T-8337-82
Andrea Vergis et Jantine Mitrovic-Bann (requé-
rantes)
c.
Le Conseil canadien des relations du travail,
General Aviation Services Ltd. et l'Association
internationale des machinistes et des travailleurs
de l'aéroastronautique, section locale 2413
(intimés)
Division de première instance, juge Collier—
Toronto, 21 septembre; Ottawa, 1 novembre
1982.
Compétence — Division de première instance — Relations
de travail — Demande visant à suspendre l'exécution des
ordonnances du Conseil canadien des relations du travail, à
obtenir une ordonnance protégeant les droits des employés et à
obtenir des injonctions (ordonnant de faire et de ne pas faire)
dans le but d'empêcher la mise en disponibilité ou la cessation
d'emploi des employés jusqu'au dénouement des poursuites
judiciaires engagées en vertu de l'art. 122 du Code canadien du
travail et de l'art. 28 de la Loi sur la Cour fédérale en vue de
contester les ordonnances du Conseil — Les requérantes sou-
tiennent que l'art. 24(1) de la Charte canadienne des droits et
libertés et les art. 17, 18, 25 et 26 de la Loi sur la Cour
fédérale, qui prévoient l'étendue de la compétence de la Divi
sion de première instance, ont pour effet de conférer à la Cour
compétence pour connaître de la présente demande — Elles
prétendent en outre que si l'art. 122 du Code canadien du
travail restreint la compétence de la Division de première
instance en cette matière, cet .article est ultra vires ou sans
effet en raison de la Charte — Demande rejetée — L'art. 122
du Code permet à la Division d'appel d'entendre une demande
d'examen judiciaire fondée sur l'art. 28 — L'art. 122 n'est pas
ultra vires — Il se peut que la Division d'appel ait compétence
pour suspendre les ordonnances du Conseil — Charte cana-
dienne des droits et libertés, qui constitue la Partie I de la Loi
constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le
Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.), art. 24(1) — Code canadien
du travail, S.R.C. 1970, chap. L-1, art. 122, abrogé par S.C.
1972, chap. 18, art. 1; 1977-78, chap. 27, art. 43 — Loi sur la
Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), chap. 10, art. 17, 18,
25, 26, 28.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Nauss et autre c. La Section 269 de l'Association inter-
nationale des débardeurs, [1982] 1 C.F. 114 (C.A.);
Union des employés de commerce, local 503 et autre c.
Purolator Courrier Liée, Cour fédérale, A-399-82, juge-
ment en date du 15 octobre 1982 (non encore publié);
infirmant [1983] I C.F. 472 (lie inst.).
AVOCATS:
William S. Challis pour les requérantes.
Ian Scott, c.r. et Ross Wells pour le Conseil
canadien des relations du travail, intimé.
Naomi Duguid pour l'Association internatio-
nale des machinistes et des travailleurs de
l'aéroastronautique, section locale 2413, inti-
mée.
D. I. Wakely pour General Aviation Services
Ltd., intimée.
PROCUREURS:
McKeown, Yoerger, Spearing, Toronto, pour
les requérantes.
Cameron, Brewin & Scott, Toronto, pour le
Conseil canadien des relations du travail,
intimé.
Sack, Charney, Goldblatt & Mitchell,
Toronto, pour l'Association internationale des
machinistes et des travailleurs de l'aéroastro-
nautique, section locale 2413, intimée.
Winkler, Filion & Wakely, Toronto, pour
General Aviation Services Ltd., intimée.
Ce gui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE COLLIER: Dans la présente affaire, j'ai
prononcé oralement les motifs de jugement le 1°"
novembre 1982 Toronto en l'absence d'un sténo-
graphe judiciaire. Les voici.
Les requérantes ont présenté, devant la Division
de première instance de cette Cour, ce que l'on
appelle une demande introductive d'instance
fondée sur le paragraphe 24(1) de la Charte cana-
dienne des droits et libertés, qui constitue la Partie
I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B,
Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11
(R.-U.).
Elles prétendent que deux décisions rendues par
le Conseil canadien des relations du travail au
mois de juillet et au mois d'août de la présente
année [c.-à-d. 1982] ont porté atteinte à leur
liberté de contracter et d'obtenir un emploi rému-
nérateur. Ces ordonnances ont été rendues dans le
cadre des poursuites intentées devant le Conseil,
qui opposent l'employeur des requérantes, General
Aviation Services Ltd., à la section locale n° 2413
de l'Association internationale des machinistes et
des travailleurs de l'aéroastronautique. A ce jour,
ces ordonnances n'ont pas été déposées devant la
Division de première instance de cette Cour.
La présente demande est introduite au nom des
deux requérantes désignées dans l'intitulé de la
cause et de certains autres employés qui n'y sont
pas désignés. Si je comprends bien, 118 personnes
peuvent se trouver dans une situation identique ou
semblable à celle des deux requérantes désignées.
Celles-ci font valoir que l'exécution des ordonnan-
ces du Conseil aura des conséquences graves sur
leurs droits d'ancienneté, leur sécurité d'emploi et
dans nombre de cas, sur leur emploi chez leur
employeur. Elles soutiennent que les ordonnances
ont été rendues sans qu'elles aient reçu un avis
d'audition et sans qu'elles aient eu la possibilité
d'être entendues ou de se défendre.
Les ordonnances du Conseil font l'objet d'un
certain nombre de recours portés devant la Divi
sion d'appel de la présente Cour en vertu de l'arti-
cle 122 du Code canadien du travail, S.R.C. 1970,
chap. L-1, abrogé par S.C. 1972, chap. 18, art. 1;
1977-78, chap. 27, art. 43, et de l'article 28 de la
Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2 e Supp.),
chap. 10. La requérante Vergis est membre d'un
groupe d'employés qui s'est prévalu de l'article 28.
Si le Conseil a effectivement commis un déni de
justice naturelle, la demande de redressement doit
être adressée à la Cour d'appel en vertu de l'article
28.
La présente demande a pour objet:
a) de suspendre l'exécution des ordonnances ren-
dues en vertu du Code canadien du travail;
b) de protéger les droits des employés touchés
jusqu'au dénouement des procédures judiciaires
relatives auxdites ordonnances;
c) d'obtenir des ordonnances (de faire et de ne
pas faire) contre l'employeur et le syndicat, dans
le but d'empêcher la mise en disponibilité ou la
cessation d'emploi des employés touchés, jus-
qu'au dénouement des procédures judiciaires.
Il s'agit de savoir en tout premier lieu si la
Division de première instance de cette Cour a
compétence pour accorder le redressement
demandé.
Dans l'affaire Nauss et autre c. La Section 269
de l'Association internationale des débardeurs,
[1982] 1 C.F. 114, la Cour d'appel fédérale a
déclaré que la Division de première instance de
cette Cour n'a pas compétence pour suspendre
l'exécution des ordonnances rendues par le Conseil
canadien des relations du travail. Cette décision a
été rendue au mois de mars 1981 avant l'entrée en
vigueur de la Loi constitutionnelle de 1982. Dans
la décision très récente qu'elle rendait le 15 octo-
bre 1982 à Montréal, dans l'affaire Union des
employés de commerce, local 503 et autre c.
Purolator Courrier Ltée, A-399-82 [jugement
encore inédit en date du 15 octobre 1982], la Cour
d'appel a réaffirmé sa position en annulant la
suspension de l'exécution d'une ordonnance du
Conseil, prononcée par le juge Walsh de la Divi
sion de première instance [[1983] 1 C.F. 472].
Je ne sais pas si dans l'affaire Purolator, l'une
ou l'autre des parties s'est fondée sur une disposi
tion de la Charte.
L'avocat des requérantes a soutenu que le para-
graphe 24(1) de la Charte et les articles 17, 18, 25
et 26 de la Loi sur la Cour fédérale ont pour effet
de conférer à la Division de première instance
compétence pour connaître de la présente demande
et pour faire droit aux recours formés. Si, comme
on le prétend, l'article 122 du Code canadien du
travail restreint le pouvoir de contrôle ou la com-
pétence de cette Cour ou vise à empiéter sur
ceux-ci, alors cet article est sans effet ou inconsti-
tutionnel en raison de la nouvelle Charte.
Je ne peux souscrire aux arguments des
requérantes.
Le pouvoir de contester une décision du Conseil
est conféré par l'article 122 du Code canadien du
travail. Il permet à la Division d'appel d'entendre
une demande d'examen fondée sur l'article 28. Je
ne suis pas convaincu que l'article 122 du Code
canadien du travail soit inconstitutionnel ou sans
effet. Quoi qu'il en soit, cet article pourrait très
bien être valide en vertu d'une exception prévue à
l'article 1 de la Charte. Je ne me prononce pas sur
ce sujet.
Il se peut que la Division d'appel ait compé-
tence, lorsqu'un recours fondé sur l'article 28 est
entamé, pour suspendre les ordonnances du Con-
seil ou pour garder le statu quo jusqu'au dénoue-
ment de cette instance. Je ne me prononce pas sur
ce point. Je ne connais aucune décision écrite de la
Division d'appel, publiée ou non, où il a été claire-
ment dit que la Cour d'appel n'a pas un tel
pouvoir.
Je suis cependant convaincu que la Division de
première instance n'a pas compétence pour connaî-
tre du type de demande dont je suis actuellement
saisi. Je ne vois rien dans la Charte, lorsqu'on
l'applique aux articles 17, 18, 25 et 26 de la Loi
sur la Cour fédérale, qui confère cette compétence
à cette Division.
Je comprends la position des requérantes. Leur
situation pourrait être sérieusement compromise
avant que le litige en cours ne soit tranché.
Cette sympathie ne peut cependant me conférer
la compétence voulue.
La demande est rejetée. Si les requérantes dispo-
sent d'un recours, il doit, à mon avis, relever d'une
autre cour ou d'un autre tribunal.
Les intimés qui ont comparu ont droit aux
dépens de la présente demande.
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