T-556-86
Robert Hart et Gunther's Building Centre Ltd.
(requérants)
c.
Ministre du Revenu national (intimé)
RÉPERTORIÉ: HART c. CANADA (M.R.N.)
Division de première instance, juge Walsh—Cal-
gary, 8 mai; Vancouver, 20 mai 1986.
Impôt sur le revenu — Pratique — Qualité pour agir — Les
créanciers après jugement ont-ils qualité pour contester la
cotisation établie par le Ministre pour un débiteur après
jugement et les procédures de recouvrement y afférentes? —
Loi de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, chap. 63, art.
195 (ajouté par S.C. 1984, chap. 1, art. 95; chap. 45, art. 83)
— Execution Creditors Act, R.S.A. 1980, chap. E-14.
Contrôle judiciaire — Brefs de prérogative — Certiorari —
Il y a â examiner si, étant donné l'art. 29 de la Loi sur la Cour
fédérale, des brefs de prérogative peuvent être accordés pour
contester des cotisations d'impôt, notamment le pouvoir du
Ministre de les établir, lorsque la Loi prévoit un appel — Loi
sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), chap. 10, art. 18,
29 — Loi de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, chap. 63,
art. 195 (ajouté par S.C. 1984, chap. 1, art. 95; chap. 45, art.
83).
La société Polar Safety -Corn Ltd. a reçu des avis de cotisa-
tion en date du 19 avril et du 3 juin 1985 à l'égard de l'impôt
qui serait dû par elle sur la somme approximative de deux
millions de dollars de crédits d'impôt pour la recherche scienti-
fique qu'elle a vendus à des investisseurs.
Le 28 juin 1985, le requérant Hart a intenté une action
contre la société pour renvoi injustifié, à la suite de laquelle une
somme de 148 000 $ a été consignée à la Cour par voie de
saisie-arrêt avant jugement. Il a obtenu un jugement et déposé
un bref ordonnant le prélèvement d'une somme de
149 152,29 $. Revenu Canada a par la suite demandé qu'on
délivre un certificat et un bref de fieri facias contre la société
en vue de prélever la somme de 1 092 000 $ conformément à
une cotisation provenant de la vente du crédit d'impôt pour la
recherche scientifique. On a obtenu un jugement ordonnant que
l'argent consigné par voie de saisie-arrêt soit distribué confor-
mément à l'Execution Creditors Act de l'Alberta.
Hart et l'autre requérante, qui sont tous deux des créanciers
après jugement de Polar Safety -Corn Ltd., cherchent à obtenir
des brefs de certiorari en vue de faire annuler les cotisations
d'impôt de la société, la «demande péremptoire de paiement», le
certificat et le bref de fieri facias. Elles demandent aussi un
bref de prohibition pour arrêter toute procédure de cotisation
ou de recouvrement contre Polar Safety -Corn Ltd.
Les requérants font valoir que l'intimé n'avait pas compé-
tence pour fixer de nouveau l'impôt à payer par la société, et
que les actes de l'intimé ont porté atteinte à leurs droits sur le
fonds dont ils disposaient au moment de l'exécution de leur
jugement.
Jugement: la requête devrait être rejetée.
Il y a lieu tout d'abord d'examiner si les requérants ont
qualité pour intervenir dans la cotisation d'impôt concernant la
société contribuable.
Le requérant Hart soutient qu'il a un intérêt financier dis
tinct dans l'argent saisi par le Ministre, puisque cet argent avait
déjà été saisi en exécution du jugement rendu en sa faveur et en
faveur d'autres créanciers. Les autres créanciers et lui-même
risquent de subir une perte si la cotisation n'est pas annulée.
L'intimé soutient que le requérant Hart n'est pas une partie
lésée puisque ce dernier n'avait pas lui-même de droit de
propriété sur l'argent. Pour décider qu'il a un droit de propriété
sur les fonds, il faudrait conclure que la saisie pratiquée par le
Ministre était illégale, et le requérant Hart ne saurait avoir
qualité pour agir en prenant pour hypothèse qu'elle était illé-
gale. Le droit de propriété qu'il prétend avoir ne lui reviendrait
que si la saisie était annulée.
Quoi qu'il en soit, la demande doit être rejetée pour une
autre raison, bien que la règle relative à la question ne soit pas
encore établie. Il s'agit de déterminer si, comme l'a statué la
Cour d'appel fédérale dans l'affaire Parsons, l'article 29 de la
Loi sur la Cour fédérale interdit à quiconque d'engager des
procédures sous le régime de l'article 18 pour contester les
cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu,
notamment le pouvoir légal du Ministre d'établir une cotisa-
tion, lorsque cette dernière loi prévoit un appel. La Division de
première instance de la Cour fédérale a récemment rendu deux
jugements contradictoires portant sur les crédits d'impôt pour
la recherche scientifique. Dans l'affaire W. T.C. Western Tech
nologies Corp., il a été statué que l'arrêt Parsons pouvait être
distingué et qu'un bref de certiorari pouvait être accordé pour
contester les cotisations d'impôt établies. Dans l'affaire Bech-
thold Resources Ltd., la Cour s'est considérée liée par l'arrêt
Parsons et elle a décidé que des brefs de prérogative ne
pouvaient être accordés pour contester les cotisations d'impôt.
Les deux décisions font maintenant l'objet d'un appel. Étant
donné l'arrêt Parsons, il se peut fort bien que l'article 29 de la
Loi sur la Cour fédérale empêche la délivrance de brefs de
prérogative.
JURISPRUDENCE
DÉCISION SUIVIE:
Ministre du Revenu national c. Parsons, [1984] 2 C.F.
331; 84 DTC 6345 (C.A.).
DÉCISION APPLIQUÉE:
Bechthold Resources Ltd. c. Canada (M.R.N.), [1986] 3
C.F. 116 (1'° inst.).
DÉCISION ÉCARTÉE:
W.T.C. Western Technologies Corp. c. M.R.N., [1986] 1
C.T.C. 110; 86 DTC 6027 (C.F. 1'° inst.).
DÉCISIONS EXAMINÉES:
Inland Revenue Comrs v National Federation of Self -
Employed and Small Businesses Ltd, [1981] 2 All ER 93
(H.L.); La compagnie Rothmans de Pall Mall Canada
Limitée c. Le ministre du Revenu national (N° 1), [1976]
2 C.F. 500 (C.A.); Solosky c. La Reine, [1978] 1 C.F.
609 (C.A.); Regina v. Paddington Valuation Officer, Ex
parte Peachey Property Corpn. Ltd., [1966] 1 Q.B. 380
(C.A.); Reg. v. Thames Magistrates' Court, ex parte
Greenbaum (1957), 55 L.G.R. 129 (C.A.).
DECISIONS CITÉES:
Canadians for the Abolition of the Seal Hunt c. Le
ministre des Pêches et de l'Environnement, [1981] 1 C.F.
733 (1fe inst.); Thorson c. Procureur général du Canada
et autres, [1975] 1 R.C.S. 138; Nova Scotia Board of
Censors c. McNeil, [1976] 2 R.C.S. 265; Kiist c. Canadi-
an Pacific Railway Co., [1980] 2 C.F. 650 (1" inst.); R.
c. Simard-Beaudry Inc., [1971] C.F. 396; 71 DTC 5511
(1" inst.); Lambert c. La Reine, [1977] 1 C.F. 199; 76
DTC 6373 (C.A.); Abrahams, Coleman C. v. Minister of
National Revenue (No. 2), [1967] R.C.É 333; 66 DTC
5451; R. c. Cyrus J. Moulton Ltd., [1977] 1 C.F. 341; 76
DTC 6239 (1"° inst.).
AVOCATS:
Michael A. Wedekind pour les requérants.
Patrick G. Hodgkinson pour l'intimé.
PROCUREURS:
Foster Wedekind, Calgary, pour les requé-
rants.
Le sous-procureur général du Canada pour
l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs
de l'ordonnance rendus par
LE JUGE WALSH: Les requérants sollicitent:
[TRADUCTION] 1. Un bref de certiorari ou une ordonnance de
redressement de cette nature en vue de faire annuler la cotisa-
tion établie par l'intimé, le ministre du Revenu national, con-
cernant l'impôt à payer par Polar Safety-Com Ltd., et la
délivrance de documents intitulés «Avis de cotisation» en date
du 19 avril 1985 et du 3 juin 1985, ainsi que de tout autre
document qui peut être divulgué au cours de ces procédures, à
l'égard de l'impôt qui serait dû par Polar Safety -Corn Ltd.;
2. Un bref de certiorari ou une ordonnance de redressement de
cette nature en vue de faire annuler la décision de l'intimé de
signifier, en vertu de l'article 224 de la Loi de l'impôt sur le
revenu, une «demande péremptoire de paiement» concernant
l'impôt qui serait dû par Polar Safety -Corn Ltd.;
3. Un bref de certiorari ou une ordonnance de redressement de
cette nature en vue de faire annuler la décision de l'intimé de
délivrer, en vertu de l'article 223 de la Loi de l'impôt sur le
revenu, un certificat en date du 10 décembre 1985 concernant
l'impôt qui serait dû par Polar Safety-Com Ltd., et de faire
annuler ledit certificat et le bref de fieri facias décerné le 10
décembre 1985 en vertu de celui-ci;
4. Un bref de prohibition, un redressement de cette nature ou
une injonction interdisant à l'intimé et à quiconque relève de ce
dernier de poursuivre les procédures de cotisation et de recou-
vrement contre Polar Safety-Com jusqu'à ce qu'il soit permis
de le faire ...
À l'appui de leur demande, les requérants font
valoir que l'intimé n'avait pas compétence pour
fixer de nouveau l'impôt à payer par Polar Safety -
Corn Ltd. et qu'ils sont des créanciers après juge-
ment de ladite société, ce qui fait que les actes de
l'intimé ont porté atteinte à leurs droits sur les
fonds dont ils auraient pu disposer au moment de
l'exécution de leurs jugements respectifs.
La présente requête est étayée par un affidavit
de Robert Hart selon lequel il était, aux époques
en cause, employé et administrateur de Polar
Safety -Corn Ltd. L'exercice financier de la société
prenait fin le 30 novembre de chaque année. Au
début de 1985, la société a vendu à des investis-
seurs des crédits d'impôt pour la recherche scienti-
fique, de tels crédits ayant été vendus vers le 15
mars 1985, pour une somme de 2 184 000 $, 32 %
de l'argent étant avancé à la société. Des désigna-
tions sous le régime de la Partie VIII de la Loi de
l'impôt sur le revenu [S.R.C. 1952, chap. 148
(mod. par S.C. 1970-71-72, chap. 63, art. 1)] ont
été déposées auprès de Revenu Canada-Impôt,
mais lorsque le requérant Hart a quitté la société,
en date du 16 juin 1985, celle-ci n'avait produit, en
vertu de la Partie VIII de la Loi, aucune déclara-
tion d'impôt sur le revenu pour l'année 1985, de
sorte qu'aucune cotisation n'avait, bien entendu,
été établie.
Le 28 juin 1985, Hart a saisi la Cour du Banc
de la Reine de l'Alberta d'une action contre la
société pour renvoi injustifié, à la suite de laquelle
une somme de 148 000 $ a été consignée à la Cour
par voie de saisie-arrêt avant jugement. Il a obtenu
un jugement condamnant la société, et il a déposé
auprès du shérif du district judiciaire de Calgary
un bref ordonnant de prélever la somme de
149 159,29 $. À la suite de ce bref, Revenu
Canada a obtenu qu'on délivre un certificat et un
bref de fieri facias contre la société en vue de
prélever la somme de 1 092 000 $ conformément à
une cotisation afférente à la vente de crédits d'im-
pôt pour la recherche scientifique. Ce bref a été
déposé auprès du shérif du district judiciaire de
Calgary, et dans son jugement en date du 15
janvier 1986, le juge O'Leary de la Cour de l'Al-
berta a ordonné que l'argent consigné à la Cour
par voie de saisie-arrêt avant jugement soit versé
au shérif du district judiciaire de Calgary et distri-
bué conformément à l'Execution Creditors Act
[R.S.A. 1980, chap. E-14] de l'Alberta.
Vers le 13 février 1986, les procureurs de Hart
ont reçu du shérif un état de la distribution proje-
tée. Hart prétend que les actes de Revenu Canada
et du Ministre ont porté atteinte à sa qualité de
créancier et compromis le succès de l'exécution de
son jugement, ce qui l'a amené à intenter les
présentes procédures, bien que la Cour ait été
informée, au moment de l'audition de la requête,
que la distribution était maintenant chose faite.
Gunther's Building Centre Ltd., un autre créancier
de la société Polar Safety -Corn Ltd., s'est consti-
tuée requérante.
Les présentes procédures soulèvent quelques
questions intéressantes qui, prétend-on, n'ont
jamais été définitivement tranchées par cette Cour
dans d'autres instances. Il y a lieu tout d'abord de
trancher la question de savoir si les requérants,
tierces parties ayant un intérêt financier dans la
distribution de l'argent saisi en vertu d'un juge-
ment et au profit du requérant Hart, ont qualité
pour intervenir dans la cotisation d'impôt établie
par le Ministre concernant la contribuable Polar
Safety-Com Ltd. À cet égard, les requérants ont
cité le manuel de H.W.R. Wade, Administrative
Law, quatrième édition, 1977, où il est dit à la
page 544:
[TRADUCTION] Chaque citoyen peut demander à la Cour de
prévenir un abus de pouvoir, et ce faisant, il est en droit d'être
considéré non pas comme un importun mais comme un bienfai-
teur public.
L'auteur cite le passage suivant du jugement rela-
tif à la règle du certiorari rendu par le lord juge
Parker dans Reg. v. Thames Magistrates' Court,
ex parte Greenbaum (1957), 55 L.G.R. 129
(C.A.):
[TRADUCTION] Tout le monde peut le demander, que ce soit un
membre du public qui a été troublé, une partie ou quelqu'un
qui a un grief personnel. Si le demandeur est, pour des raisons
de commodité, ce qu'on appelle un étranger, le redressement est
purement discrétionnaire. Mais s'il s'agit d'une personne qui a
elle-même une plainte à formuler, que ce soit en tant que partie
ou autrement, le redressement existe alors de plein droit . . .
On dit toutefois dans le renvoi, à la page 544, au
sujet de cette affaire:
[TRADUCTION] La règle de droit ainsi exposée n'a pas été
mentionnée dans l'affaire Durayappah v. Fernando, [1967] 2
A.C. 337, où le Conseil privé a refusé d'accorder un bref de
certiorari à un maire qui avait été démis de ses fonctions lors de
la dissolution du conseil municipal par suite d'une ordonnance
ministérielle rendue contrairement à la justice naturelle. Il se
peut que la décision soit justifiée parce que l'omission de tenir
une audience est une faute strictement personnelle contre la
partie qui est en droit de se faire entendre.
À la page 544, Wade cite le jugement rendu dans
l'affaire Regina v. Paddington Valuation Officer,
Ex parte Peachey Property Corpn. Ltd., [ 1966] 1
Q.B. 380 (C.A.), où lord Denning tient ces propos
à la page 400:
[TRADUCTION] De même, un contribuable payant des impôts
locaux peut présenter un grief si le rôle d'évaluation est entaché
d'un vice lors même que ce vice lui serait égal sur le plan
financier.
et à la page 401:
[TRADUCTION] Bien sûr, la Cour ne prêtera pas attention à un
simple importun se mêlant des affaires d'autrui, mais elle
écoutera toute personne dont les droits sont lésés par l'acte
accompli.
On a également cité l'arrêt de la Cour d'appel
fédérale La compagnie Rothmans de Pall Mall
Canada Limitée c. Le ministre du Revenu national
(N° 1), [1976] 2 C.F. 500. Dans cette affaire, il
était question de la classification des cigarettes aux
fins de la taxe d'accise; les appelantes n'ont pas
prétendu être intéressées à vendre des cigarettes
contenant une partie de tabac inférieure à quatre
pouces, mais d'une longueur totale de plus de
quatre pouces avec le bout filtre; elles ont toutefois
demandé l'interprétation qu'elles prétendaient
exacte, non pas pour être en mesure de faire
quelque chose qu'elles ne pouvaient faire mainte-
nant, mais plutôt pour empêcher les compagnies
intimées d'entreprendre quelque chose qui, à leur
avis, leur conférerait un avantage commercial. Au
nom de la Cour d'appel fédérale, le juge Le Dain
s'est prononcé en ces termes à la page 506:
Comme le savant juge de première instance, je pense qu'un
tel intérêt ne suffit pas à donner aux appelantes qualité pour
exercer l'action ou le droit de requérir un des brefs demandés.
Les appelantes n'ont pas de grief réel leur permettant de
contester par des poursuites judiciaires l'interprétation donnée
par les fonctionnaires intimés à la définition du mot «cigarette»
à l'article 6 de la Loi sur l'accise pour l'application administra
tive de la Loi. Cette interprétation ne porte pas atteinte aux
droits des appelantes et ne leur impose aucune obligation légale
supplémentaire. De même on ne peut soutenir qu'elle porte
directement atteinte à leurs intérêts.
La Cour d'appel a suivi ce raisonnement dans
l'arrêt Solosky c. La Reine, [1978] 1 C.F. 609, où
la Criminal Lawyers' Association of Ontario (l'As-
sociation des avocats de droit pénal de l'Ontario) a
voulu obtenir qualité pour agir comme amicus
curiae dans un appel interjeté par un prisonnier au
sujet de son droit d'envoyer du courrier à son
avocat sans que ce courrier fasse l'objet d'un
examen. Il est dit ceci aux pages 611 et 612:
En appliquant ce critère aux circonstances en l'espèce, je suis
d'avis que l'issue de cet appel ne peut porter atteinte, de
quelque façon que ce soit, aux droits des membres de l'Associa-
tion requérante ni leur imposer une obligation légale supplé-
mentaire ni porter directement atteinte à leurs intérêts.
J'ai tiré la même conclusion dans l'affaire Cana-
dians for the Abolition of the Seal Hunt c. Le
ministre des Pêches et de l'Environnement, [1981]
1 C.F. 733 (l'e inst.). Après avoir examiné la
jurisprudence relative au droit des particuliers
d'intenter des poursuites en vue d'obtenir un bref
de prérogative ou même un jugement déclaratoire
lorsqu'ils ne sont pas personnellement touchés,
mises à part leurs susceptibilités, notamment les
affaires Thorson c. Procureur général du Canada
et autres, [1975] 1 R.C.S. 138; Nova Scotia Board
of Censors c. McNeil, [1976] 2 R.C.S. 265 et Kiist
c. Canadian Pacific Railway Co., [1980] 2 C.F.
650 (1Le inst.), j'ai conclu que les requérantes
n'avaient pas qualité pour intenter de telles
poursuites.
L'avocat du requérant a toutefois établi une
distinction entre ces causes et la présente espèce,
faisant valoir que son client a un intérêt financier
distinct parce que l'argent ultérieurement saisi, en
vertu du certificat, par le Ministre qui a établi la
cotisation avait déjà été saisi en exécution du
jugement rendu en faveur dudit requérant et de
tout autre demandeur tel que Gunther's Building
Centre Ltd., et qu'il risque de subir une perte si la
cotisation qui permettrait au Ministre de réclamer
à Polar Safety-Com Ltd. une somme beaucoup
plus considérable n'est pas annulée, puisque la
distribution porte directement atteinte à ses inté-
rêts financiers.
L'intimé a cité la décision britannique Inland
Revenue Comrs v National Federation of Self -
Employed and Small Businesses Ltd, [1981] 2 All
ER 93 (H.L.), où lord Wilberforce a déclaré aux
pages 98 et 99: _
[TRADUCTION] Il faut examiner la situation des contribua-
bles autres que ceux dont la cotisation est en litige, et leur droit
de contester la cotisation de la Inland Revenue Commission ou
la non-cotisation de ce contribuable en se demandant s'ils
peuvent, aux termes de la loi, être considérés comme ayant un
intérêt suffisant pour se plaindre de ce qui a été fait ou omis.
C'est dans ce contexte que j'examinerai les fonctions de ladite
Commission.
Ces fonctions sont énoncées en termes très généraux et il est
nécessaire de tenir compte également de l'économie de la
législation de l'impôt sur le revenu. Il est établi que les commis-
saires doivent cotiser chaque contribuable selon sa situation.
Ces cotisations et tous les renseignements concernant les affai-
res des contribuables sont strictement confidentiels. Les autres
contribuables ne peuvent consulter aucune liste ni aucun dossier
relatif aux cotisations. Il n'existe pas non plus de fonds commun
du produit de l'impôt sur le revenu sur lequel on peut dire que
l'ensemble des contribuables ont un droit. Le produit de l'impôt
sur le revenu, ainsi que celui des autres recettes fiscales, sont
versés dans le Fonds consolidé qui est mis à la disposition du
Parlement pour toute fin que celui-ci juge appropriée.
La situation des contribuables est donc très différente de
celle des contribuables qui paient des impôts locaux. Ainsi
qu'on a expliqué dans l'affaire Arsenal Football Club Ltd y
Ende [1977] 2 All ER 267, [1979] AC 1, le public peut
connaître, par le rôle d'évaluation, le montant des taxes munici-
pales que doivent payer les contribuables. Le produit de cel-
les-ci est versé dans un fonds commun au profit des contribua-
bles qui paient des impôts locaux. Tout contribuable local a
donc un intérêt direct et suffisant dans les taxes municipales
imposées aux autres contribuables locaux; c'est pour cette
raison que son droit à titre de «personne lésée» de contester les
cotisations établies à leur égard est depuis longtemps reconnu,
par exemple à l'art. 69 de la General Rate Act 1967. L'affaire
Ende a donné effet à ce droit.
D'autre part, il ressort clairement de l'économie de la législa-
tion relative à l'impôt sur le revenu qu'on n'a voulu conférer
aucun droit semblable aux contribuables. Non seulement la loi
ne contient-elle aucune disposition expresse ou implicite per-
mettant de réclamer ce droit, mais l'accorder ébranlerait tout le
système, ce qui implique que les fonctions des commissaires
relèvent de la Couronne et que les questions relatives à l'impôt
sur le revenu concernent les commissaires et le contribuable
intéressé. Nulle autre personne n'a le droit de faire des proposi
tions au sujet de l'impôt payable par un particulier ni même de
s'enquérir de cet impôt. Le caractère tout à fait confidentiel des
cotisations et des négociations entre les particuliers et la Com
mission est essentiel au fonctionnement du système. Règle
générale, je dirais qu'un contribuable n'a aucun intérêt suffi-
sant pour demander à la Cour d'examiner les affaires fiscales
d'un autre contribuable ni pour se plaindre que ce dernier a fait
l'objet d'une cotisation en moins ou en trop; de fait, l'intérêt
public prédominant exige qu'il s'en abstienne.
Lord Fraser of Tullybelton s'est prononcé en ces
termes aux pages 107 et 108 du même recueil:
[TRADUCTION] Les règles de la Cour sont muettes lorsqu'il
s'agit de savoir ce qu'est un intérêt suffisant à cette fin. Je
conviens avec mes nobles et savants collègues, qui connaissent
beaucoup mieux que moi l'historique des ordonnances de préro-
gative, que la jurisprudence plus ancienne est peu utile pour ce
qui est de déterminer le caractère suffisant de l'intérêt. Bien
que le critère du caractère suffisant ait été tempéré ces derniè-
res années, la nécessité d'un tel intérêt persiste, et le fait que la
règle 3 de l'ordonnance 53 l'exige prouve indubitablement que
tous les requérants ne peuvent, de plein droit, demander un
contrôle judiciaire.
et il ajoute à la page 108:
[TRADUCTION] En pareil cas, il convient, à mon avis, d'exa-
miner la loi en vertu de laquelle l'obligation est née pour voir si
elle confère un droit exprès ou implicite permettant aux person-
nes telles que le requérant de se plaindre de l'acte ou de
l'omission qu'on prétend illicite. Cette façon d'aborder le pro-
blème permet facilement de voir qu'un contribuable payant des
impôts locaux aurait un intérêt suffisant pour se plaindre des
irrégularités commises par le fisc. Même si la General Rate Act
1967 ne lui avait pas expressément conféré le droit de proposer
des modifications au rôle d'évaluation lorsqu'il s'estime lésé par
une inscription qui y figure, l'exactitude dudit rôle serait dans
son intérêt car celui-ci constitue la base de la répartition de la
totalité de la charge fiscale entre lui-même et les autres contri-
buables qui paient des impôts locaux dans la région. Le rôle est
public et peut être examiné par n'importe qui. La situation du
contribuable est tout à fait différente. Normalement, celui-ci
n'a pas connaissance du montant des cotisations des autres
contribuables, et les commissaires de l'Inland Revenue et leurs
fonctionnaires doivent faire en sorte que ces questions demeu-
rent strictement confidentielles: voir la Inland Revenue Regula
tion Act 1890, art. 1(1) et 39 et la Taxes Management Act de
1970, art. 1 et 6, et annexe 1. La distinction entre un contribua-
ble payant des impôts locaux et un contribuable établie dans
l'affaire Arsenal Football Club Ltd y Ende [1977] 2 All ER
267, [1979] AC 1 en vue de définir une personne lésée au sens
de la General Rate Act 1967 est également pertinente en
l'espèce.
Bien entendu, les faits de cette affaire diffèrent
de ceux de l'espèce où l'on réclame, en fin de
compte, non pas la divulgation de détails sur une
déclaration d'impôt de Polar Safety-Com Ltd.,
mais plutôt le droit des requérants de contester la
cotisation établie par le Ministre, contestation qui
devrait normalement être faite par la société selon
les procédures prévues à la Loi de l'impôt sur le
revenu.
Selon le défendeur, le requérant Hart n'est pas
lésé par le fait que le Ministre a obtenu possession
des fonds auxquels il estimait avoir droit puisqu'il
n'avait pas lui-même de droit de propriété sur
l'argent, contrairement à d'autres créanciers tels
que Gunther Building Centre Ltd. Pour décider
qu'il a un droit de propriété sur les fonds, il
faudrait conclure que la saisie pratiquée par le
Ministre était illégale, et le requérant Hart ne
saurait avoir qualité pour agir en prenant pour
hypothèse que le Ministre a commis un acte illégal
en procédant à la saisie. Bien qu'il fût le premier à
saisir les fonds, il ne saurait prétendre que ce droit
de propriété lui revient que si la saisie était annu-
lée. Ce fait pourrait à lui seul permettre de tran-
cher la question et de conclure que le requérant
Hart n'avait pas qualité pour intenter les présentes
procédures.
J'estime toutefois que la demande doit être reje-
tée pour une autre raison, bien que la situation soit
encore sujette à controverse et ne soit pas tranchée
définitivement.
On a cité l'affaire W. T.C. Western Technologies
Corp. c. M.R.N., [1986] 1 C.T.C. 110; 86 DTC
6027 (C.F. 1`e inst.), jugement en date du 18
décembre 1985 rendu par le juge Collier, où il a
établi une distinction avec l'arrêt de la Cour d'ap-
pel fédérale Ministre du Revenu national c. Par
sons, [1984] 2 C.F. 331; 84 DTC 6345, qui a
décidé à l'unanimité que l'article 29 de la Loi sur
la Cour fédérale [S.R.C. 1970 (2e Supp.), chap.
10] interdit à quiconque d'engager des procédures
sous le régime de l'article 18 pour contester les
cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt
sur le revenu, notamment le pouvoir légal du
Ministre d'établir une cotisation, puisque la Loi
elle-même prévoit un appel.
Dans l'affaire dont a été saisi le juge Collier, le
litige portait sur une cotisation d'impôt établie par
le Ministre sous le régime de l'article portant sur
la recherche et le développement scientifiques qui
figure à la Partie VIII de la Loi et ce, avant que le
contribuable n'ait déposé sa déclaration. Le juge
Collier a accordé un bref de certiorari parce qu'il
s'agissait de savoir non pas si la cotisation du
Ministre était fondée ou non mais si celui-ci avait
compétence pour établir une cotisation, et il a
conclu que le Ministre n'avait pas compétence à
cette fin. La cotisation, ainsi que le certificat
délivré en vertu de celle-ci et la saisie des fonds
détenus en mains tierces, ont donc été annulés.
Toutefois, dans l'affaire Bechthold Resources
Ltd. c. Canada (M.R.N.), [1986] 3 C.F. 116 (lie
inst.), jugement en date du 16 janvier 1986, le juge
Addy devait trancher la même question, et il a
exprimé son désaccord avec le juge Collier. Dans
cette affaire, il a discuté le jugement de celui-ci,
ainsi que l'arrêt Parsons de la Cour d'appel, par
lequel il se considère lié, refusant d'accepter la
distinction faite par le juge Collier. Il fait remar-
quer que l'article 8 de la Loi exige du contribuable
qu'il paye, dans le mois qui suit, 50 % des sommes
reçues à l'égard d'une action ou d'une créance
émise relativement au crédit d'impôt pour la
recherche scientifique. S'appuyant sur les décisions
R. c. Simard-Beaudry Inc., [1971] C.F. 396; 71
DTC 5511 (lie inst.); Lambert c. La Reine, [1977]
1 C.F. 199; 76 DTC 6373 (C.A.); R. c. Cyrus J.
Moulton Ltd., [1977] 1 C.F. 341; 76 DTC 6239
(lie inst.) et Abrahams, Coleman C. v. Minister of
National Revenue (No. 2), [1967] R.C.E. 333; 66
DTC 5451, il conclut que la responsabilité de
payer l'impôt ou de payer un montant au titre de
l'impôt ne dépend pas d'un avis de cotisation, mais
qu'elle est créée par la loi. Il conclut également
que bien qu'il soit vrai qu'une cotisation doit nor-
malement être faite après qu'une déclaration d'im-
pôt sur le revenu a été produite ou aurait dû l'être,
l'article 195 [ajouté par S.C. 1984, chap. 1, art.
95; chap. 45, art. 83] et la Partie VIII de la Loi
justifient la cotisation établie par le Ministre,
compte tenu des renseignements fournis par le
contribuable et de sa désignation en vertu de la
Partie VIII de la Loi.
Tant l'affaire Bechthold que la cause W.T.C.
Western Technologies Corp. font maintenant l'ob-
jet d'un appel, ce qui fait que les deux jugements
contradictoires n'ont pas encore été conciliés; tou-
tefois, étant donné l'avis exprimé par la Cour
d'appel dans l'arrêt Parsons, il se peut que la
Division de première instance soit obligée de le
suivre comme l'a décidé le juge Addy, et ne puisse
examiner la question de bref de prérogative en
raison de l'article 29 de la Loi sur la Cour
fédérale.
Pour tous les motifs ci-dessus, je conclus que la
requête en l'espèce doit être rejetée avec dépens.
ORDONNANCE
La requête en l'espèce est rejetée avec dépens.
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