A-170-82
Navire M/V Seapearl immatriculé à Chypre, ses
propriétaires et autres intéressés dans ledit navire
et Patmos Navigation Company, société ayant sa
principale place d'affaires à Limassol (Chypre)
(appelants)
c.
Seven Seas Dry Cargo Shipping Corporation de
Santiago (Chili) (intimée)
Cour d'appel, juge en chef Thurlow, juge Pratte
et juge suppléant Lalande—Montréal, 21 juin;
Ottawa, 21 juillet 1982.
Droit maritime — Appel d'une ordonnance de la Division de
première instance refusant de surseoir à l'action, intentée par
l'intimée, en dommages-intérêts pour inexécution de la charte-
partie — La clause 17 de la charte-partie prévoit l'arbitrage
de litiges en Angleterre — La Division de première instance a
refusé de surseoir à l'action au motif que la balance des
inconvénients penche pour un règlement du litige au Canada
— Les appelants font valoir que le premier juge n'a pas exercé
de façon appropriée le pouvoir discrétionnaire qu'il tient de
l'art. 50(1) de la Loi — Appel accueilli — Loi sur la Cour
fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), chap. 10, art. 50(1).
Compétence — Cour fédérale — La charte-partie prévoit
l'arbitrage en Angleterre — La Cour fédérale n'est pas privée
de sa compétence, mais elle a le pouvoir discrétionnaire de
surseoir à l'action engagée contrairement au contrat — Loi sur
la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2' Supp.), chap. 10, art. 50(1).
L'intimée a conclu avec l'appelante Patmos une charte-partie
en vertu de laquelle son navire, le Seapearl, devait transporter,
de Tocopilla (Chili) à la ville de Québec, une cargaison de
concentrés de cuivre appartenant à l'intimée. La charte-partie
contenait une clause sur l'arbitrage qui exposait la façon dont
tout litige né du contrat serait tranché. L'arrivée du Seapearl à
Québec fut suivie d'un tel litige: d'après l'intimée, le navire ne
possédait pas les caractéristiques que décrivait la charte-partie
et, pour cette raison, avait transporté une cargaison moindre, à
un coût plus élevé. L'intimée engagea une action en Division de
première instance, réclamant des dommages-intérêts pour
inexécution de la charte-partie; elle fit aussi saisir le navire
pour tenter d'obtenir sa créance. Se fondant sur la clause 17 de
la charte-partie, l'appelante Patmos a renvoyé l'affaire à l'arbi-
trage. Ayant obtenu mainlevée de la saisie du navire en remet-
tant à l'intimée une lettre de garantie de la Banque de Mont-
réal, elle a alors demandé à la Division de première instance de
surseoir à l'action intentée devant elle, au motif que l'affaire
devait, en vertu de la charte-partie, être tranchée par voie
d'arbitrage en Angleterre. La Division de première instance a
rejeté cette demande au motif que, dans les circonstances, la
balance des inconvénients penchait pour le déroulement des
procédures au Canada. Les appelants soutiennent que, en fon
dant sa décision sur la balance des inconvénients, le premier
juge n'a pas exercé de façon appropriée le pouvoir discrétion-
naire qu'il tient du paragraphe 50(1) de la Loi sur la Cour
fédérale. Le paragraphe 50(1) prévoit que la Cour peut, à sa
discrétion, suspendre les procédures dans toute affaire ou ques
tion au motif que la demande est en instance devant un autre
tribunal ou une autre juridiction ou lorsque, pour quelque autre
raison, il est dans l'intérêt de la justice de suspendre les
procédures.
Arrêt (le juge en chef Thurlow dissident): l'appel devrait être
accueilli.
Le juge Pratte: Le fait qu'un contrat contienne une clause en
vertu de laquelle les parties sont convenues de soumettre leurs
litiges à une juridiction étrangère ou à un arbitre, n'a pas pour
effet de priver la Cour fédérale de sa compétence. Toutefois, la
Cour peut, dans l'intérêt de la justice, exercer son pouvoir
discrétionnaire prévu à l'alinéa 50(1)b) pour suspendre les
procédures lorsqu'elles ont été engagées contrairement au con-
trat. Étant donné que ce pouvoir est de nature discrétionnaire,
la Cour d'appel doit confirmer la décision de la Division de
première instance à moins qu'elle ne soit mal fondée ou,
autrement, manifestement erronée. En l'espèce, le premier juge,
en fondant sa décision sur la balance des inconvénients, a
appliqué un principe erroné. La règle prima facie veut qu'un
tribunal accorde le sursis d'une instance intentée contrairement
à un engagement contractuel. Pour qu'un tribunal puisse déro-
ger à cette règle générale, il doit y avoir des motifs suffisam-
ment impérieux permettant de conclure qu'il ne serait ni raison-
nable ni juste, dans le cas d'espèce, de forcer la demanderesse à
respecter sa promesse et de donner effet au contrat. En l'espèce,
le fait que les témoins soient à Québec, que l'appelante Patmos
ait soumis une demande reconventionnelle qui ne saurait être
tranchée par voie d'arbitrage, que l'intimée ait saisi la Cour
fédérale de l'action avant la mise en mouvement de l'arbitrage
et nommé son arbitre conditionnellement, seulement lorsque ces
procédures ont été introduites, et que l'intimée soit privée du
bénéfice de la garantie de la Banque de Montréal parce que
cette garantie ne s'appliquait qu'à une ordonnance de la Cour,
ne constitue pas un motif suffisamment impérieux pour sous-
traire l'intimée à ses engagements contractuels.
Le juge suppléant Lalande: La cause de l'intimée est faible si
on la compare aux espèces anglaises, où le sursis d'instance fut
souvent refusé afin de permettre aux demandes de suivre leurs
cours devant des juridictions étrangères, conformément aux
stipulations de connaissements visant des marchandises livrées
à des consignataires en Angleterre, lesquels étaient parties à
l'instance.
Le juge en chef Thurlow dissident: Le fait que les parties ont
convenu de régler tout litige par arbitrage crée une forte
présomption qu'il faut surseoir à l'action. Toutefois, engager
une action n'est pas en soi enfreindre la charte-partie, et il est
bien établi en droit qu'une clause d'arbitrage dans un contrat
n'enlève pas à la Cour sa compétence pour connaître d'une
demande fondée sur l'inexécution du contrat. Pourtant, à moins
de cas exceptionnels ou impérieux ou de cas où le poids des
arguments penche fortement en faveur d'autoriser l'action à
suivre son cours, les tribunaux préfèrent, lorsqu'une partie
insiste sur le respect des termes du contrat, exiger la détermina-
tion des droits respectifs selon le mode convenu. Rien dans les
motifs prononcés par le premier juge n'amène à croire qu'il
ignorait ce principe ou que sa conclusion n'aurait pu être tirée
compte tenu du dossier dont il était saisi. Certes, le juge de
première instance a mentionné la balance des inconvénients
dans le contexte de ses motifs, mais cette mention ne devrait
pas être interprétée comme signifiant autre chose que, tout
compte fait, l'intimée a démontré ses prétentions et a fait
pencher la balance en faveur d'un refus du sursis. On ne
connaît pas le poids que le juge de première instance attachait à
la lettre de garantie; toutefois, étant donné que le navire avait
été vendu entre-temps et que rien dans la preuve n'indique
l'existence de biens en Angleterre ou au Canada, à même
lesquels on pourrait recouvrer le paiement d'une sentence arbi-
trale, la perte de cette garantie signifierait que l'intimée n'a
aucun autre moyen d'exiger le paiement de sa créance; il s'agit
là d'un motif impérieux de refuser le sursis.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
The .Adolf Warski» and The «Sniadecki», [1976] 1
Lloyd's Rep. 107 (Q.B.), confirmée par [1976] 2 Lloyd's
Rep. 241 (C.A.); Kitchens of Sara Lee (Canada) Ltd. et
al. v. AIS Falkefjell et al. (The «Makefje!!»), [1975] 1
Lloyd's Rep. 528 (Q.B.); [1976] 2 Lloyd's Rep. 29
(C.A.); Owners of Cargo Lately Laden on Board The
Ship or Vessel Eleftheria v. The Eleftheria (Owners),
[1969] 2 All E.R. 641; [1969] 1 Lloyd's Rep. 237
(Adm.); The «Fehmarn», [1957] 1 Lloyd's Rep. 511
(P.D.A.); [1957] 2 All E.R. 707 (P.D.A.); [1958] 1 All
E.R. 333 (C.A.); Zapata Offshore Co. v. The «Bremen»
and Unterweser Reederee G.M.B.H. (The Chaparral!),
[1972] 2 Lloyd's Rep. 315 (U.S. Sup. Ct.); Bristol
Corporation v. John Aird & Co., [1913] A.C. 241; YTC
Universal Ltd. v. Trans Europa, [1973] I Lloyd's Rep.
480 (C.A.); Owners of Cargo Ex «Athenee» v. «Athe-
nee», [1922] 11 LI. L. Rep. 6 (C.A.).
DÉCISION CITÉE:
The Golden Trader, [1975] 1 Q.B. 348.
AVOCATS:
P. G. Côté pour les appelants.
G. Vaillancourt pour l'intimée.
PROCUREURS:
Ogilvy, Renault, Montréal, pour les appe-
lants.
Langlois, Drouin, Québec, pour l'intimée.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE EN CHEF THURLOW (dissident): Il
s'agit de décider dans cet appel si le distingué
premier juge était fondé, dans l'exercice du pou-
voir discrétionnaire que lui confère le paragraphe
50(1) de la Loi sur la Cour fédérale [S.R.C. 1970
(2» Supp.), chap. 10], de ne pas surseoir à l'action
de l'intimée tant qu'il ne serait pas statué sur la
demande d'arbitrage à Londres requise sur le fon-
dement d'une stipulation de la charte-partie inter-
venue entre l'appelante, Patmos Navigation Com
pany, et l'intimée. Voici cette clause:
[TRADUCTION] 17. Qu'advenant que surgisse un litige entre les
propriétaires et les affréteurs, celui-ci sera soumis à trois
arbitres à Londres, chaque partie en nommant un, le troisième
l'étant par les deux premiers; leur décision, ou celle de deux
d'entre eux, sera définitive et, afin de rendre exécutoire toute
sentence arbitrale, la présente convention peut être homolo-
guée. Les arbitres devront être membres du «Baltic Exchange».
Selon le paragraphe 50(1) de la Loi sur la Cour
fédérale, la Cour peut, à sa discrétion, suspendre
les procédures dans toute affaire ou question,
50. (1) .. .
a) au motif que la demande est en instance devant un autre
tribunal ou une autre juridiction; ou
b) lorsque, pour quelque autre raison, il est dans l'intérêt de
la justice de suspendre les procédures.
La charte-partie a été conclue en Allemagne,
pour un voyage unique, d'un port chilien jusqu'au
port de Québec. Elle a été conclue par l'appelante,
Patmos Navigation Company, une société chy-
priote, propriétaire du navire Seapearl, immatri-
culé à Chypre, et l'intimée, une société ayant sa
principale place d'affaires au Chili. Aucune des
parties n'a une place d'affaires au Canada ou en
Angleterre, ni quelque autre lien.
Le navire a embarqué une cargaison de 10 395,7
tonnes métriques de concentrés de cuivre, en vrac,
à Tocopilla, au Chili, puis a fait route vers Québec
où, le 27 novembre 1981, il était saisi à la demande
de l'intimée, au cours d'une action en dommages-
intérêts du chef d'inexécution de la charte-partie,
fondée sur l'articulation des faits suivants:
a) opérations de chargement irrégulières et con-
traires à la réglementation de l'OMCI, applica
ble en l'espèce au chargement, à l'arrimage, à
l'équilibrage, au transport et au déchargement;
b) déclaration dolosive que le navire pouvait
transporter 10 700 tonnes métriques de concen-
trés de cuivre dans ses cales inférieures;
c) déclaration dolosive que le navire était d'un
seul tenant.
Les dommages réclamés comprenaient les suresta-
ries de chargement et de déchargement, le retard
étant dû apparemment au fait que le navire n'était
pas d'un seul tenant, les frais supérieurs de déchar-
gement qu'il en résulta, ceux entraînés par l'inca-
pacité du navire de transporter une cargaison de
10 700 tonnes métriques et, enfin, la valeur des
304,3 tonnes de cargaison qu'on n'avait pu expé-
dier. Le navire fut libéré le 7 décembre 1981
lorsque les appelants fournirent une lettre de
garantie de la Banque de Montréal, se soumirent à
la compétence de la Cour fédérale du Canada et
s'engagèrent à payer, jusqu'à une certaine somme,
tout jugement de la Cour prononcé sur la demande
ou, jusqu'à la même somme, le montant de toute
transaction (au sens juridique étroit). Une fois
mainlevée accordée de la saisie, le navire fut aussi-
tôt livré à un acheteur.
Entre-temps, après la saisie du navire, l'appe-
lante Patmos avait nommé un arbitre à Londres.
Afin d'empêcher que ne soit acquise la prescription
de sept jours prévue par la législation anglaise sur
l'arbitrage et conserver le droit de nommer un
arbitre, l'intimée, le 8 décembre 1981, nommait
elle aussi son arbitre, tout en lui donnant pour
instruction de ne pas agir (il n'en avait pas le
mandat) tant que l'instance en Cour fédérale ne
serait ni réglée, ni terminée. On me permettra ici
une digression: l'affidavit qu'ont déposé les appe-
lants afin de soutenir leur requête en sursis d'ins-
tance, après avoir cité la clause 17 de la charte-
partie, comporte l'affirmation suivante:
[TRADUCTION] 9. M. G.M.S. Molfetas, conseil juridique des
défendeurs en Grèce, m'informe, ce que je crois avéré, que,
conformément à la clause 17, la demanderesse a nommé son
arbitre à Londres, M. Clifford A.L. Clark, et les défendeurs le
leur: M. A.J. Kanzantzis;
Cela laisse croire que c'est l'intimée qui se serait
prévalue de la clause d'arbitrage, alors que, si l'on
peut dire que celle-ci a été invoquée au sujet de la
réclamation de l'intimée—par opposition à la
demande que fait valoir dans l'instance arbitrale
l'appelante Patmos—c'est l'appelante Patmos qui
a demandé l'arbitrage et ce, après que l'action en
Cour fédérale a été intentée et le navire saisi.
L'espèce n'en est donc pas une dans laquelle l'inti-
mée aurait, pour une fin vexatoire, engagé une
instance sur le même fondement dans deux
juridictions.
Quelque deux mois plus tard, les appelants ont,
par requête, demandé de surseoir à l'action parce
que [TRADUCTION] «une autre juridiction a été
saisie de la demande et qu'il est dans l'intérêt de la
justice que l'on sursoie à ladite instance». L'affida-
vit précité appuyait la requête. Outre les prélimi-
naires, qui ne sont pas contestés, et l'alinéa relatif
à la nomination des arbitres, il contient ce qui suit:
[TRADUCTION] 10. Le capitaine C. Alexandrou, représentant
des défendeurs à New York, m'informe, et je crois avéré, que le
navire «Sea Pearl» a été construit dans le Sunderland en
Angleterre et soumis à la surveillance de la société de classifica
tion Lloyd's et que, comme l'un des points litigieux en cause
porte sur la description du navire, c.-à-d. que le «Sea Pearl»
aurait été faussement présenté par les défendeurs comme «d'un
seul tenant» (comme l'indiquent les alinéas 12, 13, 14 et 15 de
la déclaration de la demanderesse), des témoins anglais seront
probablement cités à ce sujet, certains experts des constructeurs
sont disponibles en Angleterre, advenant que l'affaire aille en
arbitrage à Londres (Angleterre);
I 1. Le capitaine C. Alexandrou, représentant des défendeurs à
New York m'informe, et je crois avéré, que le navire «Sea
Pearl», alias »Custodian», battait alors pavillon britannique, a
appartenu à Charente S.S. Co. Ltd. d'Angleterre et été géré
par T. & J. Harrison de Liverpool; que, à nouveau, des témoins
des anciens propriétaires et administrateurs pourraient être
cités au sujet du point litigieux mentionné au précédent alinéa
10; et que ces témoins sont disponibles actuellement en Angle-
terre advenant que l'affaire aille en arbitrage à Londres
(Angleterre);
12. La demanderesse soutient aussi dans sa déclaration, notam-
ment dans ses alinéas 4 et 11, que le «Sea Pearl» devait
transporter une cargaison de concentrés de cuivre, laquelle
devait être chargée, arrimée et équilibrée, transportée et
déchargée conformément à la réglementation de l'OMCI; que
ladite cargaison a été transportée contrairement à la réglemen-
tation de l'OMCI, mais que, puisque l'OMC1, c'est-à-dire
l'Organisation intergouvernementale consultative de la naviga
tion maritime, a son siège à Londres (Angleterre), des témoins
seront disponibles pour témoigner à ce sujet, advenant que
l'affaire aille en arbitrage à Londres (Angleterre);
13. Après la saisie du «Sea Pearl» par la demanderesse, les
défendeurs ont fourni à la demanderesse une lettre de garantie
de la Banque de Montréal, comme l'indique la copie de ladite
lettre de garantie jointe aux présentes comme pièce «C»,
annexée à mon affidavit; la demanderesse, advenant qu'elle ait
gain de cause, peut faire homologuer la sentence arbitrale par
votre juridiction et être payée en conséquence;
14. Comme le montre la copie de ladite charte-partie à temps,
annexée aux présentes comme pièce «A» de mon affidavit,
celle-ci n'est pas régie par le droit canadien.
Ces alinéas, selon moi, ne soutiennent que peu
ou prou la requête. Les deux premiers parlent des
témoins qui «pourraient être cités», soit d'abord: les
«experts des constructeurs» concernant le point de
savoir si un navire de 21 ans était d'un seul tenant,
ensuite: les «témoins des anciens propriétaires»
concernant le même point. Ces témoins seraient,
prétend-on, disponibles en Angleterre. On n'indi-
que pas le nombre de témoins qui «pourraient être
cités», ni l'épargne qui serait réalisée si l'affaire
était décidée en Angleterre plutôt qu'au Canada.
En outre, je ne comprends pas quels témoignages
admissibles les témoins que l'on dit disponibles en
Angleterre pourraient fournir lorsqu'il s'agit d'éta-
blir si le chargement, l'arrimage, l'équilibrage, le
transport ou le déchargement de la cargaison ont
été conformes ou contraires à la réglementation de
l'OMCI. D'ailleurs, l'alinéa 13, sa face même,
n'est que l'expression d'une opinion et pourrait, à
dire vrai, être jugé erroné si l'on tient compte de
l'arrêt The Golden Trader'. Quant à l'alinéa 14,
aucune preuve ne vient établir que le droit applica
ble, qu'il s'agisse de la loi anglaise, allemande,
chilienne ou chypriote, diffère du droit canadien.
Un affidavit supplémentaire, déposé le 17
février 1982, l'appui de la requête, comporte, en
annexe, une copie de la lettre du 8 février 1982 que
l'appelante a adressée à l'arbitre qu'elle avait
nommé, portant à sa connaissance, par le menu
détail, la demande que fait valoir l'appelante en
arbitrage, et une copie d'un projet de directives
judiciaires. Cet affidavit, selon moi, n'ajoute rien à
la position de l'appelante. La force de sa position,
et elle n'est pas négligeable, réside dans le fait que
les parties ont convenu dans la charte-partie de
régler tout litige à son sujet par arbitrage, ce qui
en soi crée une forte présomption qu'il faut sur-
seoir à l'action.
Toutefois, il est bien établi en droite qu'une
clause d'arbitrage dans une charte-partie n'enlève
pas à la Cour sa compétence de connaître d'une
demande du chef d'inexécution de la charte-partie.
Engager une action n'est pas en soi enfreindre la
charte-partie ni la clause d'arbitrage qui y est
stipulée. Recourir aux tribunaux est un droit que
tous possèdent, y compris celui qui a convenu d'un
autre règlement; la seule question qu'une telle
convention pose à la Cour est de décider si dans le
cas d'espèce, la partie adverse l'exigeant, le
demandeur doit soumettre le litige au mode de
règlement convenu. Les tribunaux s'inclinent géné-
ralement; mais ils n'accordent cependant pas de
sursis, ni ne déclinent leur compétence, dans cer-
tains cas diversement qualifiés [TRADUCTION]
' [1975] 1 Q.B. 348.
2 Bristol Corporation v. John Aird & Co., [1913] A.C. 241,
lord Moulton à la p. 256 et citations 3, 4, 5, 6 et 7 infra.
«d'impérieux» 3 , «d'exceptionnels» 4 ou de cas où
[TRADUCTION] «le poids des arguments penche
fortement» 5 en faveur d'autoriser l'action à suivre
son cours. La jurisprudence qui suit fournit des
exemples de motifs justifiant de refuser le sursis.
Dans l'espèce navire «Athenee» 6 , lord Bankes,
juge, résume l'affaire comme suit [à la page 6]:
[TRADUCTION] Je crois que l'éminent juge était justifié, vu
les pièces au dossier, de refuser d'exercer son pouvoir discré-
tionnaire. Il est constant que ce contrat est d'un genre pour
lequel un juge des tribunaux de notre pays a le pouvoir discré-
tionnaire de décider de surseoir ou non à l'action afin de
permettre aux parties de saisir la juridiction qu'elles ont choi-
sie. L'éminent juge, à mon avis, peut tenir compte de toutes les
circonstances, particulièrement du fait que le navire était sous
saisie et que le litige portait sur l'état des oignons à l'arrivée et
sur l'aptitude du navire à les transporter. Apparemment, une
inspection a eu lieu à laquelle assistaient les représentants des
parties; en outre, les témoins des faits se trouvent tous en ce
pays. Je pense qu'il y a là des éléments amplement suffisants
pour que l'éminent juge, à juste titre, exerce son pouvoir
discrétionnaire comme il l'a fait.
Dans la même espèce, le juge Atkins a dit [aux
pages 6 et 7]:
[TRADUCTION] Je partage cet avis; je voudrais ajouter ceci.
Il s'agit d'une clause par laquelle les parties, bien sûr, ont
convenu de renvoyer tout litige à une juridiction étrangère. Les
tribunaux de notre pays ne sont pas opposés à donner effet à
une telle convention mais elle doit être considérée comme
équivalent à une clause arbitrale.
La question se pose, dans le cas d'une clause où l'on choisit un
tribunal étranger, comme dans une clause où l'on choisit un
tribunal local, de savoir s'il n'existe pas un bon motif de ne pas
y donner effet. Selon moi, d'amples motifs justifiaient le distin-
gué président de ne pas y donner effet en l'espèce. Je crois que
la balance des inconvénients et l'avantage substantiel pour les
demandeurs d'une poursuite dans notre pays (qu'ils ont perdu
en ne pouvant agir par action réelle contre le navire) et bien
d'autres avantages, comme en ce qui concerne la preuve du
dommage, une question que toute juridiction commerciale vou-
drait voir décider, si possible, sur la base des preuves réunies au
moment de l'inspection du navire etc., tous ces motifs me
semblent justifier amplement le docte président d'en être venu à
la conclusion que, dans le cas d'espèce, la clause convention-
nelle ne devait pas recevoir effet.
3 The «Fehmarn.., [1957] 1 Lloyd's Rep. 511 (P.D.A.), le
juge Willmer à la p. 514.
4 YTC Universal Ltd. v. Trans Europa, [1973] 1 Lloyd's
Rep. 480 (C.A.), le lord juge Denning à la p. 481.
5 The ..Adolf Warski» and The ..Sniadecki», [1976] 1
Lloyd's Rep. 107 (Q.B.), le juge Brandon à la p. 112.
6 Owners of Cargo Ex «Athenee„ v...Athenee., [1922] 11 LI.
L. Rep. 6 (C.A.).
Dans l'espèce The «Fehmarn», le juge Willmer
(tel était alors son titre) présente la chose comme
ceci [à la page 514]:
[TRADUCTION] Lorsqu'il est expressément convenu de saisir
une juridiction étrangère, manifestement il faut des motifs
impérieux pour que le tribunal passe outre à cette convention et
autorise la poursuite de la procédure engagée dans notre pays.
Mais, en fin de compte c'est, et ce doit nécessairement être,
affaire du pouvoir discrétionnaire de la Cour, compte tenu du
cas d'espèce. Cela étant, je ne crois pas qu'il soit profitable de
mentionner par le menu détail toute la jurisprudence qu'on m'a
citée où le principe que je viens de tenter d'énoncer a été répété
à satiété, le pouvoir discrétionnaire de la Cour y étant exercé
dans un sens ou dans l'autre selon le cas d'espèce.
Après avoir discuté des faits et des arguments
avancés par les deux parties, il poursuit [aux pages
515 et 516]:
[TRADUCTION] J'ai déjà dit ne pas trouver la question facile
à résoudre. On serait porté à dire: la convention fait la loi des
parties; elles doivent la respecter. En outre, je crois qu'il est
juste de penser que la Cour doit présumer, et d'ailleurs je
présume, que les installations nécessaires à l'instruction de
l'affaire existent également en Russie et dans notre pays; les
parties auront droit en Russie à un procès tout aussi impartial
qu'ici. Mais, cela étant admis, finalement, j'en suis venu à la
conclusion que les demandeurs ont suffisamment motivé le
renversement de la présomption, suffisamment selon moi pour
leur donner droit de se prévaloir de la compétence incontestée
de notre juridiction en la matière.
Au vu de la correspondance des avocats, je dois dire que je ne
peux m'empêcher de penser que les défendeurs ne désirent pas
réellement voir l'affaire instruite en Russie. Ils ont déjà, au
cours de cet échange de correspondance, exprimé leur accepta-
tion, à certaines conditions, d'un règlement de l'affaire dans
notre pays; on ne peut s'empêcher de soupçonner que la fin
principale qu'ils recherchent n'est pas un procès en Russie, mais
bien, tout simplement, de rendre plus difficile aux demandeurs
l'exercice de leur recours.
En disant cela, je ne désire pas que l'on pense que je fais
mien l'argument, présenté au nom des demandeurs, selon lequel
les défendeurs seraient de mauvaise foi. Je ne veux pas que l'on
pense que ces commentaires concernent la bonne foi des défen-
deurs. Ils avaient droit, pour se défendre, d'employer tous les
moyens à leur disposition. Celui choisi en l'espèce est parfaite-
ment légitime. Mais le fait demeure que si je devais surseoir à
l'instance déjà engagée, je pourrais priver les demandeurs de
tout recours. Ce n'est pas comme si le navire des défendeurs
était russe ou appartenait à une organisation domiciliée en
Russie. Il semble n'y avoir aucune garantie possible que, si
j'ordonne le sursis, de façon à permettre aux demandeurs,
d'engager une instance alternative en Russie, le jugement
obtenu ait quelque valeur. Certes, on peut tout aussi bien dire
que le navire étant allemand et n'ayant pas encore été saisi, il
peut éviter notre pays et, par le fait même, toute saisie; rien ne
garantit dans les circonstances, que le jugement obtenu dans
notre pays puisse être exécuté. Mais le fait demeure qu'à tout le
moins une instance a été engagée dans notre pays. Si j'y
surseois, laissant aux demandeurs le soin de recommencer en
Russie, des frais auront été dépensés en vain, il y aura nécessai-
rement retard et je crains que si les témoins des demandeurs
doivent se rendre en Russie, cela nécessite des débours supplé-
mentaires considérables pour obtenir gain de cause.
Tout cela, je pense, suffit à me justifier de conclure, comme
je l'ai déjà dit, que les demandeurs se sont amplement déchar-
gés du fardeau de preuve qui pesait sur eux.
Comme troisième exemple, il y a l'espèce The
«Adolf Warski» 7 , espèce dans laquelle une sûreté
avait été fournie en garantie de la demande, indé-
pendamment du lieu où le jugement serait obtenu.
Les trois juges de la Cour d'appel jugèrent que
c'était à bon droit que le premier juge, exerçant
son pouvoir discrétionnaire, avait refusé le sursis,
vu surtout la facilité d'obtenir le témoignage des
inspecteurs de la cargaison en Angleterre. Sir
Gordon Willmer, après avoir mentionné les nom-
breux facteurs invoqués, déclara [à la page 249]:
[TRADUCTION] La plupart de ces facteurs ont paru au
distingué juge, à bon droit je crois, d'un poids égal. Mais, à son
avis, le facteur le plus important à considérer était celui de la
preuve à administrer à l'appui des prétentions de chaque partie,
afin d'assurer une instruction équitable du litige. Lors de son
déchargement, la cargaison, a-t-il rappelé, avait été inspectée
par les inspecteurs, anglais, des deux parties. Les deux parties
avaient aussi engagé des pathologistes, anglais, spécialistes des
fruits, pour faire une expertise sur la cause du dommage.
L'éminent juge pensa, tout à fait à bon droit je crois, qu'il serait
probablement nécessaire de citer au moins quatre experts
anglais. Ce serait facile si l'instruction avait lieu en Angleterre;
ce le serait beaucoup moins, sans parler des débours considéra-
bles qu'il faudrait engager, si ces messieurs les experts anglais
devaient se rendre en Pologne pour témoigner. Il ne leur serait
pas facile non plus de présenter une expertise de ce genre
devant une juridiction étrangère, par l'intermédiaire d'interprè-
tes. En outre, comme le fait remarquer le docte juge dans le
passage de son jugement que j'ai cité, si les défendeurs main-
tiennent le moyen de défense qu'on fait maintenant valoir en
leur nom, il pourrait s'avérer nécessaire de citer des témoins
chiliens au sujet de l'état de la cargaison lors du chargement et
des instructions qu'auraient données les chargeurs sur les tem-
pératures à conserver en cours de voyage. Quant aux difficultés
d'obtention de visas pour ces témoins, pour la Pologne, la
preuve administrée semble extrêmement vague. Mais, certaine-
ment, aucune difficulté semblable ne se poserait si ces témoins
devaient venir en Angleterre pour témoigner.
Ces diverses considérations bien pesées, l'éminent juge
énonça sa conclusion (à la p. 112 du recueil [1976] 1 Lloyd's
Rep.) comme suit:
Je reconnais que les arguments au sujet de la preuve à
administrer ne sont pas univoques. Néanmoins, lorsque la
7 The ..Adolf Warski» and The «Sniadecki», [1976] 2
Lloyd's Rep. 241 (C.A.) à la p. 249.
possibilité, la convenance et les frais à engager pour soumet-
tre à un tribunal la preuve principale nécessaire pour permet-
tre d'adjuger les demandes en toute équité ont été considérés
sous tous leurs aspects, la balance penche en faveur d'un
procès en Angleterre plutôt qu'en Pologne.
Pour cette raison, le docte juge arriva à la conclusion qu'indé-
pendamment de la question de la prescription polonaise, la
Cour, exerçant son pouvoir discrétionnaire, devait refuser le
sursis et laisser les actions suivre leurs cours en Angleterre.
Je serais peut-être arrivé à la même conclusion si j'avais siégé
en première instance; peut-être que non. Comme je l'ai déjà dit,
les arguments en faveur d'un point de vue ou de l'autre me
semblent s'équilibrer. Mais je ne pense pas que l'on puisse nier
l'abondance des pièces sur lesquelles le docte juge pouvait, à
bon droit, arriver à juger. En tous les cas, je suis bien incapable
de dire qu'il a exercé à tort manifestement son pouvoir discré-
tionnaire. C'est pourquoi je reconnais que sa décision devrait
être confirmée et l'appel rejeté.
En l'espèce en cause, l'intimée a déposé un
affidavit comportant, outre une référence à la
charte-partie, les alinéas suivants:
[TRADUCTION] 4. Comme l'indique l'alinéa 9 de la déclaration
produite en l'action le 22 novembre 1981, la demanderesse
soutient qu'à son arrivée à Québec le navire était surchargé, ce
qui va exiger pour être établi le témoignage de témoins oculai-
res de la ville de Québec;
5. Comme l'indiquent les alinéas 12 à 15 de ladite déclaration,
la demanderesse soutient qu'il y a manquement à l'avenant n°
29 de la charte-partie, annexée à l'affidavit de M° Savard
comme pièce «A», en ce que le navire n'était pas «d'un seul
tenant», point qui va exiger, pour être établi, le témoignage de
témoins québécois;
6. Comme l'indique l'alinéa 16 de ladite déclaration, la deman-
deresse soutient aussi qu'il y a manquement à l'ajout n° 29 en
ce que la cargaison n'a pas été arrimée comme convenu dans les
cales inférieures du navire, autre point qui va exiger, pour être
établi, le témoignage d'habitants de la ville de Québec;
7. Comme l'indique l'alinéa 5 de ladite déclaration, la deman-
deresse prétend qu'il y a eu expédition d'une cargaison moindre,
contrairement au même avenant 29 de la charte-partie à temps;
j'ai personnellement connaissance du fait que les deux parties à
l'action ont nommé des inspecteurs locaux, habitant la ville de
Québec, pour vérifier ces prétentions, les défendeurs ayant
nommé M. Louis Rhéaume et la demanderesse, M. René
Laroche;
8. Comme l'indiquent les alinéas 20 et 21 de la déclaration, la
demanderesse soutient avoir éprouvé des difficultés de déchar-
gement et d'équilibrage à Québec, point qui va exiger le
témoignage de nombreux habitants de la ville de Québec
employés comme aconiers à bord du navire, au port de Québec;
9. Comme l'indique l'alinéa 21 de ladite déclaration, est aussi
en cause la question des coûts excessifs du chargement au Chili;
Mme Lise Martel, agent de voyage enregistré de la firme
Voyage 2000 de la ville de Québec, que je suis fondé à croire,
affirme que le prix aller-retour pour faire venir un témoin du
Chili jusqu'à Québec est d'environ 1 500 $ CAN; envoyer le
même témoin à Londres coûterait 1 600 £, soit plus du double;
je crois avéré ce que dit M" 1 C Martel car il s'agit d'un agent de
voyage indépendant, n'ayant aucun intérêt en l'instance;
10. Somme toute, la majeure partie des preuves qu'il faudra
administrer pour étayer la demande de la demanderesse est
réunie à Québec; cette ville est en outre d'un accès plus facile
pour la réunion des autres preuves; en conséquence, un procès
au Canada serait relativement plus avantageux et moins cher;
11. Comme l'indique l'avenant 29 de la charte-partie à temps,
annexée à l'affidavit de Me Savard, le «SEAPEARL» a été
construit il y a 21 ans;
12. Comme l'indique l'alinéa 10 de la déclaration, la demande-
resse fait valoir qu'il y a eu infraction à la réglementation de
l'O.M.C.I., une réglementation internationale qui n'exige
qu'une interprétation judiciaire, ce qui sera demandé à la Cour;
13. Comme le montre un examen de ladite charte-partie à
temps, annexée à l'affidavit de Me Savard comme pièce «A»,
aucune clause ne stipule que la Cour devra appliquer le droit
d'un État étranger;
14. Comme l'indiquent les alinéas 3 et 4 de l'affidavit de Me
Savard, les parties n'ont aucun lien que ce soit avec
l'Angleterre;
15. Dans son affidavit, Me Savard affirme, à l'alinéa 9, que la
demanderesse a nommé M. Clifford A.L. Clark comme arbitre
alors que, en fait, après que les défendeurs aient nommé leur
arbitre, j'ai personnellement communiqué avec M. Clark afin
de suspendre la prescription de l'article 7 du Arbitration Act,
1950 d'Angleterre, lequel porte que subséquemment à la nomi
nation d'un arbitre, la partie adverse doit nommer le sien dans
les 7 jours, à peine de déchéance de son droit de le faire; en
conséquence, M. Clark n'a été choisi que conditionnellement
pour agir comme l'arbitre de la demanderesse, uniquement au
cas où la Cour refuserait d'exercer sa compétence matérielle,
comme l'indique la copie de la communication télex intervenue
entre M. Clark et moi-même, annexée aux présentes comme
pièce «A» de mon affidavit;
16. Comme l'indique la lettre de garantie annexée à l'affidavit
de Me Savard comme pièce «C», la banque des défendeurs
s'engage à indemniser la demanderesse; toutefois, trois points
de cette lettre méritent qu'on s'y arrête: d'abord la banque des
défendeurs se soumet à la compétence de la Cour fédérale du
Canada uniquement (première clause de ladite pièce «C»);
ensuite la garantie ne s'applique qu'à un jugement définitif «au
fond» qu'aura rendu cette juridiction (clause 3 de ladite pièce
«C»); enfin la garantie ne s'applique qu'à une transaction, au
sens étroit, ou règlement, entre les parties «en ladite instance»
(clause 3 de ladite pièce «C»);
17. Notre firme a consenti à donner mainlevée de la saisie du
navire «SEAPEARL» compte tenu de la lettre de garantie
annexée à l'affidavit de Me Savard uniquement; comme l'indi-
que l'alinéa ci-dessus, la lettre n'a aucun effet dans le cas d'une
sentence arbitrale ou d'une transaction, au sens étroit, interve-
nue en cours d'arbitrage; il s'ensuit que l'instance arbitrale
privera la demanderesse de la sûreté garantissant sa créance.
En rejetant la demande des appelants, le docte
juge de première instance a versé au dossier les
motifs suivants:
[TRADUCTION] Certains témoins sont à Londres, d'autres ici;
d'ailleurs, si la demanderesse a acquiescé à l'arbitrage à Lon-
dres, ce fut sous condition et afin de réserver ses droits là-bas,
tout en indiquant qu'elle désirait agir devant la Cour fédérale.
La demande reconventionnelle que la défenderesse a présentée
pour arbitrage à Londres peut aussi être instruite ici. La lettre
de garantie précise que la demanderesse invoque la compétence
matérielle de la Cour fédérale (ce qui naturellement ne saurait
lier la défenderesse). Certes, il appartient à la demanderesse
d'établir que l'instance devrait suivre son cours et non l'arbi-
trage le sien à Londres; mais la balance des inconvénients
penche apparemment en ce sens. Dans l'exercice de mon pou-
voir discrétionnaire, je rejette donc la requête de la défende-
resse en sursis d'instance, avec dépens.
En appel, les avocats ont, à bon droit, rappelé la
nécessité de motifs impérieux ou exceptionnels,
d'une situation injuste, pour que les parties puis-
sent être libérées de leur obligation de respecter la
clause de leur contrat stipulant l'arbitrage, clause
dont la simple consultation montre, puisqu'on a
modifié le texte imprimé de la formule pour substi-
tuer Londres à New York, que les parties en ont
discuté et l'ont considérée comme un élément
essentiel du contrat intervenu entre elles.
Il y aurait beaucoup à dire à ce sujet, particuliè-
rement quand on se souvient que les parties ont
choisi un arbitrage dans un pays avec lequel elles
n'avaient aucun lien. Mais, tout en donnant à cet
argument le poids qu'il doit avoir, on ne m'a
convaincu ni que le docte juge de première ins
tance ignorait la force de la position des appelants
ni qu'il ne pouvait arriver à la conclusion à laquelle
il est arrivé, compte tenu du dossier dont il était
saisi. En outre, je ne trouve dans ses motifs, si
laconiques et lapidaires soient-ils, rien qui per-
mette de réformer son ordonnance.
La preuve administrée au sujet de la disponibi-
lité des témoins nécessaires et au sujet des débours
à engager à cet égard favorise fortement, à mon
avis, la position de l'intimée. La plupart des
témoins dont on aura besoin se trouvent à Québec.
Les inspecteurs des deux parties y sont. Les frais
de transport des témoins chiliens jusqu'à Québec
seraient considérablement moindres que ceux de
leur transport à Londres. Il se peut que soient
nécessaires aussi certains témoins vivant à Lon-
dres, mais le distingué juge du fond n'ignorait pas
cela; aussi je dois présumer qu'il a apprécié de quel
côté penchait la balance. Il a mentionné le fardeau
qui pèse sur l'intimée et la balance des inconvé-
nients, comme l'avait fait le lord juge Atkins dans
l'espèce navire «Athenee». Dans le contexte, celui
des motifs du docte premier juge, je ne pense pas
que cette mention de la balance des inconvénients
doive être interprétée comme signifiant autre chose
que, tout compte fait, l'intimée a démontré ses
prétentions et a fait pencher la balance en faveur
d'un refus du sursis.
Le docte premier juge a aussi mentionné la
lettre de garantie dans une phrase qui ne nous
permet pas de connaître le poids qu'il lui attribuait
ni son opinion au sujet de la sûreté obtenue par
l'intimée lorsque mainlevée de la saisie du navire a
été accordée. À mon avis, le fait que l'intimée,
ayant licitement obtenu cette garantie, puisse la
perdre si l'on surseoit à l'action, confirme la con
clusion du premier juge et est en lui-même un
motif impérieux de refuser le sursis. Le navire
ayant été vendu par l'appelante, l'intimée ne peut
obtenir aucune autre sûreté ni non plus le paie-
ment de sa créance en saisissant le navire dans
notre pays ou ailleurs, après l'arbitrage; or rien
dans le dossier n'indique que l'appelante possède
des biens quelconques, au Canada ou en Angle-
terre, à même lesquels l'intimée pourrait recouvrer
le paiement d'une sentence arbitrale éventuelle-
ment rendue en sa faveur.
Je rejetterais l'appel avec dépens.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE PRATTE: Par jugement, la Division de
première instance a refusé de surseoir à l'action
qu'avait engagée l'intimée contre l'appelante.
Appel est formé de ce jugement.
L'appelante, Patmos Navigation Company, est
une société dont la principale place d'affaires est
Limassol, à Chypre; elle est propriétaire du navire
Seapearl immatriculé à Chypre. L'intimée, Seven
Seas Dry Cargo Shipping Corporation, a sa princi-
pale place d'affaires à Santiago (Chili). Ni l'appe-
lante, ni l'intimée n'ont un lien quelconque avec le
Canada.
Conformément à une charte-partie à temps, con-
clue à Hambourg, en Allemagne fédérale, le 14
octobre 1981, l'appelante Patmos prêta son navire
à l'intimée pour un voyage allant de Tocopilla, au
Chili, à la ville de Québec. Le navire devait trans
porter [TRADUCTION] «une cargaison de concen-
trés de cuivre à charger, arrimer et équilibrer,
transporter et décharger, conformément à la régle-
mentation de l'OMCI». La charte-partie garantis-
sait que le navire pouvait [TRADUCTION] «charger
et transporter 10 700 tonnes métriques de concen-
trés de cuivre dans ses cales inférieures». Elle
comportait aussi une clause d'arbitrage, la voici:
17. Qu'advenant que surgisse un litige entre les propriétaires et
les affréteurs, celui-ci sera soumis à trois arbitres à Londres,
chaque partie en nommant un, le troisième l'étant par les deux
premiers; leur décision, ou celle de deux d'entre eux, sera
définitive et, afin de rendre exécutoire toute sentence arbitrale,
la présente convention peut être homologuée. Les arbitres
devront être membres du «Baltic Exchange».
L'arrivée du navire à Québec fut suivie d'un
litige entre les parties. D'après l'intimée, le Sea-
pearl ne possédait pas les caractéristiques que
décrivait la charte-partie et, pour cette raison,
avait transporté une cargaison moindre, à un coût
plus élevé. L'intimée engagea donc une action en
Division de première instance, réclamant
413 109,46 US de l'appelante en dommages-inté-
rêts pour inexécution de la charte-partie; elle fit
aussi saisir le Seapearl. Cette instance. fut intentée
le 27 novembre 1981.
Le ler décembre 1981, l'appelante, se fondant
sur la clause 17 de la charte-partie, demanda
l'arbitrage du litige et nomma M. Kazantzis
comme arbitre. Quelques jours plus tard, l'intimée,
Seven Seas, nommait M. Clark comme son arbitre,
au cas où l'on surseoirait à l'instance engagée en
première instance.
Le 7 décembre 1981, l'avocat de l'appelante a
remis à l'avocat de l'intimée une lettre de garantie
de la Banque de Montréal; en conséquence, l'inti-
mée a consenti à donner mainlevée de la saisie du
navire de l'appelante.
Peu de temps après, l'appelante demanda à un
juge de la Division de première instance de sur-
seoir à l'action, motif pris que la demande en cause
en était une qui, d'après la clause 17 de la charte-
partie, devait être décidée par arbitrage, à Lon-
dres. Le juge rejeta la requête par l'ordonnance
que voici:
ORDONNANCE
Certains témoins sont à Londres, d'autres ici; d'ailleurs, si la
demanderesse a acquiescé à l'arbitrage à Londres, ce fut sous
condition et afin de réserver ses droits là-bas, tout en indiquant
qu'elle désirait agir devant la Cour fédérale. La demande
reconventionnelle que la défenderesse a présentée pour arbi-
trage à Londres peut aussi être instruite ici. La lettre de
garantie précise que la demanderesse invoque la compétence
matérielle de la Cour fédérale (ce qui naturellement ne saurait
lier la défenderesse). Certes, il appartient à la demanderesse
d'établir que l'instance devrait suivre son cours et non l'arbi-
trage le sien à Londres; mais la balance des inconvénients
penche apparemment en ce sens. Dans l'exercice de mon pou-
voir discrétionnaire, je rejette donc la requête de la défende-
resse en sursis d'instance, avec dépens.
La Cour statue maintenant sur l'appel interjeté
de cette ordonnance.
Les engagements conventionnels par lesquels les
parties conviennent de soumettre leur litige à une
juridiction étrangère ou à l'arbitrage n'ont pas
pour effet de priver la Cour fédérale de sa compé-
tence à ce sujet. Toutefois, lorsqu'une instance est
engagée contrairement à un tel engagement, la
Cour détient le pouvoir discrétionnaire d'ordonner
de surseoir à la procédure. L'alinéa 50(1)b) de la
Loi sur la Cour fédérale confère à la Cour le
pouvoir discrétionnaire de suspendre une instance
lorsque «il est dans l'intérêt de la justice de suspen-
dre les procédures». En règle générale, il est certai-
nement dans l'intérêt de la justice que les engage
ments conventionnels soient honorés.
Il est bien établi qu'une juridiction d'appel,
saisie d'une décision discrétionnaire d'un juge de
première instance portant sur une requête en sursis
d'instance, motif pris de convention par les parties
de soumettre leur litige à un arbitrage ou à une
juridiction étrangère, doit confirmer la décision du
premier juge [TRADUCTION] «à moins qu'elle soit
mal fondée ou manifestement erronée» 8 .
Sur quelle base, en vertu de quel principe, le
juge saisi de la requête a-t-il exercé son pouvoir
discrétionnaire en l'espèce? Selon moi, l'ordon-
nance aurait été rendue en prenant pour acquis
qu'il fallait surseoir à l'instance engagée en Divi
sion de première instance à moins qu'il ne paraisse
plus pratique de résoudre le litige séparant les
parties devant une juridiction canadienne plutôt
qu'en arbitrage à Londres. En d'autres mots, le
juge s'est fondé pour statuer sur la simple balance
des inconvénients. Ce faisant, il a appliqué un
principe erroné selon moi. A priori, une requête en
sursis d'instance engagée en Cour fédérale, con-
trairement à l'engagement de soumettre le litige à
8 The f.Adolf Warski. and The «Sniadecki., [1976] 2
Lloyd's Rep. 241 (C.A.), lord Cairns, juge, à la p. 245.
l'arbitrage ou à une juridiction étrangère, devrait
être accueillie car, en règle générale, on doit res-
pecter ses engagements. Pour écarter cette règle, il
faut [TRADUCTION] «des motifs impérieux»,
c'est-à-dire des motifs permettant de conclure qu'il
ne serait ni raisonnable ni juste, dans le cas d'es-
pèce, de forcer la demanderesse à respecter sa
promesse et de donner effet au contrat conclu avec
la défenderesse. C'est le principe qu'on applique
maintenant en Angleterre» et aux Etats-Unis 10 ;
c'est aussi à mon avis le principe que doit appli-
quer notre juridiction.
La décision entreprise ayant été fondée sur un
principe erroné, il est nécessaire que la Cour statue
sur l'existence ou non, dans le cas d'espèce, de
motifs impérieux de ne pas respecter la clause
d'arbitrage. L'intimée invoque quatre circons-
tances, qui constitueraient selon elle des «motifs
impérieux», de ne pas respecter la clause
d'arbitrage:
1. Plusieurs des témoins habitent Québec;
2. l'appelante (défenderesse en première ins
tance) a saisi les arbitres d'une demande recon-
ventionnelle qui ne peut être tranchée par
arbitrage;
3. l'intimée a engagé son action devant la Divi
sion de première instance avant que ne soit
intentée la procédure d'arbitrage et, lorsque cel-
le-ci l'a été, n'a nommé un arbitre que
conditionnellement;
4. l'intimée serait privée de sa sûreté si on
devait statuer sur sa demande par arbitrage à
Londres puisque la lettre de garantie de la
Banque de Montréal fournie par l'appelante ne
fait que garantir le paiement des sommes qu'ac-
cordera le jugement de la Cour.
» The «Adolf Warski» and The «Sniadecki», [ 1976] 1
Lloyd's Rep. 107 (Q.B.), confirmée par [1976] 2 Lloyd's Rep.
241 (C.A.); Kitchens of Sara Lee (Canada) Ltd. et al. v. AIS
Falkefjell et al. (The «Makefjell»), [1975] 1 Lloyd's Rep. 528
(Q.B.); [1976] 2 Lloyd's Rep. 29 (C.A.); Owners of Cargo
Lately Laden on Board The Ship or Vessel Eleftheria v. The
Eleftheria (Owners), [1969] 2 All E.R. 641; [1969] 1 Lloyd's
Rep. 237 (Adm.); The «Fehmarn», [1957] 2 All E.R. 707
(P.D.A.); [1958] 1 All E.R. 333 (C.A.).
10 Zapata Offshore Co. v. The «Bremen» and Unterweser
Reederee C.M.B.H. (The Chaparrall), [1972] 2 Lloyd's Rep.
315 (U.S. Sup. Ct.).
Je ne pense pas que la présence de plusieurs
témoins à Québec soit très importante en l'espèce.
Certainement, on ne pouvait s'attendre, lorsque la
charte-partie pour le voyage du Chili au Canada a
été signée à Hambourg, que la clause d'arbitrage
ne s'appliquerait qu'aux espèces où la plus grande
partie de la preuve à administrer, sinon toute,
serait présente en Angleterre.
Quant à la demande reconventionnelle que l'ap-
pelante a présentée en l'instance arbitrale, elle
n'ajoute rien, à mon avis, à la cause de l'intimée.
Par cette demande reconventionnelle, l'appelante
réclame de l'intimée le prix de la location du
Seapearl pour la période pendant laquelle le navire
a été saisi ou, subsidiairement, des dommages-inté-
rêts motif pris de saisie irrégulière. L'avocat de
l'intimée a soutenu qu'on ne pouvait saisir les
arbitres de cette demande car, à son avis, on ne
pouvait statuer sur une opposition à la saisie d'un
navire que si, dans l'instance au sujet de laquelle la
saisie avait été faite, ceux à qui la saisie avait porté
préjudice avaient gain de cause. Pour cette raison,
il était préférable que la Cour fédérale statue et
sur la demande de l'intimée et sur la demande
reconventionnelle de l'appelante. Cet argument est
mal fondé. Si la demande reconventionnelle de
l'appelante en est une qui, d'après la clause 17 de
la charte-partie, devait être renvoyée à l'arbitrage,
je ne vois pas pourquoi les arbitres ne pourraient
statuer à son égard.
L'avocat de l'intimée a aussi fait valoir, à l'ap-
pui de sa prétention, soit laisser l'action en Divi
sion de première instance suivre son cours, que
l'intimée avait engagé cette instance avant la mise
en mouvement de l'arbitrage et que, facteur sup-
plémentaire, lorsque ce dernier avait été intenté,
elle n'avait nommé son arbitre que conditionnelle-
ment. Je ne vois pas en quoi cela peut venir en aide
à l'intimée. Tout ce que je saurais en déduire c'est
que l'intimée, par sa conduite, n'a pas tacitement
acquiescé à l'obligation de donner effet à la clause
d'arbitrage.
Enfin, dernier argument, l'avocat de l'intimée
présume que, si l'affaire devait être jugée par des
arbitres étrangers, l'intimée perdrait le bénéfice de
la lettre de garantie fournie par l'appelante pour
obtenir mainlevée de la saisie du navire. L'avocat
de l'appelante répond que c'est là une supposition
gratuite; à son avis, le sursis d'instance en Division
de première instance ne priverait pas l'intimée de
sa sûreté. Je n'en suis pas aussi sûr. Les termes de
la lettre de garantie ne garantissent pas le paie-
ment d'une sentence rendue par une autorité autre
que la Cour fédérale. Et la Cour ne détient peut-
être pas le pouvoir de rendre jugement dans une
instance sur l'unique fondement d'une sentence
arbitrale étrangère. D'ailleurs, de toute façon, s'il
y a sursis en première instance, il se peut que
l'appelante n'ait plus à fournir la garantie donnée
pour obtenir mainlevée de la saisie du navire".
Toutefois, il n'est pas nécessaire de répondre à ces
questions car, à mon avis, même si l'on devait
présumer que le sursis en Division de première
instance aurait pour effet de priver l'intimée de sa
garantie, ce n'est pas là un facteur suffisant, dans
le cas d'espèce, pour justifier de le refuser. Si les
pièces dont nous sommes saisis montrent, ou lais-
sent craindre, qu'en l'absence de sûreté l'intimée
ne pourra obtenir le paiement, le cas échéant, de la
sentence arbitrale, il ne faut pas alors, à mon avis,
refuser le sursis; il faut l'accorder sous la condition
qu'une sûreté alternative, n'ayant aucun lien avec
la Cour, sera fournie pour satisfaire à la sentence
arbitrale. Toutefois, je ne pense pas que la Cour
serait justifiée d'imposer une semblable condition
à l'appelante car rien au dossier n'indique que
l'intimée subira un préjudice réel par suite de la
perte de la sûreté.
Par ces motifs, j'estime que l'intimée n'a pas
réussi à établir l'existence de motifs suffisamment
impérieux pour être dispensée d'exécuter son con-
trat. En conséquence, j'accueillerais l'appel avec
dépens, réformerais la décision de la Division de
première instance et, prononçant la décision qui
aurait dû être prononcée, accueillerais la requête
de l'appelante, avec dépens, et ordonnerais de sur-
seoir à la procédure dans cette affaire jusqu'à ce
que les arbitres, constitués conformément à la
clause 17 de la charte-partie, aient statué sur ce
litige.
* * *
11 Voir The Golden Trader, [1975] 1 Q.B. 348.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE SUPPLÉANT LALANDE: J'ai lu l'opinion
du juge en chef et celle de M. le juge Pratte.
Je souscris à l'énoncé que fait M. le juge Pratte
du principe à appliquer en cette ordonnance, dont
appel, laquelle refuse le sursis demandé conformé-
ment au paragraphe 50(1) de la Loi sur la Cour
fédérale: l'intimée n'a pas démontré de motifs
suffisamment impérieux pour autoriser d'ignorer
la clause d'arbitrage de la charte-partie.
À mon humble avis, la cause de l'intimée est
faible si on la compare aux espèces anglaises men-
tionnées dans les motifs de mes collègues; là, le
sursis d'instance fut souvent refusé afin de permet-
tre aux demandes de suivre leurs cours devant des
juridictions étrangères, conformément aux stipula
tions de connaissements visant des marchandises
livrées à des consignataires en Angleterre, lesquels
étaient parties à l'instance.
En l'espèce, nous sommes saisis d'un litige entre
un propriétaire et un affréteur, tous deux étran-
gers, portant sur la capacité de transport et les
caractéristiques structurelles d'un navire construit
en Angleterre. Le consignataire de la cargaison
livrée à Québec n'est pas partie au litige. La
réglementation de l'Organisation intergouverne-
mentale consultative de la navigation maritime
relative aux transports de concentrés de cuivre est
aussi en cause. Le siège de l'OMCI est à Londres.
Je doute fort qu'il soit nécessaire d'envoyer à
Londres pour l'arbitrage les témoins de Québec.
Quant à la sûreté obtenue par l'intimée à
Québec par suite de la saisie du navire, je ne lui
accorde aucune prépondérance comme motif 12 , car
elle a été obtenue par un comportement qui igno-
rait les stipulations de la charte-partie.
Je disposerais de l'appel comme le propose M. le
juge Pratte.
12 L'expression [TRADUCTION] «motif fortement prépondé-
rant» nécessaire pour réfuter la présomption qu'il y a lieu à
sursis d'instance, comme en l'espèce, est de M. le juge Brandon,
dans la première instance de l'affaire The «Adolf Warski» and
The «Sniadecki», [1976] 1 Lloyd's Rep. 107 (Q.B.), confirmée
par [1976] 2 Lloyd's Rep. 241 (C.A.).
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.