A-585-82
Ho Foo Tam (requérant)
c.
Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (intimé)
Cour d'appel, juge en chef Thurlow, juge Heald et
juge suppléant Primrose—Edmonton, 25, 26 et 27
octobre; Ottawa, 9 décembre 1982.
Contrôle judiciaire — Demandes d'examen — Immigration
— Enquête ajournée pour permettre la présentation au Minis-
tre d'une demande de permis — Attente de la décision du
Ministre — Nouvel ajournement refusé et ordonnance d'ex-
pulsion rendue — Il fallait déterminer si le fonctionnaire
délégué avait le pouvoir d'examiner une affaire qui était
encore entre les mains du Ministre — Il était inéquitable d'un
point de vue procédural de poursuivre l'enquête dans de telles
circonstances — L'arbitre a commis une erreur en refusant
d'entendre les arguments de l'avocat — Il n'est pas nécessaire
de se prononcer sur les arguments concernant la crainte rai-
sonnable de partialité ou la partialité effective — Ordonnance
d'expulsion annulée — Loi sur l'immigration de 1976, S.C.
1976-77, chap. 52, art. 26(2), 27(2)e), 28, 37, 104(2), 115(2),
123 — Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2' Supp.), chap.
10, art. 18, 28.
Immigration — Enquête ajournée pour permettre la présen-
tation au Ministre d'une demande de permis — Attente de la
décision du Ministre — Nouvel ajournement refusé et ordon-
nance d'expulsion rendue — Ordonnance d'expulsion annulée,
l'arbitre ayant agi de manière manifestement inéquitable —
Loi sur l'immigration de 1976, S.C. 1976-77, chap. 52, art.
19(1)e),(2)a), 26(2), 27(2)e), 28, 37, 39(1), 40(1), 42b), 83(1),
104(2), 115(2), 123.
L'expulsion du requérant a été ordonnée parce qu'il est entré
au Canada en qualité de visiteur et y est demeuré après avoir
perdu cette qualité, en violation de l'alinéa 27(2)e) de la Loi.
La Cour a été saisie, en vertu de l'article 28, d'une demande
d'examen et d'annulation de l'ordonnance au motif qu'il y a eu
iniquité procédurale et inobservation des principes de justice
naturelle. L'enquête a été ajournée pour permettre au requé-
rant de présenter une demande de permis au Ministre. Une
demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire a été
présentée et le bureau du Ministre a fait parvenir une lettre au
requérant l'avisant que celui-ci avait demandé un rapport aux
fonctionnaires compétents. Alors que le requérant attendait
encore la réponse du Ministre, un agent d'une section locale du
Ministère a fait valoir devant l'arbitre que l'enquête devait se
poursuivre. L'arbitre a confirmé les arguments de l'agent et a
refusé un ajournement.
Arrêt: il y a lieu d'accueillir la demande et d'annuler l'ordon-
nance d'expulsion.
Le juge en chef Thurlow (avec l'appui du juge suppléant
Primrose): Les principes d'équité applicables en l'espèce ont été
examinés par le juge en chef Laskin dans Nicholson c. Haldi-
mand-Norfolk Regional Board of Commissioners of Police,
[1979] 1 R.C.S. 311, et par le juge Le Dain dans Inuit
Tapirisat of Canada et autre c. Son Excellence le très honora-
ble Jules Léger, et autres, [1979] 1 C.F. 710 (C.A.). Si la
situation différait, le principe applicable restait le même. Étant
donné les circonstances de l'espèce, l'équité exigeait que l'en-
quête soit suspendue jusqu'à ce que le requérant ait reçu une
réponse du Ministre ou d'un représentant autorisé par le Minis-
tre à la donner. Bien que la demande du requérant ait été
adressée directement au Ministre et que son bureau en ait
accusé réception, rien n'indiquait que la demande avait été
renvoyée par le Ministre à des fonctionnaires du Ministère pour
qu'ils s'en occupent, en vertu d'une délégation aux termes de
l'article 123 des pouvoirs conférés au Ministre par l'article 37.
Rien n'indiquait non plus que le directeur du Centre d'immi-
gration qui a exigé la poursuite de l'enquête avait eu connais-
sance des motifs d'ordre humanitaire invoqués par le requérant
dans sa lettre adressée au Ministre. La Cour n'est pas convain-
cue qu'un fonctionnaire délégué pouvait s'attribuer le pouvoir
de décider de manière sommaire d'une demande présentée au
Ministre lui-même et que ce dernier avait encore en main et
devait examiner. La demande de permis présentée par le requé-
rant n'a pas été examinée par un fonctionnaire habilité à
prendre une décision à son sujet et il était inéquitable d'un
point de vue procédural d'exiger la poursuite de l'enquête alors
que le requérant attendait encore la réponse du Ministre.
Le juge Heald: L'arbitre a agi de manière manifestement
inéquitable en refusant d'entendre les arguments de l'avocat sur
la pertinence de l'arrêt Jiminez-Perez et sur la question de la
demande de dispense pour des motifs d'ordre humanitaire
présentée au gouverneur en conseil en vertu du paragraphe
115(2). L'arbitre ayant commis une erreur en refusant d'enten-
dre l'avocat, il n'est pas nécessaire de traiter de la question de
la crainte de partialité ou de la partialité effective. Il est
difficile de dire lequel des participants a le plus contribué à
l'atmosphère acrimonieuse dont témoignent les notes sténogra-
phiques.
JURISPRUDENCE
DÉCISION SUIVIE:
Nicholson c. Haldimand-Norfolk Regional Board of
Commissioners of Police, [1979] I R.C.S. 311.
DÉCISION APPLIQUÉE:
Inuit Tapirisat of Canada et autre c. Son Excellence le
très honorable Jules Léger, et autres, [1979] I C.F. 710
(C.A.).
DÉCISIONS CITÉES:
Ramawad c. Le ministre de la Main-d'œuvre et de
l'Immigration, [1978] 2 R.C.S. 375; Louhisdon c.
Emploi et Immigration Canada, [1978] 2 C.F. 589
(C.A.); Oloko c. Emploi et Immigration Canada et
autre, [1978] 2 C.F. 593 (C.A.); Jiminez-Perez et autre
c. Le ministre de l'Emploi et de l'Immigration, et autres,
[1983] 1 C.F. 163 (C.A.); Re Mauger and Minister of
Employment & Immigration (1980), 119 D.L.R. (3d) 54
(C.F. Appel).
AVOCATS:
Donald Lee pour le requérant.
Felicity Hunter pour l'intimé.
PROCUREURS:
Witten, Vogel, Binder & Lyons, Edmonton,
pour le requérant.
Le sous-procureur général du Canada pour
l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE EN CHEF THURLOW: La Cour est
saisie d'une demande d'examen et d'annulation, en
vertu de l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale,
S.R.C. 1970 (2e Supp.), chap. 10, de l'ordonnance
d'expulsion établie contre le requérant le 16 juin
1982. Les moyens invoqués sont l'iniquité procédu-
rale et l'inobservation des principes de justice
naturelle parce que l'arbitre a refusé au requérant
l'ajournement de l'enquête le concernant jusqu'à
ce qu'il reçoive une réponse aux requêtes qu'il
avait adressées au Ministre, d'une part, en vue
d'obtenir un permis en vertu de l'article 37' de la
' 37. (I) Le Ministre peut délivrer un permis écrit autorisant
une personne à entrer au Canada ou à y demeurer. Peuvent se
voir octroyer un tel permis
a) les personnes faisant partie d'une catégorie non admissi
ble, désireuses d'entrer au Canada, ou
b) les personnes se trouvant au Canada, qui font l'objet ou
sont susceptibles de faire l'objet du rapport prévu au para-
graphe 27(2).
(2) Par dérogation au paragraphe (1), ne peuvent obtenir le
permis
a) les personnes ayant fait l'objet d'une ordonnance de
renvoi, qui se trouvent encore au Canada sauf si l'appel
interjeté de cette ordonnance a été accueilli;
b) les interdits de séjour qui n'ont pas encore quitté le
Canada; ou
e) les personnes se trouvant encore au Canada dont l'appel
interjeté en vertu de l'article 79 a été rejeté.
(3) Le permis est valable pour la durée qui y est indiquée et
qui ne peut dépasser douze mois.
(4) Le Ministre peut, par écrit et à tout moment, proroger la
durée de validité d'un permis ou l'annuler.
(5) Le Ministre peut, à l'annulation ou à l'expiration d'un
permis, prononcer le renvoi de son titulaire ou ordonner à ce
dernier de quitter le Canada dans un délai déterminé.
(6) Le Ministre peut prononcer l'expulsion des personnes à
qui il a ordonné de quitter le Canada et qui ne l'ont pas fait
dans le délai imparti.
(7) Le Ministre doit déposer au Parlement, dans les trente
premiers jours de chaque exercice financier, ou, si le Parlement
ne siège pas, dans les trente premiers jours de la séance
suivante, un rapport précisant le nombre de permis délivrés au
(Suite à la page suivante)
Loi et au gouverneur en conseil d'autre part, pour
obtenir une dispense aux termes du paragraphe
115(2) 2 de la Loi, en invoquant dans les deux cas
des considérations d'ordre humanitaire, et parce
que l'arbitre s'est également montré partial et
hostile à l'égard de l'avocat du requérant.
L'ordonnance d'expulsion indique que le requé-
rant est né à Hong Kong et qu'il est citoyen du
Royaume-Uni et de ses colonies. Son expulsion est
ordonnée en vertu de l'alinéa 27(2)e) de la Loi sur
l'immigration de 1976, S.C. 1976-77, chap. 52,
parce que, n'étant pas un citoyen canadien ou un
résident permanent, il est entré au Canada en
qualité de visiteur et y est demeuré après avoir
perdu cette qualité. Il ressort du dossier que le
requérant est arrivé au Canada en décembre 1977,
qu'il a fait l'objet d'un avis d'arrestation aux
termes du paragraphe 104(2) de la Loi, en date du
23 avril 1982, alléguant qu'il était un des cas visés
à l'alinéa 27(2)e) de la Loi et qu'aux termes de
l'article 28 de la Loi, une enquête serait tenue le
28 avril 1982. II ressort également que l'enquête a
été reportée au 28 mai 1982 et ajournée de nou-
veau de cette date au 15 juin 1982. Le dossier ne
dit pas qui a accordé ces ajournements ni la raison
du premier de ceux-ci. En ce qui concerne le
second, l'agent chargé de présenter le cas a indiqué
à l'arbitre, dans sa réponse à la première requête
formulée par le requérant pour un nouvel ajourne-
ment, le 15 juin 1982, que:
[TRADUCTION] J'ai appris aujourd'hui que M. Tam souhaitait
que son cas soit examiné par le Ministre. En fait l'enquête a
déjà été ajournée auparavant, du 28 mai à aujourd'hui, parce
que M. Lee avait indiqué que l'on étudiait la question.
Le 28 mai 1982, deux lettres étaient adressées
par le requérant, ou en son nom, au gouverneur en
(Suite de la page précédente)
cours de la précédente année civile et pour chaque permis
délivré
a) à une personne désireuse d'entrer au Canada, la catégorie
non admissible à laquelle elle appartient; ou
b) à une personne au Canada, l'alinéa du paragraphe 27(2)
qui s'applique et en vertu duquel un rapport a été fait ou peut
l'être.
2 115....
(2) Lorsqu'il est convaincu qu'une personne devrait être
dispensée de tout règlement établi en vertu du paragraphe (1)
ou que son admission devrait être facilitée pour des motifs de
politique générale ou des considérations d'ordre humanitaire, le
gouverneur en conseil peut, par règlement, dispenser cette
personne du règlement en question ou autrement faciliter son
admission.
conseil, d'une part, et au Ministre, d'autre part. En
voici le texte:
[TRADUCTION]
Gouverneur en conseil
OTTAWA (Ontario)
Messieurs,
J'ai l'honneur de demander une dispense en vertu de l'article
115(2) de la Loi sur l'immigration de 1976 qui dispose:
«Lorsqu'il est convaincu qu'une personne devrait être dispen
sée de tout règlement établi en vertu du paragraphe (I) ou
que son admission devrait être facilitée pour des motifs de
politique générale ou des considérations d'ordre humanitaire,
le gouverneur en conseil peut, par règlement, dispenser cette
personne du règlement en question ou autrement faciliter son
admission.«
Mon cas est actuellement examiné par le Centre d'immigration
du Canada, à Edmonton (Alberta), qui refuse de m'autoriser à
demeurer au Canada (numéro du dossier: 4712-6993 XY).
Je suis arrivé au Canada en décembre 1977 et j'y vis depuis
cette date. Durant mon séjour au Canada, j'ai toujours été en
mesure de subvenir à mes propres besoins grâce à l'aide finan-
cière que m'ont fait parvenir mes parents qui vivent à Hong
Kong. Mon père est comptable et ma mère esthéticienne; ils
m'envoient régulièrement 350 $ par mois pour mes frais de
subsistance. Je suis né à Hong Kong; j'ai un frère d'environ
deux ans mon aîné, qui a obtenu au Japon un diplôme de
bachelier en études commerciales, et une soeur qui a environ un
an de moins que moi et qui travaille actuellement à Hong
Kong. Je demande qu'il me soit autorisé de poursuivre mon
séjour jusqu'à décembre 1982 afin d'achever mes études de
géographie à la Faculté des Arts de l'Université de l'Alberta,
Edmonton (Alberta).
Un simple examen de mon dossier révélera les problèmes
manifestes qu'il soulève, mais je dois toutefois vous prier ins-
tamment de m'autoriser à terminer mes études. Un retour forcé
à Hong Kong, dans de telles circonstances, constituerait pour
ma famille et moi-même une grave humiliation. Mes parents
sont, comme moi, extrêmement déçus et attristés par ma situa
tion actuelle au Canada et je vous demande de bien vouloir
envisager de m'accorder une dispense en vertu de l'article
115(2) de la Loi sur l'immigration de 1976 en raison des
circonstances de mon cas, afin de me permettre de terminer
mes études. Vous trouverez ci-jointe une copie de la lettre en
date du 27 mai 1982 de M. E. Reinhold, vice-doyen de l'Uni-
versité de l'Alberta, Faculté des Arts, Edmonton (Alberta),
m'informant que je pourrais être admis à l'essai comme étu-
diant de l'Université. Je vous remercie d'avance de l'attention
que vous voudrez bien porter à cette question.
Je vous prie d'agréer, Messieurs, l'expression de mes sentiments
respectueux.
TONY HO FOO TAM
Pièce jointe
L'honorable Lloyd Axworthy
Ministre de l'Emploi et de l'Immigration
Chambre des communes
OTTAWA (Ontario)
Cher Monsieur,
J'ai l'honneur de vous demander par la présente un permis.
Mon cas est actuellement examiné par le Centre d'immigration
du Canada, à Edmonton (Alberta), qui refuse de m'autoriser à
demeurer au Canada (numéro du dossier: 4712-6993XY).
Je suis arrivé au Canada en décembre 1977 et j'y vis depuis
cette date. Durant mon séjour au Canada, j'ai toujours été en
mesure de subvenir à mes propres besoins grâce à l'aide finan-
cière que m'ont fait parvenir mes parents qui vivent à Hong
Kong. Mon père est comptable et ma mère esthéticienne; ils
m'envoient régulièrement 350 $ par mois pour mes frais de
subsistance. Je suis né à Hong Kong; j'ai un frère d'environ
deux ans mon aîné, qui a obtenu au Japon un diplôme de
bachelier en études commerciales, et une sœur qui a environ un
an de moins que moi et qui travaille actuellement à Hong
Kong. Je demande qu'il me soit autorisé de poursuivre mon
séjour jusqu'à décembre 1982 afin d'achever mes études de
géographie à la Faculté des Arts de l'Université de l'Alberta,
Edmonton (Alberta).
Un simple examen de mon dossier révélera les problèmes.
manifestes qu'il soulève, mais je dois toutefois vous prier ins-
tamment de m'autoriser à terminer mes études. Un retour forcé
à Hong Kong, dans de telles circonstances, constituerait pour
ma famille et moi-même une grave humiliation. Mes parents
sont, comme moi, extrêmement déçus et attristés par ma situa
tion actuelle au Canada et je vous demande de bien vouloir
envisager de m'accorder un permis en raison des circonstances
de mon cas, afin de me permettre de terminer mes études. Vous
trouverez ci-jointe une copie de la lettre en date du 27 mai 1982
de M. E. Reinhold, vice-doyen de l'Université de l'Alberta,
Faculté des Arts, Edmonton (Alberta), m'informant que je
pourrais être admis à l'essai comme étudiant de l'Université. Je
vous remercie d'avance de l'attention que vous voudrez bien
porter à cette question.
Je vous prie d'agréer, Monsieur, l'expression de mes sentiments
respectueux.
TONY HO FOO TAM.
Pièce jointe
Au 15 juin 1982, date de la reprise de l'enquête,
le requérant n'avait pas reçu de réponse à la lettre
adressée au gouverneur en conseil, mais en avait
reçue une du bureau du Ministre en date du 3 juin
1982. La lettre disait ceci:
[TRADUCTION]
Cher Monsieur,
Le Ministre, l'honorable Lloyd Axworthy, m'a demandé
d'accuser réception de votre lettre du 28 mai 1982, concernant
votre demande de permis.
Un rapport sera demandé aux fonctionnaires compétents et le
Ministre vous écrira dès qu'il aura examiné ce rapport.
Je vous prie de croire, Monsieur, à ma considération
distinguée.
Charles J.G. Verge
Coordinateur
Services du secrétariat
Je devrais souligner dès maintenant que je n'ai
rien trouvé au dossier qui indique que l'arbitre, à
la reprise de l'enquête le 15 juin 1982, était au
courant de cet échange de lettres. Ni apparem-
ment d'ailleurs l'agent chargé de présenter le cas
ou le directeur du Centre d'immigration du
Canada. En outre, il se peut également que l'avo-
cat du requérant n'ait pas été mis au courant à
cette époque de la lettre du Ministre.
À la reprise de l'enquête, l'avocat du requérant a
demandé un ajournement. La transcription de
cette partie des procédures est fragmentaire mais il
en ressort ceci (additif numéro 1, pages A et B):
[TRADUCTION] DE L'ARBITRE À L'AVOCAT
Je remarque qu'à l'origine, cette enquête était prévue pour le 28
avril 1982 et mon agenda indique qu'elle a été réinscrite pour
aujourd'hui.
R. Monsieur, je parlais à Mm' Bacon d'une demande d'ajour-
nement (que j'ai l'intention de vous soumettre). Sous
réserve de cela, je suis prêt à passer à l'examen de
l'affaire.
DE L'ARBITRE À L'AGENT CHARGÉ DE PRÉSENTER LE CAS
Q. Mm' Bacon?
R. La Commission s'opposerait à un ajournement à ce stade
des procédures.
DE L'ARBITRE À L'AVOCAT
Q. Sur quoi se fonde votre demande, M. Lee? De quoi
parlez-vous?
R. M. Tam a adressé une lettre au gouverneur en conseil
(invoquant l'article) 115(2) de la Loi sur l'immigration
qui confère au gouverneur en conseil le pouvoir de dispen
ser M. Tam de l'application des règlements établis en
vertu de la Loi sur l'immigration. Cette lettre a été
envoyée en mai, ainsi qu'une autre lettre adressée au
ministre de l'Immigration, en mai également, lui deman-
dant de bien vouloir envisager de lui accorder un permis
en vertu de l'article pertinent de la Loi. ( ) Mon
sieur, nous estimons que les informations données dans
ces lettres devraient mener à un examen des circonstances
de cette affaire. Il y a un certain nombre de considéra-
tions dont il faut tenir compte en vertu des ( ).
Q. ( ) peut être examiné, n'est-ce pas?
R. Oui Monsieur, d'après ce que nous savons, les parties en
cause examinent la question ( ).
Monsieur Lee, je veux seulement savoir quel est le fondement
de votre requête. Mm' Bacon (s'est opposée à l'ajournement).
DE L'ARBITRE À L'AGENT CHARGÉ DE PRÉSENTER LE CAS
Q. Mn' Bacon, étiez-vous au courant de tout cela, en votre
qualité de représentante du Ministre?
R. J'ai appris aujourd'hui que M. Tam souhaitait que le
Ministre examine son cas. En fait, l'enquête a déjà été
ajournée auparavant, du 28 mai à aujourd'hui, parce que
M. Lee avait indiqué que la question était à l'étude.
R. La Commission s'oppose à un ajournement parce qu'elle
estime que la délivrance d'un permis est une décision
purement discrétionnaire. L'autorité compétente pour
délivrer un permis au nom du Ministre ...
Q. Oui?
R. J'ai discuté de cette question avec le délégué du Ministre
(le directeur du Centre d'immigration du Canada et cette
dernière) a demandé que l'enquête se poursuive.
Merci.
DE L'ARBITRE A L'AVOCAT
Q. M. Tam et M. Lee ...
R. Monsieur, je voudrais souligner que ... (
Q. Tout ceci déborde le cadre de ma juridiction. Vous devez
en être conscient.
R. (À ma connaissance) vous avez le pouvoir d'accorder un
ajournement.
Q. Je vous renvoie aux règlements relatifs aux ajournements
( )•
R. ( ) souhaite cette discussion. Je voudrais vous expo-
ser la jurisprudence sur ce point ( ) ce qui vous
permettrait également d'accorder un ajournement si les
circonstances s'y prêtaient. ( ) afin simplement de
donner aux autorités compétentes (le temps nécessaire
pour répondre aux lettres de M. Tam).
Q. Est-ce tout?
R. ( ).
LA SÉANCE EST SUSPENDUE
À la reprise de l'audience, l'avocat du requérant
a fait valoir de nouveaux arguments en faveur de
l'ajournement, concluant, après avoir cité l'affaire
Ramawad 3 , dans les termes suivants (additif
numéro 1, pages D et E):
[TRADUCTION] Q. Merci. Pensez-vous que cela corresponde
à la situation de votre client?
R. Oui monsieur. La situation est la suivante: nous pensons
que le Ministre poursuit actuellement l'examen de ce cas
(et si l'enquête devait continuer) vous pourriez alors
prononcer une ordonnance d'expulsion qui priverait mon
client d'une décision du Ministre. (Si le Ministre) déci-
dait qu'il pouvait demeurer au Canada, il serait peut-être
trop tard. ( ) je déclare ( ).
DE L'ARBITRE A L'AVOCAT
(Le Ministre a) exercé son pouvoir discrétionnaire d'accorder
un permis. Ce pouvoir a été exercé par l'intermédiaire du
délégué du Ministre. Le directeur du Centre d'immigration du
Canada a le pouvoir de délivrer ou de ne pas délivrer un permis
de ce type et elle a décidé en l'espèce de ne pas le faire. Elle n'a
pas pris sa décision au vu de la demande soumise puisque, à ce
moment-là, elle était entre les mains de l'agent d'immigration
supérieur et que rien n'indiquait que la décision du Ministre
avait été prise. Le cas de M. Tam est différent. L'agent chargé
de présenter le cas, M"'e Bacon, m'a informé de cela de manière
tout à fait satisfaisante. Cela me suffit et nous ne reviendrons
plus sur cette question.
3 Ramawad c. Le ministre de la Main-d'oeuvre et de l'Immi-
gration, [1978] 2 R.C.S. 375.
R. Une fois encore, ( ) dire que j'essayais de vous faire
remarquer que ...
Q. N'en parlons plus!
C'est alors que l'avocat du requérant a présenté
une deuxième demande d'ajournement fondée sur
une procédure engagée par le Ministère contre le
requérant devant une cour provinciale qui devait
être entendue le lendemain. Cette deuxième
requête ayant été rejetée, l'avocat présenta une
troisième demande d'ajournement, en vue de lui
permettre de demander un bref de prohibition en
Cour fédérale. L'arbitre répondit que si le conseil-
ler n'avait pas de bref de prohibition, l'enquête ne
serait pas ajournée.
L'enquête a alors été suspendue jusqu'à l'après-
midi. A la reprise de l'audience, l'avocat signifia à
l'arbitre et à l'agent chargé de présenter le cas, un
avis de demande de prohibition présenté à la Cour
fédérale et soutint qu'étant donné cette demande
et dans l'intérêt de la justice naturelle, l'affaire
devait être ajournée jusqu'à ce que la Cour fédé-
rale ait eu la possibilité de se prononcer. Voici ce
qui apparaît dans la transcription des procédures
(pages 3, 4 et 5):
DE L'AVOCAT À L'ARBITRE
* * *
[TRADUCTION] Toutefois, Monsieur, au vu de cette demande
que nous venons à peine de terminer pendant l'heure du déjeu-
ner, entre la première suspension de séance et celle-ci, j'espère
que vous déciderez maintenant qu'il convient de permettre à la
Cour fédérale d'exercer sa juridiction sur cette demande. Je
tiens à ajouter également, Monsieur, qu'il y a un document qui
ne vous a pas été présenté aujourd'hui puisqu'il n'était pas
disponible et qui fait partie de l'affidavit, ainsi qu'une lettre du
Ministre datée du 3 juin qui, comme je l'indiquais à MmC
Bacon, constituait l'accusé de réception de la lettre de mon
client par l'honorable Ministre Axworthy. Il indique dans cette
lettre qu'un rapport sera demandé aux fonctionnaires compé-
tents et que le Ministre répondra dès qu'il aura reçu ce rapport.
Il est donc évident, Monsieur, à mon sens du moins, que, quoi
qu'en pense la Commission, le Ministre lui-même continue à
examiner la question. Je souhaite présenter l'original de cette
lettre qui, comme je l'ai dit, fait partie de l'affidavit.
R. Et la lettre est datée du 3 juin.
C'est exact. Nous n'avons pas échangé d'autres lettres après
cette date, ce qui, à mon avis, indique également qu'il se passe
quelque chose et qu'en fait, la Commission, en déclarant qu'au-
cun permis ne sera délivré dans les circonstances, ne répond pas
à tous les aspects de la question, puisque le Ministre est
certainement ... ne dit certainement pas la même chose que la
Commission.
R. M. Lee, vous avez terminé votre exposé?
Oui, mais je tiens à dire qu'il y avait ce matin certains points
que je souhaitais discuter, mais vous avez statué sur ces ques-
Lions et indiqué que vous n'étiez pas prêt à en poursuivre la
discussion. Je crois toutefois, Monsieur, que sur ce point la
situation est assez claire et que ...
R. Bien, merci M. Lee.
DE L'ARBITRE À L'AGENT CHARGE DE PRÉSENTER LE CAS
Q. M°" Bacon, avez-vous des commentaires à faire sur ce
dernier point?
R. Je me bornerai à dire, Monsieur l'arbitre, qu'à la séance
précédente de l'enquête, la Commission n'avait pas été
mise au courant du fait qu'un membre du bureau du
Ministre, et non le Ministre lui-même, mais je dis bien le
bureau du Ministre avait accusé réception de la lettre de
M. Tam. La lettre elle-même parait ...
Q. Vous parlez de la lettre présentée par M. Tam?
R. C'est exact, Monsieur.
Q. Ou que M. Lee a présentée?
R. Oui, Monsieur.
Q. Datée du 3 juin?
R. Oui. La lettre indique que le Ministre écrira à M. Tam.
Q. Et vous n'étiez pas au courant de cela?
R. Je n'en avais pas eu connaissance à ce moment,
Monsieur.
Q. Et quelle conséquence cela a-t-il? Cela vous cause-t-il des
difficultés? Avez-vous modifié votre point de vue depuis
ce matin?
R. (pas de réponse)
Q. Souhaitez-vous un ajournement?
R. Monsieur l'arbitre, pourrions-nous suspendre la séance,
pendant cinq minutes peut-être?
Q. Oui et alors .. .
R. . .. afin de ...
Q. ... nous en reparlerons. Je vous demande pour le
moment si vous avez des commentaires à faire. Vous
m'avez répondu en partie. Je voudrais également savoir si
vous avez des observations à faire en ce qui concerne les
documents présentés par M. Lee et que vous souhaitez
consigner au dossier,
R. (pas de réponse)
JE VERSE AU DOSSIER, COMME PIÈCE P-1, EN UNE SEULE
LIASSE, LA REQUÊTE INTRODUCTIVE D'INSTANCE ET CE
QUI CONSTITUE APPAREMMENT UN AFFIDAVIT Y AFFÉ-
RENT, AINSI QUE CETTE LETTRE ET LA LETTRE DATÉE
DU 3 JUIN ADRESSÉE PAR M. CHARLES J. VERGE, COOR-
DINATEUR DES SERVICES DE SECRÉTARIAT, À M. TONY
HO FOO TAM, À EDMONTON, DONT L'EN-TÊTE PORTE LA
MENTION DU BUREAU DU MINISTRE DE L'IMMIGRA-
TION. EN UNE SEULE LIASSE, PIÈCE P-1,
la séance est suspendue.
SUSPENSION DE SÉANCE
Q. Mm' Bacon?
R. Oui, Monsieur, je voudrais tout d'abord dire que je
déplore ce retard dû au décalage horaire entre Edmonton
et Ottawa et qui m'a causé quelques difficultés lorsque
j'ai essayé de joindre quelqu'un. Monsieur l'arbitre, en ce
qui concerne la requête, ou l'acte introductif d'instance
concernant la poursuite de l'enquête, la Commission ne
pense pas qu'elle puisse empêcher que l'enquête suive son
cours. Je vous renverrais pour cela à l'affaire Samuel Lee
Nelson, soumise à la Division de première instance de la
Cour fédérale, dans laquelle cette Cour a rejeté une
requête de bref de prohibition dont le but était d'empê-
cher l'arbitre de poursuivre l'enquête avant que soit prise
une décision sur le permis. Pour ce qui est de la position
adoptée par la Commission en ce qui concerne la pour-
suite de l'enquête, je me contenterai de redire ce que je
déclarais ce matin. La Commission s'oppose à un ajour-
nement et demande que l'enquête suive son cours. Merci.
Merci.
DE L'ARBITRE À L'AVOCAT
M. Lee, je vous ai donné ma réponse ce matin, sur votre
demande d'ajournement pendant la durée des procédures intro-
duites en Division de première instance de la Cour fédérale.
R. Monsieur, si mes souvenirs sont exacts, la raison qui m'a
parue primordiale dans votre esprit était que la Commis
sion affirmait qu'en fait notre demande ne serait pas prise
en considération. Maintenant la Commission ... la
preuve écrite est parfaitement claire et maintenant ...
dans les conclusions qui ont été exposées par mon éminent
collègue, Mm` Bacon, la position de la Commission parait
avoir légèrement changé. Elle n'est pas aussi ferme que ce
matin lorsqu'elle déclarait catégoriquement que ... la
demande ne serait pas examinée. Je crois, Monsieur, que
votre raisonnement était fondé sur la distinction à établir
entre l'affaire que je vous avais mentionnée et le cas de
Monsieur ...
M. Lee, s'il vous plaît, M. Lee.
DE L'ARBITRE À L'AGENT CHARGÉ DE PRÉSENTER LE CAS
Q. M"' Bacon, vous soutenez qu'en tant que représentante
du Ministre vous demandez que l'enquête se poursuive
maintenant?
R. C'est exact, Monsieur, comme je le signalais ce matin, le
pouvoir discrétionnaire que possède le Ministre en ce qui
concerne la délivrance du permis a été exercé. Il a été
exercé par son délégué, le directeur de ce bureau et je ...
crois que vous voudrez verser au dossier la note que le
directeur a adressé à l'équipe chargée de présenter le cas,
pour demander que l'enquête se poursuive.
Je ne crois pas en avoir besoin, c'est pourquoi je vous ai
demandé votre point de vue en votre qualité de représentante
du Ministre.
DE L'ARBITRE À L'AVOCAT
M. Lee, il est possible que je me trompe, mais je ne suis pas sûr
de vous avoir expliqué ce que je pensais de votre demande
d'ajournement en vue de permettre à votre client de s'adresser à
la Division de première instance de la Cour fédérale pour lui
demander une ordonnance interdisant de poursuivre la procé-
dure. Je disais ce matin que si vous n'aviez pas de bref,
d'ordonnance de la Cour, la procédure correcte serait, à mon
avis, que vous attendiez d'abord que je me prononce. Si on
adoptait un point de vue différent, cela voudrait dire qu'il
suffirait de faire une requête à la Cour pour arrêter toutes les
enquêtes. Nous avons déjà passé beaucoup de temps sur cette
affaire et pour l'essentiel sur les objections que vous avez
soulevées et vos demandes d'ajournement. L'enquête se
poursuit.
R. Monsieur, si je puis m'exprimer sur ce point ...
Q. Avez-vous l'intention de contester ce que je viens de dire?
R. Je présente mon argumentation, Monsieur. Voulez-vous
dire que je ne peux pas exposer mes arguments?
Q. Non, je ne suis pas disposé à discuter plus longuement de
ce point, M. Lee.
R. Bien Monsieur.
Q. Avez-vous quelque chose de nouveau à me présenter?
R. Eh bien, je crois que ...
Q. Avez-vous quelque chose de nouveau à me présenter?
R. Eh bien, je crois ...
Q. Quelque chose de nouveau?
R. ... j'ai effectivement quelque chose de nouveau à sou-
mettre, Monsieur.
Q. Avez-vous un nouveau motif à invoquer pour demander
un ajournement?
R. Eh bien, je voulais simplement dire, Monsieur, ...
Q. M. Lee, répondez à ma question.
R. Oui Monsieur ...
Q. Avez-vous un nouveau moyen à me soumettre pour
demander un ajournement?
R. Monsieur, en toute déférence, s'il y a ... que tout au long
de ces procédures ...
Q. M. Lee .. .
R. ... je crois ...
Q. ... même si vous me parlez, selon vos propres termes, en
toute déférence, vous continuez en fait de défier ma
décision de poursuivre mes procédures. Vos demandes
d'ajournement sont refusées.
R. (pas de réponse)
Les échanges précités constituent ce qui est, à
mon avis, la plus importante des questions soule-
vées au nom du requérant. Il ne s'agit pas simple-
ment en l'espèce du cas où une demande de permis
est adressée au Ministre avant ou pendant une
enquête, et où il est demandé un ajournement pour
attendre sa réponse. Voir à ce sujet Louhisdon c.
Emploi et Immigration Canada 4 et Oloko c.
Emploi et Immigration Canada et autres. En l'es-
pèce, une enquête a été ajournée pour permettre à
l'intéressé de demander un permis au Ministre, la
demande était adressée au Ministre à Ottawa et
invoquait des motifs d'ordre humanitaire; le
bureau du Ministre a accusé réception de la
demande et promis une réponse dès qu'il aurait
reçu un rapport; et, au moment qui nous intéresse,
4 [1978] 2 C.F. 589 (C.A.).
5 [1978] 2 C.F. 593 (C.A.).
la réponse n'a pas été encore reçue. Il semble
d'ailleurs qu'elle n'ait jamais été reçue.
Étant donné les circonstances, peut-on dire que
la procédure suivie par le Ministère a été équitable
à l'égard du requérant si, le 15 juin 1982, alors que
ce dernier attendait encore la réponse promise par
le Ministre, un agent d'une section locale du
Ministère a ordonné la poursuite de l'enquête et
s'est opposé à l'ajournement de procédures dont le
résultat pouvait priver le Ministre de son pouvoir
d'accorder un permis?
Les principes applicables en l'espèce sont expo-
sés dans les extraits suivant du jugement du juge
en chef Laskin dans l'arrêt Nicholson c. Haldi-
mand- Norfolk Regional Board of Commissioners
of Police 6 :
En bref, bien qu'à mon avis l'appelant ne puisse pas réclamer
la protection de la procédure prévue pour un agent de police
engagé depuis plus de dix-huit mois, on ne peut lui refuser toute
protection. On doit le traiter «équitablement» et non arbitraire-
ment. J'accepte donc aux fins des présentes et comme un
principe de common law ce que le juge Megarry a déclaré dans
Bates v. Lord Hailsham, ([1972] 1 W.L.R. 1373), la p. 1378:
[TRADUCTION] «dans le domaine de ce qu'on appelle le quasi-
judiciaire, on applique les règles de justice naturelle et, dans le
domaine administratif ou exécutif, l'obligation générale d'agir
équitablement».
A mon avis, on aurait dû dire à l'appelant pourquoi on avait
mis fin à son emploi et lui permettre de se défendre, oralement
ou par écrit au choix du comité. Il me semble que le comité
lui-même voudrait s'assurer qu'il n'a commis aucune erreur
quant aux faits ou circonstances qui ont déterminé sa décision.
Une fois que le comité a obtenu la réponse de l'appelant, il lui
appartiendra de décider de la mesure à prendre, sans que sa
décision soit soumise à un contrôle ultérieur, la bonne foi étant
toujours présumée. Ce processus est équitable envers l'appelant
et fait également justice au droit du comité, en sa qualité
d'autorité publique, de décider, lorsqu'il connaît la réponse de
l'appelant, si l'on doit permettre à une personne dans sa situa
tion de rester en fonction jusqu'au moment où la procédure lui
offrira une plus grande protection. Le titulaire d'une charge
mérite cette protection minimale, même si son entrée en fonc-
tion est très récente.
et du jugement du juge Le Dain dans l'affaire
Inuit Tapirisat of Canada et autre c. Son Excel
lence le très honorable Jules Léger, et autres'.
L'équité procédurale, tout comme la justice naturelle, est une
exigence de la common law et s'applique en matière d'interpré-
tation des lois écrites. En l'absence de dispositions procédurales
expresses, elle est considérée comme implicitement prévue par
la loi. Il est nécessaire d'examiner le contexte législatif de
e [1979] 1 R.C.S. 311, aux pp. 324 et 328.
7 [1979] 1 C.F. 710 (C.A.), à la p. 717.
l'autorité prise dans son ensemble. Le véritable point en litige
est la question de savoir quelle procédure il convient d'imposer
à une autorité déterminée compte tenu de la nature de cette
dernière et du genre de pouvoir qu'elle exerce, et quelles
conséquences en résulteront pour ceux qui ont à subir ce
pouvoir. Il ne faut pas oublier de maintenir l'équilibre entre les
exigences d'équité et les besoins du processus administratif en
cause.
En règle générale, les affaires de ce genre por
tent sur des situations qui mettent en cause l'éten-
due du droit de l'intéressé à être entendu. La
présente affaire est donc différente à cet égard. En
l'espèce, un fonctionnaire exige la poursuite d'une
ligne de conduite qui rendrait totalement inutile
une demande que le requérant a été en mesure de
présenter et qu'il a fondée sur des motifs qui
peuvent être pris en considération aux fins de
l'article 37 mais qui ne peuvent être invoqués au
cours de l'enquête dont le fonctionnaire en ques
tion exige la poursuite. Toutefois, si la situation
diffère, le principe applicable reste le même. Le
fonctionnaire doit agir de manière équitable même
s'il exerce un pouvoir purement administratif.
J'estime que la procédure suivie par le Ministère
manquait d'équité. On peut supposer, puisque ce
point n'est pas pertinent en l'espèce, que le requé-
rant avait prolongé trop longtemps son séjour au
Canada, qu'il s'était exposé à une expulsion et qu'il
n'avait pas d'argument à soumettre à l'arbitre pour
répondre aux allégations formulées contre lui.
Même dans ces circonstances, le Ministère, en
traitant de son cas, était tenu de respecter l'équité
procédurale à laquelle il avait droit. Puisque l'en-
quête avait été ajournée le 28 mai 1982 pour lui
permettre de présenter sa requête au Ministre et
que ce dernier, dans sa réponse, s'était engagé à lui
écrire dès qu'il aurait reçu un rapport, l'équité
exigeait, à mon avis, que l'enquête soit suspendue
jusqu'à ce qu'il ait reçu une réponse du Ministre
ou d'un représentant du Ministère autorisé par le
Ministre à la lui donner en son nom.
Je crois qu'il est important de rappeler que le
requérant n'a pas adressé sa requête à un fonction-
naire local ayant autorité d'exercer les pouvoirs
conférés au Ministre par l'article 37 en vertu d'une
délégation de pouvoirs aux termes de l'article 123 8 .
La demande était adressée directement au Minis-
tre. Le bureau du Ministre en a directement
accusé réception par une lettre qui promettait en
outre que le Ministre répondrait par écrit. Le
requérant n'a jamais reçu de réponse. Rien n'indi-
que non plus que la demande du requérant a été
renvoyée par le Ministre à des fonctionnaires du
Ministère pour qu'ils s'en occupent ou y répondent,
en vertu d'une délégation aux termes de l'article
123 des pouvoirs conférés au Ministre par l'article
37. Il semble même que le directeur du Centre
d'immigration du Canada qui a exigé la poursuite
de l'enquête n'a pas eu connaissance ni n'a tenu
compte des motifs d'ordre humanitaire invoqués
par le requérant dans la lettre qu'il avait adressée
au Ministre pour demander un permis. Il ressort
seulement du dossier, à cet égard, qu'à la séance
du matin du 15 juin 1982, l'agent chargé de
présenter le cas a déclaré que le fonctionnaire en
cause, dont on dit qu'il était fonctionnaire délégué,
mais qui apparemment n'avait pas eu connaissance
de la demande présentée au Ministre par le requé-
rant, ni des motifs invoqués, ni de la réponse du
Ministre, avait exercé le pouvoir discrétionnaire du
Ministre et avait demandé instamment le matin et
l'après-midi, après avoir pris connaissance de la
lettre du Ministre, que l'enquête se poursuive.
Je puis comprendre qu'un fonctionnaire délégué
exerce les pouvoirs du Ministre à l'égard d'une
requête présentée au bureau d'immigration où il
exerce ses fonctions. Je puis comprendre qu'un tel
fonctionnaire donne suite à une demande qui, bien
que présentée ailleurs, a été communiquée à son
bureau pour décision. Je ne suis pas convaincu
qu'un tel fonctionnaire délégué soit autorisé à
s'attribuer, de son propre chef, le pouvoir d'exami-
ner une demande présentée à un autre bureau qui
pourrait se situer à des milliers de kilomètres de
8 123. Le Ministre ou le sous-ministre peut, lorsqu'il le juge
nécessaire, déléguer à des employés de la fonction publique du
Canada les pouvoirs et fonctions que lui confèrent la présente
loi ou les règlements, à l'exception de ceux qui sont visés aux
alinéas 19(1)e) et 19(2)a), aux paragraphes 39(1) et 40(1), à
l'alinéa 426) et au paragraphe 83(1). Les actes accomplis par
lesdits fonctionnaires sont réputés l'avoir été par le Ministre ou
le sous-ministre, selon le cas.
celui où il exerce ses fonctions, et d'en décider de
manière sommaire. Rien dans le dossier n'indique
que le directeur du Centre d'immigration du
Canada à Edmonton avait, sans plus, le pouvoir
d'examiner et de rejeter une demande adressée
directement au Ministre et que ce dernier, comme
sa lettre l'indique, avait encore en main et devait
examiner.
De plus, rien n'indique au dossier, à mon sens,
que le requérant a reçu une réponse écrite ou
verbale à sa demande de permis du fonctionnaire
en cause ou de quiconque. Ce qui s'est passé, me
semble-t-il, c'est que le fonctionnaire en question a
simplement exigé la poursuite d'une enquête qui, si
elle aboutissait à une ordonnance d'expulsion, met-
trait fin à la demande de permis. Même le docu
ment remis par l'agent chargé de présenter le cas
et refusé par l'arbitre, tel que décrit par le premier,
ne constituait pas une réponse à la demande de
permis. Il s'agissait apparemment d'une note
demandant la poursuite de l'enquête. Je suis donc
d'avis qu'en fait, la demande de permis présentée
par le requérant n'a pas été examinée par un
fonctionnaire habilité à prendre une décision à son
sujet et qu'il était inéquitable d'un point de vue
procédural d'exiger la conclusion de l'enquête alors
que le requérant attendait encore la réponse pro
mise par le Ministre.
Compte tenu de ma conclusion, il ne me sera pas
nécessaire d'examiner les autres points soulevés ni
de me prononcer à leur sujet.
J'annulerais donc l'ordonnance d'expulsion.
LE JUGE SUPPLÉANT PRIMROSE: Je souscris.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE HEALD: Le requérant en l'espèce
demande l'examen et l'annulation, en vertu de
l'article 28, de l'ordonnance d'expulsion prononcée
contre lui par un arbitre, M. E. C. Berry, le 16 juin
1982. L'ordonnance d'expulsion était fondée sur
l'alinéa 27(2)e) de la Loi sur l'immigration de
1976, parce que le requérant se trouvait au
Canada sans être citoyen canadien ni résident
permanent et était entré au Canada en qualité de
visiteur, y était demeuré après avoir perdu cette
qualité, son séjour dépassant la durée autorisée.
Selon la preuve présentée à l'enquête, le requérant,
originaire de Hong Kong est arrivé au Canada, à
Vancouver, le 20 décembre 1977. L'agent d'immi-
gration ne lui a pas demandé combien de temps il
avait l'intention de demeurer au Canada et son
passeport ne porte aucune mention relative à la
durée permise du séjour. L'arbitre a eu raison de
signaler, à mon avis, qu'aux termes des disposi
tions du paragraphe 26(2) de la Loi, un visiteur
n'est pas autorisé à rester au Canada plus de trois
mois à compter de la date d'entrée autorisée au
Canada «sauf indication contraire et écrite de la
part d'un agent d'immigration ou d'un arbitre...»
La preuve établit également que le requérant n'a
jamais demandé d'autre prolongation et l'arbitre a
indiqué qu'il s'estimait en droit de conclure en
l'absence de preuve contraire, qu'à aucun moment
le requérant n'avait quitté le Canada puisqu'il était
présent à l'enquête 9 . Compte tenu de cela, l'arbitre
a conclu que le requérant était demeuré au
Canada après avoir perdu sa qualité de visiteur et
était donc une des personnes décrites à l'alinéa
27(2)e) de la Loi sur l'immigration de 1976.
Les événements d'importance qui ont abouti à
l'enquête et à l'ordonnance d'expulsion sont les
suivants: le requérant fut arrêté le 23 avril 1982
conformément à l'article 104 de la Loi sur l'immi-
gration de 1976. Il fut sommé de comparaître à
une enquête le 28 avril 1982, puis l'enquête fut
ajournée au 28 mai 1982 et ajournée de nouveau
ce jour-là au 15 juin 1982. L'enquête commença le
15 juin, en présence du requérant et de son avocat,
et se poursuivit ce jour-là de 9 h à 17 h environ,
avec une suspension de séance pour le déjeuner et
deux courtes suspensions de séance pendant
l'après-midi. À 17 h environ, l'enquête fut ajournée
à 13 h le lendemain 16 juin 1982 et se termina
l'après-midi du 16 par le prononcé d'une ordon-
nance d'expulsion.
L'avocat du requérant conteste l'ordonnance
d'expulsion en cause en se fondant sur deux motifs
principaux: tout d'abord, l'iniquité procédurale et
9 L'arbitre a fondé ses conclusions sur les mentions inscrites
dans le passeport du requérant et le témoignage de l'agent
d'immigration Haist qui s'était entretenue avec le requérant.
Sur le conseil de son avocat, le requérant s'est abstenu de
témoigner à l'enquête.
le déni de justice naturelle qui ont résulté de la
conduite adoptée, par l'arbitre pendant toute la
durée des procédures d'enquête et, en second lieu,
l'hostilité ouvertement manifestée par l'arbitre, au
cours de l'enquête, à l'égard de l'avocat du requé-
rant, donnant ainsi naissance à une crainte raison-
nable de partialité ou à une attitude partiale
viciant les procédures et l'ordonnance d'expulsion
prononcée à l'issue de celles-ci.
Traitons tout d'abord du premier motif précité:
il est fondé sur le refus de l'arbitre de faire droit à
la demande de l'avocat du requérant d'ajourner les
procédures d'enquête en raison des circonstances
suivantes: le 28 mai 1982, le requérant écrivit au
ministre de l'Emploi et de l'Immigration pour lui
demander un permis qui lui permette de rester au
Canada jusqu'au mois de décembre 1982, date à
laquelle il espérait avoir obtenu son diplôme de
géographie à la Faculté des Arts de l'Université de
l'Alberta à Edmonton. Bien que la lettre n'indique
pas expressément les dispositions législatives invo-
quées pour la délivrance d'un permis du Ministre,
il est admis par les parties que le Ministre avait le
pouvoir d'accorder un tel permis en vertu des
dispositions du paragraphe 37(1) de la Loi sur
l'immigration de 1976 10 . Le requérant écrivit une
autre lettre, datée également du 28 mai 1982,
adressée cette fois au gouverneur en conseil,
Ottawa (Ontario), relatant sa situation en des
termes très similaires et demandant au gouverneur
en conseil de lui accorder une dispense conformé-
ment aux dispositions du paragraphe 115(2) de la
Loi sur l'immigration de 1976. La lettre cite et
mentionne expressément ce paragraphe qui pré-
voit:
1.1.5... .
(2) Lorsqu'il est convaincu qu'une personne devrait être
dispensée de tout règlement établi en vertu du paragraphe (1)
ou que son admission devrait être facilitée pour des motifs de
politique générale ou des considérations d'ordre humanitaire, le
gouverneur en conseil peut, par règlement, dispenser cette
10 Le paragraphe 37(1) dit ceci:
37. (1) Le Ministre peut délivrer un permis écrit autorisant
une personne à entrer au Canada ou à y demeurer. Peuvent
se voir octroyer un tel permis
a) les personnes faisant partie d'une catégorie non admissi
ble, désireuses d'entrer au Canada, ou
b) les personnes se trouvant au Canada, qui font l'objet ou
sont susceptibles de faire l'objet du rapport prévu au
paragraphe 27(2).
personne du règlement en question ou autrement faciliter son
admission.
Lorsque l'enquête débuta le 15 juin 1982, la situa
tion du requérant était la suivante: il n'avait pas
encore reçu de réponse à sa lettre du 28 mai au
gouverneur en conseil; il avait toutefois une
réponse à la lettre du même jour qu'il avait adres-
sée au Ministre; la réponse était datée du 3 juin
1982 et portait la signature d'un certain Charles J.
G. Verge, avec la mention suivante: «Coordinateur
Services du secrétariat» du bureau du Ministre à
Ottawa. Voici le texte de cette lettre (page 52 de la
transcription):
Le Ministre, l'honorable Lloyd Axworthy, m'a demandé
d'accuser réception de votre lettre du 28 mai 1982, concernant
votre demande de permis.
Un rapport sera demandé aux fonctionnaires compétents et le
Ministre vous écrira dès qu'il aura examiné ce rapport.
En conséquence, presque immédiatement après
l'ouverture de l'enquête par l'arbitre, l'avocat du
requérant demanda un ajournement parce qu'au-
cune réponse n'avait été donnée à la demande de
dispense en vertu du paragraphe 115(2) et aucune
réponse définitive n'avait été reçue au sujet de la
demande de permis aux termes de l'article 37.
L'agent chargé de présenter le cas, qui représentait
la Commission, s'opposa à la demande d'ajourne-
ment pour la raison suivante (additif numéro 1,
page B, de la transcription "):
La Commission s'oppose à un ajournement parce qu'elle estime
que la délivrance d'un permis est une décision purement discré-
tionnaire ...
J'ai discuté de cette question avec le délégué du Ministre (le
directeur du Centre d'immigration du Canada et cette der-
nière) a demandé que l'enquête se poursuive.
L'arbitre a refusé la demande d'ajournement parce
qu'à son avis, le pouvoir discrétionnaire du Minis-
tre de délivrer un permis en vertu de l'article 37
Il La page 2 de la transcription des débats de l'enquête
comporte la mention suivante, peu après l'ouverture de l'en-
quête, le 15 juin, [TRADUCTION] «45 MINUTES DE L'ENQUÊTE
NE SONT PAS TRANSCRITES EN RAISON D'UN DÉFAUT D'ENRE-
GISTREMENT, VOIR L'ADDITIF N° I.» L'additif n° 1 allant de la
page A à la page E, et décrit comme une [TRADUCTION]
«TRANSCRIPTION PARTIELLE DES PASSAGES MANQUANTS À
L'ENREGISTREMENT DE L'ENQUÊTE DE L'IMMIGRATION ...
ÉTABLIE À PARTIR DE NOTES INCOMPLÈTES PRISES AU COURS
DE L'ENQUÊTE.» Les parties ont admis que les pages A à E
précitées ne constituent pas une transcription entière eLcom-
plète des 45 minutes manquantes.
avait été exercé par l'intermédiaire de son délégué,
le directeur du Centre d'immigration du Canada,
qui avait décidé de ne pas délivrer de permis dans
ce cas (voir l'additif à la transcription, à la page
D).
Après la suspension de séance du déjeuner,
l'avocat du requérant a informé l'arbitre qu'une
requête introductive d'instance avait été déposée
en Division de première instance pour demander,
en vertu de l'article 18 de la Loi sur la Cour
fédérale, qu'il soit interdit à l'arbitre de poursuivre
les procédures jusqu'à ce que soit connu le résultat
des demandes soumises en vertu de l'article 37 et
du paragraphe 115(2), et, invoquant ce motif, il a
demandé de nouveau l'ajournement des procédu-
res. Après une courte suspension de séance, l'agent
chargé de présenter le cas s'est opposé à l'ajourne-
ment tout en réaffirmant qu'à son avis le délégué
du Ministre avait rejeté la demande de permis
présentée conformément à l'article 37. L'arbitre a
alors de nouveau refusé l'ajournement demandé
par l'avocat du requérant. L'enquête s'est alors
poursuivie. Comme je l'ai indiqué ci-dessus, le
requérant, suivant l'avis de son avocat, a refusé de
témoigner. Toutefois, l'agent chargé de présenter
le cas a cité l'agent d'immigration Haist et a établi
par son témoignage les allégations formulées par la
Commission, à la satisfaction de l'arbitre. Après
avoir entendu ce témoignage sous serment et les
arguments de l'agent chargé de présenter le cas,
l'arbitre a demandé à l'avocat du requérant s'il
avait lui-même des preuves à soumettre au nom du
requérant. L'avocat a alors de nouveau soulevé la
question de la demande présentée aux termes du
paragraphe 115(2) et a cité à l'appui l'affaire
Jiminez-Perez 12 . Voici ce qui apparaît dans la
transcription à ce sujet (aux pages 21, 22 et 23):
[TRADUCTION] R. L'autre question que je voudrais vous sou-
mettre, Monsieur, concerne l'affaire Perez et tout ce qui
tient au paragraphe 115(2), du point de vue de la discus
sion ...
Q. L'affaire Perez est une affaire que vous n'avez pas
étudiée.
R. C'est-à-dire ... Eh, bien je ... j'ai reçu quelques explica
tions à son sujet.
Q. Bon, dans ce cas, nous allons ajourner maintenant. Vous
pourrez lire l'arrêt Perez et poursuivre.
R. Oui, mais la transcription devrait clairement indiquer,
Monsieur, que nous n'avons pas parlé du paragraphe
12 Jiminez-Perez et autre c. Le ministre de l'Emploi et de
l'Immigration, et autres, [1983] 1 C.F. 163 (C.A.).
115(2). Nous avons parlé du Ministre, mais c'est en vertu
de l'article 37 seulement que la requête lui a été adressée.
La ... la question du paragraphe 115(2) n'a jamais été
résolue par la Commission ni par vous-même.
M. Lee, ceci se situe en dehors des limites de mon pouvoir
d'accorder un tel ajournement. Je compte sur le représen-
tant du Ministre pour m'exposer le point de vue du
Ministre. L'enquête est ajournée pour une quinzaine de
minutes.
SUSPENSION DE SÉANCE
Reprenons l'enquête. M. Lee, vous avez reçu copie de la
décision en question. Comme je vous l'indiquais plus tôt,
j'ai connaissance de cette affaire et je soulignerais ceci
... Je suis tenu de respecter, de tenir compte de la
jurisprudence et la relecture de cet arrêt m'a rappelé et
confirmé qu'il n'appuie en rien l'argumentation de votre
client. Il ne traite absolument pas de la même situation.
R. Puis-je répondre à ceci?
Oui, je vous en prie.
R. Bien que ce soit avant cela, Monsieur, je faisais quelques
remarques au sujet de vos observations et il y avait un
autre point que je n'avais pas fini d'exposer lorsque vous
avez ajourné la séance; il s'agit du fait, Monsieur, que
vous nous faisiez remarquer que c'était à vous d'être
convaincu au sujet ...
M. Lee, je dois vous interrompre parce que je ne suis pas ici
pour débattre ce point avec vous. Une fois que j'ai formulé une
conclusion, le sujet est clos. Je n'ai pas l'intention de consacrer
le temps de l'enquête et les transcriptions des débats à vos
remarques qui n'ont aucun rapport avec les questions qui me
sont soumises ...
R. Monsieur, je croyais que vous pensiez vous-même qu'il
était important de faire quelques commentaires généraux
sur votre rôle et je voulais simplement ...
M. Lee, il se trouve que je suis l'arbitre. Je vous ai rappelé quel
était votre rôle. Je dois poursuivre.
Q. Avez-vous des preuves à présenter au nom de votre client
en ce qui concerne les questions que je dois trancher dans
cette enquête?
R. Il y a des arguments que je souhaiterais présenter,
Monsieur.
Q. Avez-vous des preuves?
R. (Pas de réponse)
Q. Êtes-vous capable de répondre à une question par oui ou
par non, M. Lee?
R. Monsieur, je ne suis pas prêt à répondre à des questions
lorsqu'elles sont ...
Q. Vous refusez donc de répondre.
R. Je ne suis pas ... je n'ai pas dit cela, Monsieur. J'ai
simplement indiqué que je n'étais pas prêt à répondre à
des questions qui me sont posées de la manière où elles
ont été présentées. Je vous fais simplement remarquer que
j'ai des arguments pertinents ...
Q. M. Lee, comprenez-vous ma question?
R. Non, je ...
Q. Comprenez-vous mes questions?
R. Non, Monsieur, franchement pas.
Q. Avez-vous des preuves ... Avez-vous des preuves à pré-
senter au nom de votre client?
R. Je pense avoir ..
Q. Au sujet des questions que je dois trancher?
R. Je crois en avoir.
Q. Dans ce cas, veuillez présenter les preuves dont vous
disposez.
R. Eh bien, je vous faisais simplement remarquer, Monsieur,
Q. Un argument n'est pas une preuve, M. Lee.
R. Je pense, Monsieur, que vous demandez des preuves au
sujet de faits relatifs aux questions que vous devez tran-
cher et je crois que la preuve que je vous ai soumise ...
Q. Vous souvenez-vous des questions à résoudre dans cette
enquête?
R. Monsieur, je ne vous ai même pas exposé mon argumen
tation. En toute déférence, je ne vois pas comment vous
pouvez dire s'il s'agit ou non d'une preuve ou s'il s'agit ou
non d'un point pertinent.
Q. Il y a eu un témoin à l'enquête; l'agent d'immigration
Haist a été interrogée par le représentant du Ministre.
Vous avez déclaré plus tôt que vous n'aviez aucune
question à poser à Mll' Haist. Je n'ai pas renvoyé le
témoin. On me dit que M"' Haist reste à la disposition de
l'enquête. Avez-vous des questions à lui poser?
R. Non Monsieur, je voudrais soumettre quelques arguments
fondés sur l'affaire que vous m'avez demandé de lire
pendant les suspensions de séance et que je vous avais
mentionnée auparavant; j'ai également quelques argu
ments à présenter au sujet des dernières remarques que
vous avez faites avant cet ajournement. Je crois, Mon
sieur, que vous m'aviez invité à les présenter et je n'avais
pas terminé.
Q. Un moment s'il vous plaît, M. Lee. Vous avez dit que
vous n'aviez aucune question à poser à Mlle Haist. Avez-
vous des preuves à soumettre au nom de votre client?
R. Je n'ai pas de témoin, Monsieur.
Q. Votre client est-il prêt à répondre à des questions?
R. Je vous ai indiqué, Monsieur, que mon client ne peut être
contraint à témoigner, si je me fonde sur les affaires que
vous avez mentionnées et que je vous ai citées, ainsi que
sur la Charte et donc ...
Q. Une fois encore ...
R. Puisqu'il ne peut être contraint à témoigner ...
Q. ... Une fois encore, je vous demande de répondre par oui
ou par non. Votre client est-il prêt à témoigner à
l'enquête?
R. Puisque mon client ne peut-être contraint à témoigner,
Monsieur, il n'est pas ...
Il ressort clairement de ce passage que, malgré les
quinze minutes de suspension de séance accordées
à l'avocat du requérant pour lui permettre de relire
la décision Jiminez-Perez, l'arbitre ne l'a pas auto-
risé, à la reprise de l'enquête, à présenter les
arguments qu'il souhaitait soumettre au sujet de
l'application de cet arrêt en l'espèce. En revanche,
il a entendu par la suite de nouveaux arguments
avancés par l'agent chargé de présenter le cas.
Après cela, l'avocat du requérant a essayé une fois
de plus d'évoquer la question du paragraphe
115(2) et de présenter les arguments qu'il fondait
sur l'arrêt Jiminez-Perez. A la page 25 de la
transcription, on trouve l'échange suivant entre
l'arbitre et l'avocat du requérant:
[TRADUCTION] Q. Avez-vous des arguments à me présenter
au sujet de la preuve produite sur les questions à trancher
dans cette enquête? M. Tam est-il une personne répon-
dant à la description de l'alinéa 27(2)e)? Je vous
demande de répondre par oui ou par non.
R. Monsieur, je voudrais souligner également que vous nous
avez donné le jugement Perez que j'avais mentionné et
que vous nous aviez indiqué que nous serions autorisés à
présenter des arguments ...
M. Tarn ...
R. A ce sujet ...
DE L'ARBITRE À L'INTÉRESSÉ
M. Tam, je n'écouterai plus votre avocat s'il persiste dans cette
voie.
Après cela, l'arbitre a entamé la discussion de la
question centrale dans les procédures, celle de
savoir si le requérant était visé par la description
donnée à l'alinéa 27(2)e) de la Loi.
Sur la base de cette transcription, je suis con-
vaincu que l'arbitre n'a pas agi de la manière
appropriée lorsqu'il a refusé d'autoriser l'avocat du
requérant à présenter ses arguments concernant la
requête présentée en vertu du paragraphe 115(2).
Après avoir accordé à l'avocat une courte suspen
sion de séance pour qu'il étudie la pertinence de
l'arrêt Jiminez-Perez, il a refusé d'entendre ses
arguments à ce sujet, déclarant simplement «... la
relecture de cet arrêt m'a rappelé et confirmé qu'il
n'appuie en rien l'argumentation de votre client>.
Lorsque de nouveau, l'avocat a essayé, plus tard,
de présenter ses arguments sur ce point, il l'a fait
taire sommairement par la déclaration suivante:
«M. Tam, je n'écouterai plus votre avocat s'il
persiste dans cette voie.» Il est manifeste, à mon
avis, que le comportement de l'arbitre constitue à
l'égard du requérant un déni de justice naturelle et
d'équité procédurale. Que l'affaire Jiminez-Perez
ait été ou non pertinente en l'espèce, l'avocat du
requérant était très certainement en droit de pré-
senter ses arguments sur l'application de cet arrêt
comme tout autre argument qu'il estimait perti
nent dans le cadre de la question posée. En déci-
dant sommairement que l'arrêt Jiminez-Perez
n'était pas applicable, sans entendre ce que l'avo-
cat voulait dire pour le convaincre du contraire,
l'arbitre a agi d'une manière qui est à mon avis
manifestement inéquitable. Je conviens que l'avo-
cat du requérant a contribué, dans une certaine
mesure, à cette situation, puisqu'il n'a pas toujours
répondu directement aux questions que lui posait
l'arbitre. Quoi qu'il en soit, le fait est qu'en cinq
occasions différentes au moins ", l'avocat du
requérant a mentionné la question du paragraphe
115(2) devant l'arbitre et n'a jamais été autorisé,
dans ces cinq cas, à présenter ses arguments à son
sujet. Je suis convaincu que l'avocat essayait d'ex-
poser un point important. Je ne suis pas aussi
certain que l'arbitre paraissait l'être que l'arrêt
Jiminez-Perez n'était aucunement pertinent en
l'espèce. Sans me prononcer expressément sur l'in-
cidence que pourraient avoir d'autres décisions de
la présente Cour 14 sur l'affaire qui nous intéresse,
je pense que l'arbitre aurait dû donner à l'avocat
l'occasion, à un moment ou à un autre des procé-
dures, de présenter les arguments qu'il souhaitait
manifestement exposer sur la question de la
demande faite au gouverneur en conseil en vertu
du paragraphe 115(2).
J'en viens maintenant au deuxième motif invo-
qué par l'avocat du requérant pour contester l'or-
donnance d'expulsion et qui concerne la crainte
raisonnable de partialité ou la partialité effective.
Il a cité un certain nombre de passages des trans-
èriptions dans lesquels, selon lui, les remarques que
l'arbitre adressait à l'avocat révélaient manifeste-
ment une hostilité ouverte à son égard. Je conviens
que, dans de nombreux cas, les remarques de
l'arbitre étaient inopportunes et qu'il aurait été
sans doute préférable qu'il s'abstienne. Il est toute-
fois difficile pour un tribunal chargé d'examiner
des procédures quasi judiciaires de ce type de
reconstituer l'atmosphère véritable des procédures
par le seul moyen d'une transcription écrite (qui,
dans ce cas, est loin d'être une transcription com-
plète). Pour être juste à l'égard de l'arbitre, il
'' Voir l'additif n° 1 à la transcription, p. B; p. 2; pp. 18 et 19;
pp. 21 23 citées plus haut; et p. 25 citée plus haut.
14 Je pense à l'arrêt Jiminez-Perez (précité) et à l'arrêt Re
Mauger and Minister of Employment & Immigration (1980),
119 D.L.R. (3d) 54 (C.F. Appel), à la p. 76.
convient de noter qu'il ressort des transcriptions
qu'il était exaspéré par ce qu'il considérait être des
manoeuvres dilatoires de l'avocat et par les tentati-
ves de ce dernier d'évoquer au cours des procédu-
res des questions qui, aux yeux de l'arbitre,
n'avaient aucune incidence sur le point à trancher.
Malheureusement, l'arbitre a, à mon avis, commis
une erreur en refusant d'entendre ce que voulait
dire l'avocat du requérant sur le paragraphe
115(2). Étant donné ma conclusion sur le premier
motif invoqué au nom du requérant, il ne me sera
pas nécessaire de me prononcer de manière défini-
tive sur les arguments concernant la crainte raison-
nable de partialité ou la partialité effective. Je
tiens toutefois à ajouter que j'ai rarement lu une
transcription aussi déplaisante. À mon grand sou-
lagement, il n'est ni nécessaire ni souhaitable de
déterminer lequel des participants a le plus contri-
bué à l'atmosphère acrimonieuse qui a prévalu du
commencement à la fin des procédures.
Par ces motifs, j'accepterais la demande fondée
sur l'article 28 et j'annulerais l'ordonnance d'ex-
pulsion prononcée contre le requérant le 16 juin
1982 par l'arbitre E. C. Berry.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.