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T-342-82
Tomenson Inc. (demanderesse)
c.
La Reine (défenderesse)
RÉPERTORIÉ: TOMENSON INC. C. R.
Division de première instance, juge Rouleau— Toronto, 22 octobre 1985; Ottawa, 2 mai 1986.
Impôt sur le revenu Calcul du revenu Déductions Montant versé par un courtier d'assurances pour l'acquisition de listes de clients et de documents connexes d'un groupe d'agences en faillite Ce montant est-il déductible à titre de dépense courante engagée en vue de faire produire un revenu ou à titre de dépense de capital? La contribuable a soutenu qu'elle n'avait pas acquis un achalandage ou une entreprise en activité Entérinement de la nouvelle cotisation Accrois- sement de l'ensemble des sources de revenu de l'entreprise Bénéfice durable Indices selon lesquels il s'agissait d'une opération en capital: (1) le prix négocié par la contribuable avec le syndic de faillite était fondé sur les commissions perçues pendant quatre ans; (2) le rapport des vérificateurs indiquait que les dépenses reliées à l'acquisition des listes devaient être déduites des revenus pendant une période de quatre ans; (3) l'adjonction de certains associés du groupe en faillite éliminait la concurrence Loi de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, chap. 63, art. 18(1)b).
La demanderesse est un courtier d'assurances de Toronto, qui a des succursales à travers le Canada. Le groupe d'agences d'assurances O'Bryan, qui exerçait ses activités en Alberta et en Colombie-Britannique, éprouvait des difficultés financières. Ce groupe avait perdu sa crédibilité au point de ne plus être en mesure de négocier les contrats d'assurance de ses clients avec les souscripteurs. La demanderesse se préoccupait des consé- quences néfastes de cette situation sur l'industrie des assurances dans son ensemble. Au début, Tomenson n'a pas donné suite aux démarches effectuées en vue d'une fusion ou de l'acquisi- tion du groupe O'Bryan, mais plus tard elle a convenu d'acheter des listes de clients de certains bureaux du groupe. La deman- deresse devait percevoir les créances à recouvrer et remettre au syndic de faillite 30 % du revenu tiré des commissions nettes. Le syndic de faillite a vendu quelques-unes des listes de clients à des concurrents de la demanderesse. Ceux-ci sollicitaient également des clients dont le nom apparaissait sur les listes acquises par la demanderesse.
En l'espèce, la question porte sur la classification de la somme de 322 461 $ versée par la demanderesse pour l'acquisi- tion des listes de clients et des documents connexes. La deman- deresse soutient qu'il s'agissait d'une dépense courante engagée en vue de faire produire un revenu et donc déductible du calcul du revenu imposable. Elle prétend également ne pas avoir acquis l'entreprise de courtage O'Bryan comme entreprise en activité ni l'achalandage dont jouissait antérieurement le groupe O'Bryan. A l'appui de la prétention du Ministre, selon lequel la somme versée constituait un paiement à titre de capital, on a soutenu que l'acquisition des listes de clients représentait un atout supplémentaire pour l'entreprise de la
demanderesse et un avantage durable. Le Ministre a fait remarquer qu'il y avait eu, premièrement, acquisition de docu ments d'une grande valeur en plus des listes de clients et, deuxièmement, adjonction d'employés-clés du groupe O'Bryan afin de maintenir des relations d'affaires avec les anciens clients.
Jugement: la nouvelle cotisation devrait être entérinée et l'action rejetée.
Selon une certaine jurisprudence, pour pouvoir qualifier la dépense litigieuse de capital, il est indispensable à la fois que le vendeur ne soit plus un concurrent et que l'acheteur acquière une entreprise en activité, ce qui comprend l'achalandage. Étant donné que l'achalandage dépend de l'exploitation de l'entreprise, il est difficile de conclure que l'acquisition de quelques biens d'une entreprise en voie de liquidation comporte l'acquisition de l'achalandage.
Pour classer les transactions sous les chefs de dépense ou de capital, les tribunaux ont adopté le critère dit de «l'accroisse- ment de l'ensemble des sources de revenu de l'entreprise» et le critère dit du «bénéfice durable». Il fallait établir une distinc tion entre l'acquisition des moyens de production et leur utilisa tion. Une dépense ne peut pas être considérée comme une dépense de capital si elle est valablement imputable sur les recettes de l'année.
Dans la présenté faire, l'achat des listes de clients consti- tuait une dépense de c pital dans la mesure cela représentait un bénéfice durable. Etant donné que l'achat des listes de clients et des documents connexes formait l'essence même des activités d'un agent d'assurances, la contribuable devait présen- ter des preuves concluantes pour que la somme déboursée par elle soit considérée comme une dépense courante. Plusieurs indices amenaient à qualifier la transaction d'opération en capital. Notamment, l'entente intervenue entre la demanderesse et le syndic de faillite était fondée sur les commissions à percevoir sur les contrats d'assurance négociés au cours d'une période de quatre ans. Tout incitait à conclure que les listes de clients étaient considérées comme un bien susceptible d'engen- drer des profits. Le rapport des vérificateurs de la demande- resse mentionnait que les dépenses reliées à l'acquisition des listes de clients devaient être déduites des revenus au cours d'une période de quatre ans. Par conséquent, la demanderesse ne pouvait pas soutenir que la somme versée avait engendré un gain entièrement absorbé dans l'année d'imposition pendant
laquelle la dépense avait été engagée. \
L'adjonction d'anciens associés du groupe O'Bryan fournis- sait un autre indice pour conclure que la transaction était une opération en capital. Ceux-ci étaient menacés d'une faillite personnelle et, en convenant d'acquitter leurs obligations finan- cières personnelles, la demanderesse éliminait la concurrence de ces personnes.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Cumberland Investment Ltd. c. La Reine (1975), 75 DTC 5309 (C.A.F.); Inland Revenue Commissioners v. Muller & Co.'s Margarine, Limited, [1901] A.C. 217 (H.L.); Burian, W. J., et al c La Reine, [1976] CTC 725 (C.F. 1" inst.); La Reine c. Baine, Johnstone & Company Limited (1977), 77 DTC 5394 (C.F. 1' ° inst.); British
Insulated and Helsby Cables v. Atherton, [1926] A.C. 205 (H.L.); Hinton (Inspector of Taxes) v Maden and Ireland Ltd, [1959] 1 W.L.R. 875 (H.L.).
DISTINCTION FAITE AVEC:
Partykan, M.S. v. M.N.R. (1980), 80 DTC 1475 (C.R.I.); Harbord Investments Ltd. v. M.N.R. (1970), 70 DTC 1488 (C.A.I.).
DÉCISIONS EXAMINÉES:
Sun Newspapers Ltd. v. Federal Commissioner of Taxa tion (1938), 61 C.L.R. 337 (H.C. Austr.); Hallstroms Pty. Ltd. v. Federal Commissioner of Taxation (1946), 72 C.L.R. 634 (H.C. Austr.); Comr. of Taxes v. Nchanga Consolidated Copper Mines Ltd., [1964] A.C. 948 (P.C.); Vallambrosa Rubber Co., Limited, v. Inland Revenue, [ 1910] S.C. 519; Tucker (Inspector of Taxes) v Granada Motorway Services Ltd, [1979] 2 All ER 801 (H.L.).
DÉCISION CITÉE:
Canada Starch Co. v. Minister of National Revenue, [1969] 1 R.C.E. 96; (1968), 68 DTC 5320.
AVOCATS:
S. E. Edwards, c.r. et I. V. B. Nordheimer pour la demanderesse.
J. Paul Malette et Nancy J. Ross pour la défenderesse.
PROCUREURS:
Fraser & Beatty, Toronto, pour la demande- resse.
Le sous-procureur général du Canada pour la défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE ROULEAU: Il s'agit d'une action inten- tée par la demanderesse qui conteste la nouvelle cotisation faite par la défenderesse pour l'année d'imposition 1975. Le litige porte sur la nature d'un versement de 322 461 $ effectué par la demanderesse pour l'acquisition de listes de clients d'agences d'assurances I.A.R.D. La demanderesse soutient que ce versement constituait une dépense dûment déductible dans le calcul de son revenu imposable. La défenderesse prétend qu'il s'agissait d'une dépense de capital, qui n'est donc pas déduc- tible dans le calcul du revenu imposable. Les deux
parties invoquent l'alinéa 18(1)b) de la Loi de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, chap. 63 et ses modifications, en vigueur en 1975:
18. (1) Dans le calcul du revenu du contribuable, tiré d'une entreprise ou d'un bien, les éléments suivants ne sont pas déductibles:
b) une somme déboursée, une perte ou un remplacement de capital, un paiement à titre de capital ou une provision pour amortissement, désuétude ou épuisement, sauf ce qui est expressément permis par la présente Partie;
La demanderesse Tomenson Inc. est un courtier d'assurances ayant son siège social à Toronto et des succursales à travers le Canada. Elle exerçait ses activités dans onze bureaux à travers le pays, notamment à Edmonton, Calgary, Vancouver et Prince George dans l'Ouest canadien. En 1975, elle a acquis du groupe d'agences d'assurances O'Bryan des listes de clients ainsi que leurs dos siers pour un certain nombre de ses bureaux situés en Colombie-Britannique et en Alberta. Dans sa déclaration pour l'année d'imposition 1975, elle a déduit de son revenu les sommes versées pour l'acquisition de ces listes. Le Ministre a procédé à une nouvelle cotisation et a conclu qu'il s'agissait d'une dépense de capital.
Le groupe O'Bryan était formé des personnes morales suivantes, qui n'étaient pas étroitement liées entre elles: J.T. O'Bryan & Co., une société de la Colombie-Britannique, J.T. O'Bryan Com pany, une société distincte de l'Alberta, et de l'actif de la Bass Insurance Agencies Limited; au total, elles dirigeaient environ seize bureaux dans les deux provinces de l'Ouest.
Durant l'année 1974, il était notoire dans l'in- dustrie des assurances que J.T. O'Bryan & Co. éprouvait des difficultés financières. À cause de la réputation dont la demanderesse jouissait dans le domaine, à la suite de l'acquisition de nombreuses autres agences dans le passé, le groupe O'Bryan avait fait des démarches auprès d'elle au début de 1974 en vue d'une fusion ou d'une acquisition éventuelle. Cette offre a été refusée. Le président de la compagnie demanderesse a témoigné que la direction était d'avis qu'à cette époque, la compa- gnie n'avait pas le personnel qualifié suffisant ni les fonds disponibles pour acquérir une autre entreprise importante. A la mi-novembre 1974, en raison des graves problèmes financiers auxquels faisait face le groupe O'Bryan et à la demande de
l'un des dirigeants de la demanderesse, qui se trouvait au bureau de Vancouver, celle-ci a rééva- lué sa position. Elle se préoccupait grandement des répercussions d'une faillite sur l'industrie dans son ensemble. À cette époque-là, le groupe O'Bryan avait perdu sa crédibilité ainsi que son crédit auprès des souscripteurs et n'était plus en mesure de négocier les contrats d'assurance de ses clients.
De concert avec quelques-uns des principaux souscripteurs, Tomenson Inc. a étudié la situation dans le but ultime d'éviter que se produise un désastre financier. En conséquence, on a convenu de certaines mesures peu structurées selon lesquel- les les nouvelles primes à percevoir par le groupe O'Bryan étaient transférées à la demanderesse qui, en retour, négocierait les assurances auprès des souscripteurs. Tout cela visait à éviter la faillite, à fournir une couverture aux clients et à sauvegarder la réputation de l'industrie des assurances.
On ne pouvait pas procéder ainsi indéfiniment et, après quelques semaines, un des vice-présidents de Tomenson Inc. à Vancouver a rencontré les dirigeants de J.T. O'Bryan et les souscripteurs, les principaux créanciers, en vue d'élaborer un arran gement et de présenter une proposition aux créan- ciers. Une entente a été conclue, et les services d'un syndic de faillite de la firme Clarkson Gordon & Co. ont été retenus pour surveiller la gestion.
Les états financiers du groupe O'Bryan indi- quaient, au 31 décembre 1974, que celui-ci avait des actifs et des fonds en banque totalisant environ 2 533 000 $, dont quelque 2 400 000 $ en espèces ou en créances. Ses dettes s'élevaient à 4 500 000 $, dont quelque 3 775 000 $ consistaient en des primes payables à des compagnies d'assu- rances. Bien que les différentes sociétés du groupe n'aient pas toutes fait faillite, il est évident que, sans la proposition et sans le consentement des souscripteurs, elles se seraient effondrées et les clients assurés par le groupe O'Bryan auraient fait face à de graves problèmes.
La demanderesse a convenu d'acheter les listes de clients du groupe O'Bryan pour les opérations effectuées par certains bureaux, soit trois en Colombie-Britannique et deux en Alberta. Il s'agissait notamment des bureaux les plus renta- bles parmi les quelque seize bureaux exploités par le groupe O'Bryan.
Dans une déclaration d'intention en date du 17 janvier 1975 (pièce P-2), la demanderesse s'est engagée à acquérir les listes de clients, leurs dos siers, les copies des polices d'assurance émises, les fiches de déchéance des polices ainsi que d'autres documents relatifs aux clients. Tomenson Inc. devait percevoir les créances à recouvrer et verser à l'avenir au syndic de faillite 30 % du revenu tiré des commissions nettes (moins les ristournes de commission) pour les années 1975, 1976, 1977 et 1978 sur toutes les nouvelles primes d'assurance et les primes de renouvellement reçues des clients qui continuaient de faire affaire avec elle. Tous ces engagements faisaient partie de la proposition pré- sentée par le syndic de faillite et ont été approuvés ensuite par les créanciers ainsi que le tribunal.
D'autres listes ont été vendues par le syndic de faillite à d'autres compagnies qui étaient des con- currents de la demanderesse.
Le président de la compagnie demanderesse a témoigné qu'en obtenant ces listes, celle-ci n'avait pas acquis le droit exclusif de transiger avec les clients, étant donné que des concurrents les sollici- taient également.
La demanderesse s'est engagée à offrir un poste à certains des associés et des employés. La proposi tion présentée au syndic de faillite et aux créan- ciers contient des détails au sujet de ces offres (voir les pièces P-2 et D-3). Essentiellement, un grand nombre des actionnaires du groupe O'Bryan
répondaient personnellement d'importantes sommes d'argent. Par le biais de son offre, la demanderesse incitait les différents associés à se joindre à elle et, de ce fait, à réduire si ce n'est à éteindre complètement leurs obligations personnel- les.
Un certain nombre d'employés ont gardé leur emploi, d'autres se sont lancés en affaires pour leur propre compte et d'autres enfin ont été engagés par d'autres courtiers. Certains sont restés pendant quelque temps et sont partis par la suite. Aucune clause de non-concurrence n'a été convenue avec l'une quelconque des sociétés du groupe O'Bryan. De tous les bureaux que les anciens propriétaires avaient occupés, deux petits locaux seulement ont été loués et la location a été renégociée directe- ment avec les propriétaires, l'un à Port William et l'autre à Prince George, la demanderesse avait
déjà un bureau. Cependant, il fallait plus d'espace à cause de l'accroissement du personnel.
Au cours des années suivantes, le syndic de faillite a reçu environ 1 000 000 $ en raison de la commission nette de 30 % provenant des primes de la clientèle restée fidèle pendant cette période; Tomenson Inc. a gardé 65 % des clients dont le nom apparaissait sur les listes initiales.
Le président de la compagnie demanderesse a témoigné que les contacts personnels et l'acquisi- tion de listes de clients constituent la source du succès dans le domaine des assurances I.A.R.D. et qu'il est très important de connaître la date d'expi- ration d'une police en vigueur pour déterminer si l'on doit conserver la clientèle d'un assuré.
À partir de la preuve présentée, j'ai conclu que, lors de l'acquisition d'une agence d'assurances en activité, c'est la coutume dans le commerce de payer de 1 à 1,5 fois le total des commissions nettes d'une année.
Les principaux arguments de la demanderesse
L'essentiel de la thèse de la demanderesse est que les sommes versées annuellement pour les listes de clients constituaient une dépense courante engagée en vue d'en tirer ou de faire produire un revenu et ne constituaient donc pas un paiement à titre de capital.
À l'appui de cette allégation, elle a soutenu que tout ce qu'elle a acquis en vertu de son entente avec le syndic de faillite, c'était un certain nombre de listes de clients. Elle a prétendu plus particuliè- rement que l'acquisition des listes ne lui a pas donné le droit exclusif d'être la manda \ taire des clients du groupe O'Bryan. De fait, la demande- resse était obligée de solliciter les clients désignés sur les listes en concurrence avec d'autres courtiers d'assurances. Il a en outre été allégué que le groupe O'Bryan n'était pas tenu par contrat d'ai- der la demanderesse à conserver les clients ni de s'abstenir de lui faire concurrence. Enfin, la demanderesse soutient qu'elle n'a pas acquis l'en- treprise de courtage d'assurance comme entreprise en activité ni, par conséquent, l'achalandage dont jouissait antérieurement le groupe O'Bryan.
La demanderesse a cité plusieurs arrêts et arti cles à l'appui de sa thèse. La jurisprudence invo-
guée qui traitait expressément de listes de clients consistait dans les arrêts Partykan, M.S. v. M.N.R. (1980), 80 DTC 1475 (C.R.I.), et Har- bord Investments Ltd. v. M.N.R. (1970), 70 DTC 1488 (C.A.I.).
Dans l'affaire Partykan (précitée), le contribua- ble, qui était administrateur d'une compagnie d'as- surances I.A.R.D., a quitté cette compagnie pour fonder sa propre entreprise d'assurances et, ce faisant, s'est dessaisi de ses actions de la compa- gnie en retour d'une copie de la liste de ses clients et de renseignements connexes relatifs à leurs poli ces. Le contribuable n'a acheté ni l'achalandage ni la compagnie en activité. Il est important de noter, et c'est une caractéristique qui distingue cette affaire de l'espèce, que le contribuable et son ancienne compagnie étaient tous deux libres d'es- sayer de recruter les clients dont le nom apparais- sait sur la liste, ayant en main les mêmes atouts: le contribuable et la compagnie détenaient tous deux les mêmes renseignements sur les clients dont le nom apparaissait sur la liste achetée.
En l'espèce, il est clair que le groupe O'Bryan était en voie de liquidation, avait renoncé à son droit de propriété sur ses listes de clients et ne faisait pas ouvertement concurrence à la demande- resse en ce qui concerne les polices ou les listes acquises par celle-ci. Il est également évident que les concurrents n'ont pas joui des renseignements portant sur la couverture offerte aux clients.
Dans l'affaire Harbord (précitée), une agence d'assurances I.A.R.D. a acheté des listes de clients et des copies de polices d'une autre agence d'assu- rances. La contribuable n'a pas acheté l'autre compagnie en tant qu'entreprise en activité. Ce dernier point a joué un rôle décisif dans la décision de la Commission d'appel de l'impôt selon laquelle la dépense constituait une dépense d'entreprise déductible, car elle avait été engagée en vue de produire un revenu. Mais, est-il important de noter, le vendeur a offert de ne pas exercer la même activité pendant cinq ans dans la province la contribuable faisait affaire. Bien qu'il se soit agi d'une offre à titre gratuit, la contribuable a accepté tacitement la clause restrictive. L'achat de la liste de clients a donc été la cause directe de l'élimination effective d'un concurrent.
La décision Harbord (précitée) prête à la criti que compte tenu de la décision rendue par la Cour d'appel fédérale dans Cumberland Investment Ltd. c. La Reine (1975), 75 DTC 5309 (C.A.F.). Bien que les faits substantiels de ce cas puissent être distingués de ceux de l'affaire Harbord, le juge Thurlow [tel était alors son titre] a statué que l'élimination effective d'un concurrent constituait l'un des facteurs décisifs lorsqu'il s'agit de déter- miner si l'acquisition d'une liste de clients repré- sentait une dépense de capital (c'est-à-dire l'élimi- nation d'un concurrent par absorption de la société en tant qu'entreprise en activité). Néanmoins il n'a pas mentionné que l'élimination de la concurrence était le seul critère permettant de qualifier un achat de dépense de capital.
Les principaux arguments de la défenderesse
En cotisant la demanderesse pour son année d'imposition 1975, le ministre du Revenu national a soutenu que le versement de 322 461 $ effectué en 1975 constituait un paiement à titre de capital. Il a fait valoir que la somme représentait un paiement en vue d'acquérir l'entreprise de cour- tage en assurances du groupe O'Bryan ainsi que l'achalandage dont jouissait antérieurement le groupe et que l'acquisition des listes de clients constituait non seulement un atout supplémentaire pour l'entreprise de la demanderesse mais aussi un avantage durable pour la demanderesse.
Le Ministre a également prétendu que Tomen- son Inc. avait acquis non seulement des listes de clients mais également des renseignements perti- nents relatifs à la couverture d'assurance, aux notes de couverture, aux demandes d'assurance, aux dates de renouvellement, etc. société a engagé des employés-clés et des actionnaires du groupe O'Bryan afin de maintenir des relations d'affaires avec les anciens clients.
Conclusion
Bien que la défenderesse ait cité plusieurs arrêts à l'appui de son allégation, j'estime que la décision rendue par la Cour d'appel fédérale dans Cumber- land (précitée) établit les critères applicables aux affaires de ce genre.
Dans l'affaire Cumberland (précitée), l'agence d'assurances a acquis une entreprise en activité, la liste des sous-agents du concurrent, les coordon-
nées des assurés, a obtenu l'inclusion d'une clause de non-concurrence dans le contrat d'acquisition et a payé un prix fondé sur le volume d'affaires.
Quoique les juges Thurlow et Urie aient fait valoir des facteurs différents pour qualifier la dépense litigieuse ,de dépense de capital, ils sem- blent tous deux considérer que l'élimination de la concurrence de la part du vendeur et l'acquisition d'une entreprise en activité, qui comprendrait l'achalandage, constituaient deux éléments dont la présence était essentielle pour qu'il y ait dépense de capital.
Par contre, la demanderesse allègue que le pré- sent litige révèle que l'une des agences du groupe O'Bryan était en faillite et que les autres auraient sans doute également subi le même sort, n'eût été la proposition. On ne peut pas soutenir que les paiements effectués par la demanderesse ont éli- miné un concurrent, ni prouver que l'achat de quelques-unes des listes de clients a entraîné l'ab- sorption du groupe O'Bryan en tant qu'entreprise en activité, et qu'il y a ainsi une quelconque ces sion de l'achalandage.
Dans l'arrêt Inland Revenue Commissioners v. Muller & Co.'s Margarine, Limited, [1901] A.C. 217 (H.L.), lord Lindley a émis des remarques sur le rapport existant entre la notion d'«achalandage» et celle d'«entreprise en activité»; à la page 235, il a précisé:
[TRADucTIoN] Comme bien, l'achalandage n'a aucune signi fication si ce n'est en fonction d'un certain commerce, affaire ou métier. Si je comprends bien, le mot englobe dans ce cas tout ce qui ajoute une valeur à une entreprise en raison de son emplacement, de son nom, de sa réputation, de sa clientèle, de la mise en rapport avec les vieux clients et de l'absence conve- nue de concurrence, ou de l'une quelconque de ces choses, et il y en a peut-être d'autres qui ne me viennent pas à l'esprit. Dans ce sens large, l'achalandage est indissociable de l'entreprise à laquelle il ajoute de la valeur et, à mon avis, il existe lorsque l'entreprise est en activité. [C'est moi qui souligne.]
L'achalandage semble dépendre de l'exploitation de l'entreprise. Il est donc difficile d'accepter la proposition selon laquelle l'acquisition de certains biens d'une entreprise en voie de liquidation com- porte l'acquisition de l'achalandage.
Les avocats de la demanderesse et de la défende- resse ont essayé, par leurs allégations respectives, de faire ressortir des faits certaines caractéristi- ques qui permettraient de considérer la transaction en cause comme soit une dépense, soit une somme
déboursée à titre de capital. Cela semble être une tâche presque insurmontable. En effet, comme le juge Collier l'a fait remarquer dans Burian, W. J., et al c La Reine, [1976] CTC 725 (C.F. l fe inst.), relativement à la classification d'une somme déboursée afin d'acquérir une liste de clients la page 730):
Les expressions «achat d'une affaire en tant qu'entreprise en marche», «achat d'achalandage» ou achat d'une «liste de clients» ne clarifient pas le différend plus qu'elles n'en fournissent la solution.
C'est tout particulièrement vrai lorsqu'il s'agit d'une liste de clients acquise d'un groupe d'agences en voie de liquidation. C'est une chose que d'utili- ser certains termes pour parler de l'achat d'une liste de clients; mais c'en est une autre que d'appli- quer ces termes à l'achat de certaines listes de clients d'une entreprise en voie de liquidation. Par ailleurs, il est tout simplement impossible de ne pas en tenir compte parce que la transaction concerne une entreprise insolvable.
Il est donc pertinent d'examiner les principes généraux énoncés dans plusieurs arrêts dans les- quels les tribunaux ont défini des critères visant à faire la distinction entre les dépenses d'exploitation et les dépenses de capital.
La nature du capital
Une étude de la jurisprudence classant les tran sactions sous les chefs respectifs de dépense et de capital révèle que les tribunaux ont adopté soit le critère dit de [TRADUCTION] «l'accroissement de l'ensemble des sources de revenu de l'entreprise» soit le critère dit du [TRADUCTION] «bénéfice durable».
L'idée selon laquelle une dépense de capital est faite dans le but d'acquérir un bien (matériel ou immatériel) générateur en soi de revenus, c'est-à- dire un bien dont découlent des revenus, vient de la remarque incidente, maintenant bien connue, for- mulée par le juge Dixon dans l'arrêt Sun Newspa pers Ltd. v. Federal Commissioner of Taxation (1938), 61 C.L.R. 337 (H.C. Austr.) (aux pages 359 et 360) il a fait observer:
[TRADUCTION] La distinction entre les dépenses à titre de capital et les dépenses à titre de revenu correspond à la distinction entre l'entité, la structure ou l'organisation commer- ciale établie en vue de réaliser des bénéfices et le mode de fonctionnement auquel elle a recours pour toucher des recettes régulières au moyen de dépenses régulières, la différence entre
ces dépenses et ces recettes constituant les bénéfices ou les pertes de cette entité. La structure, l'entité ou l'organisation commerciale peut adopter l'une quelconque d'une variété pres- que infinie de formes et il peut être difficile de ramener à une seule désignation toutes les formes possibles qu'elle peut revêtir [...] Mais quelles que soient les différentes formes, matérielles ou immatérielles, qu'elles puissent avoir, de telles sources de revenus contiennent ou constituent ce qu'on a appelé un «bien générateur de profits», selon l'expression de lord Blackburn dans l'arrêt United Collieries Ltd. v. Inland Revenue Commis sioners, (1930) S.C. 215, la p. 220. [C'est moi qui souligne.]
Dans l'arrêt Canada Starch Co. v. Minister of National Revenue, [1969] 1 R.C.É. 96; (1968), 68 DTC 5320, il a été jugé que cette définition de la dépense de capital s'applique à la Loi de l'impôt sur le revenu du Canada.
Le juge Dixon a souligné la dichotomie qui existe entre une dépense de capital et une dépense d'exploitation. Dans ses motifs dissidents dans l'ar- rêt Hallstroms Pty. Ltd. v. Federal Commissioner of Taxation (1946), 72 C.L.R. 634 (H.C. Austr.), à la page 647, il a écrit:
[TRADUCTION] ... [L]a différence entre les deux formes de dépenses correspond à la distinction entre l'acquisition des moyens de production et leur usage; entre l'établissement ou l'extension de l'entreprise et son exploitation; [...] entre une entreprise et l'effort soutenu de ceux qui en font partie. [C'est moi qui souligne.]
Dans l'arrêt du Conseil privé Comr. of Taxes v. Nchanga Consolidated Copper Mines Ltd., [1964] A.C. 948, le vicomte Radcliffe a indiqué qu'il était d'accord avec le critère énoncé par le juge Dixon dans Sun Newspapers (précité) et Hallstroms (précité) lorsqu'il a déclaré, à la page 960:
[TRADUCTION] encore, les tribunaux ont insisté sur l'im- portance de distinguer entre les coûts afférents à la création, à l'achat ou à l'agrandissement de la structure permanente (qui ne signifie pas perpétuelle), dont le revenu doit être le produit ou le fruit, et le coût du revenu lui-même ou de l'exécution des opérations qui servent à le gagner. Sans doute s'agit-il de la distinction la plus claire que la loi par elle-même peut vraisem- blablement apporter ... [C'est moi qui souligne.]
Le deuxième critère de classification qui a été adopté par les tribunaux, à savoir le critère dit du «bénéfice durable», vient de la décision rendue par la Chambre des lords dans l'affaire British Insula ted and Helsby Cables v. Atherton, [1926] A.C. 205, le vicomte Cave, L.C., a énoncé, aux pages 213 et 214, le critère dit du «bénéfice durable»:
[TRADUCTION] Mais quand on fait des dépenses non seulement une fois pour toutes, mais encore dans le but d'apporter un élément d'actif ou un avantage pour le bénéfice durable d'un
commerce, je pense qu'il y a de très bonnes raisons (en l'ab- sence de circonstances particulières conduisant à une conclu sion contraire) de traiter une telle dépense comme si elle était à juste titre imputable non pas au revenu mais au capital. [C'est moi qui souligne.]
Bien que le vicomte Cave n'ait pas précisé la signification de l'expression «bénéfice durable», dans ses remarques sur le critère dit d'«une fois pour toutes» énoncé par lord Dunedin dans l'arrêt Vallambrosa Rubber Co., Limited, v. Inland
Revenue, [1910] S.C. 519, la page 525, il a effectivement décidé la page 213) que, nonob- stant le mode de paiement forfaitaire adopté dans l'acquisition d'un bien ou d'un avantage, un tel paiement ne sera pas considéré comme une dépense de capital si cette somme [TRADUCTION] «était valablement imputable sur les recettes de l'année».
On peut déduire de l'obiter dictum du vicomte Cave que, si le bénéfice ou la valeur résultant de l'acquisition d'un bien est utilisé au cours de l'an- née il a été acquis, ou au cours d'une période d'au moins deux ans, le prix d'acquisition du bien ou de l'avantage pourrait raisonnablement être considéré comme une dépense d'exploitation.
Ce raisonnement a été suivi dans Hinton (Ins- pector of Taxes) v Maden and Ireland Ltd, [ 1959] 1 W.L.R. 875, un arrêt de la Chambre des lords dans lequel lord Reid, dans ses remarques sur la ligne de démarcation entre une dépense d'exploita- tion et une dépense de capital, a déclaré la page 886):
[TRADUCTION] Je ne prétends pas être un expert en matière de méthodes comptables ou commerciales, et la seule différence pratique qui me vient à l'esprit—aucune autre n'a d'ailleurs été suggérée en l'espèce—est que, selon que vous considérez une somme comme une dépense de capital ou comme une dépense d'exploitation, vous ne la passez pas toute aux profits et pertes l'année elle a été déboursée ou vous ne la déduisez pas toute du revenu d'une année dans le premier cas, alors que, dans le second cas, vous la déduisez intégralement du revenu de l'année elle a été subie.
Je serais porté à croire que les livres comptables sont censés refléter la réalité le plus fidèlement possible. Si vous achetez du matériel qui a encore une valeur considérable à la fin de l'année, je serais porté à croire que les livres comptables devraient refléter cette valeur quelque part. Si le prix d'achat est considéré comme une dépense de capital, il ne semble pas y avoir de difficultés à passer ce prix aux profits et pertes d'année en année à mesure que le matériel s'use ou devient dépassé, mais si ce prix est considéré comme une dépense d'exploitation, je ne sais quel poste des livres comptables devrait reproduire
l'année suivante la valeur permanente du matériel. Je n'insinue pas que cette distinction est ou devrait être une règle rigide. Il peut fort bien exister de bonnes raisons de ne pas suivre cette règle dans des cas particuliers, mais en l'absence de tout indice à cet effet, je suis enclin en l'espèce à aborder la question de cette façon-là. [C'est moi qui souligne.]
En l'espèce, on peut donc conclure que, dans la mesure l'acquisition par la demanderesse de certaines listes de clients du groupe O'Bryan, cédées par le syndic de faillite, constitue un accroissement de l'ensemble des sources de revenu de l'entreprise de la demanderesse ou constitue un bien d'un bénéfice durable au sens de l'obiter dictum du vicomte Cave dans l'arrêt Atherton, le prix d'achat n'est pas simplement une dépense d'exploitation mais une dépense de capital au sens de l'alinéa 18(1)b) de la Loi de l'impôt sur le revenu.
Analyse de la transaction
Ainsi qu'il a déjà été mentionné, l'application mécanique de notions telles que [TRADUCTION] l'«achat d'une entreprise en activité», l'«existence d'une clause restrictive», etc., n'aide pas à détermi- ner si l'acquisition de listes achetées d'une entre- prise en voie de liquidation constitue une dépense de capital ou une dépense d'exploitation.
En effet, la jurisprudence indique que c'est le fond et non la forme de l'opération considérée qui importe pour déterminer la nature d'un débours. Ainsi, dans l'arrêt La Reine c. Baine, Johnstone & Company Limited (1977), 77 DTC 5394 (C.F. 1' inst.), à la page 5396, le juge Addy a fait remar- quer, en étudiant la question de savoir si l'achat d'une liste de clients constituait ou non une dépense de capital, que:
Lors de l'examen du litige on doit tenir compte de la nature de l'opération et non pas seulement des mots utilisés par les parties pour la décrire. [Souligné dans le texte original.]
En appliquant le droit aux faits relatifs à l'opé- ration de la demanderesse, il convient de noter ce que déclarait lord Wilberforce dans l'arrêt Tucker (Inspector of Taxes) v Granada Motorway Servi ces Ltd, [1979] 2 All ER 801 (H.L.), à la page 804:
[TRADUCTION] Il arrive souvent dans les cas qui soulèvent la question de savoir si un paiement doit être considéré comme une dépense d'exploitation ou comme une dépense de capital que les indices soient contradictoires. En fin de compte, les tribunaux ne peuvent faire beaucoup mieux que de se former une opinion quant au côté la balance penche. [C'est moi qui souligne.]
Étant donné que l'achat de listes de clients ainsi que des polices d'assurance pertinentes et d'autres documents connexes constitue l'essence même des activités d'un agent d'assurances, le contribuable doit nécessairement mettre dans la balance des preuves concluantes pour que la somme déboursée par lui puisse être considérée comme une dépense d'exploitation.
En examinant l'essence de l'opération intervenue entre la demanderesse et le syndic de faillite, on peut déceler plusieurs indices qui nous amènent à la qualifier d'opération en capital au sens du cri- tère dit du «bénéfice durable» ou du «bien généra- teur de profits».
La demanderesse a acheté plusieurs listes de clients pour une valeur convenue de 30 % des commissions nettes tirées chaque année des nou- velles polices d'assurance ainsi que des renouvelle- ments négociés pour les clients inscrits sur ces listes, pour la période de quatre ans commençant le 19 mars 1975 et se terminant le 29 avril 1979. Ainsi, la demanderesse a choisi de déterminer la valeur des listes de clients visées par l'entente conclue avec le syndic de faillite sur la base d'une disposition valable pour quatre ans selon laquelle les listes étaient vendues contre 120 % des commis sions nettes à venir—les paiements étant reportés jusqu'à ce que les commissions réelles (profits) pour chaque année soient constatées.
La demanderesse ne peut certainement pas sou- tenir le contraire. Le mode de paiement choisi reflétait son incapacité à prévoir si de fait les listes de clients étaient une source possible de gains pour l'avenir, puisqu'elle a proposé de verser 30 % des revenus tirés des commissions nettes provenant des polices des clients dont le nom apparaissait sur les listes achetées, au cours de la période convenue de quatre ans sur la base de commissions estimées à 7 000 000 $ (pièce D-3).
En effet, la demanderesse semble avoir utilisé un multiple de capitalisation de 1,2 comme base pour fixer la valeur des profits prévus ou possibles à tirer de l'acquisition des listes. De fait, William E. Toyne, président de la compagnie demanderesse, a témoigné qu'il était courant, pour l'achat d'une agence d'assurances, d'appliquer un multiple de 1,0 1,5 des gains éventuels de l'agence lors de la présentation d'une offre d'acquisition.
Le mode de paiement proposé et convenu fournit un indice ou au moins incite à conclure que les listes de clients qui ont été achetées étaient consi- dérées comme un bien susceptible d'engendrer des profits.
Le calcul de la contrepartie en fonction du total des gains prévus pour la durée de l'entente conclue avec le syndic de faillite fournit un deuxième indice selon lequel le bien acquis était un actif immobilisé. Ainsi qu'il a été mentionné dans le rapport des vérificateurs de la demanderesse— au 31 décembre 1975—les dépenses reliées à l'ac- quisition des listes de clients (c'est-à-dire 30 % des commissions nettes gagnées) devaient être déduites des revenus afférents au cours des quatre années de l'entente à mesure que ces sommes devenaient payables. Bien que le report des revenus gagnés et des dépenses afférentes engagées au cours du même exercice financier comme moyen de déter- mination du revenu net pour cette période ne soit que l'application du principe de comptabilité géné- ralement reconnu du [TRADUCTION] «rapproche- ment», il importe de noter que la méthode utilisée [TRADUCTION] «amortit effectivement le coût de ces listes sur les quatre années pendant lesquelles elles devaient servir». De fait, le prix d'acquisition des listes de clients en 1975 devait être vérifié au cours des exercices financiers à venir et être réparti entre eux, une fois que les gains associés à l'achat de ces biens étaient réalisés.
Par conséquent, la demanderesse ne peut pas soutenir que la somme de 322 461 $ payable au syndic de faillite en contrepartie des listes de clients du groupe O'Bryan pour l'année d'imposi- tion 1975 constituait une dépense d'exploitation qui a engendré un gain entièrement absorbé dans l'année d'imposition pendant laquelle la dépense a été engagée.
Ainsi, dans la mesure seulement une partie du gain associé à l'acquisition en 1975 des listes de clients a été absorbée dans cette année d'imposi- tion, il est clair que l'entente intervenue entre la demanderesse et le syndic de faillite a abouti à l'achat d'un bien de «bénéfice durable» au sens du critère énoncé par le vicomte Cave dans l'arrêt Atherton (précité) et par lord Reid dans Hinton y Maden (précité).
Un troisième indice selon lequel il s'agissait bien d'une dépense de capital se dégage de la grande importance que la demanderesse a accordée à l'ad- jonction à son équipe d'un certain nombre d'an- ciens actionnaires du groupe O'Bryan. La preuve révèle qu'il était capital pour l'acquisition des listes de clients de garder d'anciens associés du groupe O'Bryan. Bien que la demanderesse ait escompté des revenus de plusieurs millions de dollars en commissions d'assurance au cours de la période visée de quatre ans, cela ne pouvait se matérialiser que grâce à la collaboration des anciens associés du groupe O'Bryan choisis pour continuer de parti- ciper aux opérations de la société (pièce D-3).
Comme l'a fait remarquer dans son témoignage le président de la demanderesse, celle-ci visait fortement à s'assurer la participation de certains actionnaires du groupe O'Bryan. Dans le com merce des assurances, les relations d'affaires se maintiennent et s'accroissent grâce aux contacts personnels avec les différents clients. À cette fin, les agences d'assurances essayent d'engager des agents qui possèdent aussi bien une bonne réputa- tion qu'une solide compétence dans le domaine.
Il appert que l'adjonction d'employés-clés du groupe O'Bryan qui était devenu insolvable consti- tuait un facteur important pour que l'acquisition des listes de clients et des polices d'assurance connexes représente éventuellement une source de revenus pour la société demanderesse.
En vue d'obtenir leurs services, la demanderesse a offert—cette offre a par la suite été acceptée et insérée dans l'entente intervenue entre la deman- deresse et le syndic de faillite—de répartir entre ces employés-clés dont elle voulait s'assurer la collaboration 5 % (c'est-à-dire un sixième de 30 %) des commissions nettes gagnées pendant la durée de l'entente. Il importe de noter que les actionnai- res auxquels tenait la demanderesse devaient per- sonnellement un montant d'environ 875 000 $. De fait, plusieurs des associés risquaient de devenir insolvables. Ainsi, conformément à la proposition de faillite (pièce D-6)—cette proposition consti- tuait la base du plan de répartition des revenus provenant des commissions nettes prévu dans l'en- tente intervenue entre la demanderesse et le syndic de faillite—un prêt ne devant pas dépasser 900 000 $ a été offert aux actionnaires sollicités du groupe O'Bryan pour leur permettre de s'acquitter
de leurs dettes personnelles, prêt dont ils rembour- seraient 100 000 $, le solde devant faire l'objet d'une remise au cours des quatre ans prévus pour l'entente. À son tour, la dette de 100 000 $ s'étein- drait pendant la durée de l'entente conclue avec le syndic de faillite, sur réception des 5 % de commis sions nettes tirées des nouvelles polices d'assurance et du renouvellement des polices des clients dont le nom apparaissait sur les listes.
Une majorité importante des actionnaires dont la participation était essentielle à l'acquisition des listes ont accepté l'offre d'emploi de la demande- resse, prouvant de la sorte le succès obtenu par cet aspect de la proposition.
Certes, les anciens associés n'étaient pas tenus par contrat d'accepter l'offre d'emploi de la société demanderesse et de devenir ses employés, mais leurs obligations financières personnelles ainsi que le marché financier attrayant qui visait à réduire sensiblement ces obligations ont fourni à la deman- deresse un mécanisme efficace pour éliminer la concurrence d'anciens associés du groupe O'Bryan et le moyen d'acquérir ces personnes au profit du groupe Tomenson.
Tous ces facteurs dans leur ensemble m'indi- quent que la somme de 322 461 $ constituait un paiement à titre de capital.
J'entérine par les présentes la nouvelle cotisation faite par le ministre du Revenu national pour l'année d'imposition 1975. L'action est rejetée avec dépens.
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