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T-2486-82
Purolator Courrier Ltée (requérante) c.
Le Conseil canadien des relations du travail, Claude H. Foisy, Jacques Archambault, Nicole Kean, l'Union des employés de commerce de Québec, local 503 et Carole Madeleine (intimés)
Division de première instance, juge Walsh—Mont- réal, 3 mai; Ottawa, 12 mai 1982.
Compétence Relations du travail Requête en suspen sion de l'exécution d'une ordonnance du Conseil canadien des relations du travail jusqu'à ce qu'il ait été statué sur la demande fondée sur l'art. 28 Il échet d'examiner si, en vertu de l'enregistrement de l'ordonnance prévu à l'art. 123 du Code du travail, celle-ci peut être considérée par la Division de première instance comme un jugement de la Cour, ce qui aurait pour conséquence que la Cour aurait compétence pour accorder, en application de l'art. 50 de la Loi sur la Cour fédérale et de la Règle 1909, une suspension des procédures Requête accueillie Code canadien du travail, S.R.C. 1970, chap. L-1, art. 123, abrogé par S.C. 1972, chap. 18, art. I; 1977-78, chap. 27, art. 43 Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), chap. 10, art. 50 Règle 1909 de la Cour fédérale.
L'intimée, Carole Madeleine, a donné sa démission à la requérante, prétendant qu'elle était surchargée de travail et laissant entendre que cette surcharge était voulue par la requé- rante à cause de ses activités syndicales. Quelque temps après, l'intimée a essayé de retirer sa démission, alléguant qu'elle était déprimée lorsqu'elle a donné sa démission. Toutefois, la requé- rante a refusé d'autoriser ce retrait. Entre temps, elle avait transféré, de Québec à Montréal, le département dont l'intimée avait la responsabilité, avait engagé une personne pour la remplacer, et avait également engagé un employé à temps partiel pour aider cette personne. L'intimée a porté l'affaire devant le Conseil canadien des relations du travail qui, après examen des éléments de preuve, a conclu que la démission de l'intimée avait été forcée à cause de ses activités syndicales et que, par conséquent, cette démission équivalait à un congédie- ment. C'est sur cette base que le Conseil a ordonné à la requérante de réintégrer l'intimée dans ses fonctions, de lui verser une indemnité équivalant au salaire et aux avantages qu'elle aurait reçus n'eût été son départ, de retransférer à Québec les opérations du département dont elle avait la respon- sabilité et de lui adjoindre un employé à temps partiel. Cette ordonnance a été déposée à la Cour fédérale en vertu de l'article 123 du Code canadien du travail. En attendant l'audi- tion de sa demande fondée sur l'article 28 et tendant à l'annula- tion de l'ordonnance, la requérante s'est adressée à la Division de première instance pour demander une suspension des procé- dures, invoquant le motif que l'exécution de l'ordonnance, avant que la Cour d'appel ait statué sur la demande fondée sur l'article 28, entraînerait, surtout si elle avait gain de cause, un grave préjudice. L'opposition des intimés à la requête porte tant sur la compétence que sur le bien-fondé de la requête.
Jugement: la requête est accueillie. Par son dépôt sous le régime de l'article 123 du Code canadien du travail, l'ordon- nance peut être assimilée à un jugement de la Cour, et en vertu de l'article 50 de la Loi sur la Cour fédérale et de la Règle 1909, la Division de première instance a le pouvoir discrétion- naire d'ordonner une suspension des procédures auxquelles le dépôt donne lieu. La Division de première instance ne perd pas son pouvoir d'agir parce que, simplement comme conséquence de la suspension, il y a modification d'une condition de l'ordon- nance. L'affaire Nauss et autre c. La Section 269 de l'Associa- tion internationale des débardeurs, la Cour d'appel a jugé que la Division de première instance n'avait nullement le pouvoir de suspendre une ordonnance rendue par le Conseil canadien des relations du travail et déposée en vertu de l'article 123 de la Loi, peut être distinguée de l'espèce parce que dans cette affaire, la Division de première instance avait non seule- ment accordé une suspension, mais avait également modifié expressément l'ordonnance. Quant au bien-fondé de la requête, la requérante dispose d'un moyen de défense soutenable devant la Cour d'appel et, compte tenu de la question de savoir qui subirait le plus grand préjudice, la balance penche pour l'octroi de la suspension.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Union des chauffeurs de camion, local 106, et autres c. Motorways Québec Limitée et autre, [1978] 2 C.F. 351 (1fe inst.); Les Travailleurs en communications du Canada c. Bell Canada, [1976] 1 C.F. 282; 64 D.L.R. (3d) 171 (C.F. 1'e inst.); Central Broadcasting Company Ltd. c. Le Conseil canadien des relations du travail et autre, [1975] C.F. 310 (C.A.).
DISTINCTION FAITE AVEC:
BBM Bureau of Measurement v. Director of Investiga tion and Research (1982), 69 C.P.R. (2d) 286 (C.F. 1'inst.); Nauss et autre c. La Section 269 de l'Association internationale des débardeurs, [1982] 1 C.F. 114; 122 D.L.R. (3d) 573 (C.F. Appel).
AVOCATS:
J. Bazin pour la requérante.
M. Robert et L. Martineau pour le Conseil canadien des relations du travail, intimé. J. Cleveland pour l'Union des employés de commerce de Québec, local 503 et Carole Madeleine, intimées.
PROCUREURS:
Byers, Casgrain, Montréal, pour la requé- rante.
Robert, Dansereau, Barre & Assoc., Mont- réal, pour le Conseil canadien des relations du travail, intimé.
Rivest, Castiglio & Assoc., Montréal, pour l'Union des employés de commerce de Québec, local 503 et Carole Madeleine, intimées.
Ce gui suit est la version française des motifs de l'ordonnance rendus par
LE JUGE WALSH: Il s'agit d'une requête en suspension de l'exécution d'une ordonnance du Conseil canadien des relations du travail jusqu'à ce que la Cour d'appel ait statué sur la demande fondée sur l'article 28.
L'opposition à la requête porte tant sur la com- pétence que sur le bien-fondé de la requête.
Il ressort des faits exposés dans les affidavits soumis qu'en vertu d'une décision rendue le 22 janvier 1982 par le Conseil canadien des relations du travail, il a été ordonné à l'employeur Purolator Courrier Ltée de réintégrer «immédiatement» Carole Madeleine dans ses fonctions, de lui verser une indemnité équivalant au salaire et aux autres avantages qu'elle aurait reçus n'eût été son congé- diement, de retransférer à Québec les opérations du département des comptes payables de la région 518 présentement effectuées à Montréal, et de lui adjoindre un employé à temps partiel, pour un minimum de trois heures par jour, pour l'aider à faire le travail dont elle avait la responsabilité au moment de son congédiement. Une demande fondée sur l'article 28 a été introduite en vue d'obtenir l'annulation de cette décision, mais elle n'a pas encore été entendue. Les avocats m'ont cependant avisé que le dossier d'appel est mainte- nant prêt. La décision du Conseil canadien des relations du travail a été déposée à la Cour en vertu de l'article 123 du Code canadien du travail, S.R.C. 1970, chap. L-1., art. 123, abrogé par S.C. 1972, chap. 18, art. 1; 1977-78, chap. 27, art. 43. L'employeur prétendra devant la Cour d'appel que Carole Madeleine n'a pas été congédiée, mais qu'elle a donné sa démission, et que le Conseil canadien des relations du travail n'a pas compé- tence pour transformer une démission en un congé- diement. Si elle n'était pas suspendue, l'ordon- nance exigerait que l'employeur, en plus de payer à Carole Madeleine une somme de $9,200, engage un employé à temps partiel et transfère un dépar- tement de Montréal à Québec. Et si l'employeur avait gain de cause en appel, toutes ces mesures seraient annulées, ce qui lui causerait un grave préjudice. Il offre de fournir une garantie pour l'exécution de la décision si celle-ci est confirmée.
Les intimés soumettent deux affidavits. D'après l'affidavit du représentant syndical Yves Dumont, la section locale a été accréditée comme agent négociateur de l'unité de négociation le 6 juin 1981, Carole Madeleine étant la principale organi- satrice et la déléguée syndicale de la date de la demande d'accréditation en novembre 1970 la date de son «congédiement» le 27 août 1981, et, par la suite, elle a continué à prendre part aux négociations. Avis de négocier a été envoyé à l'employeur le 15 juin 1981, et un conciliateur a été nommé le 23 février 1982. Quatre réunions ultérieures ont abouti à une impasse. L'affidavit expose que si l'exécution de l'ordonnance est sus- pendue, il en résultera que Carole Madeleine sera mise à l'écart des négociations, celle-ci étant le principal porte-parole de l'Union au moment déci- sif cette dernière négocie une première conven tion collective.
Carole Madeleine expose dans son affidavit les dures épreuves qu'elle connaît actuellement. Du 20 septembre 1981 au 10 janvier 1982, elle a reçu des prestations d'assurance-chômage, mais lorsqu'au début de février, elle a montré à la Commission copie du jugement du Conseil canadien des rela tions du travail, la Commission a suspendu les paiements jusqu'à ce que l'employeur lui ait rem- boursé les sommes qu'elle avait payées à Carole Madeleine. Du 5 avril jusqu'à la fin du même mois, celle-ci a occupé, à titre d'organisatrice, un emploi temporaire à l'Union. Elle a un enfant, et son mari n'a qu'un travail à temps partiel, et elle s'endette.
L'employeur expose dans un affidavit supplé- mentaire que Carole Madeleine a pris part à toutes les séances de conciliation en mars et en avril, ainsi qu'aux négociations antérieures, et il ne s'oppose pas à ce qu'elle continue à le faire.
Il ressort de la décision du Conseil canadien des relations du travail qu'à l'évidence, Carole Made- leine a effectivement donné sa démission le 27 août 1981, prétendant qu'elle était surchargée de travail et laissant entendre que cette surcharge était voulue par l'employeur. Elle a subi un traitement médical pour abattement et, le 9 septembre, elle a essayé de retirer sa démission, alléguant qu'elle était déprimée lorsqu'elle a donné sa démission. Entre temps, l'employeur avait transféré, de Québec à Montréal, les opérations du département
des comptes payables dont elle avait la responsabi- lité (elle réside à Québec), avait trouvé quelqu'un d'autre pour s'en occuper, et avait également engagé un employé à temps partiel pour l'aider. C'est en se fondant sur ces faits que le Conseil a apparemment conclu que sa démission avait été forcée à cause de ses activités syndicales, et que cette démission équivalait à un congédiement. C'est à la Cour d'appel qu'il appartiendra de tran- cher cette question au fond lorsqu'elle statuera sur la demande fondée sur l'article 28. Certes, l'ordon- nance du Conseil va très loin en intervenant dans ce qui, dans des circonstances normales, constitue l'apanage de la direction, savoir le transfert d'un département de son entreprise d'une ville à une autre, et en ordonnant à l'employeur d'embaucher un adjoint pour aider Carole Madeleine dans ce qu'elle considère comme une charge de travail excessive.
Pour ce qui est de la question de la compétence, on a invoqué une jurisprudence abondante. Le jugement récemment rendu par le juge Addy dans l'affaire BBM Bureau of Measurement v. Director of Investigation and Research (1982), 69 C.P.R. (2d) 286 (C.F. 1" inst.), doit être distingué parce qu'il portait sur une décision rendue par la Com mission sur les pratiques restrictives du commerce en vertu de la Partie IV de la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions, S.R.C. 1970, chap. C-23. La demande de suspension a été rejetée parce que la Cour fédérale n'avait pas compétence, aucune disposition ne prévoyant l'enregistrement d'une telle décision à cette Cour. Le jugement dit ceci à la page 288:
[TRADUCTION] Lorsqu'une disposition prévoit l'enregistrement à la Cour fédérale du Canada d'une ordonnance d'un autre tribunal ou office, et lorsqu'il est précisé qu'une fois enregistrée, l'ordonnance aura, pour toutes fins, la même force et le même effet que s'il s'agissait d'un jugement ou d'une ordonnance émanant de cette Cour, alors on pourrait bien faire valoir, en l'absence d'une clause privative, qu'à partir de la date de cet enregistrement, la Division de première instance acquiert le pouvoir de suspendre l'exécution de l'ordonnance.
Dans l'affaire Union des chauffeurs de camion, local 106, et autres c. Motorways Québec Limitée et autre, [1978] 2 C.F. 351 (lie inst.), le juge Marceau s'exprime en ces termes à la page 354:
La Cour a cependant, sous l'autorité de l'article 50 de la Loi constitutive ou sous celle de la Règle 1909 de ses règles et ordonnances générales le pouvoir d'ordonner une suspension des procédures auxquelles le dépôt et l'enregistrement de l'ordon-
nance pourraient donner lieu. Et ce pouvoir discrétionnaire, je crois opportun de l'exercer dans le sens recherché par la compagnie intimée.
Dans l'affaire Les Travailleurs en communica tion du Canada c. Bell Canada, [1976] 1 C.F. 282; 64 D.L.R. (3d) 171 (C.F. 1" inst.), le juge Dubé se livre à cette analyse à la page 286 [Recueil des arrêts de la Cour fédérale]:
Ce qu'il faut trancher est la question de savoir si cette cour a compétence pour accorder une suspension des procédures d'une ordonnance du Conseil dûment déposée et devenue un jugement de cette cour et, dans l'affirmative, si une suspension des procédures est justifiée.
Après avoir cité les articles 122 et 123 du Code canadien du travail, dans leur version en vigueur à l'époque (les articles modifiés n'affectent nulle- ment son raisonnement), et l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), chap. 10, il dit ceci à la page 287 [Recueil des arrêts de la Cour fédérale]:
On affirme que la Division de première instance n'a pas compétence parce que l'article 122 du Code énonce clairement que la décision du Conseil est définitive et ne doit pas être mise en question ni revisée par un tribunal si ce n'est conformément à l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale. Par conséquent, le syndicat devrait se pourvoir devant la Cour d'appel.
Il poursuit en ces termes:
La Règle 1909 énonce le pouvoir de la Division de première instance relativement à un jugement de ladite Cour:
Règle 1909. Une partie contre laquelle a été rendu un jugement ou une ordonnance peut demander à la Cour la suspension de l'exécution du jugement ou de l'ordonnance ou quelque autre redressement à l'encontre de ce jugement ou de cette ordonnance, et la Cour peut, par ordonnance, accor- der le redressement qu'elle estime juste, aux conditions qu'elle estime justes.
On allègue qu'il ne peut être fait appel au pouvoir accordé par la Règle 1909 vu l'aspect négatif de l'article 122 du Code et on prétend de plus que la seule raison de l'enregistrement à la Cour fédérale des ordonnances du Conseil est de lui donner la force et les moyens coercitifs qui lui font défaut.
A la page 288 [Recueil des arrêts de la Cour fédérale], il mentionne un jugement rendu par le juge en chef Jackett dans l'affaire Central Broad casting Company Ltd. c. Le Conseil canadien des relations du travail et autre, [1975] C.F. 310 (C.A.) il est dit ceci à la page 312:
Bien qu'on demande en fait de surseoir à l'exécution de l'ordonnance du Conseil, les parties ont admis que ladite ordon- nance avait été déposée à la Division de première instance en conformité de l'article 123 du Code canadien du travail et qu'il fallait considérer cette requête comme une demande de suspen sion de l'exécution de l'ordonnance qui, aux termes de l'article 123, était assimilée à un jugement de la Cour.
Ces décisions ont été, dans une certaine mesure, mises en question par un jugement rendu par la Cour d'appel dans Nauss et autre c. La Section 269 de l'Association internationale des débar- deurs, [1982] 1 C.F. 114; 122 D.L.R. (3d) 573 (C.F. Appel), il a été décidé que la Division de première instance n'avait nullement le pouvoir de suspendre l'ordonnance rendue par le Conseil canadien des relations du travail. Il y a été analysé les décisions rendues dans les affaires Central Broadcasting Company Ltd. et Les Travailleurs en communication du Canada c. Bell Canada, et il y a eu désaccord avec ces décisions. Il découle d'une lecture attentive du jugement que la Division de première instance avait non seulement suspendu l'exécution de l'ordonnance, mais l'avait aussi modifiée. A la page 117 [Recueil des arrêts de la Cour fédérale], le jugement dit ceci:
A mon avis, il ressort clairement des articles 119 et 122 [abrogé et remplacé, S.C. 1977-78, chap. 27, art. 43] qu'une décision du Conseil est définitive et ne peut être modifiée, revisée, remise en question ou restreinte, sauf par le Conseil lui-même en vertu de l'article 119 et par la Cour d'appel fédérale conformément à l'alinéa 28(1)a) de la Loi sur la Cour fédérale.
Compte tenu des termes non équivoques des articles 119 et 122, j'estime que seules des dispositions tout aussi claires pourraient conférer à la Division de première instance le pou- voir de suspendre l'exécution d'une ordonnance du Conseil, d'autant plus qu'en l'espèce, la suspension de l'exécution de l'ordonnance en implique la modification. Or, l'article 123 ne contient pas de telles dispositions. Cet article ne fait que prévoir un moyen d'exécution des ordonnances du Conseil. Son dépôt à la Cour fédérale et son enregistrement conformément à l'article 123 ne font pas de l'ordonnance du Conseil un jugement de la Cour fédérale susceptible de modification en vertu de la Règle 1904(1); elle garde son caractère de décision du Conseil assu- jettie aux dispositions des articles 119 et 122 et, de ce fait, ne peut être modifiée ou restreinte par la Division de première instance. Certes, le paragraphe 123(2) dispose que lorsque la copie de l'ordonnance a été déposée et enregistrée, «Cet enregis- trement confère à la décision ou à l'ordonnance la même force et le même effet que s'il s'agissait d'un jugement émanant de cette Cour et ... toutes les procédures lui faisant suite peuvent dès lors être engagées en conséquence«. Toutefois, il ne fait pour moi aucun doute qu'une demande de modification d'une ordonnance et de suspension de l'exécution de celle-ci n'est nullement une procédure faisant suite à ladite ordonnance. [C'est moi qui souligne.]
Dans cette affaire-là, une date d'exécution de l'ordonnance avait été fixée et la Division de pre- mière instance en avait fixé une autre, ce qui constituait une modification de l'ordonnance. Les Intimés font valoir qu'en l'espèce, l'ordonnance devait être exécutée «immédiatement», toute sus-
pension équivaut à une modification de l'ordon- nance. Toutefois, ce n'est pas tout à fait la même chose, bien que la distinction puisse être subtile, étant donné que la modification réelle du délai imparti pour l'exécution de l'ordonnance est sim- plement une conséquence de la suspension, et non une modification expresse de l'ordonnance. Cela est d'autant plus vrai que l'ordonnance du 28 janvier 1982 n'a pas encore été exécutée, que l'exécution «immédiate» n'a donc pas eu lieu et qu'entre temps, il y a eu appel formé en vertu de l'article 28.
Je conclus donc que l'affaire Nauss est diffé- rente de l'espèce, et que la Division de première instance a compétence, à sa discrétion, pour accor- der la suspension.
Quant au bien-fondé de la suspension, et après avoir déterminé qui subirait le plus grand préju- dice, la balance penche pour l'octroi de la suspen sion. Carole Madeleine doit certes supporter cer- taines privations que l'Union est peut-être en mesure d'alléger. Faire revenir à Québec une divi sion déjà transférée à Montréal et engager, à temps partiel, un adjoint pour aider Carole Made- leine dans son travail à Québec causeraient certai- nement à l'employeur de graves problèmes, surtout si, advenant l'issue favorable de sa demande fondée sur l'article 28, il devait alors annuler toutes ces mesures, renvoyer l'employé engagé pro- visoirement et essayer d'obtenir de Carole Made- leine remboursement des sommes payées.
L'employeur requérant en l'espèce dispose d'un moyen de défense soutenable devant la Cour d'ap- pel, surtout si l'on considère la lettre de démission de Carole Madeleine et la grande portée de l'or- donnance, qui va au-delà d'une simple directive pour sa réintégration et pour le remboursement des pertes subies. Je prends note de l'offre faite par l'employeur de fournir une garantie et de son engagement que Carole Madeleine pourra conti- nuer à participer à toutes nouvelles négociations ou à toutes nouvelles séances de conciliation en dépit du fait qu'elle n'est plus au service de la société.
ORDONNANCE
L'exécution de la décision rendue le 22 janvier 1982 par le Conseil canadien des relations du travail est suspendue jusqu'à ce que la Cour d'ap-
pel fédérale ait statué sur la demande présentée par la requérante à l'instance en vertu de l'article 28, aux conditions suivantes:
(1) Dans la semaine qui suit la date de cette ordonnance, la requérante doit consigner à la Cour fédérale du Canada la somme de $10,000, qui sera déposée à un compte productif d'inté- rêts, pour garantir l'exécution de la partie finan- cière de l'ordonnance si la demande fondée sur l'article 28 est rejetée.
(2) La requérante doit autoriser Carole Made- leine à continuer à prendre part, pour le compte de l'Union, à toutes nouvelles négociations ou à toutes nouvelles séances de conciliation.
Les dépens suivront l'issue de la demande fondée sur l'article 28.
ANNEXE
Les articles 119, 122 et 123 du Code canadien du travail sont ainsi rédigés:
119. Le Conseil peut reviser, annuler ou modifier toute décision ou ordonnance rendue par lui et peut entendre à nouveau toute demande avant de rendre une ordonnance rela tive à cette dernière.
122. (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente Partie, toute ordonnance ou décision du Conseil est définitive et ne peut être remise en question devant un tribunal ni revisée par un tribunal, si ce n'est conformément à l'alinéa 28(1)a) de la Loi sur la Cour fédérale.
(2) Sauf dans la mesure le paragraphe (1) le permet, aucune ordonnance, décision ou procédure du Conseil faite ou prise en vertu de l'autorité réelle ou présumée des dispositions de la présente Partie
a) ne peuvent être mises en question, revisées, interdites ou restreintes, ou
b) ne peuvent faire l'objet de procédures devant un tribunal soit sous la forme d'injonction, certiorari, prohibition ou quo warranto, soit autrement,
pour quelque motif y compris celui qu'elles outrepassent la juridiction du Conseil ou qu'au cours des procédures le Conseil a outrepassé ou perdu sa juridiction.
123. (1) Le Conseil doit, sur demande écrite de toute per- sonne ou organisme concerné par une décision ou une ordon- nance du Conseil, déposer à la Cour fédérale du Canada une copie du dispositif de la décision ou de l'ordonnance en ques tion, à moins qu'à son avis,
a) rien ne permette de croire à l'inobservation actuelle ou prévisible de l'ordonnance ou de la décision, ou
b) il existe d'autres bonnes raisons pour lesquelles le dépôt de l'ordonnance ou de la décision à la Cour fédérale ne servirait aucune fin utile.
(2) Lorsque le Conseil dépose à la Cour fédérale du Canada copie d'une ordonnance ou d'une décision conformément au paragraphe (1), il doit préciser par écrit à la Cour que le dépôt se fait conformément audit paragraphe; cette précision étant donnée, la Cour doit recevoir, aux fins de dépôt, la copie de l'ordonnance ou de la décision et l'enregistrer, sans qu'aucune autre demande ni procédure ne soit requise. Cet enregistrement confère à la décision ou à l'ordonnance la même force et le même effet que s'il s'agissait d'un jugement émanant de cette Cour et, sous réserve du présent article et de l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale, toutes les procédures lui faisant suite peuvent dès lors être engagées en conséquence par toute per- sonne ou tout organisme concerné par l'ordonnance ou la décision.
L'article 50 de la Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2 e Supp.), chap. 10, est ainsi conçu:
50. (1) La Cour peut, à sa discrétion, suspendre les procédu- res dans toute affaire ou question,
a) au motif que la demande est en instance devant un autre tribunal ou une autre juridiction; ou
b) lorsque, pour quelque autre raison, il est dans l'intérêt de la justice de suspendre les procédures.
(2) La Cour doit, à la demande du procureur général du Canada, suspendre les procédures dans toute affaire ou ques tion relative à une demande contre la Couronne s'il apparaît que le demandeur a intenté une action ou procédure judiciaire relative à la même demande contre une personne qui, au moment la cause d'action alléguée dans cette action ou procédure a pris naissance, agissait en l'occurrence de telle façon qu'elle engageait la responsabilité de la Couronne, et que cette action ou procédure est pendante devant un autre tribunal.
(3) Une suspension ordonnée en vertu du présent article peut subséquemment être levée à la discrétion de la Cour.
La Règle 1909 de la Cour fédérale est citée ci-dessus.
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