permettrai de reproduire de
nouveau ce passage souvent cité du jugement du
maître des rôles, lord Denning, dans l'affaire R v
Governor of Pentonville Prison, ex parte Azam,
[1973] 2 All ER 741 (C.A.), au sujet de la situa
tion d'un étranger en common law, passage que le
juge Martland a approuvé dans Prata c. Ministre
de la Main-d'oeuvre et de l'Immigration, [ 1976] 1
R.C.S. 376, la page 380:
[TRADUCTION] En common law, un étranger n'a aucun droit
d'entrer dans ce pays sauf avec la permission de la Couronne,
permission qu'elle peut refuser sans fournir aucun motif: voir
Schmidt v. Secretary of State for Home Affairs [1969] 2
Ch. 149, à la p. 168. Lorsque permission lui est accordée, la
Couronne peut imposer les conditions qu'elle juge nécessai-
res, à l'égard de la durée de son séjour ou à tout autre égard.
Il n'a aucun droit absolu de demeurer ici. Il est susceptible
d'être renvoyé dans son propre pays si en aucun temps, la
Couronne juge que sa présence ici ne contribue pas à l'intérêt
public; et à cette fin, les autorités peuvent le mettre sous
arrêt et le conduire à bord d'un navire ou d'un aéronef à
destination de son pays: voir R. v. Brixton Prison (Governor),
ex parte Soblen [1963] 2 Q.B. 243 aux pp. 300 et 301. La
situation des étrangers en common law a depuis fait l'objet
de divers règlements mais les principes demeurent inchangés.
J'ajouterai aussi ces commentaires de Milton Kon-
vitz dans son livre, Civil Rights in Immigration,
Cornell University Press, Ithaca, New York,
E.-U., 1953, aux pages 40 et 41, au sujet de la
décision de la Cour suprême des Etats-Unis, dans
United States ex rel. John Turner v. Williams,
194 U.S. 279 (1904):
[TRADUCTION] Le Congrès, a dit la cour, a le pouvoir d'exclure
les étrangers; de prescrire les modalités de leur admission au
pays; et d'expulser les étrangers qui sont entrés en violation de
la loi. Il n'est plus possible, a dit la cour, de s'opposer à ces
pouvoirs pour des motifs constitutionnels, que les pouvoirs
reposent sur a) le principe de droit international selon lequel
tout État souverain a le pouvoir, «inhérent à la souveraineté et
essentiel à sa propre conservation,» d'exclure les étrangers ou de
ne les admettre «que dans les cas et selon les conditions qu'il
estime indiqué de prescrire»; ... Le juge en chef Fuller a cité
en l'approuvant une opinion antérieure de la cour: «Les tribu-
naux ne peuvent imposer aucune limite au pouvoir qu'a le
Congrès de protéger ... le pays contre la présence des étran-
gers dont la race ou les moeurs en font des citoyens indésirables,
et de les expulser s'ils sont déjà entrés dans notre pays et
continuent d'y demeurer illégalement.» [C'est moi qui
souligne.]
Le procureur de l'appelant fait naturellement
grand état de la décision de la Cour suprême dans
l'affaire Singh et autres c. Ministre de l'Emploi et
de l'Immigration, [1985] 1 R.C.S. 177 où le juge
Beetz, en son nom et au nom de deux autres
membres de la Cour, a reconnu que la procédure
de reconnaissance du statut de réfugié qui avait été
suivie dans le cas de l'appelant Singh et les autres
semblables au sien allait à l'encontre de l'alinéa
2e) de la Déclaration canadienne des droits. S'il en
est ainsi pour celui qui revendique le statut de
réfugié, fait valoir le procureur, à plus forte raison
devrait-il en être ainsi pour celui dont le statut de
réfugié a déjà été reconnu. C'est oublier, je pense,
une différence majeure. La Loi de l'immigration
attribue un droit à celui qui revendique le statut de
réfugié, soit celui de tenter de convaincre les auto-
rités qu'il est effectivement réfugié, et c'est ce droit
fondamental pour l'exercice duquel la procédure
établie a paru non conforme aux impératifs de la
justice fondamentale. Mais la Loi de l'immigration
n'attribue aucun droit à celui dont le statut de
réfugié a été reconnu tant qu'il n'aura pas été
constaté que les conditions pour qu'il soit admis à
demeurer au Canada sont remplies. Le droit qui
était en cause dans la décision Singh, l'appelant l'a
exercé puisque son statut de réfugié a été reconnu.
Devant l'arbitre, lors de la réouverture de l'en-
quête, il n'a pas de droit à exercer, et la décision
imposée à l'arbitre par le dépôt du certificat ne
viendra pas porter atteinte à ses droits. (Il n'est pas
uniquement question de distinguer entre droit et
privilège comme dans l'arrêt Mitchell c. La Reine,
[1976] 2 R.C.S. 570 où il s'agissait d'un cas de
révocation d'une libération conditionnelle, une dis
tinction que, dans l'arrêt Singh, Mme le juge
Wilson ne retient pas pour l'application de la
Charte (à la page 208 et s.) et que le juge Beetz ne
croit pas valide dans les circonstances de l'espèce
(à la page 228). Il est question ici d'une absence
totale de droit ou de privilège, car je le répète, en
vertu de la Loi de l'immigration, la reconnaissance
par le ministère du statut de réfugié ne donne
aucun droit tant que l'arbitre n'aura pas constaté
l'existence des conditions du paragraphe 4(2)).
L'appelant ne peut, à mon avis, invoquer la
Déclaration canadienne des droits et son alinéa
2e) pour prétendre à l'«inopérabilité» du paragra-
phe 39(1), et conclure en conséquence à l'absence
de fondement juridique pouvant valider la décision
de l'arbitre et partant celle de la Commission.
3—L'appelant finalement invoque la Charte
canadienne des droits et libertés. J'ai parlé plus
haut de la portée vague de certains des moyens
invoqués au soutien de l'appel; j'avais spécialement
à l'esprit ceux rattachés à la Charte. L'appelant
soumet simplement «avoir été privé devant la Com
mission de certains droits prévus dans la Charte»
(page 16 de son mémoire), soit ceux dont il est
question à l'article 7 relativement à la vie, à la
liberté et à la sécurité de la personne et à l'article
12 concernant la protection contre les traitements
cruels et inusités. L'appelant admet, avec la Com
mission, que le principe de non-rétroactivité l'em-
pêche d'invoquer les dispositions de la Charte pour
attaquer les procédés adoptés par l'arbitre ou l'or-
donnance d'expulsion elle-même, puisqu'il s'agit là
de faits ou d'actes survenus avant l'entrée en
vigueur de la Loi constitutionnelle de 1982
[annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap.
11 (R.-U.)]. C'est pourquoi il prend soin de dire
que c'est devant la Commission qu'il a été privé de
droits garantis par la Charte. Mais il ne fournit
aucune autre précision. Les Commissaires non plus
d'ailleurs n'expliquent pas ce qu'ils entendent par
«événements», lorsqu'ils affirment que la Charte
doit s'appliquer aux «événements postérieurs» à son
entrée en vigueur. Mais évidemment des précisions
sont requises et c'est en les apportant qu'on se rend
compte que la tentative de l'appelant de contour-
ner l'effet du principe de non-rétroactivité est
vaine.
Il ne faut pas oublier, je pense, que la compé-
tence de la Commission dans le cas d'une ordon-
nance d'expulsion rendue contre une personne qui
a fait l'objet d'une attestation visée au paragraphe
39(1) en est une strictement d'appel. C'est ce qui
ressort clairement des paragraphes 72(2) et 72(3)
déjà cités auxquels on peut ajouter les alinéas
75(1)a) et 75(1)b) ainsi que l'alinéa 76(1)a):
75. (1) La Commission statuant sur un appel visé à l'article
72, peut
a) l'accueillir;
b) le rejeter; ou
76. (1) La Commission, en accueillant un appel visé, à
l'article 72, doit annuler l'ordonnance de renvoi et peut
a) prononcer toute autre ordonnance de renvoi que l'arbitre
chargé de l'enquête aurait dû rendre; ou
Comment alors la Commission pourrait-elle
accueillir un appel pour des motifs tirés de la
Charte sans par le fait même appliquer la Charte
rétroactivement, c'est-à-dire à des événements
passés? Il n'est pas douteux que ce soient l'ordre
de déportation et la façon dont il a été rendu que
l'appelant, en réalité, tente de présenter comme
ayant enfreint ses droits garantis par la Charte, et
ces «événements», pour reprendre le terme utilisé
par les commissaires, sont survenus avant l'entrée
en vigueur de la Charte; ce sont des événements
passés. La Commission n'avait pas le pouvoir d'an-
nuler un ordre de déportation rendu conformément
à la loi et d'ailleurs si, par impossible, elle avait été
en mesure d'accueillir l'appel, c'est l'ordonnance
de renvoi que «l'arbitre chargé de l'enquête aurait
dû rendre» qu'elle pouvait prononcer. Ainsi, l'audi-
tion devant la Commission était bien un «événe-
ment» postérieur à l'entrée en vigueur de la
Charte, mais c'était un événement sans effet possi
ble sur les droits que l'appelant pouvait prétendre
lui avoir été garantis par la Charte.
Il est vrai que si la non-rétroactivité de l'applica-
tion de la Charte est un principe que personne ne
met en doute (on se réfère souvent sur ce point aux
motifs du juge Eberle, dans Re Regina and Potma
(1982), 37 O.R. (2d) 189 (H.C.J.); à ceux du juge
en chef Bayda de la Cour d'appel de la Saskatche-
wan dans R. v. Lee (1982), 1 C.C.C. (3d) 327; et à
ceux du juge Blais, de la Cour d'appel d'Ontario
dans R. v. Longtin (1983), 5 C.C.C. (3d) 12)), les
tribunaux se sont souvent employés à distinguer
entre une application proprement rétroactive à un
acte passé et une application à une conséquence
actuelle ou à un effet continu de cet acte passé.
(Voir notamment R. v. Konechny (1983), 10
C.C.C. (3d) 233 (C.A.C.-B.); R. v. Antoine
(1983), 5 C.C.C. (3d) 97 (C.A. Ont.); R. v. Lan-
gevin (1984), 11 C.C.C. (3d) 336 (CA. Ont.) et
Re Chapman and The Queen (1984), 12 C.C.C.
(3d) 1 (C.A. Ont.)). Aussi, peut-être serait-il pos
sible de prétendre que si l'ordonnance d'expulsion
ne peut être invalidée pour des motifs tirés de la
Charte, son exécution éventuelle pourrait l'être.
C'est ce qu'évoquait le juge Mahoney de cette
Cour, alors qu'il siégeait en première instance,
dans l'affaire Gittens (In re), [1983] 1 C.F. 152.
Mais la question ne se soulève évidemment pas ici:
c'est la décision de la Commission refusant d'inva-
lider l'ordre de déportation qui est en cause. L'ap-
pelant à mon avis ne saurait faire valoir des
moyens tirés de la Charte pour contester la validité
de cette décision.
Arrivé ainsi au terme de mon analyse, il me
reste à tirer la conclusion d'ensemble. Bien que je
sois loin de souscrire à tous les motifs invoqués par
la Commission et que j'aie de sérieuses réserves
quant au raisonnement qu'elle a suivi, je suis d'avis
que sa conclusion n'est pas pour autant erronée.
L'appelant en tout cas n'a fait valoir aucun motif
sur la base duquel cette Cour pourrait intervenir.
Je rejetterais donc l'appel.
* * *
Voici les motifs du jugement rendus en français
par
LE JUGE MACGUIGAN: Je souscris aux conclu
sions de mon collègue, M. le juge Marceau. Néan-
moins, au chapitre de l'application de l'alinéa 2e)
de la Déclaration canadienne des droits à la Loi
sur l'immigration de 1976, je tirerais une conclu
sion contraire n'eût été de la jurisprudence.
D'une part, d'après l'arrêt Praia c. Ministre de
la Main-d'oeuvre et de l'Immigration, [1976] 1
R.C.S. 376, la Déclaration ne s'applique pas à
l'attestation ministérielle certifiant que la présence
permanente au Canada d'une personne serait con-
traire à l'intérêt national, puisque cette personne
ne cherche pas à faire reconnaître un droit mais
tente plutôt d'obtenir un privilège discrétionnaire.
D'autre part, la Cour suprême a plus récemment
statué, dans l'affaire Singh et autres c. Ministre de
l'Emploi et de l'Immigration, [1985] 1 R.C.S.
177, que la procédure de reconnaissance du statut
de réfugié établie dans la Loi sur l'immigration de
1976 est incompatible soit avec «les principes de
justice fondamentale» énoncés à l'article 7 de la
Charte canadienne des droits et libertés (3 juges),
soit avec «les principes de justice fondamentale»
protégés par le paragraphe 2e) de la Déclaration
des droits (3 juges). Au nom du premier groupe de
juges, Mme le juge Wilson déclare (aux pages 209
et 210):
La dichotomie entre privilèges et droits a contribué de façon
importante à restreindre l'application de la Déclaration cana-
dienne des droits, comme il ressort des motifs du juge Martland
dans l'arrêt Mitchell c. La Reine, [1976j 2 R.C.S. 570.. .
Je ne crois pas que ce genre d'analyse soit acceptable en ce qui
concerne la Charte. Il me semble plutôt que l'adoption récente
de la Charte par le Parlement et neuf des dix provinces, comme
partie de la Constitution canadienne, a clairement indiqué aux
tribunaux qu'ils devraient réexaminer l'attitude restrictive
qu'ils ont parfois adoptée en abordant la Déclaration cana-
dienne des droits. Je suis par conséquent d'avis qu'il faut
préférer le point de vue adopté, en dissidence, par le juge en
chef Laskin dans l'arrêt Mitchell à celui de la majorité lorsqu'il
s'agit de savoir si la Charte s'applique à la détermination des
droits conférés par la loi à un particulier.
Dans l'affaire Mitchell, il s'agissait de savoir si, en vertu de
la Déclaration canadienne des droits, le par. 16(1) de la Loi sur
la libération conditionnelle de détenus devait être interprété de
manière à exiger de la Commission des libérations conditionnel-
les qu'elle accorde une audition impartiale à la personne en
liberté conditionnelle avant de révoquer sa libération condition-
nelle. Le juge en chef Laskin a mis l'accent sur les conséquen-
ces, pour l'intéressé, de la révocation de sa libération condition-
nelle et il a conclu qu'on ne pouvait pas qualifier cette
libération de «simple privilège», même si la personne en liberté
conditionnelle n'avait aucun droit absolu d'être mise en liberté.
Voici ce qu'il affirme, à la p. 585:
Mis ensemble, les al. c)(i) et e) de l'art. 2 [de la Déclaration
canadienne des droits] exigent que, pour la révocation de la
libération conditionnelle, la procédure offre un minimum de
garanties, quoi que l'on puisse dire du caractère confidentiel
et délicat du régime de libération conditionnelle.
Il me semble que les appelants en l'espèce disposent d'un
argument encore plus solide que celui de l'appelant dans l'af-
faire Mitchell. M. Mitchell avait droit tout au plus à ce que la
Commission des libérations conditionnelles tienne une audition
concernant la révocation de sa libération conditionnelle et à ce
qu'elle décide, à partir de considérations pertinentes, si elle
devait maintenir sa libération conditionnelle. La Loi ne lui
accordait aucun droit à la libération conditionnelle elle-même;
il avait plutôt droit à un examen approprié de la question de
savoir s'il pouvait demeurer en liberté conditionnelle. Par
contre, si les appelants avaient été déclarés réfugiés au sens de
la Convention suivant la définition du par. 2(1) de la Loi sur
l'immigration de 1976, ils auraient eu droit aux privilèges de ce
statut prévus dans la Loi. Étant donné les conséquences que la
négation de ce statut peut avoir pour les appelants si ce sont
effectivement des personnes «craignant avec raison d'être persé-
cutée[s]», il me semble inconcevable que la Charte ne s'appli-
que pas de manière à leur donner le droit de bénéficier des
principes de justice fondamentale dans la détermination de leur
statut.
L'opinion du deuxième groupe de juges est
exprimée par M. le juge Beetz (à la page 228):
En conséquence, la procédure d'examen et de réexamen des
revendications du statut de réfugié des appelants comporte la
définition de droits et d'obligations à l'égard desquels les appe-
lants ont droit, en vertu de l'al. 2e) de la Déclaration cana-
dienne des droits, à une audition impartiale selon les principes
de justice fondamentale. Il s'ensuit également que cette affaire
peut être distinguée de celles où un simple privilège a été refusé
ou révoqué comme, par exemple, dans les affaires Prata c.
Ministre de la Main-d'oeuvre et de l'Immigration, [1976] 1
R.C.S. 376, et Mitchell c. La Reine, [1976] 2 R.C.S. 570.
Je ne suis pas convaincu que la Cour suprême
continue d'interpréter différemment la même
expression dans les deux documents, surtout à la
lumière de l'arrêt Operation Dismantle Inc. et
autres c. La Reine et autres, [1985] 1 R.C.S. 441,
où elle a décidé que les décisions du cabinet sont
assujetties au contrôle judiciaire en vertu de l'ali-
néa 32(1)a) de la Charte.
Le litige soulève vraiment deux questions. La
première: est-il nécessaire de nier entièrement le
droit au contre-interrogatoire afin de protéger les
sources secrètes d'information du gouvernement?
En l'espèce, l'appelant prétend ne même pas savoir
de quel gouvernement il s'agit quand référence est
faite à l'alinéa 19(1)f) de la Loi sur l'immigration
de 1976. Il me semble que les moyens doivent être
proportionnés au but.
La deuxième question est de savoir si les tribu-
naux possèdent la compétence pour rendre de telles
décisions. Aux États-Unis, étant même donné leur
prédisposition générale de ne pas contester les
décisions d'une superpuissance en matière de sécu-
rité nationale (Kleindienst v. Mandel, 408 U.S.
753 (1972)), les tribunaux américains ont néan-
moins insisté sur leur droit de vérifier la bonne foi
et la suffisance des décisions de l'exécutif.
À titre d'exemple, dans l'affaire Abourezk v.
Reagan, 592 F.Supp. 880 (1984) (D.C.), aux
pages 887 et 888, un juge fédéral a déclaré:
[TRADUCTION] [2] La Cour estime qu'un étranger invité à
transmettre aux citoyens américains des renseignements et des
idées dans de telles circonstances ne peut être exclu en vertu du
paragraphe (27) seulement en raison du contenu du message
envisagé. Car bien que le gouvernement puisse interdire absolu-
ment l'entrée au pays aux étrangers, ou pour des motifs parti-
culiers, il ne peut pas, selon le Premier Amendement, refuser
l'entrée au pays uniquement en raison du contenu d'un
discours.
[3] ... les motifs particuliers de l'exclusion de ces quatre
étrangers revêtent donc une importance primordiale et cette
question, comme on en discute plus bas, exige que la Cour
étudie les affidavits secrets soumis par le gouvernement.
V
[4] Le gouvernement a offert de transmettre à la Cour pour
qu'elle l'étudie à huis clos, un affidavit secret du sous-secrétaire
Eagleburger relativement à chacune de ces trois affaires.
[5] La Cour a en conséquence étudié les affidavits du
sous-secrétaire Eagleburger à huis clos. En se fondant sur cet
examen, elle a conclu qu'il existe des motifs qui paraissent
légitimes pour refuser un visa aux quatre individus dont l'ad-
mission est recherchée dans ces actions. Fondamentalement, ces
requérants ne se sont pas vu refuser l'entrée au pays en raison
de la teneur des discours envisagés, mais à cause de leur qualité
de représentants de gouvernements ou d'organismes hostiles
aux États-Unis.
Ces questions restent sans réponse au Canada.
* * *
Voici les motifs du jugement rendus en français
par
LE JUGE LACOMBE: Dans ses motifs, le juge
Marceau résume bien les données essentielles de la
cause, de sorte qu'il n'est pas nécessaire de les
reprendre ici à pied d'oeuvre. Si je m'accorde
généralement avec lui pour rejeter le présent appel,
je ne peux cependant partager complètement son
point de vue en ce qui a trait à la portée de l'article
47 de la Loi sur l'immigration de 1976 (ci-après
«la Loi»), en regard de l'alinéa 2e) de la. Déclara-
tion canadienne des droits.
Depuis le mois de novembre 1980, le ministre de
l'Emploi et de l'Immigration et le solliciteur géné-
ral du Canada étaient d'avis que l'appelant ne
devait pas être admis au Canada pour les motifs
énoncés dans leur certificat.
[TRADUCTION] Attestation
(Article 39, Loi sur l'immigration de 1976)
Nous, soussignés, certifions par les présentes que nous esti-
mons, à la lumière des rapports secrets que nous détenons en
matière de sécurité et de criminalité, et que la nécessité de
protéger les sources de renseignements empêche de divulguer,
que
Victor Manuel REGALADo
est une personne visée à l'alinéa 191)f) de la Loi sur l'immigra-
tion de 1976, et que sa présence au Canada est préjudiciable à
l'intérêt national.
.Robert Kaplan. «Lloyd Axworthy.
Solliciteur général du Canada Ministre de l'Emploi et de
l'Immigration
Fait à OTTAWA/HULL en Fait à OTTAWA/HULL en Ontario le
Ontario le 14 novembre 1980. 31 octobre 1980.
Cette attestation fut produite le 7 janvier 1982
par le représentant du Ministre intimé devant l'ar-
bitre chargée de faire l'enquête prévue au paragra-
phe 23(3) de la Loi après que l'appelant eut refait
surface au Canada le 5 janvier 1982, cette fois
sans visa, pour y réclamer le statut de réfugié
«politique» auprès d'un agent d'immigration à un
point d'entrée à la frontière américaine. Il faut
préciser qu'un an auparavant, au mois de janvier
1981, le consulat canadien à Mexico lui avait déjà
refusé un visa pour le Canada. Il faut conclure
qu'en janvier 1982, les autorités de l'immigration
canadienne estimaient toujours que l'appelant fai-
sait encore partie, à cette date, de la même catégo-
rie de personnes non admissibles.
Par lettre en date du 8 février 1982, le greffier
du comité consultatif sur le statut de réfugié infor-
mait l'appelant que «Le Ministre de l'Emploi et de
l'Immigration a décidé que vous êtes un réfugié au
sens de la Convention comme le définit l'article 2
de la Loi de l'immigration de 1976».
L'arbitre jugea péremptoire l'attestation minis-
térielle du mois de novembre 1980 et, à l'issue de
son enquête qu'elle avait reprise conformément à
l'article 47, elle émit, le 17 février 1982, une
ordonnance d'expulsion contre l'appelant au motif
principal qu'il tombait sous le coup d'une excep
tion prévue au paragraphe 4(2), soit celle de l'ali-
néa 19(1)f). Elle ne permit pas à l'appelant de
contester l'opinion des ministres, telle qu'attestée
dans leur certificat, en refusant qu'ils soient assi
gnés pour être contre-interrogés sur son contenu et
en refusant à l'appelant de faire aucune preuve de
son cru à l'encontre. Il en fut de même devant la
Commission d'appel de l'immigration.
Si l'attestation ministérielle fut la seule preuve
qui fut faite et permise, il faut dire que l'arbitre et
la Commission laissèrent toute latitude au procu-
reur de l'appelant de plaider en droit contre l'émis-
sion et le maintien de l'ordonnance d'expulsion.
Il est vrai de dire qu'une personne, qui se voit
reconnaître le statut de réfugié au sens de la
Convention, n'acquiert pas du seul fait de cette
reconnaissance le droit automatique de demeurer
au Canada. Elle doit, au surplus, remplir les condi
tions prévues au paragraphe 4(2) de la Loi. Il
semble cependant que la Loi lui confère certains
droits, certes à portée limitée, qu'elle ne reconnaît
pas au pur étranger qui ne peut se prévaloir de ce
statut.
Dans l'arrêt Singh et autres c. Ministre de
l'Emploi et de l'Immigration, [1985] 1. R.C.S.
177, on trouve, sous la rubrique générale «L'écono-
mie de la Loi sur l'immigration de 1976», les
commentaires suivants de madame le juge Wilson,
aux pages 189, 190 et 204:
De même, sous le régime de la common law, un étranger n'a
pas le droit d'entrer au Canada ou d'y demeurer sauf avec
l'autorisation de Sa Majesté: Prata c. Ministre de la Main-
d'oeuvre et de l'Immigration, [1976] 1 R.C.S. 376.
Cependant, la Loi sur l'immigration de 1976 confère aux
réfugiés au sens de la Convention certains droits limités d'en-
trer au Canada et d'y demeurer ... Lorsqu'il a été reconnu
qu'une personne qui se trouve au Canada est un réfugié au sens
de la Convention, le par. 47(1) exige que l'arbitre reprenne
l'enquête tenue en vertu de l'art. 23 ou de l'art. 27 afin de
déterminer si la personne en cause remplit les conditions pré-
vues au par. 4(2) de la Loi. Le paragraphe 4(2) prévoit qu'un
réfugié au sens de la Convention «qui se trouve légalement au
Canada [a] le droit d'y demeurer...» à moins qu'il ne soit établi
qu'il fait partie de la catégorie des criminels ou des personnes
qui se livrent à des actes de subversion, dont il est question à
l'al. 4(2)b). S'il est établi que la personne est un réfugié au sens
de la Convention qui remplit les conditions prévues au par.
4(2), le par. 47(3) exige que l'arbitre l'autorise à demeurer au
Canada nonobstant toute autre disposition de la Loi ou du
Règlement.
Comme nous l'avons déjà fait remarquer, le par. 5(1) de la Loi
ne reconnaît qu'aux personnes visées à l'art. 4 le droit d'entrer
au Canada et d'y demeurer. Les appelants ne bénéficient donc
pas de ce droit. La Loi accorde cependant à un réfugié au sens
de la Convention certains droits qu'elle ne confère pas à
d'autres, notamment le droit de demander au Ministre de
décider, en vertu de principes appropriés, s'il y a lieu de délivrer
un permis l'autorisant à entrer au Canada et à y demeurer (par.
4(2) et art. 37), le droit de ne pas être renvoyé dans un pays où
sa vie ou sa liberté seraient menacées (art. 55) et le droit
d'interjeter appel d'une ordonnance de renvoi ou d'une ordon-
nance d'expulsion rendue contre lui (al. 72(2)a), al. 72(2)b) et
par. 72(3)).
Même si madame le juge Wilson a disposé de
cette affaire, avec l'accord de deux autres mem-
bres de la Cour, sur la foi de la Charte canadienne
des droits et libertés, ses propos ne diffèrent pas de
ceux de monsieur le juge Beetz qui s'en est tenu,
avec l'accord de ses deux collègues, exclusivement
à la Déclaration canadienne des droits. Il affir-
mait, à la page 230:
La Loi sur l'immigration de 1976 accorde aux réfugiés au
sens de la Convention le droit de «demeurer» au Canada, ou s'il
est impossible d'obtenir un permis du Ministre, au moins le
droit de ne pas être renvoyé dans un pays où leur vie et leur
liberté sont menacées et le droit de rentrer au Canada si aucun
pays sûr n'est disposé à les accepter. Les droits en cause dans
les présentes espèces sont donc d'une importance vitale pour les
personnes concernées.
Il ne me semble pas possible d'affirmer comme
proposition générale que des droits sont reconnus
au réfugié au sens de la Convention seulement
après que l'arbitre ait déterminé qu'il remplit les
conditions prévues au paragraphe 4(2) et que,
partant, il n'a jamais de droit à faire valoir devant
l'arbitre. En principe et de prime abord, il a au
moins le droit d'établir qu'il remplit certaines con
ditions d'éligibilité, comme par exemple qu'il se
trouve légalement au Canada, qu'il n'a pas commis
les infractions criminelles mentionnées à l'alinéa
4(2)b) et à l'alinéa 19(1)c) de la Loi. Il s'agit là de
faits matériels et vérifiables qui peuvent être prou-
vés et contredits en la forme ordinaire et faire
l'objet d'une appréciation objective de la part de
l'arbitre. En pareils cas, un arbitre qui reprend une
enquête en vertu de l'article 47 peut être appelé à
définir les droits et obligations d'un réfugié au sens
de la Convention dans le contexte de l'alinéa 2e)
de la Déclaration canadienne des droits, et il doit,
en conséquence, poursuivre son enquête et rendre
sa décision en respectant les principes de la justice
fondamentale. Mais tel n'est pas le cas de
l'appelant.
Les alinéas 19(1)d),e)f) et g) de la Loi rendent
inadmissibles au Canada certaines catégories de
personnes «au sujet desquelles il existe de bonnes
raisons de croire» qu'elles se livreront, si admises
au Canada, à des activités d'espionnage, de subver
sion, de violence criminelle grave, etc. De telles
inadmissibilités, inscrites à l'alinéa 4(2)b) de la
Loi, constituent pour le réfugié au sens de la
Convention autant d'exceptions qui l'empêchent de
revendiquer le droit de demeurer au Canada parce
que, selon l'article 47, il ne remplit pas et ne peut
remplir les conditions prévues au paragraphe 4(2).
Or, par l'effet de l'émission de l'attestation
ministérielle du mois de novembre 1980 et de sa
production devant l'arbitre, non seulement l'appe-
lant fait-il partie de la catégorie de personnes
visées à l'alinéa 19(1)f), mais il tombe par le fait
même dans une des exceptions prévues à l'alinéa
4(2)b). Tout ce qui était requis pour qu'il en soit
irrémédiablement ainsi, c'était que les deux minis-
tres l'attestent dans leur certificat émis sous l'auto-
rité du paragraphe 39(1) de la Loi, en vigueur à
l'époque. Ils n'avaient pas à dire et à démontrer
davantage. Procureur général du Canada c. Jolly,
[1975] C.F. 216 (C.A.).
Selon le texte même du paragraphe 39(1) de la
Loi, et par la force des choses, l'attestation minis-
térielle constituait une preuve concluante et irré-
fragable qui liait l'arbitre à l'effet que l'appelant
ne remplissait pas, et ce de façon irrémédiable, les
conditions d'admissibilité au Canada. D'une part,
selon le paragraphe 39(1), les Ministres ne pou-
vaient, afin de protéger les sources de renseigne-
ments, divulguer la teneur des rapports secrets en
matière de sécurité et de criminalité sur lesquels ils
s'étaient fondés pour former leur opinion au sujet
de l'appelant. D'autre part, l'article 119 de la Loi
en interdisait la production. Il s'avérait donc que
l'appelant faisait partie d'une catégorie de person-
nes non admissibles, celle de l'alinéa 19(1)f), et
d'une exception mentionnée à l'alinéa 4(2)b).
L'établissement de l'appelant dans la catégorie
de l'alinéa 19(1)f) de personnes non admissibles,
ce qui par voie de conséquence le plaçait dans
une des exceptions de l'alinéa 4(2)b), relevait de
la discrétion administrative et ressortissait exclusi-
vement au pouvoir d'appréciation du ministre de
l'Emploi et de l'Immigration et du solliciteur géné-
ral du Canada. En telle occurrence, la détermina-
tion que l'appelant ne remplissait pas les condi
tions prévues au paragraphe 4(2) ne relevait pas de
l'arbitre qui n'avait aucun pouvoir d'adjudication
sur l'opinion ministérielle, telle qu'attestée par les
ministres dans leur certificat; l'arbitre n'avait
d'autre fonction que celle de constater son exis
tence dans la preuve et elle devait, en conséquence,
se conformer au paragraphe 47(2) de la Loi, soit
«prononcer le renvoi». Elle ne pouvait dès lors
déterminer à nouveau ce qui, aux termes de la Loi,
avait été effectivement et préalablement déterminé
par d'autres à qui la Loi avait conféré le pouvoir
de ce faire.
Dans Prata c. Ministre de la Main-d'oeuvre et
de l'Immigration, [ 1976] 1 R.C.S. 376, il a été
décidé que, par le dépôt d'un certificat émis en
vertu de l'article 21 de la Loi sur la Commission
d'appel de l'immigration semblable à celui dont
parle le paragraphe 39(1) de la Loi sur l'immigra-
tion de 1976, le Ministre et le solliciteur général
pouvaient enlever à la Commission d'appel de
l'immigration sa juridiction en équité dans un
appel validement logé devant elle. En produisant
devant l'arbitre l'attestation ministérielle du mois
de novembre 1980, les Ministres lui ont imposé
leur décision et lui ont enlevé le pouvoir de déter-
miner si l'appelant remplissait ou non les condi
tions prévues au paragraphe 4(2) de la Loi, ayant
prédéterminé eux-mêmes cette question. La pro
duction de l'attestation ministérielle lui a enlevé
toute juridiction de décider autrement qu'en
avaient décidé les Ministres. Ce sont eux et non
pas l'arbitre qui ont défini «les droits et obliga
tions» de l'appelant. Dans ce sens, et dans ce sens
seulement, il est donc exact de dire que l'arbitre,
lors de la reprise de son enquête conformément à
l'article 47 de la Loi, n'a pas elle-même procédé «à
la définition des droits et obligations» de l'appelant
en vertu de l'alinéa 2e) de la Déclaration cana-
dienne des droits.
Dans l'espèce, l'appelant n'a pas contesté devant
l'arbitre et d'ailleurs devant quiconque qu'il s'agis-
sait bien de lui dans l'attestation ministérielle, ni
que cette attestation n'avait pas été régulièrement
produite devant l'arbitre. Par ailleurs, il n'a jamais
attaqué de front par des procédures appropriées la
validité du certificat, au motif par exemple que les
ministres auraient dû l'entendre avant de l'émettre
en novembre 1980 ou de le faire produire devant
l'arbitre en janvier 1982. Il a seulement demandé
de pouvoir contredire l'opinion que les ministres
s'étaient formée de lui à la lumière de rapports
secrets en matières de sécurité et de criminalité
qu'ils avaient en leur possession et qu'ils avaient
considérés en vue, sans doute, de pouvoir contester
la décision qu'ils avaient prise à son sujet. L'arbi-
tre (et par la suite la Commission) ne pouvait
accéder à telle demande. Comme on l'a déjà vu,
selon le paragraphe 39(1), les Ministres ne pou-
vaient divulguer le contenu de ces rapports secrets
et l'article 119 interdisait à l'appelant d'en deman-
der la production; l'arbitre ne s'est donc pas mal
dirigée en droit et elle n'a pas pu enfreindre les
principes de la justice fondamentale lors de la
reprise de son enquête puisque ce n'est pas elle qui
a défini les droits et obligations de l'appelant mais
les Ministres qui les avaient prédéterminés dans
leur certificat du mois de novembre 1980, dont la
validité ne saurait faire de doute, ne serait-ce que
l'appelant n'a rien fait pour le faire annuler et le
faire écarter de son dossier.
Dans Singh, le juge Beetz cite avec approbation
(aux pages 231 234) l'opinion dissidente du juge
Pigeon dans Ernewein c. Ministre de l'Emploi et
de l'Immigration, [ 1980] 1 R.C.S. 639, où on peut
lire le passage suivant [à la page 660]:
Dans Le ministre de la Main-d'oeuvre et de l'Immigration c.
Hardayal ([1978] 1 R.C.S. 470), cette Cour a admis que
lorsque la loi prévoit la délivrance d'un certificat spécial par
décision administrative, celle-ci est définitive et exclut la règle
audi alteram partem, mais ce n'est pas le cas à l'égard d'une
décision portant sur le statut de réfugié.
Le cas de l'appelant doit être jugé selon la loi en
vigueur au mois de janvier 1982. La Loi sur
l'immigration de 1976 laissait à la discrétion
ministérielle le pouvoir de déterminer en premier
et dernier ressorts si une personne était ou n'était
pas admissible au Canada, dans les cas prévus aux
alinéas 19(1)d),e)f),g) ou 27(2)g), par l'émission
et, le cas échéant, par la délivrance d'une attesta
tion à cet effet.
Il s'ensuit que l'ordonnance d'expulsion de l'ap-
pelant a été validement prononcée par l'arbitre
selon la loi en vigueur en 1982.
Je disposerais de l'appel de la manière suggérée
par le juge Marceau.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.