T-5215-80
Jean Thelma Keeler, exécutrice de la succession
David Thompson (demanderesse)
c.
La Reine (défenderesse)
Division de première instance, juge Mahoney—
Toronto, 14 et 16 juin 1982.
Couronne — Action en dommages-intérêts — Séquestration
erronée et négligence — Demande en vertu de la Règle 474
pour décision sur une question de droit — Le défunt avait été
condamné en 1965 à 10 ans de prison; en liberté conditionnelle
en 1968; inculpé de viol et tentative de viol en 1969; déclaré
coupable en mai 1969 de viol et d'attentat à la pudeur et
condamné en septembre 1969 12 ans de prison pour viol et,
pour attentat à la pudeur, à 2 ans à purger consécutivement
aux 12 autres — Aux termes de l'art. 13 de la Loi sur la
libération conditionnelle de détenus, en vigueur à la date des
condamnations, la libération conditionnelle était «immédiate-
ment frappée de déchéance» dès la déclaration de culpabilité
— En vertu du nouvel art. 13, en vigueur à la date du prononcé
de la sentence, la déchéance de la libération conditionnelle
était censée dater du jour où l'infraction avait été commise —
Conformément à l'art. 17 de la Loi, la peine était purgée
consécutivement au reste de la peine initiale — Peine recalcu-
lée correctement — Libération conditionnelle frappée de
déchéance par la condamnation pour viol, et non pas censée
être frappée de déchéance par la condamnation pour attentat à
la pudeur — Le nouvel art. 13 n'est pas rétroactif — Le
législateur n'avait pas l'intention de donner à l'art. 13 un effet
rétroactif — La peine de douze ans devait être purgée consécu-
tivement à ce qui restait de la peine initiale — Loi sur la
libération conditionnelle de détenus, S.C. 1958, chap. 38, art.
13, 17 — Loi de 1968-69 modifiant le droit pénal, S.C.
1968-69, chap. 38, art. 101 — Règle 474 de la Cour fédérale.
DEMANDE.
AVOCATS:
James Fyshe pour la demanderesse.
Robert W. Hubbard pour la défenderesse.
PROCUREURS:
James Fyshe, Toronto, pour la demanderesse.
Le sous-procureur général du Canada pour la
défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE MAHONEY: Il s'agit en l'espèce d'une
action en dommages-intérêts pour séquestration
erronée et négligence. On demande à la Cour, sur
le fondement de la Règle 474, de décider de la
question de droit suivante:
[TRADUCTION] Considérant l'exposé conjoint des faits, la peine
de David Thompson a-t-elle été adéquatement recalculée quant
à ses condamnations pour les infractions de 1969?
Thompson avait été condamné, le 12 juillet
1965, une peine de dix ans à purger dans un
pénitencier fédéral. Il obtint sa libération condi-
tionnelle le 29 novembre 1968. Alors qu'il jouissait
de cette libération conditionnelle, il fut inculpé de
tentative de viol et de viol, les chefs nO5 1 et 2,
respectivement, de l'inculpation. La tentative de
viol aurait eu lieu le 17 février 1969 et le viol, deux
jours plus tard. Le 20 mai 1969, il plaida coupable
quant au chef n° 2 et, quant au chef n° 1, coupable
de l'infraction moindre d'attentat à la pudeur. Ses
plaidoyers furent acceptés et il fut réincarcéré en
attendant sa condamnation.
A l'époque des condamnations, le 20 mai 1969,
la Loi sur la libération conditionnelle de détenus,
de 1958', ci-après l'«ancienne Loi», portait:
13. Si un détenu à liberté conditionnelle est déclaré coupable
d'un acte criminel, commis après l'octroi de la libération condi-
tionnelle et punissable d'un emprisonnement d'au moins deux
ans, sa libération conditionnelle est, de la sorte, immédiatement
frappée de déchéance.
Les dispositions pertinentes de la Loi de 1968-69
modifiant le droit pénale sont entrées en vigueur,
après proclamation, le 26 août 1969. Elles abro-
gent l'article 13 de l'ancienne Loi, lui substituant
ce qui suit:
13. (1) Lorsqu'un individu qui est ou qui a été à un moment
un détenu à liberté conditionnelle est déclaré coupable d'un
acte criminel punissable d'un emprisonnement d'au moins deux
ans, commis après que la libération conditionnelle lui a été
accordée et avant qu'il ait été relevé des obligations de cette
libération conditionnelle ou avant l'expiration de sa sentence, sa
libération conditionnelle est, de ce fait, frappée de déchéance et
cette déchéance est censée dater du jour où l'infraction a été
commise. [C'est moi qui souligne.]
Le paragraphe 13(2) ne joue pas en l'espèce'.
Le 8 septembre 1969, Thompson était condamné
à douze ans d'emprisonnement pour viol et, pour
attentat à la pudeur, à deux ans, à purger consécu-
tivement aux douze autres. Les démarches admi-
nistratives nécessaires pour le retour de Thompson
au pénitencier furent alors effectuées afin qu'il
purge le restant de sa peine initiale ainsi que les
nouvelles.
' S.C. 1958, chap. 38.
2 S.C. 1968-69, chap. 38, art. 101.
3 L'article 13 est maintenant devenu l'article 17 des S.R.C.
1970, chap. P-2.
Voici le litige: y a-t-il eu déchéance de la libéra-
tion conditionnelle au moment de la condamnation
de Thompson pour viol, laquelle a précédé la con-
damnation pour attentat à la pudeur, ou faut-il
présumer la déchéance au moment de la condam-
nation pour attentat à la pudeur, première infrac
tion perpétrée? Les parties ont, d'un commun
accord, épargné à la Cour la peine d'effectuer les
deux calculs. Si la libération conditionnelle a été
frappée de déchéance par la première condamna-
tion, il aurait eu le droit d'être relaxé le 17 avril
1981 au plus tôt. Si, toutefois, on doit présumer la
déchéance au jour de la perpétration de la pre-
mière des infractions, il aurait dû être libéré dès le
17 novembre 1977. La disparité tient aux disposi
tions impératives de l'article 17 de l'ancienne Loi
comme de la nouvelle 4 , selon lesquelles la peine
pour une infraction, dont la condamnation opère
déchéance de la libération conditionnelle, doit être
purgée consécutivement au reste de la peine ini-
tiale. Si la peine de deux ans se révélait être celle
visée par cette disposition, la directive du juge qui
a condamné, selon laquelle celle-ci devrait être
purgée consécutivement à la peine de douze ans, ne
prévaudrait pas et cette peine de deux ans serait
purgée consécutivement au reste mais celle de
douze ans le serait en même temps que les deux
autres. Cela, je le souligne, sont les faits constants;
je ne me prononce pas sur le bien-fondé en droit de
cette conclusion, mais me borne à l'accepter
comme telle.
Thompson fut condamné alors que l'ancienne
Loi était en vigueur; aussi, lors de sa première
condamnation, celle pour viol, sa libération condi-
tionnelle fut «de la sorte, immédiatement frappée
de déchéance». La proclamation de l'entrée en
vigueur de la nouvelle Loi n'a pas eu pour effet de
faire revivre cette libération conditionnelle. L'arti-
cle 13 de la nouvelle Loi n'est pas libellé en termes
rétroactifs et rien dans les dispositions connexes
n'amène à conclure que le législateur ait eu une
telle intention. Le moment du prononcé de la
sentence n'a rien à voir avec la déchéance; il ne fait
que fournir les chiffres nécessaires à un calcul
arithmétique. La peine de douze ans pour viol
devait être purgée consécutivement à ce qui restait
de la peine initiale.
La réponse à la question est donc «oui». Il n'a
pas été demandé à la Cour d'allouer les dépens.
4 L'article 17 est maintenant devenu l'article 21 des S.R.C.
1970, chap. P-2.
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