A-810-81
Butler Metal Products Company Limited (requé-
rante)
c.
Commission de l'emploi et de l'immigration du
Canada et procureur général du Canada (intimés)
Cour d'appel, juges Heald et Urie, juge suppléant
Kelly—Toronto, 17 mai; Ottawa, 8 juin 1982.
Contrôle judiciaire — Demandes d'examen — Assurance-
chômage — Le Comité de révision a jugé que la requérante
n'était pas admissible à la réduction du taux de cotisation
pour 1978 en raison du non-dépôt d'une demande de renouvel-
lement dans les délais prescrits par la Règle 75-20 de la
Commission — La Commission a rejeté l'appel de la requé-
rante contre la décision du Comité de révision en prenant
comme motif l'application rigoureuse de la Règle 75-20 sans
toutefois vérifier si les circonstances atténuantes constituaient
des »raisons spéciales» pour lesquelles le délai pouvait être
prorogé — La requérante soutient qu'elle ignorait l'existence
de la Règle 75-20 et qu'elle n'en a pas été informée — La
requérante fait en outre valoir que l'art. 65(1) des Règlements
sur l'assurance-chômage, en vertu duquel la Règle 75-20 a été
adoptée, est nul car au moment de sa promulgation, aucune loi
n'autorisait la Commission à l'adopter — Subsidiairement, la
requérante fait valoir que l'art. 65(1)b) des Règlements consti-
tue un excès de pouvoir de la Commission — Demande
accueillie — Loi de 1971 sur l'assurance-chômage, S.C. 1970-
71-72, chap. 48, art. 58y), 64(4),(5),(6) /abrogés et remplacés
par S.C. 1974-75-76, chap. 80, art. 23] — Règlements sur
l'assurance-chômage, DORS/73-16, art. 65 — Loi régissant
l'emploi et l'immigration, S.C. 1976-77, chap. 54, art. 71 —
Loi sur les textes réglementaires, S.C. 1970-71-72, chap. 38,
art. 2(1)b),d), 5, 6, 9, 11 — Loi sur la Cour fédérale, S.R.C.
1970 (2' Supp.), chap. 10, art. 28.
La requérante a été déclarée non admissible à une réduction
du taux de cotisation ayant trait à sa perte de salaire ou à ses
plans de maintien salariaux pour 1978 parce qu'elle n'avait pas
déposé sa demande de renouvellement dans les délais fixés par
la Commission. Cette dernière avait envoyé à la requérante une
«Demande de renouvellement» et un «Dernier aviso, le 15 mars
et le 2 mai 1977 respectivement, sans toutefois recevoir de
réponse. Après que la Commission lui eut envoyé un «Avis
d'inadmissibilité à une réduction de taux de cotisation» le 9
août 1977, la requérante lui a fait savoir que rien dans son
dossier n'indiquait qu'elle ait jamais reçu la demande de renou-
vellement ou le dernier avis, et qu'elle ignorait l'existence d'un
délai et de l'obligation de renouveler sa demande. Elle a
toutefois admis qu'à la suite de deux changements de personnel
au poste de contrôleur de la compagnie pendant les périodes
pertinentes, il était possible que les documents aient été reçus et
égarés. La requérante a demandé que, vu les circonstances, le
Comité de révision fasse droit à sa demande de réduction de
taux de cotisation pour 1978, mais il a refusé. La Commission,
se fondant sur une application rigoureuse de la Règle 75-20, a
rejeté l'appel formé par la requérante contre la décision du
Comité sans toutefois vérifier si les circonstances atténuantes
invoquées par celle-ci constituaient des «raisons spéciales» pour
lesquelles le délai pouvait être prorogé. La Règle 75-20, adop-
tée en vertu de l'article 65(1) des Règlements qui autorise la
Commission à exiger qu'une demande de réduction du taux de
la cotisation patronale soit présentée «dans le délai fixé par la
Commission, avant le premier jour de chaque année consécutive
subséquente à laquelle elle s'applique», prévoit qu'une demande
de renouvellement doit être déposée dans les «60 jours de la
date de la mise à la poste de la demande de renouvellement à
un employeur ou toute période plus longue que la Commission
peut permettre dans certains cas pour des raisons spéciales». La
requérante fait valoir que la Règle 75-20 est une règle de régie
interne et qu'elle n'a pas été avisée de son existence ni de la
possibilité de proroger, pour des raisons spéciales, le délai du
dépôt de la demande. Elle soutient également que la Règle
75-20 est invalide car aucune loi n'autorisait la Commission à
adopter l'article 65(1) des Règlements en vertu duquel elle a
été adoptée, au moment où l'article est entré en vigueur.
Subsidiairement, la requérante fait valoir que la Règle 75-20
est invalide parce que l'article 65(1) des Règlements constitue
un excès de pouvoir de la Commission.
Arrêt: la demande est accueillie. La Règle 75-20 est une
règle de régie interne de la Commission, qui n'a été ni rendue
publique ni portée à la connaissance des parties intéressées. En
n'informant pas la requérante de l'existence d'un délai de
soixante jours et de la possibilité de le proroger pour des raisons
spéciales, la Commission a suivi une procédure qui s'est révélée
inéquitable pour la requérante. Cela justifie la réformation de
sa décision. En outre, rien n'indique que la Commission, en
rendant sa décision, a tenu compte des circonstances atténuan-
tes invoquées par la requérante pour déterminer s'il existait des
raisons spéciales de proroger le délai. En agissant ainsi, elle a
commis une erreur de droit. En ce qui concerne le pouvoir légal
de la Commission d'adopter l'article 65 des Règlements, au
moment de son entrée en vigueur en décembre 1972, l'alinéa
58y) et les paragraphes 64(4) et (5) de la Loi n'autorisaient pas
la Commission à adopter une réglementation au sujet de la
procédure à suivre et des délais à respecter pour présenter une
demande de réduction du taux de cotisation. Ce n'est qu'en
janvier 1976 que le pouvoir législatif lui a délégué un tel
pouvoir en adoptant le paragraphe 64(6). Par conséquent, au
moment de l'entrée en vigueur de l'article 65 des Règlements,
la Commission n'avait pas le pouvoir légal nécessaire et l'article
est donc invalide. De plus, même si on présumait la Commis
sion compétente pour prescrire une réglementation en matière
de demandes de réduction du taux de cotisation, l'article 65 des
Règlements serait invalide car il constitue un excès de pouvoir
de la Commission. L'article des Règlements répète simplement
la formule de délégation de la loi, sans indiquer aucune norme
d'application, sauf en ce qui concerne le fait que la demande
doit être faite dans l'année pour laquelle on réclame la réduc-
tion. Il laisse donc pratiquement tout à la discrétion de la
Commission. Le raisonnement de l'arrêt Brant Dairy Company
Limited et autre c. The Milk Commission of Ontario et autre
s'applique donc en l'espèce: les organismes créés par statut
n'agissent pas dans les limites de leurs attributions en se
contentant de reprendre, dans un règlement, les termes par
lesquels ce pouvoir a été conféré. En ce qui concerne la question
de savoir si l'article 71 de la Loi régissant l'emploi et l'immi-
gration valide l'article 65 des Règlements en décrétant que les
règles et règlements adoptés par la Commission avant son
entrée en vigueur restent exécutoires, l'arrêt Re Fletcher, Ex
parte Fletcher v. Official Receiver ne fournit aucune aide car
ses faits sont différents de ceux de l'espèce. Même si on pouvait
affirmer que l'article 71 valide l'article 65 des Règlements, cela
n'aurait pas pour résultat de valider la Règle 75-20. En adop-
tant le paragraphe 64(6) de la Loi de 1971 sur l'assurance-
chômage, le législateur a voulu déléguer à la Commission le
pouvoir d'indiquer la procédure à suivre et les délais à respecter
en matière de demande de réduction du taux de cotisation. Il
est certain que le législateur, en prévoyant que cette question
serait traitée par voie réglementaire, a voulu que les formalités
de la Loi sur les textes réglementaires concernant le dépôt,
l'enregistrement, l'entrée en vigueur et la publication des règle-
ments soient remplies pour assurer que ceux qui sont touchés
par ces règlements puissent en prendre connaissance. La défini-
tion de «règlement» rapprochée de celle de «texte réglementaire»
dans la Loi sur les textes réglementaires, vise sans aucun doute
la Règle 75-20 de la Commission. Par conséquent, les formali-
tés de la Loi s'appliquent à cette règle et il faut qu'elles soient
remplies, pour que la règle soit valide. L'article 71 de la Loi
régissant l'emploi et l'immigration n'a pas abrogé le paragra-
phe 64(6) de la Loi de 1971 sur l'assurance-chômage. Il est
inconcevable qu'en adoptant l'article 71, le législateur ait voulu
permettre l'adoption d'une règle qui violait un autre texte
législatif. Les règles visées par l'article 71 étaient celles que la
Commission était autorisée à adopter. Le paragraphe 64(6), qui
se rapporte expressément au délai à impartir en cas de demande
de réduction du taux de cotisation, doit être considéré comme
une exception à l'article 71 qui est de portée générale. À partir
de cette interprétation, l'article 71 ne laisse en vigueur, parmi
les règlements pris en vertu du paragraphe 64(6), que les
règlements adoptés conformément à la Loi sur les textes régle-
mentaires. La Règle 75-20, n'ayant pas été adoptée conformé-
ment à cette Loi, ne constitue pas une règle que l'article 71
pouvait maintenir en vigueur.
JURISPRUDENCE
DÉCISION APPLIQUÉE:
Brant Dairy Company Limited et autre c. The Milk
Commission of Ontario et autre, [1973] R.C.S. 131.
DISTINCTION FAITE AVEC:
Re Fletcher, Ex parte Fletcher v. Official Receiver,
[1955] 2 All E.R. 592 (C.A.).
AVOCATS:
Robert J. Howe pour la requérante.
Brian Evernden pour les intimés.
PROCUREURS:
Aird & Berlis, Toronto, pour la requérante.
Le sous-procureur général du Canada pour
les intimés.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE HEALD: La Cour statue sur une
demande de contrôle judiciaire, selon l'article 28,
d'une décision de la Commission intimée, en date
du 18 août 1978, par laquelle elle déclarait la
requérante en l'espèce non admissible à une réduc-
tion du taux de la cotisation d'assurance-chômage
pour 1978. Les faits en cause ne sont pas contestés;
on peut les résumer comme il suit.
La requérante, sur le fondement de la Loi de
1971 sur l'assurance-chômage, S.C. 1970-71-72,
chap. 48, modifiée, et de ses Règlements d'applica-
tion, a demandé, et obtenu, une réduction de ses
cotisations d'assurance-chômage pour les années
1973 1977. Le 15 mars 1977, la Commission a
envoyé par la poste à la requérante une demande
de renouvellement d'enregistrement du régime
d'assurance-salaire pour l'année 1978 ayant trait à
la perte de salaire de la requérante ou ayant trait à
ses plans de maintien salariaux.
Le 2 mai 1977, la Commission envoyait à la
requérante un «Dernier avis» lui rappelant que sa
demande de renouvellement pour 1978 n'avait pas
encore été reçue et qu'elle serait inadmissible à la
réduction du taux de cotisation pour l'année 1978
si sa demande n'était pas reçue à ses bureaux au
plus tard le 16 mai 1977. Le 9 août 1977, la
Commission adressait à la requérante un «Avis
d'inadmissibilité à une réduction de taux de cotisa-
tion» lui notifiant que sa réduction de taux de
cotisation pour 1978 lui était refusée motif pris de
non-dépôt d'une demande à la Commission dans
les délais. La requérante écrivit alors à la Commis
sion pour lui faire savoir qu'elle ignorait totale-
ment l'existence d'un délai ainsi que l'obligation de
renouveler sa demande. Rien dans ses dossiers
n'indiquait qu'elle ait jamais reçu la demande de
renouvellement envoyée par la Commission le 15
mars 1977, ni le «Dernier avis», envoyé le 2 mai
1977. Ces documents pouvaient fort bien avoir été
reçus aux époques pertinentes toutefois, car il y
avait alors eu deux changements de personnel au
poste de contrôleur de la compagnie; les plis en
question pouvaient avoir été égarés. La requérante
demandait au Comité de révision de la Commis
sion, vu les circonstances, de faire droit à sa
demande de réduction de taux de cotisation pour
1978. Le Comité de révision rejeta la demande de
la requérante. Celle-ci en appela alors à la Com
mission. La Commission instruisit l'appel à
Ottawa, le 27 juin 1978. À l'audience, l'avocat de
la requérante a fait valoir les circonstances atté-
nuantes en cause: le changement de personnel déjà
mentionné, les avis, qui n'avaient pas été adressés
à un individu en particulier, l'ambiguïté du délai
de dépôt', le comportement antérieur de la requé-
rante, une bonne citoyenne, qui allait d'ailleurs
continuer de fournir à ses employés la réduction de
cotisation «cinq-douze» que l'appel soit ou non
accueilli. La Commission, à la majorité, rejeta
l'appel, disant, notamment:
Comme la demande a été reçue après la date indiquée, le
fonctionnaire n'avait d'autre choix que d'appliquer la loi. (Dos-
sier conjoint, page 19.)
La majorité ajoute, sur la même page du dossier
conjoint, comme motif soutenant sa décision:
... la compagnie n'a pas réuni les conditions voulues comme le
prescrit la loi. Le régime d'assurance-maladie de la compagnie
ne doit pas seulement répondre aux normes relatives à la
réduction du taux de cotisation, mais la compagnie doit présen-
ter une demande à cette fin de la manière prescrite et dans les
délais impartis ....
La Commission intimée invoque, comme source de
son pouvoir de prescrire un délai de présentation
pour les demandes de réduction de taux de cotisa-
tion de chômage, les dispositions de l'article 65 des
Règlements sur l'assurance-chômage, entré en
vigueur le 21 décembre 1972 (DORS/73-16), que
voici:
Demande de réduction du taux de la cotisation patronale
65. (1) Toute demande de réduction du taux de la cotisation
patronale dont il est question aux paragraphes 59(1) ou 60(1)
doit être faite dans une forme reconnue par la Commission, être
accompagnée des documents et des renseignements exigés par
la Commission et être présentée
a) au plus tard le 30' jour du mois de septembre qui précède
immédiatement le premier jour de la première année qu'elle
vise; ou
b) dans le délai fixé par la Commission, avant le premier jour
de chaque année consécutive subséquente à laquelle elle
s'applique.
(2) Au reçu d'une demande de réduction du taux de la
cotisation patronale, un fonctionnaire de la Commission décide
si une réduction doit ou non être accordée.
' L'«Avis d'inadmissibilité à une réduction de taux de cotisa-
tion» du 9 août 1977, s'il se réfère au [TRADUCTION] «délai
prescrit», n'indique cependant aucune date.
(3) L'employeur peut, dans les 30 jours qui suivent l'envoi
par la poste d'un avis de la décision prise conformément au
paragraphe (2), demander la révision de la décision par un
comité formé de fonctionnaires désignés par la Commission.
(4) L'employeur qui n'est pas satisfait de la décision prise
par le comité de révision dont il est question au paragraphe (3)
peut interjeter appel devant la Commission pour qu'elle règle la
question de manière définitive.
La Commission dit que, sur le fondement dudit
alinéa 65(1)b) des Règlements, elle a adopté la
règle suivante, en vigueur le 1" mai 1975:
DATE DE RENOUVELLEMENT ANNUEL DE LA DEMANDE DE
RÉDUCTION DE COTISATION
75-20
La Commission examine le document tel que présenté par le
Directeur exécutif des opérations, et approuve la proposition
énoncée. Elle convient que la date indiquée aux articles 65(1)b)
et 73(1)b) des Règlements sur l'assurance-chômage serait 60
jours de la date de mise à la poste de la demande de renouvelle-
ment à un employeur ou toute période plus longue que la
Commission peut permettre dans certains cas pour des raisons
spéciales.
On remarquera que la «règle des 60 jours», qu'in-
voque la Commission ci-dessus, peut être prorogée,
par la Commission, «pour des raisons spéciales».
Toutefois, la lettre du 2 mai 1977 adressée à la
requérante ne mentionne aucune possibilité de pro-
rogation pour raisons spéciales. Elle dit clairement
que la requérante deviendra inadmissible si le délai
de 60 jours n'est pas respecté. De même, l'avis
d'inadmissibilité du 9 août 1977 ne mentionne
aucune possibilité de prorogation. Et, dans les
motifs de la Commission, précités, il est dit:
... la compagnie doit présenter une demande à cette fin de la
manière prescrite et dans les délais impartis ....
Ici encore, on ne dit pas que la Commission peut
proroger le délai de 60 jours. Au cours de l'au-
dience devant la Cour, l'avocat de la requérante a
déclaré que celle-ci ignorait, on ne les lui avait
nullement fait connaître, l'existence d'un délai ou
les possibilités de prorogation; au cours de l'audi-
tion des appels, aucune allusion n'y avait été faite.
Il s'agissait d'une [TRADUCTION] «règle de régie
interne» de la Commission, laquelle n'avait été ni
rendue 'publique ni portée à la connaissance des
parties intéressées.
Je suis d'avis que c'est à tort que la Commission,
autorisée de par sa propre règle à proroger le délai
de dépôt en cause si des «raisons spéciales» étaient
démontrées, a refusé de vérifier si les circonstances
atténuantes que faisait valoir la requérante pou-
vaient constituer de telles «raisons spéciales». Rien
dans les motifs de la Commission n'indique qu'elle
s'est interrogée pour savoir si une prorogation
n'était pas justifiée; au contraire, le passage précité
montre clairement que la Commission a appliqué
la règle des 60 jours rigoureusement, sans envisa-
ger aucune prorogation. De plus, il me semble que
la procédure qu'a suivie la Commission en l'espèce
s'est révélée inéquitable à l'égard de la requérante.
La Commission se reconnaît régie par une règle
interne prévoyant un délai de dépôt des demandes
de 60 jours, délai qu'elle peut proroger pour rai-
sons spéciales. Pourtant, la requérante n'a nulle-
ment été avisée de la possibilité de prorogation
alors que sa réclamation a été rejetée parce que
hors délai. Il est difficile d'imaginer une ligne de
conduite plus préjudiciable aux parties comparais-
sant devant la Commission. Indépendamment des
autres moyens que fait valoir la requérante, je suis
d'avis que la procédure qu'elle a suivie dans le cas
de la requérante, telle qu'expliquée ci-dessus, justi-
fie en elle-même la réformation de la décision.
Sur la validité même de l'article 65 des Règle-
ments, la requérante fait valoir qu'au moment de
son entrée en vigueur, le 21 décembre 1972,
aucune loi n'autorisait la Commission à l'adopter.
La requérante reconnaît qu'avec l'entrée en
vigueur, le 4 janvier 1976, des paragraphes
64(4),(5) et (6) de la Loi de 1971 sur l'assurance-
chômage [abrogés et remplacés par S.C. 1974-
75-76, chap. 80, art. 231 2 , la Commission s'est vu
conférer le pouvoir d'adopter une réglementation
2 23. Les paragraphes 64(4) et (5) de ladite loi sont abrogés
et remplacés par ce qui suit:
44) La Commission doit, avec l'approbation du gouver-
neur en conseil, établir des règlements prévoyant un mode de
réduction de la cotisation patronale payable en vertu de la
présente loi lorsque le paiement d'allocations, de prestations
ou autres sommes en vertu d'un régime autre qu'un régime
établi en vertu d'une loi provinciale, qui couvre des assurés
exerçant un emploi au service d'un employeur, aurait pour
effet de réduire les prestations payables à ces assurés en vertu
de la présente loi, en cas de chômage causé par une maladie
ou une grossesse, si les assurés exerçant un emploi au service
de l'employeur obtiendront une fraction de la réduction de la
cotisation patronale égale à cinq douzièmes au moins de cette
réduction sous réserve toutefois de l'alinéa a) de l'article 65.
(5) La Commission doit, avec l'approbation du gouverneur
en conseil, établir des règlements prévoyant un mode de
réduction de la cotisation payable en vertu de la présente loi
portant sur les délais de dépôt des demandes de
réduction du taux de cotisation, conformément aux
dispositions du paragraphe 64(6). Toutefois,
dit-on, au moment de l'adoption et de l'entrée en
vigueur de l'article 65 des Règlements, la Commis
sion ne possédait pas le pouvoir légal nécessaire.
Ainsi, selon la requérante, l'article 65 des Règle-
ments serait invalide.
La Commission intimée répond à cet argument
en disant qu'antérieurement au 4 janvier 1976, y
compris en 1972, lors de l'adoption et de l'entrée
en vigueur de l'article 65 des Règlements, l'alinéa
58y) et les paragraphes 64(4) et (5), anciens, de la
Loi de 1971 sur l'assurance-chômage conféraient
expressément à la Commission le pouvoir d'adop-
ter l'article 65 des Règlements, y compris l'alinéa
65(1)b) invoqué en l'espèce. Voici le texte de ces
articles:
Règlements
58. La Commission peut, avec l'approbation du gouveneur en
conseil, établir des règlements
y) prescrivant tout ce qui, aux termes de la présente loi, doit
être prescrit par règlement.
lorsque le paiement d'allocations, de prestations ou autres
sommes à des assurés en vertu d'une loi provinciale en cas de
maladie ou de grossesse, aurait pour effet de réduire ou de
supprimer les prestations payables en vertu de la présente loi
à ces assurés, en cas de chômage causé par la maladie ou une
grossesse, sous réserve toutefois de l'alinéa a) de l'article 65.
(6) Aux fins des paragraphes (4) et (5), la Commission
peut, avec l'approbation du gouverneur en conseil, établir des
règlements
a) prescrivant la manière et le moment de présenter une
demande de réduction de taux de cotisation;
b) prescrivant les normes auxquelles doit satisfaire un
régime pour ouvrir droit à une réduction de taux de
cotisation et la période durant laquelle ce régime doit être
en vigueur;
c) prescrivant la méthode de détermination du montant de
la réduction pour les régimes qui satisfont aux normes
prescrites et l'utilisation qui doit être faite des calculs et
estimations actuariels;
d) prévoyant le mode de règlement des demandes de
réduction de taux de cotisation et des appels interjetés en
cas de litige;
e) prescrivant la manière dont les employeurs doivent
déclarer la rémunération assurable des assurés au minis-
tère du Revenu national, Impôt; et
J) de façon générale, prévoyant toute autre chose qu'exige
la réalisation de l'objet et l'application des dispositions des
paragraphes (4) et (5).»
64....
(4) Lorsque le paiement d'allocations, de prestations ou
autres sommes en vertu d'un régime autre qu'un régime établi
en vertu d'une loi provinciale, qui couvre des assurés exerçant
un emploi au service d'un employeur aurait pour effet de
réduire les prestations payables à ces assurés, en vertu de la
présente loi, en cas de chômage causé par une maladie ou une
grossesse, la cotisation patronale payable, en vertu de la pré-
sente loi, par cet employeur pour ces assurés sera réduite tel
que prescrit si les assurés exerçant un emploi au service de
l'employeur obtiendront une fraction de la réduction de la
cotisation patronale égale à cinq douzièmes au moins de cette
réduction sous réserve toutefois de l'alinéa a) de l'article 65.
(5) Lorsque, en vertu d'une loi provinciale, des allocations,
prestations ou autres sommes sont payables à un assuré pour
une maladie ou une grossesse et auraient pour effet de réduire
ou de supprimer les prestations payables en vertu de la présente
loi à cet assuré en cas de chômage causé par cette maladie ou
cette grossesse, la cotisation payable pour cet assuré en vertu de
la présente loi sera réduite ou supprimée tel que prescrit sous
réserve de l'alinéa a) de l'article 65.
Il ne me paraît pas possible de partager cette
façon de voir de l'avocat de la Commission. À mon
avis, ces articles n'ont pas autorisé la Commission
à adopter une réglementation au sujet de la procé-
dure à suivre et des délais à respecter pour présen-
ter une demande de réduction du taux de cotisa-
tion. Manifestement, le paragraphe 64(6), qui
entra en vigueur le 4 janvier 1976, a conféré à la
Commission ce pouvoir mais, comme elle ne le
possédait pas lors de l'adoption de l'article 65 des
Règlements, celui-ci est, à mon avis, invalide.
La seconde exception d'invalidité de l'article 65,
des Règlements de la requérante, subsidiaire à la
première traitée ci-dessus, est que, si on présume la
Commission compétente pour prescrire une régle-
mentation en matière de demandes de réduction du
taux de cotisation, l'alinéa 65(1)b) des Règle-
ments, comme il exige la présentation des deman-
des «dans le délai fixé par la Commission, avant le
premier jour de chaque année consécutive subsé-
quente à laquelle elle s'applique», constitue un
excès de pouvoir car la Commission se confie à
elle-même un pouvoir arbitraire d'administrer
comme elle l'entend sans aucune borne réglemen-
taire. À cet égard, la requérante fait valoir l'arrêt
de la Cour suprême du Canada Brant Dairy Com
pany Limited et autre c. The Milk Commission of
Ontario et autre;. Dans cette affaire, la disposition
réglementaire jugée être un excès de pouvoir répé-
3 [1973] R.C.S. 131.
tait simplement la formule de délégation de la loi,
sans indiquer aucune norme, abandonnant cela à
la discrétion de l'Office délégataire du pouvoir
réglementaire. En l'espèce en cause, il y a cette
légère différence que l'alinéa 65(1)b) des Règle-
ments laisse tout à la discrétion de la Commission
sauf le fait que, dans tous les cas, la demande doit
être faite dans l'année pour laquelle on réclame la
réduction. Indépendamment de cette distinction de
fait, je suis d'avis que le raisonnement de l'arrêt
Brant Dairy (précité) s'applique en l'espèce. J'ap-
plique en conséquence les vues exprimées par le
juge Laskin (qui alors n'était pas encore juge en
chef) dans cette décision, notamment cette portion
de ses motifs rapportée aux pages 146 et 147:
Les organismes créés par statut qui ont le pouvoir de faire
quelque chose par règlement n'agissent pas dans les limites de
leurs attributions en se contentant de reprendre, dans un règle-
ment, les termes par lesquels ce pouvoir a été conféré. C'est là
se soustraire à l'exercice de ce pouvoir et, de fait, c'est là faire
d'un pouvoir législatif un pouvoir administratif. Cela équivaut à
une nouvelle délégation que l'Office se fait à lui-même, dans
une forme différente de celle qui a initialement été autorisée; il
est évident que cela est illégal, d'après le jugement que cette
Cour a rendu dans l'affaire Procureur général du Canada c.
Brent ([1956] R.C.S. 318).
Dans l'affaire Brent, il était question de l'exercice du pouvoir
délégué au gouverneur en conseil par la Loi sur l'immigration
de faire des règlements sur des matières spécifiées. Le gouver-
neur en conseil avait incorporé les pouvoirs mêmes dans un
règlement, confiant leur application à un enquêteur spécial. Il a
été jugé que c'était là une sous-délégation invalide; était substi-
tuée à l'opinion du gouverneur en conseil, que devait refléter le
règlement, l'opinion que pourrait se former à l'occasion un
enquêteur spécial, sans que ce dernier ne soit soumis à des
contraintes réglementaires.
Le principe est ici le même. L'Office était tenu de légiférer
par règlement, mais il a plutôt tenté de se conférer le pouvoir
arbitraire d'administrer comme il le jugeait bon sans préciser
ses normes par règlement.
Par ces motifs, je conclus que, même en présumant
la compétence d'adopter l'alinéa 65(1)b) des
Règlements, celui-ci constituerait un excès de
pouvoir.
La Commission intimée fait valoir cependant
que l'article 71 de la Loi régissant l'emploi et
l'immigration, S.C. 1976-77, chap. 54, entré en
vigueur le 15 août 1977, confère une caution légis-
lative à l'alinéa 65(1)b) des Règlements et con-
firme son adoption régulière, en application de
cette Loi. Voici l'article 71:
71. Tous les actes, notamment les décrets, ordonnances,
règles, règlements, règlements intérieurs, décisions, directives,
contrats, baux, licences, autorisations, acquiescements, déclara-
tions, désignations, nominations, permis et les actes recognitifs,
établis en vertu d'une loi du Parlement par l'ancienne Commis
sion, l'ancien ministère ou l'ancien Ministre ou s'y rapportant,
qui étaient applicables lors de l'entrée en vigueur de la présente
loi continuent à produire leurs effets comme s'ils avaient été
établis sous le régime de la présente loi jusqu'à ce qu'ils soient
abrogés, remplacés, annulés ou modifiés en vertu de la présente
loi ou d'une autre loi du Parlement.
Ainsi, fait-on valoir, comme l'alinéa 65(1)b) des
Règlements a été validé par ledit article 71, la
règle de la Commission en cause l'est aussi puisque
sa validité est fonction de celle de l'alinéa 65(1)b).
A cet égard, l'avocat de l'intimée invoque l'arrêt
Re Fletcher, Ex parte Fletcher v. Official
Receiver 4 .
Dans cette espèce, la Règle 219 des Bankruptcy
Rules, 1952 (les règles de faillite), adoptées sur le
fondement du pouvoir réglementaire conféré par
l'article 132 de la Bankruptcy Act, 1914, 4 & 5
Geo. 5, chap. 59 (R.-U.), était entreprise. Les trois
juges de la Cour d'appel saisis de l'affaire ont
reconnu que la Règle 219 était invalide vu que son
application impliquait une extension du pouvoir
discrétionnaire de la Cour au-delà de ce qu'autori-
sait la disposition pertinente de la loi; mais la Cour
a dit, à l'unanimité, que le paragraphe 168(3) de
la Bankruptcy Act, 1914 venait au secours de la
règle lorsqu'il disposait:
[TRADUCTION] 168. ...
(3) Sauf révocation ou modification en application de la pré-
sente loi, ... les règles générales et ordonnances d'application
des Bankruptcy Acts, 1883 et 1913, et de la Bankruptcy
(Discharge and Closure) Act, 1887 ayant effet lors de l'entrée
en vigueur de la présente loi, le demeureront et auront même
effet que si adoptées en application de la présente loi.
Au sujet dudit paragraphe 168(3), le lord juge
Romer dit, à la page 603:
[TRADUCTION] On ne peut, je pense, présumer que le législa-
teur, lorsqu'il adopta ce paragraphe, considérait certaines des
règles alors en vigueur comme invalides ou de validité douteuse
car, si cela avait été le cas, il aurait sans doute abrogé les règles
douteuses qu'il n'approuvait pas et validé expressément les
autres plutôt que de laisser aux tribunaux le soin de décider,
éventuellement, quelles étaient les règles valides et quelles
étaient celles qui ne l'étaient pas. A mon avis, la référence dans
le paragraphe aux règles et ordonnances antérieures «ayant
effet au moment de l'entrée en vigueur de la présente loi.
4 [1955] 2 All E.R. 592 (C.A.).
embrasse toutes les règles et ordonnances alors en vigueur de
facto, qu'elles aient été valides ou non, et donc, a fortiori, une
règle comme la règle 192 qui, pendant des années, a été
considérée comme valide par les tribunaux.
Les autres juges ont exprimé des vues semblables.
Il semble clair, à la lecture des trois opinions
judiciaires, que l'un des facteurs les plus impor-
tants aux yeux de la Cour a été que, comme la
règle en cause remplaçait en des termes essentielle-
ment identiques d'anciennes règles, qui avaient fait
partie du Bankruptcy Code (le code de faillite)
depuis deux générations, il était trop tard pour en
contester la validité avec succès 5 . Il y a un autre
facteur apparamment implicite, (manifeste dans
les motifs du lord juge Romer, précités): la règle
entreprise «pendant des années, a été considérée
comme valide par les tribunaux».
Ce cas d'espèce est fort différent de celui en
cause. Dans celui-ci, l'article 65 des Règlements
(qui n'est entré en vigueur qu'en 1972) n'a pas
«pendant des années ... été considéré comme
valide par les tribunaux». Au cours des débats, les
avocats n'ont nullement prétendu qu'une juridic-
tion quelconque avait statué antérieurement sur la
validité de cet article des Règlements. En consé-
quence, je juge l'arrêt Fletcher ni persuasif ni
d'une aide précieuse lorsqu'il s'agit de décider de
la validité de l'article 65 des Règlements.
En outre, même si l'on présume, sans en décider,
que ledit article 71 valide l'alinéa 65(1)b) des
Règlements, je ne suis pas convaincu que cela
aurait pour résultat de valider la règle de la Com
mission entreprise en l'espèce. Ledit article 71 se
trouve dans les «Dispositions transitoires et abro
gations» de la Loi régissant l'emploi et l'immigra-
tion, la Partie IV. L'économie de la Partie IV
montre clairement qu'à l'article 71, le législateur a
voulu maintenir en vigueur, avec plein effet, les
«décrets, ordonnances, règles, règlements», etc.
adoptés sur le fondement de la Loi de 1971 sur
l'assurance-chômage. Le paragraphe 64(6) de la
Loi de 1971 sur l'assurance-chômage est entré en
vigueur le 4 janvier 1976. Le texte de ce paragra-
phe montre clairement qu'en adoptant l'alinéa
64(6)a), le législateur a voulu déléguer à la Com
mission le pouvoir d'indiquer la procédure à suivre
5 Voir par exemple: Sir Raymond Evershed, M.R., à la p. 594
(F.&G.). Sir Raymond Evershed, M.R., à la p. 599 (F.).
et les délais à respecter en matière de demande de
réduction du taux de cotisation, par la voie de
règlements (c'est moi qui souligne). L'alinéa
2(1)b) de la Loi sur les textes réglementaires, S.C.
1970-71-72, chap. 38, définit ce qu'on entend par
«règlement»:
2. (1) Dans la présente loi,
b) «règlement» désigne un texte réglementaire
(i) établi dans l'exercice du pouvoir législatif conféré par
une loi du Parlement ou sous son régime, ou
(ii) pour la violation duquel une pénalité, une amende ou
une peine d'emprisonnement est prescrite par une loi du
Parlement ou sous son régime,
et comprend une règle, une ordonnance ou un règlement
régissant la pratique ou la procédure dans toute instance
devant un organisme judiciaire ou quasi-judiciaire établi par
une loi du Parlement ou sous son régime, de même qu'un
texte que toute autre loi du Parlement désigne comme
règlement;
Et son alinéa 2(1)d) définit l'expression «texte
réglementaire» comme suit:
2. (1) Dans la présente loi,
d) «texte réglementaire» désigne une règle, un décret, un
arrêté, un ordre, un règlement, une ordonnance, une direc
tive, une formule, un tarif de dépens, frais, honoraires ou
droits, des lettres patentes, une commission, un mandat, une
proclamation, un règlement administratif, une résolution ou
tout autre texte établi
(i) dans l'exécution d'un pouvoir conféré par une loi du
Parlement ou sous son régime, par laquelle ou sous le
régime de laquelle l'établissement de ce texte est autorisé
expressément autrement que par l'attribution à une per-
sonne ou à un organisme de pouvoirs ou fonctions relative-
ment à une question à laquelle se rapporte ce texte, ou
(ii) par le gouverneur en conseil ou sous son autorité,
autrement que dans l'exécution d'un pouvoir conféré par
une loi du Parlement ou sous son régime,
mais ne comprend pas
(iii) un texte de ce genre établi par une corporation
constituée par une loi du Parlement ou sous son régime, à
moins
(A) que le texte ne soit un règlement et que la corpora
tion par laquelle il est établi n'ait en dernier lieu à
répondre devant le Parlement, par l'intermédiaire d'un
Ministre, de la conduite de ses affaires, ou
(B) qu'il ne s'agisse d'un texte pour la violation duquel
une pénalité, une amende ou une peine d'emprisonne-
ment est prescrite par une loi du Parlement ou sous son
régime,
(iv) un texte de ce genre établi par un organisme judiciaire
ou quasi-judiciaire, à moins que le texte ne soit une règle,
une ordonnance ou un règlement régissant la pratique ou
la procédure dans toute instance devant un organisme
judiciaire ou quasi-judiciaire établi par une loi du Parle-
ment ou sous son régime,
(y) un texte de ce genre qui est soumis ou dont la produc
tion ou autre forme de divulgation est soumise à des
restrictions prévues par le droit ou dont le contenu se
limite à des avis ou renseignements uniquement destinés à
servir ou aider à prendre une décision ou à fixer une ligne
de conduite, ou à vérifier une question qui en découle
nécessairement, ou
(vi) une ordonnance du territoire du Yukon ou des territoi-
res du Nord-Ouest ou un texte établi sous le régime d'une
telle ordonnance.
La définition du terme «règlement» précitée,
lorsque rapprochée de celle de l'expression «texte
réglementaire», précitée elle aussi, vise sans doute
aucun à mon avis une règle interne comme celle de
la Commission contestée en l'espèce. Il s'ensuit que
les dispositions de la Loi sur les textes réglemen-
taires qui traitent de leur transmission au greffier
du Conseil privé (article 5), de leur enregistrement
par le greffier (article 6), de leur date d'entrée en
vigueur (article 9) et de leur publication dans la
Gazette du Canada (article 11), lui sont applica-
bles. Ainsi, il est certain que le législateur, en
exigeant que les règles relatives aux demandes de
réduction du taux de cotisation soient établies par
voie réglementaire, a voulu les soumettre aux for-
malités régissant l'adoption d'un règlement. Une
raison importante de cette exigence est que l'enre-
gistrement et la publication d'un acte public de ce
genre assurent que ceux qui sont touchés par lui
peuvent en prendre connaissance. Aucune preuve,
les avocats d'ailleurs ne l'ont pas prétendu, ne
permet d'affirmer que les dispositions de la Loi sur
les textes réglementaires ont été respectées dans le
cas de la règle en cause. La Loi régissant l'emploi
et l'immigration n'a pas abrogé le paragraphe
64(6) de la Loi de 1971 sur l'assurance-chômage.
Aussi demeure-t-il en vigueur avec plein effet; les
deux articles (64(6) et 71) doivent donc être rap-
prochés, compte tenu de l'objet général de la loi,
laquelle doit être prise comme un tout, et si possi
ble être interprétés de façon à être réconciliés.
Comme le paragraphe 64(6) traite expressément
du délai à impartir en cas de demande de réduc-
tion du taux de cotisation, et comme l'article 71 est
de portée générale, les normes acceptées d'inter-
prétation législative exigent d'excepter de l'opéra-
tion de l'article 71 toute «règle», etc. qui, si elle
n'était exceptée, aurait pour résultat de contredire
les dispositions du paragraphe 64(6) 6 . Il est incon-
6 Voir: Craies on Statute Law, 7' édition, p. 222.
cevable, à mon avis, que le législateur ait voulu par
l'article 71 accorder la sanction parlementaire à
une règle de la Commission violant une autre
disposition législative, à moins que les termes
employés n'approuvent expressément, sans ambi-
guïté aucune, ce qui autrement est nul. Interpré-
tant dans ce sens, il est clair, à mon avis, que les
«décrets, ordonnances, règles, règlements», etc.
qu'embrasse l'article 71 n'incluent que les règles
que promulgue la Commission par voie réglemen-
taire, que ce sont là les seules règles que la Com
mission est autorisée à adopter par le paragraphe
64(6). Comme la «règle» de la Commission en
cause n'est pas une «règle» adoptée par voie régle-
mentaire, il ne s'agit pas d'une «règle» que la
Commission avait le pouvoir d'adopter et il s'ensuit
qu'elle n'est pas un décret, ordonnance, règle ou
règlement aux termes de l'article 71. En consé-
quence, je conclus que les dispositions de l'article
71 ne s'appliquent pas à une règle de «régie
interne» comme celle adoptée par la Commission
en l'espèce.
Par ces motifs, je rejetterais l'argument des
intimés au sujet de l'applicabilité de l'article 71 à
la règle entreprise de la Commission.
Par conséquent, et par tous les motifs précités, je
ferais droit à la demande selon l'article 28, réfor-
merais la décision de la Commission en cause en
date du 18 août 1978 et saisirais à nouveau la
Commission de l'espèce, celle-ci devant statuer en
tenant compte que la Règle 75-20 adoptée par elle
et ayant effet prétendument depuis le ler mai 1975,
intitulée «Date de renouvellement annuel de la
demande de réduction de cotisation» est invalide et
nulle.
LE JUGE URIE: Je souscris à cet avis.
LE JUGE SUPPLÉANT KELLY: Je le partage
aussi.
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