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T-4982-80
Noranda Mines Limited (demanderesse)
c.
La Reine (défenderesse)
Division de première instance, juge Addy— Toronto, 7 avril; Ottawa, 11 mai 1982.
Impôt sur le revenu Calcul du revenu Déductions Appel d'une cotisation Manière de tenir compte, pour l'année d'imposition 1974 de la demanderesse, de pertes subies au cours d'années antérieures La demanderesse prétend que les mots «revenu imposable gagné dans l'année» que l'on trouve à l'art. 124(2)6) doivent être interprétés différemment de l'expression «revenu imposable» définie à l'art. 2(2) de la Loi Appel rejeté Loi de l'impôt sur le revenu, S.C. 1974-75-76, chap. 26, art. 2(2), 124(2)a),b),(4)a).
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS CITÉES:
Williams v. Box (1910), 44 R.C.S. 1; Snow v. The Minister of National Revenue (1979), 79 DTC 5177 (C.F. Appel).
ACTION. AVOCATS:
C. L. Campbell, c.r., pour la demanderesse. W. Lefebvre et R. McMechan pour la défenderesse.
PROCUREURS:
McCarthy & McCarthy, Toronto, pour la demanderesse.
Le sous-procureur général du Canada pour la défenderesse.
Voici les motifs du jugement rendus en français par
LE JUGE ADDY: Le litige dans cet appel en matière d'impôt sur le revenu porte sur la manière de tenir compte, pour l'année d'imposition 1974 de la demanderesse, de pertes subies au cours d'an- nées antérieures. Ni les faits ni les chiffres ne sont contestés; seule la méthode de calcul l'est. La solution du litige dépend uniquement de l'interpré- tation de l'expression «revenu imposable gagné dans l'année,,, que l'on trouve à l'alinéa 124(2)b) de la Loi de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970- 71-72, chap. 63, en vigueur en 1974.
Le paragraphe 124(2), modifié en 1974 [S.C. 1974-75-76, chap. 26, art. 79], (il a été abrogé depuis), était ainsi rédigé:
124....
(2) Il peut être déduit de l'impôt par ailleurs payable en vertu de la présente Partie par une corporation, pour une année d'imposition, une somme égale à 15% du moins élevé des montants suivants:
a) ses bénéfices imposables tirés de la production de matières minérales au Canada et gagnés dans l'année; ou
b) la fraction, si fraction il y a, de son revenu imposable gagné dans l'année, qui est en sus du total obtenu en additionnant
(i) 4 fois la somme, si somme il y a, déductible en vertu de l'article 125 de l'impôt pour l'année par ailleurs payable par elle en vertu de la présente Partie, et
(ii) son revenu de placement canadien et son revenu de placement étranger (au sens que leur donne le paragraphe 129(4)) pour l'année. [C'est moi qui souligne.]
La Loi ne définit pas l'expression «revenu impo- sable gagné dans l'année». Le paragraphe 2(2) donne toutefois une définition claire de «revenu imposable»:
2....
(2) Le revenu imposable d'un contribuable pour une année d'imposition est son revenu pour l'année moins les déductions permises par la section C.
Avant la modification de 1974, le législateur avait adopté une loi prévoyant la déduction d'une partie des impôts sur les exploitations minières effectivement versés à une province pour l'année, et l'expression «revenu imposable gagné dans l'an- née dans une province» (dont la définition est toujours en vigueur), avait été définie de la façon suivante:
124... .
(4) Dans le présent article,
a) «revenu imposable gagné dans l'année dans une province« signifie le montant déterminé en vertu des règles prescrites à cette fin par les règlements établis sur l'avis du ministre des Finances; et
L'avocat de la contribuable admet qu'en vertu de la disposition qui vient d'être mentionnée, les pertes devraient entrer en ligne de compte, premiè- rement en raison du paragraphe 2(2) et deuxième- ment, en raison du fait que le Règlement définis- sait expressément cette expression. Il fait valoir toutefois que puisque le Règlement ne définit pas «revenu imposable gagné dans l'année», l'expres- sion «dans une province» n'y figurant plus, il s'agit de quelque chose de très différent. Il reconnaît
toutefois que si seulement l'expression «revenu imposable» était employée, le paragraphe 2(2) s'appliquerait. Pour faire cette distinction, il s'ap- puie sur les propos suivants tenus par le juge Anglin dans l'affaire Williams v. Box', à la page 24:
[TRADUCTION] Considérer une partie d'une loi comme sans effet ou comme une simple redondance ne se justifie jamais si une autre interprétation est possible. Le rejet ou la suppression d'un mot ou d'un membre de phrase n'est acceptable que lorsqu'il est impossible de concilier entre elles les dispositions de la Loi ou de leur donner effet.
Il souligne que puisque dans l'alinéa 124(2)b), l'expression «gagné dans l'année» est ajoutée à «revenu imposable», elle doit signifier quelque chose de différent de la simple expression «revenu imposable» définie au paragraphe 2(2); il ajoute qu'au paragraphe 2(2), il est question de revenu pour l'année, alors qu'à l'alinéa 124(2)b) de la Loi, de revenu dans l'année. Il y a, bien entendu, une différence de sens entre les mots «dans» et «pour» lorsqu'on les emploie relativement à la notion de temps: «dans» est généralement employé pour indi- quer l'inclusion ou la survenance de quelque chose dans une période ou une limite de temps, alors que «pour» peut signifier [TRADUCTION] «quant à ou relativement à un certain temps», bien qu'il puisse signifier aussi [TRADUCTION] «au cours de».
La Couronne prétend que le revenu imposable que l'on trouve à l'alinéa 124(2)b) veut simple- ment dire revenu imposable au sens du paragraphe 2(2) de la Loi, l'expression «gagné dans l'année» n'étant qu'une simple redondance, et qu'accepter l'argument de la contribuable irait à l'encontre de l'esprit de la Loi et conduirait à des résultats absurdes.
Le revenu imposable est strictement un concept juridique tiré de l'application des dispositions de la Loi. (Voir Snow v. The Minister of National Revenue 2 .) A moins d'un contexte clair, on ne devrait pas conclure que dans la même Loi, il y aurait deux définitions d'impôt ou deux concepts de revenu imposable.
Il ne fait pas de doute qu'il est très difficile de déterminer le sens des expressions en question. Bien entendu, il s'agit en l'espèce d'un dégrève- ment, et toute disposition à cet égard devrait être
' (1910), 44 R.C.S. 1.
2 (1979), 79 DTC 5177 (C.F. Appel).
strictement interprétée à l'encontre du contribua- ble et, lorsque deux interprétations sont possibles, celle qui correspond à ce qui semble être l'esprit général de la loi doit l'emporter, à moins que le contexte ne se prête nullement à une telle interprétation.
Je ne suis pas persuadé qu'en supprimant l'ex- pression «dans une province», le Parlement ait voulu changer complètement le sens de l'expression «revenu imposable», telle qu'elle a été clairement définie au paragraphe 2(2). Dans la Loi, lorsqu'on fait mention de dégrèvement, le revenu imposable a déjà été établi. Pour être conforme à l'esprit général de la Loi, la disposition peut uniquement signifier que la corporation a droit à 15% du moins élevé des montants suivants: [TRADUCTION] «la fraction de son revenu imposable, tel qu'il a été défini, qui est en sus du revenu de placement» et non [TRADUCTION] «la fraction du revenu imposa- ble (tel qu'il a été défini) plus le report de perte, qui excède le revenu de placement», et ce, pour la simple raison que le report de perte a déjà été pris en considération dans le calcul du revenu imposa- ble; et, en l'absence d'une disposition expresse de la Loi à cet effet, la même déduction ne devrait pas être prise en considération deux fois. Or, une telle disposition n'existe pas.
Il s'ensuit que l'appel doit être rejeté, et la cotisation, confirmée. L'intimée aura droit aux dépens de l'action.
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