T-6021-82
Domenico Vespoli, Precision Mechanics Ltd.,
80591 Canada Limited, et Paradis Vespoli Ltée
(requérants)
C.
La Reine du chef du Canada et le procureur
général du Canada (intimés)
et
Jacques More! en sa qualité de shérif adjoint du
district de Montréal (mis-en- cause)
Division de première instance, juge Addy—Mont-
réal, 1" novembre; Ottawa, 19 novembre 1982.
Impôt sur le revenu — Pratique — Demande, fondée sur
l'art. 232 de la Loi de l'impôt sur le revenu, tendant à
l'obtention d'une décision sur la question du privilège des
communications entre client et avocat — On reconnaît qu'il n'y
a pas de privilège puisque les documents en cause consistent en
des relevés bancaires — Documents saisis en vertu de l'art. 231
de la Loi — Aucun lien entre les requérants et les documents
Les requérants demandent la restitution des documents
parce que la preuve saisie n'est pas pertinente et parce qu'il
s'agit d'une saisie excessive et abusive qui constitue une
infraction à l'art. 8 de la Charte puisque lesdits documents ne
se rapportent pas aux requérants — Les requérants invoquent
en outre l'art. 24(2) de la Charte qui exige le rejet de toute
preuve susceptible de déconsidérer l'administration de la jus
tice — Demande rejetée — Les décisions In the Matter of
Hoyle Industries Ltd and Hoyle Twines Ltd., 11980] C.T.C.
501 (C.F. 1" inst.) et In re Romeo's Place Victoria Ltd. et al.
(1981), 81 DTC 5295 (C.F. 1" inst.) écartées — Le juge n'a pas
compétence pour déterminer la pertinence dans le cadre d'une
demande tendant à l'obtention d'une décision sur la question
du privilège des communications entre client et avocat —
L'art. 232 vise uniquement cette question — Question de la
pertinence soulevée prématurément parce qu'il n'est pas néces-
saire aux fins du litige qu'il y ait une décision sur ce point —
Puisque l'art. 232 porte uniquement sur le privilège des com
munications entre client et avocat, la Cour n'a pas non plus
compétence pour examiner la question du caractère excessif de
la saisie — Les requérants n'ont pas qualité pour agir en cette
Cour, car les documents en cause ne leur appartiennent pas —
Loi de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, chap. 63, art.
231(1)d),(4),(7),(8),(11),(12),(13),(14),(15), 232(3),(4),(5),(9),( 10)
— Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la
Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de
1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.), art. 8,24(2).
Droit constitutionnel — Charte des droits — Demande,
fondée sur l'art. 232 de la Loi de l'impôt sur le revenu,
relativement à l'applicabilité du privilège des communications
entre client et avocat à des documents — La saisie revêt-elle
un caractère excessif étant donné que les documents en cause
ne sont pas mentionnés dans l'autorisation de chercher et de
saisir? — Y a-t-il eu violation de l'art. 8 de la Charte? — La
preuve doit-elle être exclue en vertu de l'art. 24(2) de la
Charte parce que son utilisation déconsidérerait l'administra-
tion de la justice? — Un juge saisi d'une demande fondée sur
l'art. 232 n'a pas compétence pour examiner si la saisie revêt
un caractère excessif — En tout état de cause, les requérants
n'ont pas qualité pour demander une réparation parce qu'ils
reconnaissent que les documents en cause ne sont pas les leurs
— Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la
Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de
1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R-U.), art. 8, 24(2)
Loi de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, chap. 63, art. ;
232.
Il s'agit d'une demande, fondée sur le paragraphe 232(4) de
la Loi de l'impôt sur le revenu, en vue de déterminer si les
requérants jouissent du privilège des communications entre
client et avocat à l'égard de chèques payés et des relevés
bancaires qui y sont joints qu'on a saisis avec certains autres
documents se rapportant aux affaires des requérants. L'entrée,
la perquisition et la saisie ont été effectuées en vertu du
paragraphe 231(4) de la Loi. L'article 231 autorise notamment
à faire sur toute propriété des recherches visant à obtenir des
preuves pour toute fin relative à l'application ou à l'exécution
de la Loi. Les requérants ne sont pas mentionnés dans les
documents en question et la preuve n'établit aucun lien entre
eux et ces documents. Les requérants font donc valoir que la
Cour doit ordonner la restitution des documents pour les motifs
suivants: (1) la preuve ainsi saisie n'est pas pertinente, et (2)
puisque les documents ne se rapportent pas aux requérants, la
saisie était manifestement excessive et, partant, abusive et
illégale, constituant une infraction à l'article 8 de la Charte qui
donne une garantie de protection contre les fouilles, les perqui-
sitions et les saisies abusives. Les requérants invoquent en outre
le paragraphe 24(2) de la Charte, aux termes duquel des
éléments de preuve doivent être rejetés lorsque leur utilisation
est susceptible de déconsidérer l'administration de la justice.
Jugement: la demande est rejetée. Les requérants admettent
qu'il n'est pas question d'un privilège des communications entre
client et avocat puisque les documents saisis consistent en des
chèques et des relevés bancaires. Dans les décisions In the
Matter of Hoyle Industries Ltd and Hoyle Twines Ltd. et In re
Romeo's Place Victoria Ltd. et al., cette Cour a ordonné la
restitution de documents qui, a-t-on reconnu, ne bénéficiaient
pas du privilège des communications entre client et avocat; elle
l'a fait pour la raison que lesdits documents n'avaient aucune
pertinence en tant que preuve quant à la situation financière
des requérants. Ces décisions ne peuvent être suivies en l'espèce
parce qu'un juge saisi d'une demande du présent type n'a pas
compétence pour statuer sur la question de la pertinence et
aussi parce que celle-ci a été soulevée prématurément. L'article
232 a été adopté pour permettre que la question du privilège
des communications entre client et avocat soit tranchée au
moyen d'une procédure sommaire. Les procédures spéciales
prévues à l'article 232 ont pour seul objet le règlement de la
question de l'existence possible d'un tel privilège. Même si le
juge avait compétence pour trancher la question de la perti
nence, il lui serait impossible de le faire à ce stade parce qu'il
n'est pas nécessaire aux fins du litige qu'il y ait une décision sur
ce point. Puisque l'article 232 l'autorise uniquement à étudier
la question du privilège des communications entre client et
avocat, le juge n'a même pas compétence, dans le cadre d'une
demande fondée sur cet article, pour examiner la question du
caractère excessif de la saisie, soulevée en vertu de la Charte
des droits. Finalement, les requérants n'ont pas qualité pour
saisir cette Cour d'une demande de réparation touchant des
documents qui, ils le reconnaissent d'ailleurs, ne se rapportent
pas à leurs affaires et ne leur appartiennent pas.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS ÉCARTÉES:
In the Matter of Hoyle Industries Ltd and Hoyle Twines
Ltd., [1980] C.T.C. 501 (C.F. 1" inst.); In re Romeo's
Place Victoria Ltd. et al. (1981), 81 DTC 5295 (C.F. 1"°
inst.).
AVOCATS:
Guy Du Pont et Guy Paquette pour les
requérants.
Yvan Roy pour les intimés.
PROCUREURS:
Verchère, Noël & Eddy, Montréal, pour les
requérants.
Le sous-procureur général du Canada pour
les intimés.
Voici les motifs de l'ordonnance rendus en fran-
çais par
LE JUGE ADDY: Les requérants ont saisi le juge
Dubé [[1983] 1 C.F. 337 (lie inst.)] d'une requête
tendant à:
[TRADUCTION] ... la fixation d'une date et d'un lieu où sera
décidée la question de savoir si les pétitionnaires (requérants)
jouissent du privilège des communications entre client et avocat
quant aux documents, livres, registres et autres écrits saisis le 8
juillet 1982 aux bureaux du cabinet d'avocats Verchère, Noël et
Eddy et, depuis lors, gardés scellés par Jacques Morel, shérif
adjoint du district de Montréal;
Cette requête a été accueillie mais, malgré l'inten-
tion des requérants de déposer, en vue de sa pré-
sentation à l'heure et au lieu fixés, une requête en
bonne et due forme, avec les affidavits d'usage à
l'appui, sollicitant le redressement désiré, on a
négligé de faire cette démarche supplémentaire en
raison des tentatives des avocats des parties de
régler les différentes questions soulevées.
Comme la plupart de ces questions avaient déjà
été résolues et que plusieurs des documents saisis
avaient été, du consentement des parties, rendus
aux avocats des requérants et puisque la seule
question en suspens était une question de droit, les
faits n'étant pas contestés, lorsqu'elles ont com-
paru devant moi, toutes les parties m'ont prié de
trancher cette question comme si on avait déposé
un avis de requête écrit en bonne et due forme.
Dans ces circonstances exceptionnelles, pour
gagner du temps et éviter des frais supplémentai-
res, j'ai accepté de ne pas exiger d'avis de requête
avec affidavit à l'appui et d'entendre les arguments
portant sur la question litigieuse.
Les seuls documents qui demeurent en litige
sont plusieurs liasses de chèques payés joints à des
relevés bancaires mensuels y afférents. Ces chè-
ques ont tous été tirés sur le même compte au nom
d'un tiers en fiducie. Les requérants ne sont en
aucune façon mentionnés dans ces documents et la
preuve n'établit aucun lien entre eux et les docu
ments. Il est reconnu de part et d'autre, cependant,
que les chèques et les relevés bancaires auxquels ils
étaient joints se trouvaient dans les bureaux du
cabinet d'avocats susmentionnés parmi les docu
ments se rapportant aux affaires des requérants et
que les avocats les ont, pour cette raison, confiés à
M. Morel en sa qualité de gardien en attendant
que la Cour rende sa décision définitive sur la
question du privilège des communications entre
client et avocat.
Les parties reconnaissent en outre que la perqui-
sition a été opérée en vertu d'une autorisation
accordée par le juge Gratton de la Cour supérieure
de la province de Québec conformément au para-
graphe 231(4) de la Loi de l'impôt sur le revenu'.
Copie de cette autorisation d'entrer et de chercher
a été, du consentement des parties, déposée en
l'espèce à titre de pièce à conviction. La demande
dont la Cour est saisie tend à l'obtention d'une
décision sur la question formulée au paragraphe
232(4) de la Loi.
Les parties pertinentes de la Loi de l'impôt sur
le revenu disposent:
231. (1) Toute personne qui y est autorisée par le Ministre,
pour toute fin relative à l'application ou à l'exécution de la
présente loi, peut, en tout temps raisonnable, pénétrer dans tous
lieux ou endroits dans lesquels l'entreprise est exploitée ou des
biens sont gardés, ou dans lesquels il se fait quelque chose se
rapportant à des affaires quelconques, ou dans lesquels sont ou
devraient être tenus des livres ou registres, et
d) si, au cours d'une vérification ou d'un examen, il lui
semble qu'une infraction à la présente loi ou à un règlement
1 S.C. 1970-71-72, chap. 63.
a été commise, cette personne autorisée peut saisir et empor-
ter tous documents, registres, livres, pièces ou choses qui
peuvent être requis comme preuves de l'infraction à toute
disposition de la présente loi ou d'un règlement.
(4) Lorsque le Ministre a des motifs raisonnables pour croire
qu'une infraction à cette loi ou à un règlement a été commise
ou sera probablement commise, il peut, avec l'agrément d'un
juge d'une cour supérieure ou d'une cour de comté, agrément
que le juge est investi par ce paragraphe du pouvoir de donner
sur la présentation d'une demande ex parte, autoriser par écrit
tout fonctionnaire du ministère du Revenu national ainsi que
tout membre de la Gendarmerie royale du Canada ou tout
autre agent de la paix à l'assistance desquels il fait appel et
toute autre personne qui peut y être nommée, à entrer et à
chercher, usant de la force s'il le faut, dans tout bâtiment,
contenant ou endroit en vue de découvrir les documents, livres,
registres, pièces ou choses qui peuvent servir de preuve au sujet
de l'infraction de toute disposition de la présente loi ou d'un
règlement et à saisir et à emporter ces documents, livres,
registres, pièces ou choses et à les retenir jusqu'à ce qu'ils soient
produits devant la cour.
232...
(4) Lorsqu'un document a été saisi et placé sous garde, en
vertu du paragraphe (3), le client, ou l'avocat au nom de
celui-ci, peut
a) dans un délai de 14 jours à compter de la date où le
document a été ainsi placé sous garde, demander à un juge,
moyennant un avis de requête de 3 jours adressé au sous-pro-
cureur général du Canada, de rendre une ordonnance
(i) fixant une date (au plus tard 21 jours après la date de
l'ordonnance) et un lieu, où sera décidée la question de
savoir si le client jouit du privilège des communications
entre client et avocat quant au document, et
(ii) exigeant du gardien qu'il présente le document au juge
à ces temps et lieu;
b) signifier une copie de l'ordonnance au sous-procureur
général du Canada et au gardien dans les 6 jours de la date
où elle a été rendue, et, dans le même délai, verser au gardien
les dépenses estimatives pour le transport du document à
destination et en provenance du lieu de l'audition et sa
protection; et
c) s'il a procédé ainsi que l'alinéa b) l'autorise, demander,
aux temps et lieu fixés, une ordonnance décidant la question.
Il n'est pas sans intérêt de noter que l'article
231, qui, comme je l'ai déjà mentionné, autorise
notamment à effectuer sur toute propriété ou dans
tous locaux des recherches visant à obtenir des
preuves «pour toute fin relative à l'application ou à
l'exécution de la présente loi», contient également
des dispositions concernant les enquêtes spéciales,
qui habilitent un enquêteur spécial relevant du
Ministère à faire toute enquête qu'il «juge néces-
saire sur tout ce qui se rapporte à l'application ou
l'exécution de la présente loi». Il est difficile de
concevoir un plus vaste pouvoir d'entreprendre ce
qu'on peut appeler, avec justesse, la recherche de
preuves à l'aveuglette. Les preuves ainsi saisies ou
recueillies peuvent servir dans le cadre d'une telle
enquête. (Voir les paragraphes (7), (8), (11), (12),
(13), (14) et (15) de l'article 231.)
L'avocat des requérants admet volontiers qu'il
ne peut être question de privilège des communica
tions entre client et avocat relativement aux docu
ments en cause, car ceux-ci consistent exclusive-
ment en des chèques et des relevés bancaires. Il a
toutefois fait valoir que la Cour doit ordonner au
gardien de les rendre aux requérants, et ce pour
deux motifs:
1. Que la preuve ainsi saisie n'est pas pertinente.
2. Que, puisque les documents ne sont pas men-
tionnés dans l'autorisation de saisir et de cher-
cher et puisqu'ils ne se rapportent en aucune
façon aux requérants qui, suivant l'autorisation,
sont les seules personnes dont les affaires font
l'objet d'une enquête, la saisie était manifeste-
ment excessive et, partant, abusive et illégale.
L'avocat sollicite donc l'annulation de la saisie
parce qu'elle enfreindrait l'article 8 de la Charte
canadienne des droits et libertés [qui constitue
la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982,
annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982,
chap. 11 (R.-U.)] qui garantit la protection
contre les fouilles, les perquisitions et les saisies
abusives. Pour la même raison, il invoque égale-
ment le paragraphe 24(2) de la Loi constitu-
tionnelle de 1982, aux termes duquel des élé-
ments de preuve doivent être écartés et rejetés
lorsque leur utilisation est susceptible de décon-
sidérer l'administration de la justice.
Quant au premier point soulevé, c'est-à-dire la
pertinence, les requérants se fondent sur deux déci-
sions assez récentes de cette Cour, savoir In the
Matter of Hoyle Industries Ltd and Hoyle Twines
Ltd. 2 et In re Romeo's Place Victoria Ltd. et al. 3 .
Comme en l'espèce, dans ces deux affaires on
s'appuyait sur le paragraphe 232(4) de la Loi de
l'impôt sur le revenu pour revendiquer le privilège
des communications entre client et avocat à l'égard
2 [1980] C.T.C. 501 (C.F. 1" inst.).
3 (1981), 81 DTC 5295 (C.F. 1e" inst.).
de certains documents des requérants, qui avaient
été saisis alors qu'ils étaient en la possession de
leurs avocats. Dans l'un et l'autre cas, il a été
ordonné que quelques-uns de ces documents, qui,
on le reconnaissait, ne bénéficiaient pas du privi-
lège des communications entre client et avocat,
soient rendus aux avocats pour la seule raison
qu'ils n'avaient aucune pertinence en tant que
preuve relative à la situation financière des
requérants.
Malheureusement, pour les raisons suivantes, je
me vois dans l'impossibilité de suivre ces décisions:
selon moi, l'article 232 a pour seul et unique objet
de permettre que la question du privilège des
communications entre client et avocat soit tran-
chée au moyen d'une procédure sommaire qui
comporte notamment la nomination d'un gardien
sans ordonnance d'une cour. En premier lieu, il
s'agit uniquement de documents qui sont en la
possession ou qui relèvent d'un avocat au sens de
l'article 232. Cet article ne s'applique donc pas à
un document qui peut se trouver en la possession
d'un comptable, d'une autre personne ou du contri-
buable. Le paragraphe (3), qui énonce la procé-
dure à suivre lorsqu'il y a tentative de saisie, ne
vise que le cas où le document est en la possession
d'un avocat et où celui-ci prétend qu'il se rapporte
à un client nommément désigné qui jouit d'un
privilège des communications entre client et avocat
en ce qui concerne ce document. Le paragraphe
(4) établit la façon de fixer une date et un lieu «où
sera décidée la question de savoir si le client jouit
du privilège des communications entre client et
avocat quant au document ...». Suivant le para-
graphe (5), l'audience doit être tenue à huis clos et
le juge doit «trancher la question» et ce «de façon
sommaire». Cela doit évidemment se rapporter à
l'affaire ou à la question visée au paragraphe (4).
Le paragraphe (10) autorise le juge à donner
d'autres directives sur la question, mais limite
expressément ce pouvoir aux directives «le[s] plus
aptes à atteindre le but, que se propose le présent
article, d'accorder le privilège des communications
entre client et avocat pour des fins pertinentes».
Bien que plusieurs autres paragraphes mention-
nent la question du privilège des communications
entre client et avocat, ils ne soulèvent ni directe-
ment ni indirectement aucune autre question.
Je dois en conclure qu'aussi bien les pouvoirs
conférés au juge que les procédures spéciales pré-
vues à l'article 232, dont l'obligation du fonction-
naire saisissant de placer le document, sans le
regarder, dans un colis, de sceller ce colis et de le
confier à un shérif du comté ou du district en
question, qui agira à titre de gardien, ont tous pour
seul et unique objet le règlement de la question de
l'existence possible d'un privilège des communica
tions entre client et avocat. Lorsqu'il est saisi d'une
demande de ce genre, le juge n'a pas compétence
pour trancher la question de la pertinence de la
preuve ni même pour trancher quelque autre ques
tion de fond.
En second lieu, même si cette compétence existe,
il est impossible au juge de la trancher à ce stade
des procédures parce qu'il n'est pas nécessaire aux
fins du litige qu'il y ait une décision sur la perti
nence de la preuve. L'article 231 autorise à entrer
et à saisir, disposant que cela peut se faire «pour
toute fin relative à l'application ou à l'exécution de
la présente loi». (Voir le paragraphe (1) précité.)
L'alinéa 231(1)d), précité, porte que le document
peut être utilisé comme preuve de la violation
d'une disposition de la Loi ou d'un règlement et le
paragraphe (4) confère le droit d'entrer dans des
locaux et de saisir la preuve s'il y a lieu de croire à
la possibilité d'une future infraction à la Loi ou à
son règlement d'application. Quand on tient
compte de la multiplicité de violations possibles et
des questions, principales et accessoires, présentes
et futures, qui peuvent en découler, et lorsqu'on se
rappelle qu'à l'heure actuelle ces questions sont
loin d'être fixées ou déterminées, selon moi, il est
tout à fait impossible en ce moment de rendre une
décision judiciaire valable sur la question de savoir
si un document déterminé est ou pourra être
pertinent.
Pour les raisons que je viens d'exposer, je refuse
d'examiner la question de la pertinence des chè-
ques ou des relevés bancaires en cause.
Passons maintenant à l'examen du second argu
ment des requérants suivant lequel la saisie des
documents était abusive et non autorisée et consti-
tuait donc une grave violation de leurs droits.
Tout d'abord, pour les motifs que j'ai déjà expo-
sés relativement à la question de la pertinence des
documents, je conclus que, dans le cas d'une
demande fondée sur l'article 232, je n'ai même pas
compétence pour examiner la question du carac-
tère excessif de la saisie, car l'article 232 m'auto-
rise uniquement à étudier la question du privilège
des communications entre client et avocat. Il existe
des recours pour ceux qui demandent réparation
par suite de perquisitions et de saisies excessives et
abusives, et le fait que la perquisition ou la saisie
peut constituer une violation du privilège des com
munications entre client et avocat est loin d'être
l'unique fondement d'un tel recours, mais l'article
232 de la Loi de l'impôt sur le revenu ne peut être
invoqué ni pour demander une réparation ni pour
en exiger l'exécution.
Finalement, puisque la demande découlant
d'une saisie excessive ou non autorisée est fondée
sur le fait que les documents ne se rapportent pas
aux affaires des requérants et ne leur appartien-
nent pas, il s'ensuit qu'aucun des requérants n'a
qualité pour saisir cette Cour d'une demande de
réparation touchant ces documents. Seules les per-
sonnes ayant des droits sur ces documents peuvent
être entendues sur toute question qui s'y rapporte.
En l'espèce, personne ne satisfait à cette exigence.
Par conséquent, même si j'avais compétence pour
trancher la question, et j'ai déjà conclu que je ne
l'ai pas, ce n'est pas à la demande des requérants
en l'espèce que je pourrais le faire.
Pour ces motifs, les chèques et les relevés ban-
caires, que j'ai personnellement placés dans une
enveloppe, en la cachetant, après l'audience et que
j'ai confiés à la garde de l'administrateur de dis
trict de cette Cour à Montréal, seront remis au
substitut du procureur général du Canada ou à son
représentant dûment autorisé pour qu'il en soit fait
usage conformément aux dispositions de la Loi de
l'impôt sur le revenu.
Le paragraphe 232(9) dispose qu'il ne peut être
accordé de frais sur la décision rendue au sujet
d'une demande prévue par l'article 232.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.