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T-1226-84
Bryan Osborne (demandeur) c.
La Reine représentée par le Conseil du Trésor (défenderesse)
T-1239-84
William James Millar (demandeur) c.
La Reine représentée par le Conseil du Trésor (défenderesse)
RÉPERTORIÉ: OSBORNE c. CANADA (CONSEIL DU TRÉSOR)
Division de première instance, juge suppléant Walsh—Ottawa, 10 et 20 octobre 1986.
Pratique Frais et dépens Requête, fondée sur la Règle 344(7) et l'art. 3 du tarif B, en majoration des sommes pouvant être accordées en vertu des alinéas 2(1)d) et e) du tarif B Les demandeurs ont eu partiellement gain de cause dans l'action principale Les questions soulevées au procès étaient complexes et importantes et ont exigé une préparation exhaus tive Le tarif est suranné et insuffisant L'espèce présente s'assimile à une cause-précédent en ce sens qu'elle est la première du genre à porter sur la question Le Projet de modifications aux Règles de la Cour fédérale aplanit l'obsta- cle que représente la méthode restrictive d'aborder la question de la majoration adoptée dans Smerchanski et modifie radica- lement le tarif existant Les modifications, bien qu'elles ne soient pas encore en vigueur, sont une indication de ce qui est maintenant considéré comme juste et raisonnable Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663, Règles 344(7), 346A (projet, Gaz. du Can., Partie I, 11), tarif A, art. 1(4)a), tarif B, art. 2(1)d),e), 3 Loi sur l'emploi dans la Fonction publique, S.R.C. 1970, chap. P-32, art. 32 Charte cana- dienne des droits et libertés, qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.), art. 1, 2b),d) Civil Service Act, S.N.S. 1980, chap. 3 Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), chap. 10, art. 46.
Dans leurs actions, qui ont été entendues en même temps qu'une troisième, les demandeurs cherchent à faire déclarer nulles les restrictions que l'article 32 de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique apporte aux activités politiques des fonctionnaires, parce qu'elles vont à l'encontre des alinéas 2b) et d) de la Charte.
Bien qu'ils n'aient pu faire valoir cette prétention, les deman- deurs à l'instance ont réussi à faire déclarer qu'ils pouvaient assister à un congrès à la direction, et des dépens leur ont été adjugés. L'affaire exigeait une étude et une compilation exhaustives de documents concernant l'article 32 de la Loi et l'article 1 de la Charte. Le procès a été long et coûteux. Toutefois, les avocats des demandeurs à l'instance ont fait preuve d'une grande collaboration et ont beaucoup aidé la Cour en préparant un mémoire conjoint sur l'article 1 de la Charte et
un cahier des documents convenus, ce qui a réduit la durée du procès.
La requête en l'espèce, applicable aux deux affaires et fondée sur la Règle 344(7) et l'article 3 du tarif B des Règles de la Cour fédérale, vise à faire ordonner à l'officier taxateur de majorer les sommes pouvant être accordées en vertu des alinéas 2d) et e) du tarif B.
Jugement: la requête devrait être accueillie.
Il a été décidé dans l'affaire Smerchanski que le volume du travail requis et la difficulté ou l'importance de l'affaire ne justifiaient pas une majoration du montant des frais prévus au tarif B. Tout en faisant une exception des causes-précédents, la jurisprudence de la Cour fédérale a, jusqu'à ces derniers temps, suivi cette méthode d'aborder le problème. La Cour a mainte- nant tendance à se montrer plus généreuse dans ses directives spéciales quant aux frais plutôt que d'adhérer strictement au tarif qui s'est révélé complètement suranné et insuffisant, chaque fois que la coopération des parties a permis d'écourter l'interrogatoire préalable et le procès lui-même. Et bien que l'action principale en l'espèce ne soit pas une cause-précédent, elle s'assimile bien à une cause-précédent au sens qu'elle est la première du genre à porter sur la question. Une audition devant la Commission des relations de travail dans la Fonction publi- que portant sur la validité de l'article 32 a été ajournée jusqu'à ce qu'un jugement ait été rendu dans l'action principale en l'espèce.
Enfin, le projet de modifications aux Règles de la Cour fédérale permet des montants beaucoup plus réalistes. Il étend considérablement le pouvoir discrétionnaire du juge et aplanit l'obstacle que représente la décision Smerchanski en autorisant la considération de l'importance des questions en litige, de la charge de travail et de la complexité des procédures, ainsi que de la conduite des parties qui tend à écourter ou à prolonger la durée du procès. De même, il prévoit expressément des frais pour l'avocat principal et la possibilité d'autres frais pour la participation de l'avocat en second. Bien que ces règles ne soient pas encore en vigueur, on peut les considérer comme représentant ce qui est juste et raisonnable.
Vu l'alinéa 1(4)a) du tarif A, il est ordonné que les procédu- res en l'espèce seront assimilées à une action de la classe III. Une somme, qui sera déterminée par l'officier taxateur, sera accordée au titre de la préparation du procès.
Pour ce qui est des montants prévus à l'alinéa 2(1)e) du tarif B, il sera accordé des montants semblables à ceux prévus dans le projet de nouveau tarif. Les circonstances spéciales de l'es- pèce et le fait qu'elle a été considérablement écourtée grâce à la coopération de toutes les parties justifient une hausse raisonna- ble des sommes pouvant être accordées selon le tarif en vigueur.
JURISPRUDENCE DÉCISIONS APPLIQUÉES:
R. c. Manitoba Fisheries Ltd., [1980] 2 C.F. 217 (C.A.), confirmant [1980] 1 C.F. 36 (1" inst.); Warwick Ship
ping Limited c. La Reine, [1984] 1 C.F. 998 (C.A.).
DÉCISION ÉCARTÉE:
Smerchanski c. Le ministre du Revenu national, [1979] 1 C.F. 801 (CA.).
DÉCISION EXAMINÉE:
Spur Oil Limited c. La Reine, [1983] 1 C.F. 244 (1" inst.).
DÉCISIONS CITÉES:
Fraser v. Nova Scotia (Attorney General), jugement en date du 10 juin 1986, SH 54592, pas encore publié; MacMillan Bloedel (Saskatchewan) Ltd. c. Consolboard Inc. (1981), 124 D.L.R. (3d) 342 (C.A.F.).
AVOCATS:
Dougald E. Brown pour le demandeur. Duff Friesen, c.r., pour la défenderesse.
PROCUREURS:
Nelligan/Power, Ottawa, pour le demandeur. Le sous-procureur général du Canada pour la défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs de l'ordonnance rendus par
LE JUGE SUPPLÉANT WALSH: La requête en l'espèce, applicable aux deux affaires et fondée sur la Règle 344(7) [Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663] et l'article 3 du tarif B, vise à faire ordonner à l'officier taxateur de majorer les sommes pouvant être accordées en vertu des ali- néas 2(1)d) et 2(1)e) du tarif B. Ces deux actions ont été entendues en même temps qu'une troisième action portant le numéro T-1636-84 et émanant de cinq demandeurs, à savoir Randy Barnhart, Linda Camponi, Michael Cassidy, Ken Clavette et Hea ther Stevens, lesquels étaient représentés par des avocats autres que ceux représentant les deux demandeurs en l'espèce. Dans ces trois actions cependant, les demandeurs visaient principalement à faire déclarer nul l'article 32 de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique [S.R.C. 1970, chap. P-32], par ce motif qu'il irait à l'encontre des alinéas 2b) et 2d) de la Charte canadienne des droits et libertés [qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.)].
Aucun des demandeurs n'a pu faire accepter cette conclusion mais la Cour [Osborne c. Canada (Conseil du Trésor), [1986] 3 C.F. 206 (i ie inst.)] a, de façon limitée, interprété l'article 32 de la Loi comme autorisant certaines des activités politiques auxquelles les demandeurs désiraient se livrer. Ni
les demandeurs ni les défendeurs n'ont eu droit aux dépens dans l'action inscrite sous le numéro T-1636-84 et intentée par les cinq demandeurs qui entendaient se livrer à un large éventail de ces activités, puisque très peu d'entre elles ont été déclarées permises selon l'interprétation donnée de l'article dont il s'agit. Mais dans les deux actions faisant l'objet de la requête en l'espèce, les dépens ont été adjugés aux demandeurs qui ont eu partiel- lement gain de cause, la Cour ayant conclu qu'en droit, rien ne leur interdisait d'assister à un con- grès à la direction comme ils avaient cherché à le faire, bien qu'ils n'aient pas réussi à faire déclarer nul l'article 32 de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique. Cette conclusion découlait de l'interprétation du paragraphe 32(2) qui permet aux fonctionnaires d'assister à des réunions politi- ques et de verser, à titre de contribution, de l'ar- gent à la caisse d'un parti politique. Étant donné que l'argumentation principale de toutes les parties portait sur l'article 32, l'étude et la compilation des documents pour les trois affaires ont ajouté à la durée et aux frais du procès. Puisque toute restriction apportée aux activités politiques des fonctionnaires porte nécessairement atteinte, dans une certaine mesure, à leur liberté d'expression et d'association, la défenderesse a invoquer l'arti- cle 1 de la Charte pour établir qu'une restriction était justifiable dans le cadre d'une société libre et démocratique. Elle a donc cité à titre d'expert le professeur Kernaghan, éminent politicologue qui a étudié la question de façon approfondie, afin de démontrer que dans d'autres sociétés libres et démocratiques, et certainement au Canada, il y a toujours eu une tradition de neutralité politique, et que les fonctionnaires dont la nomination et l'avancement sont fondés sur le mérite ne s'adon- nent pas librement aux activités politiques. Les documents versés au dossier comprennent des lois sur la fonction publique de certains pays démocra- tiques, dont la Grande-Bretagne, les Etats-Unis et même le Japon, ainsi que celles des dix provinces du Canada, des rapports de commissions parle- mentaires et plusieurs articles et traités en la matière. Beaucoup des publications ont été produi- tes par les demandeurs en vue du contre-interroga- toire du professeur Kernaghan.
Il est constant que les avocats représentant les deux demandeurs en l'espèce, ainsi que ceux qui occupent pour les cinq demandeurs dans la troi-
sième action, les dépens n'ont pas été adjugés, et les avocats qui représentent la défenderesse dans les trois actions, ont fait preuve d'une grande coopération et ont aidé la Cour à limiter la durée du procès dans l'intérêt de toutes les parties, en préparant un mémoire conjoint sur l'article 1 de la Charte et un cahier des documents convenus. Les deux demandeurs en l'espèce ont produit leur propre mémoire sur l'article 1, ainsi que certains articles du professeur Kernaghan et d'autres auteurs aux fins de contre-interrogatoire.
Il ressort de la décision Fraser v. Nova Scotia (Attorney General) [jugement en date du 10 juin 1986, SH 54592, non encore publié], mentionnée dans le jugement en l'espèce, que des documents semblables ont été produits à l'occasion de la contestation, fondée sur la Charte canadienne des droits et libertés, d'articles portant interdiction du Civil Service Act de la Nouvelle-Ecosse [S.N.S. 1980, chap. 3], puisque ce jugement a fait longue- ment état des opinions d'expert émises par le pro- fesseur Kernaghan, et analysé le règlement sur la Fonction publique des diverses provinces du Canada, de la Grande-Bretagne, dont un rapport publié à ce propos dans ce pays, et des États-Unis, notamment le Hatch Act [An Act to prevent per nicious political activities, 53 Stat. 1147].
Puisque selon la jurisprudence qui se dessine à la Cour suprême, toute invocation de l'article 1 de la Charte requiert la preuve de ce qui peut se justifier dans une société libre et démocratique, et que le juge de première instance ne saurait s'appuyer sur ses propres convictions pour rendre jugement, on ne saurait reprocher à la défenderesse d'avoir entrepris, comme en l'espèce, des recherches exhaustives sur ce qui se fait effectivement dans d'autres sociétés libres et démocratiques, et d'avoir, à cette fin, produit un nombre important de documents. Les demandeurs se voient donc dans l'obligation de se livrer à d'importantes recherches pour préparer le contre-interrogatoire de tout témoin, expert ou non, cité pour déposer à ce sujet. Dans la mesure la défenderesse peut utiliser encore les mêmes éléments de preuve dans des actions intentées devant d'autres instances, et ne devrait pas être remboursée pour le recueil et l'utilisation de ces éléments de preuve plus d'une fois, il ne s'agit pas d'un point litigieux puisque la taxation porte sur les frais des demandeurs et non sur ceux de la défenderesse.
Les demandeurs ont soumis un relevé d'heures pour le client [TRADUCTION] «Institut profession- nel de la Fonction publique, objet: Osborne, Brian», et un deuxième relevé pour le même client, objet: William James Millar. L'affidavit joint indi- que le total des heures dans les deux affaires comme suit: John Nelligan 70,6 heures, Dougald Brown 179,7 heures, stagiaires 54,4 heures. La réclamation quant aux heures consacrées au dos sier par les stagiaires a été rayée à l'audience, comme allant à l'encontre de la jurisprudence en la matière. Le paragraphe suivant de l'affidavit donne le décompte des heures dans les deux affai- res pour la préparation du dossier, notamment les recherches destinées à l'exposé conjoint sur l'arti- cle 1, la préparation de l'exposé conjoint des faits et du cahier des pièces, les communications avec les témoins, la recherche juridique et la prépara- tion des mémoires, à l'exclusion des conférences téléphoniques avec les clients: John Nelligan 20,4 heures, Dougald Brown 98,7 heures. Le décompte des heures pour la participation au procès et pour la préparation en cours du procès est le suivant: John Nelligan 44,5 heures, Dougald Brown, 36 heures. Ces temps ne s'accordent pas lorsqu'on additionne les deux séries, mais la différence tient peut-être à l'exclusion des heures consacrées aux conférences téléphoniques avec des clients. La défenderesse ne conteste pas l'exactitude de ces chiffres et, en réponse à une question posée par la Cour, M. Brown, qui a soutenu la requête, a répondu que les honoraires habituels de M. Nelli- gan étaient de 200 $ l'heure et les siens, de 100 $. Il faut souligner que ce qui convient à la taxation entre procureur et client ne vaut pas nécessaire- ment pour la taxation des frais entre parties. L'avocat des demandeurs a également déclaré que les actions dont il s'agit faisaient l'objet d'un appel, mais qu'il était souhaitable d'obtenir des directives quant aux frais en cet état de la cause. Il s'est engagé toutefois à ne pas demander l'applica- tion d'une directive spéciale quant aux frais dans le cas l'appel relatif à la contestation, fondée sur la Charte, de l'article 32 de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique ne serait pas accueilli en dernier ressort, ayant reconnu que le surcroît de temps était requis par la question en litige, ce qui fait que si ses clients n'obtiennent pas gain de cause en appel, ils se contenteraient des frais taxés selon le tarif pour ce qui est de la question relative- ment mineure de leur droit de participer à un congrès à la direction en tant que délégués.
Pour obtenir une directive spéciale quant aux frais, les demandeurs doivent surmonter l'obstacle que représente la décision Smerchanski [Smer- chanski c. Le ministre du Revenu national], [1979] 1 C.F. 801 (C.A.), dans laquelle l'ancien juge en chef Jackett s'est prononcé en ces termes catégoriques à la page 806:
J'hésite à admettre que le travail de préparation à lui seul, ou doublé d'autres facteurs comme la difficulté ou l'importance d'une affaire, justifie l'exercice du pouvoir discrétionnaire du juge d'augmenter le montant des frais prévus au tarif B.
Ce jugement a été suivi par la Cour d'appel dans MacMillan Bloedel (Saskatchewan) Ltd. c. Con- solboard Inc. (1981), 124 D.L.R. (3d) 342, et dans Warwick Shipping Limited c. La Reine, [ 1984] 1 C.F. 998 (C.A.). Ce dernier arrêt a fait état de l'arrêt Manitoba Fisheries [R. c. Manitoba Fishe ries Ltd.], [1980] 2 C.F. 217, la Cour d'appel avait statué que puisqu'il s'agissait d'une cause- précédent, une majoration des frais taxés selon le tarif était justifiée, tout en reconnaissant que cette majoration imputable à la cause-précédent entraî- nerait le règlement de certaines autres actions fondées sur la même question. À la page 1007 de l'arrêt Warwick Shipping, le juge en chef Thurlow s'est prononcé en ces termes:
Par ailleurs, si l'envoi du navire à la casse peu après l'échoue- ment et avant que la contestation ne soit liée, de même que la perte des papiers de bord, ne sont pas des facteurs relatifs au déroulement de l'instance, au sens qu'envisage apparemment le juge en chef Jackett dans l'affaire Smerchanski, ce sont néan- moins des événements qui ont accru le coût de la défense à l'action que l'appelante a engagée et dont l'appelante est res- ponsable. À mon avis donc, le premier juge pouvait à bon droit y voir une raison d'augmenter les montants prévus au Tarif B.
Et à la page 1008:
Traitons d'abord de l'interrogatoire préalable; comme le poste (1)b) du Tarif prévoit un montant journalier, il permet une compensation par le fait même en cas d'audience prolon- gée, pour les jours d'audition seulement. Par ailleurs, une audition peut souvent être écourtée par les engagements que prennent les avocats de fournir les réponses que l'interrogé est incapable de donner immédiatement. Cette pratique économise des frais à mon avis et doit être encouragée. Si le nombre de jours d'audition en est diminué, c'est grâce à l'avocat qui s'est engagé à fournir ces réponses et à son travail. Cette manière de procéder accroît, je pense, la valeur du temps d'audition pour les parties, aussi, dans les cas il y a lieu d'augmenter les montants, elle justifierait, à mon avis, la hausse du montant journalier.
Par conséquent, la Cour a accordé 200 $ pour chacun des dix jours que durait l'interrogatoire préalable, au lieu des 100 $ que prévoit le tarif.
À la même page du jugement, il a tiré cette conclusion:
Compte tenu des raisons qui justifient, selon moi, une hausse des frais, je ne pense pas que l'augmentation des montants accordés au titre des frais de préparation de l'audition, de 350 $ à 3 000 $, autorisée par le premier juge soit excessive dans le cas d'espèce; je la confirmerais donc.
Cet arrêt rappelle cependant que, aux termes du tarif B, les frais alloués pour services d'avocat ont pour but de réunir, en un montant unique, calculé sur une base quotidienne, les frais accordés pour tous les avocats dont les services ont été retenus par une partie, puisque l'importance de l'affaire et sa complexité ne justifient pas la présence d'un avocat en second aux côtés de l'avocat responsable du dossier, pendant toute l'instruction, ni une hausse du taux journalier prévu.
Cette conclusion a pour effet d'infirmer celle tirée en première instance par le juge suppléant Smith dans la même affaire Manitoba Fisheries [Manitoba Fisheries Ltd. c. R., [1980] 1 C.F. 36], savoir que l'importance de l'affaire dont il était saisi justifiait la collaboration de plusieurs avocats pour les sept sociétés intéressées, autres que la demanderesse.
Cette conclusion du juge en chef Thurlow infirme également celle du juge Cattanach qui, à la page 250 de Spur Oil Limited c. La Reine, [1983] 1 C.F. 244 (1 re inst.), a conclu que l'article 3 du tarif B n'excluait pas des frais pour un avocat en second lorsque sa présence pouvait se justifier. Même s'il ne s'agissait pas d'une cause-précédent, le juge Cattanach a fait cette remarque à la page 251:
L'issue de trois autres appels en cours à l'époque dépendait du sort de l'espèce.
Dans l'arrêt Manitoba Fisheries, le juge Pratte a rendu un jugement dissident, mais le jugement majoritaire rendu par le juge Heald, [1980] 2 C.F. 217, porte ce qui suit, à la page 222:
La ligne de conduite adoptée par les avocats en l'espèce et dans les sept autres actions touchées par la décision de la Cour suprême du Canada en l'espèce en est une qui selon moi doit être encouragée plutôt que découragée. Au lieu de poursuivre huit actions parallèles au même rythme, avec le résultat que des
frais beaucoup plus élevés auraient été engagés, les demandeurs et leurs avocats ont plutôt choisi de poursuivre une seule affaire, pour qu'il soit statué de façon définitive sur le principe juridique très important établi en l'espèce par la Cour suprême du Canada.
Je suis d'avis qu'ils ne devraient pas être pénalisés pour avoir adopté une telle ligne de conduite. Ce serait les pénaliser sérieusement que de limiter leur[s] frais aux postes prévus au tarif. Par ces motifs, je rejetterais l'appel avec dépens.
Il appert que Warwick Shipping (précité) est le dernier arrêt de la Cour d'appel en la matière, et que, sans réformer la décision Smerchanski, la Cour a maintenant tendance à se montrer plus généreuse dans ses directives spéciales quant aux frais plutôt que d'adhérer strictement au tarif qui s'est révélé complètement suranné et insuffisant chaque fois que la coopération des parties a permis d'écourter l'interrogatoire préalable et le procès lui-même. Telle est la situation en l'espèce. Bien que l'espèce ne soit pas, à proprement parler, une cause-précédent de l'importance de l'affaire Mani- toba Fisheries, mais seulement une affaire impor- tante et difficile qui, vu le jugement Smerchanski, ne justifierait pas une dérogation au tarif, elle s'assimile bien à une cause-précédent en ce sens qu'elle est la première du genre à porter sur la question. S'il est vrai que la Cour n'est actuelle- ment saisie d'aucune autre action dont l'issue dépendrait de la décision en l'espèce, et que, par conséquent, celle-ci diffère de l'affaire Manitoba Fisheries, les demandeurs font valoir que, dans l'action intentée devant la Commission des rela tions de travail dans la Fonction publique, dossier 166-2-14941 Jacob W. Rempel est le plaignant, et le Conseil du Trésor, l'employeur, l'autre partie, et qui portait sur la validité de l'article 32 de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique à la lumière de la Charte des droits, le commissaire qui présidait l'audition a déclaré le 31 octobre 1985 que cette question devait être déférée à la Cour fédérale dans trois affaires, et que l'argument en cause était le même. L'audition a donc été ajour- née jusqu'à ce que la Cour fédérale ait rendu son jugement. C'est chose faite maintenant. On peut dire à juste titre que des affaires pendantes devant une autre juridiction n'ont pas poursuivi leur cours en attendant l'issue des actions en l'espèce, ce qui fait qu'elles équivalent à des causes-précédents.,
Il y a lieu de noter que le Projet de modifica tions aux Règles et ordonnances générales de cette Cour, 11, publiée dans la Gazette du Canada
[Partie I] du 4 octobre 1986 la page 5041], modifie radicalement le tarif existant des frais pour y inclure des chiffres plus réalistes, plus conformes aux réalités de nos jours. De plus, il étend considérablement le pouvoir discrétionnaire du juge et aplanit l'obstacle que représente la décision Smerchanski en autorisant la considéra- tion de l'importance des questions en litige, de la charge de travail et de la complexité des procédu- res, ainsi que de la conduite des parties qui tend à écourter ou à prolonger la durée du procès. Ces règles vont même modifier, dans une certaine mesure, la conclusion de l'arrêt Warwick Shipping que les frais alloués pour services d'avocat doivent réunir les frais de tous les avocats engagés dans l'action, puisqu'elles prévoient expressément des frais pour l'avocat principal qui comparaît au procès et, sous réserve de l'appréciation discrétion- naire du juge pour des raisons spéciales, des frais pour la participation de l'avocat en second, soit 300 $ et 100 $ respectivement pour chaque demi- journée d'audition. Le projet de Règle 346A (Gaz. du Can., Partie I, 11) prévoit que, sauf lorsque les dépens ont été déjà fixés ou lorsqu'une demande de taxation des dépens a été soumise avant la date de promulgation et d'entrée en vigueur des nouvelles règles, les dépens seront régis par celles-ci, à moins que dans les 90 jours suivant leur entrée en vigueur, une partie à une instance engagée avant cette date dépose devant la Cour un avis portant que les dépens seront déterminés con- formément aux règles antérieures. Puisque l'article 46 de la Loi sur la Cour fédérale [S.R.C. 1970 (2° Supp.) chap. 10] prévoit un délai de 60 jours après la publication du projet de modification avant qu'on ne puisse demander un décret pour les adop- ter, ce projet n'est manifestement pas en vigueur. De plus, aucun avis de taxation n'a été formelle- ment demandé; il y a eu simplement une demande de directives pour l'officier taxateur.
Bien que les nouvelles règles ne soient pas appli- cables, elles traduisent l'orientation des juges de cette Cour, notamment les juges de la Cour d'ap- pel, en la matière. Donc, on pourrait les considérer comme représentant ce qui est juste et raisonnable, ce qui, de l'avis général, n'est plus le cas des anciennes règles.
En l'espèce, la requête demande à la Cour de donner à l'officier taxateur l'ordre de majorer les sommes prévues aux alinéas 2(1)d) et 2(1)e) du tarif B. Vu l'alinéa 1(4)a) du tarif A, j'ordonne que les procédures en l'espèce seront assimilées à une action de la classe III. L'officier taxateur analysera les relevés d'heures des avocats des demandeurs, en supprimant les honoraires deman dés pour les stagiaires, en examinant les frais horaires de MM. Nelligan et Brown uniquement au titre de la préparation du procès, et en élimi- nant tous les frais qui font double emploi avec les affaires Osborne et Millar. La conversion du total des heures en journées de travail à raison de 6 heures par jour et l'application du taux de 350 $ prévu à l'alinéa 2(1)d) du tarif (qui est cependant un montant unique et non un montant per diem) au nombre de journées nécessaires donneront la somme que j'accorde au titre de la préparation du procès. (Voir à cet égard Warwick Shipping (pré- citée) la Cour a conclu qu'une hausse des montants accordés au titre des frais de préparation de l'audition, de 350 $ à 3 000 $, était raisonnable dans les circonstances.)
Pour ce qui est des montants prévus à l'alinéa 2(1)e), soit 400 $ pour la première journée et 200 $ par journée supplémentaire, j'accorderai des montants semblables à ceux prévus dans le projet de nouveau tarif bien qu'il ne soit pas encore en vigueur, c'est-à-dire 300 $ la demi-journée pour M. Nelligan et 100 $ la demi-journée pour M. Brown. Bien que ces montants soient bien infé- rieurs à ceux demandés par MM. Nelligan et Brown, qui sont peut-être appropriés dans une taxation entre procureur et client, il faut adhérer au principe que les frais taxés ne visent pas à couvrir tous les frais de l'action. Il faut tenir compte des circonstances spéciales de l'espèce et du fait qu'elle a été considérablement écourtée grâce à la coopération de toutes les parties, dont les demandeurs, qui n'ont pas exigé de la défende- resse qu'elle cite des témoins pour produire des éléments de preuve provenant d'autres instances et se rapportant au moyen fondé sur l'article 1 de la Charte, ce qui aurait considérablement prolongé le procès, ce qui justifie une hausse raisonnable des sommes pouvant être accordées selon le tarif en vigueur. L'officier taxateur peut procéder à la taxation conformément à ces directives.
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