T-388-74
Consolboard Inc. (demanderesse)
c.
MacMillan Bloedel (Saskatchewan) Limited
(défenderesse)
Division de première instance, juge Cattanach—
Ottawa, 20 et 26 mai .1982.
Pratique — Références — Appels par les deux parties du
rapport d'un arbitre relatif à l'évaluation des dommages
découlant de la contrefaçon d'un brevet — Modification du
rapport par la Cour, sur requête en jugement, quant au taux
de redevances et à l'application de la prescription légale —
Réduction du montant des dommages-intérêts au profit de la
défenderesse — Succès partagé sur les questions dont appel
A quelle date l'intérêt postérieur au jugement commence-t-il à
courir: à la date du rapport, à la date de l'appel du rapport ou
à la date du jugement? — Question des frais de la référence et
des appels — Séparation des frais de la référence de ceux de
l'appel — L'intérêt, au taux prévu, court à compter de la date
du jugement selon l'art. 40 de la Loi — Chaque partie a droit
à ses dépens d'appel — Répartition en pourcentage selon le
résultat partagé des appels — La demanderesse a droit à ses
frais de référence — Règle 186 de la Cour de l'Échiquier —
Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2 e Supp.), chap. 10,
art. 40 — Règles 344(1), 505, 506, 507 de la Cour fédérale.
JURISPRUDENCE
DISTINCTION FAITE AVEC:
Lightning Fastener Company Limited v. Colonial Faste
ner Company Limited et al., [1936] R.C.É. 1.
REQUÊTE.
AVOCATS:
A. Creber pour la demanderesse.
R. Hughes et K. D. McKay pour la
défenderesse.
PROCUREURS:
Gowling & Henderson, Ottawa, pour la
demanderesse.
Sim, Hughes, Toronto, pour la défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE CATTANACH: Dans les motifs de mon
jugement relatif à l'appel, sur le fondement de la
Règle 506, qu'a formé chacune des parties au sujet
du rapport, en date du 28 octobre 1981, de l'arbi-
tre auquel l'affaire avait été référée pour évalua-
tion des dommages découlant de la contrefaçon
par la défenderesse des revendications de certains
brevets appartenant à la demanderesse, j'ai invité
l'avocat de la demanderesse à préparer un projet
de jugement homologuant les conclusions du rap
port ainsi qu'une annexe expliquant le calcul du
montant des dommages, en conformité avec ces
conclusions, projet de jugement auquel l'avocat de
la défenderesse devrait donner son agrément ou, à
défaut, les motifs de son désaccord.
Cela fait, l'avocat de la demanderesse devait
demander jugement après notification à l'avocat
de la défenderesse.
Lors de cette requête, il resterait à déterminer:
[TRADUCTION] (1) la date à laquelle l'intérêt, postérieur au
jugement, commencerait à courir, au taux que prévoit
l'article 40 de la Loi sur la Cour fédérale, lequel renvoie à
l'article 3 de la Loi sur l'intérêt, soit à compter:
a) du 28 octobre 1981, date du rapport de l'arbitre, comme le
recommande l'arbitre,
b) du 6 avril 1982, date de l'appel formé du rapport de
l'arbitre, ou
c) de la date du jugement.
La Règle 505 oblige l'arbitre à présenter un
rapport de ses constatations en faveur d'une partie
ou de l'autre, ou contre elle; mais il lui est interdit
de rendre jugement à ce sujet. Le rapport est
transmis au greffe qui notifie les parties.
Dans les 14 jours de la signification de la notifi
cation du rapport, les parties peuvent, par requête,
former appel du rapport à la Cour, sur le fonde-
ment de la Règle 506.
C'est exactement ce qu'ont fait les parties: la
défenderesse a formé appel du rapport et la
demanderesse a présenté une défense à cet appel et
formé appel incident.
Lorsqu'il y a appel, la Cour peut:
(1) confirmer,
(2) modifier ou infirmer les conclusions de l'arbitre,
(3) renvoyer le rapport à l'arbitre pour réexamen, ou
(4) rendre jugement.
J'ai choisi de rendre jugement.
La Règle 507 dit que le rapport de l'arbitre
devient définitif si appel n'est pas interjeté dans le
délai que prévoit la Règle 506 mais, alors, juge-
ment n'est prononcé que sur requête en ce sens,
présentée à la Cour, avec préavis de huit jours.
La Règle 507, sauf quelques modifications
mineures apportées au texte par suite de l'intro-
duction du terme «arbitre» lors de la révision des
Règles, est identique, tant par la forme que par le
contenu, à la Règle 186 des Règles de la Cour de
l'Échiquier.
Dans l'espèce Lightning Fastener Company
Limited v. Colonial Fastener Company Limited et
al., [1936] R.C.E. 1, le juge Maclean, sous réserve
d'une déduction mineure, a confirmé le rapport de
l'arbitre au chapitre du montant des dommages
auxquels avait droit la demanderesse, et a rendu
jugement en ce sens [à la page 12] [TRADUCTION]
«avec intérêt à compter de la date du rapport de
l'arbitre».
Dans cette espèce, le juge Maclean a donc con
firmé le rapport de l'arbitre. En l'espèce en cause,
j'ai modifié fort substantiellement le rapport de
l'arbitre au titre du taux des redevances et de
l'application de la prescription légale, ce qui a eu
pour conséquence de réduire les dommages-inté-
rêts, lesquels sont passés de $1,200,000 environ, à
$400,000 environ, soit une différence de $800,000
ou de 66 2 / 3 %.
L'article 40 de la Loi sur la Cour fédérale,
S.R.C. 1970 (2e Supp.), chap. 10, prévoit qu'un
jugement, sauf ordonnance contraire, porte intérêt
à compter du moment où il est rendu.
Mais, comme le rapport de l'arbitre n'a pas été
confirmé (contrairement à l'espèce dont avait été
saisi le juge Maclean), et comme il y a eu une
importante réduction dans le montant des domma-
ges, il paraît incongru que l'intérêt sur ce montant
moindre remonte, rétroactivement, à la date de
remise du rapport, lequel recommandait un mon-
tant plus élevé, alors qu'il n'y avait pas jugement.
Aucune circonstance ne semble justifier une
ordonnance où l'intérêt, au taux prévu, ne courrait
pas à compter de la date du jugement.
Les trois moyens d'appel de la défenderesse sont
que l'arbitre aurait, à tort:
[TRADUCTION] (1) fixé le taux de redevance à 1 1 / 2 % et non à'h
de 1 %;
(2) inclus les allocations directes de voiture au titre de réduc-
tion du prix de vente plutôt qu'à titre de commission de mise en
marché réductrice du profit, au titre du coût de vente, et
(3) fixé la prescription à deux ans et non à six.
La défenderesse a eu gain de cause sur le pre
mier moyen, mais non sur les deux autres.
La demanderesse soutenait que:
[TRADUCTION] (1) le taux de redevance aurait dû être fixé à
3/%et non à 1 1 / 2 %;
(2) l'allocation directe de voiture constituait une commission et
non un escompte, et
(3) aucune prescription n'était applicable.
La demanderesse a eu gain de cause sur le
second et le troisième moyen, mais non sur le
premier.
Comme moyen subsidiaire d'appel, la demande-
resse soutenait aussi que l'arbitre avait, à tort,
refusé d'accorder:
[TRADUCTION] (1) un intérêt, avant jugement,
(2) des dommages-intérêts exemplaires,
(3) des dommages-intérêts au titre d'une perte d'opportunité
pour la compagnie.
Il n'aurait pas, à tort, déduit:
[TRADUCTION] (4) 2% du rendement net de l'usine dans le cas
des panneaux de copeaux de po (argument abandonné après
le refus d'autoriser l'appel en Cour suprême du Canada en
révision du jugement, postérieurement à la clôture de l'appel
dont j'avais été saisi cependant, où il en avait été débattu),
(5) des erreurs d'écriture ou de calcul lors de l'établissement du
montant des dommages:
a) le stock d'ouverture du 15 avril 1965 n'étant pas déduit
dans le calcul du rendement net de l'usine, et
b) un chiffre relatif au stock de fermeture étant incorrect,
(6) la demanderesse a conclu à l'intérêt à compter du jugement,
à un taux, que fixerait la Cour, supérieur à celui prévu par
l'article 40 de la Loi sur la Cour fédérale.
Les erreurs mathématiques que souligne la
demanderesse comme cinquième moyen d'appel,
ci-dessus, ont été corrigées de consentement
mutuel.
Le quatrième moyen d'appel de la demanderesse
a finalement été abandonné, après un long débat
cependant.
La défenderesse a eu gain de cause sur le taux
de redevance qu'il fallait appliquer, mais non sur
l'allocation directe de voiture, ni au sujet de la
prescription.
La demanderesse a eu gain de cause au sujet de
l'allocation directe de voiture et de la prescription.
Deux des moyens que faisait valoir la demande-
resse ont été réglés d'un commun accord et un
autre abandonné.
Sur tous les autres points qui faisaient l'objet de
l'appel, la demanderesse a été déboutée.
La défenderesse a obtenu un succès financier
important, le montant des dommages accordés par
l'arbitre étant réduit de $1,045,893 à $391,386,
soit, en chiffres ronds, une réduction d'environ
60%.
J'évaluerais le temps consacré aux questions pour
lesquelles la demanderesse a obtenu gain de cause
à y 5 environ du temps consacré à l'appel, les
4 / 5 restants l'ayant été aux questions pour lesquelles
c'est la défenderesse qui a eu gain de cause, la
demanderesse étant déboutée. Ce qui correspond
grosso modo au gain financier respectif des
parties.
La Règle 344(1) prévoit, entre autres choses,
que les dépens et autres frais de toutes les procédu-
res devant la Cour sont laissés à la discrétion de la
Cour, et ils suivent le sort de l'affaire, sauf ordon-
nance contraire.
Ainsi sont énoncés la règle générale et son tem-
pérament: le pouvoir discrétionnaire de la Cour.
Lorsque le succès est partagé selon les questions
qui ont fait l'objet d'appels simultanés, il me
semble approprié, dans les circonstances, que
chaque partie ait droit à ses dépens, en fonction
d'un pourcentage de l'ensemble correspondant au
succès de chacun par rapport à l'ensemble de la
cause.
Est ajouté à cela le temps respectivement consa-
cré à chacun des nombreux points.
C'est ce que j'ai fait: donner un sens distributif
au terme «affaire» de la Règle 344(1).
Ce qui donne un partage en pourcentage du
résultat, lui-même partagé, des appels.
On a appelé mon attention sur le fait que le
6 juillet 1981, immédiatement avant le début de la
référence que présida l'arbitre, la défenderesse a
déposé auprès de la Cour la somme de $300,000 en
paiement des dommages de la demanderesse. La
demanderesse n'a pas accepté cette offre.
Si les dommages finalement accordés avaient été
moindres que la somme offerte, j'aurais privé la
demanderesse de ses dépens, mais, à l'inverse,
comme les dommages finalement accordés dépas-
sent la somme offerte, la demanderesse aura droit
à ses dépens, sous réserve du partage mentionné
ci-dessus.
J'hésite à considérer la référence comme partie
intégrante d'une instance unique continue vu, on se
le rappellera, que le rapport de l'arbitre peut faire
l'objet d'un appel et que ce fut le cas en l'espèce.
On peut facilement séparer les frais de la réfé-
rence de ceux de l'appel.
Comme la référence fait partie intégrante de la
première instance, prise globalement, et même si,
en première instance, le résultat fut partagé et les
frais en matière de responsabilité répartis, la réfé-
rence constitue la première décision relative aux
dommages susceptible de se cristalliser en un juge-
ment en l'absence d'un appel. J'accepte donc la
recommandation de l'arbitre voulant que la
demanderesse ait droit à ses frais pour la
référence.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.