A-937-85
Canadien Pacifique Limitée (appelante) (requé-
rante)
c.
Commission canadienne des transports (intimée)
A-938-85
Compagnie des chemins de fer nationaux du
Canada (appelante) (requérante)
c.
Commission canadienne des transports (intimée)
RÉPERTORIÉ: COMPAGNIE DES CHEMINS DE FER NATIONAUX
DU CANADA c. COMMISSION CANADIENNE DES TRANSPORTS
(CA.)
Cour d'appel, juges Urie, Hugessen et MacGui-
gan—Winnipeg, 17 juin 1986.
Compétence de la Cour fédérale — Division de première
instance — La Division de première instance n'a pas compé-
tence pour juger les demandes visant la délivrance d'un bref de
prohibition et d'un bref de certiorari présentées par le CN et le
CP et dirigées contre une décision de la Commission cana-
dienne des transports de rejeter les requêtes du CN et du CP
tendant à la radiation des demandes de la Ville de Régina
faites conformément à la Loi sur le déplacement des lignes et
sur les croisements de chemin de fer — L'art. 29 de la Loi sur
la Cour fédérale prive la Division de première instance de
compétence, l'art. 64(2) de la Loi nationale sur les transports
prévoit un appel auprès de la Cour d'appel sur «une question
de droit ou une question de compétence» — Ce serait une
erreur d'appliquer à l'art. 64(2) les critères applicables à la
détermination des sortes de «décisions ou [d'Jordonnances»
susceptibles de contrôle judiciaire — L'art. 64(2) met l'accent
sur «une question de droit ou une question de compétence» et
non pas sur la «décision ou ordonnance» — Les appels interje-
tés en vertu de l'art. 64(2) doivent être autorisés par la Cour —
Dans le cadre d'une demande d'autorisation d'appel, la Cour
peut s'assurer du sérieux du point en litige et imposer des
conditions destinées à accélérer l'audition de l'appel, à la
différer jusqu'à ce que la question ait été décidée par la
Commission, à permettre que les auditions devant la Commis
sion se poursuivent en même temps que l'appel ou à faire en
sorte que justice soit rendue — L'importance attachée par
l'art. 64 à la «question» est renforcée par l'exigence de l'art.
64(5) selon laquelle la Cour transmet son opinion certifiée à la
Commission — L'appel est rejeté — Loi sur la Cour fédérale,
S.R.C. 1970 (2e Supp.), chap. 10, art. 28, 29 — Loi nationale
sur les transports, S.R.C. 1970, chap. N-17, art. 64(2) (mod.
par S.R.C. 1970 (2e Supp.), chap. 10, art. 65), (5) (mod., idem)
— Loi sur le déplacement des lignes et sur les croisements de
chemin de fer, S.C. 1974, chap. 12.
Transports — La Commission canadienne des transports
rejette les requêtes du CN et du CP tendant à la radiation des
demandes de la Ville de Régina faites conformément à la Loi
sur le déplacement des lignes et sur les croisements de chemin
de fer — Rejet par la Division de première instance des
demandes visant la délivrance d'un bref de prohibition et d'un
bref de certiorari dirigées contre la décision de la Commission
— La Division de première instance n'avait pas compétence en
l'espèce étant donné l'art. 64(2) de la Loi nationale sur les
transports — L'art. 64(2) prévoit la possibilité d'interjeter
appel auprès de la Cour d'appel fédérale «sur une question de
droit ou une question de compétence» après avoir obtenu
l'autorisation de la Cour — Loi nationale sur les transports,
S.R.C. 1970, chap. N-17, art. 64(2) (mod. par S.R.C. 1970 (2 e
Supp.), chap. 10, art. 65), (5) (mod., idem) — Loi sur le
déplacement des lignes et sur les croisements de chemin de fer,
S.C. 1974, chap. 12.
JURISPRUDENCE
DISTINCTION FAITE AVEC:
La Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada
c. La Commission canadienne des transports, [1982] 1
C.F. 458 (C.A.).
DECISION EXAMINÉE:
La Loi antidumping (In re) et in re Danmor Shoe Co.
Ltd., [1974] 1 C.F. 22 (C.A.).
DECISIONS CITÉES:
Procureur général du Canada (Le) c. Cylien, [1973]'C.F.
1166 (C.A.); British Columbia Packers Ltd. c. Le Con-
seil canadien des relations du travail, [1973] C.F. 1194
(C.A.).
AVOCATS:
Winston F. Smith et A. Ludkiewicz pour le
Canadien Pacifique Limitée, appelante
(requérante).
G. H. Nerbas et Terrance Hall pour la Com-
pagnie des chemins de fer nationaux du
Canada, appelante (requérante).
M. Rothstein, c.r. et M. Monnin pour la Ville
de Régina.
P. Noonan pour l'intimée.
PROCUREURS:
Winston F. Smith et A. Ludkiewicz, Winni-
peg, pour le Canadien Pacifique Limitée,
appelante (requérante).
G. H. Nerbas et Terrance Hall, Winnipeg,
pour la Compagnie des chemins de fer natio-
naux du Canada, appelante (requérante).
Aikins, MacAulay, Winnipeg, pour la Ville
de Régina.
Contentieux de la Commission canadienne
des transports, Ottawa, pour l'intimée.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement de la Cour prononcés à l'audience
par
LE JUGE HUGESSEN: Il s'agit d'appels interjetés
contre deux décisions [Compagnie des chemins de
fer nationaux du Canada c. Commission cana-
dienne des transports, T-842-85; Canadien Paci-
fique Ltée c. Commission canadienne des trans
ports, T-603-85, ordonnance en date du 22
novembre 1985, encore inédite] par lesquelles le
juge Pinard rejetait des demandes visant la déliv-
rance d'un bref de prohibition et d'un bref de
certiorari dirigés contre une décision de la Com
mission canadienne des transports; cette dernière
décision rejetait les requêtes des appelantes, la
Compagnie des chemins de fer nationaux du
Canada et Canadien Pacifique Limitée, tendant à
la radiation de demandes faites à la Commission
par la Ville de Régina conformément à la Loi sur
le déplacement des lignes et sur les croisements de
chemin de fer (S.C. 1974, chap. 12) au motif que
la Commission n'avait pas la compétence néces-
saire pour les instruire dans la forme selon laquelle
elles avaient été déposées. Le juge Pinard a statué
que l'article 29 de la Loi sur la Cour fédérale
[S.R.C. 1970 (2 e Supp.), chap. 10] avait pour effet
de priver la Division de première instance de
compétence en l'espèce parce que, selon lui, la
décision contestée pouvait être portée devant la
présente Cour en vertu des dispositions de l'article
64 de la Loi nationale sur les transports (S.R.C.
1970, chap. N-17). Nous souscrivons tous à cette
conclusion.
Voici le libellé du paragraphe 64(2) de la Loi
nationale sur les transports [mod. par S.R.C.
1970 (2e Supp.), chap. 10, art. 65]:
64....
(2) Les décisions de la Commission sont susceptibles d'appel
à la Cour d'appel fédérale sur une question de droit ou une
question de compétence, quand une autorisation à cet effet a
été obtenue de ladite Cour sur demande faite dans le délai d'un
mois après que l'ordonnance, l'arrêt ou le règlement dont on
veut appeler a été établi, ou dans telle autre limite de temps que
le juge permet dans des circonstances spéciales, après avis aux
parties et à la Commission, et après audition de ceux des
intéressés qui comparaissent et désirent être entendus; et les
frais de cette demande sont à la discrétion de ladite Cour.
Nous estimons que ce serait une erreur d'appli-
quer à l'interprétation de cette disposition les critè-
res établis par cette Cour aux fins de déterminer
quelles sortes de «décisions ou [d']ordonnances»
sont susceptibles d'examen et d'annulation en
vertu de l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale.
(Voir, par exemple, Procureur général du Canada
(Le) c. Cylien, [1973] C.F. 1166 (C.A.); British
Columbia Packers Ltd. c. Le Conseil canadien des
relations du travail, [1973] C.F. 1194 (C.A.); La
Loi antidumping (In re) et in re Danmor Shoe Co.
Ltd., [1974] 1 C.F. 22 (C.A.).)
Tout d'abord, nous constatons que contraire-
ment à l'article 28, le paragraphe 64(2) ne met pas
l'accent sur la «décision ou ordonnance» mais, de
façon significative, sur «une question de droit ou
une question de compétence». En effet, la seule
mention qui est faite de «l'ordonnance, l'arrêt ou le
règlement dont on veut appeler» se trouve, presque
incidemment, dans la partie de la disposition trai-
tant de la computation du délai d'autorisation
d'appel.
Ensuite, et c'est ce qui importe le plus à notre
avis, les appels interjetés en vertu du paragraphe
64(2) doivent être autorisés par la Cour. Par con-
séquent, plusieurs des préoccupations relatives à
l'intention du législateur, que les arrêts de notre
Cour fondés sur l'article 28 ont exprimées de façon
explicite ou implicite, perdent une grande partie de
leur justification. Le juge en chef Jackett a exposé
l'une de ces préoccupations dans le passage suivant
de l'arrêt Danmor Shoe (précité) [aux pages 34 et
35]:
Par contre, si une des parties, peu désireuse de voir le tribunal
s'acquitter de sa tâche, avait le droit de demander à la Cour
d'examiner séparément chaque position prise ou chaque déci-
sion rendue par un tribunal, lors de la conduite d'une longue
audience, elle aurait en fait le droit de faire obstacle au
tribunal. A tout prendre, il semble que le but de l'article 28 sera
atteint plus efficacement si le droit de demander un examen
judiciaire intervient seulement après que le tribunal a rendu sa
décision. Il n'y aura donc aucun retard inutile dans les cas où le
tribunal ne commet pas d'erreur en exprimant des opinions ou
en prenant des décisions intermédiaires et, même si le tribunal
commet une erreur à un stade intermédiaire, de telles erreurs
n'influeront pas dans la plupart des cas sur le résultat final de
manière suffisante pour justifier le recours à l'examen judi-
ciaire. Si l'on admet qu'il y a des problèmes qui devaient être
résolus de manière judiciaire à un stade intermédiaire, aucune
des parties ne doit assurément avoir le droit de décider si une
situation donnée l'exige. A cet égard, il est intéressant de
remarquer que le Parlement a donné au tribunal le pouvoir
discrétionnaire nécessaire pour traiter de ces problèmes. Voir
l'article 28(4) de la Loi sur la Cour fédérale qui autorise un
tribunal «à tout stade de ses procédures» à renvoyer devant la
Cour «toute question de droit, de compétence ou de pratique,
... pour audition et jugement».
Dans le cadre d'une demande d'autorisation
d'appel visée au paragraphe 64(2), cette Cour peut
non seulement s'assurer que l'appelant a un point
sérieux à faire valoir, mais encore peut-elle, dans
les circonstances indiquées, imposer des conditions
destinées, par exemple, à accélérer l'audition de
l'appel, à la différer jusqu'à ce que la question ait
été décidée par la Commission, à permettre que les
auditions devant la Commission se poursuivent en
même temps que l'appel, ou à faire en sorte d'autre
façon que justice soit rendue.
En dernier lieu, nous constatons que dans le
cadre des appels fondés sur l'article 64, la Cour ne
procède pas à l'examen ni à l'annulation de la
décision contestée, mais plutôt, aux termes du
paragraphe 64(5) [mod., idem], elle «transmet son
opinion certifiée à la Commission» qui doit alors
rendre une ordonnance conforme à cette opinion.
Cela nous convainc davantage qu'à l'article 64,
l'accent porte sur la «question», qu'il s'agisse d'une
question de droit ou d'une question de compétence,
plutôt que sur le procédé auquel a eu recours la
Commission pour régler l'affaire dont elle était
saisie.
Par conséquent, nous concluons que la Division
de première instance n'avait pas compétence pour
juger les demandes de brefs de prohibition et de
certiorari parce que la décision contestée de la
Commission, bien qu'elle soit simplement une déci-
sion interlocutoire, soulevait une question de droit
ou une question de compétence qui aurait pu régu-
lièrement faire l'objet d'un appel devant cette
Cour conformément au paragraphe 64(2) de la Loi
nationale sur les transports. Nous sommes cons-
cients qu'en nous prononçant de la sorte nous
allons au-delà des conclusions explicites de cette
Cour dans l'affaire La Compagnie des chemins de
fer nationaux du Canada c. La Commission cana-
dienne des transports, [1982] 1 C.F. 458 (C.A.),
mais les faits dans cette affaire n'exigeaient pas
que la Cour considère les aspects plus vastes de la
question que nous décidons aujourd'hui.
Pour ces motifs, les appels seront rejetés. Les
avocats pourront se faire entendre sur la question
des dépens.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.