A-30-79
DeVilbiss (Canada) Limited, Phelan and Smith
Limited et Waffle's Electric Limited (requéran-
tes)
c.
Le Tribunal antidumping (intimé)
Cour d'appel, juges Urie et Ryan, juge suppléant
Kelly Toronto, 3 et 4 juin; Ottawa, 20 juillet
1982.
Antidumping Demande en vertu de l'art. 28 visant à
l'examen et à l'annulation d'une décision du Tribunal anti-
dumping qui conclut au dumping de certains «moteurs à
induction intégrale d'un horse-power+ Détermination préli-
minaire faite par le sous-ministre, en application de l'art. 14
de la Loi antidumping, de dumping de «moteurs à induction
intégrale d'un horse-power» qui a donné lieu à une enquête du
Tribunal antidumping — Importance du sens de l'expression
«integral horsepower induction motors. dans la détermination
des biens qui appartiennent à la classe de marchandises objet
du dumping — Le Tribunal a entendu des témoignages des
deux parties sur la question au début de l'enquête, mais a
réservé sa décision sur le sens de l'expression jusqu'à la fin des
procédures — Le Tribunal a-t-il outrepassé sa compétence en
prétendant définir la classe de marchandises auxquelles la
détermination de dumping s'appliquait? — Le Tribunal a-t-il
violé les règles de justice naturelle en réservant sa décision sur
la portée de l'enquête? — Loi antidumping, S.R.C. 1970, chap.
A-15, art. 13(1), 14, 16(1),(3), 19, 20 — Règles de procédure
du Tribunal antidumping, C.R.C., chap. 300, règle 9 — Loi
sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), chap. 10, art. 28.
Cette demande présentée en vertu de l'article 28 vise à
l'examen et à l'annulation de la décision du Tribunal antidum-
ping par laquelle il a conclu qu'il y avait eu dumping de
certains moteurs à induction intégrale d'un horse-power, qui
avait causé, causait ou était susceptible de causer un préjudice
sensible à la production au Canada de marchandises sembla-
bles. En avril 1978, le sous-ministre du Revenu national pour
les douanes et l'accise a ordonné une enquête en application du
paragraphe 13(1) de la Loi antidumping à l'égard du dumping
de moteurs à induction intégrale d'un horse-power provenant
des États-Unis. En octobre 1978, le sous-ministre a fait une
détermination préliminaire de dumping en application de l'arti-
cle 14 de la Loi, qui a donné lieu à une enquête devant le
Tribunal antidumping. Le sens de l'expression «integral horse
power induction motors», qui était capital pour déterminer les
marchandises qui appartenaient à la classe de biens objet du
dumping, a été soulevé au début de l'enquête et le Tribunal a
reçu des témoignages de toutes les parties, mais n'a pas rendu
de décision avant d'avoir terminé l'enquête. Les questions exa
minées par la Cour sont: quand il a attribué un sens à l'expres-
sion, le Tribunal a-t-il outrepassé sa compétence en prétendant
définir la classe de marchandises auxquelles la détermination
de dumping s'appliquait et, en réservant sa décision sur la
portée de l'enquête, le Tribunal a-t-il violé les règles de justice
naturelle?
Arrêt: la demande est accueillie. La jurisprudence révèle que
la désignation de la classe de marchandises faite en vertu du
paragraphe 13(1) de la Loi pour les fins de la détermination
préliminaire relève du sous-ministre. Quand le Tribunal conclut
que certaines marchandises faisant l'objet de dumping et appar-
tenant à la classe désignée par le sous-ministre dans sa détermi-
nation préliminaire sont des «marchandises semblables» à des
marchandises manufacturées au Canada, il procède à une
constatation de fait que cette Cour ne devrait pas modifier à
moins qu'il n'y ait absence d'éléments de preuve pour la
justifier ou erreur dans le principe qui l'a motivée. Le paragra-
phe 16(1) limite manifestement l'enquête du Tribunal aux
marchandises auxquelles s'applique la détermination prélimi-
naire. Toutefois, lorsque le Tribunal éprouve des difficultés à
délimiter les marchandises auxquelles la détermination prélimi-
naire s'applique, il doit s'employer à vérifier le sens des mots et
peut le faire en recevant des éléments de preuve de la part
d'experts de l'industrie. Il n'en résulte pas nécessairement une
redéfinition de la classe de marchandises définie par le sous-
minisre. En conséquence, le Tribunal n'a pas commis d'erreur,
ni outrepassé sa compétence en essayant de déterminer, dans les
circonstances, par des éléments de preuve, le sens des mots
«integral horsepower induction motors». Il avait une fonction à
remplir qui comportait nécessairement l'interprétation de la
désignation de la classe de marchandises mentionnée dans la
détermination préliminaire. Il lui appartenait de décider com
ment arriver à cette interprétation pour autant qu'il agissait
selon les règles pertinentes à un organisme judiciaire ou quasi
judiciaire. Parce que le Tribunal a voulu recevoir des témoigna-
ges de toutes les parties à propos de la définition et avoir le
temps d'examiner ces témoignages avant de rendre sa décision
sur le sens de cette définition, les parties pouvaient raisonnable-
ment s'attendre à avoir l'occasion de présenter des témoignages
si le Tribunal décidait que la définition plus restrictive était
celle qui devait s'appliquer. Le Tribunal a cependant poursuivi
l'audition sans déterminer quelle classe de marchandises était
l'objet de l'enquête et son omission de rendre sa décision sur
l'objet de l'enquête peut avoir privé une ou plusieurs des parties
de la possibilité de soumettre des témoignages visant directe-
ment la classe de marchandises que le Tribunal a estimée plus
tard être l'objet de l'enquête et de contredire, de corriger ou de
commenter des témoignages ou des renseignements relatifs à la
conclusion du Tribunal. L'omission d'accorder cette possibilité
aux parties a constitué un déni de justice naturelle.
JURISPRUDENCE
DÉCISION EXAMINÉE:
Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et
l'accise c. Trane Company of Canada, Limited, [1982] 2
C.F. 194 (C.A.).
DÉCISIONS CITÉES:
Magnasonic Canada Limited c. Le Tribunal antidum-
ping, [1972] C.F. 1239 (C.A.); Mitsui and Co. Limited
et autre c. Buchanan, et autres, [1972] C.F. 944 (C.A.);
In re la Loi antidumping et in re Y.K.K. Zipper Co. of
Canada Ltd., [1975] C.F. 68 (C.A.); Remington Arms of
Canada Limited c. Les Industries Valcartier Inc. et
autre, [1982] 1 C.F..586 (C.A.); Sarco Canada Limited
c. Le Tribunal antidumping, et autres, [1979] 1 C.F. 247
(C.A.); Dryden House Sales Limited, faisant affaires
sous la dénomination sociale Ambassador -Dryden
House c. Le Tribunal antidumping, [1980] 1 C.F. 639
(C.A.).
AVOCATS:
J. M. Coyne, c.r., et P. S. Bonner pour les
requérantes.
J. L. Shields pour l'intimé.
R. P. Hynes pour le procureur général du
Canada.
PROCUREURS:
Herridge, Tolmie, Ottawa, pour les requéran-
tes.
Soloway, Wright, Houston, Greenberg,
O'Grady, Morin, Ottawa, pour l'intimé.
Le sous-procureur général du Canada pour le
procureur général du Canada.
Tory, Tory, DesLauriers & Binnington,
Toronto, pour Leeson Electric (Canada) Ltd.
Stitt, Baker & McKenzie, Toronto, pour
Reliance Electric Ltd. et Reliance Electric
Co.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE URIE: La présente demande, soumise
en application de l'article 28 de la Loi sur la Cour
fédérale, S.R.C. 1970 (2 e Supp.), chap. 10, vise à
faire infirmer la décision du Tribunal antidumping
(«le Tribunal») rendue le 9 janvier 1979, par
laquelle le Tribunal a conclu que le dumping au
Canada de certains moteurs à induction intégrale
d'un horse-power «a causé, cause ou est susceptible
de causer un préjudice sensible à la production au
Canada de marchandises semblables».
L'affaire qui a débuté par une détermination
préliminaire faite par le sous-ministre a déjà été
entendue en cette Cour dans la cause intitulée Le
sous-ministre du Revenu national pour les doua-
nes et l'accise c. Trane Company of Canada,
Limited', sous forme d'appel formé en application
de l'article 20 de la Loi antidumping, S.R.C. 1970,
chap. A-15 («la Loi»), à l'encontre d'une décision
de la Commission du tarif. La Commission avait
accueilli l'appel interjeté par Trane Company en
' [1982] 2 C.F. 194 (C.A.).
application de l'article 19 de la Loi à l'encontre
d'une détermination définitive de dumping faite
par le sous-ministre. Cette Cour a rejeté l'appel à
l'encontre de la décision de la Commission du
tarif.
Pour être exact et constant dans la relation des
faits qui ont donné lieu à la présente demande, il
est pertinent de citer ci-après les passages suivants
des motifs du jugement du juge Le Dain, qui parle
au nom de la Cour, dans l'appel Trane [aux pages
196 à 198]:
Le 6 avril 1978, le sous-ministre du Revenu national pour les
douanes et l'accise a ordonné, conformément au paragraphe
13(1) de la Loi, l'ouverture d'une enquête sur le dumping au
Canada de «moteurs à induction intégrale d'un horse-power (1
HP) à deux cents horse-power (200 HP) inclusivement ...
originaires ou exportés des Etats-Unis d'Amérique*. Le 10
octobre 1978, le sous-ministre a fait une détermination prélimi-
naire du dumping, conformément à l'article 14 de la Loi, à
l'égard de marchandises décrites comme des «moteurs à induc
tion intégrale d'un horse-power (1 HP) à deux cents horse
power (200 HP) inclusivement, à l'exception des moteurs de
pompe à arbre vertical habituellement appelés moteurs à base
verticale en P, ou moteurs à plateaux verticaux en P, originaires
ou exportés des Etats-Unis d'Amérique». A la suite de cette
décision, le Tribunal antidumping a procédé à une enquête
conformément au paragraphe 16(1) de la Loi, et le 9 janvier
1979, il a rendu les «Conclusions„ suivantes:
Le Tribunal antidumping, après avoir procédé à une
enquête en vertu des dispositions du paragraphe (1) de
l'article 16 de la Loi antidumping, à la suite d'une détermi-
nation préliminaire de dumping faite par le sous-ministre du
Revenu national, Douanes et Accise, datée du 10 octobre
1978 concernant le dumping au Canada des moteurs à
induction intégrale d'un horse-power (1 HP) à deux cents
horse-power (200 HP) inclusivement, à l'exception des
moteurs de pompe à arbre vertical habituellement appelés
moteurs à base verticale en P, ou moteurs à plateaux verti-
caux en P, originaires ou exportés des Etats-Unis d'Améri-
que, conclut, conformément au paragraphe (3) de l'article 16
de la Loi, que le dumping des articles mentionnés plus haut,
à l'exception:
1) des moteurs à phase unique;
2) des moteurs à pompe submersibles utilisés dans les puits
de pétrole et d'eau;
3) des moteurs à arbre de scies mécaniques; et
4) des moteurs à induction intégrale utilisés comme pièces
de remplacement dans
i) les pompes à absorption pour générateurs de froid
fabriquées par The Trane Company,
ii) des refroidisseurs centravac fabriqués par The Trane
Company, et
iii) des compresseurs semi -hermétiques et hermétiques
fabriqués par The Trane Company,
a causé, cause et est susceptible de causer un préjudice
sensible à la production au Canada de marchandises
semblables.
Aux pages 5 et 6 de l'«Exposé des motifs» qui accompagne les
«Conclusions» du Tribunal, figure l'analyse suivante de la signi
fication des mots «integral horsepower», analyse à la suite de
laquelle le Tribunal a conclu que la détermination préliminaire
du dumping ne s'appliquait pas aux moteurs avec châssis à
deux chiffres:
Dès le début de la procédure, des preuves ont été mises de
l'avant au sujet de l'importance de l'expression «integral
horsepower» utilisée dans le texte anglais de la détermination
préliminaire du sous-ministre. Une des interprétations,
fondée sur le sens habituel du mot «intégral» et appuyée par
l'EEMAC, voulait que la détermination préliminaire s'appli-
que aux moteurs d'un horse-power et plus. L'addition de ces
mots pour communiquer ce sens serait inutile, toutefois,
puisque, dans la suite du texte, il est précisé que les moteurs
en question sont «d'un horse-power (1 HP) à deux cents
horse-power (200 HP) inclusivement».
C'est pourquoi le Tribunal a cherché une interprétation
qui, en évitant une telle répétition, représenterait un apport
positif et pertinent à la définition de la catégorie des mar-
chandises en question. Il n'a pas eu besoin de faire de
grandes recherches, puisqu'il existe de nombreuses preuves
montrant que les expressions «intégral» et «fractionnaire» sont
très répandues au sein de l'industrie pour établir des distinc
tions entre diverses catégories de moteurs à induction en
fonction d'autres facteurs que le nombre exact de
horse-power.
Les normes techniques de l'industrie, en Amérique du
Nord, sont établies principalement par la NEMA (National
Electrical Manufacturers Association) association améri-
caine dont les normes, à quelques exceptions près, sont
adoptées par l'EEMAC. NEMA a publié des définitions
officielles des moteurs à induction qui ont été acceptées par
l'EEMAC et qui se traduisent dans les listes de prix et les
textes publicitaires de certains membres de l'EEMAC, où
l'on utilise les expressions «intégral» et «fractionnaire» pour
identifier la taille des châssis. En vertu de ces définitions, les
moteurs dits «integral horsepower» ont des châssis qui sont
identifiés par des numéros à trois chiffres alors que les
moteurs dits «fractional horsepower» sont dotés de numéros à
deux chiffres. Il se peut que, à un moment donné, les châssis
à trois chiffres aient servi uniquement dans le cas des
moteurs à un horse-power et plus alors que les cadres com-
portant des numéros à deux chiffres servaient uniquement
aux moteurs de moins d'un horse-power; cela expliquerait
l'origine de l'usage actuel. Mais, s'il en a été le cas dans le
passé, ce n'est certainement plus le cas aujourd'hui; effective-
ment, les moteurs «fractional horsepower» (logés dans des
châssis à deux chiffres) peuvent posséder une puissance
théorique atteignant cinq horse-power alors que les moteurs
«integral horsepower» (dont les châssis ont des numéros à
trois chiffres) peuvent avoir une puissance théorique de
moins d'un horse-power.
Cela étant, le Tribunal est convaincu que la détermination
préliminaire de dumping s'applique aux moteurs à induction
d'une puissance théorique s'étendant d'un à deux cents horse
power et logés dans des châssis à trois chiffres. Elle ne
s'applique pas aux moteurs dont les châssis sont à deux
chiffres (moteurs «fractional horsepower»), même si la puis-
sance théorique de ceux-ci est d'un à deux cents horsepower,
ni aux moteurs logés dans des châssis à trois chiffres
(moteurs «integral horsepower») dont la puissance théorique
est inférieure à un horse-power. En outre, il va de soi que
sont exclus nommément les «moteurs de pompe à arbre
vertical habituellement appelés moteurs à base verticale en P
ou moteurs à plateaux verticaux en N.
C'est cette décision du Tribunal que les requé-
rantes cherchent à faire infirmer.
Il y a lieu d'abord de signaler que devant le
Tribunal, les plaignantes étaient l'Association des
manufacturiers d'équipement électrique et électro-
nique du Canada («AMEEEC») et six de ses mem-
bres agissant de leur propre chef. Les requérantes
en l'espèce étaient intervenantes aux auditions
devant le Tribunal. Elles ont soumis un exposé des
arguments dans lequel on peut lire ceci:
[TRADUCTION] Pour le moment cependant, les requérantes ne
cherchent pas à modifier les conclusions du Tribunal antidum-
ping et, en réalité, elles ont demandé le rejet de cette procédure
en produisant des consentements à son rejet de la part de la
majorité des parties qui avait produit un avis d'intention de
comparaître. D'autre part, les requérantes s'opposent à toutes
tentatives de quelque autre partie de modifier l'ordonnance
présente du Tribunal antidumping.
Au début des procédures, l'avocat des requéran-
tes a demandé l'autorisation, qu'il a reçue, de se
retirer des procédures sans plaider. L'avocat de
l'Association des manufacturiers d'équipement
électrique et électronique du Canada et celui du
procureur général du Canada, qui comparaissait
pour le compte du sous-ministre du Revenu natio
nal pour les douanes et l'accise, se sont tous deux
opposés au retrait de la demande faite en vertu de
l'article 28 et ont plaidé en faveur de l'octroi de
cette demande. L'avocat du Tribunal s'y est
opposé. Le droit d'aucune des parties de comparaî-
tre et celui d'être entendue n'a été contesté ni ne
pouvait l'être.
On a soulevé deux moyens lors de la demande.
Quand il a exclu les moteurs à induction dont le
châssis est identifié par des nombres à deux chif-
fres de la portée de sa conclusion, le Tribunal:
a) a excédé sa compétence en prétendant définir
la classe de biens auxquels la détermination
préliminaire de dumping s'applique et
b) a commis une erreur de droit en arrivant à
une conclusion en l'absence de tout élément de
preuve pour la justifier.
Cette Cour a examiné l'objet général de la Loi à
plusieurs reprises 2 de sorte qu'il n'est pas néces-
saire de le refaire ici. Il suffit de signaler que la
jurisprudence révèle que la désignation de la classe
des marchandises faite en vertu du paragraphe
13(1) de la Loi, pour les fins de la détermination
préliminaire, relève du sous-ministre. Quand le
Tribunal conclut que certaines marchandises fai-
sant l'objet de dumping et appartenant à la classe
désignée par le sous-ministre dans sa détermina-
tion préliminaire sont, à son avis, des «marchandi-
ses semblables» à des marchandises manufacturées
au Canada, il procède à une constatation de fait
que cette Cour ne devrait pas modifier à moins
qu'il n'y ait absence d'éléments de preuve pour la
justifier ou erreur dans le principe qui l'a motivée.
En vertu du paragraphe 16(3), le Tribunal peut
rendre l'ordonnance applicable à une partie ou à
l'ensemble des «marchandises auxquelles la déter-
mination préliminaire s'applique» et sa décision de
faire des exceptions ou non est une question de fait
ou l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire qui ne
sont ni l'un ni l'autre une question de droit au sens
de l'alinéa 28(1)b) de la Loi sur la Cour fédérale
(voir Dryden House Sales Limited précité, pages
642 et 643).
En l'espèce, le sous-ministre a fait une détermi-
nation préliminaire de dumping à l'égard des mar-
chandises désignées comme suit:
... moteurs à induction intégrale d'un horse-power (1 HP) à
deux cents horse-power (200 HP) inclusivement, à l'exception
des moteurs de pompe à arbre vertical habituellement appelés
moteurs à base verticale en P, ou moteurs à plateaux verticaux
en P, originaires ou exportés des Etats-Unis d'Amérique. [C'est
moi qui souligne.]
Conformément au paragraphe 16(3) de la Loi,
le Tribunal a jugé que le dumping des marchandi-
ses ci-dessus mentionnées, à l'exception de certains
autres moteurs, «a causé, cause et est susceptible
de causer un préjudice sensible à la production au
Canada de marchandises semblables». Toutefois,
comme on peut le constater dans l'extrait de l'«Ex-
2 Magnasonic Canada Limited c. Le Tribunal antidumping,
[1972] C.F. 1239 (C.A.); Mitsui and Co. Limited et autre c.
Buchanan, et autres, [1972] C.F. 944 (C.A.); In re la Loi
antidumping et in re Y.K.K. Zipper Co. of Canada Ltd., [1975]
C.F. 68 (C.A.); Remington Arms of Canada Limited c. Les
Industries Valcartier Inc. et autre, [ 1982] 1 C.F. 586 (C.A.);
Sarco Canada Limited c. Le Tribunal antidumping, et autres,
[1979] 1 C.F. 247 (C.A.); Dryden House Sales Limited,
faisant affaires sous la dénomination sociale Ambassador -
Dryden House c. Le Tribunal antidumping, [1980] 1 C.F. 639
(C.A.).
posé des motifs» de jugement du Tribunal déjà
cité, celui-ci n'étant pas sûr du sens des mots
«integral horsepower» employés dans la détermina-
tion préliminaire du sous-ministre, a reçu des
témoignages au début des procédures sur le sens à
donner à ces termes. Il est utile de répéter sa
conclusion ici:
Cela étant, le Tribunal est convaincu que la détermination
préliminaire de dumping s'applique aux moteurs à induction
d'une puissance théorique s'étendant d'un à deux cents horse
power et logés dans des châssis à trois chiffres. Elle ne s'appli-
que pas aux moteurs dont les châssis sont à deux chiffres
(moteurs «fractional horsepower»), même si la puissance théori-
que de ceux-ci est d'un à deux cents horsepower, ni aux moteurs
logés dans des châssis à trois chiffres (moteurs «integral horse
power») dont la puissance théorique est inférieure à un horse
power. En outre, il va de soi que sont exclus nommément les
«moteurs de pompe à arbre vertical habituellement appelés
moteurs à base verticale en P ou moteurs à plateaux verticaux
en P».
Dans l'affaire Trane, précitée, cette Cour a
conclu qu'il est possible de se référer aux motifs
prononcés par le Tribunal pour déterminer ce que
les mots «integral horsepower» signifient pour lui.
La Cour a conclu que les motifs révèlent que le
Tribunal n'entendait pas rendre une conclusion de
préjudice sensible à l'égard des moteurs logés dans
des châssis à deux chiffres et qu'il ne l'a pas fait.
Cependant, la Cour a aussi dit ce qui suit [à la
page 206]:
Que le Tribunal ait ou non compétence pour déterminer le
champ d'application de son enquête en définissant la catégorie
de marchandises décrites dans la détermination préliminaire de
dumping, cette question n'est pas, à mon avis, celle qui nous
intéresse dans cet appel. Le litige porte en fait sur la question
de savoir si oui ou non, le Tribunal a pris une conclusion de
préjudice sensible à l'égard des moteurs à châssis identifiés par
des numéros à deux chiffres. Si le Tribunal avait commis une
erreur en excluant ces moteurs de son enquête et de sa conclu
sion, cette erreur pourrait affecter la validité de sa décision ....
La question laissée en suspens dans l'affaire
Trane est l'un des points qui nous est soumis à
l'occasion de la présente demande.
L'avocat de 1'AMEEEC soutient que le Tribu
nal n'a pas compétence pour interpréter les termes
employés dans la détermination préliminaire de
dumping. Lui attribuer cette compétence lui per-
mettrait de redéfinir la classe de marchandises
visée par la détermination soit en la restreignant
ou en l'étendant. Il ne lui est pas permis de le faire,
selon l'avocat, à cause des termes du paragraphe
16(1) qui se lisent ainsi:
16. (1) Le Tribunal ... doit, relativement aux marchandises
auxquelles s'applique la détermination préliminaire du dum
ping, faire enquête ... .
Certes, les termes limitent manifestement l'en-
quête du Tribunal aux marchandises «auxquelles
s'applique la détermination préliminaire». Toute-
fois, dans certains cas, comme en l'espèce, le Tri
bunal peut éprouver des difficultés à délimiter les
marchandises auxquelles la détermination s'appli-
que. Dans un tel cas, il doit s'employer à vérifier le
sens des termes. Une façon de le faire consiste à
permettre la présentation d'éléments de preuve par
les personnes qui connaissent bien l'industrie qui
produit les marchandises en cause, si cela est
possible, pour déterminer ce que les termes signi-
fient pour ces personnes. C'est ce que le Tribunal a
fait en l'espèce. Il n'en résulte pas nécessairement,
à mon sens, une redéfinition de la classe des
marchandises définie par le sous-ministre, comme
l'avocat l'a soutenu. Procéder à une telle enquête
sur les faits lors de l'audition ne signifie pas que le
Tribunal a outrepassé sa compétence comme l'avo-
cat le prétend.
Dans son argumentation initiale, l'avocat de
l'AMEEEC a soutenu que le Tribunal est tenu, en
droit, d'obtenir du sous-ministre des éclaircisse-
ments quant à la classe des marchandises objet du
dumping s'il a des doutes sur sa nature. Il a
reconnu qu'il n'avait pas d'obligation explicite de
le faire, mais il a soutenu qu'il y avait une obliga
tion implicite, à cause de la rédaction de la règle 9
des Règles de procédure du Tribunal antidum-
ping, C.R.C., chap. 300. 3 Toutefois, dans sa
3 9. Conformément à l'alinéa 14(2)c) de la Loi, le sous-minis-
tre doit produire auprès du secrétaire pour dépôt
a) la plainte, s'il y en a une, et tous les renseignements
pertinents que lui a fournis le plaignant;
b) s'il n'y a pas de plaignant, les éléments de preuve sur
lesquelles le sous-ministre s'est fondé pour se déclarer d'avis
que le dumping de marchandises cause un préjudice à la
production canadienne de marchandises semblables;
c) la désignation des marchandises sous-évaluées;
d) la quantité et la valeur de
(i) la production canadienne de marchandises semblables,
et
(ii) l'importation de marchandises semblables;
e) la proportion des importations de marchandises sous-éva-
luées ou de marchandises semblables qu'il trouve sous-éva-
luées;
f) les marges de dumping; et
g) toute autre information relative à l'enquête, dont il
dispose.
réponse, l'avocat a admis qu'il n'y avait pas d'obli-
gation stricte d'ajourner l'enquête et de renvoyer la
détermination préliminaire ambiguë au sous-
ministre pour avoir des éclaircissements. Il a sou-
tenu qu'on aurait été prudent et avisé de le faire
pour s'assurer que le Tribunal n'outrepasse sa
compétence en étendant ou en limitant la portée de
son enquête. D'autre part, le substitut du procu-
reur général n'a pas modifié sa prétention, selon
laquelle il y avait une obligation en droit de ren-
voyer l'affaire au sous-ministre, mais il n'a pu
indiquer la source de cette obligation.
À mon avis, le Tribunal n'a ni outrepassé sa
compétence, ni commis d'erreur dans les circons-
tances de l'espèce, en essayant de déterminer par
des éléments de preuve ce que les mots «integral
horsepower induction motors» signifiaient. Il avait
une fonction à remplir, dont un des éléments essen-
tiels consistait à interpréter la désignation de la
classe des marchandises mentionnée dans la déter-
mination préliminaire. Il lui appartenait de décider
comment arriver à cette interprétation pour autant
qu'il agissait selon les règles pertinentes à un
organisme judiciaire ou quasi judiciaire.
Cela ne règle cependant pas l'affaire. Le substi-
tut du procureur général du Canada soutient, avec
l'appui de l'avocat de l'AMEEEC, que si le Tribu
nal permettait la production d'éléments de preuve
qui lui permettraient de déterminer le sens à
donner aux mots de la détermination, et que sa
compétence à cet égard ait été contestée, il devait
rendre sa décision sur ce point avant de continuer
l'enquête. En ne rendant pas la décision sur ce
point, il laissait les parties dans l'incertitude quant
à la portée de l'enquête et aux marchandises à
l'égard desquelles il fallait produire des éléments
de preuve et présenter des plaidoiries. On a sou-
tenu que l'omission de rendre sa décision sur la
question préliminaire avant de poursuivre l'audi-
tion sur le fond constitue une erreur de droit et, au
dire des avocats, a vicié toutes les procédures.
La lecture des témoignages auxquels les avocats
font allusion nous indique manifestement que la
question du sens des mots «integral horsepower
induction motors» a été soulevée à une rencontre
préliminaire des parties et de la Commission de
même qu'au tout début de l'audition devant le
Tribunal. A la rencontre on a demandé une [TRA-
DUCTION] «directive préliminaire» sur le sens des
mots [TRADUCTION] «parce qu'ils ont une
influence directe sur les éléments de preuve que je
devrai présenter», a dit l'un des avocats. Il est aussi
manifeste que le président du Tribunal a refusé de
donner une directive à la rencontre préliminaire,
parce qu'il estimait nécessaire d'entendre des
témoignages et des plaidoiries avant de pouvoir
donner une interprétation. Il est intéressant de
signaler que, ni à cette étape des procédures, ni
plus tard, aucune des parties ne paraît avoir tenté
d'obtenir des clarifications du sous-ministre sur le
sens des mots employés dans la détermination
préliminaire.
Le président a de nouveau exprimé l'avis du
Tribunal à l'ouverture de l'audience et on a
demandé à certains témoins de déposer pour déter-
miner le sens des mots. De plus, il est manifeste
que le Tribunal n'a pas fait connaître aux parties
sa conclusion sur le sens de ces mots pendant le
cours de l'audition. Ce n'est qu'au moment de
rendre sa décision et de faire connaître son
«Exposé des motifs» que le Tribunal a indiqué que
la détermination préliminaire de dumping s'appli-
quait aux moteurs à induction ayant une puissance
d'un à deux cents horse-power montés sur des
châssis à trois chiffres, mais ne s'appliquait pas
aux moteurs montés sur des châssis à deux
chiffres.
Les avocats ont soutenu que la question est la
suivante: l'omission du Tribunal de rendre une
décision sur le sens à donner aux termes «integral
horsepower» relativement aux moteurs à induction
avant de procéder à son enquête, qui a eu pour
effet d'empêcher les parties de soumettre des élé-
ments de preuve et des plaidoiries relativement aux
marchandises spécifiques qui faisaient l'objet de
l'enquête, (même si ces marchandises apparte-
naient à une classe de marchandises plus générale
qui, elle, a fait l'objet de la preuve), constitue-
t-elle une erreur de droit ou de compétence?
À mon avis, il ne s'agit pas d'une question de
compétence au sens ordinaire de ce terme. Je ne
pense pas qu'il s'agisse strictement non plus d'une
erreur de droit. Il s'agirait plutôt, à mon sens, d'un
manquement à un principe de justice naturelle
parce que le Tribunal n'a pas fait connaître sa
décision sur l'objet de l'enquête.
L'avocat de l'AMEEEC a signalé plusieurs pas
sages de la transcription des témoignages rendus
au cours de la rencontre préliminaire et lors des
audiences à l'enquête elle-même. La lecture de ces
passages ne laisse aucun doute que, non seulement
le Tribunal a refusé de rendre la décision deman-
dée sur le sens des termes, mais qu'il l'a fait parce
que les membres du Tribunal étaient alors très
perplexes sur le sens à donner à ces termes. Ils
voulaient entendre des témoignages sur la ques
tion, non seulement de la part des plaignantes,
mais aussi de la part des parties adverses et avoir
le temps d'examiner ces témoignages avant de
rendre leur décision sur le sens de ces termes. Il me
semble alors que chacune des parties, sachant ce
qui s'était passé à la rencontre préliminaire et au
début de l'audition, à propos du sens à donner à
l'expression «integral horsepower induction mo
tors», pouvait raisonnablement s'attendre à avoir
l'occasion de présenter des témoignages, si le Tri
bunal décidait que la définition plus restrictive des
termes contestés était celle qui devait s'appliquer.
Toutefois, le Tribunal a continué l'audition sans
déterminer quelle classe de marchandises était
l'objet de l'enquête. Son omission de rendre sa
décision sur l'objet de l'enquête peut avoir privé
une ou plusieurs des parties de la possibilité non
seulement de soumettre des témoignages visant
directement la classe de marchandises que le Tri
bunal a estimée plus tard être l'objet de l'enquête,
mais aussi celle de contredire, corriger ou com-
menter des témoignages ou des renseignements
relatifs à la conclusion que le Tribunal est requis
de rendre en application de l'article 16 de la Loi,
soit dire si l'importation de moteurs montés sur
châssis à trois chiffres a causé, cause ou est suscep
tible de causer un préjudice sensible à la produc
tion de moteurs semblables au Canada. L'omission
d'accorder cette possibilité aux parties constitue, à
mon avis, un déni de justice naturelle.
Pour ce motif, je suis d'avis d'accueillir la
demande fondée sur l'article 28, d'infirmer la déci-
sion du Tribunal dont on demande la révision et de
renvoyer l'affaire au Tribunal pour qu'il procède à
une nouvelle audition d'une manière conforme aux
présents motifs.
Étant donné cette conclusion, il ne serait pas
à-propos que je commente le second moyen sou-
levé, c'est-à-dire l'absence de preuve sur laquelle le
Tribunal a pu justifier sa conclusion quant aux
moteurs montés sur châssis à trois chiffres
seulement.
LE JUGE RYAN: Je souscris.
LE JUGE SUPPLÉANT KELLY: Je souscris aux
motifs de jugement du juge Urie en l'espèce.
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