T-1849-82
Midway Mfg. Co. (demanderesse)
c.
Melvin Bernstein, 436635 Ontario Limited, fai-
sant affaires sous la raison sociale Amusement
Sales & Distributing, Fun Donuts Ltd., Karrum
Amusements Ltd., Karsten Rumpf, Canadian
Amusement Sales and Distributing Ltd., Raymond
Alexander Halady, Porta -Flex Products Limited,
Coinex Video Games Inc., Donald F. Guy, David
Carnie, Arc Video Distributors Inc., Daniel
O'Leary, Con Waugh, Metro Fun Fair Inc., Kiril
Glavanov, Patricia Rutty, Tivoli Funfair Limited,
Arthur S. Richman, Astromin Limited, Lawrence
Isadore Herman, Kurt Reichenberger, Harold
Schneidergruber, Peg's Pinball Parlour Inc., Mar-
garet Elizabeth McKinlay (défendeurs)
Division de première instance, juge Collier—Van-
couver, 22, 23 et 24 septembre 1982.
Droit d'auteur — Pratique — Injonction interlocutoire
annulée parce que des faits pertinents importants n'ont pas été
dévoilés — L'omission de dévoiler ne porte pas atteinte aux
parties des ordonnances dites Anton Piller qui permettent à la
demanderesse de pénétrer dans les locaux des défendeurs pour
saisir les documents qui se rapportent à la prétendue violation
du droit d'auteur.
If s'agit d'une requête en vue d'obtenir l'annulation d'ordon-
nances rendues ex parte qui interdisent aux défendeurs de
violer le droit d'auteur de la demanderesse sur trois jeux vidéo
et qui autorisent la demanderesse à pénétrer dans les locaux des
défendeurs, à procéder à une perquisition et à enlever les
documents qui se rapportent à ces jeux. Les ordonnances ont
été délivrées ex parte parce que la demanderesse a allégué que
les jeux et les documents pourraient disparaître si elle donnait
un avis de la requête. Le profit que la demanderesse retire des
jeux vidéo provient de la vente à des concessionnaires. La
demanderesse n'a pas dévoilé qu'elle avait cessé la fabrication
et la vente d'un des jeux, Pac-Man, deux mois avant les
déclarations sous serment à l'appui de la requête ex parte, et
qu'elle avait lancé une nouvelle version de ce jeu.
Jugement: la requête est accueillie en partie. Pour une
demande d'injonction ex parte, le demandeur doit faire la
preuve d'un tort irréparable. Puisque Pac-Man n'existait plus à
la date de la requête, on ne peut plus faire la preuve d'un
préjudice de nature économique. L'injonction est annulée. Les
parties des ordonnances qui prévoient des dispositions dites
Anton Piller sont maintenues puisque les éléments de preuve les
justifient et que la non-divulgation ne porte pas directement sur
cet aspect des ordonnances.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS SUIVIES:
Thermax Limited v. Schott Industrial Glass Limited,
[1981] F.S.R. 289 (Ch. D.); Gulf Islands Navigation
Ltd. v. Seafarers International Union of North America
(Canadian District) et al. (1959), 18 D.L.R. (2d) 216
(C.S. C.-B.).
DÉCISIONS CITÉES:
The King v. The General Commissioners for the purposes
of the Income Tax Acts for the District of Kensington,
[1917] 1 K.B. 486; Dalglish v. Jarvie (1850), 42 E.R. 89
(Ch. D.); Lazard Brothers and Company v. Banque
Industrielle de Moscou, [1932] 1 K.B. 617; Lazard
Brothers and Company v. Midland Bank, Limited,
[1933] A.C. 289; Griffin Steel Foundries Ltd. v. Cana-
dian Association of Industrial, Mechanical & Allied
Workers et al. (1977), 5 C.P.C. 103 (C.A. Man.); Bar-
deau Ltd. et al. v. Crown Food Service Equipment Ltd. et
al. (1982), 36 O.R. (2d) 355 (H.C.J.); Bardeau Ltd. v.
Crown Food Service Equipment (décision ultérieure du
juge Steele en date du 23 avril 1982, non publiée);
Kraupner v. Ruby (1957), 7 D.L.R. (2d) 383 (C.A.
C.-B.); Canadian Pacific Railway v. United Transporta
tion Union, Local 144, et al. (1970), 14 D.L.R. (3d) 497
(C.S. C.-B.).
AVOCATS:
Alfred S. Schorr et Ivor M. Hughes pour la
demanderesse.
Burton B. C. Tait, c.r., pour les défendeurs
Coinex Video Games Inc., Donald F. Guy,
David Carnie, Arc Video Distributors Inc.,
Con Waugh.
R. H. C. MacFarlane pour les défendeurs
Melvin Bernstein, 436635 Ontario Limited,
faisant affaires sous la raison sociale Amuse
ment Sales & Distributing, Fun Donuts Ltd.,
Kurt Reichenberger, Harold Schneidergru-
ber, Peg's Pinball Parlour Inc.
PROCUREURS:
Ivor M. Hughes, Toronto, pour la demande-
resse.
McCarthy & McCarthy, Toronto, pour les
défendeurs Coinex Video Games Inc., Donald
F. Guy, David Carnie, Arc Video Distributors
Inc., Con Waugh.
Fitzsimmons, MacFarlane, Toronto, pour les
défendeurs Melvin Bernstein, 436635 Ontario
Limited, faisant affaires sous la raison sociale
Amusement Sales & Distributing, Fun
Donuts Ltd., Kurt Reichenberger, Harold
Schneidergruber, Peg's Pinball Parlour Inc.
Ce qui suit est la version française des motifs
de jugement prononcés à l'audience par
LE JUGE COLLIER: Il s'agit en l'espèce de trois
requêtes semblables présentées pour le compte de
certains des défendeurs. Ces requêtes demandent
l'annulation de deux ordonnances que j'ai rendues
les 22 et 31 mars 1982.
La demanderesse a intenté la présente action le
18 mars 1982. Elle affirme qu'elle est propriétaire
du droit d'auteur de trois jeux vidéo ou audio-
visuels électroniques appelés Galaxian, Pac-Man
et Rally -X, qui fonctionnent au moyen de pièces
de monnaie; qu'elle a fabriqué et vendu ces jeux à
des concessionnaires; que les défendeurs ont violé
le droit d'auteur en vendant, en exposant ou en
exploitant en vue d'un profit des [TRADUCTION]
«copies contrefaites» de ces jeux.
Le 22 mars 1982, j'ai entendu une requête ex
parte présentée au nom de la demanderesse. Le
redressement demandé consistait en une ordon-
nance du type de celle accordée dans l'affaire
Anton Piller* qui autorise la demanderesse et ses
mandataires à pénétrer dans les locaux des défen-
deurs, à procéder à une perquisition et à enlever les
documents concernant les jeux qu'elle prétend con-
trefaits et qui ordonne aux défendeurs de remettre
les jeux, les appareils, etc., contrefaits pour qu'ils
soient mis sous garde jusqu'au procès. La deman-
deresse demandait en outre une injonction interlo-
cutoire pour interdire la contrefaçon, qui assortit
souvent une ordonnance de ce genre.
La demanderesse affirmait que le motif qui
l'incitait à demander que la requête soit entendue
ex parte était la crainte que les jeux, les appareils
et les documents disparaissent si elle donnait un
avis des procédures.
Après avoir examiné les documents à l'appui de
'4a requête et les allégations présentées au nom de
la demanderesse, j'ai ordonné l'audition de la
requête ex parte.
La demanderesse a produit quatre déclarations
sous serment:
a) Laurence Berkelhamer a fait une déposition
le 11 février 1982;
* [Anton Piller KG v. Manufacturing Processes Ltd. et al.,
[1976] 1 Ch. 55; [1976] 1 All E.R. 779.]
b) Arthur V. Weller a fait une déposition le 11
mars 1982;
c) Jeffrey Chapnick a fait une déposition le 11
mars 1982;
d) Donald L. Welsh a fait une déposition le 11
mars 1982.
Berkelhamer était le directeur des ventes de la
demanderesse pour les États-Unis et le Canada.
Weller et Chapnick avaient été nommés enquê-
teurs pour obtenir des preuves à l'appui des plain-
tes de la demanderesse contre les défendeurs.
Welsh était un avocat d'une étude de Chicago,
Illinois. Il avait pour tâche principale de représen-
ter la demanderesse dans des litiges relatifs au
droit d'auteur et à la concurrence illégale aux
États-Unis concernant certains des jeux vidéo de la
demanderesse, y compris les trois jeux mentionnés
en l'espèce.
En me fondant sur la preuve par déclaration
sous serment, et après avoir entendu les arguments
de l'avocat de la demanderesse, j'ai rendu une
ordonnance interdisant aux défendeurs (à l'excep-
tion de Tivoli Funfair Limited) de violer le droit
d'auteur de la demanderesse sur ces trois jeux et
de se défaire des documents pertinents ou de les
cacher, de les mutiler ou de les détruire. Cette
injonction était valide jusqu'au 31 mars 1982.
L'ordonnance que j'ai établie comportait des
dispositions dites Anton Piller qui exigeaient des
sociétés défenderesses et de certains particuliers
défendeurs qu'ils permettent à la demanderesse et
à ses mandataires de pénétrer dans leurs locaux
aux fins de procéder à une perquisition et d'enlever
les documents pertinents, et qui exigeaient que ces
mêmes défendeurs remettent à des shérifs tous les
jeux, appareils, etc., contrefaits.
L'exécution de l'ordonnance a entraîné des
délais inévitables: Elle a finalement été exécutée
tard l'après-midi du 30 mars 1982. Au même
moment, la demanderesse a signifié une requête à
présenter à Toronto le 31 mars, demandant la
prorogation de l'ordonnance que j'ai rendue le 22
mars.
Plusieurs des défendeurs ont demandé les con-
seils d'avocats. Il est évident que ce délai ne per-
mettait pas d'obtenir des directives appropriées.
Certains des défendeurs ont comparu le 31 mars
1982. Quelques requêtes en annulation de mon
ordonnance ont été produites. I1 était évident qu'un
délai supplémentaire s'imposait. Après avoir exa-
miné la question, j'ai ordonné la prorogation de
l'ordonnance. Une des raisons pour ce faire était
de permettre aux défendeurs de contre-interroger
les signataires des déclarations sous serment qui
avaient été produites et de recueillir leurs propres
témoignages et leurs documents en vue de prendre
les mesures qu'ils estimaient appropriées.
Le contre-interrogatoire des déposants mention-
nés ci-dessus a eu lieu.
Comme je l'ai dit au début, les requêtes dont il
s'agit en l'espèce demandent l'annulation des
ordonnances que j'ai rendues le 22 mars et le 31
mars.
Les principaux moyens que font valoir les défen-
deurs portent que des faits pertinents n'ont pas été
divulgués dans les déclarations sous serment, en
particulier dans celle de Berkelhamer.
L'examen de toutes les déclarations sous ser-
ment indique clairement que le principal grief de
la demanderesse concerne la contrefaçon de son
jeu Pac-Man. En lisant la déclaration sous serment
de Berkelhamer dans son entier, il ressort que le
jeu Pac-Man a beaucoup de succès et qu'il y a
violation du droit d'auteur sur ce jeu. Également, il
ressort de l'ensemble de la déclaration sous ser-
ment, et de fait, c'est la conclusion à laquelle je
suis arrivé le 22 mars, que la demanderesse subit
une perte monétaire parce que les opérations des
prétendus contrefacteurs portent atteinte aux
ventes du jeu Pac-Man.
Mais de fait, comme il ressort du contre-interro-
gatoire de Berkelhamer, la demanderesse avait
cessé la fabrication et la vente du Pac-Man envi-
ron deux mois avant la date de sa déclaration sous
serment. La demanderesse avait lancé une nouvelle
version du Pac-Man appelée MS Pac-Man. Ce
dernier jeu avait beaucoup de succès sur le
marché. Berkelhamer connaissait ces faits. Pour
des raisons qu'on suppose connues de lui et de ses
conseillers juridiques aux États-Unis, il a estimé
qu'il n'était pas nécessaire de dévoiler ces faits.
Je m'écarte ici du sujet pour souligner que le
profit que la demanderesse retire des jeux vidéo
provient de la vente à des concessionnaires. Elle ne
retire aucun avantage pécuniaire, sauf peut-être
l'achalandage, des exploitants de ces jeux ou des
consommateurs qui paient pour jouer à ces jeux.
Berkelhamer a dit entre autres au paragraphe
13:
[TRADUCTION] Ma société ne fabrique aucune version modifiée
de ces jeux «dans laquelle les caractéristiques physiques de
l'Adventurer ont été modifiées», et elle n'utilise aucune version
modifiée de la marque Pac-Man pour aucun de ses jeux.
Les mots «dans laquelle les caractéristiques phy
siques de l'Adventurer ont été modifiées» ont appa-
remment été insérés après que Berkelhamer eut
mis en doute la formulation originale en se rappe-
lant le jeu MS Pac-Man.
Il m'apparaît évident que le jeu MS Pac-Man
est effectivement une version modifiée du Pac-
Man.
Au paragraphe 16, il dit entre autres:
[TRADUCTION] Ma société n'a commercialisé le jeu «Pac-Man»
sous aucun autre nom.
Cette déclaration n'est pas conforme aux faits.
Au paragraphe 25, il dit:
[TRADUCTION] Midway Mfg. Co. a produit au moins deux
jeux qui ont été populaires pour une durée démesurément
longue dans le marché des jeux vidéo. Galaxian est un de ces
jeux. Pac-Man est présentement très populaire et je crois qu'il
peut être vendu et distribué avec succès pour une période aussi
longue, sinon plus longue, que Galaxian, si ce n'est qu'il est
contrefait sur une grande échelle, et l'effet de cette contrefaçon
est pratiquement impossible à évaluer.
On lit au paragraphe 29:
[TRADUCTION] Parce que le jeu Pac-Man est unique et qu'il est
encore accepté sur le marché, toute exploitation non autorisée
de ce jeu fait courir le risque que le marché soit inondé ou
autrement surexploité avant que le jeu Pac-Man ait réalisé
toutes ses promesses.
Au paragraphe 26, il dit:
[TRADUCTION] Si une injonction n'est pas accordée relative-
ment aux questions qui soulèvent des plaintes dans les présentes
procédures, Midway Mfg. Co. subira un tort irréparable en ce
que, bien qu'il puisse être possible de calculer les dommages
réels concernant les jeux Galaxian, Pac-Man et Rally -X, même
si cela est difficile, les activités qui font l'objet de ces plaintes
peuvent réduire à néant le commerce légitime des jeux vidéo
électroniques au Canada.
Il dit en outre au paragraphe 26:
[TRADUCTION] Les activités des défendeurs auraient pour effet
de ruiner le commerce de Midway Mfg. Co. au Canada.
Il dit plus loin au paragraphe 26:
[TRADUCTION] En outre, si une injonction interlocutoire n'est
pas accordée maintenant, en raison du délai qui, de l'avis de
mon avocat, s'écoulera avant le procès sur la présente action,
lequel délai dépassera probablement la durée de vie commer-
ciale des jeux eux-mêmes, une injonction accordée au procès
n'équivaudra à rien de plus qu'à un droit de permis pour la
contrefaçon ....
Les défendeurs font valoir que lorsque tous ces
paragraphes sont lus ensemble, il faut en déduire
que Pac-Man est toujours fabriqué et vendu; que
la demanderesse subit une perte monétaire, proba-
blement parce que des clients éventuels sur le
marché pourraient acheter, ou achètent, des jeux
«contrefaits» moins chers et de qualité moindre.
Je suis d'accord avec cet argument des
défendeurs.
L'omission de déclarer la situation actuelle du
jeu Pac-Man, et l'arrivée sur le marché du jeu MS
Pac-Man, constituait un fait pertinent et impor
tant.
L'avocat de la demanderesse a, d'une manière
sincère et louable, indiqué que s'il avait connu ces
faits le 22 mars 1982, il me les aurait révélés.
L'argument que fait valoir la demanderesse est que
ces faits, même s'ils sont peut-être pertinents, ne
sont pas importants.
Je ne suis pas d'accord.
J'étais d'avis antérieurement, et je le suis encore,
qu'un demandeur doit, en particulier pour une
requête en injonction ex parte, faire la preuve d'un
tort irréparable.
J'ai considéré que la déclaration sous serment de
Berkelhamer faisait la preuve d'un tort irréparable
d'abord en raison de l'atteinte portée aux ventes du
Pac-Man. Mais à la date de cette déclaration sous
serment, il n'y avait plus, en fait, de Pac-Man.
Bien que je me rende compte des dangers de
profiter du recul, j'affirme ceci: si on m'avait
divulgué la situation du Pac-Man et du MS Pac-
Man, j'aurais bien pu envisager que les défendeurs
soient avisés de la partie de la requête demandant
une injonction.
En tout état de cause, si tous ces faits m'avaient
été exposés, j'aurais eu un doute à savoir si la
demanderesse a fait la preuve d'un tort irréparable
qui justifie une injonction ou si elle a plutôt droit à
un redressement ordinaire en dommages-intérêts.
Il est constant en droit que lorsqu'il y a eu
non-divulgation de faits pertinents, que ce soit
intentionnel ou non, une injonction ex parte peut,
et habituellement doit, être annulée.
Je m'appuie sur les décisions suivantes:
The King v. The General Commissioners for the purposes of
the Income Tax Acts for the District of Kensington, [1917] 1
K.B. 486.
Dalglish v. Jarvie (1850), 42 E.R. 89 (Ch. D.).
Lazard Brothers and Company v. Banque Industrielle de
Moscou, [ 1932] 1 K.B. 617.
Lazard Brothers and Company v. Midland Bank, Limited,
[1933] A.C. 289.
Griffin Steel Foundries Ltd. v. Canadian Association of Indus
trial, Mechanical & Allied Workers et al. (1977), 5 C.P.C. 103
(C.A. Man.).
Bardeau Ltd. et al. v. Crown Food Service Equipment Ltd. et
al. (1982), 36 O.R. (2d) 355 (H.C.J.).
Bardeau Ltd. v. Crown Food Service Equipment (décision
ultérieure du juge Steele en date du 23 avril 1982, non publiée).
Kraupner v. Ruby (1957), 7 D.L.R. (2d) 383 (C.A. C.-B.).
Canadian Pacific Railway v. United Transportation Union,
Local 144, et al. (1970), 14 D.L.R. (3d) 497 (C.S. C.-B.).
Thermax Limited v. Schott Industrial Glass Limited, [1981]
F.S.R. 289 (Ch. D.).
Gulf Islands Navigation Ltd. v. Seafarers International Union
of North America (Canadian District) et al. (1959), 18 D.L.R.
(2d) 216 (C.S. C.-B.).
Je mentionne spécialement l'affaire Gulf Islands
Navigation, en particulier à la page 218, où le juge
Wilson, qui est devenu juge en chef de la Cour
suprême de la Colombie-Britannique, a énoncé ce
que j'estime être un résumé précis et concis du
droit relatif à l'annulation des injonctions ex parte
lorsqu'il y a eu non-divulgation. Je m'appuie égale-
ment sur cette décision qui énonce parfaitement ce
dont un juge peut tenir compte, ou ce dont il doit
tenir compte, dans le cas d'une requête en annula-
tion d'une injonction interlocutoire accordée ex
parte lorsque la non-divulgation n'est pas en cause.
Je n'hésite aucunement en l'espèce à annuler les
deux ordonnances que j'ai rendues en ce qui con-
cerne les dispositions relatives à l'injonction. Il n'y
a aucun fait atténuant en faveur de la demande-
resse.
Dans l'affaire Thermax [précitée], le juge
Browne -Wilkinson a dit [à la page 298]:
[TRADUCTION] Je conclus en conséquence que des faits
importants connus de la société demanderesse n'ont pas été
divulgués au juge Woolf. Ce n'est qu'une erreur de jugement,
mais à mon avis, c'est une erreur importante. Comme, avec le
temps, des ordonnances du type Anton Piller sont accordées de
plus en plus souvent, on tend à oublier à quel point elles
constituent une intrusion importante dans la vie privée et les
droits des défendeurs. On tend également à oublier la rigueur
des exigences qu'a formulées la Cour d'appel. À mon avis, la
règle de la divulgation complète est presque plus importante
dans les cas semblables à l'affaire Anton Piller que dans les
autres demandes ex parte. Puisque les ordonnances du type
Anton Piller accordent des droits contraignants d'inspection,
une fois que ces inspections ont eu lieu, les renseignements
qu'elle fournit sont entre les mains de l'autre partie et la
situation est irréversible. J'estime, par conséquent, qu'il est très
important qu'en présentant des demandes, chacun se rappelle
que la cour doit être mise au courant de tous les faits qui sont
pertinents relativement à l'évaluation qu'elle doit faire pour
décider d'accorder ou de refuser l'ordonnance.
Il est vrai que le juge Browne -Wilkinson parlait
des ordonnances du type Anton Piller. Mais dans
cette affaire, l'ordonnance dont il s'agit comportait
également l'injonction habituelle de type négatif.
En tout état de cause, je fais mienne son opinion et
je l'applique à la situation dans laquelle il y a eu
non-divulgation de faits dans une demande d'in-
jonction ex parte.
J'ai indiqué à la fin du débat que je n'avais pas
l'intention d'annuler les parties de mes deux ordon-
nances qui prévoient des dispositions dites Anton
Piller. A mon avis, les éléments de preuve qui
m'avaient été présentés justifiaient ces ordonnan-
ces. La non-divulgation dont il s'agit ne porte pas
directement sur cet aspect du redressement que la
demanderesse a demandé le 22 mars.
Je rendrai les ordonnances qui s'imposent pour
donner effet aux présents motifs. Les défendeurs
qui ont présenté ces requêtes auront droit, quelle
que soit l'issue de la cause, de recouvrer 75% de
leurs dépens afférents à la présente requête et à
l'audience tenue à Toronto le 31 mars.
Je vais examiner la demande de renvoi concer-
nant les dommages-intérêts qu'ont subis les défen-
deurs en l'espèce. J'estime qu'il faut présenter une
requête exprès pour un renvoi et aussi pour des
directives, avec avis donné à la demanderesse. 11
me semble qu'il faudra, pour le renvoi, établir un
mode de procédure concernant les témoignages y
compris l'interrogatoire préalable et la communi
cation des documents. En ce qui concerne la
demande de renvoi, j'ordonne la présentation d'une
requête appropriée conformément aux Règles, non
seulement pour un renvoi, mais pour des directives.
La requête devra être appuyée d'une déclaration
sous serment.
Concernant la demande visant à augmenter les
dépens entre parties, ou à établir une somme ou un
montant fixe, je vous offre mes sympathies, Me
Tait. Mais c'est tout ce que vous aurez.
11 ne fait pas de doute qu'en comparaison avec
plusieurs provinces, les tarifs sont peu élevés. J'ai
agi pendant plusieurs années à titre de président
du comité des Règles de la Cour. Heureusement
ou malheureusement, dans cette Cour, ce sont les
juges qui font les Règles. Lorsque j'étais président,
le comité des Règles a ouvré de concert avec un
comité du Barreau canadien. Un des projets que
nous avons entrepris consistait à examiner les
tarifs des dépens dans les diverses provinces et à
les comparer au tarif de la Cour fédérale. Nous
savions tous quelle serait la réponse. Nous voulions
une base de comparaison. Plusieurs parmi nous
estimaient que les tarifs de la Cour fédérale étaient
trop bas.
Ce projet, si je comprends bien, a été achevé. Il
sera soumis au comité des Règles. Il se peut que
des modifications soient apportées.
Personnellement, bien que je souscrive aux criti
ques que les tarifs sont très bas, je n'ai jamais
jusqu'à maintenant augmenté les tarifs dans aucun
cas. Certains de mes collègues l'ont fait. Je suis
d'avis qu'une augmentation doit rarement être
accordée. J'appuie cette décision sur deux arrêts de
la Cour d'appel dont l'intitulé et le renvoi
m'échappent pour l'instant. Je suis d'accord que
les tarifs sont très bas. Mais je suis d'avis que le
remède consiste à modifier les Règles relatives aux
tarifs, plutôt qu'à demander au juge de contourner
les tarifs en les augmentant dans un cas particu-
lier. J'ai entendu l'affaire Xerox c. I.B.M.
[T-730-72, 5 juillet 1977, non publiée]. Cette
affaire a exigé énormément de préparation. Le
procès a duré des mois. J'ai refusé d'augmenter les
tarifs dans cette affaire, et je le refuse pour la
même raison en l'espèce. Une augmentation judi-
ciaire des dépens équivaut à tourner les Règles en
dérision.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.