A-812-81
Robert Maclntyre (appelant)
c.
La Reine (intimée)
Cour d'appel, juge en chef Thurlow, juges sup
pléants Kelly et Cowan—Toronto, 16 juin 1982;
Ottawa, 19 juillet 1982.
Libération conditionnelle — Mémoire spécial en jugement
déclaratoire portant que l'appelant a droit d'être remis en
liberté conformément à ses calculs — Contestation par l'appe-
lant du calcul du reliquat de ses peines d'emprisonnement —
Condamnations répétées de l'appelant avant son évasion en
1976 — Condamnation, après son arrestation, à une peine de
neuf ans, à purger consécutivement â toute peine purgée pour
les infractions commises pendant qu'il était en fuite — Con-
damnation subséquente à quatre mois pour avoir été absent
sans excuse légitime — L'appelant soutient qu'il a droit à une
remise d'un tiers de sa peine totale, égale à la somme de toutes
ses peines depuis le jour de sa première condamnation en vertu
de l'art. 14 de la Loi sur la libération conditionnelle de détenus
— D'après l'intimée, l'art. 137 du Code criminel impose une
nouvelle peine â l'évadé fusionnant avec le reliquat de la peine
qu'il purgeait au moment de l'évasion pour ne constituer
qu'une peine unique — Rejet de l'action en première instance
— Appel accueilli par la Cour d'appel — Loi sur les péniten-
ciers, S.R.C. 1970, chap. P-6, art. 22(1), 24 (abrogé par S.C.
1976-77, chap. 53, art. 41) — Loi sur la libération condition-
nelle de détenus, S.R.C. 1970, chap. P-2, art. 14, abrogé par
S.R.C. 1970 (1e' Supp.), chap. 31, art. 1; mod. par S.C.
1977-78, chap. 22, art. 19 — Code criminel, S.R.C. 1970,
chap. C-34, art. 137, abrogé par S.C. 1972, chap. 13, art. 9;
1976-77, chap. 53, art. 6.
L'appelant conteste le calcul des peines d'emprisonnement
qu'il lui restent à purger. Après avoir été condamné, libéré sous
condition et réincarcéré, l'appelant a été de nouveau condamné
en 1973 une peine de deux ans, à purger consécutivement au
reliquat restant à purger des peines pour lesquelles la libération
conditionnelle avait été accordée. L'appelant s'est évadé en
1976 et, après avoir été arrêté, a été condamné à une peine de
neuf ans, à purger consécutivement à toute peine alors purgée.
Il a ensuite été condamné à quatre mois pour avoir été absent
sans excuse légitime. L'article 24.2 de la Loi sur les péniten-
ciers limite à un tiers de la peine purgée la réduction de peine
qu'un détenu peut mériter. L'article 14 de la Loi sur la
libération conditionnelle de détenus porte que toutes les peines
imposées doivent être considérées comme constituant une peine
unique d'une durée égale au total des différentes peines impo
sées. L'appelant soutient que, pour les fins des remises de peine,
il faut considérer qu'il a commencé à purger sa peine le 6 juillet
1971, date de sa première condamnation, et qu'il faut y inclure
toutes les peines subséquentes, la remise de peine maximale à
laquelle il a droit étant en conséquence égale au tiers de ce
total. L'article 137 du Code criminel porte que l'évadé doit,
après avoir purgé la peine à laquelle il a été condamné pour
l'évasion, purger le reliquat de la peine qu'il purgeait avant
l'évasion, toute réduction statutaire de peine incluse mais toute
réduction méritée exclue. L'intimée soutient que l'article 137
prévoit la condamnation d'un évadé à une nouvelle peine qui
fusionne avec le reste de la peine que le détenu purgeait au
moment de l'évasion pour ne plus faire qu'une seule peine. Il
faut déterminer quelle est la durée de la peine imposée à
l'appelant qui doit servir de base au calcul de la réduction de
peine.
Arrêt: l'appel est accueilli. L'expression «la peine qu'il purge
alors» à l'article 24.2 de la Loi sur les pénitenciers désigne une
«sentence consistant en une période d'emprisonnement com-
mençant le jour où la première de ces sentences d'emprisonne-
ment commence et se terminant à l'expiration de celle de ces
périodes d'emprisonnement qui se termine la dernière», selon
l'article 14 de la Loi sur la libération conditionnelle de déte-
nus. L'article 137 du Code criminel n'a pas pour effet de créer
une nouvelle peine; il fixe l'ordre dans lequel les peines doivent
être purgées. L'article 14 de la Loi sur la libération condition-
nelle de détenus constitue une législation spéciale en ce sens
qu'il traite du calcul de l'emprisonnement résultant de plusieurs
condamnations et qu'en définitive, il crée une peine unique.
L'appelant est donc réputé avoir été condamné le 6 juillet 1971,
date de sa première condamnation. Considérer la peine unique
créée par le paragraphe 14(1) de la Loi sur la libération
conditionnelle de détenus comme la peine que l'appelant pur-
geait aux termes du paragraphe 137(1) du Code criminel a
pour effet de faire perdre la remise statutaire d'une peine pour
laquelle, à l'époque pertinente, il n'y avait pas encore eu
condamnation et qui a été imposée pour des infractions qui, à
l'époque, n'avaient pas encore été commises.
JURISPRUDENCE
DÉCISION ÉCARTÉE:
R. v. Sowa (No. 2), [1980] 2 W.W.R. 83 (C.A. Sask.).
AVOCATS:
F. J. O'Connor pour l'appelant.
R. P. Hynes pour l'intimée.
PROCUREURS:
O'Connor, Ecclestone, Kingston, pour l'appe-
lant.
Le sous-procureur général du Canada pour
l'intimée.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE EN CHEF THURLOW: Je partage le
raisonnement et souscris aux conclusions de mon
sieur le juge Cowan dont j'ai eu le privilège de lire
et d'étudier l'opinion. Comme nous ne partageons
pas l'avis du docte premier juge [[1982] 2 C.F.
310] et n'appliquons pas cette partie du raisonne-
ment de l'espèce Sowa' sur laquelle il s'est fondé,
je désire ajouter certains commentaires.
L'espèce Sowa en elle-même n'est pas, à mon
avis, vraiment applicable. Le litige alors portait sur
les durées ou temps d'emprisonnement pour les-
quels des réductions de peine pouvaient être méri-
tées en vertu de la Loi sur les pénitenciers, S.R.C.
1970, chap. P-6. Ce n'est pas ce qui est en cause en
l'espèce. Ce qui est en cause ici, c'est la limite
maximale de réduction «au tiers de la peine qu'il
purge alors», qu'impose l'article 24.2 2 de la Loi sur
les pénitenciers sur la réduction de peine globale,
statutaire et méritée, qu'un détenu, purgeant une
ou des peines au moment de la prise d'effet du
nouveau système, pouvait obtenir selon l'ancien et
le nouveau système.
L'appelant avait été condamné à trois reprises
avant de l'être, le 14 septembre 1976, quatre
mois, pour évasion. Le paragraphe 14(1) 3 de la Loi
sur la libération conditionnelle de détenus, S.R.C.
' R. v. Sowa (No. 2), [1980] 2 W.W.R. 83 (C.A. Sask.).
2 24.2 Le détenu qui bénéficie déjà d'une réduction statutaire
de peine, cesse d'avoir droit à la réduction méritée que prévoit
le paragraphe 24(1) le jour où le total des réductions suivantes
correspond au tiers de la peine qu'il purge alors:
a) le maximum de jours de réduction statutaire de peine
inscrit à son actif pour cette peine, en vertu de la présente loi
ou de la Loi sur les prisons et les maisons de correction;
b) le nombre de jours de réduction de peine méritée accu-
mulé à son actif avant que le présent article n'entre en
vigueur; et
c) le maximum de jours de réduction de peine méritée inscrit
à son actif en vertu du paragraphe 24(1).
3 14. (1) Lorsque, le 25 mars 1970 ou avant ou après cette
date,
a) un individu est condamné à deux périodes d'emprisonne-
ment ou plus, ou que
b) un détenu qui est en détention est condamné à une ou des
périodes supplémentaires d'emprisonnement,
les périodes d'emprisonnement auxquelles il a été condamné, y
compris dans un cas visé à l'alinéa b) la ou les périodes
d'emprisonnement qu'il est en train de purger, sont, à toutes
fins de la présente loi, du Code criminel, de la Loi sur les
pénitenciers et de la Loi sur les prisons et les maisons de
correction, censées constituer une seule sentence consistant en
une période d'emprisonnement commençant le jour où la pre-
mière de ces sentences d'emprisonnement commence et se
terminant à l'expiration de celle de ces périodes d'emprisonne-
ment qui se termine la dernière.
1970, chap. P-2, jouait donc à deux reprises. La
première, pour la condamnation du 14 juin 1973, à
des peines totalisant deux ans. Celles-ci, avec le
reste de la peine non purgée de quatre ans, étaient,
pour les fins de la Loi sur la libération condition-
nelle de détenus et de la Loi sur les pénitenciers,
réputées constituer une peine unique de six ans
commençant le 6 juillet 1971, soit le jour de la
condamnation à la peine de quatre ans.
Lorsque, le 13 avril 1976, l'appelant fut con-
damné à d'autres peines totalisant neuf ans, le
paragraphe joua à nouveau, de sorte que les peines
de quatre, de deux et de neuf ans étaient censées
ne constituer, pour les fins de la Loi sur la libéra-
tion conditionnelle de détenus et de la Loi sur les
pénitenciers, qu'une seule peine, commençant éga-
lement le 6 juillet 1971, le jour de la condamnation
à la peine de quatre ans.
C'était là la situation lorsque l'appelant fut con-
damné à une peine de quatre mois pour évasion.
Lors de la condamnation à cette peine, le paragra-
phe 137(1) du Code criminel 4 , S.R.C. 1970, c.
C-34, s'est appliqué et a prescrit l'ordre dans
lequel cette peine et celle que l'appelant purgeait
lorsqu'il s'évada devaient être purgées, et a indiqué
ce qu'il restait de la peine que l'appelant purgeait
au moment de cette évasion. Ce faisant, le para-
graphe privait l'appelant de la réduction statutaire
de peine, mais non de la réduction méritée, et il
disposait que le temps de détention après son
arrestation, jusqu'au moment de la condamnation
pour évasion, devait être porté à son actif.
Le paragraphe n'ajoute pas, à mon avis, une
nouvelle peine à la partie de la peine non purgée.
Le paragraphe parle de «la partie de la peine
d'emprisonnement . .. qu'il lui restait à purger
. . .A; s'il prive l'appelant de la réduction statutaire
quant à cette peine, il n'ajoute rien à celle-ci. Au
4 137. (1) Sauf disposition contraire de la Loi sur la libéra-
tion conditionnelle de détenus, une personne qui s'évade pen
dant qu'elle purge une peine d'emprisonnement doit, après
avoir subi toute peine à laquelle elle est condamnée pour cette
évasion, purger la partie de la peine d'emprisonnement incluant
toute réduction légale de peine mais excluant toute réduction
méritée, qu'il lui restait à purger au moment de son évasion,
moins toute période qu'elle a passée sous garde entre le jour où
elle a été reprise après son évasion et le jour où elle a été
condamnée pour cette évasion.
contraire, il maintient les droits de l'appelant à
faire porter à son actif sa réduction méritée et le
temps de garde à vue antérieur à la condamnation
pour évasion. De plus, le paragraphe ne prétend
pas modifier le jeu du paragraphe 14(1) de la Loi
sur la libération conditionnelle de détenus, sur
lequel il n'influe pas; en vertu de celui-ci, le 6
juillet 1971 avait déjà été établi comme date du
début de la peine unique à laquelle il était présumé
condamné.
Je ne crois pas que cette façon de voir puisse
être influencée par ce que le docte premier juge a
appelé un hiatus. Le paragraphe 137(2) 5 du Code
criminel porte que l'article 14 de la Loi sur la
libération conditionnelle de détenus s'applique
pour déterminer la peine que l'appelant purgeait
au moment de son évasion. Ce qui, comme je
comprends la chose, signifie que les peines de
quatre et deux ans auxquelles l'appelant avait été
condamné et qu'il purgeait au moment de son
évasion, peines réputées de par le paragraphe
14(1) de la Loi sur la libération conditionnelle de
détenus, ne former qu'une peine unique, consti-
tuaient ensemble la peine qu'il purgeait au
moment de son évasion. La peine unique que crée
le paragraphe 14(1) de la Loi sur la libération
conditionnelle de détenus, par suite de la condam-
nation à la peine de neuf ans, n'est pas, à mon avis,
ce à quoi se réfère le paragraphe 137(1) du Code
criminel comme étant la peine que l'appelant pur-
geait lorsqu'il s'est évadé. Mis à part le fait que ce
n'était pas la peine que l'appelant purgeait lors-
qu'il s'est évadé, la considérer comme la peine dont
parle le paragraphe 137(1), aurait l'effet bizarre
de supprimer la réduction statutaire sur une peine
d'emprisonnement qui, à l'époque pertinente,
n'avait pas été imposée et qui, lorsqu'elle le fut,
était pour des infractions qui n'avaient pas encore
été perpétrées. Cela toutefois, à mon avis, n'influe
pas sur la date du début de la peine unique que le
paragraphe 14(1) présume avoir été imposée.
Selon le paragraphe 14(1), cette date de début
demeure la date de début de la peine unique de
l'appelant pour les fins de la Loi sur la libération
conditionnelle de détenus et de la Loi sur les
5 137....
(2) Aux fins du paragraphe (1), l'article 14 de la Loi sur la
libération conditionnelle de détenus s'applique pour déterminer
la peine d'emprisonnement que purgeait une personne au
moment de son évasion.
pénitenciers et, à mon avis, même si le paragraphe
137(1) du Code criminel exige que le reste de la
peine purgée par l'appelant à l'époque de son
évasion soit reporté jusqu'à ce qu'il ait purgé la
peine pour évasion, la peine que l'appelant pur-
geait lorsque l'article 24.2 de la Loi sur les péni-
tenciers entra en vigueur était, pour les fins de
cette Loi, une peine unique de 15 ans et quatre
mois qui avait débuté le 6 juillet 1971 et que le
paragraphe 14(1) de la Loi sur la libération con-
ditionnelle de détenus présumait avoir été imposée
lorsque, le 14 septembre 1976, la peine supplémen-
taire de quatre mois, pour évasion, avait été impo
sée, à une époque où il purgeait déjà une peine de
quinze ans qui, selon le paragraphe 14(1), était
réputée imposée depuis le 6 juillet 1971.
J'accueillerais l'appel et disposerais du litige
comme le propose monsieur le juge Cowan.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE SUPPLÉANT COWAN: En l'espèce l'ap-
pelant, demandeur en première instance, forme
appel d'un jugement de la Division de première
instance selon la procédure du mémoire spécial
soumis à la Cour selon la Règle 475.
Voici ce mémoire spécial:
[TRADUCTION] ÉNONCÉ DES FAITS
1. Le 6 juillet 1971, le demandeur a été condamné à quatre
années d'emprisonnement.
2. Le 6 novembre 1972, le demandeur a obtenu sa libération
conditionnelle. Le 5 mars 1973, il a de nouveau été incarcéré
après avoir été appréhendé en vertu d'un mandat suspendant sa
libération conditionnelle.
3. Le 14 juin 1973, la libération conditionnelle du demandeur a
été frappée de déchéance.
4. Le 14 juin 1973, le demandeur a été condamné à diverses
peines totalisant deux ans d'emprisonnement, à être purgées
consécutivement à la portion inachevée de toute période d'em-
prisonnement pour laquelle il avait obtenu une libération
conditionnelle.
5. Au cours des mois de janvier et février 1976, le demandeur
est resté absent sans excuse légitime durant 31 jours. Le 13
avril 1976, il a été condamné à une période d'emprisonnement
totale de neuf années devant être purgées consécutivement à
toute peine qu'il était en train de purger.
6. Le 14 septembre 1976, le demandeur a été condamné à
purger quatre mois d'emprisonnement au pénitencier de Kings-
ton, après avoir été reconnu coupable d'être resté absent sans
excuse légitime aux termes de l'article 133(1)b) du Code
criminel.
7. Voici la question, sur laquelle il faut statuer, dont les parties
sont convenues et qu'elles proposent:
L'expression «la peine qu'il purge alors» utilisée à l'article
24.2 de la Loi sur les pénitenciers désigne-t-elle une «sentence
consistant en une période d'emprisonnement commençant le
jour où la première de ces sentences d'emprisonnement (aux-
quelles le détenu était assujetti) commence et se terminant à
l'expiration de celle de ces périodes d'emprisonnement qui se
termine la dernière», aux termes de l'article 14(1) de la Loi sur
la libération conditionnelle de détenus?
8. Si la Cour répond par l'affirmative, le demandeur aura droit,
en vertu d'un jugement déclaratoire qui sera rendu à cet effet, à
une réduction méritée de peine pouvant équivaloir au tiers de la
peine totale calculée suivant cette formule.
9. Si la Cour répond par la négative, aucune réduction méritée
de peine ne sera accordée au requérant après le 1" décembre
1979 et la date de sa remise en liberté sera calculée en
conséquence.
Le docte premier juge était d'avis que la ques
tion que pose le paragraphe 7 du mémoire spécial
doit recevoir une réponse négative et la réduction
de la peine du demandeur être calculée comme
l'énonce le paragraphe 9 du mémoire spécial. Il y a
eu ordonnance en ce sens.
À toutes les époques pertinentes, antérieurement
au ler juillet 1978, il existait deux types de réduc-
tion de peine. La réduction statutaire, en vertu de
laquelle un quart du temps de la condamnation ou
de l'incarcération était crédité dès l'entrée au péni-
tencier, ce temps étant considéré comme déjà
purgé, sous réserve de bonne conduite. La réduc-
tion statutaire de peine pouvait faire l'objet d'une
déchéance dans la mesure et selon les circons-
tances prévues. Le deuxième type de réduction
était la réduction méritée que pouvait voir portée à
son actif un détenu, soit jusqu'à trois jours de
réduction de peine pour chaque mois civil au cours
duquel le détenu s'appliquait industrieusement,
conformément aux règles prescrites, à suivre le
programme du pénitencier où il était incarcéré. Le
maximum de ces réductions combinées pouvait
s'élever au tiers environ de la peine à laquelle le
détenu avait été condamné ou du temps passé en
détention. Cette réduction était prévue par la Loi
sur les pénitenciers, S.R.C. 1970, chap. P-6, aux
articles 22 24.
Par l'article 41 de la Loi de 1977 modifiant le
droit pénal, S.C. 1976-77, chap. 53, en vigueur à
compter du P juillet 1978, les articles en cause de
la Loi sur les pénitenciers ont été abrogés et leur
ont été substitués les articles suivants:
24, 24.1 et 24.2.
La réduction statutaire était ainsi abolie et rem-
placée par une réduction méritée, au rythme maxi
mum plus accéléré de quinze jours de réduction de
peine pour chaque mois et d'un certain nombre de
jours, calculés au prorata, pour chaque partie de
mois au cours desquels le détenu s'était industrieu-
sement appliqué, aux termes des règles prévues, à
un programme du pénitencier où il était incarcéré.
Voici l'article 24.2:
24.2 Le détenu qui bénéficie déjà d'une réduction statutaire
de peine, cesse d'avoir droit à la réduction méritée que prévoit
le paragraphe 24(1) le jour où le total des réductions suivantes
correspond au tiers de la peine qu'il purge alors:
a) le maximum de jours de réduction statutaire de peine
inscrit à son actif pour cette peine, en vertu de la présente loi
ou de la Loi sur les prisons et les maisons de correction;
b) le nombre de jours de réduction de peine méritée accu-
mulé à son actif avant que le présent article n'entre en
vigueur; et
c) le maximum de jours de réduction de peine méritée inscrit
à son actif en vertu du paragraphe 24(1).
L'appelant, un détenu, a bénéficié d'une réduc-
tion statutaire avant le 1" juillet 1978; l'article a
pour effet de lui enlever tout droit à une réduction
méritée selon le paragraphe 24(1) une fois que le
nombre maximum de jours de réduction statutaire,
dont à tout moment il aurait profité, en vertu de la
Loi sur les pénitenciers ou de la Loi sur les prisons
et les maisons de correction, S.R.C. 1970, chap.
P-21, relativement à la peine alors purgée, et le
nombre de jours de toute réduction méritée porté à
son actif et accumulé avant l'entrée en vigueur de
l'article, soit le 1" juillet 1978, ainsi que le nombre
maximum de jours de réduction méritée, dont il a
à tout moment bénéficié en vertu du paragraphe
24(1), atteignent un tiers de la peine purgée.
Pour répondre à la question que pose le mémoire
spécial, il devient nécessaire d'établir la durée de la
peine que purgeait le demandeur au moment où la
question a été posée.
Voici l'article 14 de la Loi sur la libération
conditionnelle de détenus, modifié par S.R.C.
1970 (ler Supp.), chap. 31, art. 1:
14. (I) Lorsque, le 25 mars 1970 ou avant ou après cette
date,
a) un individu est condamné à deux périodes d'emprisonne-
ment ou plus, ou que
b) un détenu qui est en détention est condamné à une ou des
périodes supplémentaires d'emprisonnement,
les périodes d'emprisonnement auxquelles il a été condamné, y
compris dans un cas visé à l'alinéa b) la ou les périodes
d'emprisonnement qu'il est en train de purger, sont, à toutes
fins de la présente loi, de la Loi sur les pénitenciers et de la Loi
sur les prisons et les maisons de correction, censées constituer
une seule sentence consistant en une période d'emprisonnement
commençant le jour où la première de ces sentences d'empri-
sonnement commence et se terminant à l'expiration de celle de
ces périodes d'emprisonnement qui se termine la dernière.
(2) Le présent article n'affecte pas le moment où des senten
ces, qui sont censées, aux termes du paragraphe (I), constituer
une seule sentence, commençant en conformité du paragraphe
649(1) du Code criminel.
La Loi corrective de 1978, S.C. 1977-78, chap.
22, art. 19, inséra les termes «du Code criminel»
entre l'expression «à toutes fins de la présente loi»
et «de la Loi sur les pénitenciers et de la Loi sur
les prisons et les maisons de correction».
On soutient au nom de l'appelant que l'article
14 de la Loi sur la libération conditionnelle de
détenus s'applique à son cas et que, au moment de
sa dernière condamnation, soit le 14 septembre
1976, les peines auxquelles il était condamné
devaient, à toutes fins, y compris pour les fins de la
Loi sur les pénitenciers, être présumées ne consti-
tuer qu'une peine unique débutant le jour de la
première de ces sentences, soit le 6 juillet 1971, et
se terminant au terme de la dernière de ces pério-
des d'emprisonnement. La peine de l'appelant donc
consisterait dans l'ensemble des peines auxquelles
il a été condamné, soit: le 6 juillet 1971, quatre
ans; le 14 juin 1973, deux ans; le 13 avril 1976, à
neuf ans et le 14 septembre 1976, quatre mois;
soit un total de quinze ans et quatre mois ou 5,601
jours.
L'avocat de l'appelant fait valoir que c'est là la
peine que l'appelant purge actuellement pour les
fins de l'article 24.2 de la Loi sur les pénitenciers;
la réduction maximale à laquelle l'appelant a droit
devrait donc être calculée en fonction de la durée
de cette peine, soit un tiers de 5,601 jours, soit
donc une réduction maximale de 1,867 jours.
L'avocat de l'appelant reconnaît qu'après la con-
damnation du 14 septembre 1976, la partie encore
non purgée de la peine alors purgée était de 3,702
jours, après déduction de la réduction statutaire
dont l'appelant, de moments en moments, avait été
déchu.
À cet égard, le docte premier juge a dit [aux
pages 315 et 316]:
L'article 14 de la Loi sur la libération conditionnelle de
détenus est général dans sa formulation et dans sa portée. Il est
libellé en termes généraux. L'une des règles d'interprétation les
plus sûres nous enseigne que ces dispositions générales s'appli-
quent sous réserve des limites qui peuvent leur être imposées
par d'autres dispositions de la même loi ou d'une autre.
Formulée différemment, cette règle cardinale d'interpréta-
tion signifie que les dispositions générales ne limitent, ni n'anni-
hilent les dispositions spéciales d'une même loi ou d'une autre
loi. On doit voir les dispositions spéciales comme des exceptions
aux générales. C'est là la seule façon de réconcilier de telles
dispositions du législateur.
Admettre que l'article 14 de la Loi sur la libération condi-
tionnelle de détenus est de portée générale, c'est reconnaître
qu'il puisse être subordonné à d'autres dispositions législatives
d'application particulière.
Le procureur de Sa Majesté soutient qu'il existe une telle
disposition spéciale dans le Code criminel, S.R.C. 1970, c.
C-34, en l'occurrence l'article 137, tel qu'il se lisait le 14
octobre 1977:
137. (1) Sauf disposition contraire de la Loi sur la libéra-
tion conditionnelle de détenus, une personne qui s'évade
pendant qu'elle purge une peine d'emprisonnement doit,
après avoir subi toute peine à laquelle elle est condamnée
pour cette évasion, purger la partie de la peine d'emprisonne-
ment incluant toute réduction légale de peine mais excluant
toute réduction méritée, qu'il lui restait à purger au moment
de son évasion, moins toute période qu'elle a passée sous
garde entre le jour où elle a été reprise après son évasion et le
jour où elle a été condamnée pour cette évasion.
(2) Aux fins du paragraphe (1), l'article 14 de la Loi sur
la libération conditionnelle de détenus s'applique pour déter-
miner la peine d'emprisonnement que purgeait une personne
au moment de son évasion.
(3) Une personne qui s'évade alors qu'elle purgeait une
peine d'emprisonnement doit subir, s'il en est, la peine à
laquelle elle est condamnée pour cette évasion et la peine
complémentaire calculée conformément au paragraphe (1)
dans un pénitencier si la durée totale de ces peines est de
deux ans ou plus ou, si elle est inférieure à deux ans,
a) dans la prison d'où elle s'est évadée, ou
b) lorsque la cour, le juge de paix ou le magistrat qui l'a
condamnée pour l'évasion l'ordonne, nonobstant la Loi sur
la libération conditionnelle de détenus, dans un péniten-
cier,
et, lorsqu'une personne est condamnée pour une évasion elle
doit, nonobstant l'article 659, être condamnée en consé-
quence.
(4) Pour l'application du présent article, le terme «évasion»
signifie le bris de prison, le fait d'échapper à la garde légale
ou, sans excuse légitime, de se trouver en liberté au Canada
avant l'expiration de la période d'emprisonnement à laquelle
une personne a été condamnée.
La Cour d'appel de la Saskatchewan a eu à trancher cette
question même dans l'affaire R. c. Sowa (n° 2) [1980] 2
W.W.R. 83. La Cour devait alors déterminer si les autorités
pénitentiaires avaient correctement interprété et appliqué l'arti-
cle 137 du Code criminel en vigueur jusqu'au 15 octobre 1977
(ce texte est rapporté au paragraphe précédent).
L'arrêt a été prononcé par le juge Culliton, juge en chef de la
Saskatchewan. Traitant de l'article 137, la page 87, le juge
dit:
[TRADUCTION] Aux termes de l'article précité, la peine
imposée à un détenu qui s'évade est déterminée et purgée
selon les modalités suivantes:
a) Le détenu doit d'abord purger la peine imposée pour
l'évasion;
b) Ensuite, il doit purger la partie de la peine qu'il lui
restait à purger au moment de son évasion sans qu'on lui
accorde aucune réduction statutaire;
c) On porte à l'actif du détenu, en réduction de la peine
totale, toute période passée sous garde entre son arresta-
tion et sa condamnation pour évasion.
Le docte premier juge estima que la question
que soulevait le mémoire spécial était la même que
celle dont la Cour d'appel de la Saskatchewan
avait été saisie dans l'arrêt R. v. Sowa (No. 2),
[1980] 2 W.W.R. 83, prononcé par le juge en chef
de la Saskatchewan, le juge Culliton. Dans l'arrêt
Sowa, l'appelant avait été, le 14 octobre 1971,
condamné à quatre ans de prison. Le 18 février
1972, il était condamné à une peine supplémen-
taire de sept ans consécutive à la peine du 14
octobre 1971. Le 26 septembre 1972, il s'évadait et
était repris le 6 novembre 1972. Le 15 mai 1973, il
était condamné à six mois de prison pour cette
évasion. La condamnation pour évasion devait être
purgée, disait-on, consécutivement à la peine
purgée alors, mais toutes les parties ont reconnu
que cette peine-là devait être purgée d'abord,
avant le reste de la peine purgée antérieurement,
comme le requiert l'article 137 du Code criminel.
Le 20 août 1973, l'appelant était condamné à
une peine supplémentaire de quatre mois sur
chacun des trois chefs d'accusation d'usage de
faux. Ces trois peines, concurrentes, devaient être
consécutives à celle purgée alors.
Une fois l'appelant reconnu coupable de vol, et
après sa condamnation du 20 août 1973, les autori-
tés pénitentiaires, après avoir donné effet à toutes
les réductions de peine statutaires et, possiblement,
aux réductions méritées, ont fixé la date de relaxe
de l'appelant et la date de sa libération sous sur
veillance obligatoire. L'appelant soutient que les
autorités pénitentiaires ont commis trois erreurs.
Premièrement, elles ne lui auraient accordé
aucune réduction statutaire pour la période qui va
du 6 novembre 1972 au 15 mai 1973, durée de son
incarcération après son évasion. On aurait dû
réduire d'autant ce qu'il restait à purger de la
peine; ainsi il aurait eu droit à la réduction statu-
taire de peine que prévoit le paragraphe 22(1) de
la Loi sur les pénitenciers.
Deuxièmement, les autorités pénitentiaires, con-
trairement au paragraphe 14(1) de la Loi sur la
libération conditionnelle de détenus, auraient fixé
la date du début de la peine unique au 15 mai
1973 et non au 14 octobre 1971.
Et enfin, troisièmement, les autorités péniten-
tiaires auraient mal interprété et appliqué à tort
l'article 137 du Code de 1970 alors qu'il avait été
abrogé et remplacé par les S.C. 1976-77, chap. 53,
art. 6, en vigueur le 15 octobre 1977. Par suite des
erreurs précitées, les autorités pénitentiaires se
seraient trompées en établissant la date de sa
relaxe et celle où il aurait eu droit à une libération
sous surveillance obligatoire.
Le juge en chef Culliton traita d'abord du troi-
sième point soulevé par l'appelant, décidant que
l'article 137 du Code criminel en vigueur à l'épo-
que où l'appelant avait été reconnu coupable
d'évasion était bien l'article régissant la peine à
laquelle on le condamnait pour cette évasion. L'ar-
ticle 137 avait été abrogé et remplacé par la Loi de
1977 modifiant le droit pénal, S.C. 1976-77, chap.
53, art. 6, en vigueur à compter du 15 octobre
1977, et l'un des effets du nouvel article était de
permettre au juge condamnant l'évadé d'exiger
qu'il purge la peine d'emprisonnement pour l'éva-
sion soit concurremment avec la partie de la peine
purgée au moment de l'évasion qu'il lui restait à
purger, soit consécutivement à celle-ci. Le juge en
chef Culliton jugea que le nouvel article n'était pas
rétroactif.
Il se demanda alors si les autorités pénitentiaires
n'auraient pas mal interprété et appliqué à tort
l'article 137 du Code criminel en vigueur jusqu'au
15 octobre 1977 et, au sujet de cet article, il
déclara, aux pages 87 et 88:
[TRADUCTION] Aux termes de l'article précité, la peine
imposée à un détenu qui s'évade est déterminée et purgée selon
les modalités suivantes:
a) Le détenu doit d'abord purger la peine imposée pour
l'évasion;
b) Ensuite, il doit purger la partie de la peine qu'il lui restait
à purger au moment de son évasion sans qu'on lui accorde
aucune réduction statutaire;
c) On porte à l'actif du détenu, en réduction de la peine
totale, toute période passée sous garde entre son arrestation et
sa condamnation pour évasion.
Voici l'article 14(1) de la Loi sur la libération conditionnelle
de détenus modifié par l'art. 1 des S.R.C. 1970, chap. 31. (1"
Supp.):
a14.(1) Lorsque, le 25 mars 1970 ou avant ou après cette
date,
»a) un individu est condamné à deux périodes d'emprisonne-
ment ou plus, ou que
»b) un détenu qui est en détention est condamné à une ou des
périodes supplémentaires d'emprisonnement,
ales périodes d'emprisonnement auxquelles il a été condamné, y
compris dans un cas visé à l'alinéa b) la ou les périodes
d'emprisonnement qu'il est en train de purger, sont, à toutes
fins de la présente loi, de la Loi sur les pénitenciers et de la Loi
sur les prisons et les maisons de correction, censées constituer
une seule sentence consistant en une période d'emprisonnement
commençant le jour où la première de ces sentences d'empri-
sonnement commence et se terminant à l'expiration de celle de
ces périodes d'emprisonnement qui se termine la dernière.»
De toute évidence, les premiers mots de l'art. 14(1) »Lorsque,
le 25 mars 1970 ou avant ou après cette date», démontrent que
cet article, y compris la modification de 1977-78, a une portée
rétroactive pour ce qui est de la détermination de la peine
unique objet de la réduction statutaire de peine.
L'appelant prétend qu'en vertu de la formulation de l'art.
14(1), sa peine unique doit être calculée à compter du 14
novembre 1971, date de sa première condamnation à l'empri-
sonnement. N'eût-été des termes mêmes de l'article 137 de
1973, j'aurais été enclin à accueillir cet argument.
À mon avis, l'art. 137 du Code criminel, dans sa version de
1973, a pour effet d'imposer une nouvelle peine dont le point de
départ est la date de la condamnation pour évasion. C'est là, je
crois, la conclusion logique qui découle des prescriptions de
l'article relativement à la manière dont la peine imposée doit
être calculée et purgée.
En vertu de l'art. 137, entré en vigueur le 15 juillet 1972, le
détenu condamné pour évasion après cette date perd le bénéfice
de toute réduction statutaire accumulée jusque-là. Au par. (3),
la portion de la peine restante que l'on calcule conformément
au par. (1), est désignée sous l'expression «la peine complémen-
taire». Cela démontre clairement que la peine imposée pour
l'évasion et toutes les peines supplémentaires qui viennent s'y
greffer constituent une peine unique. Conséquemment, c'est à
bon droit que les autorités pénitentiaires ont jugé que le point
de départ de la peine unique, après la condamnation pour
évasion, était le 15 mai 1973.
Le distingué premier juge, en l'espèce en cause,
a été d'avis que l'arrêt Sowa (précité) correspon-
dait parfaitement à l'espèce décrite par le présent
mémoire spécial; on ne pouvait en différencier les
faits. 11 accepta donc l'argument de l'avocat de Sa
Majesté, fondé sur l'arrêt Sowa: la Cour qui avait
condamné l'appelant pour évasion le 14 septembre
1976, l'avait condamné à une nouvelle peine et,
bien qu'il ait été condamné à une peine de quatre
mois pour cette infraction, cette peine de quatre
mois fusionnait avec le reste de la peine que le
détenu purgeait au moment de son évasion pour ne
constituer qu'une peine unique par l'opération de
l'article 137 du Code criminel, ce qui avait pour
effet de créer une peine unique de 3,702 jours,
débutant le 14 septembre 1976, date d'origine du
calcul de la réduction de peine.
Le docte juge de première instance ajouta [aux
pages 318 et 319] :
La portée du paragraphe 137(2) me cause certains tracas. En
effet, par le biais de cette disposition du Code criminel, l'article
14 de la Loi sur la libération conditionnelle de détenus reçoit
application lors de l'identification de la peine qu'un évadé
«purgeait ... au moment de son évasion». Le paragraphe ne fait
pas référence à la période d'emprisonnement que ]'«évadé»
purgeait au moment de sa condamnation pour évasion.
Le demandeur s'est évadé le 19 janvier 1976. Les neuf ans
d'emprisonnement auxquels il a été condamné pour les infrac
tions commises pendant la durée de son évasion, du 19 janvier
1976 au 18 février 1976, ne lui ont été imposés que le 13 avril
1976, après son arrestation, son procès et finalement sa
condamnation.
Par conséquent, il y aurait un hiatus et l'on ne saurait trop où
insérer cette peine de neuf ans si ce n'était de l'article 14 de la
Loi sur la libération conditionnelle de détenus qui intègre cette
peine de neuf ans à la peine que le demandeur purgeait, et de
l'article 137 qui fusionne la peine relative à l'évasion et les
peines antérieures en une peine unique ....
Selon moi, le hiatus apparent provient de l'inter-
prétation de l'article 137 du Code criminel quand
il fait présumer une peine unique, peine nouvelle
qui débute au moment de la condamnation pour
évasion. Dans le cas de l'appelant, si on applique le
paragraphe 14(1) de la Loi sur la libération con-
ditionnelle de détenus, comme l'exige le paragra-
phe 137(2) du Code, on décide que la peine que
l'appelant, évadé alors qu'il était incarcéré, pur-
geait au moment de son évasion était une peine de
six ans qui avait commencé le 6 juillet 1971.
Le paragraphe 137(1) porte que l'appelant, un
évadé, devrait, après avoir purgé la peine à laquelle
il a été condamné pour l'évasion, purger la partie
de la peine, y inclus la réduction statutaire de
peine, mais non la réduction méritée, qu'il purgeait
au moment de son évasion et qu'il restait à purger,
moins tout le temps passé en détention depuis son
arrestation pour l'évasion, jusqu'au moment de sa
condamnation à cet égard. L'appelant fut con-
damné le 14 septembre 1976 une peine de quatre
mois de prison pour l'évasion. Si, donc, on devait
accepter qu'en condamnant ainsi l'appelant le juge
condamnait à une nouvelle peine, cette nouvelle
peine consisterait en six ans et quatre mois et
débuterait le 14 septembre 1976.
Il n'y a rien dans l'article 137 qui autorise
d'inclure dans cette peine les neuf ans auxquels il a
été condamné le 13 avril 1976. Le paragraphe
14(1) de la Loi sur la libération conditionnelle de
détenus n'apporte aucun éclaircissement lorsqu'il
ajoute neuf ans à cette [TRADUCTION] «nouvelle
peine» puisque le paragraphe 137(2) du Code dit
que le paragraphe 14(1) de la Loi sur la libération
conditionnelle de détenus s'applique lorsqu'on éta-
blit la peine qu'un évadé purgeait au moment de
l'évasion.
Lorsqu'on considère la situation de l'appelant en
entrant dans le prétoire, le 14 septembre 1976,
pour être condamné pour évasion, il est clair qu'il
avait antérieurement été condamné à trois peines
consécutives de quatre ans, deux ans et neuf ans,
respectivement. Il y avait trois condamnations
séparées et distinctes. Comme tout le monde, l'ap-
pelant était assujetti aux dispositions du Code
criminel qui traitent des infractions et des procès
des prévenus d'infractions, et des peines, y compris
des peines de prison, auxquelles peuvent être con-
damnés ceux qui sont reconnus coupables. L'appe-
lant était détenu aussi dans un pénitencier et, en
tant que tel, il était soumis à la Loi sur la libéra-
tion conditionnelle de détenus, qui traite des ques
tions relatives à la libération conditionnelle et à la
relaxe avant que la peine n'ait été purgée, confor-
mément à la loi, par suite d'une réduction de
peine. Cette Loi prévoit la suspension et la révoca-
tion de la libération conditionnelle, la déchéance
de la libération conditionnelle, l'arrestation après
révocation ou déchéance de la libération condition-
nelle et la réincarcération du détenu par un magis-
trat en cas de révocation ou de déchéance de la
libération conditionnelle.
L'appelant, en tant que détenu, était aussi régi
par les dispositions de la Loi sur les pénitenciers
qui portent sur la façon dont les peines de prison
doivent être purgées et sur les réductions de peine.
L'article 24.2 de cette Loi est cet article qui fixe
comme maximum à l'ensemble des réductions de
peine, statutaires et méritées, le «tiers de la peine
qu'il purge alors».
L'article 14 de la Loi sur la libération condi-
tionnelle de détenus prévoyait, le 14 septembre
1976, dans le cas de l'appelant, avant qu'il ne soit
condamné pour son évasion, que les peines aux-
quelles il avait été condamné, soit quatre ans, deux
ans et neuf ans, devraient, aux fins de la Loi sur la
libération conditionnelle de détenus, de la Loi sur
les pénitenciers et de la Loi sur les prisons et les
maisons de correction, être présumées ne consti-
tuer qu'une peine unique de prison commençant le
jour où la première de ces peines d'emprisonne-
ment commence et se terminant à l'expiration de
celle de ces périodes d'emprisonnement qui se ter-
mine la dernière. A cette époque, le paragraphe
14(1) ne renvoyait pas au Code criminel.
La peine unique qu'il fallait présumer, par l'opé-
ration du paragraphe 14(1), consistait en une
peine commençant le 6 juillet 1971, soit le jour où
la première de ces peines commence, et se termi-
nant à l'expiration de celle de ces périodes d'em-
prisonnement qui se termine la dernière, soit 15
ans après le 6 juillet 1971. L'effet du paragraphe
14(1) de la Loi sur la libération conditionnelle de
détenus était que, alors que la peine du 14 juin
1973, de deux ans, et celle du 13 avril 1976, de
neuf ans, étaient des peines distinctes et séparées,
elles étaient, pour les fins des Lois énumérées, soit
la Loi sur la libération conditionnelle de détenus,
la Loi sur les pénitenciers et la Loi sur les prisons
et les maisons de correction, réputées ne constituer
qu'une peine réunissant les peines respectives aux-
quelles le détenu avait été initialement condamné,
à toute ou à toutes autres peines antérieures.
Le juge devant qui l'appelant a comparu le 14
septembre 1976 l'a condamné à une peine de
quatre mois pour évasion. Le paragraphe 137(1)
porte que, dans ces circonstances, l'appelant doit
d'abord purger la peine à laquelle il a été con-
damné pour l'évasion, soit quatre mois, puis le
reste de la peine, y inclus toute réduction statutaire
de peine mais excluant toute réduction méritée,
qu'il purgeait au moment de son évasion, moins le
temps de détention écoulé entre le moment de son
arrestation après son évasion et la date de sa
condamnation pour cette évasion. La seule peine
auquelle ce juge l'a condamné, c'est la peine de
quatre mois.
Le juge en chef de la Saskatchewan, le juge
Culliton, dans l'arrêt Sowa, à la page 88, répond à
l'argument de l'appelant dans cette espèce voulant
que, d'après le texte du paragraphe 14(1) de la Loi
sur la libération conditionnelle de détenus, la
peine unique dans son cas doive être calculée
comme commençant au jour de sa première con-
damnation. Il poursuit:
N'eût-été des termes mêmes de l'article 137 de 1973, j'aurais
été enclin à accueillir cet argument.
Puis il interprète l'article 137 du Code criminel,
tel qu'il existait en 1973, comme imposant une
nouvelle peine, qui commencerait au moment de la
condamnation pour évasion. Il s'appuie pour ce
faire sur la mention dans le paragraphe (3) de
l'article 137 de «la peine complémentaire», ce qui
serait une indication claire que la peine pour l'éva-
sion, plus toute peine supplémentaire, constitue la
peine unique.
Le paragraphe 137(3), à mon avis, se borne à
traiter du lieu où l'évadé devra purger les deux
peines, celle à laquelle il est condamné pour l'éva-
sion et le reste des peines à purger auxquelles il
avait antérieurement été condamné, calculé con-
formément au paragraphe (1) de l'article 14. Le
paragraphe parle de la «peine complémentaire cal-
culée conformément au paragraphe (1)» et non
d'une peine complémentaire «[à laquelle] il a été
condamné».
Avec déférence pour l'avis qu'exprima la Cour
dans l'arrêt Sowa, je ne saurais admettre que
l'article 137 du Code criminel, tel qu'il existait en
1973, doive être interprété comme établissant une
nouvelle peine qui aurait commencé au moment de
la condamnation pour l'évasion. Je ne saurais
accepter la proposition voulant que ce soit là la
conclusion logique qu'il faille tirer de la manière
dont l'article dit que la peine doit être purgée et
calculée. A mon avis, le seul effet du paragraphe
137(1) est que l'évadé doit d'abord purger la peine
à laquelle il est condamné pour l'évasion puis,
ensuite, il purgera ce qui reste de la peine qu'il
purgeait au moment de l'évasion, avec les ajuste-
ments que prévoit le paragraphe.
À mon avis, il est significatif que le paragraphe
137(3) fasse une distinction nette entre la peine à
laquelle le détenu est «condamné» pour l'évasion et
la «peine complémentaire» que l'on dit calculée
conformément au paragraphe (1). A mon avis,
cela renforce l'opinion que la peine complémen-
taire ne consiste qu'en ce qu'il reste à purger des
peines des condamnations antérieures.
Comme il est dit ci-dessus, l'article 137 ne vise
pas la peine de neuf ans de la condamnation du 13
avril 1976. En interprétant l'article 137 et en
l'appliquant au cas de l'appelant en cause, il faut
dire qu'avant sa condamnation pour évasion du 14
septembre 1976, l'appelant devait purger le restant
de deux peines antérieures de quatre ans et de
deux ans et la peine de neuf ans de la condamna-
tion du 13 avril 1976. L'article 137 se bornait à
dire qu'après la condamnation pour son évasion,
l'appelant devait purger la peine de quatre mois à
laquelle il était condamné pour cette évasion,
avant de continuer de purger ce qui restait de la
peine de prison de six ans qui avait commencé le 6
juillet 1971 et qu'il purgeait au moment de l'éva-
sion. La peine de neuf ans, à laquelle il fut con-
damné le 13 avril 1976, était consécutive aux
peines de quatre ans et de deux ans et, lorsqu'il y a
eu suspension des peines combinées de quatre et de
deux ans pour quatre mois, la peine de neuf ans
continuait d'être consécutive à ces peines combi
nées de quatre et de deux ans.
Pour les fins de la Loi sur la libération condi-
tionnelle de détenus et de la Loi sur les péniten-
ciers, l'article 14 de la Loi sur la libération condi-
tionnelle de détenus joue de telle sorte que toutes
les peines sont réputées ne constituer qu'une peine
unique consistant en une peine commençant le jour
où la première de ces peines commence, soit le 6
juillet 1971, et se terminant à l'expiration de celle
de ces périodes d'emprisonnement qui se termine
la dernière, soit après quinze ans et quatre mois.
À mon avis, la modification du paragraphe
14(1) du 12 avril 1978, qui intercale la mention
«du Code criminel», n'ajoute rien. Le juge en chef
de la Saskatchewan, le juge Culliton, était d'avis
que la disposition liminaire du paragraphe 14(1):
«Lorsque, le 25 mars 1970 ou avant ou après cette
date», indiquait que l'article, y compris la modifi
cation de 1977-78, avait un effet rétroactif dans la
détermination de la peine unique pour les fins de la
réduction statutaire de peine.
Il est clair que l'article, y compris la modifica
tion de 1977-78, s'applique dans le cas d'un détenu
condamné avant comme après le 25 mars 1970, s'il
est incarcéré et est condamné à une peine ou à des
peines additionnelles. Toutefois, avant la modifica
tion de 1977-78, il était clair que l'article ne
s'appliquait que pour les fins de la Loi sur la
libération conditionnelle de détenus, de la Loi sur
les pénitenciers et de la Loi sur les prisons et les
maisons de correction. En 1976, au moment de la
condamnation pour l'évasion, le paragraphe 14(1)
de la Loi sur la libération conditionnelle de déte-
nus ne mentionnait que ces trois Lois, non le Code
criminel; il ne pouvait donc être avancé comme
preuve que l'article 137 du Code devait être inter-
prété comme imposant une nouvelle peine débu-
tant au moment de la condamnation pour l'éva-
sion. En fait, comme l'indique le juge en chef
Culliton, l'article laisse entendre au contraire que
la peine unique n'est présumée que par l'opération
du paragraphe 14(1) de la Loi sur la libération
conditionnelle de détenus et qu'elle commence le
jour où la première de ces peines commence, soit le
6 juillet 1971 dans le cas de l'appelant.
Le docte premier juge en l'espèce a été d'avis
que l'article 14 de la Loi sur la libération condi-
tionnelle de détenus est d'ordre général, alors que
l'article 137 du Code criminel constituerait une
législation spéciale, la Loi générale cédant devant
la Loi spéciale. À mon avis, l'article 137 du Code
n'est «spécial» qu'en ce sens qu'il traite du cas de
l'évadé condamné, pour son évasion, à une peine de
prison.
Selon moi, l'article traite de la peine que le
détenu doit purger d'abord, la peine à laquelle il
est condamné pour l'évasion, puis ensuite il pur-
gera ce qu'il reste des peines des condamnations
antérieures. D'autre part, l'article 14 de la Loi sur
la libération conditionnelle de détenus constitue
une législation spéciale en ce sens qu'elle traite du
calcul de l'emprisonnement résultant de plusieurs
condamnations, calcul devant être fait pour les fins
de la Loi sur la libération conditionnelle de déte-
nus, de la Loi sur les pénitenciers et de la Loi sur
les prisons et les maisons de correction. C'est la
disposition de l'article 24.2 de la Loi sur les péni-
tenciers relative au «tiers de la peine qu'il purge
alors» qui doit être interprétée en l'espèce et, à
mon avis, l'article 14 de la Loi sur la libération
conditionnelle de détenus s'applique.
Comme indiqué ci-dessus, la Loi de 1977 modi-
fiant le droit pénal, S.C. 1976-77, chap. 53, art. 6,
en vigueur le 15 octobre 1977, a abrogé l'article
137, ancien, du Code. En fait, elle permet au juge
de considérer les condamnations pour évasion, l'in-
fracteur étant alors incarcéré, comme toute autre
condamnation. L'évadé doit maintenant être con-
damné à une peine pour l'évasion, soit concurrente
au reste de la peine purgée au moment de l'éva-
sion, soit consécutive à cette peine. La modifica
tion n'est pas rétroactive mais, selon moi, elle
signifie qu'il n'y a plus, si jamais il y a eu, une
nouvelle peine commençant au moment de la con-
damnation pour l'évasion. Que la peine doive être
purgée concurremment ou consécutivement, le
«jour où la première de ces sentences d'emprison-
nement commence» demeure le même et l'article
14 de la Loi sur la libération conditionnelle de
détenus joue pour que les peines soient réputées ne
constituer qu'une peine unique prolongée dans le
temps par la nouvelle peine, si elle doit être purgée
consécutivement, ou conservant la même durée, si
elle doit être purgée concurremment.
L'avocat de Sa Majesté a fait valoir qu'interpré-
ter l'article 24.2 de la Loi sur les pénitenciers,
l'article 14 de la Loi sur la libération condition-
nelle de détenus et l'article 137 du Code, tel qu'il
existait en 1976, comme signifiant que «la peine
qu'il purge alors» de l'article 24.2 signifie qu'une
«sentence consistant en une période d'emprisonne-
ment commençant le jour où la première de ces
sentences d'emprisonnement (auxquelles [l'appe-
lant] était assujetti) commence et se terminant à
l'expiration de celle de ces périodes d'emprisonne-
ment qui se termine la dernière», conformément au
paragraphe 14(1) de la Loi sur la libération con-
ditionnelle de détenus, serait erroné. Non seule-
ment l'appelant aurait-il droit à une réduction
méritée du tiers de l'ensemble calculé de cette
façon, soit quinze ans et quatre mois, mais aussi
cela lui permettrait de réclamer une réduction
statutaire, à compter du 14 septembre 1976, du
quart de cette durée conformément à l'article 22
de la Loi sur les pénitenciers alors en vigueur.
À mon avis, ce résultat ne s'ensuit pas nécessai-
rement. Je suis d'avis que l'appelant fut condamné
le 14 septembre 1976 à une peine de quatre mois
pour évasion. À son arrivée au pénitencier, il
aurait eu droit de voir porter à son actif un quart
de cette période, ainsi qu'à une réduction statu-
taire du quart de la peine de neuf ans du 13 avril
1976. Toutefois, pour ce qui est de la peine de
quatre ans et de la peine de deux ans des 6 juillet
1971 et 14 juin 1973 respectivement, il n'y aurait
pas eu nouvelle condamnation et l'appelant n'au-
rait été que réincarcéré pour purger le reste de
cette peine de six ans.
Le paragraphe 22(1) de la Loi sur les péniten-
ciers, qui traite de la réduction statutaire, parle de
«Quiconque est condamné ou envoyé au péniten-
cier». À mon avis, l'appelant n'aurait pas eu droit à
une réduction statutaire sauf pour ce qu'il lui
restait à purger de l'ensemble de ces peines. Qu'il
en soit ainsi, l'avocat de l'appelant l'a reconnu.
Je suis donc d'avis que l'appel devrait être
accueilli, l'ordonnance entreprise réformée et la
question posée au paragraphe 7 du mémoire spé-
cial répondue par l'affirmative. Il devrait aussi y
avoir jugement déclaratoire conformément au
paragraphe 8 du mémoire spécial disant que l'ap-
pelant a droit à des réductions statutaire et méritée
pouvant aller jusqu'au tiers de l'ensemble calculé
en fonction de «la peine qu'il purge alors», ce qui,
aux termes de l'article 24.2 de la Loi sur les
pénitenciers, signifie, dans le cas de l'appelant, une
[TRADUCTION] «sentence consistant en une
période d'emprisonnement commençant le jour où
la première de ces sentences d'emprisonnement,
auxquelles l'appelant était assujetti, commence,
c'est-à-dire le 6 juillet 1971, et se terminant à
l'expiration de celle de ces périodes d'emprisonne-
ment qui se termine la dernière, conformément au
paragraphe 14(1) de la Loi sur la libération con-
ditionnelle de détenus».
L'appelant aura droit à ses dépens tant en appel
qu'en première instance.
LE JUGE SUPPLÉANT KELLY: Je souscris aux
motifs du juge suppléant Cowan et aux conclusions
qui en découlent.
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