T-3007-80
Saccone & Speed Limited (appelante)
c.
Registraire des marques de commerce (intimé)
Division de première instance, juge Cattanach—
Toronto, 5 octobre; Ottawa, 20 octobre 1982.
Marques de commerce — Radiation pour non-emploi —
Est-ce que la modification de l'étiquette d'une marque de
commerce pour répondre aux exigences en matière de bilin-
guisme entraîne la perte de la protection? — L'ajout du texte
français et les modifications nécessaires apportées au dessin ne
constituent pas une modification importante de la marque de
commerce — Les modifications ne sont pas susceptibles de
créer de la confusion ni d'induire en erreur — Appel accueilli
— Loi sur les marques de commerce, S.R.C. 1970, chap. T-10,
art. 44, 60 — Loi sur la concurrence déloyale, S.R.C. 1952,
chap. 274, art. 2c) — Loi sur les marques de commerce, S.C.
1952-53, chap. 49 — Loi sur l'emballage et l'étiquetage des
produits de consommation, S.C. 1970-71-72, chap. 41, art. 10
— Règlement sur l'emballage et l'étiquetage des produits de
consommation, C.R.C., chap. 417, art. 6(2).
Pour se conformer aux prescriptions relatives au bilinguisme
de la Loi sur l'emballage et l'étiquetage des produits de
consommation et du Règlement pris en application de cette
Loi, l'appelante a modifié l'étiquette de sa marque de com
merce, en a changé le dessin et a ajouté le texte français requis.
Sous le régime de l'article 44 de la Loi sur les marques de
commerce, le registraire a décidé de radier la marque pour
non-emploi, statuant que la marque de commerce sur l'étiquette
diffère considérablement de la marque enregistrée à l'origine.
L'appelante attaque cette décision, prétendant que les modifi
cations ont été apportées à la demande expresse des fonction-
naires du gouvernement pour qu'elle se conforme aux nouvelles
conditions d'étiquetage en matière de bilinguisme.
Jugement: l'appel est accueilli. Afin de se conformer aux
nouvelles conditions touchant le bilinguisme, l'appelante a sim-
plement ajouté le texte français requis et a apporté au dessin les
modifications nécessaires pour intégrer ce texte. Les éléments
essentiels de la marque ont été maintenus, de sorte qu'il n'y a
pas de «différence considérable» entre la marque de commerce
employée et la marque enregistrée. La modification n'est pas
par conséquent de nature à causer un préjudice à une personne
ni à induire une personne en erreur.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
The Molson Companies Ltd. c. Mitches & Co. et autre
(1980), 50 C.P.R. (2d) 180 (C.F. 1" inst.); Honey Dew,
Limited v. Rudd et al., [1929] R.C.E. 83; [1929] 1
D.L.R. 449; M. Melachrino and Co. v. The Melachrino
Egyptian Cigarette Co. et al. (1887), 4 R.P.C. 215
(Ch.D.); J.H. Munro Ltd. v. T. Eaton Co. Western Ltd.
et al. (1943), 2 C.P.R. 229 (C.S.C.-B.).
DÉCISION EXAMINÉE:
In the Matter of the Application of R.J. Lea Ld. to
Register a Trade Mark (1913), 30 R.P.C. 216 (C.A.
Angl.).
DÉCISION CITÉE:
Elder's Beverages (1975) Ltd. c. Le registraire des mar-
ques de commerce, [1979] 2 C.F. 735 (1fe inst.).
AVOCATS:
Brian W. Gray pour l'appelante.
M. Thomas pour l'intimé.
PROCUREURS:
Hayhurst, Dale & Deeth, Toronto, pour
l'appelante.
Le sous-procureur général du Canada pour
l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE CATTANACH: Appel est formé contre
la décision par laquelle le registraire intérimaire
des marques de commerce a, le 18 avril 1980,
ordonné la radiation de la marque de commerce de
l'appelante enregistrée le 8 mai 1964 sous le no
135 655.
L'affaire survient par suite de l'avis que le regis-
traire intérimaire des marques de commerce a, de
sa propre initiative, le 23 janvier 1979, donné à
W.A. Ross & Brother, Limited, la propriétaire
inscrite de la marque de commerce en question à
l'époque, conformément à l'article 44 de la Loi
[Loi sur les marques de commerce, S.R.C. 1970,
chap. T-10], lui enjoignant de produire, par voie
d'affidavit ou déclaration statutaire, la preuve
d'emploi de la marque de commerce au Canada en
liaison avec les marchandises que spécifie l'enre-
gistrement, et, dans la négative, de produire la
date du dernier emploi et la raison de son défaut
d'emploi depuis cette date.
En réponse à cet avis, par l'affidavit de John
Graham Hare en date du 16 mai 1979, il a été
établi qu'on avait fait un usage considérable et
continu de la marque de commerce telle qu'illus-
trée dans l'étiquette annexée à l'affidavit, pendant
les trois années antérieures.
Il est constant qu'il y a eu emploi de la marque
de commerce telle qu'illustrée dans l'étiquette, et
que l'appelante est la propriétaire inscrite de la
marque de commerce à la suite d'une cession.
Les motifs invoqués par le registraire intéri-
maire pour radier la marque de commerce, sous
réserve d'un appel seulement (qui a effectivement
été formé), sont exprimés dans sa lettre du 18 avril
1980, laquelle est ainsi rédigée:
[TRADUCTION] 1. Il ressort des étiquettes jointes à l'affidavit
déposé le 16 mai 1979 par John Graham Hare, secrétaire de la
société W.A. Ross & Brother, Limited, qui est la propriétaire
inscrite de la marque et du dessin ROSS'S ALOHA COFFEE
LIQUEUR, qu'il y a une marque de commerce modifiée sur une
étiquette qui diffère considérablement de la marque enregistrée
à l'origine.
2. Même s'il y a des preuves suffisantes de ventes de la liqueur
pendant les trois années précédant l'avis de l'article 44, je ne
peux conclure que la marque de commerce figurant dans
l'enregistrement est celle qui a été employée pour les ventes.
Résumé: Étant donné les motifs exprimés ci-dessus, je radierai
l'enregistrement numéro 135 655.
Il est certain que l'étiquette apposée par l'appe-
lante sur les bouteilles contenant le liquide produit
en l'espèce est quelque peu différente de la marque
de commerce dont l'enregistrement a été accordé à
la requérante le 8 mai 1964, telle qu'elle est repré-
sentée par le dessin en noir et blanc qui est repro-
duit ci-dessous.
Le droit à l'usage exclusif de toute la matière à
lire à l'exception du mot ALOHA, a été abandonné,
la marque de commerce mise à part.
Dans sa certification du matériel envoyé à la
Cour sur appel, comme l'exige l'article 60 de la
Loi, le registraire intérimaire des marques de com
merce a fait mention de l'enregistrement de la
marque et du dessin «ROSS'S ALOHA COFFEE
LIQUEUR».
Sous le régime de la Loi sur la concurrence
déloyale [S.R.C. 1952, chap. 274], qui précède
immédiatement la Loi sur les marques de com
merce actuellement en vigueur et en vigueur
depuis 1953 [S.C. 1952-53, chap. 49], il y avait
une division rigide et distincte entre les dessins-
marques et les mots servant de marque, qui est
préservée dans les marques de commerce enregis-
trées sous le régime de la Loi sur la concurrence
déloyale.
Voici la définition, que je paraphrase, que donne
l'alinéa 2c) de la Loi sur la concurrence déloyale
du dessin-marque: la marque de commerce consis-
tant dans une marque ou un dessin composé d'une
représentation d'objet ou d'objets, ou de lettres, de
nombres ou d'une combinaison de tous les deux,
dépendant, pour son caractère distinctif, de la
forme, de l'arrangement ou de la couleur de ses
différentes parties, indépendamment de toute idée,
ou de tout son, que suggère la disposition des
lettres (qui pourraient former des mots).
Un mot servant de marque est défini comme une
série de lettres dépendant, pour son caractère dis-
tinctif, de l'idée ou du son que suggère la disposi
tion des lettres, c'est-à-dire le mot ainsi formé.
Cette séparation en deux catégories mutuelle-
ment exclusives de marques de commerce a été
écartée par la Loi sur les marques de commerce de
1953. C'est la totalité de la marque de commerce
qui doit constituer l'élément directeur quant au
caractère enregistrable et quant à la comparaison.
Je reviens maintenant au dessin en noir et blanc
de la marque tel qu'il figure à l'enregistrement et
tel qu'il est reproduit ci-dessus.
Si on imagine que la marque de commerce se
trouve dans un rectangle divisé en trois parties
parallèles d'une hauteur à peu près égale, on voit,
dans la partie supérieure à gauche un emblème qui
est la tête d'un grand pingouin, montée sur une
couronne de fleurs. À droite de cet emblème se
trouve le mot ROSS'S imprimé en caractères haut
de casse sans empattement, avec ombres noires
pour simuler la profondeur, et le mot est au
génitif.
La requérante renonce à tous les mots dans la
marque de commerce, à l'exception du mot
ALOHA.
Je présume que la requérante a renoncé à
l'usage du mot «Ross» parce qu'il s'agit d'un
patronyme personnel. Mais dans In the Matter of
the Application of R.J. Lea Ld. to Register a
Trade Mark ((1913), 30 R.P.C. 216 [C.A.
Angl.]), le lord juge Buckley a catégoriquement
déclaré qu'un mot susceptible d'être un patronyme
exprimé au génitif n'est pas un patronyme.
Dans l'affaire Elder's Beverages (1975) Ltd. c.
Le registraire des marques de commerce ([1979] 2
C.F. 735 [ire inst.]), on m'a invité à conclure que
le lord juge Buckley avait commis une erreur en
statuant ainsi. J'ai refusé de le faire, la cause dont
j'étais saisi étant jugée sur d'autres motifs. Mais
j'ai effectivement exprimé le point de vue qu'il me
paraissait étrange que l'interdiction d'enregistrer
un mot qui est essentiellement un patronyme pour-
rait être contournée simplement en ajoutant une
apostrophe «s» à la fin. Cet élément me semblerait
plutôt souligner davantage le fait que le mot est un
patronyme personnel.
Même si le mot ROSS est abandonné, celui-ci
forme encore le trait dominant de la marque de
commerce enregistrée de l'appelante, visuellement
et autrement.
Dans la partie centrale, l'élément dominant de
la marque de commerce est le mot ALOHA. Ce mot
signifie «amour» dans la langue polynésienne d'Ha-
waï, et il est employé comme une expression
hawaïenne de bienvenue ou d'adieux. L'emploi de
ce mot comme marque de commerce en liaison
avec des liqueurs de café est tout à fait approprié.
Je présume que le café peut être cultivé à Hawaï,
mais je n'en ai pas la preuve, ni pourrais-je en
prendre connaissance d'office même si je le savais.
Je ne doute nullement que le mot ALOHA est
l'élément le plus en évidence de la marque de
commerce de l'appelante.
Dans la troisième partie horizontale, la partie
inférieure de la marque de commerce, figurent les
mots «COFFEE LIQUEUR» en caractères haut de
casse sans empattement. Ces mots sont imprimés
sur une courbe si légère qu'on la remarque à peine.
Ces mots-là ont été abandonnés, à juste titre d'ail-
leurs, puisqu'il s'agit d'une description de mar-
chandises et qu'ils ne sont pas susceptibles d'être
une marque de commerce.
À l'arrière-plan de cette partie inférieure se
trouve une scène de plage, une plage hawaïenne
peut-être. La mer forme l'horizon. Des palmiers se
détachent de la plage, formant l'arrière-plan du
mot ALOHA dans la partie intermédiaire, et ils sont
dominés par celui-ci.
De même, les mots COFFEE LIQUEUR dominent
la scène de la plage qui forme l'arrière-plan de ces
mots, et la scène le cède en importance aux mots
qui y sont superposés, du fait de cette superposi-
tion.
L'appel en l'espèce est appuyé par un affidavit
fait par Richard William Treganowan par suite
d'une autorisation accordée par mon collègue le
juge Addy dans son ordonnance du 16 mars 1981.
L'auteur de l'affidavit déclare que depuis 1964,
l'appelante appose sur ses produits une étiquette
ayant la forme exacte de l'enregistrement de la
marque de commerce du 8 mai 1964.
Toutefois, au paragraphe 4 de son affidavit,
l'auteur affirme que la propriétaire inscrite a
dérogé à la forme exacte de l'étiquette originelle-
ment employée, et qui était une reproduction du
dessin de la marque de commerce enregistrée, et
ce, sur les directives expresses de fonctionnaires du
ministère du Revenu national (Douanes et Accise)
données en 1976 pour exiger qu'elle se conforme
aux conditions d'étiquetage canadiennes en créant
une étiquette où figurent à la fois le français et
l'anglais.
Voici le paragraphe 6 de l'affidavit de
Treganowan:
[TRADUCTION] 6. La liqueur de ma société a toujours été
connue de nos clients sous la marque de commerce ROSS'S
ALOHA. Le dessin de la TETE D'UN GRAND PINGOUIN, qui fait
l'objet de l'enregistrement de la marque de commerce cana-
dienne n° 60/14685, constitue un autre caractère distinctif des
produits de Ross.
Il a aussi déposé que l'étiquette modifiée, par
suite des exigences législatives du Parlement du
Canada sur lesquelles les fonctionnaires du minis-
tère responsable ont insisté, était celle qui était
jointe à l'affidavit de M. Hare en date du 16 mai
1979 et déposé en réponse à l'avis donné, de sa
propre initiative, par le registraire intérimaire des
marques de commerce conformément au paragra-
phe 44(1) de la Loi sur les marques de commerce.
Je reproduis ci-dessous cette étiquette.
L'article 10 de la Loi sur l'emballage et l'éti-
quetage des produits de consommation (S.C.
1970-71-72, chap. 41) prévoit notamment qu'une
étiquette portant une déclaration de la quantité
nette du produit préemballé doit être apposée sur
le produit préemballé en la forme prescrite et
indiquer l'identité de ce produit en le désignant par
son nom commun ou générique. En l'espèce, il
s'agit de «liqueur de café».
Dans le Règlement sur l'emballage et l'étique-
tage des produits de consommation [C.R.C., chap.
417] pris en vertu de la Loi, l'article 6, placé sous
la rubrique «Prescriptions et exemptions relatives
au bilinguisme», définit un produit spécial comme
un produit préemballé qui est importé (et c'est
précisément ce qu'est le produit de l'appelante).
Le paragraphe (2) de l'article 6 est ainsi rédigé:
6. ...
(2) Tous les renseignements devant figurer sur l'étiquette
d'un produit préemballé aux termes de la Loi et du présent
règlement doivent être indiqués dans les deux langues officiel-
les, à l'exception du nom et du principal établissement de la
personne par ou pour qui le produit préemballé a été fabriqué,
transformé, produit ou emballé pour la revente, qui peuvent
être indiqués dans l'une ou l'autre des langues officielles.
Par conséquent, pour se conformer à la loi et au
Règlement d'application, l'appelante a dû modifier
son étiquette. Le défaut de s'y conformer entraîne-
rait le risque de poursuite ou si le produit est
importé, son produit pourrait ne pas être admis au
Canada.
À mon avis, la modification de son étiquette par
l'appelante est de très bon goût. Tout en se confor-
mant aux conditions légales de bilinguisme, elle
maintenait les éléments essentiels de sa marque
de commerce.
Les mots ROSS'S ALOHA sont conservés et mis
en évidence comme auparavant. Il en est de même
de l'emblème, la tête du grand pingouin. Mais
plutôt que de paraître seulement une fois à gauche
du mot ROSS'S, il figure maintenant à droite aussi,
ce qui donne de la symétrie et de l'équilibre.
La raison en est franchement évidente. L'em-
blème fait également l'objet d'une marque de com
merce enregistrée (voir l'affidavit de Treganowan).
Au-dessous de l'emblème, à gauche, se trouve
l'abréviation du mot «Registered» en anglais,
c'est-à-dire «Reg'd.» et sous l'emblème à droite il y
a l'abréviation française, «Enrg.», ce qui assure
l'emploi des deux langues.
Voici les modifications: les mots «COFFEE
LIQUEUR», qui figuraient au-dessous du mot
ALOHA dans l'étiquette initiale, se trouvent main-
tenant au-dessus de l'expression ROSS'S ALOHA et
sont remplacés dans la partie inférieure où ils
figuraient auparavant, par l'expression «LIQUEUR
DE CAFÉ» qui est le nom générique du produit
exprimé en français en parfaite conformité avec le
paragraphe 6(2) du Règlement.
L'indication du contenu et du volume alcooli-
ques se trouve sur l'étiquette et est la même en
français et en anglais. Le nom du producteur et
celui de la société sous la supervision duquel le
produit est fabriqué sont en anglais seulement,
comme le sont les noms de leurs principaux éta-
blissements. Ceci est permis par l'exemption
prévue au paragraphe 6(2). Il n'est pas nécessaire
d'imprimer cette information deux fois, bien que
les mots précédant les dénominations sociales
soient exprimés tant en français qu'en anglais.
La marque de commerce initiale a aussi été
modifiée en supprimant la représentation d'une
plage.
Cette omission, à mon avis, importe peu. À
l'origine, la scène avait été conçue comme toile de
fond seulement, ce qui est accentué par la superpo-
sition du mot «ALOHA» et de l'expression «COFFEE
LIQUEUR».
Mon collègue le juge Mahoney, dans l'affaire
The Molson Compagnies Ltd. c. Mitches & Co. et
autre ((1980), 50 C.P.R. (2d) 180 [C.F. 1fe inst.])
dit ceci à la page 182:
[TRADUCTION] Il est malheureux que l'appelante n'ait pas
administré en preuve la réglementation actuelle sur l'étiquetage
dont on nous dit qu'elle requiert certaines additions à l'éti-
quette. On aurait pu je pense plaider que de semblables addi
tions doivent être entièrement ignorées; il serait contraire à
l'intérêt public de permettre que le respect de ces lois mette en
péril la validité d'une marque de commerce.
La Cour dispose d'éléments de preuve tendant à
établir que l'appelante a modifié sa marque de
commerce pour se conformer aux exigences de la
loi et du Règlement d'application.
J'adopte donc l'obiter dictum du juge Mahoney
pour ne pas considérer l'ajout du texte français à
la marque de commerce comme une modification
importante de celle-ci.
La règle établissant quand la modification de la
forme antérieure dans laquelle la marque de com
merce a été enregistrée entraîne la perte de protec
tion pour le propriétaire inscrit est exposée dans la
décision rendue par le président Maclean, dans
Honey Dew, Limited v. Rudd et al. ([1929]
R.C.E. 83; [[1929] 1 D.L.R. 449]).
Il s'agit là du précédent faisant autorité en la
matière et il a été suivi sans exception depuis son
prononcé.
Les remarques pertinentes du président se trou-
vent à la page 89 et sont ainsi rédigées:
[TRADUCTION] La pratique de s'éloigner de la forme précise
d'une marque de commerce enregistrée est inacceptable et
constitue un grand danger pour l'auteur de l'enregistrement.
Je tiens à souligner ici qu'à l'époque où le
président Maclean statuait ainsi, la Loi sur les
langues officielles [S.R.C. 1970, chap. O-2], la
Loi sur l'emballage et l'étiquetage des produits de
consommation et le Règlement d'application
n'existaient pas, ce qui, à mon avis, constitue un
argument additionnel pour la nécessité d'appliquer
l'obiter dictum du juge Mahoney, que j'adopte et
applique.
Le président Maclean ajoute à la page 89:
[TRADUCTION] La marque employée en l'espèce n'est toutefois
pas considérablement différente de la marque enregistrée. La
dérogation à la forme de la marque enregistrée n'a induit
personne en erreur ni causé de préjudice à quiconque, et je ne
pense pas que la demanderesse doive perdre son droit de
protection en raison de cela.
Dans l'affaire M. Melachrino and Co. v. The
Melachrino Egyptian Cigarette Co. et al. ((1887),
4 R.P.C. 215 [Ch.D.]), citée par le président
Maclean, le juge Chitty_a décidé que l'emploi d'un
blason, dont l'enregistrement avait été rejeté, en
liaison avec la marque de commerce enregistrée,
n'annulait pas le droit à la protection de cette
partie de l'étiquette telle qu'elle avait été
enregistrée.
À l'évidence, le juge Chitty a considéré l'ajout
comme superflu.
En l'espèce, l'ajout d'un emblème additionnel
n'annule pas, à mon avis, la marque de commerce
où il figure.
J'estime que cela vaut aussi pour l'inverse.
L'omission d'un élément insignifiant, telle la scène
de fond d'une plage hawaïenne ne rend pas la
marque de commerce suffisamment différente
pour lui faire perdre sa validité.
Dans J.H. Munro Ltd. v. T. Eaton Co. Western
Ltd. et al. ((1943), 2 C.P.R. 229 [C.S.C.-B.]) le
juge en chef Farris dit ceci à la page 239:
[TRADUCTION] Il peut y avoir une modification d'une marque
de commerce particulière, comme l'indique clairement la
jurisprudence.
À l'appui de cette déclaration, le juge en chef
Farris a cité le même passage de la décision du
président Maclean que j'ai cité ci-dessus.
Le juge en chef Farris poursuit en ces termes à
la page 240:
[TRADUCTION] La question de savoir si l'emploi d'une étiquette
s'éloignant de l'étiquette particulière est une dérogation qui
constituerait un non-emploi de la marque de commerce particu-
lière semble être une question de fait relative à chaque cas
d'espèce, la règle applicable étant celle qu'a énoncée le juge
Maclean dans l'affaire Honey Dew, savoir que la dérogation ne
doit pas être de nature à causer un préjudice ou une tromperie
à quiconque.
La modification de l'étiquette est directement
attribuable à la nécessité de se conformer aux
dispositions de la Loi sur l'emballage et l'étique-
tage des produits de consommation et à son
Règlement d'application. On ne doit pas tenir
compte des mots ajoutés pour assurer une observa
tion de ces lois.
L'ajout de mots a entraîné une modification du
dessin pour intégrer dans l'étiquette les éléments
nouveaux qu'il fallait ajouter.
C'est ce qui fut fait, mais en le faisant, l'appe-
lante a pris soin de conserver les traits dominants
de sa marque de commerce.
L'emblème, soit la tête d'un grand pingouin, est
resté à la même place. Une représentation addi-
tionnelle de l'emblème a été incluse par souci
d'équilibre. Comme l'a dit le juge Chitty dans
l'affaire Melachrino (susmentionnée), l'ajout d'un
élément superflu n'annule pas le reste de
l'étiquette.
Comme je l'ai déjà dit, la suppression d'un
élément insignifiant qui représente peu par rapport
à l'ensemble du dessin ne devrait pas, de même,
annuler le reste de l'étiquette tant que ce qui reste
conserve son identité originale.
C'est, à mon avis, ce que fait la marque de
commerce modifiée.
Il y a trois éléments importants:
1. l'emblème, soit la tête du grand pingouin,
figure deux fois dans le dessin modifié;
2. le mot ROSS'S est aussi proéminent et occupe
la même position que dans le dessin initial; et
3. la partie la plus essentielle, le mot ALOHA, est
aussi proéminent et occupe la même position
dans le dessin qu'on a dû modifier que dans le
dessin initial.
La règle posée par le président Maclean dans
l'affaire Honey Dew et constamment suivie après
est que la modification ne doit causer de préjudice
à personne ni induire personne en erreur.
Selon les motifs exprimés, les modifications dic-
tées par l'observation de la loi et la modification de
bon goût du dessin pour ce faire n'enlèvent rien
aux éléments principaux du dessin et, par consé-
quent, ne sont nullement susceptibles de créer de la
confusion ni d'induire le public en erreur. La
modification en l'espèce ne viole pas la règle posée
par le président Maclean dans l'affaire Honey
Dew.
Interprétant et appliquant ce critère d'une autre
façon, il n'y a aucune [TRADUCTION] «différence
considérable» entre la marque de commerce
employée et la marque enregistrée, ce qui va à
l'encontre du point de vue du registraire intéri-
maire.
L'appel sera donc accueilli, et l'affaire renvoyée
au registraire des marques de commerce pour qu'il
prenne les mesures administratives appropriées.
Étant donné que je dispose d'éléments de preuve
qui n'ont pas été portés à la connaissance du
registraire intérimaire des marques de commerce,
j'exerce le pouvoir discrétionnaire dont je suis
investi pour décider qu'il n'y aura pas d'adjudica-
tion de dépens, ce qui est conforme à la pratique
qui existe depuis le siècle dernier tant au Canada
que dans le Royaume-Uni.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.