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A-451-85
Carm Crupi (requérant) c.
Commission de l'emploi et de l'immigration du Canada (intimée)
RÉPERTORIÉ: CRUPI C. COMMISSION DE L'EMPLOI ET DE L'IMMIGRATION DU CANADA
Cour d'appel, juges Heald, Ryan et MacGuigan- Ottawa, 16 janvier et 27 mars 1986.
Assurance-chômage - Inadmissibilité - Le requérant, qui a été arrêté et accusé d'une infraction punissable sur déclara- tion de culpabilité par procédure sommaire, a été renvoyé à un hôpital psychiatrique, qui fait partie d'un complexe péniten- tiaire, pour une période de soixante jours à des fins d'examen psychiatrique - Il s'agit de savoir si le requérant est devenu inadmissible aux prestations pour le motif qu'il était «détenu dans une prison ou un établissement semblable» au sens de l'art. 45a) de la Loi de 1971 sur l'assurance-chômage - Examen de l'économie de la Loi et du Règlement - Loi de 1971 sur l'assurance-chômage, S.C. 1970-71-72, chap. 48, art. 2u)(iii), 17 (mod. par S.C. 1976-77, chap. 54, art. 30; 1978-79, chap. 7, art. 4; 1980-81-82-83, chap. 35, art. 1; chap. 97, art. 1; chap. 150, art. 2), 18(1) (mod. par S.C. 1976-77, chap. 54, art. 31), (2) (ajouté par S.C. 1974-75-76, chap. 80, art. 4; 1976-77, chap. 54, art. 31; 1978-79, chap. 7, art. 4.1), 25 (mod. par S.C. 1974-75-76, chap. 80, art. 7; 1976-77, chap. 54, art. 36), 45a) (mod. par S.C. 1974-75-76, chap. 80, art. 17), 95 (mod. par S.C. 1976-77, chap. 54, art. 56; 1984, chap. 40, art. 79(2) (Numéro 8)) - Règlement sur l'assurance-chômage, C.R.C., chap. 1576, art. 47(1),(6) (mod. par DORS/82-44, art. 2), 55, 56(1) - Code criminel, S.R.C. 1970, chap. C-34, art. 465 (mod. par S.C. 1974-75-76, chap. 93, art. 58), 543 (mod. idem, art. 68), 545 (mod. par S.C. 1972, chap. 13, art. 45), 608.2 (ajouté par S.C. 1972, chap. 13, art. 54; 1974-75-76, chap. 93, art. 74), 738(3) (mod. par S.C. 1974-75-76, chap. 93, art. 87(2)), (6)b) (ajouté par S.C. 1972, chap. 13, art. 63; 1974-75-76, chap. 93, art. 87(3)), (7),(8) (ajouté par S.C. 1974-75-76, chap. 93, art. 87(4)) - Charte. canadienne des droits et libertés, qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.), art. 11d), 15(1) - Mental Health Act, R.S.A. 1980, chap. M-13, art. 1k) - Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), chap. 10, art. 28.
Interprétation des lois - Loi de 1971 sur l'assurance-chô- mage, art. 45a) - Inadmissibilité aux prestations - Sens de l'expression «détenu dans une prison ou un établissement semblable» utilisée à l'art. 45a) de la Loi - S'applique-t-elle à une personne qui a été arrêtée, accusée d'une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure som- maire et renvoyée à un hôpital psychiatrique, qui fait partie d'un complexe pénitentiaire, pour une période de soixante jours à des fins d'examen psychiatrique? - Examen de l'éco- nomie de la Loi et du Règlement - Interprétation selon une approche contextuelle - Loi de 1971 sur l'assurance-chô- mage, S.C. 1970-71-72, chap. 48, art. 2u)(iii), 17 (mod. par S.C. 1976-77, chap. 54, art. 30; 1978-79, chap. 7, art. 4;
1980-81-82-83, chap. 35, art. 1; chap. 97, art. 1; chap. 150, art. 2), 18(1) (mod. par S.C. 1976-77, chap. 54, art. 31), (2) (ajouté par S.C. 1974-75-76, chap. 80, art. 4; 1976-77, chap. 54, art. 31; 1978-79, chap. 7, art. 4.1), 25 (mod. par S.C. 1974-75-76, chap. 80, art. 7; 1976-77, chap. 54, art. 36), 45a) (mod. par S.C. 1974-75-76, chap. 80, art. 17), 95 (mod. par S.C. 1976-77, chap. 54, art. 56; 1984, chap. 40, art. 79(2) (Numéro 8)) - Règlement sur l'assurance-chômage, C.R.C., chap. 1576, art. 47(1),(6) (mod. par DORS/82-44, art. 2), 55, 56(1) - Code criminel, S.R.C. 1970, chap. C-34, art. 465 (mod. par S.C. 1974-75-76, chap. 93, art. 58), 543 (mod. idem, art. 68), 545 (mod. par S.C. 1972, chap. 13, art. 45), 608.2 (ajouté par S.C. 1972, chap. 13, art. 54; 1974-75-76, chap. 93, art. 74), 738(3) (mod. par S.C. 1974-75-76, chap. 93, art. 87(2)), (6)b) (ajouté par S.C. 1972, chap. 13, art. 63; 1974- 75-76, chap. 93, art. 87(3)), (7),(8) (ajouté par S.C. 1974- 75-76, chap. 93, art. 87(4)).
Justice criminelle et pénale - Renvoi à Penetang à des fins d'examen psychiatrique - Requérant accusé d'une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure som- maire - Examen de la nature et du but du renvoi en fonction de l'inadmissibilité du requérant aux prestations d'assurance- chômage en raison de sa détention »dans une prison ou un établissement semblable» au sens de l'art. 45a) de la Loi de 1971 sur l'assurance-chômage - Code criminel, S.R.C. 1970, chap. C-34, art. 465 (mod. par S.C. 1974-75-76, chap. 93, art. 58), 543 (mod. idem, art. 68), 545 (mod. par S.C. 1972, chap. 13, art. 45), 608.2 (ajouté par S.C. 1972, chap. 13, art. 54; 1974-75-76, chap. 93, art. 74), 738(5) (mod. par S.C. 1974- 75-76, chap. 93, art. 87(2)), (6)b) (ajouté par S.C. 1972, chap. 13, art. 63; 1974-75-76, chap. 93, art. 87(3)), (7),(8) (ajouté par S.C. 1974-75-76, chap. 93, art. 87(4)) - Loi de 1971 sur l'assurance-chômage, S.C. 1970-71-72, chap. 48, art. 2u)(iii), 17 (mod. par S.C. 1976-77, chap. 54, art. 30; 1978-79, chap. 7, art. 4; 1980-81-82-83, chap. 35, art. 1; chap. 97, art. 1; chap. 150, art. 2), 18(1) (mod. par S.C. 1976-77, chap. 54, art. 31), (2) (ajouté par S.C. 1974-75-76, chap. 80, art. 4; 1976-77, chap. 54, art. 31; 1978-79, chap. 7, art. 4.1), 25 (mod. par S.C. 1974-75-76, chap. 80, art. 7; 1976-77, chap. 54, art. 36), 45a) (mod. par 1974-75-76, chap. 80, art. 17), 95 (mod. par S.C. 1976-77, chap. 54, art. 56; 1984, chap. 40, art. 79(2) (Numéro 8)) - Règlement sur l'assurance-chômage, C.R.C., chap. 1576, art. 47(1),(6) (mod. par DORS/82-44, art. 2), 55, 56(1).
Le requérant recevait des prestations d'assurance-chômage lorsqu'il a été arrêté et accusé d'une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire en vertu du Code criminel. À la suite d'une ordonnance rendue le lende- main par la Cour provinciale en vertu du paragraphe 738(6) du Code criminel, il a été renvoyé au Penetanguishene Mental Health Centre pour une période de soixante jours à des fins d'observation psychiatrique. Cet hôpital possède une section à sécurité maximale et fait partie d'un pénitencier. En fait, il a été gardé au Royal Ottawa Hospital durant quelques jours avant d'être envoyé à Penetang. Lorsqu'il a quitté le Mental Health Centre au terme de la période de soixante jours, il n'était pas en détention. Il a subi son procès, a été reconnu coupable et a bénéficié d'une période de probation. Environ un mois plus tard, un médecin attaché au Royal Ottawa Hospital diagnostiquait qu'il souffrait d'une psychose maniaco-dépressi- ve-excluant la schizophrénie paranoïde.
La Commission de l'emploi et de l'immigration du Canada a jugé que le requérant n'avait pas droit aux prestations d'assu- rance-cjiômage pendant qu'il était sous observation au Penetan- guishene Centre pour le motif qu'il était «détenu dans une prison ou un établissement semblable» au sens de l'alinéa 45a) de la Loi. Le conseil arbitral a, dans sa majorité, maintenu cette décision. L'appel interjeté devant un juge-arbitre confor- mément à l'article 95 de la Loi a été rejeté.
Il s'agit d'une requête en révision et en annulation de la décision du juge-arbitre.
Arrêt (le juge MacGuigan dissident): la requête devrait être accueillie.
Le juge Heald: La question est de savoir si le requérant peut être considéré comme «détenu dans une prison ou un établisse- ment semblable».
Pour interpréter cette expression, il convient d'adopter l'ap- proche énoncée par Driedger dans son ouvrage intitulé Cons truction of Statutes: les mots doivent être interprétés selon le contexte global, dans leur acception grammaticale courante en conformité avec l'esprit et l'objet de la Loi et l'intention du législateur.
Il ressort d'un examen de l'économie de la Loi et du Règle- ment que le Parlement a fait une distinction claire entre les personnes détenues dans des institutions pénales et les person- nes souffrant d'une maladie, ces dernières ayant droit aux prestations d'assurance-chômage mais, sauf certaines excep tions qui ne sont pas pertinentes au présent cas, pas les premiè- res. A première vue, il semblerait que le requérant était dans la catégorie des personnes souffrant d'une maladie, puisque cel- le-ci le rendait incapable de travailler.
De toute façon, on ne peut pas soutenir qu'il est de l'esprit de la Loi et du Règlement qu'un véritable hôpital constitue un établissement semblable à une prison. De plus, la détention du requérant n'avait pas le caractère d'une «mise sous garde» puisqu'il n'y avait pas eu d'audience de justification ni d'en- quête relative au cautionnement. Cette détention n'avait pas non plus un caractère «punitif», car le requérant n'avait été déclaré coupable d'aucune infraction. Dans ces circonstances, on ne peut pas dire qu'un hôpital est traitée une personne dont la santé soulève des craintes est une prison ou un établisse- ment semblable. Le fait que l'hôpital faisait partie d'un com- plexe pénitentiaire n'est aucunement pertinent. Ça reste un hôpital.
Le conseil arbitral et le juge-arbitre ont commis une erreur de droit en concluant que, pendant son renvoi pour une période de soixante jours, le requérant était en détention en attendant son procès ou en cours de procès. Il a été un patient de l'un et de l'autre de ces hôpitaux, qui l'ont tous deux traité pour une maladie présumée. Il ne peut donc pas être considéré comme ayant été détenu dans une prison ou un établissement semblable.
Le juge Ryan: Les motifs du juge Heald sont adoptés mais certaines remarques sont formulées à leur sujet.
Bien que le requérant ne fût pas détenu à la suite d'une condamnation ni pendant un procès, il était néanmoins détenu pour un examen médical. Il s'agit d'une fin particulièrement appropriée à un hôpital mais totalement étrangère à une prison.
Pour déterminer si une personne est détenue dans une prison ou un établissement semblable, il faut tenir compte de la nature de l'établissement même. L'expression «établissement sembla- ble» doit désigner un établissement ressemblant beaucoup à une prison. Des éléments communs ou des points de ressemblance comme ceux qui existent en l'espèce ne sauraient suffire. Le fait que les paramètres du nouvel article 45 de la Loi sont beaucoup plus restreints que ceux de l'ancien article 45 vient renforcer cette interprétation.
Le seul fait qu'un hôpital peut, à l'occasion, recevoir des patients renvoyés par un tribunal à des fins de diagnostic est loin de suffire à faire de cet hôpital un établissement semblable à une prison. La même conclusion s'impose quant au fait que le centre a une section à sécurité maximale et qu'il fait partie d'un complexe pénitentiaire.
Le juge MacGuigan (dissident): La méthode indiquée pour l'interprétation des lois est l'approche contextuelle.
«Une personne détenue dans une prison ou un établissement semblable» est une personne retenue dans un lieu de détention. Étant donné que le requérant était en détention pendant toute la durée de son séjour à Penetanguishene, dont une partie dans la section à sécurité maximale, on peut dire, suivant une analyse purement verbale, que pendant la période de huit semaines dont il est question, il a été enfermé dans un lieu semblable à une prison et destiné à la détention.
La présence simultanée de l'inadmissibilité aux prestations prévue à l'alinéa 45a) et de l'exemption d'inadmissibilité prévue à l'alinéa 25b) rend l'objet de la Loi incertain relativement à la présente affaire; il devient donc nécessaire d'avoir recours aux dispositions du Code criminel en matière de renvoi en vertu desquelles le requérant a été mis sous observation.
Le renvoi et les procédures similaires du Code criminel visent à déterminer si un accusé est apte à subir son procès.
Il est inexact de soutenir que la question de l'aptitude à subir son procès vise l'avantage exclusif de l'accusé et que, si l'exa- men psychiatrique n'a pas le caractère d'une mise sous garde, il doit être à l'avantage de l'accusé en ce qui a trait à sa santé ou à la tenue d'un procès équitable. Cela présuppose qu'il existe une dichotomie entre les fins de sécurité et de justice du droit pénal et qu'il y a assimilation de cette dernière au bien-être personnel de l'accusé.
En fait, les dispositions relatives à l'aptitude de l'accusé à subir son procès sont fondées sur l'interdiction en «common law» de tenir un procès en l'absence d'une partie. Suivant l'arrêt R. v. Roberts (1975), 24 C.C.C. (2d) 539 (C.A.C.-B.), l'en- quête sur la question de l'aptitude à subir un procès est strictement une enquête tenue pour le compte de la Couronne dans le but de décider de la capacité juridique d'un sujet; il ne s'agit pas d'un procès qui opposerait des parties. En prenant en considération l'article 545 du Code (qui prévoit quoi faire lorsqu'un accusé est déclaré atteint d'aliénation mentale), on peut conclure que, tout au long du processus d'appréciation de l'aptitude de l'inculpé à subir un procès, processus qui peut aboutir à la mise en liberté, toute mesure prise doit pouvoir l'être «sans nuire à l'intérêt public».
Il faut donc reconnaître que le requérant était détenu dans une prison ou un établissement similaire durant la période d'évaluation et que par conséquent il n'avait pas droit aux prestations d'assurance-chômage durant cette période.
Il n'y a pas eu violation de la présomption d'innocence garantie par l'alinéa 11d) de la Charte, puisque l'inadmissibi- lité du requérant ne peut pas être considérée comme une mesure punitive. La Loi prévoit même que la période de référence relative aux prestations peut être prolongée d'un nombre de semaines équivalant à celui des semaines perdues parce que le prestataire était détenu dans une prison, un pénitencier ou une institution de même nature.
Il n'y a en l'espèce aucune discrimination en contravention du paragraphe 15(1) de la Charte. Le requérant soutient qu'il serait discriminatoire de ne pas accorder à un requérant de l'Ontario le bénéfice d'une Loi sur la santé mentale aussi favorable que la loi albertaine qui précise qu'une personne renvoyée dans un établissement psychiatrique est un patient. Mais cette définition a été adoptée aux fins de cette loi provinciale et ne peut régir l'interprétation d'une expression différente qui fait partie d'une loi distincte dont l'objet n'est pas le même. L'objet de ces dispositions n'étant pas la santé person- nelle de la personne concernée mais la garantie d'un procès équitable dans l'intérêt du public, ces considérations ne sont pertinentes pour aucune des instances.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS CITÉES:
Painchaud c. Commission de l'emploi et de l'immigra- tion du Canada, A-729-85, décision en date du 11 juin 1985, juge-arbitre en vertu de la Loi de 1971 sur l'assu- rance-chômage, CUB 10689, non publiée; McBoyle v. United States, 283 U.S. 25 (1931); Lor-Wes Contracting Ltd. c. La Reine, [1986] 1 C.F. 346; (1985), 60 N.R. 321 (C.A.); Towne v. Eisner, Collector of Infernal Revenue, 245 U.S. 418 (1918); Rex v. Lee Kun, [1916] 1 K.B. 337 (C.A.); R. v. Budic (1977), 35 C.C.C. (2d) 272 (C.A. Alb.); R. v. Levionnois (1956), 114 C.C.C. 266 (C.A. Ont.); R. v. Roberts (1975), 24 C.C.C. (2d) 539 (C.A.C.-B.); Garland c. Commission canadienne de l'emploi et de l'immigration, [1985] 2 C.F. 508 (C.A.); M'Naghten's Case (1843), 10 Cl. & Fin. 200; 8 E.R. 718 (H.L.).
AVOCATS:
Lawrence A. Greenspon pour le requérant. Judith A. McCann pour l'intimée.
PROCUREURS:
Karam, Greenspon, Vanier (Ontario), pour le requérant.
Le sous-procureur général du Canada pour l'intimée.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE HEALD: J'ai eu l'avantage de lire les motifs de jugement rédigés en l'espèce par mon collègue, le juge MacGuigan. La conclusion à
laquelle je parviens relativement aux questions soulevées par la présente demande fondée sur l'ar- ticle 28 [Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), chap. 10] est différente de la sienne. À mon avis, cette demande devrait être accueillie. J'entends, dans les motifs qui suivent, exposer mon raisonnement à l'appui de cette conclusion.
Le juge MacGuigan a brossé les faits de façon détaillée; je n'ai pas l'intention de répéter cet exposé mais j'estime nécessaire d'insister sur les circonstances de fait qui m'apparaissent détermi- nantes. La question à résoudre est celle de savoir si le requérant, dans les circonstances de l'espèce, peut être considéré comme étant «détenu dans une prison ou un établissement semblable» au sens que revêt cette phrase dans l'article 45 de la Loi [Loi de 1971 sur l'assurance-chômage, S.C. 1970- 71-72, chap. 48 (mod. par S.C. 1974-75-76, chap. 80, art. 17)]. Le requérant a reçu des prestations du 18 mars 1984 au 21 mai 1984. Le 17 mai 1984, il a été arrêté par la police de Nepean et accusé d'une infraction au Code criminel [S.R.C. 1970, chap. C-34]. Le dossier ne révèle pas la nature de cette infraction. Le 18 mai 1984, il a été renvoyé au Penetanguishene Mental Health Centre pour une période de soixante jours à des fins d'examen psychiatrique. On a dit que ce renvoi était fondé sur l'opinion d'un certain D' Blair, d'Ottawa. En fait, il a été détenu au Royal Ottawa Hospital jusqu'au 22 mai 1984, date à laquelle il est allé au centre Penetanguishene. Le pouvoir d'ordonner le renvoi pour une période de soixante jours serait prévu à l'alinéa 738(6)b) du Code criminel [ajouté par S.C. 1972, chap. 13, art. 63; 1974-75-76, chap. 93, art. 87(3)]. Les paragraphes (5) [mod. par S.C. 1974-75-76, chap. 93, art. 87(2)] et (6) de l'article 738 sont ainsi libellés:
738... .
(5) Nonobstant le paragraphe (1), la cour des poursuites sommaires peut, avant de déclarer un défendeur coupable, de rendre une ordonnance contre lui ou de rejeter la dénonciation, lorsqu'elle est d'avis en se fondant sur le témoignage, ou lorsque le poursuivant et le défendeur y consentent, sur le rapport écrit d'au moins un médecin dûment qualifié, qu'il y a raison de croire que le défendeur est un malade mental, dans une ordon- nance écrite adressée au défendeur,
a) lui ordonner de se présenter pour observation devant une personne aux lieu et date indiqués; ou
b) le renvoyer à la garde que la cour prescrit pour observa tion pendant trente jours au plus.
(6) Nonobstant le paragraphe (5), une cour des poursuites sommaires peut renvoyer le défendeur en conformité 'de ce paragraphe
a) pour une période d'au plus trente jours sans avoir entendu le témoignage ou examiné le rapport d'un médecin dûment qualifié, lorsque les circonstances l'exigent et qu'il ne se trouve pas de médecin qui puisse à bref délai examiner l'accusé et rendre témoignage ou présenter un rapport; et
b) pour une période de plus de trente jours ne dépassant pas soixante jours, lorsqu'elle est convaincue qu'une telle période d'observation est requise compte tenu de toutes les circons- tances de l'affaire et que cette opinion est appuyée par le témoignage, ou lorsque le poursuivant et le prévenu y consen- tent, par le rapport écrit d'au moins un médecin dûment qualifié.
Le requérant ne s'était vu refuser le cautionnement ni au terme d'une audience de justification ni au terme d'une enquête sur la révision du cautionne- ment. Il a quitté le centre Penetanguishene à l'expiration de la période de renvoi de soixante jours, antérieure à la date de son procès. Il n'était pas sous garde le 18 juillet 1984, lorsqu'il est retourné à Ottawa. Le dossier ne révèle pas de façon précise la date à laquelle il a été décidé de l'accusation criminelle portée contre lui, mais il semble que, à. une date se situant entre le 18 et le 20 juillet 1984, il a été trouvé coupable de l'accu- sation en question et libéré en vertu d'une ordon- nance de probation. Le 20 juillet, le requérant a, par téléphone, avisé la Commission qu'[TRADuc- TION] «il avait été innocenté par les tribunaux» et se trouvait à présent [TRADUCTION] «libéré en vertu d'une ordonnance de probation et placé sous la surveillance des Services correctionnels». La Commission l'a avisé que son inadmissibilité pren- drait fin à compter du 18 juillet 1984. Le requé- rant a alors demandé des prestations de maladie pour la période s'étendant du 22 mai 1984 au 18 juillet 1984, présentant à l'appui de sa demande un certificat médical en date du 26 juin 1984 portant la signature du Dr E. T. Barker, un médecin pratiquant au centre médical de Penetanguishene. Dans ce certificat, le Dr Barker disait que le requérant était [TRADUCTION] «présentement sous observation en vertu d'un mandat de renvoi». Le requérant a également présenté un certificat médi- cal portant la date du 16 août 1984 et signé par le D r R. Bacmaceda, un médecin attaché au Royal Ottawa Hospital, dans lequel celui-ci diagnosti- quait que la principale cause de l'incapacité du demandeur était une [TRADUCTION] «psychose
maniaco-dépressive—excluant la schizophrénie paranoïde». La Commission a fait parvenir au requérant un avis de refus en date du 1er juin 1984. Il y est déclaré:
[TRADUCTION] ... vous n'êtes pas admissible au bénéfice des prestations en vertu de l'alinéa 45a) de la Loi sur l'assurance- chômage et du paragraphe 55 du Règlement (sic), car vous êtes détenu dans un établissement. Le paiement des prestations est suspendu à partir du 22 mai 1984 tant et aussi longtemps que cette situation prévaudra.
Je considère qu'il est utile, pour décider de l'inter- prétation qui doit être donnée aux termes «détenu dans une prison ou un établissement semblable» dans le contexte de l'article 45, de comparer le libellé actuel de cet article avec son libellé anté- rieur. L'article 45 actuel est le suivant:
45. A l'exception des cas prévus à l'article 31, un prestataire n'est pas admissible au bénéfice des prestations pour toute période pendant laquelle
a) il est détenu dans une prison ou un établissement sembla- ble, ou
b) pendant qu'il est hors du Canada, sauf prescription contraire.
Avant la modification apportée par S.C. 1974- 75-76, chap. 80, art. 17, l'article 45 portait que:
45. Sauf disposition contraire des règlements, un prestataire n'est pas admissible au bénéfice des prestations pendant qu'il est détenu dans une prison ou un pénitencier ou pensionnaire d'un établissement recevant des subventions publiques, ni pen dant qu'il réside à titre temporaire ou permanent hors du Canada.
Il est évident que les paramètres de l'ancien article 45 sont beaucoup plus larges que ceux de l'article 45 actuel. Comme, à mon avis, nous pouvons présumer que le Penetanguishene Mental Health Centre reçoit des subventions publiques, il semble certain que, s'il était décidé de l'espèce en vertu de l'ancien article 45, le requérant serait exclu du bénéfice des prestations. En conséquence, par cette modification, les hôpitaux et les autres établisse- ments recevant des subventions publiques ont été retirés du champ d'application de l'article 45, qui ne s'étend à présent qu'aux prisons et aux établis- sements semblables aux prisons. Il est évident que la modification du libellé de l'article 45 a été faite dans un but précis, et il doit être présumé qu'elle a une certaine portée'.
' Voir: Driedger, Construction of Statutes, 2e éd., Butter- worths, Toronto 1983, p. 127.
L'étape suivante, à mon avis, consiste à adopter, en ce qui a trait à l'interprétation des termes pertinents de l'article 45, une approche qui tienne compte du contexte dans lequel il s'inscrit. Les mots doivent être interprétés selon le contexte global, dans leur acception grammaticale courante en conformité avec l'esprit et l'objet de la Loi et l'intention du législateur 2 . La Partie II de la Loi de 1971 sur l'assurance-chômage, qui comprend
les articles 16 58 inclusivement, est intitulée «Prestations d'assurance-chômage». L'article 17 [mod. par S.C. 1976-77, chap. 54, art. 30; 1978-79, chap. 7, art. 4; 1980-81-82-83, chap. 35, art. 1; chap. 97, art. 1; chap. 150, art. 2] et le paragraphe 18(1) [mod. par S.C. 1976-77, chap. 54, art. 31] déterminent et énoncent le nombre de semaines d'emploi assurable nécessaire au cours d'une période de référence pour ouvrir droit aux prestations. Le paragraphe (2) de l'article 18 [ajouté par S.C. 1974-75-76, chap. 80, art. 4; 1976-77, chap. 54, art. 31; 1978-79, chap. 7, art. 4.1] prévoit la prorogation de la période de réfé- rence, dans certaines circonstances. Il est ainsi libellé:
18....
(2) Lorsqu'une personne prouve de la manière que la Com mission peut ordonner qu'au cours d'une période de référence visée à l'alinéa a) du paragraphe (1), elle n'a pas exercé, pendant une ou plusieurs semaines, un emploi assurable parce qu'elle
a) était incapable de travailler par suite d'une maladie, blessure, mise en quarantaine ou grossesse prévue par les règlements,
b) était détenue dans une prison, un pénitencier ou autre institution de même nature,
e) suivait un cours d'instruction ou autre programme sur les instances d'une autorité que peut désigner la Commission, ou
d) touchait, sur une base temporaire, l'indemnité maximale prévue pour un accident du travail ou une maladie professionnelle,
cette période de référence sera, aux fins du présent article, prolongée d'un nombre équivalent de semaines.
L'article 25 [mod. par S.C. 1974-75-76, chap. 80, art. 7; 1976-77, chap. 54, art. 36], qui est égale- ment pertinent, prévoit que:
25. Un prestataire n'est pas admissible au service des presta- tions initiales pour tout jour ouvrable d'une période de presta- tions pour lequel il ne peut prouver qu'il était
a) soit capable de travailler et disponible à cette fin et incapable d'obtenir un emploi convenable ce jour-là,
2 Voir: ibid., p. 87.
b) soit incapable de travailler ce jour-là par suite d'une maladie, blessure ou mise en quarantaine prévue par les règlements et qu'il aurait été sans cela disponible pour travailler.
L'article 25, selon mon interprétation, empêche clairement le paiement des prestations aux person- nes qui n'ont pas prouvé leur disponibilité au tra vail et leur incapacité à trouver un emploi conve- nable ou encore leur manque de disponibilité par suite d'«une maladie, blessure ou mise en quaran- taine prévue par les règlements». De la même façon, le paragraphe 18(2), précité, prévoit la pro longation de la période de référence du requérant dans certaines situations précises. Les circons- tances décrites aux alinéas a),b),c) et d) du para- graphe 18(2) ont un dénominateur commun. Ils évoquent tous une situation de fait dans laquelle le requérant n'est pas disponible au travail en raison de circonstances extérieures échappant à sa volonté. L'alinéa b) utilise la phrase «détenue dans une prison, un pénitencier ou autre institution de même nature». L'alinéa a) prévoit la prolongation de la période de référence pour qui est «incapable de travailler par suite d'une maladie, blessure, mise en quarantaine ou grossesse prévue par les règlements».
En conséquence, il semble évident que le Parle- ment avait l'intention de prévoir que les prestatai- res qui ne sont pas disponibles au travail par suite d'une «maladie ... prévue par les règlements» ne sont pas inadmissibles aux prestations. Cela ressort clairement des dispositions des alinéas 18(2)a) et 25b) de la Loi, qui ont été citées plus haut. L'arti- cle 47 du Règlement [Règlement sur l'assurance- chômage, C.R.C., chap. 1576] énonce les exigen- ces supplémentaires applicables au versement des prestations de maladie. Le paragraphe 47(1) du Règlement est ainsi libellé:
47. (1) Un prestataire qui, conformément à l'alinéa 25b) de la Loi, allègue qu'il est incapable de travailler par suite d'une maladie, blessure ou mise en quarantaine, doit fournir à ses frais et au moment le lui demande la Commission, un certificat établi par un médecin ou une autre personne compé- tente aux yeux de la Commission, donnant tout renseignement que la Commission peut exiger au sujet de la nature de la maladie, de la blessure ou de la mise en quarantaine, de la durée probable de l'incapacité et de toute autre circonstance s'y rapportant.
Le paragraphe 47(6) du Règlement [mod. par DORS/82-44, art. 2] prévoit que:
47....
(6) Aux fins des alinéas 18(2)a) et 25b), et du paragraphe 43(3) de la Loi, une maladie, blessure ou mise en quarantaine en est une qui rend le prestataire incapable de remplir les fonctions de son emploi régulier ou habituel ou de tout autre emploi convenable.
Ainsi que l'a noté le juge MacGuigan, le requé- rant en l'espèce a effectivement présenté deux certificats médicaux dans le but de satisfaire à cette exigence. Celui portant la date du 16 août 1984 disait que le requérant souffrait d'une [TRADUCTION] «psychose maniaco-dépressive— excluant la schizophrénie paranoïde».
Quelles déductions cet examen de l'économie de la Loi et du Règlement permet-il relativement aux circonstances de l'espèce? Il semble évident que le Parlement a fait une distinction claire entre, d'une part, les personnes détenues dans des institutions pénales et, d'autre part, les personnes souffrant d'une maladie. Les membres de chacun de ces deux groupes ne sont ni les uns ni les autres disponibles au travail. Ainsi que nous l'avons déjà noté, la Loi et le Règlement les traitent de façon assez différente. L'article 45 et l'alinéa 18(2)b) visent le problème de la non disponibilité due à l'emprisonnement dans une institution pénale, alors que l'article 47 du Règlement parle du manque de disponibilité au travail par suite de maladie. A première vue, il semblerait que le requérant en l'espèce répond aux exigences du paragraphe 47(6) du Règlement puisque sa mala- die le rendait «incapable de remplir les fonctions de son emploi régulier ou habituel ou de tout autre emploi convenable». Quoi qu'il en soit, lorsque l'article 45 de la Loi parle d'un établissement semblable à une prison, il vise de façon évidente une prison («gaol») ou un pénitencier (selon les termes de l'alinéa 18(2)b)) ou tout autre établisse- ment correspondant à une prison ou ressemblant de façon générale à un tel établissement'. Selon moi, il ne peut être sérieusement soutenu qu'il est de l'esprit de la Loi et du Règlement qu'un vérita- ble hôpital constitue un établissement semblable à une prison.
MM. les docteurs Blair, Barker et Bacmaceda ont initialement rendu à l'endroit du requérant, puis confirmé, un diagnostic concluant à la mala- die mentale. Le juge l'a envoyé au Penetanguis- hene Mental Health Centre parce qu'on craignait
3 Voir: Black's Law Dictionary, cinquième édition, p. 1240.
qu'il soit atteint d'une maladie mentale, et par conséquent inapte à subir son procès. Avant d'aller à l'hôpital de Penetanguishene, il a passé quatre jours au Royal Ottawa Hospital, il a fait l'objet d'un examen médical. La détention du requérant n'avait pas le caractère d'une [TRADUCTION] «mise sous garde» puisqu'il n'y avait eu aucune audience de justification ou enquête relative au cautionnement. Elle n'avait pas non plus de carac- tère [TRADUCTION] «punitif» puisqu'il n'avait été trouvé coupable d'aucune infraction. Ainsi qu'il a déjà été noté, lorsqu'il a pris congé de cet hôpital, il n'était pas sous garde, et il est retourné à Ottawa volontairement. Comme le renvoi à l'hôpital Pene- tanguishene n'avait pour but ni de mettre sous garde ni de punir le requérant, je ne vois pas ce qui permettrait de dire qu'un établissement dont les parties reconnaissent qu'il constitue clairement un hôpital, et qui, en l'espèce, a agi envers le requé- rant comme il le fait envers les personnes dont la santé soulève des craintes, est une prison ou un établissement semblable.
Il m'apparaît que la majorité du conseil arbitral a été influencée à tort par un élément non perti nent, savoir le fait que le Penetanguishene Mental Health Centre faisait partie d'un complexe péni- tentiaire (dossier d'appel, page 34). À mon avis, la question de savoir s'il s'agissait d'un fait établi devant le conseil n'est pas pertinente. Le requérant a été envoyé à deux hôpitaux pour des raisons médicales. Il n'est aucunement pertinent de savoir si des installations hospitalières données font partie d'un complexe de quelque autre type pour décider des questions soulevées par cette demande de pres- tations d'assurance-chômage. L'hôpital de Pene- tanguishene n'est pas moins un hôpital uniquement parce qu'il se trouve situé à côté d'un pénitencier. De la même façon, le Royal Ottawa Hospital n'est pas moins un hôpital pour être voisin d'un centre commercial. La majorité du conseil a conclu (dos- sier d'appel, page 34) que le requérant, au cours de la période de soixante jours pour laquelle il avait été envoyé à l'hôpital, était [TRADUCTION] «détenu en attendant son procès» ou [TRADUC- TION] «réellement détenu en attendant son procès».
Ainsi que je l'ai déjà souligné, je suis d'avis que la détention du requérant à Penetanguishene ne constituait pas une «mise sous garde» parce qu'il n'y avait pas eu d'audience de justification ni
d'enquête relative au cautionnement et que cette détention n'avait pas un caractère «punitif» puis- que le requérant n'avait été déclaré coupable d'au- cune infraction. Il s'ensuit que la majorité du conseil a commis une erreur de droit en tirant cette conclusion. Avec déférence, je suis d'avis que le juge-arbitre a commis la même erreur fondamen- tale. J'en arrive à cette opinion en considérant les définitions du terme «prison» (prison) qui fondent son appréciation des faits de l'espèce (dossier d'ap- pel, page 111). Plus particulièrement, il a parlé de la façon suivante de la définition du terme «prison» (prison) qui figure dans le Dictionary of English Law (1959) de Jowitt: [TRADUCTION] «le diction- naire de Jowitt nous indique que les prisons sont des endroits dans lesquels on confine des personnes soit pour les garder en sûreté jusqu'à ce qu'elles aient été jugées pour un délit dont elles sont accusées soit pour les punir après qu'elles aient été jugées et condamnées». (C'est moi qui souligne.)
Il est clair que la partie de la définition tirée du Dictionary of English Law de Earl Jowitt que le juge-arbitre a soulignée s'appliquait, dans son esprit, aux faits de l'espèce. Il a, de la même façon, souligné des passages de définitions similaires tirées de Stroud's Judicial Dictionary, Sweet & Maxwell, London 1974, Vol. 4, page 2111, et du Corpus Juris Secundum, 72 C.J.S. Prisons § 1. Toutes ces définitions impliquent fondamentale- ment un objectif de détention ou de punition. Pour les motifs que je viens d'énoncer, je suis d'avis que l'emprisonnement en l'espèce n'avait pour but ni la détention ni la punition, mais des fins médicales. L'aspect intéressant de toutes ces définitions citées par le juge-arbitre est toutefois que chacune, sans exception, utilise le même critère, savoir quel est le motif, le but ou l'objet de l'emprisonnement? Si nous appliquons ce critère qui, à mon avis, est approprié, il est évident que, selon les faits en cause, ni le Royal Ottawa Hospital ni le Penetan- guishene Mental Health Centre n'est une «prison ou un établissement semblable». Ils sont tous deux des hôpitaux. Au cours du renvoi du requérant pour une période de soixante jours, celui-ci a été un patient de l'un et de l'autre de ces hôpitaux, qui l'ont tous deux traité pour une maladie présumée. Il s'ensuit, selon moi, que le requérant, au cours de la période pertinente de soixante jours commen- çant le 18 mai 1984, n'était pas détenu dans une prison ou un établissement semblable au sens que
revêt cette expression à l'alinéa 45a) de la Loi de 1971 sur l'assurance-chômage.
Pour ces motifs, j'accueillerais la demande fondée sur l'article 28, j'annulerais la décision du juge-arbitre et je renverrais la question devant un juge-arbitre pour qu'il en soit décidé à nouveau en tenant pour acquis que le conseil arbitral a commis une erreur de droit en concluant que le Penetan- guishene Mental Health Centre constitue, pour l'application de l'article 45 de la Loi de 1971 sur l'assurance-chômage, un établissement semblable à une prison.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE RYAN: Je suis d'accord avec le juge Heald pour dire que la demande fondée sur l'arti- cle 28 devrait être accueillie et que la question devrait être renvoyée devant un juge-arbitre pour qu'il en décide à nouveau sur le fondement que le juge Heald indique.
Je ferai toutefois à l'endroit des motifs du juge Heald les remarques suivantes.
Ainsi que l'indique le juge Heald, il est clair que M. Crupi n'était pas sous garde à Penetanguishene parce qu'il avait été trouvé coupable d'une infrac tion criminelle ou parce qu'il était détenu en atten dant la reprise de son procès. J'hésiterais toutefois à dire que M. Crupi n'était pas mis sous garde. La lecture corrélative des alinéas 738(6)b) et 738(5)b) du Code criminel—ces deux alinéas doi- vent d'ailleurs être lus ensemble—me porte à con- clure que le renvoi de M. Crupi au Penetanguis- hene Mental Health Centre devait être un renvoi en détention provisoire. M. Crupi était donc sous garde alors qu'il était à l'hôpital (les parties recon- naissent que le Mental Health Centre est un hôpi- tal), mais la détention avait pour but son examen médical, une fin particulièrement appropriée à un hôpital mais totalement étrangère à une prison.
Mes autres observations ne feront que s'ajouter aux motifs du juge Heald.
Une personne ne peut être détenue dans une prison ou un établissement semblable que si l'éta- blissement à l'intérieur duquel elle se trouve est véritablement une prison ou un établissement sem-
blable: telle doit être la nature même de cet éta- blissement. Un patient se trouvant, comme M. Crupi, dans un hôpital à la suite d'un renvoi pourrait parfois avoir l'impression que, y étant gardé contre son gré, il se trouve en prison; cela n'impliquerait cependant pas que l'établissement en question constitue une prison.
Le juge Heald dit que lorsque l'article 45 de la Loi parle d'une prison ou d'un établissement sem- blable, «il vise de façon évidente une prison («jail») ou un pénitencier ... ou tout autre établissement correspondant à peu près à une prison ou ressem- blant de façon générale à un tel établissement». Je souscris à cette opinion. J'ajouterai simplement une remarque aux motifs prononcés par le juge Heald à l'appui de sa conclusion. Le mot « inmate» (détenu), historiquement, et même encore à pré- sent, possède, à tort ou à raison, une connotation péjorative. Associé au terme «prison» et à l'expres- sion «établissement semblable», il leur transmet à tous deux cette connotation. Les termes «détenu dans une prison ou un établissement semblable» suggèrent fortement que l'expression «établisse- ment semblable» doit désigner un établissement ressemblant beaucoup à une prison. Des éléments communs, des points de ressemblance ne sauraient suffire. La modification apportée à l'article 45 de la Loi, à laquelle le juge Heald a fait référence, renforce cette interprétation.
Le seul fait qu'un hôpital puisse, à l'occasion, recevoir des patients renvoyés par un tribunal à des fins de diagnostic est loin de suffire à faire de cet hôpital un établissement semblable à une prison. Et ce serait le cas même si ce renvoi visait fonda- mentalement l'établissement d'un diagnostic et son utilisation, par le tribunal auteur du renvoi, lors du procès du patient, comme c'était évidemment le but ultime du renvoi de M. Crupi.
Bien que je constate que l'intimée s'est appuyée sur d'autres circonstances que le renvoi en déten- tion de M. Crupi, je ne suis pas d'avis que l'une quelconque des questions soulevées puissent servir de fondement à la décision portant que le Mental Health Centre est une prison ou un établissement semblable. La conclusion suivant laquelle le centre est pourvu d'[TRADUCTION] «une section à sécu- rité maximale» permet difficilement de conclure que le centre est un établissement «correspondant à
peu près à une prison»: un hôpital dispensant des soins psychiatriques peut très bien posséder une section de sécurité. La conclusion devant suivant laquelle le centre faisait partie d'un «penitentiary complex» («pénitencier»),—quel que soit le sens de cette expression—ne peut, elle non plus, permettre de conclure que le centre était lui-même une insti tution semblable à une prison. Et je ne vois rien dans l'une quelconque des autres conclusions du Conseil qui puisse fonder une telle conclusion.
Je soulignerai que je suis d'accord avec le juge MacGuigan pour dire que la question de savoir si M. Crupi aurait pu faire la preuve qu'il remplissait les conditions prévues à l'alinéa 25b) de la Loi ne se pose pas dans le cadre de la demande en l'espèce.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE MACGUIGAN (dissident): La seule question soulevée par la demande fondée sur l'arti- cle 28 en l'espèce est celle de savoir si un presta- taire d'assurance-chômage, dont un tribunal a ordonné le renvoi à des fins d'observation psychia- trique après qu'il a été accusé d'une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procé- dure sommaire, est «détenu dans une prison ou un établissement semblable» au sens de l'alinéa 45a) de la Loi de 1971 sur l'assurance-chômage («la Loi») et est ainsi inadmissible à recevoir des pres- tations pour la période de son renvoi.
En mars 1984, le requérant a présenté une demande initiale de prestations régulières d'assu- rance-chômage. Il a été établi que son droit com- mençait le 18 mars, et les prestations lui ont été versées à partir de cette date jusqu'au 21 mai 1984.
Arrêté par la police de Nepean le 17 mai 1984, le requérant comparaissait le lendemain devant la Cour provinciale. Par ordonnance de la Cour, il a été renvoyé au Penetanguishene Mental Health Centre pour une période de soixante jours à des fins d'observation psychiatrique. En fait, il a été gardé au Royal Ottawa Hospital jusqu'au 22 mai 1984, date à laquelle il a été admis à Penetanguishene.
La Commission d'assurance-chômage («la Com mission») a été avisée de ces événements le 29 mai par la police de Nepean. Le 1er juin, après avoir vérifié ces informations, la Commission a déclaré le requérant inadmissible aux prestations à comp- ter du 22 mai.
Le requérant a été libéré de Penetanguishene le 18 juillet 1984; il a ensuite été mis fin à son inadmissibilité aux prestations à compter de cette date. Le requérant, s'appuyant sur des certificats médicaux, a demandé que lui soient payées des prestations de maladie pour la période allant du 22 mai au 18 juillet. La Commission ayant refusé de modifier sa décision, le requérant a interjeté appel devant un conseil arbitral. La décision de la majo- rité du conseil, en date du 25 septembre 1984, portait que:
[TRADUCTION] La majorité du conseil arbitral conclut que le prestataire était, en fait, détenu en attendant son procès et que Penetanguishene est un établissement que l'on peut classer dans la définition de l'alinéa 45A: «il est détenu dans une prison ou un établissement semblable». Cette définition pourrait éventuel- lement être contestée comme elle l'a été par M. MacDonald qui a soutenu que le prestataire était dans un «hôpital» et non, comme on l'a allégué, dans un «établissement semblable» à une prison. La conclusion majoritaire du conseil se fonde sur ce qui suit: a) M. Crupi a été inculpé d'un délit et a été gardé à vue; b) il a été réinterné sur un ordre de la Cour après recommanda- tion du Dr Blair du tribunal provincial en vue d'une évaluation psychiatrique; c) il a d'abord été adressé au Royal Ottawa Hospital puis transféré au Penetanguishene Mental Health Centre qui est un établissement comportant une section réser- vée à l'application des mesures à sécurité maximale; d) le prestataire a été gardé à vue tout le temps qu'il se trouvait au Centre de Penetanguishene qui fait partie d'un pénitencier et il a été également détenu pendant un certain temps dans le bâtiment à sécurité maximale de cet établissement; e) après avoir passé la période de 60 jours d'évaluation, M. Crupi a ensuite été condamné en vertu de la Loi et a bénéficié d'une période de probation. Le «dénouement» de sa probation ne peut pas être utilisé comme preuve qu'il n'était pas réellement détenu en attendant son procès mais plutôt, comme l'a allégué M. MacDonald, que le prestataire était réellement un patient que l'on évaluait dans un établissement de santé qui, en raison des ressources plus nombreuses dont il dispose, était en l'occu- rence le Penetanguishene Health Centre. A notre avis, l'agent de l'assurance-chômage a tiré la conclusion voulue et sa déci- sion ne doit pas être modifiée.
DÉCISION: La décision de l'agent de l'assurance-chômage doit être maintenue.
La décision minoritaire était ainsi libellée:
[TRADUCTION] En tant que président je me dissocie de l'opi- nion majoritaire pour les motifs suivants: M. Crupi était détenu dans les deux institutions en question pour fins d'évaluation de son incapacité et traitement ultérieur. Il n'était pas détenu en attendant la date de son procès, mais en raison d'un ordre de
réinternement. Il est sorti avant la date de son procès. Par conséquent, M. Crupi n'était pas un détenu dans un établisse- ment mais plutôt un patient. En fait, il était malade et était traité comme tel. Deuxièmement, les établissements en question sont des hôpitaux psychiatriques et non des prisons. Le fait que M. Crupi ait été détenu et incapable de quitter l'établissement il se trouvait n'est pas pertinent. Le fait pertinent est la maladie mentale dont M. Crupi souffrait à l'époque. La conclu sion du président est donc que l'alinéa 45a) de la Loi ne s'applique pas dans le cas de M. Crupi.
Le requérant a ensuite interjeté appel devant un juge-arbitre conformément à l'article 95 de la Loi [mod. par S.C. 1976-77, chap. 54, art. 56; 1984, chap. 40, art. 79(2) (Numéro 8)]. Le 9 avril 1985, le juge-arbitre a rendu la décision suivante:
[TRADUCTION] Pour commencer, les dispositions statutaires pertinentes dans la présente affaire sont l'alinéa 45a) de la Loi de 1971 sur l'assurance-chômage et l'article 55 du Règlement sur l'assurance-chômage. Ils sont libellés comme suit:
«45. À l'exception des cas prévus à l'article 31, un prestataire n'est pas admissible au bénéfice des prestations pour toute période pendant laquelle
a) il est détenu dans une prison ou un établissement semblable;
55. Un prestataire qui est détenu dans une prison ou dans un établissement du même genre et à qui a été accordée la libération conditionnelle, de jour ou autre, une autorisation d'absence temporaire ou un certificat de disponibilité pour chercher et accepter un emploi dans la société, ne perd pas son droit aux prestations du seul fait de l'article 45 de la Loi.»
L'avocat du prestataire a constamment soutenu que durant la période pendant laquelle le prestataire se trouvait au Penetan- guishene Mental Health Centre, il y était à titre de patient. Par ailleurs, l'avocat de la Commission a également soutenu qu'il s'y trouvait à titre de détenu. Le Shorter Oxford English Dictionary définit inmate (détenu) comme [TRADUCTION] «une personne qui vit avec d'autres personnes dans la même maison (sens rare maintenant); un occupant parmi tant d'autres, celui qui occupe une maison, qui habite dans la même maison que d'autres ou dans la maison d'autres personnes.» Le Black's Law Dictionary définit inmate (détenu) comme [TRADUCTION] «une personne détenue dans une prison, un pénitencier, ou un établis- sement semblable, une personne qui habite ou qui vit dans une maison avec une autre personne, des personnes qui occupent des pièces différentes mais qui utilisent la même porte pour entrer et sortir de la maison.» Le Britannica World Language Dictio nary définit inmate (détenu) comme «une personne qui vit dans un endroit qu'elle partage avec d'autres personnes, un compa- gnon ou un camarade avec lequel on occupe un lieu.» Ce dictionnaire décrit également inmate (détenu) comme [TRA- DUCTION] «une personne qui est gardée ou détenue dans une prison, un asile ou un établissement semblable.» En ce qui concerne le terme patient (patient), le Britannica World Lan guage Dictionary le définit comme suit: [TRADUCTION] «Une personne qui subit un traitement pour une maladie ou une blessure.»
Si le prestataire avait séjourné à Penetanguishene pour une journée ou deux, on n'aurait pas pu dire qu'il était détenu dans
cet établissement. Cependant, compte tenu de la durée de son séjour dans cet établissement, il ne fait aucun doute qu'il est devenu un détenu. Toutefois, cela n'élimine pas le fait qu'il était également un patient du centre et, à mon avis, il était à la fois un détenu et un patient à Penetanguishene du 22 mai 1984 jusqu'au 20 juillet 1984 approximativement, date à laquelle il a quitté cet établissement.
Avec tout le respect à l'avocat, le point en litige dans la présente affaire n'a rien à voir avec le statut du prestataire lorsqu'il se trouvait au Penetanguishene Mental Health Centre. A mon avis, il s'agit de savoir si oui ou non le centre entre dans la catégorie visée par l'alinéa 45a) de la Loi. En termes simples, il faut se demander si Penetanguishene était «une prison ou un établissement semblable» dans le cas du prestataire Carin Crupi.
L'autre question évidente à se poser est celle de savoir ce qu'est une prison. Il y a plus de 300 ans, un brillant poète anglais, Richard Lovelace, a donné cette définition inoubliable de la prison dans son fameux poème «To Althea: From Prison»:
[TRADUCTION] «Des murs de pierre ne font pas une prison et des barreaux de fer ne sont pas une cage, les esprits innocents et tranquilles en font un ermitage.»
C'est Maxwell qui, à la page 6 de Interpretation of Statutes, nous a rappelé que «la règle d'or consiste à attribuer aux termes de la Loi leur sens ordinaire.» C'est Lord Wensleydale qui dans Grey c. Pearson (1857), 6 H.L.C. 61, a formulé la règle d'interprétation par excellence lorsqu'il a déclaré ce qui suit, à la page 106:
«Lorsqu'on interprète les volontés d'un testateur, les lois et tous les actes instrumentaires, il faut s'en tenir au sens grammatical et ordinaire des mots, à moins que cela n'en- traîne quelque absurdité ou quelque contradiction ou illo- gisme par rapport au reste du texte et, le cas échéant, le sens grammatical et ordinaire des mots peut être modifié de manière à éviter l'absurdité, la contradiction et l'illogisme, mais sans plus.»
Si j'applique la «règle» d'interprétation dite «par excellence» et que je garde présent à l'esprit la signification ordinaire et courante des mots figurant au dictionnaire, je n'éprouve aucune difficulté à comprendre l'interprétation et la portée réelle de l'alinéa 45a) de la Loi de 1971 sur l'assurance-chômage. Le sens ordinaire et grammatical du terme «prison» se trouve dans plusieurs ouvrages bien connus. J'en ai choisi quatre.
Le Black's Law Dictionary, 1979, édition, définit prison (prison) comme un édifice public ou autre endroit servant à la réclusion de personnes soit pour fins de punition imposée par la Loi ou autrement pour les fins de l'administration de la jus tice,». (C'est moi qui souligne.)
Le Dictionary of English Law (1959) de Earl Jowitt nous indique que les prisons sont des endroits dans lesquels on confine des personnes soit pour les garder en sûreté jusqu'à ce qu'elles aient été jugées pour un délit dont elles sont accusées soit pour les punir après qu'elles aient été jugées et condam- nées. (C'est moi qui souligne.)
Dans le Stroud's Judicial Dictionary, nous trouvons la défini- tion suivante de la prison:
[TRADUCTION] PRISON (prison). (1) Tout endroit une per- sonne est privée de sa liberté est une prison; par exemple, si
quelqu'un se réfugie dans un SANCTUAIRE et qu'il quitte ce SANCTUAIRE, on dit qu'il s'est enfui (Voir l'affaire Hobert et Stroud, Cro, Car. 210); il en est de même pour un endroit l'on se trouve uniquement en libération conditionnelle; ainsi lorsque «un fuit mis in les cippes come suspect de felony, et la vient un autre que luy lessa aler alarge—ces est felony per common ley, de fragentibus prisonis» (Dyer 99, pl. 60). Voir encore GAOL (geôle); Emprisonnement. Voici une définition probablement plus complète du terme prison (prison): «un endroit de réclusion sûr l'on détient des individus qui doivent répondre d'un acte impliquant une responsabilité personnelle ou criminelle» (Cowel), se dit également d'un endroit l'on détient une personne accusée d'un délit ou pour toute fin d'emprisonnement légalement ordonnée par une cour. Voir encore 2 Hawk. P.C. Ch. 18, paragraphe 4; 10 Encyc. 402-404, BREAK OUT (fuir); ESCAPE (s'échapper); RESCUE (sauver); PRISONER (prisonnier). (C'est moi qui souligne.)
Enfin dans le Corpus Juris Secundum 72, nous trouvons ce qui suit:
a. Prison
Le terme «prison» a été défini comme un endroit de réclusion l'on garde des personnes en sûreté afin qu'elles puissent répondre de leurs actes devant une cour civile ou criminelle; un bâtiment servant à garder en lieu sûr ou à détenir des criminels et plus précisément des criminels condamnés.
Une prison est un endroit de réclusion l'on garde des personnes en sûreté afin qu'elles puissent répondre de leurs actes devant une cour civile ou criminelle; endroit tenu par l'autorité publique pour détenir des individus emprisonnés en vertu de poursuites judiciaires; un bâtiment servant à garder en lieu sûr ou à détenir des criminels et plus précisément des criminels condamnés. Au sens général du terme, peut se rappor- ter à tout lieu de détention utilisé en vertu de poursuites judiciaires ou d'une arrestation légale, mais s'applique habituel- lement au lieu de détention des criminels condamnés et sert à désigner une institution servant à emprisonner des individus condamnés pour les crimes les plus graves. Une prison n'est pas un lieu de refuge pour le criminel, c'est un lieu de punition. (C'est moi qui souligne.)
Il va sans dire que le prestataire a d'abord été accusé d'un délit pénal, puis interné au Penetanguishene Mental Health Centre il a été détenu dans le bâtiment de sécurité maxi- male. En temps opportun, après sa sortie de Penetanguishene, il a été jugé pour le délit dont il avait été accusé et il a été mis en probation après avoir été jugé coupable. Bien que j'éprouve beaucoup de sympathie pour le prestataire qui, j'en suis con- vaincu, tente sincèrement de retrouver le statut de citoyen respecté qui se conforme aux lois (et le félicite de ses efforts et lui souhaite bonne chance), je n'ai malheureusement pas d'au- tre choix que de rejeter son appel en tenant compte des faits incontestés de la présente cause. Son séjour au Penetanguishene Mental Health Centre a été une période d'emprisonnement et, par conséquent, comme le prévoit clairement l'alinéa 45a) de la Loi, il n'était pas admissible au bénéfice des prestations.
Il y a une autre bonne raison pour laquelle je dois rejeter son appel. Le prestataire a fondé son appel sur l'alinéa 95c) de la Loi. Néanmoins, je vais examiner les trois alinéas de cet article.
Pour ce qui est de l'alinéa 95a), je suis convaincu que le conseil arbitral n'a enfreint aucun principe de justice naturelle. Le prestataire a comparu, assisté de son avocat, et il a eu tout le loisir d'exposer son point de vue devant le conseil arbitral. Il n'y a absolument rien qui laisse supposer que ce dernier a fait preuve de partialité ou de parti-pris, et l'alinéa 95a) ne s'appli- que donc pas.
En ce qui concerne l'alinéa 95b), comme je l'ai expliqué dans le paragraphe précédent, je suis absolument convaincu que le conseil arbitral n'a commis aucune erreur de droit à l'égard de l'une des dispositions de la Loi de 1971 sur l'assurance-chô- mage ou de la jurisprudence reconnue se rapportant à cette Loi. En conséquence, l'alinéa 95b) ne s'applique pas non plus.
Quant à l'alinéa 95c), il est clair que le conseil arbitral était appelé à apprécier uniquement des faits et des circonstances établis par la preuve. Il existe de nombreuses décisions dans lesquelles il a été établi que—depuis l'adoption du nouvel article 95 de la Loi—un juge-arbitre ne peut ni infirmer la décision d'un conseil arbitral, ni en rejeter ou modifier les conclusions, à moins que cette décision ou ces conclusions soient manifestement erronées par rapport à l'ensemble du dossier, c'est-à-dire que la conclusion de fait ait été tirée de façon absurde ou arbitraire. Même si j'étais enclin à donner raison au prestataire, ce qui n'est pas le cas, je ne pourrais faire droit à cet appel que s'il tombait sous le coup de l'un des trois alinéas de l'article 95. L'examen très minutieux du dossier m'indique clairement que ce n'est pas le cas ici. L'appel de la décision majoritaire du conseil arbitral doit donc être rejeté.
Le dossier ne révèle pas la disposition du Code criminel sur laquelle s'est appuyée la Cour pour prononcer l'ordonnance de renvoi, mais les parties se sont entendues devant nous pour dire que cette décision a été prise en vertu du paragraphe 738(6). En fait, selon le Code criminel, un juge de paix présidant à une enquête préliminaire, un juge au procès d'une personne accusée d'un acte criminel, une cour des poursuites sommaires ou un juge d'une cour d'appel sont tous investis du même pouvoir d'ordonner un examen psychiatrique. Les dispositions pertinentes du Code sont les suivantes [465 (mod. par S.C. 1974-75-76, chap. 93, art. 58), 543 (mod. idem, art. 68), 545 (mod. par S.C. 1972, chap. 13, art. 45), 608.2 (ajouté par S.C. 1972, chap. 13, art. 54; 1974-75-76, chap. 93, art. 74), 738 (mod. par S.C. 1972, chap. 13, art. 63; 1974-75-76, chap. 93, art. 87)]:
465. (1) Un juge de paix agissant en vertu de la présente Partie peut
c) dans une ordonnance par écrit adressée à un prévenu,
(i) lui ordonner de se présenter pour observation devant la personne aux lieu et date indiqués, ou
(ii) le renvoyer à la garde qu'il prescrit pour observation pendant trente jours au plus,
lorsque, suivant son opinion, appuyée par le témoignage ou lorsque le poursuivant et le prévenu y consentent, par le rapport écrit d'au moins un médecin dûment qualifié, il y a des motifs de croire
(iii) que le prévenu peut être atteint d'une maladie men- tale, ou
(iv) que le prévenu, lorsqu'il s'agit d'une personne du sexe féminin inculpée d'une infraction découlant de la mort de son enfant nouveau-né, est mentalement déséquilibré;
(2) Nonobstant l'alinéa (1)c), un juge de paix agissant en vertu de la présente Partie peut renvoyer un prévenu en confor- mité de cet alinéa
a) pour une période d'au plus trente jours sans avoir entendu le témoignage ou examiné le rapport d'un médecin dûment qualifié, lorsque les circonstances l'exigent et qu'il ne se trouve pas de médecin qui puisse à bref délai examiner le prévenu et rendre témoignage ou présenter un rapport; et
b) pour une période de plus de trente jours ne dépassant pas soixante jours, lorsqu'il est convaincu qu'une telle période d'observation est requise compte tenu de toutes les circons- tances de l'affaire et que son opinion est appuyée par le témoignage ou, lorsque le poursuivant et le prévenu y consen- tent, par le rapport écrit d'au moins un médecin dûment qualifié.
(3) Le juge de paix, qui, compte tenu des observations faites à la suite de l'ordonnance rendue conformément à l'alinéa (1)c), a des raisons suffisantes de douter de la capacité du prévenu, pour cause d'aliénation mentale, de mener sa défense, doit ordonner que cette question soit tranchée dès l'enquête préliminaire.
(4) Le juge de paix qui ordonne qu'une question soit tranchée conformément au paragraphe (3) doit se conformer à l'article 543 dans la mesure il peut s'appliquer.
543. (1) Une cour, un juge ou un magistrat peut, à tout moment avant le verdict, lorsqu'il parait qu'il y a des raisons suffisantes de douter que l'accusé soit, pour cause d'aliénation mentale, en état de conduire sa défense, ordonner que soit examinée la question de savoir si l'accusé est alors, pour cause d'aliénation mentale, incapable de subir son procès.
(2) Une cour, un juge ou un magistrat peuvent, à tout moment avant le verdict ou la sentence, lorsque, suivant leur opinion, appuyée par le témoignage ou lorsque le poursuivant et le prévenu y consentent, par le rapport écrit d'au moins un médecin dûment qualifié, il y a des motifs de croire
a) que le prévenu est atteint d'une maladie mentale, ou
b) que le prévenu, lorsqu'il s'agit d'une personne du sexe féminin inculpée d'une infraction découlant de la mort de son enfant nouveau-né, est mentalement déséquilibré,
dans une ordonnance par écrit adressée à un prévenu
c) lui ordonner de se présenter pour observation devant la personne, aux lieu et date indiqués, ou
d) le renvoyer à la garde qu'ils prescrivent pour observation pendant trente jours au plus.
(2.1) Nonobstant le paragraphe (2), une cour, un juge ou un magistrat peuvent renvoyer un accusé en conformité de ce paragraphe
a) pour une période d'au plus trente jours sans avoir entendu le témoignage ou examiné le rapport d'un médecin dûment qualifié, lorsque les circonstances l'exigent et qu'il ne se trouve pas de médecin qui puisse à bref délai examiner l'accusé et rendre témoignage ou présenter un rapport; et
b) pour une période de plus de trente jours ne dépassant pas soixante jours, lorsqu'ils sont convaincus qu'une telle période d'observation est requise compte tenu de toutes les circons- tances de l'affaire et que leur opinion est appuyée par le témoignage ou, lorsque le poursuivant et le prévenu y consen- tent, par le rapport écrit d'au moins un médecin dûment qualifié.
(3) Lorsqu'il apparaît qu'il y a des raisons suffisantes de douter que l'accusé soit, pour cause d'aliénation mentale, en état de conduire sa défense, la cour, le juge ou le magistrat doit, si l'accusé n'est pas représenté par un procureur, désigner un procureur pour agir au nom de l'accusé.
(4) Aux fins du paragraphe (1), les dispositions suivantes s'appliquent, savoir:
a) lorsque la question est soulevée avant que la poursuite n'ait terminé son exposé, la cour, le juge ou le magistrat peut différer d'ordonner le jugement de la question jusqu'à tout moment avant que la défense ne commence son exposé;
b) lorsque le procès se tient ou doit se tenir devant une cour composée d'un juge et d'un jury,
(i) si le juge ordonne que la question soit jugée avant que l'accusé ne soit confié à un jury en vue d'un procès sur l'acte d'accusation, cette question doit être jugée par douze jurés ou, dans le territoire du Yukon et les territoires du Nord-Ouest, par six jurés, et,
(ii) si le juge ordonne que la question soit jugée après que l'accusé a été confié à un jury en vue d'un procès sur l'acte d'accusation, le jury doit être assermenté pour juger cette question en sus de celle pour laquelle il a déjà été asser- menté; et
e) lorsque le procès se tient devant un juge ou un magistrat, ce juge ou ce magistrat doit juger la question et rendre un verdict.
(5) Si le verdict porte que l'accusé n'est pas incapable, pour cause d'aliénation mentale, de subir son procès, l'interpellation ou le procès doit suivre son cours comme si cette question n'avait pas été soulevée.
(6) Si le verdict porte que l'accusé est, pour cause d'aliéna- tion mentale, incapable de subir son procès, la cour, le juge ou le magistrat doit ordonner que l'accusé soit tenu sous garde jusqu'à ce que le bon plaisir du lieutenant-gouverneur de la province soit connu, et tout plaidoyer qui a été invoqué doit être écarté et le jury libéré.
545. (1) Lorsque, en application de la présente Partie, un accusé est déclaré atteint d'aliénation mentale, le lieutenant- gouverneur de la province l'accusé est détenu peut
a) rendre une ordonnance pour la bonne garde de l'accusé dans le lieu et de la manière qu'il prescrit, ou
b) s'il est d'avis que la mesure est dans l'intérêt véritable de l'accusé sans nuire à l'intérêt public, rendre une ordonnance portant libération de l'accusé, soit inconditionnellement, soit aux conditions qu'il prescrit.
608.2 (1) Un juge de la cour d'appel peut, dans une ordon- nance par écrit adressée à un appelant
a) lui ordonner de se présenter pour observation devant la personne, aux lieu et date indiqués, ou
b) le renvoyer à la garde qu'il prescrit pour observation pendant trente jours au plus,
lorsqu'il est d'avis, en se fondant sur le témoignage ou, lorsque le poursuivant et le prévu y consentent, sur le rapport écrit d'au moins un médecin dûment qualifié, qu'il y a des raisons de croire que cet appelant
c) peut être atteint d'une maladie mentale, ou
d) s'il s'agit d'une personne du sexe féminin inculpée d'une infraction découlant de la mort de son enfant nouveau-né, est mentalement déséquilibré.
(2) Nonobstant le paragraphe (1), un juge de la cour d'appel peut renvoyer un appelant conformément à ce paragraphe
a) pour une période d'au plus trente jours sans avoir entendu le témoignage ou examiné le rapport d'un médecin dûment qualifié, lorsque les circonstances l'exigent et qu'il ne se trouve pas de médecin qui puisse à bref délai examiner l'accusé et rendre témoignage ou présenter un rapport; et
b) pour une période de plus de trente jours ne dépassant pas soixante jours, lorsqu'il est convaincu qu'une telle période d'observation est requise compte tenu de toutes les circons- tances de l'affaire et que leur opinion est appuyée par le témoignage ou, lorsque le poursuivant et le prévenu y consen- tent, par le rapport écrit d'au moins un médecin dûment qualifié.
738... .
(5) Nonobstant le paragraphe (1), la cour des poursuites sommaires peut, avant de déclarer un défendeur coupable, de rendre une ordonnance contre lui ou de rejeter la dénonciation, lorsqu'elle est d'avis en se fondant sur le témoignage, ou lorsque le poursuivant et le défendeur y consentent, sur le rapport écrit d'au moins un médecin dûment qualifié, qu'il y a raison de croire que le défendeur est un malade mental, dans une ordon- nance écrite adressée au défendeur,
a) lui ordonner de se présenter pour observation devant une personne aux lieu et date indiqués; ou
b) le renvoyer à la garde que la cour prescrit pour observa tion pendant trente jours au plus.
(6) Nonobstant le paragraphe (5), une cour des poursuites sommaires peut renvoyer le défendeur en conformité de ce paragraphe
a) pour une période d'au plus trente jours sans avoir entendu le témoignage ou examiné le rapport d'un médecin dûment qualifié, lorsque les circonstances l'exigent et qu'il ne se trouve pas de médecin qui puisse à bref délai examiner l'accusé et rendre témoignage ou présenter un rapport; et
b) pour une période de plus de trente jours ne dépassant pas soixante jours, lorsqu'elle est convaincue qu'une telle période d'observation est requise compte tenu de toutes les circons- tances de l'affaire et que cette opinion est appuyée par le témoignage, ou lorsque le poursuivant et le prévenu y consen- tent, par le rapport écrit d'au moins un médecin dûment qualifié.
(7) La cour des poursuites sommaires qui, compte tenu des observations faites à la suite de l'ordonnance rendue conformé- ment au paragraphe (5), a des raisons suffisantes de douter de la capacité du prévenu, pour cause d'aliénation mentale, de mener sa défense, doit ordonner que cette question soit tranchée.
(8) La cour des poursuites sommaires qui ordonne qu'une question soit tranchée conformément au paragraphe (7) doit se conformer à l'article 543 dans la mesure il peut s'appliquer.
L'intimée a soutenu devant nous que le requé- rant, en plus d'être inadmissible par l'effet de l'article 45 de la Loi, n'avait pas satisfait aux exigences prévues à l'article 25:
25. Un prestataire n'est pas admissible au service des presta- tions initiales pour tout jour ouvrable d'une période de presta- tions pour lequel il ne peut prouver qu'il était
a) soit capable de travailler et disponible à cette fin et incapable d'obtenir un emploi convenable ce jour-là,
b) soit incapable de travailler ce jour-là par suite d'une maladie, blessure ou mise en quarantaine prévue par les règlements et qu'il aurait été sans cela disponible pour travailler.
L'intimée soutient que le requérant n'a prouvé qu'il satisfaisait ni à l'une ni à l'autre des condi tions prévues à l'alinéa 25b), savoir qu'il était incapable de travailler par suite d'une maladie prévue par les règlements et qu'il aurait été sans cela disponible pour travailler.
Le paragraphe 47 (1) du Règlement prévoit que la preuve de la maladie se fera comme suit:
47. (I) Un prestataire qui, conformément à l'alinéa 25b) de la Loi, allègue qu'il est incapable de travailler par suite d'une maladie, blessure ou mise en quarantaine, doit fournir, à ses frais et au moment le lui demande la Commission, un certificat établi par un médecin ou une autre personne compé- tente aux yeux de la Commission, donnant tout renseignement que la Commission peut exiger au sujet de la nature de la maladie, de la blessure ou de la mise en quarantaine, de la durée probable de l'incapacité et de toute autre circonstance s'y rapportant.
En fait, le requérant a présenté, pour satisfaire à cette exigence, deux certificats médicaux, dont le premier était établi par un médecin du Royal Ottawa Hospital et le second provenait d'un méde- cin de Penetanguishene.
De plus, ainsi que l'a souligné avec justesse l'avocat du requérant, l'avis en date du ler juin 1984 du rejet par la Commission de la demande de prestations du requérant comportait expressément les limites suivantes:
[TRADUCTION] D'après les renseignements fournis à l'appui de votre demande de prestations, vous n'êtes pas admissible au bénéfice des prestations en vertu de l'alinéa 45a) de la Loi sur l'assurance-chômage et du paragraphe 55 du Règlement, car vous êtes détenu dans un établissement. Le paiement des pres- tations est suspendu à partir du 22 mai 1984 et aussi longtemps que cette situation prévaudra.
Le seul motif invoqué par la Commission à l'appui de l'inadmissibilité du requérant, et la seule ques tion sur laquelle ont porté l'examen du conseil arbitral et celui du juge-arbitre, est que le requé- rant serait visé par l'alinéa 45a). Il ne nous est pas permis, dans le cadre d'une demande fondée sur l'article 28, d'élargir la question à l'étude.
Le juge Joyal, agissant à titre de juge-arbitre dans l'affaire Painchaud c. Commission de l'em- ploi et de l'immigration du Canada, du greffe A-729-85, (décision rendue le 11 juin 1985, CUB 10689 et portée en appel devant cette Cour), est parvenu, après la décision du juge-arbitre en l'es- pèce, à une conclusion opposée à partir de faits substantiels identiques à ceux en cause, si ce n'est que le renvoi avait été initialement ordonné par un juge présidant à une enquête préliminaire plutôt que par une cour des poursuites sommaires. Le juge Joyal a conclu (aux pages 6 et 7):
Je reviens au texte du paragraphe 45a) et aux circonstances qui ont entouré l'hébergement du prestataire à l'institut de psychiatrie. L'expression dont se sert le texte français est «détenu», ce qui implique une contrainte exercée sur la per- sonne. La jurisprudence ne nous aide pas beaucoup à en connaître la portée.
Le texte anglais se sert du mot «inmate». La jurisprudence anglaise nous indique clairement que le sens de ce mot dépend du contexte dans lequel il se trouve. Sans doute «inmate» veut dire un détenu dans une prison ou un pénitencier ou autre «detention centre». «Inmate» peut aussi décrire un commis dans l'atelier de son patron, ou un voyageur dans une chambre d'hôtel, ou un étudiant qui fréquente un internat.
J'en conclus que le mot «inmate» dans son étymologie ou dans le sens juridique qu'on aurait pu lui attribuer n'a pas tout à fait le sens de «détenu». Dans le dictionnaire Robert, on parle d'un
détenu comme étant une personne «maintenue en captivité», d'un «inculpé arbitrairement détenu», ce qui implique une con- trainte imposée par une autorité quelconque.
Le sens étymologique du mot «détenu» ou «inmate» n'éclaircit pas la situation. L'interprétation du texte doit donc se fonder sur l'expression «prison» ou un «établissement semblable». Nous y trouvons l'application d'une règle fondamentale d'interpréta- tion, soit la règle de «ejusdem generis», ce qui provoque un tribunal à limiter la portée des mots «institution semblable» au genre de mot «prison».
Pourrait-on prétendre que l'institut de psychiatrie en ques tion est une «institution semblable» à une prison? L'acte d'in- corporation ou la charte de cette institution ne l'indique pas. Les buts et les attributions de l'institut n'ont rien de pénitentiel. De plus, d'après le dossier, la remise du prestataire entre les mains des autorités de l'institut n'est pas un moyen de sanction ou un geste punitif qu'on inflige à un détenu de prison. L'expé- rience du prestataire est en raison d'un diagnostique prélimi- naire indiquant clairement que le prestataire a besoin d'exa- mens psychiatriques ou de traitements. Il est détenu dans le sens que son état de santé impose des restrictions sérieuses à sa liberté mais ces restrictions lui sont imposées pour son propre bien. Il est détenu dans un sens, mais non un «détenu de prison» au sens de l'article 45. Il n'est pas plus un «détenu» que le serait une personne détenue dans un hôpital en raison de blessures graves.
En conséquence, la seule question visant l'appli- cation de l'alinéa 45a) de la Loi à un prestataire renvoyé pour subir un examen psychiatrique a non seulement divisé le conseil arbitral en l'espèce mais encore a été tranchée de façon opposée par les deux seuls arbitres à en avoir été saisis. Elle divise également cette Cour. Comme tant d'autres ques tions de droit administratif, celle-ci relève de l'in- terprétation des lois.
En matière d'interprétation des lois, les tribu- naux ont, à différents moments, opté soit pour une approche littérale soit pour une approche qui tient compte du but de la loi. Le débat Hart-Fuller sur le droit et la moralité, désormais classique et rap porté dans le Harvard Law Review ((1958), 71 Harv. L. Rev. 593 672), tentait en grande partie d'établir si les mots possèdent une signification courante et généralement assortie de significations variables dont l'applicabilité dépend du contexte plus large dans lequel ils s'inscrivent (Hart), ou si les mots d'une disposition législative interagissent tous les uns avec les autres en fonction du but et de l'économie de la loi (Fuller) 4 .
° La décision sur laquelle a porté cette partie du débat Hart-Fuller était l'arrêt McBoyle v. United States 283 U.S. 25 (1931), selon lequel la National Motor Vehicle Theft Act, 41 Stat. 324 (qui rendait coupable d'une infraction criminelle
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Au Canada, on semble avoir opté pour une interprétation contextuelle, que E. A. Driedger qualifie de [TRADUCTION] «principe moderne» d'interprétation des lois et dont il donne la défini- tion suivante (Construction of Statutes, éd., 1983, page 87):
[TRADUCTION] De nos jours, un seul principe ou méthode prévaut pour l'interprétation d'une loi: les mots doivent être interprétés selon le contexte, dans leur acception logique cou- rante en conformité avec l'esprit et l'objet de la loi et l'intention du législateur.
C'est le principe unique d'interprétation dont cette Cour a dit qu'il consistait à «examiner les
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quiconque transportait, dans le cadre de transactions commer- ciales entre États ou avec l'étranger, un véhicule motorisé qu'il savait être volé) ne s'appliquait pas à une personne qui, animée par l'intention prévue à la Loi, transportait un avion. La Loi déclarait que [TRADUCTION] «l'expression «motor vehicle» (véhicule automobile) comprendra une automobile, un camion, une voiture automobile, une motocyclette ou tout autre véhicule autopropulsé qui n'a pas été conçu pour rouler sur des rails.» Le juge Holmes, exprimant l'opinion de la Cour, a écrit la page 27):
[TRADUCTION] Lorsqu'une règle de conduite est énoncée dans des termes qui n'évoquent, pour les non spécialistes, que des véhicules terrestres, la loi ne devrait pas être étendue à un aéronef pour le seul motif qu'une règle semblable nous paraît s'y appliquer ou parce que l'on présume que la législa- ture aurait très probablement utilisé des termes plus larges si elle y avait pensé.
Les questions soulevées dans cette affaire sont expliquées de façon exhaustive dans un article important du professeur Harry Jones intitulé «Statutory Doubts and Legislative Intention», (1940), 40 Colum. L. Rev. 957. Le professeur Jones tire la conclusion suivante (aux pages 973 et 974):
[TRADUCTION] Il doit être gardé à l'esprit qu'une soi- disant interprétation portant sur des questions que les rédac- teurs de la loi ne pouvaient aucunement prévoir possède elle-même un caractère législatif. La question fondamentale consiste à savoir si la législation judiciaire, qui est inévitable, doit promouvoir l'application de la politique de l'autorité législative ou en retarder la mise en ouvre.
Exerçant un pouvoir délégué, le juge devrait s'inspirer de la politique ou du but que la majorité légiférante a délibéré- ment adoptés, et pour bien comprendre, il doit découvrir par quels conclusions de fait et jugements de valeur le législateur s'est considéré lié. À titre de législateur, le juge doit com- prendre suffisamment les conditions et les activités que visera sa législation supplétive pour être en mesure d'établir des règles de mise en oeuvre efficace sous forme de décisions transmettant son «interprétation» de la loi.
Le professeur Jones a traité de questions connexes dans les articles «The Plain Meaning Rule and Extrinsic Aids in the Interpretation of Federal Statutes» (1939), 25 Wash U.L.Q. 2 et «Extrinsic Aids in the Federal Courts» (1940), 25 Iowa L. Rev. 737.
termes dans leur contexte global» (voir Lor- Wes Contracting Ltd. c. La Reine, [1986] 1 C.F. 346 à la page 352; (1985), 60 N.R. 321, à la page 325 ). Cette nouvelle importance accordée au contexte reflète les idées exprimées il y a bien des années par le juge Holmes dans l'arrêt Towne v. Eisner, Collector of Internal Revenue, 245 U.S. 418 (1918), la page 425:
[TRADUCTION] Un mot n'est pas un morceau de cristal, trans parent et immuable, mais il est plutôt l'épiderme d'une pensée vivante, sa portée et son contexte pouvant varier grandement suivant l'époque et les circonstances dans lesquelles il est employé.
Un mot contenu dans une loi est une cellule au sein d'un organisme, une structure incomplète s'inscrivant dans une structure plus complète, et il ne peut être compris entièrement que s'il est mis en rapport avec l'ensemble auquel il appartient.
Ainsi que le juge-arbitre de la présente affaire et celui qui a rendu la décision dans l'affaire Pain- chaud, précitée, l'ont dit clairement, les termes tirés de la Loi «détenu dans une prison ou un établissement semblable,» (Kan inmate of any prison or similar institution,») dont il est question en l'espèce, pris isolément, ne résolvent pas le problème. «An inmate» («détenu» dans la version française) peut désigner un résidant de n'importe quel établissement. Le sens du mot «prison» (prison), qui est plus précis, est quelque peu étendu par son association à l'expression «similar institu tion» (établissement semblable). Le sens de la locution se rapproche de celui-ci: une personne détenue dans une prison ou un établissement sem- blable est une personne retenue dans un lieu de détention.
Le Penetanghishene Mental Health Centre est certes un hôpital, mais il ressort clairement du dossier que cet établissement possède une section à sécurité maximale 5 . Les parties reconnaissent que le requérant était en détention pendant toute la durée de son séjour à Penetanguishene, et le dos
5 A mon avis, la modification du libellé de l'article 45 qui a remplacé les mots «détenu dans une prison ou un pénitencier ou pensionnaire d'un établissement recevant des subventions publi- ques» par les termes «détenu dans une prison ou un établisse- ment semblable,» ne peut être considérée comme déterminante en l'espèce. Il est évidemment clair que le pensionnaire d'un hôpital le recevant en tant que tel aurait été visé auparavant
(Suite à la page suivante)
sier révèle qu'il a été détenu dans la section à sécurité maximale pendant, à tout le moins, une partie du temps qu'il a passé dans cet établisse- ment. Dans la mesure une analyse purement verbale peut être utile, il peut donc être dit que le requérant, pendant la période de huit semaines dont il est question, a été enfermé dans un lieu semblable à une prison et destiné à la détention.
L'article 45, qui fait partie d'un programme législatif d'assurance sociale prévoyant fondamen- talement le paiement de prestations aux contribua- bles qui sont disponibles pour travailler mais inca- pables d'obtenir un emploi convenable, a apparemment pour objet de rendre inadmissibles les prestataires qui ne sont pas disponibles pour travailler parce qu'ils sont en prison ou à l'exté- rieur du pays:
45. A l'exception des cas prévus à l'article 31, un prestataire n'est pas admissible au bénéfice des prestations pour toute période pendant laquelle
a) il est détenu dans une prison ou un établissement sembla- ble, ou
b) pendant qu'il est hors du Canada, sauf prescription contraire.
Ce qui précède est souligné par l'article 55 du Règlement, qui soustrait à l'inadmissibilité les détenus qui sont disponibles pour travailler:
55. Un prestataire qui est détenu dans une prison ou dans un établissement du même genre et à qui a été accordée la libération conditionnelle, de jour ou autre, une autorisation d'absence temporaire ou un certificat de disponibilité pour chercher et accepter un emploi dans la société, ne perd pas son droit aux prestations du seul fait de l'article 45 de la Loi.
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mais ne l'est pas à présent; cependant, le fait qu'un prestataire soit un patient dans un hôpital ne l'exclut pas du champ d'application de l'article 45 si l'établissement dans lequel il se trouve peut également être qualifié de «prison ou ... institution semblable». En d'autres termes, la locution qui doit être inter- prétée n'est pas [TRADUCTION] «un détenu dans un hôpital» mais «détenu dans une prison ou un établissement semblable». Ces deux locutions ne présentent pas une dichotomie qui les rendrait mutuellement exclusives, et il suffit pour que s'appli- que l'article 45 que l'établissement soit «une prison ou un établissement semblable,» quoi qu'il puisse être par ailleurs. Ainsi que je l'expliquerai par la suite, seule une analyse des dispositions pertinentes du Code criminel en vertu desquelles le requérant a été détenu à Penetanguishene permettra en fin de compte de déterminer à laquelle des catégories de «détenus» il appartenait.
L'argument compliqué que l'avocat du requérant a tenté d'appuyer sur le paragraphe 56(1) du Règle- ment doit échouer puisque la Partie II de la Loi, y compris l'exigence visant la disponibilité au travail, s'applique à l'exemption d'inadmissibilité dont il y est question. Il peut dont être considéré que l'arti- cle 45 établit une présomption irréfragable d'inad- missibilité en ce qui regarde certaines catégories de prestataires qui ne sont pas disponibles pour travailler ainsi que l'exige l'article 25 de la Loi, y compris ceux qui sont détenus dans une prison ou un établissement semblable.
L'on pourrait croire que ce qui précède suffit à trancher le litige; cependant, l'objet de la Loi, tel qu'il ressort de l'article 25, précité, prévoit égale- ment que les prestataires incapables de travailler par suite d'une «maladie ... prévue par les règle- ments» («prescribed illness») sont soustraits à l'exi- gence visant la disponibilité au travail.
En vertu du sous-alinéa 2u)(iii) de la Loi, le terme «prescribed» (prescrit) signifie «prescrit par règlement». Le paragraphe 47(6) du Règlement prévoit simplement qu'«aux fins des alinéas ... et 25b) ... de la Loi, une maladie ... en est une qui rend le prestataire incapable de remplir les fonc- tions de son emploi régulier ou habituel ou de tout autre emploi convenable».
Le requérant soutient que lorsqu'il se trouvait à Penetanguishene, il était un patient subissant un traitement dans un hôpital et que son manque de disponibilité au travail n'est pas attribuable à sa détention dans une prison ou un établissement semblable mais uniquement à une maladie qui le rendait incapable de remplir les fonctions d'un emploi convenable. Selon cette hypothèse, sa détention avait pour objet des fins thérapeutiques ou des fins d'évaluation et ne procédait pas de considérations punitives ou de la volonté de le mettre sous garde. Cet argument s'appuie sur des faits reconnus par les parties, à savoir que le requérant n'avait pas été déclaré coupable d'une infraction et n'avait pas subi de procès relative- ment à quelque infraction, qu'il ne s'était pas vu refuser le cautionnement lors d'une audience de justification ou d'une enquête sur la révision du cautionnement et qu'il n'a pas été mis sous garde préventive lorsque, avant la date de son procès, il a été autorisé à quitter Penetanguishene.
La présence simultanée de l'inadmissibilité aux prestations prévues à l'alinéa 45a) et de l'exemp- tion d'inadmissibilité dans le cas de maladie prévue à l'alinéa 25b) rend l'objet de la Loi incer- tain relativement à ces questions; il devient donc nécessaire d'avoir recours à l'objet des dispositions précitées du Code criminel en vertu desquelles le requérant a été mis sous observation à Penetan- guishene.
Chacune des procédures différentes prévues aux articles 465, 543, 608.2 et 738 du Code criminel, précités, vise à établir si un défendeur/accusé est apte à subir son procès lorsqu'il y a des raisons suffisantes de douter que celui-ci soit, pour cause d'aliénation mentale, en état de conduire sa défense. À titre d'exemple, le paragraphe 738(6), en vertu duquel le renvoi a été ordonné, ne fait qu'ajouter aux dispositions du paragraphe 738(5) («peut renvoyer le défendeur en conformité de ce paragraphe»). Lorsqu'une question doit être tran- chée, le paragraphe 738(8) prévoit que «la Cour ... doit se conformer à l'article 543 dans la mesure il peut s'appliquer».
La prétention du requérant présuppose qu'il existe une dichotomie entre ce qu'on pourrait appeler d'une part l'objectif de sécurité et d'autre part l'objectif de justice du droit criminel, et pos- tule l'assimilation de ce dernier au bien-être per sonnel de l'accusé. Selon cette hypothèse, l'évalua- tion psychiatrique du requérant, si elle n'avait pas pour objet sa mise sous garde, devait viser l'avan- tage personnel du requérant, et avoir pour but soit d'améliorer sa santé soit de lui assurer un procès équitable (en fait, l'argument de l'avocat du requé- rant n'a soulevé que la question de la santé).
Cette prétention est fausse puisque la justice et l'équité visées par notre système de justice crimi- nelle, et à plus forte raison, un hypothétique objec- tif thérapeutique, n'ont pas pour seule justification l'avantage qu'ils procurent aux accusés. Les dispo sitions du Code criminel portant sur l'aptitude de l'inculpé à subir son procès découlent du common law, qui interdit la tenue des procès en l'absence d'une partie: Foote, «A Comment on Pre -Trial Commitment of Criminal Defendants» (1960), 108 U. Penn. L. Rev, 832. Dans l'ouvrage Mental Disorder and The Criminal Trial Process, Butter-
worths, Toronto 1978, la page 51, Schiffer con- clut que [TRADUCTION] «le principe voulant que les personnes qui ne sont pas saines d'esprit ne doivent pas subir un procès découle des notions séculaires du franc-jeu et de la justice fondamen- tale,» et remonte aux préceptes bibliques. Dans l'affaire Rex v. Lee Kun, [1916] 1 K.B. 337 (C.A.), à la page 371, lord Reading, alors juge en chef, a énoncé en quoi il consistait essentiellement:
[TRADUCTION] Que l'accusé doit être présent ne signifie pas seulement qu'il doit se trouver physiquement sur place mais encore qu'il doit être capable de comprendre la nature des procédures dont il fait l'objet.
La crainte que l'accusé soit atteint de maladie mentale peut être le fondement de trois des quatre articles du Code autorisant un examen psychiatri- que. L'article 543 utilise, pour sa part, le terme «aliénation mentale», mais l'aliénation mentale associée à l'inaptitude à subir un procès n'appar- tient pas à la même catégorie et n'a pas la même portée que l'aliénation mentale visée à l'article 16, qui codifie la règle exprimée dans l'affaire M'Naghten's Case (1843), 10 Cl. & Fin. 200; 8 E.R. 718 (H.L.): R. v. Budic (1977), 35 C.C.C. (2d) 272 (C.A. Alb.). Le Rapport du Comité canadien de la réforme pénale et correctionnelle (Rapport Guimet), 1969, la page 243, énonce de la manière suivante les considérations dont il doit être tenu compte:
... le critère dont on se sert pour déterminer la capacité de subir un procès comporte généralement les réponses aux ques tions suivantes: l'accusé est-il capable de comprendre la nature de l'objet des poursuites intentées contre lui? Est-il capable de comprendre quelle est sa propre situation par rapport à ces poursuites? Est-il capable de se défendre d'une façon rationnelle?
Il ne fait aucun doute que le maintien de la règle visant l'aptitude de l'accusé à subir son procès se fonde sur la justice, qui exige la protection du droit de l'accusé de se défendre. Mais le respect de l'équité ne bénéficie pas qu'à l'accusé. L'État, qui doit tenter de montrer aux justiciables que justice a été faite, en profite également. En conséquence, la question de l'aptitude à subir un procès n'est pas laissée à la seule initiative des accusés qui peuvent hésiter à la soulever, dans la crainte d'une longue privation de leur liberté s'ils étaient jugés inaptes à
subir leur procès. Le Code prévoit que cette ques tion peut également être soulevée par la Couronne ou par la Cour de sorte que cette question doit être tranchée dès qu'il paraît y avoir des raisons suffi- santes pour douter de l'aptitude de l'accusé à subir son procès. L'inaptitude à subir un procès ne peut faire l'objet d'une reconnaissance de l'accusé ou de son avocat: R. v. Levionnois (1956), 114 C.C.C. 266 (C.A. Ont.). Henry Bull, procureur de la Couronne plein d'expérience, affirme dans un arti cle intitulé «Fitness to Stand Trial» (1965-1966), 8 Crim. L.Q. 290, à la page 292, que [TRADUCTION] «la question doit être tranchée même si la défense s'y oppose puisque la règle veut qu'une personne souffrant d'aliénation mentale ne puisse subir un procès». Ce qui est le plus important, ainsi que l'a souligné le juge Carrothers, de la Cour d'appel de la Colombie-Britannique, dans l'arrêt R. v. Roberts (1975), 24 C.C.C. (2d) 539, à la page 546, c'est que: [TRADUCTION] «l'enquête sur la question de l'aptitude à subir un procès ... est strictement une enquête tenue pour le compte de la Couronne dans le but de décider de la capacité juridique d'un sujet; il ne s'agit pas d'un procès, qui opposerait des parties ...» Cette démarche, à titre d'enquête menée pour le compte de la Cou- ronne, peut aider l'accusé, mais elle vise avant tout l'intérêt public.
Le dossier en l'espèce démontre que le requérant a été interné à Penetanguishene pour y être exa- miné et [TRADUCTION] «qu'il serait libéré le 17 juillet 1984 si les résultats de son évaluation le permettaient». Bien que le résultat de l'examen n'apparaisse nulle part au dossier, il est clair que l'on a conclu que le requérant était mentalement apte à subir son procès et qu'il n'était pas néces- saire de le tenir sous garde entre son élargissement de Penetanguishene et son procès puisque ce der- nier a eu lieu et que l'inculpé a été trouvé coupable de l'infraction reprochée. Si ce n'avait été le cas, la Cour aurait trancher la question en se confor- mant à l'article 543, ainsi que l'exige le paragra- phe 738(8).
L'aptitude de l'inculpé à subir son procès relève de façon encore plus évidente de l'intérêt public lorsqu'elle est examinée en regard du processus complet prévu au Code. Prolongement de l'article 543, l'article 545 prévoit que lorsqu'un accusé est déclaré atteint d'aliénation mentale, il ne peut être
relâché que si son élargissement est non seulement «dans l'intérêt véritable de l'accusé» mais encore s'il peut se faire «sans nuire à l'intérêt public». En d'autres termes, l'on peut conclure que, tout au long du processus d'appréciation de l'aptitude de l'inculpé à subir un procès, processus qui peut aboutir à la mise en liberté, toute mesure prise doit pouvoir l'être «sans nuire à l'intérêt public».
À mon avis, la conclusion suivante s'impose inévitablement: l'objet des dispositions pertinentes du Code criminel n'est pas d'ordre thérapeutique et ne vise pas la bonne santé de l'accusé, mais il concerne entièrement la justice publique, et fait appel à la fois à la contrainte et à la mise sous garde; conformément à cette fin, le requérant a été mis sous garde dans un établissement à sécurité maximale pour y subir un examen psychiatrique obligatoire à la suite d'une accusation criminelle. Après huit semaines d'évaluation, il a été mis en liberté jusqu'à son procès parce qu'il a été jugé apte à subir celui-ci, mais il doit être considéré que, durant cette longue période d'évaluation, il était détenu dans une prison ou un établissement semblable.
Il faut reconnaître que la majorité des membres du conseil arbitral se sont trompés en croyant que le requérant, lorsqu'il était à Penetanguishene, était détenu en attendant son procès, bien que cette erreur puisse simplement être due à leur méconnaissance de la terminologie juridique. Tou- tefois, les cinq conclusions de fait sur lesquelles, ainsi que l'affirment les membres majoritaires, «la conclusion majoritaire du conseil se fonde», sont inattaquables, comme l'est, selon moi, pour les motifs que j'ai déjà livrés, leur conclusion juridique relative à l'application de l'alinéa 45a) de la Loi à ces faits. Bien que les motifs de la décision du juge-arbitre n'aident pas à la compréhension de la question particulière faisant l'objet du présent litige, je suis incapable de déceler quelque erreur de droit dans sa brève analyse. Citant certains extraits, il souligne notamment la définition du mot «prison» (prison) tirée du Judicial Dictionary de Stroud selon laquelle ce terme désigne [TRA- DUCTION] «tout lieu de détention utilisé en vertu de poursuites judiciaires». Cette définition m'appa- raît appropriée à l'espèce.
Finalement, le renvoi du requérant à Penetan- guishene pour fins d'observation ne visait pas fon-
damentalement son avantage, même en ce qui concerne un procès équitable, et encore moins en ce qui touche sa santé, ainsi que celui-ci le sou- tient. Il a été mis sous garde sans égard à sa volonté. Il était donc détenu dans une prison ou un établissement semblable et inadmissible aux pres- tations d'assurance-chômage en vertu de l'alinéa 45a) à moins qu'il ne soit conclu que ces disposi tions violent la Charte canadienne des droits et libertés [qui constitue la Partie I de la Loi consti- tutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.)].
Le requérant invoque l'alinéa 11d) et le para- graphe 15(1) de la Charte, ainsi libellés:
11. Tout inculpé a le droit:
d) d'être présumé innocent tant qu'il n'est pas déclaré coupa- ble, conformément à la loi, par un tribunal indépendant et impartial à l'issue d'un procès public et équitable;
15. (1) La loi ne fait acception de personne et s'applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimina tion, notamment des discriminations fondées sur la race, l'ori- gine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l'âge ou les déficiences mentales ou physiques.
À mon avis, ni l'une ni l'autre de ces dispositions ne s'applique aux faits de l'espèce.
Le requérant prétend que le priver du bénéfice des prestations sans enquête relative au cautionne- ment et sans procès va à l'encontre de la présomp- tion d'innocence garantie par l'alinéa 11d). Mais l'inadmissibilité du requérant en vertu de la légis- lation sur l'assurance-chômage ne peut cependant être considérée comme une mesure punitive violant la présomption d'innocence à laquelle il a droit. En effet, l'alinéa 18(2)b) de la Loi prévoit certes que la période de référence relative aux prestations peut être prolongée d'un nombre de semaines équi- valant à celui des semaines perdues parce que le prestataire était «détenu dans une prison, un péni- tencier ou autre institution de même nature»; cette disposition a été renforcée par la décision récente rendue par cette Cour dans l'affaire Garland c. Commission canadienne de l'emploi et de l'immi- gration, [1985] 2 C.F. 508.
L'argument fondé sur le paragraphe 15(1) porte que le requérant serait victime de discrimination si la Loi sur la santé mentale ontarienne lui était moins favorable que la loi albertaine [R.S.A. 1980,
chap. M-13] dont l'alinéa 1 k) précise qu'une per- sonne renvoyée dans un établissement psychiatri- que est un patient. Cette définition ne s'applique cependant qu'à cette loi provinciale et ne peut régir l'interprétation d'une expression différente, «détenu dans une prison ou un établissement sem- blable», qui fait partie d'une loi distincte dont l'objet n'est pas le même. Même si le requérant avait profité en Ontario des avantages conférés par la définition albertaine du mot patient, sa situation n'aurait pas été meilleure. L'objet de ces disposi tions n'étant pas la santé personnelle de la per- sonne concernée mais la garantie d'un procès équi- table dans l'intérêt public, ces considérations ne sont pertinentes pour aucune des instances.
Le juge-arbitre n'ayant commis aucune erreur de droit dans son interprétation des dispositions légales pertinentes et ayant correctement appliqué le droit aux faits du litige soumis à son apprécia- tion, je rejetterais la demande.
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