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A-803-81
Le registraire des marques de commerce (appe- lant) (intimé)
c.
L'Association olympique canadienne (inti- mée)(appelante)
Cour d'appel, juges Heald et Urie, juge suppléant Kelly—Toronto, 18 mai; Ottawa, 6 juillet 1982.
Marques de commerce Appel d'une décision de la Divi sion de première instance qui a infirmé la décision du regis- traire de refuser la requête de l'intimée de donner avis public de l'emploi de certaines marques aux fins de l'art. 9(1)n)(iii) de la Loi L'art. 9(1)n)(iii) interdit à quiconque d'employer les marques adoptées et employées par les autorités publiques au Canada comme marques officielles pour des marchandises ou des services L'appelant prétend que, bien qu'elle soit recon- nue pour ses activités sans but lucratif qui profitent au public en réponse à des besoins nationaux reconnus, l'intimée n'est pas une «autorité publique» au sens de cet article Critère pour décider si l'intimée est une «autorité publique» Appel rejeté Loi sur les marques de commerce, S.R.C. 1970, chap. T-10, art. 9(1).
L'intimée est une corporation sans but lucratif reconnue par le Comité international olympique comme ayant compétence exclusive sur les questions relatives à la participation du Canada aux Jeux olympiques et aux Jeux panaméricains. Elle poursuit à des fins non lucratives des activités qui profitent au public en réponse à des besoins généralement reconnus. Ses statuts prévoient que si elle abandonne sa charte, c'est le gouvernement qui, en collaboration avec le Comité internatio nal olympique, veillera à la liquidation de ses biens; elle reçoit une aide financière importante du gouvernement fédéral et elle entretient des rapports étroits avec la Direction de la condition physique et du sport amateur et Sports Canada. Elle n'est cependant pas un mandataire du gouvernement. L'appelant a refusé la demande de l'intimée qu'il soit donné avis de certaines marques de l'intimée afin d'assurer leur protection en vertu du sous-alinéa 9(1)n)(iii) de la Loi sur les marques de commerce pour le motif que l'intimée n'est pas une «autorité publique» au sens de cette disposition parce qu'elle ne répond pas à trois critères, savoir, qu'elle a une obligation envers le public en général, qu'elle doit, dans une mesure importante, être soumise au contrôle public et, enfin, que ses bénéfices doivent profiter à l'ensemble du public. La Division de première instance a infirmé la décision du registraire et a conclu que l'intimée est une «autorité publique» au sens que la Loi donne à ces mots.
Arrêt: l'appel doit être rejeté. La jurisprudence n'appuie pas l'examen que l'appelant propose pour décider si un organisme est une «autorité publique». Les questions de savoir si un organisme a une obligation envers le public, s'il est soumis dans une mesure importante à un contrôle public ou s'il consacre ses bénéfices à l'ensemble du public sont seulement trois facteurs, parmi d'autres, dont il faut tenir compte pour trancher cette question; cette décision doit d'abord se fonder sur la nature des fonctions que remplit l'organisme dans le contexte législatif particulier à chaque cas d'espèce. De toute évidence, les activi-
tés de l'intimée profitent au public en général, et bien que ses obligations envers le public soient autonomes, cela n'est pas incompatible avec la nature des obligations qu'ont envers le public d'autres organismes désignés au paragraphe 9(1) de la Loi. En ce qui concerne le degré de contrôle public exercé à l'égard de l'intimée, il faut remarquer que la loi qui autorise sa constitution lui impose au moins le même degré de contrôle que celui imposé à tout autre organisme constitué en association sans but lucratif dont les objets sont de caractère national, patriotique ou sportif. En outre, l'intimée reçoit une aide financière importante du gouvernement; si elle abandonne sa charte, ses biens seront liquidés par le gouvernement en colla boration avec le Comité international olympique; elle entretient des rapports étroits avec les organismes du gouvernement et elle a montré sa volonté de coopérer avec le gouvernement en se pliant à sa demande que les équipes canadiennes ne participent pas aux Jeux olympiques de 1980; tout cela indique que le gouvernement exerce sur les activités de l'intimée un degré de contrôle suffisant pour justifier qu'elle soit considérée comme une «autorité publique» au sens du sous-alinéa 9(1)n)(iii).
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS EXAMINÉES:
Littlewood v. George Wimpey and Co., Ltd. et al., [1953] 1 All E.R. 583 (Q.B.D.); Cloudfoam Ltd. et al. v. Toronto Harbour Commissioners, [1969] 2 O.R. 194 (C.A.); Smith et al. v. Hydro-Electric Power Commis sion of Ontario (1976), 14 O.R. (2d) 502 (C. div.); Coderre et al. v. Ethier et al. (1978), 19 O.R. (2d) 503 (H.C.J.); Dombrowski v. Board of Governors of Dalhou- sie University and College et al. (1974), 55 D.L.R. (3d) 268 (C.S. N.-E.); Firestone Tire and Rubber Co. (S.S.) Ld. v. Singapore Harbour Board, [ 1952] A.C. 452.
AVOCATS:
B. Evernden pour l'appelant (intimé).
D. F. Sim, c.r., et K. D. McKay pour l'intimée
(appelante).
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour l'appelant (intimé).
Donald F. Sim, c.r., Toronto, pour l'intimée (appelante).
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE URIE: Il s'agit de l'appel d'un juge- ment de la Division de première instance [[1982] 2 C.F. 274] qui a accueilli l'appel de l'intimée à l'encontre d'une décision de l'appelant qui a refusé la requête de l'intimée, faite conformément au sous-alinéa 9(1)n)(iii) de la Loi sur les marques de commerce, S.R.C. 1970, chap. T-10 («la Loi»),
de donner avis public de l'adoption et de l'emploi de certaines marques par l'intimée. Voici les faits
pertinents.
L'Association olympique canadienne («l'AOC») a été constituée en corporation sans but lucratif en vertu de la Partie II de la Loi des compagnies, 1934, S.C. 1934, chap. 33, par lettres patentes délivrées au mois de janvier 1952. Elle succédait au Comité olympique canadien établi en 1904 en vue de permettre au Canada de participer aux Jeux olympiques et aux Jeux panaméricains. Par lettres patentes supplémentaires délivrées le 11 mai 1968, sa charte a été modifiée par la suppres sion des objets prévus à l'origine aux lettres paten- tes et leur remplacement par ce qui suit:
[TRADUCTION] a) susciter et garder l'intérêt de la population canadienne, et obtenir son soutien pour la participation aux Jeux olympiques et aux Jeux panaméricains d'équipes sporti- ves qui représentent le Canada et qui lui fassent honneur;
b) promouvoir et protéger le mouvement olympique et le sport amateur au Canada;
c) accroître l'intérêt de la population canadienne, et plus spécialement de la jeunesse, pour tout ce que peut leur apporter sur le plan physique, moral et culturel, la participa tion loyale et sportive à des compétitions tenues en confor- mité des règles du sport amateur;
d) exercer une compétence exclusive, directement ou par le truchement de ses membres ou comités, sur tout ce qui touche à la participation du Canada aux Jeux olympiques et aux Jeux panaméricains, y compris la représentation du Canada à ces Jeux, et sur l'organisation de ces Jeux, lors- qu'ils sont tenus au Canada, et à ces fins, respecter et faire respecter l'ensemble des règlements et règles du Comité international olympique;
e) sélectionner et recruter les meilleurs athlètes amateurs pour représenter le Canada aux Jeux olympiques et aux Jeux panaméricains;
f) fournir une aide financière aux organismes membres qui en font la demande lorsque les dépenses qu'entraînent la préparation et la sélection des athlètes pour les Jeux olympi- ques ou les Jeux panaméricains excèdent leurs revenus;
g) demander et recevoir des dons, des legs et des biens pour l'avancement de ses objets.
Le Comité international olympique («le C.I.O.») contrôle le droit d'un pays à prendre part aux Jeux olympiques; c'est lui qui décide quel organisme surveille la participation aux Jeux de chacun des 140 pays ou plus dans le monde. L'AOC est le comité olympique national reconnu par le C.I.O. pour le Canada et, à ce titre, elle exerce le contrôle de toutes questions relatives au mouvement olym-
pique au Canada. Ses statuts prévoient que si l'AOC doit abandonner sa charte, c'est le gouver- nement canadien qui, en collaboration avec le C.I.O., veillera à la disposition de ses biens, mais il faut également remarquer que le C.I.O. interdit qu'un comité olympique national soit un organisme
gouvernemental.
Dans une déclaration sous serment qu'a produite l'AOC lors des procédures devant la Division de première instance, son président, Richard W. Pound, déclare ce qui suit relativement à la recon naissance de l'AOC par le gouvernement fédéral:
[TRADUCTION] 5. Le C.I.O. exige que les comités olympiques nationaux de chaque pays exercent leur contrôle sur tout ce qui touche au mouvement olympique dans leur pays respectif. Depuis plusieurs années, le Canada et le C.I.O. ont reconnu et continuent de reconnaître l'autorité de l'AOC en tant que comité olympique national pour le Canada; sans cette existence et sans cette reconnaissance, la participation du Canada aux Jeux olympiques ne serait pas possible. Le gouvernement cana- dien l'a reconnu de façon expresse dans les objets actuels de l'AOC énoncés à l'alinéa 3b) de la pièce «A». Le C.I.O. exige en outre qu'un comité olympique national ne soit pas un organisme gouvernemental.
6. L'AOC est le seul interlocuteur du C.I.O. en ce qui concerne l'organisation des Jeux olympiques et la participation du Canada à ces Jeux tant au Canada qu'à l'étranger. De fait, une ville canadienne qui souhaite être l'hôte des Jeux ne peut présenter au C.I.O. une demande qui n'a pas l'approbation et l'appui de l'AOC. Dans le passé, l'AOC a endossé les offres de plusieurs villes canadiennes d'accueillir les Jeux olympiques, y compris, entre autres, celles de Banff (en 1968 et en 1972), de Vancouver et Garibaldi (en 1976) et de Montréal (en 1972 et en 1976) et le gouvernement canadien a appuyé ces offres. La pièce «B» annexée à la présente déclaration sous serment repro- duit des lettres que le gouvernement canadien a fait parvenir au C.I.O. pour souscrire à l'approbation, par l'AOC, des demandes de villes canadiennes.
7. Le C.I.O. a accepté une de ces demandes de sorte que les Jeux de 1976 ont eu lieu à Montréal. La lettre du Premier ministre Pierre Trudeau, qui est reproduite à la pièce «B», manifeste un engagement à appuyer ces jéux et de fait, par l'entremise de programmes tels la Loterie olympique, le Pro gramme de la monnaie olympique, le Programme du timbre olympique, l'Organisation de la radio et de la télévision olympi- ques, le ministère de l'Immigration et d'autres organismes du gouvernement ont fourni cet appui. De fait, une loi fédérale a reconnu de façon expresse le Comité organisateur des Jeux olympiques de Montréal («COJO») en vue de faciliter l'organi- sation et la réalisation de ces Jeux et de permettre au COJO d'appliquer et d'exploiter ces programmes.
De concert avec les gouvernements fédéral et provinciaux, l'AOC a participé au programme «Plan des Jeux» de 1973 en vue de l'entraînement et de la préparation des athlètes canadiens pour les
Jeux olympiques de 1976 Montréal. De même, elle rencontre régulièrement les représentants de la Direction de la condition physique et du sport amateur du gouvernement du Canada, de Sports Canada et divers membres de cet organisme pour l'aider à mettre au point et à encourager les pro grammes sportifs les plus aptes à répondre aux besoins des Canadiens. En 1980, l'AOC a accueilli favorablement la demande du gouvernement fédé- ral que l'équipe olympique canadienne ne participe pas aux Jeux olympiques de Moscou. Le gouverne- ment fédéral appuie financièrement l'AOC en con- tribuant pour 30 40 pour 100 du coût total des frais de représentation aux jeux.
Le 29 janvier 1975, la demande de l'AOC, l'appelant a donné avis public dans le Trade Marks Journal, en vertu du sous-alinéa 9(1)n)(iii) de la Loi sur les marques de commerce, de l'adop- tion de cinq marques officielles par l'AOC.
Par lettres en date des 18 et 20 octobre 1979, l'AOC a demandé que soit donné avis public de certaines marques officielles conformément au sous-alinéa 9(1)n)(iii) de la Loi sur les marques de commerce, et cet avis a été publié dans le Trade Marks Journal du 5 mars 1980.
Les demandes de l'AOC pour que soit donné avis public de l'adoption de marques qui font l'objet du présent appel ont été faites les 2, 3 et 5 octobre 1979. Ce n'est que le 22 septembre 1980 que l'AOC a été informée que sa demande de donner avis de l'adoption des marques mentionnées dans ces lettres était refusée, bien qu'il y ait eu dans l'intervalle échange de correspondance entre les parties à ce sujet. Il faut remarquer que bien que les demandes en l'espèce aient été faites avant celles dont il est question au paragraphe précédent, le refus de donner avis public est postérieur à la publication de ces marques dont la demande de publication a été faite à une date ultérieure. L'ap- pel à la Division de première instance a été formé à l'encontre de ce refus, et c'est à l'encontre du jugement de la Division de première instance, qui décide que l'AOC est une «autorité publique» au sens du sous-alinéa 9(1)n)(iii) et qu'elle a droit, en conséquence, à ce qu'il soit donné avis de l'emploi et de l'adoption de ses marques, qu'est formé le présent appel.
L'alinéa 9(1)n) de la Loi se lit comme suit:
9. (1) Nul ne doit adopter à l'égard d'une entreprise, comme marque de commerce ou autrement, une marque composée de
ce qui suit, ou dont la ressemblance est telle qu'on pourrait vraisemblablement la confondre avec ce qui suit:
n) tout insigne, écusson, marque ou emblème
(i) adopté ou employé par l'une quelconque des forces de Sa Majesté telles que les définit la Loi sur la défense nationale,
(ii) d'une université, ou
(iii) adopté et employé par une autorité publique au Canada comme marque officielle pour des marchandises ou services,
à l'égard desquels le registraire, sur la demande de Sa Majesté ou de l'université ou autorité publique, selon le cas, a donné un avis public d'adoption et emploi; .. .
Dans sa lettre de refus de donner avis public de l'adoption ou de l'emploi des marques en question par l'AOC, l'appelant a dit ce qui suit concernant le sens qu'il faut donner à «autorité publique» au sous-alinéa 9(1)n)(iii):
[TRADUCTION] Comme vous le savez, la Loi sur les marques de commerce ne donne pas de définition d'une autorité publi- que. Cependant, suite à un examen- de toutes les décisions et des points cités dans la première opinion que ce Bureau a fait connaître et que soulèvent vos arguments en date du 10 juin 1980, j'ai conclu qu'un organisme doit rencontrer trois critères de base pour être considéré une autorité publique:
1) il doit avoir une obligation envers le public en général;
2) il doit, dans une mesure importante, être soumis au contrôle public;
3) ses bénéfices ne doivent pas servir un intérêt privé mais doivent profiter à l'ensemble du public.
Comme je l'ai déjà souligné, bien qu'il soit admis que les objets de l'Association olympique canadienne énoncés dans ses lettres patentes profitent au public en général, ceux-ci ne correspondent pas à des obligations publiques que le gouverne- ment ou un citoyen peut faire exécuter. Il est en outre possible de faire modifier les lettres patentes pour rendre ses objets moins profitables au public. En conséquence, je ne crois pas que l'Association olympique canadienne soit une autorité publique puisque aucune preuve n'établit qu'elle a envers le public une obligation pour laquelle elle est responsable envers le public par l'entremise du gouvernement. [C'est moi qui souligne.]
Également, aucun des renseignements fournis n'établit qu'elle soit, dans une mesure importante, soumise au contrôle public de sorte que l'Association olympique canadienne puisse être considérée comme une autorité publique. Bien qu'aucune loi ne précise quelle forme doit prendre ce contrôle public, l'existence de ce contrôle doit ressortir de façon claire et évidente des renseignements fournis. Il peut s'exercer par des officiers ou des fonctionnaires nommés par le gouvernement, par une surveillance gouvernementale directe des activités ou des biens de l'organisme, ou par d'autres moyens de contrôle. Les lettres patentes fournies n'offrent aucune indication de l'existence de ce contrôle public à l'égard de l'Association
olympique canadienne. Le simple fait que l'Association olympi- que canadienne ait été constituée en corporation sans but lucratif en vertu de la Partie II de la Loi des compagnies de 1934 n'assure pas un contrôle public dans la mesure requise. [C'est moi qui souligne.]
La convention dont il est question à la page 3 de votre lettre du 10 juin dans laquelle l'Association olympique canadienne a été tenue de garantir qu'elle est un organisme sans but lucratif et que ses profits servent à la réalisation de ses objets ne fait pas, à mon avis, la preuve d'un contrôle public. Elle s'applique plutôt au troisième critère, que ses profits ne doivent pas servir un intérêt privé. Ce point précis n'est pas contesté.
Après avoir examiné tous les renseignements disponibles ainsi que les textes pertinents se rapportant à la question des autorités publiques, j'ai conclu que l'Association olympique canadienne ne peut être considérée comme une autorité publi- que aux fins des dispositions de la Loi sur les marques de commerce et j'ai, en conséquence, refusé la demande de donner avis public des marques indiquées ci-dessus.
Dans le jugement dont il est fait appel en l'es- pèce, la Division de première instance a conclu la page 278]:
Le caractère public de l'appelante est manifeste. Ce qu'elle accomplit, elle le fait dans l'intérêt du Canada et des Cana- diens, en réponse à des besoins nationaux reconnus, non pour le bénéfice de ses membres. On l'accepte, au pays, comme l'entité ayant le droit exclusif d'accomplir, relativement au Canada et aux Canadiens, un certain nombre de ces fonctions, et, grâce à sa constitution en corporation, elle s'est vu conférer les pouvoirs qui lui sont nécessaires à ces fins. La reconnaissance par la communauté canadienne du rôle exclusif que l'appelante s'est donné, confie à cette dernière, aussi efficacement qu'une loi l'aurait fait, un mandat à remplir dans l'intérêt de la collectivité.
Je ne considère pas, en arrivant à la conclusion que l'appe- lante est une autorité publique au sens du sous-alinéa 9(1)n)(iii) de la Loi sur les marques de commerce, que les objets énoncés dans ses lettres patentes soient déterminants en l'instance, sauf dans la mesure ce sont des objets publics et non privés; s'il en était autrement, le recours de l'appelante ne serait pas accueilli. Ce qui est décisif, c'est que l'appelante poursuit, en fait, ces objets, que la communauté canadienne entend qu'il en soit ainsi, que l'appelante est, de fait, la seule entité à exercer le pouvoir de poursuivre les objets en question et que la communauté reconnaît qu'elle exerce ce pouvoir de plein droit.
Il ressort de ce qui précède que la seule question en litige en l'espèce est de savoir si l'AOC est une «autorité publique» à laquelle peut être accordé le droit de faire donner avis public de ses marques conformément au sous-alinéa 9(1)n)(iii) de la Loi.
L'avocat de l'appelant a fait valoir que, bien que l'expression «autorité publique» ne soit pas définie dans la Loi, la jurisprudence indique que, dans
d'autres contextes, on a établi un examen en trois points pour décider si un organisme peut être considéré comme une autorité publique:
a) il doit avoir une obligation envers le public en général;
b) il doit, dans une mesure importante, être soumis au contrôle gouvernemental; et
c) les bénéfices ne doivent pas servir un intérêt privé mais doivent profiter à l'ensemble du public.
La principale décision sur laquelle l'appelant appuie cet argument est l'arrêt Littlewood v. George Wimpey and Co., Ltd. et al.'. Dans cette affaire, il s'agissait de décider si British Overseas Airways Corporation, une défenderesse dans une action en dommages-intérêts pour blessures corpo- relles qu'avait subies un de ses employés dans l'exécution de ses fonctions, était une autorité publique au sens du paragraphe 21(1) de la Limi tation Act, 1939, 2 & 3 Geo. 6, chap. 21. Ce paragraphe se lit comme suit:
[TRADUCTION] 21.—(1) Aucune action ne sera intentée contre quiconque pour tout acte effectué dans le cadre, ou en exécution, ou prétendue exécution, de toute loi du Parlement ou de tout devoir ou responsabilité de nature publique ou à l'égard de toute négligence ou omission commise dans l'exécution d'une telle loi, devoir ou responsabilité, à moins d'être intentée avant l'expiration d'un an à compter de la date à laquelle la cause d'action a pris naissance:.. .
Aux pages 585 et 586, le juge Parker souligne:
[TRADUCTION] Concernant la question de savoir si la société est une autorité publique, cette question n'est pas facile parce qu'aucune cour n'a tenté de propos délibéré de formuler un critère ou une définition de ce qu'est ou ce que n'est pas une autorité publique. Certains points sont évidents. Certes, il ne suffit pas que ce soit un organisme créé en vertu d'une loi et qui doive servir l'intérêt public, par exemple, une société de che- mins de fer. Il est également évident qu'une société commer- ciale, autorisée à faire le commerce pour l'avantage de ses actionnaires, même si elle est établie en vertu d'une loi, n'est pas une autorité publique: voir en ce sens les affaires Swain v. Southern Ry. Co. ([1939] 2 All E.R. 794) et A.-G. v. Margate Pier & Harbour Co. of Proprietors ([1900] 1 Ch. 749). Par contre, le fait qu'une société ait le pouvoir de faire des profits pour elle-même ne l'empêche pas d'être une autorité publique. Dans l'arrêt Griffiths v. Smith, LORD PORTER dit ([1941] 1 All E.R. 89):
«Premièrement, bien qu'on emploie le terme `personne', la protection ne vise pas chaque personne. C'est une `Loi sur la protection des autorités publiques' non une `Loi sur la protec tion des personnes' et, par conséquent, l'organisme protégé doit être une autorité publique.»
' [1953] I All E.R. 583 (Q.B.D.).
II cite les arrêts Bradford Corpn. v. Myers ([1916] 1 A.C. 170) et The Johannesburg ([1907] P. 65), et il ajoute:
«Alors, qu'est-ce qu'une autorité publique? Comme le dit SIR GORELL BARNES, P., dans l'arrêt The Johannesburg, cette expression ne se limite pas aux corporations municipa- les. Plusieurs autres organismes ont des obligations que la loi leur impose et exercent des fonctions publiques, et il donne à la p. 79 des exemples d'organismes de ce genre. Il fait une distinction entre un organisme qui effectue des opérations pour son propre profit et les organismes qui oeuvrent dans l'intérêt public. Il n'y a pas de doute que leurs profits servent à l'avantage public ...»
Il cite les arrêts The Ydun ([1899] P. 236) et Lyles v. Southend-on-Sea Corpn. ([1905] 2 K.B. 1) et il ajoute:
«mais il ne doit pas s'agir d'une société commerciale qui fait des profits pour ses actionnaires (A.-G. v. Margate Pier & Harbour Co. of Proprietors).»
Il me semble y avoir plusieurs questions à examiner pour décider si la société est ou non une autorité publique. Je dois considérer les obligations imposées par opposition aux pouvoirs accordés. Je dois examiner dans quelle mesure elle est soumise au contrôle public, s'il en est, et qui profite de ses bénéfices.
C'est de ce passage que l'appelant tire les trois critères de base qu'il mentionne dans l'extrait de sa lettre précitée du 22 septembre 1980. Il faut peut- être remarquer que le juge Parker énonçait seule- ment le genre de considérations dont il devait tenir compte pour décider si la société en question était une autorité publique. Il n'a pas dit qu'une société ou un autre organisme doit répondre aux trois critères pour être une autorité publique, bien qu'il soit possible de supposer raisonnablement que c'est ce qu'il voulait dire. Il n'a pas dit non plus qu'on ne pouvait tenir compte d'aucun autre critère pour interpréter cette expression dans d'autres contex- tes. Ce qui est plus important, à mon avis, c'est qu'il n'a pas tenté de définir l'expression «autorité publique», reconnaissant que sa signification peut varier suivant le contexte législatif. La meilleure source de doctrine sur ce point se trouve dans Halsbury's Laws of England, 4 » éd., Vol. 1, aux pp. 9 et 10, par. 6, qui se lit en partie comme suit:
[TRADUCTION] 6. Personnes publiques et autorités publiques. Une autorité publique peut être décrite comme une personne ou une organisation administrative, à qui l'on confie des fonctions dont elle doit s'acquitter au profit du public et non de manière à en tirer elle-même profit. Ces personnes ou organisations ne sont pas toutes expressément désignées comme autorité ou organisme public, et le concept d'autorité ou d'organisme public peut varier suivant le contexte de la loi.
L'avocat de l'appelant cherche à appuyer ses arguments sur les décisions Cloudfoam Ltd. et al.
v. Toronto Harbour Commissioners 2 ; Smith et al. v. Hydro-Electric Power Commission of Ontario 3 ; Coderre et al. v. Ethier et al. 4 et Dombrowski v. Board of Governors of Dalhousie University and College et al. 5 .
Dans l'affaire Cloudfoam, une des questions en litige était de savoir si les commissaires du port de Toronto étaient, au sens des termes de l'article 11 de la Public Authorities Protection Act de l'Onta- rio, S.R.O. 1960, chap. 318, une personne contre qui des procédures ont été commencées pour un acte effectué en exécution d'une obligation publi- que imposée par la loi ou d'une autre obligation ou responsabilité publiques. Le cas échéant, toute action contre eux devait être intentée dans un délai de six mois. Les termes de l'article 11 ressemblent beaucoup à ceux du paragraphe 21(1) de la loi anglaise, précité. Dans le jugement prononcé au nom de la Cour, le juge d'appel Laskin, mainte- nant juge en chef du Canada, n'a pas mentionné l'arrêt Littlewood précité, de sorte qu'il n'appuie pas la prétention de l'appelant que pour conclure qu'un organisme est une «autorité publique», il faut retrouver les trois prétendus critères. Le juge d'ap- pel Laskin dit, à la page 197:
[TRADUCTION] Le caractère «public» du défendeur se traduit non seulement par son obligation d2administrer le port et le havre de Toronto pour la commodité du public, mais aussi par le fait qu'il est assujetti au contrôle du gouvernement comme en font foi les art. 15(3), 21(2) et 31 de la loi constitutive de 1911. Ces dispositions ont pour effet d'assujettir les commissaires du port de Toronto à la surveillance et au contrôle du gouverneur en conseil pour ce qui concerne les tentatives de vendre ou d'aliéner les biens-fonds qu'administrent les commissaires du port de Toronto, pour ce qui concerne l'effet des règlements que les commissaires sont autorisés à établir en vertu de la loi, et relativement aux comptes qu'ils sont requis de tenir en vertu du dernier article cité.
Nous estimons que ces dispositions relatives à l'autorité et aux pouvoirs que la loi accorde à la société renforcent suffisam- ment son caractère public pour qu'elle soit visée par les termes de l'art. 11 qui mentionnent une obligation publique imposée par la loi ou une autre obligation ou responsabilité publiques.
On voit dans ce passage que le juge Laskin a conclu que l'obligation des commissaires d'admi- nistrer le port pour la commodité du public et l'élément de contrôle gouvernemental sur la dispo sition de ses biens-fonds appuyaient la conclusion
2 [1969] 2 O.R. 194 (C.A.).
3 (1976), 14 O.R. (2d) 502 (C. div.).
° (1978), 19 O.R. (2d) 503 (H.C.J.).
5 (1974), 55 D.L.R. (3d) 268 (C.S. N.-É.).
de la Cour que les commissaires avaient droit à la protection de la loi puisqu'ils sont une autorité publique.
Dans l'affaire Smith, la Cour devait déterminer si la Commission défenderesse pouvait se prévaloir de l'article 11 de la Public Authorities Protection Act, S.R.O. 1970, chap. 374. Après avoir examiné la loi qui crée la Commission, la Cour division- naire de l'Ontario a suivi l'arrêt Cloudfoam et a conclu que l'obligation imposée à la Commission de l'énergie hydro-électrique de l'Ontario de four- nir de l'électricité à l'Ontario et que la mesure dans laquelle elle était assujettie au contrôle gou- vernemental dépassaient en importance le contrôle exercé par le gouvernement à l'égard des commis- saires du port de Toronto. encore, on n'a pas fait mention de l'arrêt Littlewood.
Dans l'affaire Coderre, le juge Lerner a lui aussi suivi l'arrêt Cloudfoam, mais il a cité en plus l'arrêt Firestone Tire and Rubber Co. (S.S.) Ld. v. Singapore Harbour Board 6 dans lequel la défende- resse était poursuivie pour avoir omis de livrer une partie d'une cargaison de pneus reçus au nom de la demanderesse. Lord Tucker a dit, à la page 464:
[TRADUCTION] ... 1. La protection qu'accorde la loi exige que l'acte ou l'omission dont il s'agit porte sur l'accomplissement d'une obligation publique ou sur l'exercice d'une responsabilité publique. Cela suppose qu'il existe des obligations et des res- ponsabilités qui ne sont pas publiques.
Toutes les décisions qui précèdent font ressortir clairement que, bien qu'un organisme telle l'AOC puisse ne pas pouvoir invoquer la protection qu'ac- cordent des lois telle la Public Authorities Protec tion Act, cela ne signifie pas qu'il s'ensuit nécessai- rement que ce n'est pas une autorité publique aux fins de la Loi sur les marques de commerce. Pour déterminer s'il s'agit d'une autorité publique, il faut examiner le sens de l'expression «autorité publique» dans le contexte de cette Loi ainsi que la nature des fonctions qu'elle accomplit. Cette con clusion est conforme à la définition que Halsbury, précité, donne de l'autorité publique.
Le savant juge de première instance en l'espèce a fait remarquer avec justesse la page 277]:
Je crois qu'il est juste de dire que la jurisprudence a porté sur le caractère public de l'autorité, plutôt que sur la question de savoir si une personne ou un organisme constituait une autorité. Il en va autrement en l'instance.
6 [ 1952] A.C. 452.
Le dossier indique clairement que le rôle de l'AOC en tant que seul organisme autorisé par le C.I.O. à organiser la participation canadienne aux compétitions olympiques internationales profite au public canadien, et l'appelant ne conteste pas ce fait. Son avocat dit, cependant, qu'il doit y avoir des obligations ou des devoirs corrélatifs dont un citoyen ou le gouvernement ou un de ses organis- mes peut exiger l'exécution. Ainsi, d'après lui, le caractère de l'AOC ne répond pas aux critères a) et b) de l'examen en trois parties énoncé précé- demment qui, dit-il, a été proposé dans l'arrêt Littlewood précité. A mon avis, la nécessité de trouver ces obligations ou devoirs envers le public n'établit pas nécessairement que l'organisme public est une «autorité publique» au sens dans lequel cette expression est employée dans le con- texte de la Loi en l'espèce.
Le paragraphe 9(1) étend de façon précise sa protection à la Gendarmerie royale du Canada, aux gouvernements des provinces et aux corpora tions municipales. Il est évident que ce sont des «autorités» que le gouvernement a créées aux fins de s'acquitter de certaines obligations envers le public. La protection prévue au même paragraphe s'étend au portrait ou à la signature d'un particu- lier vivant ou qui est décédé dans les trente années précédentes, à la Croix-Rouge et aux Nations Unies. Il n'y a pas de doute que ces deux derniers organismes rendent plusieurs services qui profitent au public, mais puisque, depuis leur origine, ils sont indépendants, toute obligation publique exé- cutoire contre eux n'est pas aussi apparente que celle des organismes du gouvernement. Et bien sûr, un particulier n'a pas d'obligation publique ou de devoir public à moins qu'ils ne lui aient été impo- sés en vertu d'une loi applicable.
L'alinéa 9(1)n) lui-même illustre cette dichoto- mie. Le sous-alinéa (i) traite des forces armées dont les obligations publiques sont évidentes et le sous-alinéa (ii) protège les universités (dont plu- sieurs sont des institutions privées, par opposition aux institutions publiques) dont les obligations publiques ne sont pas du genre de celles que l'appelant envisage dans ses propositions, mais qui ressemblent plus aux obligations autonomes de l'intimée. Ainsi, le bien-fondé de l'argument de l'appelant que l'«autorité publique» dont il est question au sous-alinéa (iii) doit non seulement
exercer des activités qui profitent au public mais qu'elle doit avoir des obligations ou des devoirs envers le public est, à mon avis, affaibli de façon considérable.
La seule question qui reste est alors, à mon avis, de savoir si, pour décider qu'un organisme est une «autorité publique», il doit être assujetti dans une mesure importante au contrôle du gouvernement et, le cas échéant, si ce contrôle existe à l'égard de l'AOC. Selon les décisions précitées, il semble qu'un des éléments que les cours ont examiné pour décider du caractère public d'un organisme est le degré de contrôle qu'exerce le gouvernement compétent.
Premièrement, il faut remarquer que la loi qui autorise la constitution de l'AOC lui impose au moins le même degré de contrôle que celui imposé à toute autre société constituée en corporation sans but lucratif dont les objets sont, entre autres, de caractère national, patriotique ou sportif.
Deuxièmement, il est prévu que si l'AOC aban- donne sa charte, ses biens seront liquidés par le gouvernement du Canada en collaboration avec le C.I.O.
Troisièmement, les renseignements au dossier indiquent qu'une partie importante du finance- ment des activités de l'AOC provient du gouverne- ment fédéral et il n'y a pas de doute que l'emploi de ces fonds est surveillé par les représentants du gouvernement.
Quatrièmement, l'exemple fourni lors des Jeux olympiques de 1980, alors que le gouvernement fédéral a dissuadé l'AOC de participer à ces Jeux, indique que le gouvernement a une influence importante sur les décisions de l'AOC.
Cinquièmement, les liens étroits entre l'AOC, la Direction de la condition physique et du sport amateur et Sports Canada, au niveau du perfec- tionnement des athlètes, des possibilités d'entraîne- ment et des installations, et au niveau des entraî- neurs révèlent l'existence d'un élément de contrôle.
Pour ces motifs, je suis d'avis que le gouverne- ment exerce sur les activités de l'AOC un degré de contrôle suffisant pour renforcer son caractère
public en tant qu'«autorité publique» au sens du sous-alinéa 9(1)n)(iii) de la Loi.
En conséquence, pour ces motifs ainsi que pour ceux du savant juge de première instance auxquels je souscris, je suis d'avis de rejeter l'appel avec dépens.
LE JUGE HEALD: Je suis d'accord.
LE JUGE SUPPLÉANT KELLY: Je souscris aux motifs et aux conclusions du juge Urie.
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