A-583-76
André Desjardins (demandeur) (appelant)
c.
Claude Bouchard, Jean-Paul Gilbert, Commission
nationale des libérations conditionnelles, et procu-
reur général du Canada (intimés)
Cour d'appel, juges Pratte et Le Dain, juge sup
pléant Lalande—Montréal, 19 janvier; Ottawa, 30
avril 1982.
Libération conditionnelle — Révocation du pardon — La
Commission nationale des libérations conditionnelles était-elle
impartiale lorsqu'elle a recommandé au gouverneur en conseil
de révoquer le pardon? — Ce dernier a révoqué le pardon sans
donner à l'appelant l'occasion de se faire entendre — Le
gouverneur en conseil a l'obligation de donner à l'appelant
l'occasion de se faire entendre et de lui notifier les principaux
faits reprochés avant de révoquer le pardon en vertu de l'art. 7
de la Loi sur le casier judiciaire — Appel accueilli — Loi sur
le casier judiciaire, S.R.C. 1970 (1e' Supp.), chap. 12, art. 4, 5,
7, 9 — Loi nationale sur les transports, S.R.C. 1970, chap.
N-17, art. 64(1).
Contrôle judiciaire — Recours en equity — Jugements
déclaratoires — Appel d'un jugement de la Division de pre-
mière instance qui a refusé de déclarer que la Commission
nationale des libérations conditionnelles n'avait pas compé-
tence pour recommander au solliciteur général la révocation
du pardon — Justice naturelle et obligation d'agir équitable-
ment — Le gouverneur en conseil ne peut révoquer un pardon
en vertu de l'art. 7 de la Loi sur le casier judiciaire sans
notifier l'intéressé des principaux faits reprochés et sans lui
donner l'occasion de se faire entendre — Loi sur le casier
judiciaire, S.R.C. 1970 (1 e ' Supp.), chap. 12, art. 4, 5, 7, 9 —
Loi nationale sur les transports, S.R.C. 1970, chap. N-17, art.
64(1).
À la suite d'une enquête au cours de laquelle la Commission
a refusé de divulguer à l'appelant les griefs ou la preuve retenus
contre lui, ce dernier, à son tour, refusant de faire des représen-
tations, la Commission nationale des libérations conditionnelles
a statué qu'il n'était plus de bonne conduite et a recommandé
au solliciteur général la révocation de son pardon. Sur avis
conforme du solliciteur général et conformément à l'article 7 de
la Loi sur le casier judiciaire, le gouverneur en conseil a
révoqué le pardon de l'appelant.
Le juge de première instance saisi de l'action intentée par
l'appelant en vue d'attaquer ladite révocation a refusé de
déclarer nuls les actes, décisions et recommandations de la
Commission puisqu'ils étaient dénués de tout effet juridique. Il
a de plus refusé de déclarer nul le décret révoquant le pardon
parce que, selon lui, le gouverneur en conseil avait respecté les
exigences de la justice naturelle. Le premier juge a pris pour
acquis que le pardon avait été révoqué en raison des allégations
contenues dans le rapport Cliche, que l'appelant connaissait ces
allégations lors de sa comparution devant la Commission et
qu'il avait eu, à cette occasion, l'occasion de les réfuter.
Arrêt: l'appel est accueilli.
Le juge Pratte: Le premier juge a eu raison de refuser de
prononcer les déclarations que l'appelant sollicitait relativement
à la Commission et à deux de ses membres puisqu'ils n'ont
aucun rôle à jouer dans la révocation d'un pardon. Quant au
décret, il n'est pas vicié par les actes de la Commission ou de
ses membres puisqu'il n'y a aucune raison de mettre en doute
leur impartialité. Le premier juge n'aurait pas dû prendre pour
acquis que l'appelant connaissait les allégations retenues contre
lui. Le pouvoir de révoquer un pardon n'est pas entièrement
discrétionnaire puisqu'il ne peut être exercé que dans les cir-
constances que décrit l'article 7. En outre, la personne concer-
née se voit privée de droits. Le gouverneur en conseil a donc
l'obligation de donner à l'intéressé l'occasion de se faire enten-
dre avant de révoquer son pardon. Le pardon de l'appelant a été
révoqué sans qu'on lui ait donné l'occasion de se faire entendre.
Cela ne signifie pas toutefois que le gouverneur en conseil soit
tenu d'entendre lui-même l'intéressé ni que la personne concer-
née ait le droit de connaître plus que les faits qui ont été portés
à la connaissance du gouverneur en conseil ou de ses conseillers
et qui justifieraient la révocation du pardon.
Le juge Le Dain: Le dossier ne permet pas de conclure que
l'appelant connaissait les faits précis qui, d'après la Commis
sion et le solliciteur général, démontraient qu'il avait «cessé de
se bien conduire». Le pouvoir de révoquer un pardon a sa source
dans la loi et n'est nullement fondé sur la prérogative royale.
Malgré sa manière de fonctionner et la règle du secret qui
entoure ses délibérations, le Cabinet doit néanmoins, selon la
loi, respecter l'exigence de l'équité dans la procédure lorsqu'il
révoque un pardon. Il vaut mieux qu'il y ait quelque chose qui
ressemble un tant soit peu à l'équité dans la procédure plutôt
que l'absence totale de cette équité. Le gouverneur en conseil
jouit, de toute évidence, du pouvoir inhérent ou tacite de
déléguer sa fonction d'audition.
Le juge suppléant Lalande: Le pouvoir quasi judiciaire que la
Loi accorde au gouverneur en conseil doit être exercé confor-
mément aux exigences de la justice naturelle. Lorsque les
membres de la Commission ont refusé de divulguer à l'appelant
en quoi il leur paraissait qu'il avait cessé de se bien conduire, ce
refus violait alors une règle élémentaire de justice et viciait le
décret.
JURISPRUDENCE
DISTINCTION FAITE AVEC:
Le procureur général du Canada c. Inuit Tapirisat of
Canada et autre, [1980] 2 R.C.S. 735.
DÉCISIONS CITÉES:
L'Alliance des professeurs catholiques de Montreal v.
The Labour Relations Board of Quebec, [1953] 2 R.C.S.
140; Nicholson c. Haldimand-Norfolk Regional Board
of Commissioners of Police, [ 1979] 1 R.C.S. 311.
AVOCATS:
M. Proulx pour le demandeur (appelant).
G. Côté pour les intimés.
PROCUREURS:
Proulx, Barot & Masson, Montréal, pour le
demandeur (appelant).
Le sous-procureur général du Canada pour
les intimés.
Voici les motifs du jugement rendus en français
par
LE JUGE PRATTE: L'appelant attaque le juge-
ment de la Division de première instance' qui a
rejeté avec dépens l'action qu'il a intentée dans le
but de faire constater la nullité d'un décret du
gouverneur en conseil. Par ce décret, pris le 9
octobre 1975 en vertu de l'article 7 de la Loi sur le
casier judiciaire (S.R.C. 1970 (l er Supp.), chap.
12), le gouverneur en conseil révoquait le pardon
qu'il avait octroyé à l'appelant le 8 mai 1973.
Pour comprendre cette affaire, il faut avoir pré-
sentes à l'esprit les dispositions principales de la
Loi sur le casier judiciaire. Suivant cette Loi, une
personne qui a été trouvée coupable d'une infrac
tion en vertu d'une loi du Parlement du Canada
peut, après que s'est écoulé un certain temps
depuis qu'elle a purgé sa peine, demander qu'on lui
accorde un pardon. Cette demande doit être adres-
sée au solliciteur général du Canada qui la trans-
met à la Commission nationale des libérations
conditionnelles pour qu'elle enquête sur la con-
duite du requérant depuis sa condamnation. Son
enquête terminée, la Commission doit faire part de
ses résultats au solliciteur général et lui communi-
quer sa recommandation sur l'opportunité d'oc-
troyer le pardon. La Commission, cependant, ne
peut transmettre au Ministre une recommandation
défavorable à l'octroi du pardon sans avoir préala-
blement prévenu le requérant et sans lui avoir
fourni l'occasion de présenter à la Commission les
observations qu'il juge pertinentes. Si la Commis
sion recommande que le pardon soit accordé, sa
recommandation doit être transmise au gouverneur
en conseil qui peut, à sa discrétion, accorder ou
refuser le pardon. Si le pardon est accordé il a,
aussi longtemps qu'il n'est pas révoqué conformé-
ment à l'article 7, les effets que précise l'article 5.
Voici le texte de ces deux articles:
1 [1976] 2 C.F. 539 [lre inst.].
5. L'octroi d'un pardon
a) est la preuve du fait que la Commission, après avoir
effectué une enquête suffisante, est convaincue que le requé-
rant a eu une bonne conduite et que la condamnation à
l'égard de laquelle le pardon est accordé ne devrait plus nuire
à sa réputation; et
b) à moins que le pardon ne soit révoqué par la suite, annule
la condamnation pour laquelle il est accordé et, sans restrein-
dre la portée générale de ce qui précède, élimine toute
déchéance que cette condamnation entraîne, pour la personne
ainsi déclarée coupable, en vertu de toute loi du Parlement
du Canada ou d'un règlement établi sous son régime.
7. Un pardon peut être révoqué par le gouverneur en conseil
a) si la personne à laquelle il est accordé est par la suite
déclarée coupable d'une nouvelle infraction en vertu d'une loi
du Parlement du Canada ou d'un règlement qui en découle;
ou
b) sur preuve établissant, à la satisfaction du gouverneur en
conseil,
(i) que la personne à laquelle il a été accordé a cessé de se
bien conduire, ou
(ii) que cette personne a sciemment fait une déclaration
inexacte ou trompeuse relativement à sa demande de
pardon, ou a sciemment dissimulé un détail important
relativement à cette demande.
J'en viens aux faits qui ont donné naissance au
litige. Ils ne sont pas contestés et ressortent de
l'«Exposé conjoint des faits» que les avocats des
parties ont déposé au dossier de la Division de
première instance et de la preuve documentaire
qu'ils ont produite.
Le texte de cet «Exposé conjoint des faits» est le
suivant:
Les parties à la présente instance, par l'intermédiaire de leurs
procureurs soussignés, sont d'accord pour que la présente cause
soit décidée sur la base des faits suivants lesquels sont admis de
part et d'autre ainsi que des pièces littérales à être versées au
dossier:
1. En date du 8 mai 1973, le demandeur s'est vu octroyer par le
Gouverneur en conseil un pardon, conformément aux disposi
tions de la Loi sur le casier judiciaire, S.R.C. 1970, le' supplé-
ment, chapitre 12.
2. Par suite de renseignements parvenus à sa connaissance et
conformément au désir exprimé par le Solliciteur Général du
Canada, la Commission Nationale des libérations conditionnel-
les, au cours de l'automne 1974, a entrepris une enquête
concernant la conduite du demandeur, et ce, en vue de détermi-
ner s'il serait approprié pour elle de recommander que ledit
pardon soit révoqué.
3. Par lettre en date du 8 mai 1975, le Ministre de la Justice de
la Province de Québec a demandé au Solliciteur Général du
Canada que le pardon accordé au demandeur soit révoqué par
le Gouverneur en conseil, conformément aux dispositions de
l'article 7 de la Loi sur le casier judiciaire.
4. Dans ladite lettre du Ministre de la Justice de la Province de
Québec, il est fait état du rapport de la Commission d'enquête
sur l'exercice de la liberté syndicale dans l'industrie de la
construction. Il est admis par les parties qu'il s'agit là d'une
commission d'enquête créée par le Gouvernement de la Pro
vince de Québec et dont le président était le juge Robert Cliche,
laquelle commission a remis son rapport au Gouvernement du
Québec en date du 2 mai 1975, de même qu'il est admis que
l'une des recommandations de ladite commission était à l'effet
que la loi soit modifiée de façon à exclure des fonctions
syndicales toute personne coupable de certains crimes.
5. Par lettre en date du 21 mai 1975, portant la signature de
monsieur Pierre L. Dupuis de la division de la clémence et du
casier judiciaire, le demandeur était invité à comparaître
devant deux membres de la Commission à savoir messieurs
Claude Bouchard et Jean-Paul Gilbert, dans le but de lui
donner l'occasion de faire les représentations qu'il jugerait
opportunes à l'encontre de la recommandation que la Commis
sion se proposait de faire au Solliciteur Général du Canada, à
savoir la révocation de son pardon.
6. Le demandeur a comparu le 2 juin 1975 devant les commis-
saires Bouchard et Gilbert.
7. Dès le début de l'audition, le procureur du demandeur, en
rapport avec l'avis de convocation, souleva l'absence de juridic-
tion des commissaires ou de la Commission Nationale des
Libérations Conditionnelles quant à la révocation du pardon
octroyé au demandeur le 8 mai 1973 en vertu de la Loi sur le
casier judiciaire, en ce que:-
a) la loi sur le casier judiciaire ne confère aucune juridiction
à la Commission ou aux commissaires quant à la révocation
d'un pardon;
b) la commission ou les commissaires n'ont aucune juridic-
tion pour convoquer le demandeur, tenir une enquête et faire
une recommandation au Solliciteur Général du Canada.
8. En réponse à cette objection, les commissaires ont statué que
la Loi sur le casier judiciaire leur conférait quant à la révoca-
tion d'un pardon, une juridiction analogue à celle que la loi leur
attribue quant à l'octroi d'un pardon.
9. Au cours de l'audition, les commissaires de la Commission
n'ont pas établi ou mentionné qu'ils étaient autorisés à tenir une
telle enquête par le Gouverneur Général en conseil ou par toute
autre personne.
10. Sous réserve de son objection quant à la juridiction, le
procureur du demandeur plaida que la procédure suivie par les
commissaires faisait naître une appréhension réelle de partia-
lité, puisque la commission aurait déjà décidé de recommander
au Solliciteur Général du Canada, la révocation du pardon
avant même d'avoir convoqué et entendu le demandeur.
11. Les commissaires ont rejeté cette objection et ont invité le
demandeur à faire ses représentations conformément à l'avis de
convocation.
12. Avant de faire ses représentations, le procureur du deman-
deur demanda aux commissaires de lui indiquer la nature des
griefs ou la preuve de mauvaise conduite retenus contre le
demandeur de façon à pouvoir faire des représentations perti-
nentes et de nature à refuter les griefs ou la preuve de mauvaise
conduite.
13. Les commissaires ont refusé catégoriquement de divulguer
au demandeur les griefs ou la preuve retenus contre lui, se
contentant d'affirmer que leur recommandation s'appuyait sur
le sous-paragraphe (1) [sic] du paragraphe (b) de l'article 7 de
la Loi sur le casier judiciaire.
14. De plus, les commissaires firent valoir qu'il incombait au
requérant de démontrer pourquoi le pardon ne lui serait pas
révoqué.
15. Devant l'attitude des commissaires, le demandeur refusa
toute invitation à se justifier en ajoutant qu'il ignorait les
motifs de révocation de son pardon et les motifs de la recom-
mandation des commissaires ou de la Commission.
16. L'audition fut ajournée pour permettre au demandeur de
soumettre des notes écrites sur les objections en droit et sur la
procédure, lesquelles furent produites.
17. Le demandeur fut convoqué de nouveau le 15 août 1975; le
procureur du demandeur réitéra sa demande quant aux griefs
ou à la preuve retenus contre le demandeur.
18. Les commissaires exprimèrent le même refus et le deman-
deur refusa de faire des représentations pour les mêmes motifs.
19. Les Commissaires ont alors indiqué au demandeur qu'ils
transmettraient d'ici quatre à six semaines leur recommanda-
tion au Solliciteur Général du Canada.
20. A la suite des faits ci-haut mentionnés, la Commission des
Libérations Conditionnelles a soumis au Solliciteur Général du
Canada un rapport recommandant que le pardon octroyé au
demandeur soit révoqué.
21. Ainsi qu'il appert de la pièce D-1, le Solliciteur Général du
Canada a, par la suite, recommandé au Gouverneur en conseil
que le pardon octroyé au demandeur soit effectivement révoqué
conformément à l'article 7 de la Loi sur le casier judiciaire.
22. Par arrêté ministériel en date du 9 octobre 1975, le
Gouverneur en conseil a effectivement révoqué le pardon
octroyé au demandeur, au motif que ce dernier avait cessé de
bien se conduire, le tout conformément aux dispositions de
l'article 7 de la Loi sur le casier judiciaire.
À ce récit des faits, il suffit d'ajouter que l'avo-
cat de l'appelant a été informé de la décision du
gouverneur en conseil de révoquer le pardon de son
client par une lettre du greffier de la Commission
nationale des libérations conditionnelles dont l'es-
sentiel se lit comme suit:
Vous êtes prié d'informer votre client que, suite à une récente
étude de son dossier, la Commission est demeurée moralement
convaincue que M. Desjardins fraye avec des gens associés de
très près à la pègre et que ses relations avec ces personnes sont
de nature telle qu'elles incitent à croire qu'il s'agit de rencon-
tres plus qu'accidentelles. La Commission ayant donc raison de
croire de façon très sérieuse que M. Desjardins n'est plus de
bonne conduite a recommandé au Gouverneur Général en
Conseil que le pardon qui avait été accordé à M. Desjardins le
3 avril 1973, soit révoqué.
Le 9 octobre 1975, sur avis conforme du Solliciteur Général
et en vertu de l'article 7 de la loi sur le casier judiciaire, son
Excellence le Gouverneur Général en Conseil révoquait le
pardon antérieurement accordé à M. Desjardins.
Quelques semaines plus tard, l'appelant intentait
l'action qu'a rejetée le - premier juge. Dans sa
déclaration, il s'en prenait d'abord aux intimés
Bouchard et Gilbert et à la Commission nationale
des libérations conditionnelles et alléguait qu'ils
n'avaient aucune compétence en l'espèce, qu'ils
avaient agi d'une façon qui permettait de mettre
en doute leur impartialité, qu'ils avaient omis,
enfin, de respecter les exigences de la justice natu-
relle et, en particulier, la règle «audi alteram
partem»; l'appelant s'en prenait aussi au gouver-
neur en conseil alléguant qu'il avait agi sous la
dictée d'un tiers, sans exercer de jugement indé-
pendant, et qu'il avait, lui aussi, manqué aux
exigences de la justice naturelle et de l'équité.
L'appelant concluait en demandant à la Cour, en
premier lieu, de déclarer que la Commission natio-
nale des libérations conditionnelles ainsi que les
intimés Bouchard et Gilbert n'avaient aucune
compétence en l'espèce et que leurs agissements,
décisions et recommandations étaient nuls, et, en
second lieu, de déclarer nul le décret du 9 octobre
1975 révoquant le pardon de l'appelant.
Il me semble clair que le premier juge a eu
raison de refuser de prononcer les déclarations que
l'appelant_ sollicitait relativement à la Commission
nationale des libérations conditionnelles et aux
intimés Bouchard et Gilbert. Il est évident que,
suivant la Loi, la Commission et ses membres
n'ont aucun rôle à jouer dans la révocation d'un
pardon et que, en conséquence, la recommandation
qu'ils ont faite et les décisions qu'ils ont pu prendre
en cette affaire étaient dénuées de tout effet juridi-
que. Cependant, l'appelant n'a aucun intérêt à ce
que la Cour prononce une déclaration à cet effet.
Son seul intérêt est de faire statuer sur la validité
de la révocation du pardon. Cette révocation ayant
été prononcée par le décret du gouverneur en
conseil du 9 octobre 1975, le seul véritable problè-
me que soulève cette affaire est celui de la validité
de ce décret.
Le procureur de l'appelant a soutenu que le
décret du 9 octobre 1975 était nul pour deux
motifs: d'abord, parce qu'il avait été pris sur la
recommandation de personnes dont on pouvait
mettre en doute l'impartialité et, ensuite, parce
qu'il avait été pris sans que soient respectées les
exigences de la justice naturelle et de l'équité.
L'avocat de l'appelant n'a pas prétendu que le
gouverneur en conseil ne pouvait agir, en l'espèce,
sur la recommandation de tierces personnes. Ce
qu'il a affirmé, c'est que ces tierces personnes, en
l'occurrence les intimés Bouchard et Gilbert et la
Commission nationale des libérations conditionnel-
les, avaient agi d'une façon qui laissait planer des
doutes sur leur impartialité et que cette façon
d'agir avait pour effet de vicier la décision du
gouverneur en conseil. À mon avis, le premier juge
a eu raison de rejeter cette prétention. Même si je
prends pour acquis que la décision attaquée ait pu
être viciée du seul fait qu'elle avait été prise sur la
recommandation de personnes non impartiales, je
suis d'opinion, comme le premier juge, qu'il n'y a
aucune raison de mettre en doute l'impartialité de
la Commission et des intimés Bouchard et Gilbert.
La lettre qu'ils ont adressée à l'appelant le 21 mai
1975 aurait peut-être pu être rédigée différem-
ment, mais, contrairement à ce qu'a soutenu l'avo-
cat de l'appelant, je ne vois rien dans les termes de
cette lettre qui autorise à douter de l'impartialité
de la Commission ou de ses membres.
Le second et principal argument du procureur
de l'appelant est que le gouverneur en conseil ne
pouvait valablement révoquer le pardon qu'il avait
accordé à l'appelant sans lui avoir préalablement
donné une chance de se faire entendre. En d'autres
mots, l'avocat de l'appelant a soutenu que le pou-
voir de révocation accordé au gouverneur en con-
seil par l'article 7 de la Loi sur le casier judiciaire
ne pouvait être exercé valablement s'il n'était
exercé conformément aux exigences de la justice
naturelle et de l'équité, ce qui, suivant lui, n'avait
pas eu lieu en l'espèce. Si le premier juge a rejeté
ce second argument de l'appelant, ce n'est pas
parce qu'il a jugé que le gouverneur en conseil
n'était pas tenu, en exerçant son pouvoir de révo-
quer un pardon, de se conformer aux exigences de
la justice naturelle et de l'équité; c'est plutôt parce
qu'il a conclu que, en l'espèce, ces exigences
avaient été respectées. Pour en arriver à cette
conclusion, le juge a pris pour acquis que le pardon
dont avait bénéficié l'appelant avait été révoqué en
raison des allégations contenues dans le rapport
Cliche, que l'appelant connaissait ces allégations
lorsqu'il avait comparu devant les intimés Bou-
chard et Gilbert et qu'il avait eu, à cette occasion,
l'occasion de les rejeter. Je ne puis partager cette
opinion. Tout ce que le dossier révèle de la décision
du gouverneur en conseil c'est qu'elle a été prise
«sur avis conforme du solliciteur général» qui, dans
la recommandation écrite qu'il avait soumise au
Cabinet affirmait que «certains renseignements
confidentiels» avaient permis à la Commission
d'établir que l'appelant n'était plus de bonne con-
duite parce qu'il frayait avec des gens associés de
très près à la pègre. Le rapport Cliche n'est pas au
dossier et nous n'en connaissons pas le contenu.
Dans ces circonstances, je ne peux présumer,
comme l'a fait le premier juge, que le pardon qui
avait été octroyé à l'appelant a été révoqué en
raison des allégations contenues dans ce rapport; je
ne peux conclure, non plus, que l'appelant ait eu
réellement l'occasion de se faire entendre avant la
révocation de son pardon. Si l'appelant avait le
droit d'être entendu, il avait également le droit
d'être préalablement informé des faits sur lesquels
on songeait à s'appuyer pour exercer le pouvoir de
révocation puisque, sans cette information, il ne
pouvait se faire entendre de façon utile. En l'es-
pèce, l'appelant n'a jamais été informé des motifs
pour lesquels on songeait à révoquer son pardon.
Pour cette raison, il me semble que, en l'espèce, le
pardon a été révoqué sans que l'appelant ait eu
l'occasion de se faire entendre.
Il faut donc savoir, pour décider ce litige, si le
gouverneur en conseil était tenu, avant de révoquer
le pardon qu'il avait accordé à l'appelant, de se
conformer à la règle «audi alteram partem» ou, de
façon plus générale, aux exigences de la justice
naturelle ou de l'équité. Dans l'affirmative, l'appel
devra réussir; autrement, il devra être rejeté.
Lorsque le législateur confère à une autorité le
pouvoir de prononcer des décisions affectant les
droits des citoyens sans préciser la façon dont ce
pouvoir doit être exercé, c'est par voie d'interpréta-
tion qu'il faut déterminer si l'autorité concernée
est tenue, dans l'exercice de ce pouvoir, de respec-
ter les exigences de la justice naturelle ou de
l'équité. Ainsi, c'est par voie d'interprétation du
texte législatif applicable, en ayant égard à la
nature du pouvoir qu'il conférait, à la nature de
l'organisme à qui ce pouvoir était attribué, et,
aussi, aux conséquences de l'exercice de ce pou-
voir, que la Cour suprême du Canada a décidé que
le pouvoir que le paragraphe 64(1) de la Loi
nationale sur les transports [S.R.C. 1970, chap.
N-17] confère au gouverneur en conseil est un
pouvoir de nature législative dont l'exercice n'est
pas soumis aux exigences de la justice naturelle ou
de l'équité 2 .
2 Le procureur général du Canada c. Inuit Tapirisat of
Canada et autre, [1980] 2 R.C.S. 735.
Le pouvoir que confère au gouverneur en conseil
l'article 7 de la Loi sur le casier judiciaire ne
ressemble pas au pouvoir que lui attribue le para-
graphe 64(1) de la Loi nationale sur les trans
ports. C'est un pouvoir dont l'exercice affecte un
individu, plutôt que la collectivité, en le privant des
droits qui lui résulteraient du pardon. C'est un
pouvoir qui n'est pas entièrement discrétionnaire
puisqu'il ne peut être exercé que dans les circons-
tances que décrit l'article 7. Ce n'est pas, non plus,
un pouvoir de nature législative qui doive être
exercé principalement à la lumière de considéra-
tions sociales et politiques. En revanche, c'est un
pouvoir qui, comme celui qu'avait à considérer la
Cour suprême dans l'affaire Inuit Tapirisat, est
attribué au gouverneur en conseil sans que la loi
précise la façon dont il doit être exercé.
La Loi sur le casier judiciaire n'indique pas
comment le pouvoir de révocation accordé par
l'article 7 doit être exercé. Cependant, elle régle-
mente de façon minutieuse, à l'article 4, la procé-
dure à suivre pour l'octroi d'un pardon: la
demande de pardon est soumise à la Commission
nationale des libérations conditionnelles pour
qu'elle fasse enquête et formule sa recommanda-
tion; la Commission ne peut faire de recommanda-
tion défavorable à l'octroi du pardon sans avoir
donné à l'intéressé l'occasion de se faire entendre;
si la recommandation de la Commission est favo
rable, elle est transmise au gouverneur en conseil
qui peut, alors, accorder ou refuser le pardon.
L'avocat des intimés a prétendu que la Loi sur
le casier judiciaire précisait, à l'article 4, qu'un
pardon ne pouvait être refusé sans que l'intéressé
ne soit entendu. Comme l'article 7 est silencieux
sur ce point, il a soutenu, en invoquant la maxime
«expressio unius est exclusio alterius» que l'on
n'avait pas entendu donner à l'intéressé le droit de
se faire entendre avant qu'un pardon ne soit révo-
qué. Cet argument est fondé sur une fausse pré-
misse. L'article 4 ne dit pas qu'une demande de
pardon ne puisse être rejetée sans que l'intéressé
ait été entendu; il prescrit seulement que la Com
mission ne recommande pas le rejet d'une
demande de pardon sans avoir entendu l'intéressé.
Si la Commission recommande l'octroi du pardon,
l'intéressé n'a pas le droit d'être entendu et il me
semble clair que, en ce cas, le gouverneur en
conseil peut néanmoins refuser de suivre la recom-
mandation et rejeter la demande de pardon sans
avoir à entendre la personne concernée.
Le gouverneur en conseil peut donc refuser d'ac-
corder un pardon sans entendre l'intéressé. Doit-il
en être de même dans le cas de révocation? Je ne
le crois pas. D'une part, la révocation d'un pardon
me semble plus lourde de conséquences pour la
personne concernée que le simple refus d'accéder à
une demande de pardon. Dans le premier cas, cette
personne se voit priver de droits tandis que dans le
second elle se voit refuser un privilège. D'autre
part, alors que le pouvoir d'accorder un pardon est
purement discrétionnaire, il n'en est pas ainsi du
pouvoir de révocation qui ne peut être exercé que
dans les circonstances que précise l'article 7. Il me
semblerait juste qu'on ne révoque pas un pardon
sans avoir préalablement permis à l'intéressé de
contester l'existence des faits sur lesquels on veut
se fonder pour exercer le pouvoir de révocation.
Je crois donc que le gouverneur en conseil ne
peut révoquer un pardon en vertu de l'article 7
sans donner à l'intéressé l'occasion de se faire
entendre. Est-ce à dire que le gouverneur en con-
seil soit tenu, lorsqu'il veut révoquer un pardon,
d'agir à la manière d'un juge ou qu'il soit assujetti
à toutes les exigences que, dans d'autres contextes,
on a pu rattacher à la justice naturelle? Non pas.
C'est au gouverneur en conseil et non à une autre
autorité que la Loi confère le pouvoir de révoquer
les pardons. Le gouverneur en conseil est un orga-
nisme exécutif qui a ses façons d'agir et qui est
assujetti à des règles particulières comme celles
qui concernent le secret de ses délibérations et le
caractère confidentiel de ses sources d'information.
Le législateur connaît cette façon d'agir et ces
règles et lorsqu'il confère un pouvoir au gouver-
neur en conseil il faut présumer, en l'absence
d'indication au contraire, que ce pouvoir doit être
exercé conformément à ces règles et ces façons
d'agir. À cause de cela, le gouverneur en conseil
n'est pas tenu, avant de révoquer un pardon, d'en-
tendre lui-même l'intéressé. Pour la même raison,
l'intéressé n'a pas le droit, avant de se faire enten-
dre, de connaître les preuves dont on dispose
contre lui: il a seulement le droit de connaître les
faits qui ont été portés à la connaissance du gou-
verneur en conseil ou de ses conseillers et qui
justifieraient la révocation du pardon.
Pour ces motifs, je ferais droit à l'appel, je
casserais le jugement de la Division de première
instance et, faisant droit à l'action de l'appelant, je
déclarerais nul le décret du 9 octobre 1975 révo-
quant le pardon qui avait été octroyé à l'appelant.
L'appelant devrait avoir droit aux dépens tant en
première instance qu'en appel.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendu par
LE JUGE LE DAIN: J'ai pris connaissance des
motifs prononcés par mes collègues, les juges
Pratte et Lalande. Bien que cette affaire s'avère
fort difficile, je conviens avec eux qu'il y a lieu
d'accueillir l'appel et d'annuler le décret qui révo-
que le pardon octroyé à l'appelant, par ce motif
qu'il n'a pas eu la possibilité raisonnable de réfuter
les faits qu'on lui reproche.
Le dossier ne permet pas de conclure que l'appe-
lant connaissait les faits précis qui, d'après la
Commission nationale des libérations conditionnel-
les et le solliciteur général, démontraient qu'il
avait «cessé de se bien conduire», au sens de l'arti-
cle 7 de la Loi sur le casier judiciaire, S.R.C. 1970
(ler Supp.), chap. 12. Je conviens avec mon collè-
gue, le juge Pratte, que l'hypothèse retenue par le
juge de première instance au sujet de cette ques
tion était sans fondement, en particulier à la
lumière de la mention, dans le mémoire du sollici-
teur général au Cabinet, de renseignements
«confidentiels».
De plus, il ne fait pas de doute que, vu les motifs
sur lesquels elle peut se fonder et vu ses effets sur
les droits et intérêts de l'intéressé, la décision de
révoquer un pardon, en application de l'article 7,
est normalement soumise à l'obligation de respec-
ter les règles de justice naturelle ou, à tout le
moins, à celle, d'un degré inférieur, d'observer
l'équité dans la procédure. Je ne pense pas qu'il
soit nécessaire de citer un magistère à l'appui de ce
principe, lequel est vrai même si, avant l'adoption
de la Loi sur le casier judiciaire, les pardons
relevaient de la prérogative royale de clémence et
même si cette prérogative se maintient jusqu'à nos
jours par l'article 9 de la Loi. Le pouvoir de
révoquer un pardon qui a été octroyé en vertu de
cette Loi a sa source dans la même Loi et n'est
nullement fondé sur la prérogative royale. Sa
nature tient exclusivement aux dispositions de
l'article 7.
D'après moi, la difficulté tient à la question de
savoir si, compte tenu de la manière dont le Cabi
net fonctionne et de la règle du secret qui entoure
ses délibérations, il est raisonnable de prêter au
législateur l'intention d'assujettir le gouverneur en
conseil à l'exigence de l'équité dans la procédure
en matière de notification, de divulgation et d'au-
dition lorsqu'il révoque un pardon conformément à
l'article 7 de la Loi. Selon la jurisprudence, on ne
peut tenir une audition impartiale sans notifier à
l'intéressé suffisamment à l'avance les faits qu'on
lui reproche, sans lui divulguer convenablement la
preuve ou les autres éléments d'information, tels
les rapports, sur lesquels se fondent les allégations,
et, enfin, sans lui donner la possibilité raisonnable
de réfuter les faits qu'on lui reproche en produi-
sant, si nécessaire, des preuves et en faisant valoir
ses arguments. Comment faut-il, en pratique,
appliquer ces impératifs au processus décisionnel
du Cabinet que je qualifierais, sauf le respect que
je lui dois, de dénué de formalisme, d'inaccessible
et d'impénétrable? On ne peut circonscrire à
l'avance tous les motifs possibles de décision à
prendre en considération à la réunion du Cabinet
ou d'un comité du Cabinet qui instruit effective-
ment l'affaire. On ne peut interdire aux membres
du Cabinet d'apporter leur contribution à la défini-
tion des motifs possibles de décision ou, même, de
présenter de nouveaux éléments à l'appui de ces
motifs. Pour garantir pleinement l'équité dans la
procédure, la notification devrait porter sur les
faits ou les motifs que le Cabinet considère comme
pertinents aux fins de sa décision. La même diffi
culté existe à l'égard de l'obligation de divulgation.
Compte tenu de la règle du secret des délibérations
du Cabinet, comment peut-on divulguer convena-
blement à l'intéressé le fondement des allégations
portées contre lui, telles qu'elles sont soumises au
Cabinet, afin de lui permettre de réfuter les faits
qu'on lui reproche? Enfin, si on lui accorde la
possibilité raisonnable d'être entendu, les témoi-
gnages produits et les arguments avancés pour son
compte doivent être raisonnablement portés à l'at-
tention du Cabinet.
Vu ces difficultés, je me demande s'il est vrai-
ment possible, par interprétation de la loi, d'impo-
ser une norme effective et vérifiable d'équité dans
la procédure au gouverneur en conseil lorsqu'il
révoque un pardon. Je ne puis me convaincre
toutefois que le législateur ait voulu qu'un pardon
puisse être révoqué par ce motif qu'une personne a
cessé de se bien conduire, sans que l'intéressé se
voit donner la possibilité de réfuter les faits qu'on
lui reproche, au moment où l'affaire est soumise
au Cabinet par voie de recommandation. Il vaut
mieux en ce cas qu'il y ait quelque chose qui
ressemble tant soit peu à l'équité dans la procédure
plutôt que l'absence totale de cette équité.
L'article 4 de la Loi sur le casier judiciaire, qui
prévoit la tenue d'une enquête par la Commission
nationale des libérations conditionnelles en cas de
demande de pardon, et le fait que le solliciteur
général a jugé bon de demander à la Commission
de procéder à une enquête en l'espèce, font ressor-
tir la possibilité d'une certaine enquête et d'une
certaine audition avant que ne soit faite la recom-
mandation de révocation du pardon. Le gouver-
neur en conseil jouit, de toute évidence, du pouvoir
inhérent ou tacite de déléguer sa fonction d'audi-
tion. Quant à la maxime «expressio unius est
exclusio alterius» invoquée par l'avocat des inti-
més qui souligne que l'article 4 prévoit expressé-
ment une telle enquête et que ce n'est pas du tout
le cas de l'article 7, la Cour suprême du Canada a
conclu en effet que cette règle d'interprétation ne
doit pas servir à priver quelqu'un de son droit à
une audition impartiale. Voir L'Alliance des pro-
fesseurs catholiques de Montreal v. The Labour
Relations Board of Quebec, [1953]_2 R.C.S. 140,
aux pages 153 et 154; Nicholson c. Haldimand-
Norfolk Regional Board of Commissioners of
Police, [1979] 1 R.C.S. 311, aux pages 321 et 322.
Pour parvenir à la conclusion ci-dessus, j'ai dû,
avec déférence, présumer que l'arrêt Le procureur
général du Canada c. Inuit Tapirisat of Canada et
autre, de la Cour suprême du Canada, [1980] 2
R.C.S. 735, n'a aucune portée générale qui influe
sur le litige dont je suis saisi. Cette décision portait
uniquement sur la nature du pouvoir de contrôle
que le gouverneur en conseil tient du paragraphe
64(1) de la Loi nationale sur les transports,
S.R.C. 1970, chap. N-17, en tant qu'elle s'appli-
quait spécifiquement à la décision relative aux
tarifs de Bell Canada, et non pas sur les particula-
rités institutionnelles du processus décisionnel du
gouverneur en conseil ou du Cabinet. En rendant
le jugement de la Cour, le juge Estey s'est pro-
noncé en ces termes à la page 753: «Il faut, dans
l'évaluation de la technique de révision adoptée par
le gouverneur en conseil, tenir compte de la nature
même de ce corps constitué», mais cette conclusion
a été tirée à propos de l'argument selon lequel tout
le dossier aurait dû être soumis au Cabinet. À mon
avis, cette remarque particulière ne signifie pas
qu'une décision du gouverneur en conseil, quelle
que soit sa nature, n'est jamais soumise à l'obliga-
tion tacite d'équité dans la procédure.
* * *
Voici les, motifs du jugement rendus en français
par
LE JUGE SUPPLÉANT LALANDE: Le pouvoir
qu'accorde au gouverneur général en conseil la Loi
sur le casier judiciaire est un pouvoir de nature
quasi judiciaire, puisque l'article 7 prescrit, pour le
cas qui nous occupe, que la révocation d'un pardon
peut être décrétée «sur preuve établissant» une
cessation de bonne conduite. Un tel pouvoir doit
être exercé conformément aux exigences de la
justice naturelle.
Les intimés Bouchard et Gilbert, faisant enquête
pour le solliciteur général à titre de membres de la
Commission nationale des libérations conditionnel-
les, ont refusé de divulguer à l'appelant qu'ils
avaient convoqué pour qu'il puisse leur faire ses
représentations, en quoi il leur paraissait qu'il
avait cessé de se bien conduire.
Ce refus violait une règle élémentaire de justice
naturelle et a vicié l'arrêté ministériel passé sur la
recommandation du solliciteur général.
Je disposerais de l'appel comme le propose le
juge Pratte.
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