T-1226-84
Bryan Osborne (demandeur)
c.
La Reine représentée par le Conseil du Trésor
(défenderesse)
T-1239-84
William James Millar (demandeur)
c.
La Reine représentée par le Conseil du Trésor
(défenderesse)
RÉPERTORIÉ: OSBORNE c. CANADA (CONSEIL DU TRÉSOR)
Division de première instance, juge suppléant
Walsh—Ottawa, 10 et 20 octobre 1986.
Pratique — Frais et dépens — Requête, fondée sur la Règle
344(7) et l'art. 3 du tarif B, en majoration des sommes pouvant
être accordées en vertu des alinéas 2(1)d) et e) du tarif B —
Les demandeurs ont eu partiellement gain de cause dans
l'action principale — Les questions soulevées au procès étaient
complexes et importantes et ont exigé une préparation exhaus
tive — Le tarif est suranné et insuffisant — L'espèce présente
s'assimile à une cause-précédent en ce sens qu'elle est la
première du genre à porter sur la question — Le Projet de
modifications aux Règles de la Cour fédérale aplanit l'obsta-
cle que représente la méthode restrictive d'aborder la question
de la majoration adoptée dans Smerchanski et modifie radica-
lement le tarif existant — Les modifications, bien qu'elles ne
soient pas encore en vigueur, sont une indication de ce qui est
maintenant considéré comme juste et raisonnable — Règles de
la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663, Règles 344(7), 346A
(projet, Gaz. du Can., Partie I, n° 11), tarif A, art. 1(4)a), tarif
B, art. 2(1)d),e), 3 — Loi sur l'emploi dans la Fonction
publique, S.R.C. 1970, chap. P-32, art. 32 — Charte cana-
dienne des droits et libertés, qui constitue la Partie I de la Loi
constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le
Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.), art. 1, 2b),d) — Civil Service
Act, S.N.S. 1980, chap. 3 — Loi sur la Cour fédérale, S.R.C.
1970 (2e Supp.), chap. 10, art. 46.
Dans leurs actions, qui ont été entendues en même temps
qu'une troisième, les demandeurs cherchent à faire déclarer
nulles les restrictions que l'article 32 de la Loi sur l'emploi
dans la Fonction publique apporte aux activités politiques des
fonctionnaires, parce qu'elles vont à l'encontre des alinéas 2b)
et d) de la Charte.
Bien qu'ils n'aient pu faire valoir cette prétention, les deman-
deurs à l'instance ont réussi à faire déclarer qu'ils pouvaient
assister à un congrès à la direction, et des dépens leur ont été
adjugés. L'affaire exigeait une étude et une compilation
exhaustives de documents concernant l'article 32 de la Loi et
l'article 1 de la Charte. Le procès a été long et coûteux.
Toutefois, les avocats des demandeurs à l'instance ont fait
preuve d'une grande collaboration et ont beaucoup aidé la Cour
en préparant un mémoire conjoint sur l'article 1 de la Charte et
un cahier des documents convenus, ce qui a réduit la durée du
procès.
La requête en l'espèce, applicable aux deux affaires et fondée
sur la Règle 344(7) et l'article 3 du tarif B des Règles de la
Cour fédérale, vise à faire ordonner à l'officier taxateur de
majorer les sommes pouvant être accordées en vertu des alinéas
2d) et e) du tarif B.
Jugement: la requête devrait être accueillie.
Il a été décidé dans l'affaire Smerchanski que le volume du
travail requis et la difficulté ou l'importance de l'affaire ne
justifiaient pas une majoration du montant des frais prévus au
tarif B. Tout en faisant une exception des causes-précédents, la
jurisprudence de la Cour fédérale a, jusqu'à ces derniers temps,
suivi cette méthode d'aborder le problème. La Cour a mainte-
nant tendance à se montrer plus généreuse dans ses directives
spéciales quant aux frais plutôt que d'adhérer strictement au
tarif qui s'est révélé complètement suranné et insuffisant,
chaque fois que la coopération des parties a permis d'écourter
l'interrogatoire préalable et le procès lui-même. Et bien que
l'action principale en l'espèce ne soit pas une cause-précédent,
elle s'assimile bien à une cause-précédent au sens qu'elle est la
première du genre à porter sur la question. Une audition devant
la Commission des relations de travail dans la Fonction publi-
que portant sur la validité de l'article 32 a été ajournée jusqu'à
ce qu'un jugement ait été rendu dans l'action principale en
l'espèce.
Enfin, le projet de modifications aux Règles de la Cour
fédérale permet des montants beaucoup plus réalistes. Il étend
considérablement le pouvoir discrétionnaire du juge et aplanit
l'obstacle que représente la décision Smerchanski en autorisant
la considération de l'importance des questions en litige, de la
charge de travail et de la complexité des procédures, ainsi que
de la conduite des parties qui tend à écourter ou à prolonger la
durée du procès. De même, il prévoit expressément des frais
pour l'avocat principal et la possibilité d'autres frais pour la
participation de l'avocat en second. Bien que ces règles ne
soient pas encore en vigueur, on peut les considérer comme
représentant ce qui est juste et raisonnable.
Vu l'alinéa 1(4)a) du tarif A, il est ordonné que les procédu-
res en l'espèce seront assimilées à une action de la classe III.
Une somme, qui sera déterminée par l'officier taxateur, sera
accordée au titre de la préparation du procès.
Pour ce qui est des montants prévus à l'alinéa 2(1)e) du tarif
B, il sera accordé des montants semblables à ceux prévus dans
le projet de nouveau tarif. Les circonstances spéciales de l'es-
pèce et le fait qu'elle a été considérablement écourtée grâce à la
coopération de toutes les parties justifient une hausse raisonna-
ble des sommes pouvant être accordées selon le tarif en vigueur.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
R. c. Manitoba Fisheries Ltd., [1980] 2 C.F. 217 (C.A.),
confirmant [1980] 1 C.F. 36 (1" inst.); Warwick Ship
ping Limited c. La Reine, [1984] 1 C.F. 998 (C.A.).
DÉCISION ÉCARTÉE:
Smerchanski c. Le ministre du Revenu national, [1979] 1
C.F. 801 (CA.).
DÉCISION EXAMINÉE:
Spur Oil Limited c. La Reine, [1983] 1 C.F. 244 (1"
inst.).
DÉCISIONS CITÉES:
Fraser v. Nova Scotia (Attorney General), jugement en
date du 10 juin 1986, SH 54592, pas encore publié;
MacMillan Bloedel (Saskatchewan) Ltd. c. Consolboard
Inc. (1981), 124 D.L.R. (3d) 342 (C.A.F.).
AVOCATS:
Dougald E. Brown pour le demandeur.
Duff Friesen, c.r., pour la défenderesse.
PROCUREURS:
Nelligan/Power, Ottawa, pour le demandeur.
Le sous-procureur général du Canada pour la
défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs
de l'ordonnance rendus par
LE JUGE SUPPLÉANT WALSH: La requête en
l'espèce, applicable aux deux affaires et fondée sur
la Règle 344(7) [Règles de la Cour fédérale,
C.R.C., chap. 663] et l'article 3 du tarif B, vise à
faire ordonner à l'officier taxateur de majorer les
sommes pouvant être accordées en vertu des ali-
néas 2(1)d) et 2(1)e) du tarif B. Ces deux actions
ont été entendues en même temps qu'une troisième
action portant le numéro T-1636-84 et émanant de
cinq demandeurs, à savoir Randy Barnhart, Linda
Camponi, Michael Cassidy, Ken Clavette et Hea
ther Stevens, lesquels étaient représentés par des
avocats autres que ceux représentant les deux
demandeurs en l'espèce. Dans ces trois actions
cependant, les demandeurs visaient principalement
à faire déclarer nul l'article 32 de la Loi sur
l'emploi dans la Fonction publique [S.R.C. 1970,
chap. P-32], par ce motif qu'il irait à l'encontre
des alinéas 2b) et 2d) de la Charte canadienne des
droits et libertés [qui constitue la Partie I de la
Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de
1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.)].
Aucun des demandeurs n'a pu faire accepter
cette conclusion mais la Cour [Osborne c. Canada
(Conseil du Trésor), [1986] 3 C.F. 206 (i ie inst.)]
a, de façon limitée, interprété l'article 32 de la Loi
comme autorisant certaines des activités politiques
auxquelles les demandeurs désiraient se livrer. Ni
les demandeurs ni les défendeurs n'ont eu droit
aux dépens dans l'action inscrite sous le numéro
T-1636-84 et intentée par les cinq demandeurs qui
entendaient se livrer à un large éventail de ces
activités, puisque très peu d'entre elles ont été
déclarées permises selon l'interprétation donnée de
l'article dont il s'agit. Mais dans les deux actions
faisant l'objet de la requête en l'espèce, les dépens
ont été adjugés aux demandeurs qui ont eu partiel-
lement gain de cause, la Cour ayant conclu qu'en
droit, rien ne leur interdisait d'assister à un con-
grès à la direction comme ils avaient cherché à le
faire, bien qu'ils n'aient pas réussi à faire déclarer
nul l'article 32 de la Loi sur l'emploi dans la
Fonction publique. Cette conclusion découlait de
l'interprétation du paragraphe 32(2) qui permet
aux fonctionnaires d'assister à des réunions politi-
ques et de verser, à titre de contribution, de l'ar-
gent à la caisse d'un parti politique. Étant donné
que l'argumentation principale de toutes les parties
portait sur l'article 32, l'étude et la compilation
des documents pour les trois affaires ont ajouté à
la durée et aux frais du procès. Puisque toute
restriction apportée aux activités politiques des
fonctionnaires porte nécessairement atteinte, dans
une certaine mesure, à leur liberté d'expression et
d'association, la défenderesse a dû invoquer l'arti-
cle 1 de la Charte pour établir qu'une restriction
était justifiable dans le cadre d'une société libre et
démocratique. Elle a donc cité à titre d'expert le
professeur Kernaghan, éminent politicologue qui a
étudié la question de façon approfondie, afin de
démontrer que dans d'autres sociétés libres et
démocratiques, et certainement au Canada, il y a
toujours eu une tradition de neutralité politique, et
que les fonctionnaires dont la nomination et
l'avancement sont fondés sur le mérite ne s'adon-
nent pas librement aux activités politiques. Les
documents versés au dossier comprennent des lois
sur la fonction publique de certains pays démocra-
tiques, dont la Grande-Bretagne, les Etats-Unis et
même le Japon, ainsi que celles des dix provinces
du Canada, des rapports de commissions parle-
mentaires et plusieurs articles et traités en la
matière. Beaucoup des publications ont été produi-
tes par les demandeurs en vue du contre-interroga-
toire du professeur Kernaghan.
Il est constant que les avocats représentant les
deux demandeurs en l'espèce, ainsi que ceux qui
occupent pour les cinq demandeurs dans la troi-
sième action, où les dépens n'ont pas été adjugés,
et les avocats qui représentent la défenderesse dans
les trois actions, ont fait preuve d'une grande
coopération et ont aidé la Cour à limiter la durée
du procès dans l'intérêt de toutes les parties, en
préparant un mémoire conjoint sur l'article 1 de la
Charte et un cahier des documents convenus. Les
deux demandeurs en l'espèce ont produit leur
propre mémoire sur l'article 1, ainsi que certains
articles du professeur Kernaghan et d'autres
auteurs aux fins de contre-interrogatoire.
Il ressort de la décision Fraser v. Nova Scotia
(Attorney General) [jugement en date du 10 juin
1986, SH 54592, non encore publié], mentionnée
dans le jugement en l'espèce, que des documents
semblables ont été produits à l'occasion de la
contestation, fondée sur la Charte canadienne des
droits et libertés, d'articles portant interdiction du
Civil Service Act de la Nouvelle-Ecosse [S.N.S.
1980, chap. 3], puisque ce jugement a fait longue-
ment état des opinions d'expert émises par le pro-
fesseur Kernaghan, et analysé le règlement sur la
Fonction publique des diverses provinces du
Canada, de la Grande-Bretagne, dont un rapport
publié à ce propos dans ce pays, et des États-Unis,
notamment le Hatch Act [An Act to prevent per
nicious political activities, 53 Stat. 1147].
Puisque selon la jurisprudence qui se dessine à la
Cour suprême, toute invocation de l'article 1 de la
Charte requiert la preuve de ce qui peut se justifier
dans une société libre et démocratique, et que le
juge de première instance ne saurait s'appuyer sur
ses propres convictions pour rendre jugement, on
ne saurait reprocher à la défenderesse d'avoir
entrepris, comme en l'espèce, des recherches
exhaustives sur ce qui se fait effectivement dans
d'autres sociétés libres et démocratiques, et
d'avoir, à cette fin, produit un nombre important
de documents. Les demandeurs se voient donc dans
l'obligation de se livrer à d'importantes recherches
pour préparer le contre-interrogatoire de tout
témoin, expert ou non, cité pour déposer à ce sujet.
Dans la mesure où la défenderesse peut utiliser
encore les mêmes éléments de preuve dans des
actions intentées devant d'autres instances, et ne
devrait pas être remboursée pour le recueil et
l'utilisation de ces éléments de preuve plus d'une
fois, il ne s'agit pas là d'un point litigieux puisque
la taxation porte sur les frais des demandeurs et
non sur ceux de la défenderesse.
Les demandeurs ont soumis un relevé d'heures
pour le client [TRADUCTION] «Institut profession-
nel de la Fonction publique, objet: Osborne,
Brian», et un deuxième relevé pour le même client,
objet: William James Millar. L'affidavit joint indi-
que le total des heures dans les deux affaires
comme suit: John Nelligan 70,6 heures, Dougald
Brown 179,7 heures, stagiaires 54,4 heures. La
réclamation quant aux heures consacrées au dos
sier par les stagiaires a été rayée à l'audience,
comme allant à l'encontre de la jurisprudence en la
matière. Le paragraphe suivant de l'affidavit
donne le décompte des heures dans les deux affai-
res pour la préparation du dossier, notamment les
recherches destinées à l'exposé conjoint sur l'arti-
cle 1, la préparation de l'exposé conjoint des faits
et du cahier des pièces, les communications avec
les témoins, la recherche juridique et la prépara-
tion des mémoires, à l'exclusion des conférences
téléphoniques avec les clients: John Nelligan 20,4
heures, Dougald Brown 98,7 heures. Le décompte
des heures pour la participation au procès et pour
la préparation en cours du procès est le suivant:
John Nelligan 44,5 heures, Dougald Brown, 36
heures. Ces temps ne s'accordent pas lorsqu'on
additionne les deux séries, mais la différence tient
peut-être à l'exclusion des heures consacrées aux
conférences téléphoniques avec des clients. La
défenderesse ne conteste pas l'exactitude de ces
chiffres et, en réponse à une question posée par la
Cour, M. Brown, qui a soutenu la requête, a
répondu que les honoraires habituels de M. Nelli-
gan étaient de 200 $ l'heure et les siens, de 100 $.
Il faut souligner que ce qui convient à la taxation
entre procureur et client ne vaut pas nécessaire-
ment pour la taxation des frais entre parties.
L'avocat des demandeurs a également déclaré que
les actions dont il s'agit faisaient l'objet d'un
appel, mais qu'il était souhaitable d'obtenir des
directives quant aux frais en cet état de la cause. Il
s'est engagé toutefois à ne pas demander l'applica-
tion d'une directive spéciale quant aux frais dans le
cas où l'appel relatif à la contestation, fondée sur
la Charte, de l'article 32 de la Loi sur l'emploi
dans la Fonction publique ne serait pas accueilli
en dernier ressort, ayant reconnu que le surcroît de
temps était requis par la question en litige, ce qui
fait que si ses clients n'obtiennent pas gain de
cause en appel, ils se contenteraient des frais taxés
selon le tarif pour ce qui est de la question relative-
ment mineure de leur droit de participer à un
congrès à la direction en tant que délégués.
Pour obtenir une directive spéciale quant aux
frais, les demandeurs doivent surmonter l'obstacle
que représente la décision Smerchanski [Smer-
chanski c. Le ministre du Revenu national],
[1979] 1 C.F. 801 (C.A.), dans laquelle l'ancien
juge en chef Jackett s'est prononcé en ces termes
catégoriques à la page 806:
J'hésite à admettre que le travail de préparation à lui seul, ou
doublé d'autres facteurs comme la difficulté ou l'importance
d'une affaire, justifie l'exercice du pouvoir discrétionnaire du
juge d'augmenter le montant des frais prévus au tarif B.
Ce jugement a été suivi par la Cour d'appel dans
MacMillan Bloedel (Saskatchewan) Ltd. c. Con-
solboard Inc. (1981), 124 D.L.R. (3d) 342, et dans
Warwick Shipping Limited c. La Reine, [ 1984] 1
C.F. 998 (C.A.). Ce dernier arrêt a fait état de
l'arrêt Manitoba Fisheries [R. c. Manitoba Fishe
ries Ltd.], [1980] 2 C.F. 217, où la Cour d'appel
avait statué que puisqu'il s'agissait d'une cause-
précédent, une majoration des frais taxés selon le
tarif était justifiée, tout en reconnaissant que cette
majoration imputable à la cause-précédent entraî-
nerait le règlement de certaines autres actions
fondées sur la même question. À la page 1007 de
l'arrêt Warwick Shipping, le juge en chef Thurlow
s'est prononcé en ces termes:
Par ailleurs, si l'envoi du navire à la casse peu après l'échoue-
ment et avant que la contestation ne soit liée, de même que la
perte des papiers de bord, ne sont pas des facteurs relatifs au
déroulement de l'instance, au sens qu'envisage apparemment le
juge en chef Jackett dans l'affaire Smerchanski, ce sont néan-
moins des événements qui ont accru le coût de la défense à
l'action que l'appelante a engagée et dont l'appelante est res-
ponsable. À mon avis donc, le premier juge pouvait à bon droit
y voir une raison d'augmenter les montants prévus au Tarif B.
Et à la page 1008:
Traitons d'abord de l'interrogatoire préalable; comme le
poste (1)b) du Tarif prévoit un montant journalier, il permet
une compensation par le fait même en cas d'audience prolon-
gée, pour les jours d'audition seulement. Par ailleurs, une
audition peut souvent être écourtée par les engagements que
prennent les avocats de fournir les réponses que l'interrogé est
incapable de donner immédiatement. Cette pratique économise
des frais à mon avis et doit être encouragée. Si le nombre de
jours d'audition en est diminué, c'est grâce à l'avocat qui s'est
engagé à fournir ces réponses et à son travail. Cette manière de
procéder accroît, je pense, la valeur du temps d'audition pour
les parties, aussi, dans les cas où il y a lieu d'augmenter les
montants, elle justifierait, à mon avis, la hausse du montant
journalier.
Par conséquent, la Cour a accordé 200 $ pour
chacun des dix jours que durait l'interrogatoire
préalable, au lieu des 100 $ que prévoit le tarif.
À la même page du jugement, il a tiré cette
conclusion:
Compte tenu des raisons qui justifient, selon moi, une hausse
des frais, je ne pense pas que l'augmentation des montants
accordés au titre des frais de préparation de l'audition, de 350 $
à 3 000 $, autorisée par le premier juge soit excessive dans le
cas d'espèce; je la confirmerais donc.
Cet arrêt rappelle cependant que, aux termes du
tarif B, les frais alloués pour services d'avocat ont
pour but de réunir, en un montant unique, calculé
sur une base quotidienne, les frais accordés pour
tous les avocats dont les services ont été retenus
par une partie, puisque l'importance de l'affaire et
sa complexité ne justifient pas la présence d'un
avocat en second aux côtés de l'avocat responsable
du dossier, pendant toute l'instruction, ni une
hausse du taux journalier prévu.
Cette conclusion a pour effet d'infirmer celle
tirée en première instance par le juge suppléant
Smith dans la même affaire Manitoba Fisheries
[Manitoba Fisheries Ltd. c. R., [1980] 1 C.F. 36],
savoir que l'importance de l'affaire dont il était
saisi justifiait la collaboration de plusieurs avocats
pour les sept sociétés intéressées, autres que la
demanderesse.
Cette conclusion du juge en chef Thurlow
infirme également celle du juge Cattanach qui, à
la page 250 de Spur Oil Limited c. La Reine,
[1983] 1 C.F. 244 (1 re inst.), a conclu que l'article
3 du tarif B n'excluait pas des frais pour un avocat
en second lorsque sa présence pouvait se justifier.
Même s'il ne s'agissait pas d'une cause-précédent,
le juge Cattanach a fait cette remarque à la page
251:
L'issue de trois autres appels en cours à l'époque dépendait
du sort de l'espèce.
Dans l'arrêt Manitoba Fisheries, le juge Pratte
a rendu un jugement dissident, mais le jugement
majoritaire rendu par le juge Heald, [1980] 2 C.F.
217, porte ce qui suit, à la page 222:
La ligne de conduite adoptée par les avocats en l'espèce et dans
les sept autres actions touchées par la décision de la Cour
suprême du Canada en l'espèce en est une qui selon moi doit
être encouragée plutôt que découragée. Au lieu de poursuivre
huit actions parallèles au même rythme, avec le résultat que des
frais beaucoup plus élevés auraient été engagés, les demandeurs
et leurs avocats ont plutôt choisi de poursuivre une seule
affaire, pour qu'il soit statué de façon définitive sur le principe
juridique très important établi en l'espèce par la Cour suprême
du Canada.
Je suis d'avis qu'ils ne devraient pas être pénalisés pour avoir
adopté une telle ligne de conduite. Ce serait les pénaliser
sérieusement que de limiter leur[s] frais aux postes prévus au
tarif. Par ces motifs, je rejetterais l'appel avec dépens.
Il appert que Warwick Shipping (précité) est le
dernier arrêt de la Cour d'appel en la matière, et
que, sans réformer la décision Smerchanski, la
Cour a maintenant tendance à se montrer plus
généreuse dans ses directives spéciales quant aux
frais plutôt que d'adhérer strictement au tarif qui
s'est révélé complètement suranné et insuffisant
chaque fois que la coopération des parties a permis
d'écourter l'interrogatoire préalable et le procès
lui-même. Telle est la situation en l'espèce. Bien
que l'espèce ne soit pas, à proprement parler, une
cause-précédent de l'importance de l'affaire Mani-
toba Fisheries, mais seulement une affaire impor-
tante et difficile qui, vu le jugement Smerchanski,
ne justifierait pas une dérogation au tarif, elle
s'assimile bien à une cause-précédent en ce sens
qu'elle est la première du genre à porter sur la
question. S'il est vrai que la Cour n'est actuelle-
ment saisie d'aucune autre action dont l'issue
dépendrait de la décision en l'espèce, et que, par
conséquent, celle-ci diffère de l'affaire Manitoba
Fisheries, les demandeurs font valoir que, dans
l'action intentée devant la Commission des rela
tions de travail dans la Fonction publique, dossier
166-2-14941 où Jacob W. Rempel est le plaignant,
et le Conseil du Trésor, l'employeur, l'autre partie,
et qui portait sur la validité de l'article 32 de la
Loi sur l'emploi dans la Fonction publique à la
lumière de la Charte des droits, le commissaire qui
présidait l'audition a déclaré le 31 octobre 1985
que cette question devait être déférée à la Cour
fédérale dans trois affaires, et que l'argument en
cause était le même. L'audition a donc été ajour-
née jusqu'à ce que la Cour fédérale ait rendu son
jugement. C'est chose faite maintenant. On peut
dire à juste titre que des affaires pendantes devant
une autre juridiction n'ont pas poursuivi leur cours
en attendant l'issue des actions en l'espèce, ce qui
fait qu'elles équivalent à des causes-précédents.,
Il y a lieu de noter que le Projet de modifica
tions aux Règles et ordonnances générales de cette
Cour, n° 11, publiée dans la Gazette du Canada
[Partie I] du 4 octobre 1986 [à la page 5041],
modifie radicalement le tarif existant des frais
pour y inclure des chiffres plus réalistes, plus
conformes aux réalités de nos jours. De plus, il
étend considérablement le pouvoir discrétionnaire
du juge et aplanit l'obstacle que représente la
décision Smerchanski en autorisant la considéra-
tion de l'importance des questions en litige, de la
charge de travail et de la complexité des procédu-
res, ainsi que de la conduite des parties qui tend à
écourter ou à prolonger la durée du procès. Ces
règles vont même modifier, dans une certaine
mesure, la conclusion de l'arrêt Warwick Shipping
que les frais alloués pour services d'avocat doivent
réunir les frais de tous les avocats engagés dans
l'action, puisqu'elles prévoient expressément des
frais pour l'avocat principal qui comparaît au
procès et, sous réserve de l'appréciation discrétion-
naire du juge pour des raisons spéciales, des frais
pour la participation de l'avocat en second, soit
300 $ et 100 $ respectivement pour chaque demi-
journée d'audition. Le projet de Règle 346A (Gaz.
du Can., Partie I, n° 11) prévoit que, sauf lorsque
les dépens ont été déjà fixés ou lorsqu'une
demande de taxation des dépens a été soumise
avant la date de promulgation et d'entrée en
vigueur des nouvelles règles, les dépens seront régis
par celles-ci, à moins que dans les 90 jours suivant
leur entrée en vigueur, une partie à une instance
engagée avant cette date dépose devant la Cour un
avis portant que les dépens seront déterminés con-
formément aux règles antérieures. Puisque l'article
46 de la Loi sur la Cour fédérale [S.R.C. 1970 (2°
Supp.) chap. 10] prévoit un délai de 60 jours après
la publication du projet de modification avant
qu'on ne puisse demander un décret pour les adop-
ter, ce projet n'est manifestement pas en vigueur.
De plus, aucun avis de taxation n'a été formelle-
ment demandé; il y a eu simplement une demande
de directives pour l'officier taxateur.
Bien que les nouvelles règles ne soient pas appli-
cables, elles traduisent l'orientation des juges de
cette Cour, notamment les juges de la Cour d'ap-
pel, en la matière. Donc, on pourrait les considérer
comme représentant ce qui est juste et raisonnable,
ce qui, de l'avis général, n'est plus le cas des
anciennes règles.
En l'espèce, la requête demande à la Cour de
donner à l'officier taxateur l'ordre de majorer les
sommes prévues aux alinéas 2(1)d) et 2(1)e) du
tarif B. Vu l'alinéa 1(4)a) du tarif A, j'ordonne
que les procédures en l'espèce seront assimilées à
une action de la classe III. L'officier taxateur
analysera les relevés d'heures des avocats des
demandeurs, en supprimant les honoraires deman
dés pour les stagiaires, en examinant les frais
horaires de MM. Nelligan et Brown uniquement
au titre de la préparation du procès, et en élimi-
nant tous les frais qui font double emploi avec les
affaires Osborne et Millar. La conversion du total
des heures en journées de travail à raison de 6
heures par jour et l'application du taux de 350 $
prévu à l'alinéa 2(1)d) du tarif (qui est cependant
un montant unique et non un montant per diem)
au nombre de journées nécessaires donneront la
somme que j'accorde au titre de la préparation du
procès. (Voir à cet égard Warwick Shipping (pré-
citée) où la Cour a conclu qu'une hausse des
montants accordés au titre des frais de préparation
de l'audition, de 350 $ à 3 000 $, était raisonnable
dans les circonstances.)
Pour ce qui est des montants prévus à l'alinéa
2(1)e), soit 400 $ pour la première journée et
200 $ par journée supplémentaire, j'accorderai des
montants semblables à ceux prévus dans le projet
de nouveau tarif bien qu'il ne soit pas encore en
vigueur, c'est-à-dire 300 $ la demi-journée pour
M. Nelligan et 100 $ la demi-journée pour M.
Brown. Bien que ces montants soient bien infé-
rieurs à ceux demandés par MM. Nelligan et
Brown, qui sont peut-être appropriés dans une
taxation entre procureur et client, il faut adhérer
au principe que les frais taxés ne visent pas à
couvrir tous les frais de l'action. Il faut tenir
compte des circonstances spéciales de l'espèce et
du fait qu'elle a été considérablement écourtée
grâce à la coopération de toutes les parties, dont
les demandeurs, qui n'ont pas exigé de la défende-
resse qu'elle cite des témoins pour produire des
éléments de preuve provenant d'autres instances et
se rapportant au moyen fondé sur l'article 1 de la
Charte, ce qui aurait considérablement prolongé le
procès, ce qui justifie une hausse raisonnable des
sommes pouvant être accordées selon le tarif en
vigueur. L'officier taxateur peut procéder à la
taxation conformément à ces directives.
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