A-785-85
Procureur général du Canada (appelant)
c.
Conseil canadien des . fabricants des produits du
tabac, Benson & Hedges (Canada) Inc., Imperial
Tobacco Limited, RJR -Macdonald Inc. et Roth-
mans of Pall Mall Canada Limited (intimés)
RÉPERTORIÉ: CONSEIL CANADIEN DES FABRICANTS DES PRO-
DUITS DU TABAC C. CONSEIL NATIONAL DE COMMERCIALISA
TION DES PRODUITS DE FERME (C.A.F.)
Cour d'appel, juges Mahoney, Stone et MacGui-
gan—Ottawa, 11, 12 février et 6 mars 1986.
Agriculture — Enquête tenue en vertu de la Loi sur les
offices de commercialisation des produits de ferme — Tabac
— Une commission ontarienne, qui représente les producteurs,
a proposé la création d'un office national de commercialisation
— Le Conseil national de commercialisation des produits de
ferme a fait une enquête — Le Conseil avait-il l'obligation de
respecter les règles de l'équité? — Le rapport présenté au
Ministre par le Conseil n'est pas une condition préalable à la
création d'un office mais peut conduire à une proclamation —
L'office aurait le pouvoir de fixer les prix — Conséquences
défavorables sur les intérêts des fabricants — Allégation selon
laquelle le Conseil ne prend aucune décision et n'a pour rôle
que de recueillir des faits — Le Conseil est obligé de respecter
les règles de l'équité dans la procédure à cause du rôle que son
enquête joue dans le processus décisionnel — Le juge de
première instance a eu raison d'ordonner la reprise de l'au-
dience pour examiner l'étude sur les coûts de production qui
avait été remise au Conseil après la tenue de l'audience mais
avant la présentation de son rapport au Ministre — Loi sur les
offices de commercialisation des produits de ferme, S.C. 1970-
71-72, chap. 65, art. 2d),e)f),g), 6, 7(1)a)(i), 8(1)a),(3),(5), 10,
17(1), 18(1)a),b),c),e),(3) (mod. par S.C. 1984, chap. 42, art. 1),
23(1)a),b).
Contrôle judiciaire — Brefs de prérogative — Enquête
menée par le Conseil national de commercialisation des pro-
duits de ferme — Le Conseil est un organisme administratif
chargé uniquement de tenir des enquêtes et de formuler des
recommandations — Vu que sa décision finale fondée sur les
recommandations peut avoir des conséquences défavorables
pour certaines des parties, le Conseil doit respecter les règles
de l'équité dans la procédure à. l'égard des parties au cours de
l'enquête — Loi sur les offices de commercialisation des
produits de ferme, S.C. 1970-71-72, chap. 65, art. 2d),e)f),g),
6, 7(1)a)(i), 8(1)a),(3),(5), 10, 17(1), 18(1)a),b),c),e),(3) (mod.
par S.C. 1984, chap. 42, art. 1), 23(1)a),b) — Loi sur les
enquêtes, S.R.C. 1970, chap. I-13, Partie I.
À la demande de la Commission ontarienne de commerciali
sation du tabac jaune, le Conseil national de commercialisation
des produits de ferme a ouvert une enquête sur l'opportunité de
créer un office national de commercialisation du tabac et a tenu
des audiences publiques à cette fin.
Le Conseil a refusé d'enjoindre à la Commission ontarienne
de produire une étude capitale sur les coûts de production, pour
le motif qu'il en était empêché par sa politique établie de
non-contraignabilité. L'étude a cependant été remise au Conseil
après l'audience, mais avant qu'il présente son rapport au
Ministre.
Alléguant qu'on n'avait pas respecté à leur égard les règles
de l'équité dans la procédure, les intimés se sont adressés à la
Division de première instance pour obtenir une série de brefs de
prérogative en vue de la reprise des audiences publiques et de la
présentation en preuve de l'étude sur les coûts de production.
Il s'agit d'un appel formé à l'encontre de l'ordonnance de la
Division de première instance qui avait accueilli la demande.
Arrêt: l'appel devrait être rejeté, mais l'ordonnance devrait
être modifiée afin de prévoir la signification de l'avis de reprise
de l'audience à toutes les personnes qui ont été autorisées à
intervenir aux premières audiences.
Le Conseil avait effectivement le devoir de respecter les
règles de l'équité. Il est évident que l'adoption d'un plan de
commercialisation et la création d'un office ayant le pouvoir de
fixer les prix entraîneraient des conséquences défavorables pour
les fabricants. Par conséquent, même si le Conseil est un
organisme administratif chargé uniquement de tenir des enquê-
tes et de formuler des recommandations, vu ces conséquences
défavorables et le rôle que l'enquête du Conseil joue dans le
processus décisionnel—sa compétence est telle que ses recom-
mandations ont beaucoup de poids—le Conseil est tenu de
respecter l'équité dans la procédure à l'égard de ceux dont les
droits et les intérêts pourraient être touchés par une décision
fondée sur sa recommandation (voir les arrêts Saulnier et
Abel).
Il appert d'un examen des obligations et des pouvoirs du
Conseil ainsi que du processus décisionnel, que le Parlement a
clairement admis que, lorsqu'un office est mis sur pied et qu'un
plan de commercialisation est adopté, il s'agit-là d'une décision
touchant les droits et les intérêts des particuliers qui ne devrait
pas être prise sans qu'au préalable toutes les personnes visées
aient eu l'occasion d'obtenir une audition équitable. Le Parle-
ment a expressément prévu que cette occasion s'insère dans le
cadre de l'enquête du Conseil et ce dernier se doit de mener
l'audience en conséquence.
Le redressement accordé par le juge de première instance
était justifié et approprié.
Le juge MacGuigan: La nouvelle façon d'aborder le contrôle
judiciaire des décisions administratives (ainsi qu'il a été statué
dans l'arrêt Martineau) suppose la reconnaissance d'un spectre
de surveillance des décisions gouvernementales qui comporte
des garanties procédurales plus grandes à son extrémité judi-
ciaire. A mesure que l'on s'approche de l'autre extrémité du
spectre, où entrent en jeu des fonctions de nature purement
législative, il y a diminution puis absence complète de garanties
et de surveillance. En l'espèce, il ne s'agit pas de fonctions de
nature purement législative, et elles doivent donc pouvoir faire
l'objet de surveillance judiciaire.
Bien qu'il soit vrai que le rapport présenté au Ministre par le
Conseil ne porte pas directement atteinte à des droits, que le
Ministre n'est pas tenu d'y donner suite et que ce rapport n'est
une condition préalable ni à la formulation d'une proposition
ministérielle au gouverneur en conseil ni à une proclamation
par ce dernier, le Parlement a clairement voulu mettre en place
un processus complet allant des audiences publiques à la pro
clamation par l'exécutif et, plus particulièrement dans les cas
où un rapport a été préparé, prévoir que l'examen de ce rapport
devienne une condition préalable à toute action de l'exécutif et
du Ministre. Et le présent cas répond au critère jurisprudentiel
des conséquences défavorables pour donner ouverture au con-
trôle judiciaire: le rapport du Conseil, s'il est favorable aux
intérêts des producteurs de tabac, peut fort bien et, en fait, va
probablement porter atteinte aux intérêts des fabricants des
produits du tabac.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Saulnier c. Commission de police du Québec, [1976] 1
R.C.S. 572; In re Pergamon Press Ltd., [1971] Ch. 388
(C.A.); Re Abel et al. and Advisory Review Board
(1980), 31 O.R. (2d) 520 (C.A.), confirmant (1979), 97
D.L.R. (3d) 304 (C. div.).
DÉCISIONS CITÉES:
Ridge v. Baldwin, [1964] A.C. 40 (H.L.); Nicholson c.
Haldimand-Norfolk Regional Board of Commissioners
of Police, [1979] 1 R.C.S. 311; Martineau c. Comité de
discipline de l'Institution de Matsqui, [1980] 1 R.C.S.
602.
AVOCATS:
Brian J. Saunders et David Byer pour
l'appelant.
François Lemieux, James H. Smellie et
David K. Wilson pour la Commission onta-
rienne de commercialisation du tabac jaune et
le Tobacco Commodity Marketing Board de
l'Île-du-Prince-Édouard.
Michael A. Kelen pour le Conseil canadien
des fabricants des produits du tabac.
John B. Claxton, c.r. et Bernard Amyot pour
Benson & Hedges (Canada).
Simon V. Potter pour Imperial Tobacco
Limited.
Georges-R. Thibaudeau pour RJR -Macdo-
nald Inc.
Frank K. Roberts, c.r., pour Rothmans of Pall
Mall Canada Limited.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour
l'appelant.
Osler, Hoskin & Harcourt, Ottawa, pour la
Commission ontarienne de commercialisation
du tabac jaune et le Tobacco Commodity
Marketing Board de l'Île-du-Prince -Edouard.
Michael A. Kelen, Ottawa, pour le Conseil
canadien des fabricants des produits du tabac.
Lafleur, Brown, de Grandpré, Montréal, pour
Benson & Hedges (Canada).
Ogilvy, Renault, Montréal, pour Imperial
Tobacco Limited.
Doheny, Mackenzie, Montréal, pour RJR -
Macdonald Inc.
Smith, Lyons, Torrance, Stevenson & Mayer,
Toronto, pour Rothmans of Pall Mall Canada
Limited.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE MAHONEY: Il s'agit en l'espèce d'un
appel interjeté par le procureur général du
Canada, sur permission, et par les contre-appe-
lants, la Commission ontarienne de commercialisa
tion du tabac jaune et le Tobacco Commodity
Marketing Board de l'Île-du-Prince -Edouard, à
l'encontre d'une ordonnance de la Division de pre-
mière instance [[1986] 1 C.F. 401] ayant accordé
des redressements sous forme de certiorari, de
prohibition et de mandamus relativement aux
actions entreprises, projetées et omises par le Con-
seil national de commercialisation des produits de
ferme, ci-après «le Conseil», dans le cours ou par
suite d'une enquête tenue conformément au sous-
alinéa 7(1)a)(i) de la Loi sur les offices de com
mercialisation des produits de ferme, S.C. 1970-
71-72, chap. 65 et ses modifications. Les appe-
lants, à l'exception du procureur général, représen-
tent les producteurs de tabac. Les intimés sont des
fabricants de produits du tabac ainsi que leur
association commerciale. Ils achètent sensiblement
tout le tabac produit au Canada. La question
fondamentale consiste à se demander si le Conseil
avait l'obligation d'agir équitablement, auquel cas,
un certain nombre d'autres questions devront être
examinées.
Le Conseil, qui est constitué en vertu de la Loi,
est composé d'au moins 3 et d'au plus 9 membres
nommés par le gouverneur en conseil, dont la
moitié au moins doivent être des producteurs du
secteur primaire et dont, autant que possible, un
tiers doit provenir des quatre provinces de l'ouest,
un tiers des deux provinces centrales et un tiers des
quatre provinces de l'Atlantique. Parmi ses fonc-
tions énoncées à l'article 6 de la Loi:
6. (I) Le Conseil a pour fonctions
a) de conseiller le Ministre sur toutes questions relatives à la
création et au fonctionnement d'offices en vertu de la pré-
sente loi en vue de conserver et de promouvoir une industrie
agricole efficace et concurrentielle;
(2) Dans l'exercice de ses fonctions, le Conseil doit consulter
régulièrement les gouvernements de toutes les provinces ayant
un intérêt à la création ou à l'exercice des pouvoirs d'un ou
plusieurs offices en vertu de la présente loi, ou consulter un ou
des organismes établis par le gouvernement d'une province pour
exercer des pouvoirs semblables à ceux du Conseil relativement
au commerce des produits de ferme à l'intérieur d'une province.
Les procédures en cause ont été intentées par la
Commission ontarienne de commercialisation du
tabac jaune, ci-après «la Commission ontarienne»,
qui a présenté une requête écrite, comme le prévoit
le sous-alinéa 7(1)a)(i), visant la création d'un
office national de commercialisation du tabac.
7. (1) Afin de remplir ses fonctions, le Conseil
a) doit, au reçu d'une requête écrite émanant d'une ou de
plusieurs associations représentant un nombre appréciable de
personnes qui s'occupent de la culture ou de la production du
ou des produits de ferme au Canada ou s'il en est requis par
le Ministre, ou peut, de sa propre initiative, examiner
l'opportunité
(i) d'établir un office pour un ou plusieurs produits de
ferme et de lui conférer tout ou partie des pouvoirs énoncés
à l'article 23,
et soumettre au Ministre ses propositions, notamment quant
aux modalités d'un plan de commercialisation approprié,
lorsque à son avis il est opportun de conférer à un office le
pouvoir d'exécuter un tel plan pour le ou les produits de
ferme faisant l'objet de l'examen;
Dans les circonstances, la tenue d'une audience
publique était obligatoire et un jury a été formé
conformément au paragraphe 8(3). Les disposi
tions pertinentes de l'article 8 portent:
8. (1) Le Conseil doit tenir une audience publique
a) relativement à une enquête portant , sur l'opportunité de la
création d'un office ou de l'extension du pouvoir d'un office
existant à un ou plusieurs autres produits de ferme;
(3) Le président peut ordonner qu'une audience publique en
vertu du présent article soit tenue au nom du Conseil par deux
ou plusieurs membres de celui-ci désignés par lui et les mem-
bres ainsi désignés ont et peuvent exercer, aux fins de cette
audience, les pouvoirs du Conseil énoncés au paragraphe (5) et
doivent rendre compte au Conseil de cette audience.
(5) Le Conseil a, pour toute audience publique en vertu du
présent article, tous les pouvoirs d'un commissaire nommé en
vertu de la Partie I de la Loi sur les enquêtes.
Il est opportun de signaler que la Partie I de la Loi
sur les enquêtes [S.R.C. 1970, chap. I-13] confère
notamment au Conseil le pouvoir d'exiger la pro
duction de documents ainsi que celui de contrain-
dre des témoins à comparaître et à rendre témoi-
gnage sous serment ou par affirmation solennelle.
Le rapport présenté au Ministre par le Conseil
conformément à l'alinéa 7(1)a) peut conduire à
une proclamation en vertu du paragraphe 17(1).
Cependant, un tel rapport n'est pas une condition
préalable à la création d'un office par le gouver-
neur en conseil.
17. (1) Le gouverneur en conseil peut par proclamation
établir un office ayant des pouvoirs relativement à un ou
plusieurs produits de ferme dont la commercialisation aux fins
du commerce interprovincial et du commerce d'exportation
n'est pas réglementée en application de la Loi sur la Commis
sion canadienne du blé ou de la Loi sur la Commission
canadienne du lait, lorsqu'il est convaincu que la majorité des
producteurs du produit de ferme ou de chacun des produits de
ferme au Canada est en faveur de la création d'un office.
18. (1) Une proclamation portant création d'un office doit
a) désigner le ou les produits de ferme pour lesquels l'office
peut exercer ses pouvoirs et indiquer si ces pouvoirs peuvent
être exercés
(i) relativement à ce ou ces produits dans la mesure où ils
sont cultivés ou produits au Canada, ou
(ii) relativement à ce ou ces produits dans la mesure où ils
sont cultivés ou produits dans une région du Canada
désignée dans la proclamation, ou à la fois dans une telle
région et ailleurs au Canada en dehors de cette région pour
expédition à cette région dans le commerce interprovincial
et non pour exportation;
b) désigner tout pouvoir énoncé à l'article 23 qui n'est pas
conféré à l'office;
c) énoncer les modalités de tout plan de commercialisation
que l'office a le pouvoir d'exécuter;
e) fixer le nombre des membres de l'office qui doit être de
trois au moins et de douze au plus, dont pas moins de la
majorité seront des producteurs du secteur primaire ...
(3) La proclamation aux paragraphes (1) ou (2) qui désigne
un produit de ferme autre que les oeufs ou la volaille ou toute
partie d'oeuf ou de volaille ne doit pas énoncer, pour le plan de
commercialisation qu'un office a le pouvoir d'exécuter, de
modalité permettant à cet office de fixer et déterminer en
quelle quantité un produit réglementé pourra être commercia-
lisé dans le commerce interprovincial ou le commerce d'expor-
tations par des personnes qui s'occupent d'une telle commercia
lisation.
23. (1) Sous réserve de la proclamation le créant et de toute
proclamation ultérieure modifiant ses pouvoirs, un office peut
a) acheter tout produit réglementé relativement auquel il
peut exercer ses pouvoirs et tout produit de ferme, où qu'il
soit cultivé ou produit, qui est du même genre que le produit
réglementé relativement auquel il peut exercer ses pouvoirs et
emballer, transformer, entreposer, expédier, assurer, exporter
ou vendre tout produit semblable acheté par lui, ou autre-
ment en disposer;
b) exécuter un plan de commercialisation dont les modalités
sont énoncées dans la proclamation le créant ou dans toute
proclamation subséquente faite en vertu du paragraphe (2).
de l'article 18 et le concernant;
Les dispositions susmentionnées de la Loi doivent
être interprétées à la lumière des définitions énon-
cées à l'article 2, et plus particulièrement de la
définition étendue du mot «commercialisation».
2....
d) «commercialisation», par rapport à un produit de ferme
qui n'est pas un produit réglementé, comprend la vente, la
mise en vente et l'achat, la fixation du prix, l'assemblage,
l'emballage, la transformation, le transport, l'entreposage et
tout autre acte nécessaire pour préparer le produit sous une
certaine forme et pour permettre de l'acheter, en un lieu et à
un moment donnés, aux fins de consommation et d'utilisation
et, par rapport à un produit réglementé, ne comprend que
ceux des actes ci-dessus mentionnés qui sont spécifiés dans le
plan de commercialisation relatif au produit réglementé;
e) «plan de commercialisation» signifie un plan relatif au
développement, à la réglementation et au contrôle de la
commercialisation de tout produit réglementé vendu dans le
commerce interprovincial ou le commerce d'exportation, qui
prévoit l'ensemble ou l'une quelconque des dispositions
suivantes:
(ii) la désignation des actes qui constituent la commerciali
sation du produit réglementé et des personnes engagées à
sa commercialisation, telle que spécifiée, dans le commerce
interprovincial ou le commerce d'exportation et la non-
application du plan de commercialisation ou de l'un de ses
aspects à toute catégorie de personnes se livrant à cette
occupation;
(iii) la commercialisation du produit réglementé suivant
une formule qui permet à l'office qui exécute le plan de
fixer et de déterminer, le cas échéant, en quelle quantité le
produit réglementé ou l'une de ses variétés, classes ou
qualités peuvent être commercialisés dans le commerce
interprovincial ou le commerce d'exportation par chacune
des personnes qui s'occupent de cette commercialisation et
par l'ensemble de ces personnes, et à quel prix ainsi qu'en
quels temps et lieu le produit réglementé ou l'une de ses
variétés, classes ou qualités peuvent être ainsi commerciali-
sés;
(v) un système d'octroi de permis aux personnes s'occupant
de la culture, de la production ou de la commercialisation
du produit réglementé vendu dans le commerce interpro-
vincial ou le commerce d'exportation, comprenant une
disposition relative aux droits, autres que les droits relatifs
au droit de cultiver le produit réglementé, payables à
l'office par une telle personne pour tout permis qui lui est
délivré et pour l'annulation ou la suspension de tout permis
de ce genre lorsqu'une de ses modalités n'est pas respectée;
et
(vi) l'imposition par l'office approprié de redevances ou
frais et leur recouvrement des personnes s'occupant de la
culture, de la production ou de la commercialisation du
produit réglementé en classant à ces fins ces personnes en
groupes et en spécifiant, le cas échéant, les redevances ou
frais payables par les membres de ces groupes;
f) «Ministre» désigne le ministre de l'Agriculture; et
g) «produit réglementé» signifie un produit de ferme dans la
mesure où il est cultivé ou produit
(i) en quelque lieu que ce soit du Canada, si un office est
autorisé à exercer ses pouvoirs relativement à un tel pro-
duit cultivé ou produit au Canada, ou
Actuellement, les fabricants achètent la produc
tion de tabac canadien à l'occasion d'encans où il y
a eu entente sur des prix minimums moyens. La
mise en place de l'office et du plan de commercia
lisation proposés par la Commission ontarienne
remplacerait ce système par un office qui serait
contrôlé par les producteurs et qui aurait le pou-
voir de fixer les prix. Comme la prémisse sous-
jacente à cette proposition est que, depuis plusieurs
années, les producteurs ne récupèrent pas leurs
coûts de production, il faut en déduire que la mise
en place d'un office et d'un plan se traduirait par
des coûts supplémentaires pour les fabricants. Les
conséquences défavorables de la proposition sur les
intérêts des fabricants sont évidentes. Le Conseil,
dans les recommandations qu'il peut faire, n'a pas
à se limiter à la proposition de la Commission
ontarienne, pas plus que le gouverneur en conseil
ne doit s'y tenir exclusivement dans sa proclama
tion. La limite est imposée par la Loi et il est
manifeste, eu égard à la définition du mot «com-
mercialisation», qu'il y a effectivement de très
fortes possibilités que la création d'un office et
d'un plan porte atteinte aux droits et aux intérêts
actuels des fabricants.
Pour soutenir que le Conseil n'avait aucunement
le devoir de respecter l'équité dans la procédure
lors de l'audience tenue conformément à l'alinéa
8(1)a), les appelants s'appuient sur l'argument
selon lequel le Conseil ne prend aucune décision et
n'a pour rôle que de recueillir des faits. Les recom-
mandations qu'il fait au Ministre ne portent
atteinte à aucun droit et ce dernier n'est pas tenu
d'agir sur la foi du rapport du Conseil. Ce rapport
n'est pas une condition préalable à une recomman-
dation par le Ministre au gouverneur en conseil ou
à une proclamation par ce dernier. C'est la déci-
sion du gouverneur en conseil. de procéder à une
proclamation qui porte atteinte à des droits.
Bref, le Conseil est, suivant les prétentions des
appelants, un organisme administratif chargé uni-
quement d'enquêter et de faire des recommanda-
tions. À strictement parler c'est la vérité, mais ce
n'est pas tout. •
Dans l'arrêt Sairinier c. Commission de police
du Québec, [ 1976] 1 R.C.S. 572, la Cour suprême
du Canada s'est penchée sur une enquête sur la
conduite du directeur d'un service de police,
enquête au terme de laquelle on avait demandé,
dans un rapport présenté au procureur général de
la province, de procéder à l'évaluation de la com-
pétence du directeur d'occuper son poste en vue de
la «normalisation» de son grade et de ses fonctions.
Il semble que l'on ait admis que ce rapport n'était
pas un blâme ou une recommandation de sanction
qui aurait donné lieu à l'application de l'exigence
expressément formulée dans la loi applicable et
suivant laquelle le directeur devait être entendu.
La Cour n'a pas examiné l'affaire en considérant
que le rapport n'était qu'un artifice. On a plutôt
reconnu que le rapport n'était qu'une simple
recommandation voulant que l'on prenne des
mesures ultérieures susceptibles de se traduire par
une sanction. À la page 579, la Cour suprême a
cité en l'approuvant un passage du jugement dissi
dent du juge Casey de la Cour d'appel du Québec,
qui a dit en partie ce qui suit:
L'appelante a rendu une décision qui peut nuire beaucoup à
la réputation et l'avenir de l'intimé sinon les détruire ... quand
je me rappelle que le seul but de ces rapports est de présenter
des faits et des recommandations d'après lesquels normalement
le Ministre agira, l'argument qu'aucun droit n'a été défini et.
que rien n'a été décidé est pur sophisme.
Dans In re Pergamon Press Ltd., [1971] Ch. 388
(C.A.), il était question de la conduite d'une
enquête par des inspecteurs .. nommés en vertu
d'une loi anglaise afin de mener enquête et de faire
rapport au Board of Trade relativement aux acti-
vités d'une compagnie. Une copie du rapport
devait être fournie à la compagnie, qui avait droit
de le publier, même s'il était possible que le Board
of Trade n'y donne aucune suite. C'est le jugement
du maître des rôles lord Denning qui est le plus
fréquemment cité dans cette affaire; toutefois,
pour les fins de la présente espèce, le passage
suivant du jugement du lord juge Buckley, à la
page 407, est succinct et tout aussi approprié.
[TRADUCTION] Si on découvre qu'un administrateur ou un
cadre a manqué à ses engagements ou a agi de manière
inappropriée relativement à la conduite des affaires de la
compagnie, il est fort possible que cela incite cette dernière ou
d'autres intéressés à intenter des procédures contre lui. Dans le
cadre de ces procédures, la personne visée jouirait de l'entière
protection du processus judiciaire, mais, surtout dans la mesure
où la compagnie a droit d'obtenir une copie du rapport, elle ne
devrait pas être exposée au risque de telles procédures sans que
les inspecteurs lui fournissent une occasion raisonnable de
contrer un rapport défavorable.
Finalement, dans Re Abel et al. and Advisory
Review Board (1980), 31 O.R. (2d) 520, la Cour
d'appel de l'Ontario a examiné l'enquête qui doit
être menée chaque année par un conseil de révision
relativement à la détention prolongée des person-
nes gardées en vertu de mandats du lieutenant-
gouverneur. Dans cette affaire, tout comme en
l'espèce, la législation prévoyait que le tribunal
devait être formé de personnes bien au fait des
questions sur lesquelles elles auraient à se pencher.
La Cour, par l'entremise du juge d'appel Arnup, à
la page 532, a cité les propos suivants du juge
Dickson [tel était alors son titre], dans Martineau
c. Comité de discipline de l'Institution de Mats-
qui, [ 1980] 1 R.C.S. 602, aux pages 622 et 623:
À mon avis, on peut recourir au certiorari chaque fois qu'un
organisme public a le pouvoir de trancher une question tou-
chant aux droits, intérêts, biens, privilèges ou libertés d'une
personne.
La Cour a conclu que le conseil de révision [TRA-
DUCTION] «a le pouvoir de trancher une telle
question» et elle a poursuivi en citant les motifs de
jugement du juge Grange, dans la décision de la
Cour divisionnaire faisant l'objet de l'appel,
(1979), 97 D.L.R. (3d) 304, à la page 318:
[TRADUCTION] Le lieutenant-gouverneur n'est évidemment pas
tenu de donner suite aux recommandations formulées dans le
rapport, mais je ne pense pas m'aventurer trop loin—en fait je
ne pense qu'affirmer l'évidence même—en disant que le seul
espoir qu'a un patient d'obtenir son congé repose dans une
recommandation favorable du Conseil.
Tout comme le lieutenant-gouverneur n'a pas à donner suite
au rapport du Conseil, ce dernier n'est pas tenu d'agir à la
lumière des renseignements et des rapports de l'agent responsa-
ble, mais il ne fait aucun doute que ces données vont influencer
le Conseil et que dans bien des cas, elles peuvent s'avérer
déterminantes. Si l'avocat du patient cherche, comme c'est son
devoir de le faire, à représenter son client de manière appro-
priée, il est facile de comprendre son désir, voire son besoin
impérieux, d'examiner lesdits rapports.
Le juge d'appel Arnup a poursuivi [aux pages 532
et 533]:
[TRADUCTION] Je suis entièrement d'accord avec ces com-
mentaires et j'irais même plus loin. L'objectif visé par la mise
sur pied d'un conseil consultatif de révision était de créer un
organisme indépendant, possédant une expertise vaste et diver-
sifiée et susceptible d'acquérir rapidement une expertise encore
plus grande à l'égard du type de problèmes qui lui serait
soumis, dans l'espoir que personne ne serait gardé indéfiniment
dans un établissement psychiatrique, à demi oublié et sans que
son cas ne soit réexaminé, si ce n'est par le personnel de
l'établissement. Il est inhérent au concept et au fonctionnement
d'un tel conseil que les recommandations qu'il formule vont être
pratiquement toujours acceptées.
Je reconnais que des considérations étrangères à
l'expertise du Conseil pourraient amener le Minis-
tre ou le gouverneur en conseil à refuser d'en
suivre les recommandations. Néanmoins, le rôle du
conseil de révision décrit dans l'affaire Abel et le
rôle du Conseil dans le cadre de la présente Loi
sont, à mon avis, très similaires.
Un tribunal qui fait enquête et formule des
recommandations mais ne prend pas de décisions
peut être contraint de respecter l'équité dans la
procédure. La question de savoir si cette exigence
existe dans une situation donnée dépend de l'une
ou l'autre ou des deux considérations suivantes: (1)
le rôle véritable de l'enquête dans le processus
décisionnel; et (2) les conséquences possibles de la
recommandation elle-même si aucune décision
n'en découle. Les arrêts Saulnier et Abel illustrent
l'exigence fondée sur la première considération,
alors que les arrêts Saulnier et Pergamon illus-
trent la seconde, eu égard particulièrement à l'in-
térêt qu'ils portent à la réputation des individus.
Je ne pense pas que la seconde considération
peut s'appliquer à l'espèce. Cependant, je suis
convaincu que le Parlement a, dans la Loi, donné à
l'enquête du Conseil un rôle à jouer dans le proces-
sus décisionnel, rôle l'obligeant à respecter l'équité
dans la procédure à l'égard de ceux dont les droits
et les intérêts pourraient être touchés par une
décision fondée sur sa recommandation.
Si j'en arrive à cette conclusion, c'est que j'en ai
été convaincu par l'ensemble des dispositions adop-
tées par le Parlement relativement aux fonctions et
aux pouvoirs du Conseil et par ce que serait réelle-
ment le processus qui découlerait normalement
d'une recommandation, advenant que celle-ci soit
prise en considération par le Ministre et le gouver-
neur en conseil. Pour ce qui est de la création de
l'office, le Conseil a le devoir de conseiller le
Ministre «sur toutes questions» et de consulter les
gouvernements provinciaux intéressés; il doit faire
enquête sur l'opportunité de la création d'un tel
office si les producteurs en font la demande; lors-
qu'il fait enquête, il doit tenir une audience publi-
que et, pour les fins de cette audience, le Conseil
s'est vu conférer les pouvoirs d'un commissaire en
vertu de la Partie I de la Loi sur les enquêtes. Bien
qu'il soit possible de faire des observations auprès
du Ministre et du gouverneur en conseil, le proces-
sus à ce niveau ne permet pas une audience équita-
ble, c'est-à-dire une audience où la personne visée
aurait la possibilité de répliquer aux arguments
contraires, car il est possible qu'elle ne les con-
naisse tout simplement pas. Le Parlement a claire-
ment admis que, lorsqu'un office est mis sur pied
et qu'un plan de commercialisation est adopté, il
s'agit-là d'une décision touchant les droits et les
intérêts des particuliers qui ne devrait pas être
prise sans qu'au préalable toutes les personnes
visées aient eu l'occasion d'obtenir une audition
équitable. Le Parlement a expressément prévu que
cette occasion s'insère dans le cadre de l'enquête
du Conseil et ce dernier se doit de mener l'au-
dience en conséquence.
Les prétendus dénis de justice naturelle concer-
nent tous un rapport, ci-après «the 1983 C.O.P.
Study» (l'étude de 1983 sur les coûts de produc
tion), qu'a commandé la Commission ontarienne
quelques jours avant de proposer la création d'un
office. Dans cette proposition, soumise au Conseil
le 15 octobre 1984, on alléguait que les produc-
teurs ontariens n'avaient pas reçu, au cours de sept
des huit années qui avaient précédé, un prix égal à
leur coût de production plus un bénéfice raisonna-
ble. Le Conseil a publié un avis de l'audience
publique invitant les personnes intéressées à sou-
mettre des mémoires avant le ler mars 1985. Le 12
février, la Commission ontarienne a produit une
annexe à sa proposition, qui énonçait en partie:
[TRADUCTION] La valorisation des coûts de production est
l'un des objectifs fondamentaux de la proposition. Suivant cette
proposition, à la lumière des estimations de la Commission
ontarienne, au cours des dernières années, les producteurs de
l'Ontario ont reçu pour leur produit un prix inférieur au coût de
production du tabac plus un bénéfice raisonnable.
La Commission ontarienne a retenu les services de Touche
Ross & Associés pour effectuer une évaluation indépendante de
la question.
Touche Ross & Associés a conclu que les planteurs de tabac
jaune de l'Ontario ont reçu en 1983 un prix moyen minimum
qui était inférieur au coût de production de leur récolte plus un
bénéfice raisonnable.
Les intimés ont dûment produit leur mémoire qui a
souligné la prétendue insuffisance des prix. Le
Conseil leur a reconnu la qualité d'intervenants.
On a prévu la tenue d'audiences publiques durant
une période de 11 jours, entre le 16 avril et le 31
mai 1985 inclusivement.
Avant le début de l'audience, le Conseil a fait
parvenir un avis d'insuffisance à la Commission
ontarienne lui signalant que l'étude de 1983 sur les
coûts de production n'était pas incluse dans sa
documentation. Le premier jour de l'audience, les
intimés ont sollicité une ordonnance afin
[TRADUCTION] ... que la Commission ontarienne produise
l'étude sur le coût de production effectuée par Touche, Ross, à
temps pour permettre aux fabricants de l'examiner aux fins de
la présente enquête.
Le Conseil a statué sur cette demande en suggé-
rant d'abord à la Commission ontarienne de sup-
primer le renvoi à l'étude de 1983 sur les coûts de
production dans l'annexe à sa proposition, pour
ensuite lui permettre de le faire. Le 8 mai, les
intimés ont demandé une ordonnance intimant à la
Commission ontarienne de produire tous les docu
ments en sa possession ainsi que ceux en la posses
sion de Touche, Ross & Associés concernant
l'étude de 1983 sur les coûts de production, afin
que les intimés puisse avoir une occasion raisonna-
ble d'examiner ces documents et, si nécessaire,
obtenir un ajournement de l'enquête jusqu'à ce que
la documentation ait été produite. A ce
moment-là, d'autres audiences publiques étaient
prévues pour les 9, 10, 16, 17, 30 et 31 mai. Le 14
mai, le Conseil a rejeté la requête dans une déci-
sion écrite qui se lit en partie comme suit:
[TRADUCTION] Cependant, en supprimant toute référence à
l'étude de 1983 dans son mémoire, la Commission ontarienne a
laissé voir qu'elle ne désire présenter aucun argument reposant
sur cette étude. La Commission a également refusé de répondre
à toute question sur ce sujet. Pour les motifs déjà indiqués, le
jury déplore la décision de la Commission ontarienne et estime
que cette omission constitue une occasion manquée de contri-
buer de manière significative à la poursuite de son objectif qui
est d'aider le jury à comprendre comment l'office projeté
permettrait d'améliorer la situation dans l'industrie du tabac.
Le jury a toutefois pour politique de laisser les parties choisir
les arguments et les pièces justificatives qu'elles souhaitent
présenter à l'audience. En conséquence, le jury est d'avis que le
fait d'accueillir cette requête porterait indûment atteinte aux
droits des autres parties à la présente procédure qui ont res
pecté en tout temps cette directive générale de non-contraigna-
bilité, soit lors de la présentation d'éléments de preuve soit lors
de contre-interrogatoire de témoins. En outre, étant donné la
date tardive à laquelle cette requête est présentée, le jury est
d'avis que le fait de l'accueillir forcerait une nouvelle audition
complète de l'affaire, ce qui entraînerait des délais considéra-
bles ainsi que des coûts et des dépenses supplémentaires pour
toutes les parties. En dernier lieu, le jury estime que le témoi-
gnage et le contre-interrogatoire du témoin représentant Tou-
che-Ross & Associés a mis en lumière énormément d'informa-
tions relativement au coût de production et que lorsque ce
contre-interrogatoire abordera la question de la méthodologie
appropriée, il est fort possible qu'il permette de suppléer par-
tiellement au fait que le rapport de 1983 n'est pas encore
disponible.
L'étude de 1983 sur les coûts de production a, dans
les faits, été signifiée au Conseil après la fin des
audiences. Les intimés ont sollicité sur-le-champ la
réouverture de l'audience. Ils ont été informés
qu'une décision en ce sens ne pouvait être rendue
avant que le Conseil ne se réunisse à nouveau et
qu'une réunion ne pouvait avoir lieu avant la date
prévue de la production du rapport du Conseil au
Ministre.
Le savant juge de première instance a rendu
l'ordonnance suivante:
1. La Cour statue que, conformément à la Règle 307(3) des
Règles et ordonnances générales de la Cour fédérale du
Canada, la signification, en l'espèce, de l'avis de requête intro-
ductif d'instance à l'intimé, à la Commission ontarienne de
commercialisation du tabac jaune, à la Tobacco Commodity
Marketing Board de l'Île-du-Prince -Edouard, et aux compa-
gnies Simcoe Leaf Tobacco Co. Ltd., Dibrell Brothers of
Canada Ltd. et Standard Commercial Tobacco Company of
Canada Ltd. est suffisante aux fins de l'audience.
2. La Cour rend une ordonnance de mandamus obligeant
l'intimé à reprendre l'audience tenue conformément à l'article 9
de la Loi sur les offices de commercialisation des produits de
ferme relativement à une enquête sur le bien-fondé de la
création d'un office de commercialisation du tabac jaune. L'in-
timé devra examiner l'étude COP sur le coût de production,
préparée par Touche, Ross & Associés en 1983, et citer tous les
témoins nécessaires pour présenter la preuve sur ladite étude.
L'intimé devra permettre aux requérants de contre-interroger
les témoins et, si nécessaire, devra permettre à toute partie de
produire des contre-preuves.
3. La Cour rend une ordonnance de certiorari annulant le
rapport produit par le comité d'enquête vers le 21 août 1985 et
le rapport présenté au ministre de l'Agriculture par l'intimé.
4. La Cour rend une ordonnance de prohibition interdisant à
l'intimé, jusqu'à ce que l'audience susmentionnée ait pris fin, de
soumettre ses propositions au ministre de l'Agriculture comme
le prévoit le paragraphe 7(1) de la Loi sur les offices de
commercialisation des produits de ferme.
5. La Cour statue en outre que l'avis de la reprise de l'audience
sera jugé suffisant s'il est signifié aux parties en cause dans la
présente demande. Toute personne, tout groupe ou toute société
qui a participé aux quatre audiences tenues plus tôt à London
(Ontario), à Charlottetown (Î.-P.-É.), à Montréal (Québec) ou
à Ottawa (Ontario) pourra demander à l'intimé de lui donner
l'occasion de se faire entendre, mais il n'est pas nécessaire de
donner un avis à ces parties.
6. Les requérants auront le droit d'obtenir de l'intimé le
remboursement des dépens de la présente requête dès que
ceux-ci auront été taxés.
Comme l'étude de 1983 sur les coûts de produc
tion est maintenant prête et que le Conseil l'a en
main, il serait inutile de s'attarder au refus pré-
sumé du Conseil d'exercer sa compétence en se
conformant à sa politique établie, dans des circons-
tances entièrement inappropriées. Qu'il suffise de
dire que le Parlement a, par l'entremise du para-
graphe 8(5) de la Loi, investi le Conseil des pou-
voirs qu'il peut avoir à invoquer de temps à autre
dans l'exercice de sa compétence et que son défaut
de le faire peut fort bien constituer un refus inap-
proprié de les exercer. Pour cette même raison, il
ne servirait à rien de s'attarder à la suggestion du
jury de supprimer la référence à l'étude de 1983
sur les coûts de production dans le mémoire sup-
plémentaire ou à sa décision relativement à la
requête initiale en vue d'en contraindre la
production.
L'étude de 1983 sur les coûts de production est
bel et bien prête. Le Conseil l'a entre les mains. Il
s'agit d'une étude opportune, professionnelle et
pertinente à une question d'importance cruciale
relativement au rapport que le Conseil doit présen-
ter au Ministre. Le redressement accordé par le
savant juge de première instance était justifié et
approprié.
Je n'ai qu'une seule réserve en ce qui a trait à
son ordonnance. Le dossier révèle que 61 mémoires
ont été produits auprès du Conseil. Il ne révèle
cependant pas le nombre de personnes qui ont été
autorisées à intervenir à l'audience. Le paragraphe
1 de l'ordonnance a limité nunc pro tunc les per-
sonnes à qui un avis des procédures en première
instance devait être donné et, dans les faits, cela a
circonscrit le groupe des personnes à qui un avis du
présent appel a été donné. Le paragraphe 5 de
l'ordonnance place sur les épaules des personnes
intéressées qui ne sont pas parties aux présentes
procédures un fardeau qui, avec déférence, semble
irréalisable. Je modifierais le paragraphe 5 de la
façon suivante:
5. La Cour ordonne en outre que l'avis de la reprise de
l'audience soit signifié par le Conseil à toutes les personnes qui
furent autorisées à intervenir lors des audiences initiales.
Je rejetterais par ailleurs le présent appel avec
dépens.
LE JUGE STONE: Je souscris aux présents
motifs.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE MACGUIGAN: Je suis entièrement
d'accord avec le dispositif que propose mon collè-
gue le juge Mahoney ainsi qu'avec ses motifs. Je
désire tout simplement ajouter quelques arguments
supplémentaires en ce qui a trait à la question de
savoir si cette Cour détient un pouvoir de contrôle
sur le rapport présenté au ministre de l'Agriculture
(«le Ministre») par le Conseil national de commer
cialisation des produits de ferme («le Conseil»)
relativement à l'opportunité de la création d'un
office national de commercialisation du tabac.
À mon avis, la façon d'aborder le contrôle judi-
ciaire des mesures administratives depuis les arrêts
Ridge v. Baldwin, [1964] A.C. 40 (ELL.) en
Angleterre et Nicholson c. Haldimand-Norfolk
Regional Board of Commissioners of Police,
[ 1979] 1 R.C.S. 311 au Canada a été exposée avec
précision par le juge Dickson (tel était alors son
titre) dans Martineau c. Comité de discipline de
l'Institution de Matsqui, [1980] 1 R.C.S. 602, aux
pages 628 et 629:
La jurisprudence, à mon avis, appuie les conclusions
suivantes:
1. Le certiorari peut servir de recours général pour la surveil
lance de l'appareil décisionnel gouvernemental. Tout organisme
public qui a le pouvoir de trancher une question qui touche les
droits, intérêts, biens, privilèges ou liberté d'une personne peut
en faire l'objet. La vaste portée de ce recours se fonde sur
l'obligation générale d'agir avec équité qui incombe à toutes les
instances décisionnelles publiques.
2. Une décision purement administrative, fondée sur des
motifs généraux d'ordre public, n'accordera normalement
aucune protection procédurale à l'individu, et une contestation
de pareille décision devra se fonder sur un abus de pouvoir
discrétionnaire. De même, on ne pourra soumettre à la surveil
lance judiciaire les organismes publics qui exercent des fonc-
tions de nature législative. D'autre part, une fonction qui se
situe à l'extrémité judiciaire du spectre comportera des garan-
ties procédurales importantes. Entre les décisions de nature
judiciaire et celles qui sont de nature discrétionnaire et en
fonction d'une politique, on trouve une myriade de processus
décisionnels comportant un élément d'équité dans la procédure
dont l'intensité variera selon sa situation dans le spectre admi-
nistratif. C'est ce qui ressort de l'arrêt de cette Cour dans
Nicholson. Dans ces cas, un requérant peut obtenir un certio-
rari pour faire sanctionner une violation de l'obligation d'agir
équitablement dans l'application de la procédure.
Cette nouvelle approche suppose la reconnais
sance d'un spectre de surveillance des décisions qui
comporte des garanties procédurales plus grandes
à son extrémité judiciaire. À mesure que l'on
s'approche de l'autre extrémité du spectre, où
entrent en jeu des fonctions de nature purement
législative, il y a diminution puis absence complète
de garanties et de surveillance. Dans le cas du
Conseil, l'article 10 de la Loi sur les Offices de
commercialisation des produits de ferme («la
Loi») prévoit de telles mesures de nature purement
administrative, qui ne feraient probablement pas
l'objet de surveillance judiciaire:
10. Le Conseil peut établir des règles relatives à la conduite
des audiences publiques en vertu de l'article 8 et portant, d'une
manière générale, sur les procédures du Conseil y relatives.
Cependant, les gestes posés par le Conseil en vertu
de l'article 8, qui prévoit la tenue d'audiences
publiques par le Conseil dans le cadre d'une
enquête sur l'opportunité de la création d'un office,
comme en l'espèce, ne se situent pas dans le
domaine purement législatif et doivent donc être
susceptibles d'examen.
Il est vrai que le rapport présenté au Ministre
par le Conseil ne porte pas directement atteinte à
des droits et que le Ministre n'est pas tenu d'y
donner suite. Il est également vrai que ce rapport
n'est une condition préalable ni à la formulation
d'une proposition ministérielle au gouverneur en
conseil ni à une proclamation par ce dernier.
Néanmoins, je suis d'avis qu'il ressort claire-
ment de la Loi, qui permet à une association telle
la Commission ontarienne de commercialisation du
tabac jaune en l'espèce d'instituer une enquête',
qui doit se dérouler par voie d'audience publique 2 ,
7. (1) ... le Conseil
a) doit, au reçu d'une requête écrite ... examiner l'oppor-
tunité
(i) d'établir un office pour un ou plusieurs produits de
ferme ...
2 8. (1) Le Conseil doit tenir une audience publique
a) relativement à une enquête portant sur l'opportunité de la
création d'un office ou de l'extension du pouvoir d'un ...
dans le cadre de laquelle le Conseil est investi de
tous les pouvoirs prévus à la Partie I de la Loi sur
les enquêtes' et qui doit aboutir à la présentation
au Ministre d'un rapport renfermant les proposi
tions du Conseil'', qu'une fois que le rapport est
préparé, le Ministre doit à tout le moins en tenir
compte, et s'il formule ultérieurement des proposi
tions au gouverneur en conseil, ce dernier doit
également le prendre en considération avant de
prendre sa décision. Toute autre interprétation de
la Loi ferait de l'intention exprimée de propos
délibéré par le Parlement dans cette Loi un artifice
vide de sens. Même si le Parlement a laissé à
l'exécutif le pouvoir d'agir entièrement de sa
propre initiative, il a clairement voulu mettre en
place un processus complet allant des audiences
publiques à la proclamation par l'exécutif, et plus
particulièrement dans les cas où un rapport a été
préparé, que l'examen de ce rapport devienne une
condition préalable à toute action de l'exécutif et
du Ministre.
Dans l'arrêt Saulnier c. Commission de police
du Québec, [1976] 1 R.C.S. 572, la page 579, la
Cour suprême du Canada a jugé qu'il suffisait,
pour donner ouverture au contrôle judiciaire,
qu'un rapport d'enquête «[puisse]» nuire «beau-
coup» à la réputation et à l'avenir du directeur de
police, puisqu'il s'agit d'un rapport «d'après
[lequel] normalement le Ministre agira». Dans
l'affaire In re Pergamon Press Ltd., [1971] Ch.
388 (C.A.), à la page 400, le maître des rôles lord
Denning a justifié le contrôle aux motifs que le
rapport des inspecteurs [TRADUCTION] «était sus
ceptible d'entraîner» des conséquences défavora-
bles pour les administrateurs de la compagnie. Il
faut, semble-t-il, que ces conséquences défavora-
' 8....
(5) Le Conseil a, pour toute audience publique en vertu du
présent article, tous les pouvoirs d'un commissaire nommé en
vertu de la Partie I de la Loi sur les enquêtes.
4 7. (1) ...
et soumettre au Ministre ses propositions, notamment quant
aux modalités d'un plan de commercialisation approprié, lors-
que à son avis il est opportun de conférer à un office le pouvoir
d'exécuter un tel plan pour le ou les produits de ferme faisant
l'objet de l'examen;
bles soient plus qu'une simple possibilité; elles
doivent presque être probables, voire même l'êtres.
En l'espèce, le cheminement normal établi par le
Parlement en vue de la création d'un office de
commercialisation consiste en un processus à
caractère public, permettant une participation
importante de tous les intéressés susceptibles d'être
touchés par la mesure. Dans les cas où un rapport
a été préparé, le Parlement veut qu'on y porte une
attention sérieuse. Je ne crois pas qu'il soit néces-
saire à un tribunal d'évaluer mathématiquement
les risques de conséquences défavorables afin de
pouvoir conclure que, puisque le rapport du Con-
seil, s'il est favorable aux intérêts des producteurs
de tabac, peut fort bien et, en fait, va probable-
ment porter atteinte aux intérêts des fabricants de
produits du tabac, le cas donne ouverture au con-
trôle judiciaire.
5 Dans l'arrêt Re Abel et al. and Advisory Review Board
(1980), 31 O.R. (2d) 520, aux p. 532 et 533, la Cour d'appel de
l'Ontario, par l'entremise du juge Arnup, a conclu qu'il était
[TRADUCTION] »inhérent au concept et au fonctionnement d'un
tel conseil [un conseil consultatif de révision pour établisse-
ments psychiatriques] que ses recommandations vont être prati-
quement toujours acceptées» [c'est moi qui souligne]. Toutefois,
cette conclusion a été formulée à la lumière des faits et non à
titre d'exigence imposée par la loi.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.